Cancer du sein : exemple de l’Allemagne

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En Allemagne où souvent le pragmatisme règne, l’attitude des pouvoirs publics et des caisses par rapport au dépistage est moins à l’incitation à participer, qu’à la délivrance d’une information éclairée aux femmes. C’est d’ailleurs le maître mot à peu près dans toutes les brochures distribuées aux femmes par ces caisses pour répondre à leurs questions et pour les aider à prendre une « décision informée ».

Mme le Dr Mülhauser, docteure et professeure en sciences de la santé à l’université de Hamburg et également présidente du « réseau allemand de la médecine basée sur les preuves » , nous rappelle des concepts très simples qu’il faut répéter en préambule :

1-le cancer du sein est une cause de mortalité bien plus rare que la collectivité ne le suppose : au total sur 100 femmes, 3 à 4 meurent du cancer du sein contre 45 de maladies cardio-vasculaires, et 20 d’autres cancers.

2-On lit souvent que 30% de femmes en moins mourraient de cancers si elles effectuaient régulièrement leur dépistage. Ce chiffre, au fil des études, est revu à la baisse. Ce que cela signifie est bien plus clair lorsqu’on utilise les données brutes : sur 1000 femmes de la tranche d’âge entre 50 et 69 ans, 8 meurent du cancer du sein en dix ans sans le dépistage, 6 dans le même laps de temps avec le dépistage.

Mathématiquement, 6 femmes au lieu de 8 cela signifie une réduction de mortalité de 25%. Seulement par rapport aux 1000 femmes examinées, la mortalité n’est amoindrie que de 0,2%.....

3-Voilà représentée ci-dessous la phase de « maladie vécue ». Cette phase est prolongée par le dépistage. Pour exemple, une projection sur une femme avec une espérance de vie de 65 ans.

On peut voir que cette femme dépistée n'a pas vécu plus longtemps, par contre elle a vécu 3 ans de plus en sachant qu'elle avait un cancer par rapport à la femme non dépistée. Sa phase de « maladie vécue » a été rallongée de 3 ans. Un gain ?

Dans le plan cancer allemand les choses ont évolué, il ne s’agit plus tellement d’accroître la participation (qui d’ailleurs stagne en France malgré les efforts incessants et outrageusement insistants de la campagne nationale) ; outre-Rhin l’objectif est celui de « l’information éclairée ».

Mme Mühlhauser nous envoie deux exemples de brochures explicatives allemandes qui sont distribuées aux femmes par les deux plus importantes caisses de maladie en Allemagne. Des débats publics sur la balance des bénéfices/risques du dépistage ont lieu régulièrement dans ce pays.

Ces brochures , en préambule, expliquent : les femmes ont de « bonnes » raisons d’aller au dépistage, et de « bonnes » raisons de ne pas y aller.

Ensuite la patiente allemande peut y lire les témoignages de femmes l’ayant choisi et de celles l’ayant refusé. Des renseignements sont dispensés sur la mammographie en général et sur la mammographie spécifique de dépistage, sur l’invitation, la transmission des résultats, sur la dose de rayons délivrée, et sur les autres moyens de dépister. Une interview de Mme Mühlhauser explique les trois concepts simples qui vous sont exposés en début de notre article. Le discours « plus on détecte tôt, mieux c’est » est battu en brèche, données statistiques à l’appui. Dans la brochure on vous explique clairement et simplement les problèmes de surdiagnostic, de surtraitement, et on vous donne les outils pour faire votre balance bénéfice-risque, ce à quoi s’emploient sur ce site vos cinq serviteurs…

On explique aussi clairement pour quelles raisons réellement la mortalité baisse, le mérite n’en revenant pas tant au dépistage même qu’aux améliorations thérapeutiques. Il faut démystifier cette maladie. On vous démontre que partout où le dépistage a été introduit le nombre de cancers traités a été accru de façon importante en raison du traitement des fameux pré-cancers, qui n’auraient pas mis en danger la vie des femmes.

La brochure comprend des pages sur les risques de mortalité par tranche d’âge, sur les différentes formes de cancer, sur les faux négatifs, les faux positifs, les fausses alertes et enfin sur le diagnostic de cancer vrai, vous donne des adresses utiles et la bibliographie complète sur laquelle s’appuie la brochure.

Cet ouvrage a été soumis à la relecture puis avalisé par l’Institut berlinois Max Planck, institut indépendant pour la recherche en science.

Comme vous le constatez, même si les effets adverses graves (coronarite radique, ablation inutile d’un sein, retentissement psychologique grave) la patiente allemande est considérée comme suffisamment mature pour comprendre des données de controverse tout à fait accessibles aux profanes.

Les pouvoirs publics allemands ont abandonné toute velléité d’allonger le dépistage sur d’autres tranches d’âge.

D’après Mme Mühlhauser, il est certain que les programmes de dépistage ainsi que les invitations seront poursuivis en Allemagne, parce que les politiques de la santé ne veulent pas décevoir les attentes des femmes par rapport à la qualité de leur examen, et le dépistage organisé garantit justement l’assurance-qualité à laquelle doivent se soumettre les professionnels du dépistage, surtout les radiologues.

La brochure officielle émise sur le web concernant le « mammo-programme » allemand et émanant de l’union coopérative et de l’union fédérale des caisses, oeuvrant pour la promotion, la coordination et l’évaluation du dépistage respecte l’information loyale et complète. Tous les arguments des détracteurs y sont développés, toutefois à chaque argument la réponse opposée est que la balance bénéfice risque est bonne, qu’il faut continuer en raison d’une assurance qualité sérieuse, et que la précocité de la découverte garantira au moins des traitements allégés. La documentation officielle est donc loyale mais incitative alors que la brochure des deux autres caisses paraît plus objective et permet à la femme de se faire sa propre idée selon ses convictions, car enfin, cette décision n’est pas seulement prise en fonction de données chiffrées, mais aussi en fonction du vécu et de la sensibilité de la femme !

Pour Mme Mühlhauser, la « solution de Salomon », la solution la plus sage donc, ce serait d’obtenir une brochure pour les patientes émanant d’un organisme indépendant qui existe en Allemagne : l’Institut pour la Qualité et l’Economie de la Santé. Cet institut indépendant devrait également être l’éditeur de la brochure d’invitation de la femme au dépistage.

En tous cas en Allemagne on en parle : https://www.aerzteblatt.de/nachrichten/87593/Ueberdiagnosen-bei-Screeningprogrammen-oft-unterschaetzt

Sachez encore que vous pouvez vous procurer des informations statistiques en toutes langues sur le lien : www.cochrane.dk

Pour la version française :

http://www.cochrane.dk/screening/index-fr.htm

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