Conclusions des revues systématiques favorables au dépistage du cancer du sein et lien d’intérêt financier et professionnel : des preuves flagrantes.

 

Par Dr ANNETTE LEXA

25/05/2017

 

Les fidèles lecteurs et lectrices de Cancer Rose savent que nous présentons ici régulièrement un décryptage des plus récents articles parus dans les plus grandes revues internationales au sujet du dépistage du cancer du sein dont l’intérêt est débattu depuis des décennies, et que certains nomment encore « polémiques » (ici).

Etudes et revues

 

Nous  avons présenté sur ce site  plusieurs études épidémiologiques, anciennes ou récentes, faites sur des cohortes de femmes dans différents pays. Une étude se présente toujours de cette manière : on suit 2 groupes, un groupe de « dépistées » et un groupe de « non dépistées », et , si on a la chance d’avoir eu un bon financement pour mener à terme une étude longue et robuste, pour faire court, à la fin  on compte les points (les mortes et les seins coupés).

Mais toutes les études ne se valent pas. Ainsi certaines présentent des biais méthodologiques (de recrutement, de perdues de vue, de déclaration,…) qui les disqualifient. Ainsi Philippe Autier et son équipe ont démontré que l'étude sur laquelle s’étaient longtemps appuyés les 'prodépistages' était en fait invalidée par des biais méthodologiques. (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4672251/)

Parfois, simplement, le nombre de femmes recrutées dans ces études est tout simplement trop faible et cela diminue la puissance statistique lorsque qu’on veut étendre la conclusion à l’ensemble de la population. Aussi les épidémiologistes - qui sont des gens ayant généralement moins de conflits d’intérêts car travaillant dans des organisations financées par l’argent public - ont développé des méthodes qui leur permettent de reprendre l’ensemble des études. On parle de « méta-analyses ».

On comprend aisément qu’une méta-analyse est souvent plus intéressante qu’une étude, bien qu’elle soit aussi entachée de biais, car il est parfois difficile de réunir des groupes disparates.

Aussi, il y a encore mieux pour un scientifique (médecin, toxicologue, biologiste… ) : c’est la revue systématique. La revue systématique reprend tous les travaux sur le sujet, toutes les études, qu’elles soient faites par modélisation, sur animal, toutes les études faites sur l’Homme, et elle prend en compte aussi toutes les autres données (anatomopathologie, données théoriques sur les processus de cancérogenèse, modes de traitements, effets indésirables, surdiagnostics..). Elle tient compte aussi des articles d’experts ou des revues éditoriales écrites par des leaders d’opinions.

Aussi, il y a une grande pression et une grande tentation d’écrire des revues systématiques car c’est l’outil le plus robuste des décisionnaires en matière de santé et  pour la communauté biomédicale. Vous imaginez bien la suite. Les revues systématiques ont tendance à se multiplier, leurs conclusions  deviennent disparates et cela entretient d’autant le doute.

Systematic Review

 

Dans un récent article publié d’une revue en open access, Systematic Reviews (article Systematic Review), les auteurs ont repris les revues systématiques parues sur le sujet entre 2000 et 2015. Ils ont cherché à vérifier s’il y avait un lien entre conclusion favorable ou défavorable au dépistage et liens d’intérêts déclarés par les auteurs des revues systématiques.

Ils ont sélectionné 59 revues systématiques totalisant 42 auteurs.

D’une manière générale, les auteurs étaient pour 68% d’entre eux des biostatisticiens, des épidémiologistes, des spécialistes de santé publique et pour 32 % des oncologues, des radiologues ou d'autres spécialités médicales. Seules 14% des revues systématiques présentaient leurs liens d’intérêts financiers, ce qui signifie que les chercheurs ont forcément sous-évalué les liens d’intérêts financiers réels.

 

Résultats de l'étude

 

Parmi les revues écrites par des cliniciens, 63 % étaient favorables au dépistage. Elles n’étaient que 32% à être favorables quand elles ont été écrites par des professionnels de santé publique.

Parmi les études dont les auteurs ont déclaré avoir des conflits d’intérêts FINANCIERS, 75% étaient favorables au dépistage.

Parmi les revues systématiques dont les auteurs n’ont rien déclaré (certains ont forcément « omis » de déclarer des liens d’intérêts), 47% étaient favorables, alors que seulement 31% étaient favorables au dépistage dans les revues dont les auteurs ont affirmé qu’ils étaient sans conflit d’intérêt.

Enfin, en ce qui concerne les revues traitant des femmes de 50 à 69 ans (20 conclusions), seulement 27 % des conclusions écrites par des non-cliniciens étaient favorables au dépistage, contre 78% de conclusions favorables si elles étaient écrites par des cliniciens.

 

 

Conclusion

Ce travail a démontré que les revues systématiques sont d’autant plus favorables au dépistage qu’il existe des liens d’intérêts financiers ou professionnels.

 

Et dire qu’on continue d’appeler cela une « polémique »…

 

 

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