Nos plaisirs simples

21 avril 2024, traduction et restitution par Cancer Rose

Voici un témoignage de Vinayak K. Prasad ; il est hématologue-oncologue américain, et chercheur en santé. Il est aussi professeur d'épidémiologie et de biostatistique à l'Université de Californie à San Francisco. 

V.Prasad a repris raconte une expérience vécue avec un patient-
"Je dis toujours aux jeunes professeurs que leur contrat ne signifie pas grand-chose et, en effet, j'ai constaté que c'était le cas lorsqu'un professeur en milieu de carrière est parti et que j'ai hérité d'un tiers de ses patients atteints d'un cancer du poumon. Pourtant, comme la plupart des changements cliniques inattendus dans ma carrière, j'ai fini par apprendre des vérités inattendues."

Le patient

"Il était le plus improbable des vieillards de 74 ans. Il était mince — mince comme un clou — en partie parce qu’il fumait. Il n’était pas un fumeur ordinaire. Il avait fumé 3-4 paquets par jour pendant la majeure partie de sa vie ; Il comptabilisait entre 100 et 200 paquets/années de tabagisme, et l’âge ne l’avait pas ralenti. Il aimait toujours les cigarettes du premier moment du matin jusqu’à la dernière bouffée avant de s’endormir au lit.

Il vivait seul et travaillait sur de vieilles voitures dans son garage. Ses doigts étaient tachés de nicotine et de graisse. Quand je lui ai demandé qui était le plus proche de lui, il a répondu qu’il n’y avait personne. Il n’a jamais eu d’enfants. Quand je lui ai demandé ce qu’il aimait faire, il a répondu qu’il travaillait sur ses voitures. Quand je lui ai demandé comment il allait, il m’a répondu catégoriquement : « Ça va... Je n’ai jamais eu de problème avant de rencontrer ces médecins. »

L'histoire

"Bien sûr, le complexe médical industriel ne l’avait pas laissé seul ; au contraire, il l'a attrapé avec les dents. Quelques années auparavant, lors d’une visite de routine, les médecins avaient effectué une grande batterie de tests sanguins et recommandé une coloscopie. Après avoir appris ce qu’une coloscopie impliquait, il ne l’avait jamais faite.

Son médecin l’avait également dirigé vers un programme de dépistage du cancer du poumon. Comme il s’agissait d’un test non invasif (un scanner), il l’a effectué. Et ce fut la dernière fois pour lui d'être en bonne santé.

Il existait plusieurs problèmes préoccupants sur son scanner, et dans les années qui ont suivi, quelques-uns ont été traités. Il a eu des biopsies et l'une a révélé un adénocarcinome. Après un PET-scan (tomographie par émission de positrons : le PET-scan repose sur l’injection IV d’un produit légèrement radioactif qui diffuse dans le corps et se fixe sur les tumeurs et/ou métastases, et cela permet d'évaluer l'extension d'un cancer, NDLR)), ainsi qu'une EBUS (échographie endobronchique NDLR), il a subi une résection et a reçu une chimiothérapie adjuvante.
Un an ou deux plus tard, un autre nodule s’est développé de manière suspecte. Cette fois-ci, la biopsie a révélé un cancer du poumon à petites cellules. Il a subi une intervention chirurgicale, une radiothérapie et une chimiothérapie.
Quand il est arrivé chez moi, alors qu’un troisième nodule grandissait, la biopsie a montré un cancer épidermoïde. Il y a eu une résection, et notre comité d'oncologie a discuté d'une nouvelle chimiothérapie adjuvante."

"Bien entendu, on n'avait aucune données pour soutenir la réalisation d'une nouvelle chimiothérapie... nous avons adopté une décision fondée sur des données d'il y a longtemps. Je pensais même qu’on n'aurait pas dû la lui proposer.
"Mais il est vraiment à haut risque", insistait un des médecins du comité.
" La question n’est pas de savoir s’il est à risque élevé, mais plutôt si l’effet net d’une chimiothérapie plus importante lui est bénéfique. Nous n’avons pas de données qui appuie cette idée, et je doute vraiment que ce soit le cas ", ai-je maintenu.
Comme lors de la plupart des désaccords, nous avons décidé de nous en référer au patient pour régler ce différent. Naturellement, le patient s’est rangé de mon côté.
"Je l’ai déjà fait deux fois. J’allais bien avant ce scanner. Je ne me suis jamais senti mal de ma vie... sauf depuis ce que vous m’avez fait."
Et qu'avait-on fait ? On avait pris cet homme — qui voulait juste travailler sur des voitures — et on l’a pressé de se soumettre à un scanner pour dépister un cancer du poumon. Nous l’avons fait parce qu’il y a des années, un essai clinique, le NLST avait montré un bénéfice sur la mortalité spécifique par cancer du poumon et sur la mortalité toutes causes confondues.
Mais cet essai comportait des défauts."

V. Prasad explique ici que pour cet essai à l'époque, le groupe contrôle (le groupe de l'essai clinique auquel on compare le groupe expérimental (dépistage par scanner)) n'était pas à la norme de soins de l'époque, mais utilisait une procédure par radiographie thoracique qui n'avait pas fait ses preuves.
De plus les gains de mortalité globale dépassaient les gains de mortalité par cancer du poumon, mais ce résultat était très entaché d'anomalies statistiques.
En fait, cela a été confirmé quelques années plus tard, alors que le bénéfice en termes de mortalité toutes causes confondues n'était plus apparent lors du suivi à plus long terme. Ces arguments sont détaillés dans le présent article. Le NLST n'a donc pas réussi à justifier le lancement de programmes de dépistage du cancer du poumon.

"Ensuite, il y a eu l’essai NELSON, une autre étude qui affirme que le dépistage du cancer du poumon 'sauvait des vies'. Mais voici le résultat principal."

Les décès spécifiquement par cancer du poumon sont moindres dans le groupe dépistage avec scanner, mais la mortalité par autres cancers (les personnes tabagiques étant sujettes à d'autres formes de cancers) n'est pas réduite dans le groupe dépisté.
Au final, on ne retrouve pas de bénéfice net lorsqu'on considère toutes les causes de décès, dans lesquelles sont intégrées les décès par cancer du poumon, par autres cancers, par autres causes, mais aussi par effets létaux des traitements.

"Quel que soit le gain en termes de mortalité due au cancer du poumon," écrit V.Prasad, " il semble que cela n'ait aucune importance par rapport à la mortalité toutes causes. Les gens veulent vivre plus longtemps. Ils ne veulent pas juste échanger leurs causes de décès. L'essai NELSON ne peut pas lever l'ambiguïté entre ces deux scénarios."

"Pendant ce temps, mon patient veut continuer à fumer 4 paquets par jour et veut juste travailler sur ses voitures. Je lui ai demandé franchement s’il estimait que le dépistage du cancer du poumon en valait la peine.
"Qu’est-ce que j'en sais? Ils m’ont simplement dit où me présenter pour le scanner. Je supposais qu’ils savaient ce qu’ils faisaient. Je ne me suis jamais senti mal jusqu’à ce qu’ils commencent à s'en prendre à moi."
Je lui ai demandé quels étaient ses objectifs dans la vie.
"Peu m’importe combien de temps je vis. Je veux juste passer le temps dont je dispose à faire ce que je veux.""

Réflexions...

Prasad poursuit : "Cela ne pouvait pas être plus clair pour moi. Si cet homme avait été bien informé, il aurait probablement refusé le dépistage.
Certains diront que s’il n’y avait pas eu de dépistage, il serait déjà mort. C’est quelque chose qu’un médecin inexpérimenté et arrogant estimerait ; un médecin expérimenté et humble sait que nous n’avons aucune idée de ce qu'il en serait de l'hypothèse inverse."

"Le biais de longueur de temps* des programmes de dépistage par tomodensitométrie peut être très considérable pour certaines lésions - l'illusion d'une vie sauvée pourrait dépasser de plusieurs ordres de grandeur le nombre de vies réellement sauvées.
En réalité, lorsque les données randomisées ne montrent pas de bénéfices en termes de survie globale, vous n'avez aucune raison de penser que vous sauvez des vies. Vous ne valez pas mieux qu'un autre charlatan."(Lire ici)
*(Le biais de longueur de temps désigne la tendance d'un test de dépistage à identifier plus souvent une maladie indolente qu'une maladie agressive. La maladie indolente se développe lentement ou pas du tout, tandis que la maladie agressive se développe ou progresse rapidement. Si l'on procède à des examens d'imagerie chez un patient à un intervalle aléatoire, il est beaucoup plus probable qu'une maladie indolente soit fortuitement trouvée plutôt qu'une maladie agressive.NDLR)

"Ensuite d'autres affirmeraient que nous devrions lui donner davantage de chimiothérapies.
Je dirais que ces gens-là ont perdu la tête. Il (le patient) a déjà reçu au moins un traitement de chimiothérapie pour lequel manquaient complètement des données probantes ....
Tout son traitement n’a pas fait ses preuves.
La chimiothérapie permet peut-être de soigner les avocats spécialisés dans les fautes professionnelles plutôt que le patient qui se trouve en face de vous."

Qui est à blamer ?

"Qui est-ce que je blâme pour tout ça ?
Quand je pense à cet homme, je suis frustré par les « experts » qui conseillent le dépistage du cancer du poumon.
Nombre d'entre eux ont construit des centres consacrés à ces efforts ou gèrent des subventions de plusieurs millions de dollars pour en accroître l'utilisation. Ne voient-ils pas le conflit d'intérêts flagrant ?

Plus de dépistage signifie plus de patients et plus de business. Plus de dépistages signifie que ces patients sont sous vos soins plus longtemps, même s’ils ne vivent pas plus longtemps. Plus de subventions contribue à bâtir votre réputation et à sécuriser votre carrière.

Mais peut-être l'espace d'un seul instant pouvez-vous vous demander si vous aidez quelqu'un ?
Ces experts sont incroyablement hostiles à de telles réflexions. Leur vision du monde repose sur le fait que le programme doit être bon, c’est-à-dire que l’œuvre de leur vie est à la poursuite du Bien.
C’est le pire des raisonnements."

Pendant ce temps, le patient

"Fumer des cigarettes tout en travaillant sur sa voiture est un plaisir si simple.
Lorsque vous avez 74 ans et que c’est ce qui vous réjouit — et vous le faites en sachant que vous pourriez écourter votre vie — qui sommes-nous, médecins, pour nous y opposer?

Ensuite, la médecine préventive aborde cet homme avec une arrogance stupéfiante.
Elle agit comme si nous étions sûrs que nous pouvons améliorer la situation. Les scintigraphies, les biopsies, les résections, les endoscopies thoraciques, la radiothérapie et plus tard la chimiothérapie... nous disons : "à votre service !". Mais nous n'avons jamais eu de base solide sur laquelle démarrer, et nous avons perdu toute preuve dès le début du processus.

La seule chose que nous savons avec certitude est que nous avons donné des effets secondaires à un homme et l’avons empêché de faire ce qu’il aime.
Ce que nous ne savons pas, c’est s’il va mieux.

Les plaisirs simples. La satisfaction de tourner une vis à sa bonne place. La musique qui joue dans votre garage par un chaud après-midi d’été. En fin de compte, c’est tout ce que beaucoup d’entre nous veulent.
C’est tout ce que je veux aussi. Travailler dans ce garage. J’ai juste la chance d’en savoir assez pour ne jamais me soumettre à un dépistage du cancer.
Ce pauvre homme n’a pas eu toutes les données, et maintenant il est de retour dans la programmation pour subir un scanner de suivi dans 3 mois."

Article connexe sur le dépistage du cancer du poumon par scanner faibles doses et les débats qui l'entourent : https://cancer-rose.fr/2021/02/24/etre-femme-et-tabagique-des-rayons-en-perspective/

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Rendre les gens malades dans la course à la santé

Samedi 20 avril 2024

Transcription, synthèse et commentaires à propos d'un webinaire, par Bjorn Hofmann, professeur au centre d'éthique médicale de l'Université d'Oslo.

Comment rend-on les gens malades dans la course à la santé ?

"La science médicale a fait tant de formidables progrès qu'il ne reste presque plus d'humains en bonne santé."

