La concertation citoyenne de l’INCA sur le futur plan cancer : une mascarade !

Dr M.Gourmelon

Dr C.Bour

17/12/2020

Récemment, l’Institut National du Cancer (INCA) en France a lancé une consultation citoyenne[1], que nous présentions dans un précédent article[2] afin que les Français puissent contribuer aux mesures de lutte contre le cancer proposées par l’INCa pour la prochaine décennie, mais aussi pour que les participants proposent eux-mêmes d’éventuelles idées.

Cette initiative est censée, rapelons-le, aboutir à plusieurs propositions concrètes pour une stratégie décennale de lutte contre le cancer qui sera remise au Gouvernement en décembre ; celui-ci en arrêtera, par décret, son contenu définitif.

Un communiqué de presse vient d’être édité [3], annonçant qu’aux 220 mesures initiales seront rajoutées 11 mesures nouvelles.

Des résultats de participation…enthousiasmants, vraiment ?

Les communicants de l’INCa nous livrent une présentation « victorieuse », mais au regard des chiffres annoncés, cela ressemble bien …. à un « bide » total.

En effet, « l’Institut national du cancer a invité chaque Français à s’exprimer sur le futur de la lutte contre les cancers des 10 prochaines années.« 

C’est donc une consultation nationale qui s’adresse à tous les français.

Considérant qu’il existe 47 millions de français inscrits sur les listes électorales, 2478 ont participé à cette concertation ce qui fait un pourcentage de participation … proche de 0.

« Avec plus de 23 200 votes enregistrés sur la plateforme de consultation et un vote positif allant de 85 % à 95 % sur les axes stratégiques et leurs mesures, la mobilisation de nos concitoyens montre l’intérêt qu’ils portent à cet enjeu majeur de santé publique et leur adhésion massive au projet.« 

« Avec des votes positifs, compris entre 85 % pour l’axe 1 (Améliorer la prévention) et près de 95 % pour les mesures transversales, les participants ont massivement adhéré aux actions présentées dans la proposition de stratégie décennale. Ces résultats montrent l’adéquation entre les objectifs et mesures présentés et les attentes de nos concitoyens« 

Un autre chiffre est avancé : « Aujourd’hui en France, 3,8 millions de personnes ont eu ou vivent avec un cancer. La maladie est présente dans le quotidien des Français (patients, proches, aidants). »

3.8 millions de personnes touchées par le cancer, mais il n’y a bien que 2478 participants effectifs.

Entre 85% à 95% d’approbation pour une participation en chiffres réels aussi faible, n’empêche pas l’INCA de se réjouir dans ce communiqué de presse « triomphal » , ni d’affirmer une «mobilisation de nos concitoyens (qui) montre l’intérêt qu’ils portent à cet enjeu majeur de santé publique et leur adhésion massive au projet ».

Notons que l’élaboration des propositions,  » approuvée à l’unanimité par le Conseil d’administration de l’Institut, le 27 novembre, » s’est faite uniquement au sein de l’INCA et du monde de la santé qui vit du cancer.

La mise en scène de chiffres aussi sensationnels n’est pas sans  rappeler la méthode de comptage chère aux républiques bananières lors d’ élections « bidon » et la mise en scènes de chiffres d’adhésion spectaculaires. Il est toujours bien d’ utiliser des astuces déjà éprouvées.

Le désolant exemple du dépistage du cancer du poumon

« La mesure la plus soutenue enregistre 257 votes (évaluation de la faisabilité d’un dépistage du cancer du poumon) » dit le communiqué de presse.

