A qui proposer une mastectomie prophylactique ?

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Synthèse d'un article intitulé « à qui proposer une mastectomie prophylactique » publié dans la revue

Réalités en Gynécologie-Obstétrique- N°185_janvier 2017

Auteurs : A.Kane, CH. Dehghani, E.Vincens

du Service de chirurgie viscérale et gynécologique, Groupe hospitalier Diaconesses Croix Saint-Simon, Paris

 

Les auteurs témoignent des différentes situations auxquelles les cliniciens sont confrontés, et proposent dans cet article une conduite à tenir à propos de la mastectomie prophylactique (de prévention) pour les femmes à haut risque et pour les femmes sans mutation, en se basant sur une revue de la littérature et sur plusieurs études prospectives et de cohortes, mais aussi sur les recommandations officielles, notamment celles de la haute Autrité de Santé.

Les conclusions sont :

  • Pour les patientes porteuses de la mutation génétique (mutation BRCA1 et 2 mais surtout BCRA1), indemnes, surtout pour les jeunes et celles avec histoire familiale chargée, la mastectomie préventive correspond au meilleur moyen de prévention, et doit être discutée avec elles.
  • Pour les patientes porteuses de mutation ou à histoire familiale chargée et qui ont eu un cancer du sein, la mastectomie bilatérale préventive ou controlatérale en cas d’ablation du sein lors du premier cancer semble présenter un intérêt en terme de survie et de diminution de survenue d’un deuxième cancer du sein. Elle est d’ailleurs recommandée par la HAS.
  • Pour les patientes ayant eu un cancer du sein, mais sans risque génétique ni histoire familiale, le bénéfice est très incertain et certainement fortement surévalué. Les auteurs en invoquent les nombreux risques. Elle n’est PAS recommandée.

 

Trois cas de figure sont étudiés :

  1. Demande de mastectomie préventive de patientes avec mutation ou à haut risque.
  2. Demande de mastectomie préventive controlatérale chez ces patientes mutées ou à haut risque familial, ayant eu un premier cancer du sein.
  3. Demande de mastectomie préventive chez des patientes ayant eu un cancer du sein, sans contexte génétique.

 

1-La mastectomie prophylactique (préventive) vraie.

Les gènes incriminés sont BCRA1 et BCRA2. Ils sont responsables de 2 à 5% des cancers du sein, avec un risque individuel allant jusqu’à 85%. Les BCRA1 sont plus agressifs et atteignent plus les femmes jeunes. Les BCRA2 induisent des cancers de meilleur pronostic et ressemblent à ceux de la population générale.

Les recommandations de surveillance sont une mammographie/échographie/examen IRM à un rythme annuel.

Mais il faut savoir qu’il y a toujours 10% de cancers d’intervalle et que la mortalité reste élevée dans ce groupe muté. Il faut considérer aussi l’argument de la toxicité des rayons X sur ce terrain sensible aux facteurs de risque, sur un organe particulièrement radio-sensible, et que l’on va répéter... (NDLR)

Néanmoins la mastectomie préventive est décrite comme la plus efficace chez une femme porteuse de mutation et indemne de cancer, surtout pour celles porteuses du gène BCRA1 et avec une histoire familiale lourde.

Attention, une histoire familiale chargée correspond à des critères précis, il ne s’agit pas d’un seul antécédent lointain ou incertain. On se base en général sur le score d’Eisinger, ci-dessous.(NDLR, cliquez sur image)

Analyse de l arbre généalogique selon le score d Eisinger : Additionner les scores pour chaque branche de la famille. Score > 3. Consultation d oncogénétique. Score < 3. Examen clinique annuel à partir de 25 ans. Dépistage à partir de 50 ans.

 

2-La mastectomie controlatérale chez des femmes mutées et ayant eu un cancer du sein

 Ici le risque de développer un deuxième cancer sur le sein controlatéral est de 10 à 31% à cinq ans en cas de mutation.

Les études citées par les auteurs concluent toutes en faveur d’un intérêt, chez les femmes mutées ou à antécédents familiaux chargés ayant eu un cancer du sein, de la mastectomie controlatérale sur la survie et sur la diminution de survenue de cancer sur l’autre sein, (lequel survient en général dans un délai de 5 ans après le premier épisode).

Il n’y a donc pas de caractère urgent pour ce faire.

 

3-La mastectomie controlatérale dans un cas sporadique, donc sans mutation et sans histoire familiale.

La demande émane la plupart du temps de la patiente, et n’est pas une proposition d’origine médicale. Il y a dans cette démarche un contexte émotionnel particulier et un effet « Angelina Joli » à la suite de la médiatisation de son histoire personnelle.

En tous cas cette déclaration publique a amené à ce que les patientes demandent plus souvent une recherche génétique.

Non seulement il n’y a aucune certitude concernant la réduction du risque de développer un cancer controlatéral mais en plus il y a des risques à y recourir.

Les principaux facteurs de risque d’un cancer controlatéral sont :

  • le jeune âge lors du premier diagnostic,
  • l’histoire familiale chargée,
  • des récepteurs négatifs sur l’examen histologique du premier cancer,
  • l’obésité en serait un,
  • la consommation habituelle d’alcool,
  • le premier cancer de type lobulaire.

Les risques de morbidité, c’est-à-dire les risques de s’exposer à une maladie ou une complication, sont importants et majorés en cas de mastectomie bilatérale (pour une patiente qui a subi une tumorectomie et qui demanderait l’ablation des deux seins), et ce concomitamment à l’absence de bénéfice en terme de survie.

On retrouve une augmentation des risques d’infection, de transfusion et de ré-intervention en cas de mise en place de prothèses.

La survenue de métastases est une préoccupation à prendre en compte. En effet cela dépend d’un équilibre entre le potentiel métastatique de la tumeur et la puissance défensive immunitaire du sujet. Or on sait que la chirurgie induit une immunosuppression, donc un amoindrissement des défenses immunitaires, comme le font aussi le stress, l’inflammation induite par l’agression chirurgicale, la douleur, l’anesthésie.

 

Les auteurs concluent qu’il faut écouter l’anxiété des patientes, leur histoire, appréhender l’impact psychologique, discuter des indications avec elles, opter pour une décision partagée et éventuellement multi-disciplinaire, ou d’un conseil onco-géntique.

 

Bref, avant tout et surtout, ne pas se précipiter…

 

voir aussi :

https://www.cancer-rose.fr/observations-femmes-a-risques/

https://www.cancer-rose.fr/depistage-et-risque-familial-eleve-de-cancer-du-sein/

 

 

 

 

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