B.Hofmann énumère trois trois types génériques de diagnostic excessif sur lesquels il a déjà publié, qui font apparaître de nos jours des tendances à un excès de médicalisation. Le trop, le trop léger, le trop tôt https://cancer-rose.fr/2024/04/13/trop-trop-legerement-trop-tot/

  • Le trop : il s'agit de l'utilisation de biomarqueurs ou d'autres indicateurs de la santé qui sont sans intérêt pour les gens ; ou le fait de traiter des états courants de la vie comme étant des pathologies, à l'instar du chagrin, de la dépréciation de soi, ou en qualifiant un comportement humain comme étant une maladie ; et nous verrons des exemples.
  • Le trop légèrement : à savoir diminuer les seuils pathologiques, qui font qu'avec des taux biologiques ou des marqueurs plus bas la condition de santé, de mineure (ou légère) devient pathologie.
  • La détection trop précoce d'anomalies ou lésions qui n'impacteraient pas la vie, les gens mourant avec ces anomalies mais pas à cause d'elles.

Le trop

Détecter des phénomènes de santé en excès fait de beaucoup de choses des 'maladies.'

Toutes ces découvertes ne disent quand-même pas grand chose de l'état de santé de la personne. Ils sont souvent sans relation avec ce que vit la personne mais entraînent des conséquences, car on les identifie, on les nomme et on les traite comme maladies.

La médicalisation de l'état d'une personne (comme le chagrin) ou un comportement comme le TADH,

comporte des conséquences,

à savoir des traitements erronés, inutiles, dévient la responsabilité des personnes, aboutissent à une mal-et une surdétection.

Le trop léger

Il s'agit là de détecter des anomalies de santé légères, qui ne dérangeront pas la personne, en diminuant le seuil de définition de pathologie.

Deux exemples sont cités à savoir l'amoindrissement de seuils pathologiques dans les cas du diabète gestationnel et de l'insuffisance rénale chronique dont on a abaissé les seuils pour qualifier la personne de malade, et nécessiteuse d'un traitement.
L'état de santé est en réalité trop mineur pour réellement affecter la personne de façon significative. Mais en ayant abaissé ou modifié les normes de définition de la maladie,

on a donné l'illusion d'un succès en ayant traité des gens qui ne seraient pas tombés malades, illusion favorisée par une surdéfinition ou mal-classification de maladie, et entraînant là aussi des traitements inutiles eux mêmes potentiellement néfastes.

Le trop tôt

Il s'agit de la détection dite précoce de précurseurs de maladies qui ne vont pas forcément se transformer en maladie- les porteurs meurent avec ces altérations mais pas à cause d'elles, les meilleurs exemples sont le carcinome in situ (du sein (DCIS) ou d'autres organes), les polypes, lésions qui n'occasionneront pas de souffrance ou de décès chez leurs porteurs.

Le patient serait mort d'autres causes, cette catégorie de diagnostic excessif c'est le surdiagnostic (dépistages) et le surtraitement.

L'incertitude de progression

Il n'y a aucun bénéfice pour le patient puisque nous ne savons pas ce qu'il va advenir de ce que nous avons découvert.
L'expansion du diagnostic est une expansion temporelle parce que nous essayons mais ne pouvons pas prévoir ce qui se passera dans le futur. Elle est aussi ce qu'on peut qualifier, selon B.Hofmann, d'épistémique, car nous avons un manque de connaissance de ce qui adviendra, si le patient tomberait malade ou non s'il restait sans traitement.

Les trois effets peuvent se combiner, le trop avec le trop tôt, le trop léger avec le trop etc.. Même les trois ensemble amplifiant ainsi l'effet de la surmédicalisation à outrance.

D'autres erreurs

D'autres erreurs diagnostiques peuvent s'ajouter à ces trois facteurs de surmédicalisation déjà décrits. Il s'y ajoute la prescription de tests non nécessaires (p.ex. juste pour 'savoir', ou se 'rassurer').

On appelle ces tests inutiles "de faible valeur", car ils ne produiront pas de bienfait pour le sujet, cela n'induira pas que le patient se sente mieux ou en meilleure santé, ce sera peut-être même l'inverse.

La qualité de vie

Ce que ce graphique démontre est que si nous essayons de corriger la qualité de vie chez une personne saine (dans zone verte), il faut faire des efforts pour obtenir des bénéfices supplémentaires, mais nous lui faisons prendre pour cela des risques conséquents, qui peuvent être plus importants.

Pour une personne avec une qualité de vie plus réduite (en zone orange), on a bien un risque aussi, mais à ce moment là le bénéfice des tests peut l'emporter, contrairement à ce qui se passe pour la personne saine, c'est ce qui est illustré ci-dessous.

De plus, il convient d'avoir à l'esprit que si pour la personne saine le bénéfice peut advenir dans le futur, le risque, lui, survient immédiatement, dans le temps présent.

En cas de prescriptions, il faut toujours garder en tête que nos tests sont prescrits à des personnes à priori en bonne santé, et qui peuvent se transformer en malades à cause d'eux.

Pour en savoir davantage

Publication de l'auteur sur le sujet :

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

La mammographie numérique en question

17/04/2024

Synthèse Cancer Rose

La mammographie numérique a permis de mieux détecter les cancers invasifs de façon statistiquement non significative par rapport à l'ancienne technologie, ceci pour tous les grades de cancers invasifs.
Mais on a également amélioré de façon statistiquement significative la détection de cancers qui n'auraient peut-être jamais causé de problèmes ("surdiagnostic").
Dans l'ensemble, la transition ne semble pas avoir amélioré la santé de la population.

Une revue systématique et une méta-analyse des caractéristiques pronostiques des cancers du sein détectés dans des populations ayant bénéficié d'une mammographie numérique par rapport à une mammographie sur film indiquent que cette transition peut avoir augmenté à la fois la détection précoce et le surdiagnostic.
https://www.jclinepi.com/article/S0895-4356(24)00094-5/pdf

Les auteurs : Rachel Farber, PhD, Michael L. Marinovich, PhD, Audrey Pinna, MPH, Nehmat Houssami, PhD, Kevin McGeechan, PhD, Alexandra Barratt, PhD, Katy JL. Bell, PhD
École de santé publique de Sydney, Faculté de médecine et de santé, Université de Sydney, Sydney 2006, Australie ;The Daffodil Centre, The University of Sydney, A Joint Venture with Cancer Council NSW, Sydney 2006, Australie ; Département d'imagerie médicale, Centre médical Flinders, Adélaïde, Australie-Méridionale

Il s’agit de la traduction et synthèse d’un fichier PDF d’un article qui n’est encore pas dans sa version définitive, en raison de révisions supplémentaires avant la publication dans sa forme finale.
Néanmoins cette pré-publication donne une visibilité anticipée de l'article à venir.

Objectif de l'étude

La mammographie numérique a remplacé la mammographie analogique dans les programmes de dépistage du cancer du sein à l'échelle mondiale. Cela a conduit à une légère augmentation du taux de détection, mais il est incertain que la détection des cancers cliniquement importants soit meilleure.

(NDLR, quelle est la différence entre les deux technologies, analogique et numérique? : Initialement la mammographie était de type analogique, c'est à dire utilisant des films que l’on devait développer. Le signal radiologique, pour faire simple, est alors transformé en signal 'visuel', cela pouvait altérer la qualité du film à interpréter (artéfacts, fragilité des films, et autres écueils...).
Avec le procédé numérique, utilisé dans le cadre du dépistage depuis 2008, des capteurs récupèrent l’image et la mettent en mémoire, il n'y a pas de transformation du signal et l'image est projetée en temps réel sur l'écran d'ordinateur (ou console). On limite le diffusé du signal pour ne garder que l'information utile.
Cette technologie a été encensée sur la base d'arguments d'un meilleur taux de détection par rapport au système analogique, notamment en cas de seins denses, et par sa moindre irradiation.)

Conception et cadre de l'étude

Un examen dans sept bases de données a été effectué, depuis leur création jusqu'à la date du 8 octobre 2023, pour rechercher des publications comparant la mammographie sur film (analogique) et la mammographie numérique au sein d'une même population de femmes asymptomatiques et exposées à un risque moyen de cancer du sein, c'est cette population qui est appelée à se faire dépister.

Plus exactement, dix-huit études ont été incluses dans l'analyse, provenant de huit pays et portant sur 11 592 225 examens de dépistage (8 117 781 sur film et 3 474 444 sur support numérique).
Les caractéristiques tumorales ont été collectées et une synthèse (méta-analyse) a été réalisée.

Ce qu'on attend d'une meilleure technologie

Essentiellement deux choses sont attendues :

Premièrement, il doit y avoir un déplacement du stade lors de la détection, avec une diminution des cancers primo-détectés de stade avancé.
Deuxièmement, les cancers détectés à un stade précoce doivent inclure des tumeurs cliniquement agressives, avec de mauvaises caractéristiques pathologiques.
L'examen de ces deux critères fournit une évaluation pertinente de l’efficacité du changement de la technologie de dépistage. 

Quels sont les résultats de l'analyse effectuée ?

Après le déploiement du numérique les auteurs ont constaté une augmentation des carcinomes canalaires in situ détectés lors du dépistage (de façon statistiquement significative) et des cancers invasifs (mais de façon non statistiquement significative), et ce pour tous les grades tumoraux.

Rappelons que les carcinomes in situ alimentent en grande partie les surdiagnostics, étant des tumeurs de très bon pronostic, et dont la surdétection n'a fait qu'augmenter depuis qu'on dépiste.
Voir : https://cancer-rose.fr/2019/09/04/quest-ce-quun-carcinome-in-situ/

Bien que la détection accrue de cancers de haut grade puisse indiquer une détection précoce bénéfique accrue de maladies plus agressives qui seraient plus susceptibles de progresser si elles n’étaient pas traitées, la détection accrue de cancers de plus bas grade (en particulier les in situ) indique une augmentation concomitante du surdiagnostic.
Il y avait peu de différences entre les deux technologies dans les autres caractéristiques tumorales des cancers invasifs, une observation qui peut indiquer que, dans l’ensemble, il n’y a eu que des variations minimes dans la détection des cancers de plus mauvais pronostic, entre ceux détectés par film et ceux détectés par mammographie numérique.

Les auteurs rappellent leur précédente méta-analyse de 2020, que nous avions résumée ici ; elle concluait déjà à un meilleur taux de détection des carcinomes in situ, avec peu de différence dans la détection des cancers invasifs.
Et surtout elle ne retrouvait aucun effet sur les taux des cancers d’intervalle, ces cancers non anticipés par le dépistage, car souvent très véloces, de mauvais pronostic et évolutifs, qui apparaissent entre deux mammographies de dépistage en dépit d'un dépistage précédent classé normal.
Leur taux ne se trouvait pas réduit par la technologie numérique. Les caractéristiques biologiques des cancers d'intervalle ne variaient pas entre les deux technologies de dépistage, on ne peut donc pas espérer la détection de cancers d'intervalle de moindre agressivité grâce au numérique.
Les taux similaires des cancers dits "triple-négatifs" entre les deux technologies suggèrent que les cancers supplémentaires détectés avec les approches numériques sont susceptibles d’être d’une agressivité similaire aux tumeurs détectées avec le film analogique.

En conclusion

Une augmentation de tous les degrés de cancers détectés indique que la transition vers le numérique peut avoir à la fois une détection précoce bénéfique accrue (de maladie agressive) et comporter des méfaits dus au surdiagnostic (détection de maladie indolente).

Il est important de faire la distinction entre une détection accrue détectant plus de cas de maladie cliniquement importante, ou détectant plus de cas mais cliniquement sans conséquence.
Étant donné qu’il n’y avait pas de différences statistiquement significative dans les caractéristiques des tumeurs invasives ou des cancers d'intervalle détectés lors du dépistage lors de la transition numérique, il est peu probable que ce changement technologique ait entraîné un véritable avantage net substantiel pour la population dépistée.

La transition vers le numérique s’explique principalement par des raisons technologiques et par des gains d’efficacité dans les cabinets, Les avantages pour la santé ne sont pas nets.

Les auteurs déclarent que leur analyse démontre surtout l’importance d’évaluer les avantages et les inconvénients pour la santé avant et après le développement à grande échelle des nouvelles technologies de dépistage de la population.
Les deux méta-analyses effectuées par cette équipe renforcent la nécessité d'évaluer soigneusement les effets des futures évolutions technologiques, afin de s'assurer que ces changements progressifs apportés aux programmes de dépistage conduisent à une balance réellement positive entre les avantages et les inconvénients du dépistage.

Commentaire Cancer Rose

Il en va de même de ces réflexions pour la tomosynthèse.
Encore une fois, la course à la détection toujours plus précoce et de lésions toujours plus petites nous prive d'une réflexion sur ce qui est réellement utile à détecter.
La course à la plus petite lésion n'est pas accompagnée d'un gain substantiel en durée de vie pour la population, et s'accompagne d'un surdiagnostic délétère qui plonge des personnes bien-portantes inutilement dans une maladie qu'elles n'auraient pas subie sans cette détection.