Hélas nous lisons que  » c’est la mesure qui concerne la recherche sur le tabac et l’alcool qui remporte le moins d’adhésions (49). « 

Il est bien connu à présent que la mesure la plus efficace serait une véritable campagne de prévention sur la consommation d’alcool et de tabac. Si ces deux éléments étaient l’objet d’actions bien plus fortes pour leur réduction on obtiendrait des résultats de santé publique importants, comme le souligne un excellent article récemment paru de John Horgan, journaliste scientifique [4] [5]. Selon l’ auteur, les constatations sont celles d’une augmentation ou d’une baisse des décès par cancer qui suivent l’augmentation et la baisse du tabagisme, avec un décalage de quelques décennies.  Le tabagisme augmente le risque pour de nombreux cancers mais surtout celui du cancer du poumon qui est de loin le plus grand tueur, responsable de davantage de décès que le cancer du côlon, du sein et de la prostate réunis.

On estime que s’il n’y avait eu aucune réduction du tabagisme, il n’y aurait eu pratiquement aucune réduction de la mortalité globale par cancer, ni chez les hommes ni chez les femmes, depuis le début des années 1990.

Si les items de la consultation proposés aux participants contenaient ce genre d’informations, les votes eussent certainement été tout autres.

Les votes se sont portés majoritairement sur le dépistage proposé comme une avancée, mais même ce surplus de voix (257) ne constitue encore pas un chiffre permettant de saluer une « mobilisation et adhésion » faramineuse de nos concitoyens.

Nous ne pouvons qu’établir un parallèle avec le dépistage du cancer du sein ; nous sommes également en butte avec un enthousiasme débridé dans la présentation de « l’efficacité » de ce dépistage, en dépit d’études multiples, certaines très actuelles, de son échec sur la réduction significative de mortalité et de réduction des cancers graves.[6] [7]

Conclusion

Comme nous le pressentions, cette concertation n’est que poudre aux yeux pour laisser croire à une adhésion citoyenne massive alors que celle-ci est quasi nulle.

Des mesures sont formulées et présentées de façon flatteuse, de telle sorte que le citoyen ne puisse qu’adhérer en ayant une impression de mesures en sa faveur, et le communiqué de presse allègue, dithyrambique, une participation démentielle pour une opération qui s’avère un pétard mouillé.

L’INCA avance ainsi tranquillement ses propres volontés d’action [8] et tant pis si c’est en dépit des données de la science qui ne confirment pas l’efficacité de tous les dépistages mis en avant, et que les participants ont été appelés à voter sans aucune préparation ni information scientifique sur des sujets aussi spécifiques.

Mais c’est dans l’air du temps, l’opinion d’un public profane et surtout soigneusement désinformé sur des sujets de santé a le même poids et même davantage que les avis fondés sur la science et plus pondérés d’épidémiologistes ou de scientifiques indépendants. Nous avons pu constater cette tendance à l’envi lors de la communication désastreuse et débridée durant la période de la pandémie Covid 19, et la voilà concrétisée dans le procédé d’une consultation sans aucun intérêt, organisée par un institut public dans un plan cancer déjà décidé, présentée comme philanthropique et comme représentative des désirs de nos concitoyens.

Dans les régimes dictatoriaux, on s’y prend à peu près de la même façon.

Références


[1] https://consultation-cancer.fr/

[2] https://cancer-rose.fr/2020/12/15/inca-une-consultation-citoyenne-pourquoi/

[3] https://consultation-cancer.fr/pages/consultation-resultats-et-apports-citoyens

[4] https://cancer-rose.fr/2020/02/14/lindustrie-du-cancer-battage-mediatique-versus-realite/

[5] https://blogs.scientificamerican.com/cross-check/the-cancer-industry-hype-vs-reality/

[6] https://cancer-rose.fr/2020/07/26/etude-australienne-un-argument-factuel-de-plus-sur-linutilite-du-depistage-mammographique/

[7] https://cancer-rose.fr/2020/08/18/absence-de-benefice-des-mammographies-chez-les-femmes-agees-de-40-a-50-ans-les-resultats-finaux-de-lessai-uk-age-trial-confirment/

[8]  https://consultation-cancer.fr/projects/axe-3-lutter-contre-les-cancers-de-mauvais-diagnostics/consultation/consultation/opinions/1-developper-la-recherche-sur-les-cancers-de-mauvais-pronostic/mesures-proposees/organiser-le-depistage-du-cancer-du-poumon


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