Dépistage : révision de rentrée !

10 septembre 2021

Le 9 septembre 2021, le Professeur Michael Baum a déroulé un fil d'information résumant la problématique du dépistage.
https://threadreaderapp.com/thread/1435559200571146240.html

Michael Baum est professeur émérite de chirurgie et professeur invité en sciences humaines de l'University College London. Il fut initialement artisan de l'instauration de la campagne de dépistage au Royaume Uni, puis en est devenu l'un de ses principaux détracteurs et critiques au vu des inconvénients émergents de ce dispositif de santé. Il est notamment l'auteur de l'étude "Harms from breast cancer screening outweigh benefits if death caused by treatment is included", parue dans le BMJ en 2013, et du livre "The history and mystery of breast cancer", paru en 2019.

Dépistage, révisons. 

"Pour chaque problème complexe, il existe une réponse claire, simple et erronée. (HL Mencken, journaliste américain 1880-1956)"

Cette caricature que M.Baum cite met en lumière à quel point les slogans simplistes ("le dépistage sauve des vies" ; "plus tôt c'est mieux c'est") sont enjoliveurs, séduisants, mais ne correspondent pas à une réalité bien plus complexe.

Pourquoi le dépistage est un échec ?

"Le dépistage échoue car il repose sur une hypothèse erronée selon laquelle la cinétique de croissance est linéaire ou log-linéaire, comme illustré ici."

En effet on a longtemps pensé que la croissance du cancer était mécanique et linéaire, un amas cellulaire devient forcément un nodule plus gros, qui devient forcément envahissant et forcément tuera son hôte si on ne fait rien.

Or le développement cancéreux n'est pas aussi simple, il s'agit plutôt d'un "buisson de possibilités", voir : https://cancer-rose.fr/2019/08/31/comment-se-developpe-un-cancer/

Certains cancers évoluent très vite et sont d'emblée agressifs, dépistés ou non ils sont malheureusement graves d'emblée et ont souvent déjà métastasé lors de leur détection. Souvent d'ailleurs, le dépistage les rate, car leur vitesse de croissance est importante et ils se développent en très peu de temps.

D'autres cancers restent latents du vivant de la patiente, et leur détection est inutile. Ces détections inutiles sont des surdiagnostics, ce sont des lésions qui n'auraient jamais impacté la vie ni la santé des femmes s'ils n'avaient pas été trouvés, le dépistage détecte préférentiellement ces cancers peu ou pas agressifs parce qu'ils ont un temps de séjour très long dans le sein, et cela sans commettre de dommage. Mais dès lors qu'ils sont détectés, ils seront traités comme les cancers agressifs.

M.Baum écrit :

"Les incohérences logiques de ce modèle sont multiples, par exemple : 

1. Les récidives peuvent survenir entre 1 et 25 ans avec un pic de risque relatif à 2 ans après la chirurgie et un deuxième pic plus large à 7-9 ans. 
2. L'amplitude du premier pic reflète des facteurs pronostiques."

En effet, les taux de cancers graves ne baissent pas. Le fait d'opérer de plus en plus petites lésions n'empêche pas les formes plus avancées ni leurs récidives.

Dans les populations dépistées, on assiste toujours à un excédent d'incidence, c'est à dire de nouveaux cas de cancers détectés, excédent de détection sans que la survie ne soit améliorée par rapport aux groupes non dépistés. Cette surdétection concerne les cancers invasifs mais aussi une entité particulière, les carcinomes in situ (CIS). La très grande majorité des CIS a un excellent pronostic, leur détection néanmoins entraîne de facto leur traitement, parfois très agressif par rapport au "danger" qu'ils représentent pour les femmes porteuses.

M Baum explique  :

"Dans les populations dépistées, l'incidence du CCIS augmente de 1 à 20 % sans aucune baisse correspondante dans les « stades ultérieurs ». De plus, le CCIS est souvent multifocal et nécessite une mastectomie, mais les cancers multifocaux invasifs sont très rares."

Concernant la mortalité par cancer, " la bonne nouvelle est que le traitement systémique adjuvant a permis de réduire de près de 50 % la mortalité depuis le bilan de 1985. De plus, la baisse de la mortalité profite aux moins de 50 ans qui ne sont pas invités au dépistage."

En effet les observations épidémiologiques montrent que la décroissance de la mortalité par cancer du sein depuis les années 90 est intervenue au moment des améliorations des traitements, en tous cas est intervenue avant la mise en place des campagnes de dépistage et ne s'est pas accentuée lors de la mise en place des campagnes de dépistage. Cette amélioration de la mortalité par cancer ne peut donc en aucun cas être attribuée au dépistage.

"En revanche, le sur-diagnostic associé au dépistage signifie que de nombreux patients souffrent des effets secondaires toxiques d'un sur-traitement. Nous avons donc un jeu à somme nulle où la rare mortalité due au traitement annule les 1/2 000 décès par cancer évités."

M.Baum cite ici notre visuel à points que vous pouvez retrouver en page d'accueil de notre site Cancer Rose et avec les explications ici : https://cancer-rose.fr/oad/
Ce visuel a été conçu sur la base de la méta-analyse Cochrane et sur l'étude de 2013 de M.Baum.

Théorie du chaos cancéreux

"Nous pouvons expliquer ces incohérences logiques en utilisant le modèle mathématique du système complexe, qui suit les règles de la théorie du chaos. Cela explique les longues périodes de latence à la fois pour la tumeur primaire et ses métastases." 

Extrait d'article

"Enfin", écrit M.Baum,  "pour vous aider à comprendre ce que cela signifie, examinez les prévisions météorologiques. Le temps et le climat sont des systèmes chaotiques très sensibles aux conditions initiales comme le battement d'aile d'un papillon."

Pour conclure,

Si on veut arriver au bout du cancer du sein, maîtriser son "génie" complexe", il nous faut retourner aux fondamentaux, à l'histoire naturelle du cancer, il nous faut la comprendre mieux et comprendre pourquoi et sous quelle impulsion un cancer devient d'emblée agressif et se développe vers une vraie "cancer-maladie", par rapport à d'autres formes qui ne mettront jamais en danger le porteur de cellules cancéreuses.

Car avoir un cancer et être malade du cancer, ce n'est pas la même chose.


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