Tant que nous ne maîtriserons toujours pas la connaissance de ce qu'on appelle l'histoire naturelle du cancer, nous ne règlerons pas l'échec du dépistage et ne ferons qu'amplifier la terrible épreuve des détections inutiles pour les populations, le fardeau qu'elles représentent physiquement, psychiquement et économiquement, dans un déni constant des autorités sanitaires.

En lien l'article : Trop, trop légèrement, trop tôt

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

OUTIL D’AIDE A LA DECISION CANCER ROSE 2024

Recommandations d'impression : afin que votre document puisse être présenté sous forme de dépliant en trois volets, pliable en "portefeuille", il vous faut paramétrer votre imprimante en cochant "recto/verso" ; "bords courts" ; et en " taille réelle" ou en "échelle à 100%", selon les modèles.

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Bientôt nous serons tous patients

lundi 15 avril 2024

Transcription, synthèse et commentaires à propos d'un webinaire, par A.Brandt, anthropologue et J.Brodersen, professeur de médecine, diffusé par l'Université d'Oslo

L'empreinte carbone du surdiagnostic

Le webinaire débute par l'interrogation sur l'empreinte carbone que les soins médicaux produisent (utilisation de plastiques, de l'eau etc..), l'activité clinique est responsable de 80% des émissions carbones- toutes sont-elles vraiment nécessaires ?

60% apparaissent nécessaires et utiles, 30% sont des soins dits de faible valeur, qu'on pourrait réduire ou cesser, et les 10% des émissions restantes dans le cadre des soins médicaux sont carrément nocives. et sont le fait des surdiagnostics produits par des dispositifs et des interventions inutiles pour le patient.

Définition du surdiagnostic

J.Brodersen distingue deux types.

-Surdétection, à savoir trouver des lésions en excès qui sont de découverte inutile pour l'intérêt du patient,
- Et surdéfinition, c'est à dire étendre la définition de la maladie et/ou diminuer les seuils d'introduction d'un traitement. Et aussi le 'façonnage' de nouvelles maladies.

Quelle est la définition du surdiagnostic ?

Traduction :
- D'une manière générale le surdiagnostic signifie la transformation inutile de personnes en patients, en identifiant des problèmes qui n'auraient jamais causé de tort, ou en médicalisant les expériences banales de la vie courante par l'extension de la définition de maladie. (Nous y reviendrons plus bas dans le chapitre 'Surdiagnostic par surdéfinition des maladies')
-Le surdiagnostic est le diagnostic de variantes, anormalités, facteurs de risque et pathologies qui en soi n'auraient jamais occasionné de symptôme, n'auraient jamais conduit à un état maladif, et n'auraient jamais causé le décès.

Ce qu'on appelle le "disease mongering", ou "façonnage de maladies" revient à fabriquer des nouvelles pathologies, tactique de l'industrie pharmaceutique souvent à fin de vendre diverses molécules.
(C'est ce que Luc Perino, dans son ouvrage "les non-maladies" qualifie "d'objets non-maladie" (voir le chapitre 'd'autres objets non-maladie' à la fin du post))

Comme exemple d'une détection inutile est donné le cas d'un patient participant au dépistage du cancer du poumon par scanner faibles-doses.

Le patient est porteur d'un nodule présent depuis 4 années, asymptomatique et sans croissance- est-ce un surdiagnostic ou pas ?

La croissance tumorale

Ce qu'il faut bien comprendre est que les cancers n'ont pas tous la même vitesse de croissance, il y a les cancers très rapides, et les cancers beaucoup plus lents qui ne se développeront jamais, mais qui, découverts par le dépistage (ligne verticale rouge en pointillés) seront inutilement traités, ce qui est le cas des deux formes symbolisées par la tortue et l'escargot.
Le cancer dit "lent", symbolisé par l'ours sera utilement diagnostiqué par le dépistage, mais se serait de toute façon manifesté par des symptômes amenant le ou la patiente à consulter en temps et en heure, largement avant que le cancer ne cause le décès. Le dépistage a juste anticipé le diagnostic.
Nous vous invitons à lire l'article sur l'histoire naturelle du cancer sur notre site ou cela est expliqué plus longuement.

Sur ce graphique, l'axe horizontal, l'abscisse, marque les sessions de dépistage dans la vie de la personne ; l'axe vertical, l'ordonnée, marque les différentes tailles tumorales.
La ligne horizontale grise désigne la taille à laquelle le cancer peut être détecté par un dépistage (biologique ou par imagerie).
La ligne horizontale bleue désigne la taille (ou le stade évolutif) à laquelle le cancer donne des signes cliniques, des symptômes.
La ligne verte tout en haut désigne la taille (ou le stade évolutif car la taille n'est pas toujours corrélée à la gravité du cancer) à laquelle le cancer causera le décès

Nous voyons sur ce schéma que les personnes F et I sont des patients surdiagnostiqués, car le patient F est décédé d'autre cause que son cancer et le patient I présentait une forme régressive de cancer.

La première raison du surdiagnostic réside donc dans le facteur de croissance de chaque tumeur. Les tumeurs à croissance lente sont le plus souvent surdiagnostiquées, mais pas seulement.
La deuxième raison de surdiagnostic est le risque concomitant (ou co-incident) de décès par une autre cause, ce risque concurrent augmente lorsqu'on dépiste des personnes de plus en plus âgées et qui ont une probabilité très augmentée de décéder de maladies plus probables au grand âge comme les maladies cardio-vasculaires par exemple. C'est la raison pour laquelle, dans aucun pays où le dépistage du cancer du sein est instauré, on ne dépiste au-delà d'un certain seuil (74 ans en France, 69 ans dans d'autres pays de l'UE, lire ici). On exposerait davantage ces populations âgées à des détections de lésions pour elles non utiles, qui seraient néanmoins traitées avec un risque accrue dû aux traitements lourds,
Cette deuxième situation est illustrée par l'avancée de la ligne verticale rouge qui correspond aux décès d'autres causes).


De ce fait les personnes D et E deviennent surdiagnostiquées car elles n'atteindront jamais la ligne horizontale bleue de la phase symptomatique du cancer.

Il y a une troisième cause de surdiagnostic et c'est la sensibilité de la technique de dépistage qu'on va utiliser, biologique ou une technique d'imagerie possédant une résolution augmentée (comme la mammographie numérique par exemple ou la tomosynthèse dans le cas du dépistage du cancer du sein).

Ceci est illustré en abaissant la ligne en pointillé grise, ainsi la personne G devient surdiagnostiquée puisqu'on a abaissé le seuil de détection d'un cancer qui ne se serait jamais manifesté.
(Cette question se pose dans le cas des biopsies liquides par exemples, dont l'application pour des dépistages est de plus en plus remise en question, les cellules tumorales circulantes étant un phénomène suffisamment courant pour en trouver chez un très grand nombre de personnes sans pour autant pouvoir déterminer si ces personnes sont ou seront réellement malades ; lire notre synthèse ici))

Vous pouvez aisément constater que rien ne change pour la personne A , même avec une meilleure résolution de l'imagerie elle aura une forme grave de cancer à cause de la vitesse de croissance importante de cette tumeur.

Ci-dessous figurent des données de cohortes des années 95/96 sur l'incidence (nombre de nouveaux cas) du cancer de la prostate au Danemark : on peut constater un doublement de l'incidence sans changement de la mortalité (selon indicateurs populationnels), ce doublement étant dû à l'utilisation du taux des PSA comme outil de dépistage de ce cancer. La baisse de l'incidence dès 2008 est imputable, selon les urologues, à de meilleures thérapeutiques notamment chirurgicales.

Augmentation de la survie et le paradoxe du dépistage

Le critère de la survie qui augmente grâce au dépistage est un leurre que nous expliquons ici.
Plus le surdiagnostic est important, meilleurs sont les taux de survie, puisque le surdiagnostic alimente le réservoir de cancers détectés qui n'auraient jamais (par définition) altéré ni la vie ni la santé du patient, et qui, non détectés, ne se seraient jamais manifestés. Le nombre de "survivants" ne peut que s'amplifier si on s'évertue à détecter des cancers qui n'auraient jamais tué de toute façon... C'est ce qu'illustre la figure ci-dessous.


Mais cette donnée est souvent mise en avant par les promoteurs du dépistage et entraîne sa popularité, comme montré ci-dessous.

Traduction du haut en suivant les flèches : plus de détections précoces ==> plus de surdiagnostics ==> davantage d'histoires de 'survivants' ==> la détection précoce et les dépistages donnent l'apparence d'être efficaces.==> plus de dépistages etc....

P. Glasziou (médecin universitaire australien connu pour ses recherches en médecine factuelle) et ses collaborateurs on estimé le risque d'avoir un cancer dans sa vie ; ils constatent que le cancer du poumon, du rein, le mélanome et le cancer du sein sont les plus surdiagnostiqués. L'estimation est de une femme surdiagnostiquée sur cinq, en Australie.
Pour le cancer de la prostate des hommes l'estimation est plus haute encore, et lorsqu'on réalise le calcul combiné de l'ensemble des cancers on arrive à 24% des cancers qui sont surdiagnostiqués.

Au total, une personne sur 5 est surdiagnostiquée.

En bleu apparait le risque absolu du cancer durant la vie.
En rouge l'évolution de ce risque (en raison de la détection précoce) concernant les cancers invasifs .
En gris l'évolution de ce risque pour les cancers in situ.

Nous avions détaillé cette étude de Glasziou et al. ici.

L'oncologue américain G.Welch illustre l'augmentation des diagnostics de cancers dans les zones à plus forts revenus (ou l'accès à la détection précoce est promu) par rapport aux pays à plus faibles revenus.

Nous constatons que l'incidence, donc le taux de nouveaux cas du fait des dépistages s'envole dans les comtés à fort revenu (high-income counties), avec une mortalité pourtant non modifiée.
(La mortalité s'infléchit bien à partir des années 90 mais ceci n'est pas attribuable aux dépistages, car le même phénomène est constaté parallèlement pour tous, et l'inflexion des taux de mortalité n'est pas majorée pour les zones qui ont plus d'accès aux dépistages comme on s'y attendrait).)

Surdiagnostic par surdéfinition des maladies

L'exemple donné dans le webinaire par J.Brodersen est le risque cardio-vasculaire selon les directives d'évaluation des risques en Norvège.

La zone verte correspond à des personnes n'ayant aucun risque cardio-vasculaire, la zone jaune est celle des personnes avec un seul facteur de risque, et en rouge les personnes avec plusieurs facteurs.
Et de ce fait il n'y a plus que 4% des Norvégiens qui sont en bonne santé, ceci démontre l'absurdité dans les lignes directrices en vigueur qui s'éloignent de la vraie vie. La notion de maladie est ainsi étendue à des situations et à des conditions physiques très fréquentes et courantes dans les populations.

L'expansion des maladies psychiatriques a été étudié par Per Fugelli (il fut médecin norvégien et professeur de médecine générale à l'Université de Bergen et de médecine sociale à l'Université d'Oslo).

Des situations de vie courante deviennent pathologies. La peur devient ainsi de l'anxiété, une dépréciation de soi devient de la dépression, la définition du spectre autistique est étendue, la timidité devient de la phobie sociale, la douleur de la perte d'un être cher devient un désordre prolongé de deuil etc etc...

Ainsi nous sommes tous malades, ce qui permet davantage de prescriptions médicales, car qui n'a jamais eu une période de dépréciation de soi, de deuil ou d'anxiété pour une raison ou une autre dans sa vie ?

Certaines "maladies" sont tout bonnement des inventions de l'industrie de la pharmacopée.

Calvitie, fonte musculaire (normale avec l'âge), syndrome des yeux secs, cils courts, syndrome des jambes sans repos etc.... deviennent ainsi des prétextes à des traitements.

Le point de vue de l'anthropologue

Comment rester en bonne santé ? C'est la question à laquelle nous sommes confrontés.

Au Danemark on ne dépiste plus les femmes au delà de 69 ans car on estime que cela n'a pas de sens.
Lire ici, le dépistage avec l'âge ne réduit pas la mortalité et ne fait qu'augmenter un surdiagnostic particulièrement délétère pour des populations auxquelles les traitements agressifs provoqueront plus de dommages.

Lors d'un entretien réalisé par des étudiants avec des femmes ayant participé au dépistage, une des femmes dit ceci : "peu importe si je ne vis pas plus longtemps, du moment que je ne meurs pas du cancer du sein ."


L'anthropologue A.Brandt s'interroge comment on en arrive à de telles citations qui n'ont pas de sens en soi, et comment l'émotionnel s'insinue dans la réflexion du public.

Pour elle, l'explication est à chercher dans l'histoire.
Selon Michel Foucault, philosophe et historien, à l'époque médiévale les gens vivaient pour rendre heureux leur roi et les gens riches. Aujourd'hui il s'agit de s'optimiser soi-même.
Foucault 1982

"le pouvoir s'est transformé vers des recommandations plus subtiles. Et plutôt que de nourrir les intérêts de la classe supérieure, les démocraties sociales contrôlent les citoyens par l'autodiscipline et le pouvoir réside alors dans les structures et les sentiments permettant d'agir d'une certaine manière."

Les gens se persuadent d'avoir un libre arbitre, mais les messages sociétaux sont toujours dans le sens de doivent assumer des choix et des décisions pour sa propre santé. C'est exactement l'injonction qui est utilisée dans les campagnes de la santé.
Foucault utilise la notion de "gouvernementalité néolibérale" comme concept.

Le moi entrepreunarial : les individus sont encouragés à se considérer comme entrepreneurs de leur propre vie en optimisant constamment leur capital humain, leurs compétences. et sont responsables de leur propre bien-être et de leur santé.

Est-ce bon ou pas bon, interroge A.Brandt. Là n'est pas la question mais c'est ce qui se constate dans les études ethnographiques : le dogme de la responsabilité rend responsables les personnes de leur propre santé en créant un sentiment de honte et en blâmant les individus en cas de non observance.

De là découle la notion de "healthisme" qu'on pourrait essayer de traduire par un néologisme de type "santisme" ou "santéisation".

La santé devient objectif en soi , une idéologie s'appuyant sur le mode de vie prioritaire avant tout ; même les politiciens surfent sur ce concept, le but étant de vivre plus longtemps et plus sainement, mais ce faisant sans jamais se lancer dans la réflexion, qu'est-ce qu'une vie plus saine ?

Nous prenons tous ces conseils, notamment nutritionnels (consommation de fruits et légumes) pour argent comptant.
Auparavant, être en bonne santé signifiait ne pas tomber malade, de nos jours c'est faire des contrôles réguliers, des examens répétés, des prises de vitamines, et tout ceci est décrit par l'anthropologueJohn Dumit.

Comment cela se traduit-il dans la vie de tous les jours ? A.Brandt répond que le public demande toujours plus, plus de dépistages et au-delà des limites d'âges, pour "sauver" sa vie.
Mais les dépistages ne sauvent pas des vies, cette vision est erronée dit-elle (nous renvoyons à cette méta-analyse récente sur le gain en durée de vie).
Même, à présent, vous ne dépistez plus juste pour vous par auto-responsabilisation, mais vous le faites aussi "pour les autres", en tant que devoir citoyen, car "mieux vaut trop que pas assez," comme cela est ancré dans notre langage.

Pourquoi en sommes-nous arrivés à cette évolution ? Par ce que nous ne considérons plus la mort comme partie intégrante de la vie, selon Zygmunt Bauman, philosophe et sociologue.

Conclusion

Vouloir maîtriser l'incertitude, ce qui est une tendance humaine, cela créé encore davantage d'incertitudes.  

Oui parce que, finalement, la question est bien : "à partir de quand est-on malade?"

Article connexe

Analyse avec angle anthropologique sur le lien entre notre perception du temps et la vision linéaire de l'évolution cancéreuse, avec, parmi les auteurs, également A.Brandt et J.Brodersen -
https://cancer-rose.fr/2024/04/10/diagnostic-precoce-et-vision-lineaire-du-temps-une-liaison-dangereuse/

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Trop, trop légèrement, trop tôt

Résumé de trois articles

DOI https://doi.org/10.2147/IJGM.S368541

ParBjørn Hofmann 1, 2

1 Institut des sciences de la santé, Université norvégienne des sciences et technologies, Gjøvik, Norvège ; 2 The Center of Medical Ethics, Faculty of Medicine, the University of Oslo, Oslo, Norway

Les progrès scientifiques et technologiques considérables ont considérablement amélioré les diagnostics. Dans le même temps, les fausses alertes, le surdiagnostic, la surmédicalisation et la surdétection sont apparus comme des corolaires compromettant la qualité des soins de santé et la pratique clinique durable.

L'article ici résumé identifie trois types génériques de diagnostic excessif : trop, trop légèrement et trop tôt.

En raison des progrès scientifiques et technologiques considérables, le nombre de diagnostics a considérablement augmenté. Davantage de personnes sont diagnostiquées avec plus de maladies que jamais auparavant, avec une expansion injustifiée des diagnostics.

Augmentation du nombre de diagnostics dans la Classification internationale des maladies (ICD, International Classification of Disease).

A-trop de diagnostics :

Cela consiste dans le fait d'étiqueter des phénomènes qui n'ont pas été diagnostiqués auparavant, et de l'inclusion de nouveaux phénomènes dans un cadre de pathologie.
Il peut s'agir a) d'expériences de vie ordinaires, telles que la solitude ou le chagrin, b) de phénomènes sociaux, tels que le comportement scolaire chez les enfants (TDAH) ou c) de phénomènes biomédicaux, tels que l'hypertension artérielle, l'obésité ou des facteurs de risque qui sont mesurables.
Mais cette tendance ne profite pas aux personnes et peut s'avérer nocive.

B-Diagnostics émis trop légèrement : réglage des seuils trop bas et inclusion trop facilitée en pathologie

Il s'agit d'un abaissement du seuil de détection d'une pathologie au-delà de ce qui profite à la personne, c'est-à-dire en acceptant des seuils de valeurs trop bas. Des altérations mineures ou légères sont ainsi considérées comme maladies à part entière.
En incluant des cas moins graves dans la définition de la maladie ou dans ses critères de diagnostic, les personnes peuvent être diagnostiquées avec des "maladies" qui ne les dérangeraient peut-être pas.
Le diabète gestationnel et les maladies rénales chroniques peuvent servir d'exemples.

C- Diagnostics émis trop tôt :

Diagnostiquer trop tôt des affections qui n'impacteront jamais les personnes, détection de lésions précurseurs ou de lésions à faible développement, cela qui correspond au surdiagnostic qui entraîne le phénomène du surtraitement.

Pourquoi est-ce néfaste ?

Tout d'abord explique l'auteur, nos capacités de diagnostic dépassent de loin nos capacités d'aide. Non seulement nous manquons de mesures curatives pour tous les diagnostics établis, mais les nombreuses technologies de diagnostic s'accompagnent également d'erreurs, et nous en venons à diagnostiquer alors que cela n'aide pas les gens.
Bien que nous puissions détecter beaucoup plus de phénomènes que jamais auparavant, nous ne savons pas s'ils sont pertinents dans ce qu'ils représentent ou prédisent.

A- trop diagnostiquer...

....des phénomènes biomédicaux lorsqu'ils ne sont pas vécus en termes de douleur, de dysfonctionnement ou de souffrance conduit à mal faire en appliquant des étiquettes et des traitements inappropriés, en nous détournant de mesures plus efficaces et en nuisant par les traitements.
Une hypertension ou une hyperglycémie légère, ou divers facteurs de risque, tels que l'obésité, ne sont le plus souvent pas ressentis comme douloureux ou dysfonctionnels, mais leur traitement peut introduire des dommages potentiels liés au diagnostic et au traitement.
Par exemple l'utilisation accrue des statines de façon inappropriée chez des personnes ne se plaignant de rien entraîne des maux de tête, des étourdissements, de la constipation, des diarrhées, les douleurs musculaires, de la fatigue, des problèmes de sommeil et une diminution du nombre de plaquettes sanguines. Ici, l'obtention d'un diagnostic excessif peut réduire la qualité de vie, causer de l'anxiété et de la stigmatisation.

B-Dans le cas d' un diagnostic posé trop légèrement,

nous gonflons le diagnostic en incluant des phénomènes trop légers pour causer un symptôme, une douleur, un dysfonctionnement ou une souffrance, et le traitement entraîne plus de mal que de bien.
Dans de tels cas, nous fournissons un traitement inutile et introduisons un préjudice potentiel à la fois par le diagnostic et par le traitement.

C-Un diagnostic trop précoce,

(comme lors de nombreux dépistages) entraîne un surdiagnostic et un surtraitement et des dommages potentiels des deux. Les cas que nous détectons et traitons n'auraient alors jamais causé de problèmes à la personne si non découverts.
Par conséquent, nous violons les principes éthiques de non-malfaisance et de bienfaisance.
De plus, nous drainons les ressources des services de santé (enjeu de justice des soins) et les patients ne savent pas qu'ils sont surdiagnostiqués et surtraités (enjeu d'autonomie du patient).

Autres exemples cités dans l'article :

En changeant la définition de l'ostéoporose par modification du seuil T-score qui reflète la densité osseuse dans la directive 2008 de la National Osteoporosis Foundation, la prévalence (cas présents+cas nouveaux) est passée de 21 % à 72 % chez les femmes américaines de plus de 65 ans.
La modification de la définition du prédiabète par la glycémie à jeun dans les critères de l'American Diabetes Association 2010 a augmenté la prévalence de 26 % à 50 % chez les adultes chinois de plus de 18 ans.

Conclusion

En conséquence, l'auteur de l'article suggère trois façons de réduire les excès et de faire progresser les soins de plus grande valeur pour la population : a)nous devons cesser de diagnostiquer de nouveaux phénomènes, b)nous devons cesser de diagnostiquer des affections bénignes, notamment en abaissant des seuils diagnostiques, c) et nous devons cesser de rechercher des signes et des marqueurs précoces qui ne provoquent pas de douleur, de dysfonctionnement et de souffrance, et ne nuiront pas si non détectés..

Définition plus précise du surdiagnostic, le "trop tôt" de l'article précédent

Selon Jeffrey K Aronson, le concept de "Surdiagnostic" (le "trop tôt" de l'article précédent) comprends 2 catégories :
1°étiqueter les personnes d'une maladie qui, non découverte, ne leur aurait pas causé de tort ;
2° élargir la définition d'un trouble au plus grand nombre d'individus en modifiant le seuil d'un test diagnostique. (ce qui reprend le "trop légèrement")

L'auteur, pharmacologue clinicien britannique au Centre for Evidence Based Medicine, (Nuffield Department of Primary Care Health Sciences, University of Oxford, Oxford, UK), explique dans son article publié dans le BMJ la genèse de ce terme, maintenant inclus dans le Mesh, (Medical Subject Headings) qui est le thésaurus de référence dans le domaine biomédical.
Lire ici : https://cancer-rose.fr/2021/12/13/le-surdiagnostic-cest-officiel/

Ces dernières années dit l'auteur " les définitions (du surdiagnostic) qui ont été suggérées incluent :
• "… Des personnes …diagnostiquées avec des conditions qui ne causeront jamais de symptômes ou la mort."
• « Des diagnostics d'une affection qui, si elle n'était pas connue, ne causerait pas de symptômes ou n'entraînerait pas de dommage pour le patient au cours de sa vie ».
• "(Le fait de ) rendre les gens "patients" inutilement, en identifiant des problèmes qui n'auraient jamais causé de dommages ou en médicalisant des expériences de vie ordinaires grâce à des définitions élargies des maladies."
La dernière de ces définitions comprend les deux principaux facteurs qui constituent ensemble le surdiagnostic, bien qu'ils ne soient pas synonymes de celui-ci : la surdétection et la surdéfinition. "

L'auteur rappelle encore que surdiagnostic n'est pas synonyme de fausse alerte, bien que cette confusion soit souvent faite. (Surdiagnostic : vraie lésion mais dont la découverte n'apporte rien ; fausse alerte : suspicion de cancer mais qui ne se confirme pas).

En guise de réflexions finales, J.Aronson résume ainsi trois façons différentes de transformer les gens en "patients" ou en "malades" :

  1. En les étiquetant avec une condition quelconque qui ne leur aurait pas causé de tort si elle n'avait pas été découverte ; cela est lié à l'hétérogénéité de nombreuses conditions, résultant en un éventail de conditions au sein de la catégorie, dont toutes ne nécessitent pas d'attention ; c'est ce que l'on appelle le flou au sein de la catégorie de maladie ;
  2. En élargissant la définition d'un trouble pour englober plus d'individus ; cela a été attribué à ce qu'on a appelé le flou de la limite extérieure d'une définition de maladie ;
  3. En les étiquetant par une catégorie de maladie qui médicalise l'expérience ordinaire, comme la grossesse, ce phénomène est connu sous le nom de "mongering".

Un appel de scientifiques canadiens

Tout logiquement nous terminons cet article par la citation d'un appel de scientifiques canadiens à une action, afin d'améliorer l’enseignement des soins de santé.
Les auteurs écrivent :

"Depuis 10 ans, on reconnaît de plus en plus qu’il existe des bienfaits et des préjudices liés au dépistage. De nombreux médecins, étudiants en médecine et patients continuent toutefois de croire que, pour une grande proportion de la population, les dépistages recommandés permettent un diagnostic et un traitement précoces, et préviennent les décès prématurés. Bien que cette croyance persiste depuis longtemps parmi les médecins et les patients, les données probantes en matière de dépistage laissent maintenant penser que ces bienfaits seraient moins importants qu’on le croyait.
De plus, on comprend beaucoup mieux les préjudices liés au dépistage, notamment le surdiagnostic, les faux positifs et les examens excessifs.
Malgré cette reconnaissance, la connaissance du public est minimale, et les patients ne sont pas au courant de ces préjudices potentiels, même dans les populations qui sont soumises régulièrement au dépistage.
Les difficultés du dépistage sont amplifiées par des recommandations contradictoires dans les lignes directrices, par de puissants groupes de patients et de professionnels qui plaident en faveur d’interventions de dépistage spécifiques, et par la pléthore d’information de qualité variable provenant des médias sociaux."

De nombreux médecins, professionnels de santé et apprenants n’ont pas les connaissances et compétences nécessaires liées aux défis du dépistage. On note chez plusieurs un manque en matière de pensée critique, de compréhension des statistiques ou de capacités de communication.

Pour les auteurs, il est nécessaire d'améliorer la formation des médecins, des professionnels de santé en général et des apprenants en matière de dépistages, de compréhension des risques et de leur communication.

Conclusion de l'appel:

Deux défis sont à relever:

Le premier défi est l’élaboration du contenu éducatif en lien avec les concepts clés relatifs au dépistage.
Le deuxième défi est l’élaboration de stratégies éducatives visant à placer l’enseignement et l’adoption de ces concepts au cœur de la formation médicale chez les étudiants en médecine, les résidents et les cliniciens.

"Les enseignants cliniques, les apprenants, les sociétés professionnelles qui rédigent les lignes directrices, les agences de dépistage et les établissements universitaires doivent repenser l’approche optimale face au dépistage.
Ce changement doit être réalisé à partir du premier cycle en médecine jusqu’à la formation professionnelle continue, de même qu’auprès de tous les intervenants, patients et institutions. C’est le moment d’aller à contre-courant, et de repenser notre approche de l’enseignement et de la communication de l’information sur la prévention et le dépistage, et de veiller à ce que cette information comprenne une bonne compréhension de la complexité, des concepts fondamentaux et des pratiques exemplaires."

Références

  1. Hofmann B.
    Too Much, Too Mild, Too Early: Diagnosing the Excessive Expansion of Diagnoses. Int J Gen Med. 2022;15:6441-6450 https://doi.org/10.2147/IJGM.S368541

2. Viola Antao, Roland Grad, Guylène Thériault, James A. Dickinson, Olga Szafran, Harminder Singh, Raphael Rezkallah, Earle Waugh, Neil R. Bell 
À l’encontre du statu quo en matière de dépistage Canadian Family Physician May 2022, 68 (5) e140-e145; DOI: 10.46747/cfp.6805e140

3. Aronson J K. When I use a word . . . . Too much healthcare—overdiagnosis  BMJ  2022;  378 :o2062 doi:10.1136/BMJ.o2062

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Diagnostic précoce et vision linéaire du temps, une liaison dangereuse

Remise en question de la logique du diagnostic précoce dans le domaine du cancer

Rethinking the logic of early diagnosis in cancer

DOI: 10.1177/13634593241234481
journals.sagepub.com/home/hea

Traduction, restitution, synthèse et commentaires par Cancer Rose

Auteurs de l'article :
Christina Sadolin Damhus, Post doc PhD , Centre of Research and Education in General Practice, University of Copenhagen, master in Public Health. Danemark
Mette Bech Risør, professor in medical anthropology at the University of Copenhagen, Center for General Practice, Department of Community Medicine,The Arctic University of Norway, Norvège
John Brandt Brodersen, general practitioner, PhD in public health, Danemark ; Department of Community Medicine, The Arctic University of Norway, Norvège
Alexandra Brandt Ryborg Jønsson, anthropologiste médicale, travaille dans le champ des inégalités en santé avec un focus spécial sur le surdiagnostic à l'Université de Copenhague, Danemark ; Department of Community Medicine,T he Arctic University of Norway, Norvège ; Department of People and Technology, Roskilde University, Danemark

Si la logique du diagnostic précoce profite à certains, expliquent les auteurs, elle produit également des effets néfastes.
Le but de l'article est de démontrer comment le temps dans les sociétés des pays développés est perçu dans une logique linéaire, inéluctable, irréversible et rapide. Et comment cette vision, concomitamment avec le totalitarisme de l'accélération sociale demandant de l'urgence dans l'action en santé, a pu conditionner la logique de l'urgence du diagnostic, et du dictat de la détection précoce : "plus tôt, mieux c'est".

Les auteurs, parmi lesquels une anthropologiste, analysent la manière dont la logique du diagnostic précoce s'est imposée comme un concept stable et comment le message " plus tôt, mieux c'est" n'est actuellement pas remis en question par la recherche, la politique ou la société, alors que les preuves à l'appui de cette logique manquent, et que les études montrent la complexité imprévisible du génie du cancer.

Ils estiment que cela peut s'expliquer, du moins en partie, par une perception linéaire du temps et par les traces sociétales du néolibéralisme et de l'accélération dans notre société, ainsi que par le fait que le cancer est considérée comme une maladie énigmatique qui nécessite une action immédiate.
"La poursuite de la perception linéaire des symptômes et du cancer risque de faire plus de mal que de bien en rendant inutilement plus de gens malades et en dépensant les ressources de santé pour ceux qui en ont le moins besoin."

Les CPP au Danemark, qu'est-ce ?

Les variations de la survie au cancer que l'on constate entre les pays ont été expliquées par un supposé retard de diagnostic et de traitement, et cette vision reflète l'importance accordée au temps dans nos sociétés, convaincues qu'on peut réduire le délai de diagnostic et de traitement par des programmes nationaux de dépistage et des initiatives de lutte précoce contre le cancer.Ainsi des parcours accélérés pour les patients atteints de cancer (CPP, cancer patient pathways), ont été mis en place au Danemark depuis 2007, et des stratégies similaires sont en train d'être introduites dans le reste de ce qu'on appelle le Global North, à savoir les pays développés et à niveau similaire de développement.

Les auteurs écrivent :
"La rationalité qui sous-tend ces stratégies est ancrée dans la logique selon laquelle la détection précoce des symptômes du cancer (tels que la présence de sang dans les selles ou une grosseur dans le sein) peut soit (1) prévenir l'apparition du cancer, soit (2) détecter le cancer à un stade localisé et réduire ainsi la morbidité et la mortalité liées au cancer."

Dans ce cadre, les médecins généralistes peuvent orienter leurs patients vers des tests de diagnostic à l'hôpital lorsqu'ils présentent des symptômes vagues ou non spécifiques de cancer, tels que la fatigue ou la perte de poids. En bref, l'expression "le plus tôt sera le mieux" résume le principe essentiel de la logique du diagnostic précoce et est considérée par tous, public aussi bien que médecins, comme allant de soi, de par des facteurs sociétaux et culturels qui influencent nos perceptions du temps en relation avec le diagnostic. Ce que les auteurs vont décortiquer.

De quels effets néfastes parle-ton ?

"À l'échelle mondiale, le surdiagnostic, c'est-à-dire le fait de transformer inutilement des personnes en patients en détectant des changements pathologiques qui n'auraient jamais causé de dommages (Brodersen et al., 2018), est en augmentation (Glasziou et al., 2019). Un ensemble de recherches montre qu'une partie du surdiagnostic provient de la découverte de cellules cancéreuses "trop tôt", car beaucoup ne se développeront jamais ou ne se transformeront pas en maladie. Il est donc nécessaire de mener des recherches interdisciplinaires qui nuancent et approfondissent la compréhension du paradigme du "diagnostic précoce"."

Selon les auteurs, " les procédures de diagnostic, en particulier les dépistages dans le cas des cancers, sont fondées sur des impératifs moraux manifestes et sur une compréhension du temps, des symptômes et de la maladie qui imprègne la recherche, les individus et la société", alors même que les meilleures données disponibles ne suggèrent aucun bénéfice d'une telle initiative, mais plutôt des inconvénients. Cette conviction ressort dans les discours sur les avantages de la détection précoce et imprègne le ressenti du public.

Le problème : notre perception linéaire du temps

Damhus et col. exposent : " Dans cet article, nous soutenons que la logique du diagnostic précoce est liée aux notions de temps et à la façon dont les citoyens du Nord global interprètent le temps comme étant linéaire, cumulatif, irréversible et en mouvement rapide (Ostenfeld-Rosenthal et Bjønness, 2003). Ainsi, ayant une perception linéaire du temps, nous avons souvent tendance à nous orienter vers l'avenir."

La notion de temps ne doit pas être considérée comme acquise. Les auteurs en effet détaillent comment pour certains sociologues les périodicités temporelles conventionnelles (jours, mois, années) sont socialement dérivées, alors que pour d'autres, anthropologues, les catégories temporelles sont des adaptations à l'environnement physique. Certaines sociétés auraient une vision cyclique du temps, et non pas linéaire comme la nôtre.

Toutefois historiquement, toujours selon l'équipe on peut considérer que la période industrielle avec le travail en usine a favorisé cette vision d'une vie segmentée et séquencée, puis l'économie monétaire émergente a mis en relation le temps et le profit, dans la mesure où économiser du temps était aussi économiser de l'argent, et l'introduction d'un aspect moral selon lequel le temps doit être correctement utilisé.

Les auteurs se réfèrent au sociologue allemand Hartmut Rosa selon lequel l’accélération sociale prédomine dans notre société actuelle, "à la fois comme une accélération technologique mais aussi comme l’accélération du changement social et l’accélération du rythme de vie. Sans aucun doute, ce paradigme du temps linéaire, cumulatif et accéléré est également présent dans la façon dont le lien entre le temps et le cancer a été établi dans diverses disciplines de recherche."

De façon très souvent arbitraire un délai est attribué à chaque étape de l'évolution du cancer. Ainsi, l’accélération du temps de la réponse est une grande qualité dans la logique du diagnostic précoce. A la caractéristique de l'accélération de l'action sanitaire s'ajoute l’idée d’autonomiser les individus avec une meilleure litératie sanitaire. Ceci garantit certes une la liberté de choisir, mais aussi impose à l’individu plus de responsabilité et l'encourage à se gouverner selon des comportements de santé jugés appropriés.
Dans le cadre de ce que des sociologues appellent la « citoyenneté biologique », disent les auteurs," les citoyens sont promis à l’autonomisation par la diffusion de campagnes de sensibilisation nationales et encouragés à prendre des mesures proactives dans la recherche de soins de santé. Dans ce contexte, une réponse rapide est considérée comme le résultat souhaitable, l’individu étant considéré comme l’agent responsable de sa propre santé.
Cependant, si les individus n’adhèrent pas, ils ne sont pas seulement blâmés par les autres, mais sont également susceptibles de se blâmer eux-mêmes. Cela impose aux individus un fardeau considérable pour se conformer aux attentes de la société et renforce la notion selon laquelle une action en temps opportun est cruciale pour obtenir des résultats positifs en matière de santé."

L' article a pour objectif d'étudier comment les différentes notions de linéarité du temps sont essentielles dans la recherche sur le cancer, d'en comprendre les conséquences individuelles et sociétales, et d'inviter à repenser le temps dans l'évolution cancéreuse.

La taille d'une tumeur n'est pas corrélée au temps

Les auteurs se réfèrent à Gilbert Welsch, cancérologue américain qui a travaillé sur les modèles de l'évolution cancéreuse et a conçu un schéma explicatif illustrant pourquoi finalement le dépistage échoue dans sa mission première, à savoir trouver les cancers les plus graves qui sont souvent trop rapides pour être anticipés, et surdétecte à l'inverse des cancers peu ou même pas menaçants, mais suffisamment indolents pour être facilement détectés.

"Le cancer ne représente pas une maladie. La biologie, la croissance et l’étiologie des tumeurs sont beaucoup plus complexes, à la fois au sein de la tumeur spécifique aux organes et entre les différents types de cancer (Welch, 2022). Comme l’a dit le médecin et chercheur en cancérologie H. Gilbert Welch : « Dans la pratique clinique, le fait de dire qu’une personne est atteinte d’un cancer donne le moins d’informations possible sur l’évolution possible de sa maladie pour dire qu’elle est infectée. Il y a des conséquences dangereuses qui peuvent être fatales. et il y a des infections inoffensives qui sont auto-limitées ou qui peuvent disparaître. Il en va de même pour les cancers. Le cancer n’est pas une entité unique. Il s’agit d’un large éventail de maladies liées les unes aux autres seulement de nom » (Welch, 2022).

Cette complexité se reflète dans une étude épidémiologique danoise comparant la taille des cancers de la tête et du cou au moment du diagnostic avec la taille au début du traitement (Jensen et al., 2007). Les auteurs ont constaté que 38 tumeurs sur 61 avaient augmenté, mais que la croissance variait entre 6 % et 495 % du volume tumoral (Jensen et coll., 2007). Ces grandes variations de la croissance tumorale, au sein d’un même type de cancer, illustrent la complexité de la biologie tumorale, qui est illustrée plus en détail à la figure 1 (Welch et Black, 2010)."

A- Cancer rapide ; B-cancer lent ; C-cancer très lent ; D-cancer stagnant ; E-cancer régressif

"La figure 1 montre l’hétérogénéité de la progression du cancer (Welch et Black, 2010). Si l’on considère la figure 1, le cancer-A croît rapidement, ce qui laisse une très courte fenêtre d’opportunité entre les symptômes et le traitement avant que la personne ne meure de ce cancer. Ces tumeurs sont souvent qualifiées de tumeurs agressives, et aucun programme de dépistage ou d’initiation précoce au cancer ne semble pouvoir les détecter à un stade localisé. Le cancer-B se développe lentement, et la fenêtre ouverte d’opportunités des symptômes à la mort de la personne est plus longue. Dans le cas de certains cancers B, cela permet aux participants au dépistage et aux patients qui cherchent à obtenir un diagnostic de cancer localisé chez leur médecin de famille et, grâce au traitement, ces patients pourraient ne pas mourir de leur cancer. Le cancer-C se développe très lentement, et le patient mourra d’autres causes avant que le cancer ne donne des symptômes. Le cancer-D+E sont des conditions non progressives qui répondent à la définition pathologique du cancer mais ne causent jamais de symptômes (D), et certains grandissent puis régressent (E). Cela suggère que pour les cancers B, un diagnostic et un traitement rapides pourraient réduire la mortalité par cancer. En revanche, le cancer C+D+E peut être affecté par un surdiagnostic, ce qui signifie qu’ils reçoivent un diagnostic qui ne leur causera pas de maladie au cours de leur vie (Brodersen et coll., 2018). "

Nous vous proposons une version un peu différente issu de l'article "comment se développe un cancer" :

Le cancer très agressif correspondant à la forme rapide est raté par le dépistage.
Le cancer lent est anticipé par le dépistage mais ce serait manifesté et la patiente aurait consulté à temps, le temps métastatique étant très long, on est en temps et en heure pour traiter et guérir.
Pour les trois autres formes de cancer qui n'auraient pas occasionné de troubles, le dépistage ne sert à rien, et c'est pour ces trois dernières formes (parenthèse) que se produit le surdiagnostic.

"En termes simples, le surdiagnostic se produit parce qu’il n’est pas possible de déterminer si un cancer détecté est un cancer A ou l’un des autres cancers (figure 1). Ainsi, certains cancers sont diagnostiqués et certains d’entre eux sont traités, bien que ces cancers n’auraient pas causé de maladie dans la vie de la personne. Selon une étude australienne, environ 20 % des cancers diagnostiqués en Australie sont surdiagnostiqués (Glasziou et al., 2019). Outre les préjudices physiques découlant d’un éventuel surtraitement, ces patients risquent des conséquences psychologiques négatives et des effets d’étiquetage liés à l’obtention d’un diagnostic de cancer (Bond et coll., 2013). Pour récapituler, l’étiologie différente et la croissance des tumeurs cancéreuses impliquent que le diagnostic précoce du cancer peut réduire la mortalité par cancer pour certains, mais d’autres sont sur-diagnostiqués et surtraités. Cela signifie que même dans le même type de cancer, il est difficile d’estimer le bénéfice d’un délai accéléré entre les symptômes, le diagnostic de cancer et la mortalité par cancer."

La logique du diagnostic précoce du cancer

En oncologie on souhaite maîtriser les effets d'un cancer de diagnostic retardé, le temps est géré comme une variable qui doit être contrôlée, ou du moins corrigée tout en étudiant les résultats. C’est pourquoi les épidémiologistes du cancer divisent le temps en intervalles. La figure 2 est couramment utilisée dans les études de diagnostic précoce du cancer pour faciliter une définition et un compte rendu uniformes et normalisés des études dans ce domaine (Weller et coll., 2012).
C'est donc par commodité et de façon tout à fait théorique que le temps se compose de différents intervalles allant de la première fois que le patient ressent un symptôme potentiel de cancer au début du traitement.(Figure 2)

On distingue ainsi "un intervalle patient, un intervalle médecin et un intervalle système" correspondant à chaque période de temps où un retard peut survenir dans le processus linéaire des symptômes au traitement. Cette subdivision est théorique.

Comme le rappellent les auteurs :
"En épidémiologie du cancer, le plan d’étude idéal comprend un essai contrôlé randomisé dans lequel certains participants sont inclus dans un groupe d’étude qui retarde le diagnostic du cancer et d’autres ne le sont pas. Cependant, la perception que le diagnostic rapide du cancer est essentiel induit que les patients sont peu susceptibles de participer, et rend l’approbation éthique difficile, voire impossible à obtenir."

En effet, au tout début du dépistage on disposait de cohortes de personnes qui n'avaient jamais eu de dépistage et on les intégrait dans des études comparatives avec deux groupes, l'un dépisté et l'autre non, où on étudiait l'effet du dépistage par rapport au groupe non dépisté.
De nos jours ce genre d'étude n'est plus possible dans la mesure où l'on considère non éthique l'établissement d'un groupe "sans dépistage", autrement dit le fait de soustraire une personne à la possibilité de se faire dépister, considérant qu'il y a un manque de chance pour elle, alors que nous manquons de données probantes pour statuer si le diagnostic accéléré du cancer est réellement bénéfique ou non en termes de mortalité ou de morbidité.

Pour revenir aux CPP (les parcours accélérés pour les patients porteurs de cancers), une étude danoise a étudié la longueur de l’intervalle de diagnostic avant, pendant et après la mise en œuvre du CPP, dont les auteurs de cet article résument les résultats :
"Les auteurs ont constaté que l’intervalle diagnostique (voir la figure 2) était plus court après la mise en œuvre du CPP, mais aucun développement favorable au stade tumoral au cours de la mise en œuvre du CPP n’a été observé (Jensen, 2015). Cela souligne encore une fois la complexité de la question de savoir si la logique du diagnostic précoce peut prévenir le cancer disséminé. Ce ne sont là que quelques exemples tirés de la littérature épidémiologique, mais les données épidémiologiques actuelles ne suggèrent pas d’association claire entre le diagnostic précoce et l’amélioration des résultats du cancer dans son ensemble."

En dépit de bon nombre d'études démontrant la complexité non maîtrisable des modèles d'évolution cancéreuse rendant hypothétiques les bénéfices avancés du dépistage (lire ici, et ici), la recherche actuelle est toujours très centrée sur la découverte de nouvelles technologies d'anticipation, comme l'analyse de l'ADN tumoral circulant ou de marqueurs sanguins.(voir la synthèse sur les biopsies liquides). On réfléchit toujours le temps cancéreux sous forme d'un continu linéaire et inéluctable, alors que ce schéma existe peut-être mais que d'autres parcours existent, comme une stagnation, une régression, une évolution rapide de la tumeur suivie d'une stagnation, une lente évolution qui peut s'accélérer etc....

C'est ce que relatent les auteurs :

"Le concept sous-jacent est que les symptômes ou même les biomarqueurs existent sur un continuum, se développant d’une manière avant-gardiste sinon ralentie par la détection. La figure 3 montre comment les symptômes augmentent la signification clinique, devenant ainsi de plus en plus révélateurs du cancer (Vedsted et Olesen, 2015). Cette figure montre les symptômes sur un continuum allant de « certainement pas grave » à « à faible risque, mais pas sans risque », se terminant par « certainement grave » (Vedsted et Olesen, 2015). Cependant, cela contredit la figure 1, dans laquelle certains cancers, mais pas tous, deviendront des maladies graves (Welch et Black, 2010)."

Mais cette figure, là aussi très théorique, est trompeuse, car, disent les auteurs " les études suggèrent que même les symptômes « certainement graves », également appelés symptômes d’alarme du cancer, sont très répandus chez les personnes vues en pratique générale, mais ont une faible valeur prédictive positive (VPP) du cancer (Svendsen et al., 2010). Par exemple, au cours d’une année donnée, 15 % de la population générale danoise a présenté des symptômes alarmants de cancer du sein, colorectal, urinaire ou pulmonaire (Svendsen et coll., 2010). Cependant, seulement un petit nombre de ces 15 % auront le cancer (Svendsen et coll., 2010). Fait important, la logique du diagnostic précoce exprimée à la figure 3 a justifié l’abaissement du seuil de suspicion du cancer en pratique générale. Avec l’introduction du CPP pour les symptômes non spécifiques du cancer du sein (NSSC-CPP), les personnes qui présentent ce qu’on appelle un « risque faible mais non nul » sont admissibles à un examen diagnostique intensif du cancer."

La sémantique militaire qui entoure le discours du cancer amplifie cette agressivité et cette précipitation lorsqu'on appréhende le cancer. Les personnes "se sont battues" contre le cancer, ou au contraire "après une longue lutte, la personne a succombé". Le mythe du 'cancer-hero' est très présent, quand il s’agit de cancer on exige en retour une attitude de contre-attaque et une action forte du corps médical ; aussi on "combat" la maladie, on a un "arsenal thérapeutique", on "lutte" contre le cancer.

Dans son analyse historique du cancer du sein, Robert A. Aronowitz, docteur en médecine et professeur de sciences sociales a exploré "comment les écrits populaires et médicaux et les messages de santé publique sur le cancer depuis le début du XXe siècle exhortent constamment les femmes et les hommes à consulter un médecin dès qu’ils remarquent des symptômes qui pourraient signaler le cancer (Aronowitz, 2001). Il est intéressant de noter que le message public « ne tardez pas » dans la recherche de soins contre le cancer était déjà établi au début des années 1900".
"Aronowitz soutient que l’étiologie inconnue du cancer, les incertitudes médicales dans le traitement, et les écarts entre les cas spécifiques de cancer et le type idéal de cancer ont forcé le blâme et la responsabilité. Le « message de retard » a rendu les personnes responsables de leur maladie tout en minimisant certaines des incertitudes existentielles, morales et médicales liées au soin de patients individuels pour les cliniciens (Aronowitz, 2001)."

Alors que les faits, les études et les constatations dans la vraie vie laissent entrevoir des multitudes de possibilités d'évolution cancéreuse, et montrent que la taille tumorale n'est pas corrélée au temps de façon linéaire, malgré cela, relatent les auteurs : " dans le plan national danois de lutte contre le cancer de 2005, on peut lire que « les études sur l’effet des retards sur les facteurs pronostiques de ces cancers pointent dans des directions différentes, et l’effet n’est donc pas définitivement clarifié » (Autorité sanitaire danoise, 2005)."
Il y a bien un doute sur l'efficacité réelle des procédures de diagnostic accéléré, pourtant : "en dépit de preuves non confirmées, le gouvernement a mis en place des CPP accélérées dans le cadre du plan national contre le cancer (Autorité sanitaire danoise, 2005)."

Nous joignons ici des images de cas cliniques illustrant l'absence de corrélation taille/temps en matière de cancer du sein, issus de notre article sur "l'histoire naturelle du cancer".

Détecté petit et pourtant déjà métastasé

« Premiers symptômes »?

Nous reprenons la figure 2

Damhus et col. soutiennent que cette vision assigne la responsabilité aux différents acteurs du parcours, en particulier aux patients eux-mêmes ainsi qu'aux médecins.

" Le premier intervalle est nommé premier symptôme et fait partie de l’intervalle patient. Il existe deux principes : 1°- qu’un premier symptôme existe et 2°- que l’individu peut reconnaître et est responsable de réagir à un tel premier symptôme. Cependant, en faisant appel à d’autres et à notre propre travail ethnographique avec des patients enquêtés avec la suspicion de cancer, nous avons constaté que les premiers symptômes ne sont pas aussi simples que cela, car les gens n’ont pas toujours expérimenté leur corps dans un processus aussi linéaire et avancé (Damhus et al., 2022a; Merrild et Andersen, 2021). De plus, les gens pourraient ne pas être en mesure d’interpréter leur « premier symptôme » comme tel, parce qu’ils ne sont pas nécessairement exempts de symptômes pour commencer ou même conscients de leur corps de cette façon. Dans une étude de Merrild et Andersen, basée sur des entretiens ethnographiques répétés avec 10 patients atteints de cancer socialement défavorisés au Danemark, l’interlocuteur, Liz, a déjà été traitée pour le cancer du sein et est maintenant vue pour des tests de suivi à l’hôpital (Merrild et Andersen, 2021). Liz est handicapée par sa colonne vertébrale qui se détériore, alors lorsqu’elle décrit ses problèmes de santé, il est souvent difficile de faire la distinction entre son cancer antérieur, ses maux de dos ou ses ganglions lymphatiques enflés, le renflement de la peau sous son bras ou les bosses dans son sein – tout est flou. (Merrild et Andersen, 2021). "

"Trop tard", ou "suffisamment tôt", ces termes n'ont aucun sens lorsqu'on prend conscience du caractère illusoire de la corrélation entre symptômes et stade cancéreux. Pourtant combien de fois peut-on assister, en consultation, à des discours de patientes commodément blâmées par le corps médical d'avoir "trop tardé", et qu'on n'écoute absolument pas lorsqu'elles relatent la survenue subite, parfois en un week-end (expérience personnelle NDLR) de leur tumeur palpable dans leur sein ?

"En se référant à un intervalle entre les patients" notent les auteurs, "il y a une attente implicite que la personne est responsable d’agir en termes de réaction aux symptômes et de recherche de soins de santé appropriés.
Cette responsabilité n’est pas nouvelle, car les citoyens ont depuis longtemps la responsabilité d’agir sur les symptômes potentiels du cancer en temps opportun (Aronowitz, 2001). Dans les années 1920, l’étiologie inconnue du cancer a renforcé les médecins à blâmer le temps ou le patient si de mauvais résultats se sont produits. Fait important, le néolibéralisme n’a pas créé le cancer comme une maladie aiguë, mais plutôt confirmé et amplifié la logique déjà établie. Ceci en encourageant les individus vieillissants à se gouverner eux-mêmes, en créant un espace pour l’action individuelle et en impliquant, mais aussi en attribuant le blâme si l’individu ne réussit pas."

Citons à nouveau Rosa, le sociologue allemand :
"La responsabilité de réagir aux symptômes et de voir le médecin à temps, vient avec la contrepartie de ne pas perdre le temps du médecin, en voyant le médecin trop souvent. Concernant 'ne pas perdre de temps et l’obligation morale de faire bon usage du temps', Rosa et d’autres soutiennent que ce sont les caractéristiques de notre société actuelle où les logiques de marché, y compris les caractéristiques de la concurrence, ont accéléré le rythme non seulement du développement technologique, mais de toutes les parties de l’action sociale dans notre société."

Plus tôt, mieux c'est " en tant que concept stable dans le Nord

Tant que nous reconnaissons l’importance du diagnostic précoce, en médecine, dans la recherche et dans les innovations technologiques pour traquer le 'toujours plus petit' et considérons la précocité comme une perspective biomédicale précieuse, alors la logique sous-jacente fondamentale de linéarité du temps dans le développement cancéreux n’a pas été fondamentalement remise en question.

Pourquoi le "plus tôt, mieux c'est" , logique intuitive mais fallacieuse persiste encore à notre époque ?
Peut-être parce que, en dépit du fait que cette logique est fallacieuse, nous n'en avons pas de meilleure ni de plus précise, que celle-ci est commode et peut être facilement enseignée.

Les auteurs alertent toutefois sur les dommages de cette vision trop confortable de la recherche du toujours plus tôt et petit.
"Lorsque la logique du diagnostic précoce profite à certains, elle produit également des préjudices tels que le surdiagnostic, le surtraitement...
En outre, la logique du diagnostic précoce a élargi la population de personnes admissibles au dépistage du cancer, ce qui n’est pas sans conséquences. Premièrement, l’expansion a compliqué la réponse à ce qui constitue les symptômes du cancer. Cette question (de recherche) nécessite sa propre analyse, mais notre analyse actuelle indique que nous pourrions tous avoir des symptômes de cancer qui pourraient faire disparaître la signification des symptômes du cancer."

"Deuxièmement", poursuivent-ils, "enquêter sur davantage de personnes suspectées de cancer risque de dépenser des ressources de santé parmi ceux qui en ont le moins besoin, ce qui, au niveau sociétal, n’est pas viable dans un secteur de santé financé par l’État avec des ressources limitées.
Cependant, l’hypothèse vieille de plus de 100 ans que le cancer est évitable s’il est pris à temps (Aronowitz, 2001) n’a pas changé, mais elle est exactement la même que le message de la plus récente campagne sur le mélanome malin de la Société danoise du cancer « le mélanome malin est curable s’il est pris à temps ». (Société danoise du cancer, 2023). Il est frappant de constater que, malgré le manque de preuves à l’appui de ce message, aucun chercheur, politicien ou individu ne semble remettre en question la logique du diagnostic précoce du cancer.
Dans notre compréhension linéaire du temps, la mort est la fin. La mort est redoutée et considérée comme quelque chose qui devrait être évité ou du moins reporté par nous. Ces paradigmes, conjugués au fait que le cancer est la principale cause de décès, appuient l’accent à mettre sur la prévention du cancer et légitiment la logique du diagnostic précoce. Rosa soutient que l’accélération sociale est devenue une force totalitaire dans et de la société moderne (Rosa, 2010).
Pour Rosa, un pouvoir est totalitaire quand il exerce une pression sur les volontés et les actions des sous-projets, ...et quand il est difficile ou presque impossible de le critiquer et de le combattre (Rosa, 2010)."

C'est bien le cas dans nos sociétés post-modernes où le concept d'anticiper la maladie à tout prix par une multiplication de tests biologiques et d'imagerie est publiquement parfaitement incontestable sous peine de se voir traiter de non-progressiste ou pire, de vouloir mettre en danger la vie des gens.
Les médias sont pour la plupart hermétiques à toute remise en cause, et notre expérience dans le collectif Cancer Rose est grevée de refus de publications d'interviews donnés, en raison de barrages de certaines rédactions. (NDLR)

Conclusion

Les auteurs soutiennent "qu’il est nécessaire de remettre en question et de nuancer cette ontologie quelque peu linéaire et stable du temps et du cancer dans la logique du diagnostic précoce. Nous reconnaissons que cette tentative pourrait échouer, entre autres, en raison de notre perception linéaire du temps et des caractéristiques totalitaires de l’accélération sociale, constituant des élévations centrales de la logique du diagnostic précoce."

Ils écrivent :

"Les données de différents chercheurs suggèrent que les symptômes et le cancer sont beaucoup plus complexes que cette linéarité, la logique du diagnostic précoce a survécu, à la fois dans les décisions politiques sur la prévention du cancer, les différentes disciplines de recherche et dans la sensibilisation du public au cancer.

Nous soutenons que cela, au moins en partie, peut s’expliquer par la puissance d’une perception linéaire du temps et des traces sociétales du néolibéralisme et de l’accélération dans notre société, le cancer étant toujours une maladie quelque peu énigmatique qui nécessite une action aiguë. Pour soutenir un secteur de la santé durable, nous soutenons qu’il est nécessaire de nuancer la logique du diagnostic précoce. La prévention primaire structurelle du cancer est incontestablement importante dans les sociétés d’aujourd’hui, mais la poursuite de la perception linéaire des symptômes et du cancer dans la prévention médicale, risque de faire plus de mal que de bien. Bref, en rendant plus de gens malades inutilement et en dépensant des ressources de santé parmi ceux qui en ont le moins besoin."

Articles connexes

Un médecin a beaucoup travaillé en France sur l'histoire naturelle du cancer, il s'agit de Dr B.Duperray, ancien chef de service de radiodiagnostic à l'Hôpital Saint Antoine à Paris, voici un extrait de son livre, "dépistage du cancer du sein, la grande illusion", aux éditions Souccar : https://cancer-rose.fr/2021/02/24/extrait-du-livre-b-duperray/

Lire aussi : https://cancer-rose.fr/2019/12/17/contributions-de-dr-b-duperray-sur-le-surdiagnostic-dans-le-cancer-du-sein/

Références des auteurs

ACE (2019) Key messages from the evaluation of Multidisciplinary Diagnostic Centres (MDC): a new approach to the diagnosis of cancer. London: Cancer Research UK.

Allgar VL and Neal RD (2005) Delays in the diagnosis of six cancers: Analysis of data from the National Survey of NHS Patients: Cancer. British Journal of Cancer 92(11): 1959–1970.

Andersen RS and Tørring ML (2023) Cancer Entangled: Anticipation, Acceleration, and the Danish State. Ithaca, NY: Rutgers University Press.

Arndt V, Stürmer T, Stegmaier C, et al. (2002) Patient delay and stage of diagnosis among breast cancer patients in Germany – A population based study. British Journal of Cancer 86(7): 1034–1040.

Aronowitz RA (2001) Do not delay: Breast cancer and time, 1900-1970. Milbank Quarterly 79(3): 355–386, III.

Balmer C, Griffiths F and Dunn J (2014) A qualitative systematic review exploring lay under- standing of cancer by adults without a cancer diagnosis. Journal of Advanced Nursing 70(8): 1688–1701.

Barth F (1980) Sosial Antropologien Som Grunnvitenskap. Copenhagen: The Public University of Copenhagen.

Bond M, Pavey T, Welch K, et al. (2013) Systematic review of the psychological consequences of false-positive screening mammograms. Health Technology Assessment 17(13): 1–170, v.

Brodersen J, Schwartz LM, Heneghan C, et al. (2018) Overdiagnosis: what it is and what it isn’t. Journal of Evidence-Based Medicine 23(1): 1–3.

Byskov Petersen G, Sadolin Damhus C, Ryborg Jønsson AB, et al. (2020) The perception gap: how the benefits and harms of cervical cancer screening are understood in information mate- rial focusing on informed choice. J Health, Risk, Society 22(2): 177–196.

Cancercentrum (2018) Allvarliga ospecifika symtom som kan bero på cancer Standardiserat vårdförlopp [Serious non specific symptoms that can be cancer. Standardised cancer patient pathways]. Available at: https://www.cancercentrum.se/globalassets/vara-uppdrag/kun- skapsstyrning/varje-dag-raknas/vardforlopp/kortversioner/pdf/kortversion-svf-allvarliga- ospecifika-symtom-cancer.pdf (accessed 19 February 2024).

Creswell JW and Clark VP (2011) Mixed Methods Research. Thousand Oaks, CA: Sage Publications.

Crowe S, Cresswell K, Robertson A, et al. (2011) The case study approach. BMC Medical Research Methodology 11(1): 100.

Damhus CS (2022) Testing times- Implementation, diagnostic outcomes and the people liv- ing beyond the cancer patient pathway for non-specific symptoms and signs of cancer. Copenhagen: copenhagen 22(1):130.

Damhus CS, Brodersen JB and Risør MB (2022a) Luckily—I am not the worrying kind: Experiences of patients in the Danish cancer patient pathway for non-specific symptoms and signs of cancer. Health: An Interdisciplinary Journal for the Social Study of Health Illness and Medicine 27: 1059–1075.

Damhus CS, Siersma V, Birkmose AR, et al. (2022b) Use and diagnostic outcomes of cancer patient pathways in Denmark – Is the place of initial diagnostic work-up an important factor? BMC Health Services Research 22(1): 130.

Damhus CS, Siersma V, Birkmose AR, et al. (2023) Colon cancer diagnosed in patients with non-specific symptoms - comparisons between diagnostic paradigms. Acta Oncologica 62: 272–280. Damhus CS, Siersma V, Dalton SO, et al. (2021) Non-specific symptoms and signs of cancer: Different organisations of a cancer patient pathway in Denmark. Scandinavian Journal of Primary Health Care 39(1): 23–30.

Danish Health Authority (2005) National Cancer Plan II. Available at: https://www.sst.dk/-/media/ Udgivelser/2005/Publ2005/PLAN/kraeftplan2/KraeftplanII_UK/Kraeftplan_II_UK,-d-,pdf. ashx (accessed 18 September 2019).

Danish Health Authority (2022) Diagnostisk pakkeforløb [Diagnostic pathway]. Available at: https://www.sst.dk/da/Udgivelser/2022/Diagnostisk-pakkeforloeb (accessed 24 January 2022).

Deng Y, Sun Z, Wang L, et al. (2022) Biosensor-based assay of exosome biomarker for early diagnosis of cancer. Frontiers of Medicine 16(2): 157–175.

Fainzang S, Hem HE and Risor MB (2010) The Taste for Knowledge: Medical Anthropology Facing Medical Realities. Aarhus: Aarhus Universitetsforlag.

Forrest LF, Adams J, White M, et al. (2014) Factors associated with timeliness of post-primary care referral, diagnosis and treatment for lung cancer: Population-based, data-linkage study. British Journal of Cancer 111(9): 1843–1851.

Foucault M (2012) Discipline and Punish: The Birth of the Prison. New York, NY: Vintage.

Frumer M, Andersen RS, Vedsted P, et al. (2021) ‘In the meantime’: Ordinary life in continuous medical testing for lung cancer. Medicine Anthropology Theory 8(2): 1–26.

Gell A (2000) Chapter 13 time and social anthropology. In: Baert P (ed.) AZimuth. Amsterdam: North-Holland, pp.251–268.

Gell A (2021) The Anthropology of Time: Cultural Constructions of Temporal Maps and Images. London: Routledge.

Glasziou PP, Jones MA, Pathirana T, et al. (2019) Estimating the magnitude of cancer overdi- agnosis in Australia. Med J Aust. Epub ahead of print 21 December 2019. DOI: 10.5694/ mja2.50455

Hamilton W, Walter FM, Rubin G, et al. (2016) Improving early diagnosis of symptomatic cancer. Nature Reviews Clinical Oncology 13(12): 740–749.

Hay MC (2008) Reading sensations: Understanding the process of distinguishing ‘fine’ from ‘sick’. Transcultural Psychiatry 45(2): 198–229.

Helsedirektoratet (2019) Diagnostisk-pakkeforlop-for-pasienter-med-uspesifikke-symptomer-pa- alvorlig-sykdom-som-kan-vaere-kreft [The Norwegian directorate of health. Cancer patient pathway for patient with non specific signs and symptoms of cancer]. Available at: https:// www.helsedirektoratet.no/pakkeforlop/diagnostisk-pakkeforlop-for-pasienter-med-uspesi- fikke-symptomer-pa-alvorlig-sykdom-som-kan-vaere-kreft/inngang-til-pakkeforlop-for- pasienter-med-uspesifikke-symptomer (accessed 19 November 2019).

Jensen AR, Nellemann HM and Overgaard J (2007) Tumor progression in waiting time for radio- therapy in head and neck cancer. J Radiotherapy oncology 84(1): 5–10.

Jensen H (2015) Implementation of Cancer Patient Pathways and the Association With More Timely Diagnosis and Earlier Detection of Cancer Among Incident Cancer Patients in Primary Care. Aarhus: Aarhus University.

Jensen H, Tørring ML, Fenger-Grøn M, et al. (2016) Tumour stage and implementation of stand- ardised cancer patient pathways: A comparative cohort study. British Journal of General Practice 66(647): e434–e443.

Johansson M, Brodersen J, Gøtzsche PC, et al. (2019) Screening for reducing morbidity and mor- tality in malignant melanoma. Cochrane Database of Systematic Reviews 6(6): Cd012352.

Larkin JR, Anthony S, Johanssen VA, et al. (2022) Metabolomic biomarkers in blood samples identify cancers in a mixed population of patients with nonspecific symptoms. Clinical Cancer Research 28: 1651–1661.

Macdonald S, Conway E, Bikker A, et al. (2019) Making sense of bodily sensations: Do shared cancer narratives influence symptom appraisal? Social Science & Medicine 223: 31–39. Maehle PM, Hajdarevic S, Håland E, et al. (2021) Exploring the triggering process of a cancer care reform in three Scandinavian countries. International Journal of Health Planning and Management 36(6): 2231–2247.

Merrild CH (2018) Social differences in health as a challenge to the Danish Welfare State. In:

Bendixsen S, Bringslid MB and Vike H (eds) Egalitarianism in Scandinavia: Historical and Contemporary Perspectives. Cham: Springer International Publishing, pp.181–200.

Merrild CH and Andersen RS (2021) Disengaging with the cancerous body. Health: An Interdisciplinary Journal for the Social Study of Health Illness and Medicine 25(1): 21–36.

Merrild CH, Vedsted P and Andersen RS (2017) Noisy lives, noisy bodies. Anthropology in Action 24(1): 13–19.

Miller WW (2000) Durkheimian time. Time & Society 9(1): 5–20.

Mol A (2008) The Logic of Care: Health and the Problem of Patient Choice. New York, NY: Routledge.

Munn N (1992) The cultural Anthropology of time: A critical essay. Annual Review of Anthropology 21: 93–123.

National Institute for Health and Care Excellence (2015) Suspected cancer: recognition and refer- ral NICE guideline [NG12]. Available at: https://www.nice.org.uk/guidance/ng12/resources/ suspected-cancer-recognition-and-referral-pdf-1837268071621 (accessed 17 January 2018).

Neal RD, Tharmanathan P, France B, et al. (2015) Is increased time to diagnosis and treatment in symptomatic cancer associated with poorer outcomes? Systematic review. British Journal of Cancer 112(Suppl 1): S92–107.

Offersen S, Risør M, Vedsted P, et al. (2016) Am I fine?: Exploring everyday life ambiguities and potentialities of embodied sensations in a Danish middle-class community. Medicine Anthropology Theory 3(3): 23–45.

Offersen SMH, Vedsted P and Andersen RS (2017) ‘The good citizen’: Balancing moral possibili- ties in everyday life between sensation, symptom and healthcare seeking. Anthropology in Action 24(1): 6–12.

Ostenfeld-Rosenthal A and Bjønness J (2003) Spor af tid: Antropologiske perspektiver.: Afdeling for Etnografi og Socialantropologi.

Patton MQ (2014) Qualitative Research & Evaluation Methods: Integrating Theory and Practice. Thousand Oaks, CA: Sage Publications.

Petersen A (2016) Præstationssamfundet. København: Hans Reitzel.
Priya A (2021) Case study methodology of qualitative research: Key attributes and navigating the conundrums in its Application. Sociological Bulletin 70(1): 94–110.

Roberts P and Priest H (2006) Reliability and validity in research. Nursing Standard 20(44): 41–45. Rosa H (2010) Alienation and Acceleration: Towards a Critical Theory of Late-Modern Temporality. New York: NSU Press.
Rose N and Novas C (2007) Biological citizenship. In: Ong A and Collier SJ (eds) Global Assemblages. New Jersey: Blackwell Publishing Ltd, pp.439–463.

Sontag S (1989) Illness as Metaphor. New York: Farrar, Straus and Giroux, p.1978.

Storm H, Kejs A and Engholm G (2011) Improved survival of Danish cancer patients 2007–2009 compared with earlier periods. Danish Medical Bulletin 58(12): A4346.

Sugarman J and Thrift E (2020) Neoliberalism and the psychology of time. Journal of Humanistic

Psychology 60(6): 807–828.
Svendsen RP, Støvring H, Hansen BL, et al. (2010) Prevalence of cancer alarm symptoms: A population-based cross-sectional study. Scandinavian Journal of Primary Health Care 28(3): 132–137.

The Danish Cancer Society (2023) Tjek mærkerne [Check your moles]. Available at: https://www. cancer.dk/tjekmaerkerne/ (accessed 20 June 2023).

The Ministry of the Interior and Health (2023) Ny sundhedspakke [ New Health Pathway].

Available at: https://sum.dk/Media/638204240236882380/01-Faktaark-ny-sundhedspakkemaj-2023.pdf (accessed 20 June 2023).

Tørring ML (2023) The waiting time paradox: Intensifying public discourses on the vital character of cancer waiting times. In: Andersen RS and Tørring ML (eds) Cancer Entangled. Ithaca, NY: Rutgers University Press, pp.23–41.Vedsted P and Olesen F (2015) A differentiated approach to referrals from general practice to support early cancer diagnosis - the Danish three-legged strategy. British Journal of Cancer 112(Suppl 1): S65–S69.


Vrangbaek K (2020) The Danish health care system. International profiles of health care systems. Available at: https://www.commonwealthfund.org/international-health-policy-center/countries/denmark


Vrinten C, McGregor LM, Heinrich M, et al. (2017) What do people fear about cancer? A systematic review and meta-synthesis of cancer fears in the general population. Psycho-oncology 26(8): 1070–1079.

Welch HG (2022) Cancer screening-The good, the bad, and the ugly. JAMA Surgery 157: 467–468. Welch HG and Black WC (2010) Overdiagnosis in cancer. Journal of the National Cancer Institute 102(9): 605–613.


Weller D, Vedsted P, Rubin G, et al. (2012) The Aarhus statement: improving design and reporting of studies on early cancer diagnosis. British Journal of Cancer 106(7): 1262–1267.


Ziebland S, Rasmussen B, MacArtney J, et al. (2019) How wide is the Goldilocks Zone in your health system? Journal of Health Services Research & Policy 24(1): 52–56.

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Surdiagnostic, une préoccupation en médecine d’urgence aussi

Traduction et commentaires par Cancer Rose, 27 mars 2024

A propos d'un article de Justin Morgenstern
https://first10em.com/overdiagnosis-would-we-better-better-off-not-looking/

Le paradoxe de l'imagerie médicale et des avancées technologiques d'explorations modernes réside dans leur capacité d'imager et mesurer le corps humain de manière toujours plus détaillée, mais aboutissant à des détections biologiques et des images qui deviennent la source de l'un de nos plus grands défis en médecine, résumé dans le titre de cet article : Surdiagnostic : Serait-il préférable de ne pas chercher ?
Ce questionement se pose également en médecine d'urgence.

Justin Morgenstern est médecin d’urgence, il est aussi le créateur, le webmaster et le rédacteur en chef du media First10EM.
Passionné de médecine factuelle, il est également professeur adjoint à l'Université de Toronto.

Nous restituons sont point de vue publié le 25 mars dans First10EM sur les surdiagnostics en médecine d'urgence.
(Article connexe : https://first10em.com/overdiagnosis-in-the-emergency-department/)

Une augmentation du recours aux examens dans le cadre de la médecine d'urgence

Il ne fait aucun doute que le recours aux examens a considérablement augmenté en médecine d'urgence au cours de ma carrière.
Entre 2001 et 2010, l'utilisation du scanner dans les services d'urgence a été multipliée par 3 (et l'utilisation de l'IRM a été multipliée par 9, mais pour une raison quelconque, il m'est encore presque impossible d'en obtenir un) (Carpenter 2015)
La question est de savoir si tous ces tests aident réellement les patients. L'imagerie moderne est extraordinaire, et je suis heureux de travailler à une époque où le scanner est facilement accessible, mais il semble assez clair qu'au moins une partie des tests médicaux effectués chaque jour n'aide pas les patients. Par exemple, malgré l'augmentation massive de l'utilisation du scanner angiographique pulmonaire et de l'augmentation du taux de diagnostic de l'embolie pulmonaire, la mortalité due à l'embolie pulmonaire n'a pas du tout changé. (Carpenter 2015)

Ainsi, nous effectuons des tests, qualifions les patients de malades, les soumettons à une anticoagulation à long terme, mais sans aucun bénéfice en fin de compte. Une partie du problème réside dans le fait que les médecins n'ont pas compris l'importance de la probabilité pré-test, et la médecine est inondée de faux positifs. L'autre problème est le surdiagnostic.

(NDLR, l'importance de la compréhension des probabilités pré-tests de dépistage :
Imaginons un nouveau scanner qui ne rate jamais un cas de cancer du sein (sensibilité à 100 %), mais qui entraîne un faux positif chez 5 % des femmes en bonne santé (spécificité 95 %). Cet examen peut être considéré alors comme un test excellent et très précis que nous pourrions utiliser comme dépistage pour détecter le cancer du sein plus tôt. Chez les femmes de moins de 50 ans, le taux de cancer du sein est de 1 sur 1000.
Prenons le cas d'une femme de 45 ans qui aurait ce test positif, quelle est la probabilité qu’elle ait le cancer du sein réellement?
Calcul : dans un échantillon de 1 000 femmes, nous nous attendons à ce que 1 d’entre elles ait le cancer. La tomodensitométrie est parfaite et identifie la seule femme atteinte du cancer. Cependant, le taux de faux positifs de 5 % signifie que sur ce groupe de 1000 femmes, 50 recevront des résultats faux positifs. Il y a 51 tests positifs et seulement 1 cas réel de cancer. Par conséquent, le risque réel de cancer pour cette femme de 45 ans, malgré son scanner positif, est de 1/51, soit environ de 2 %.
Un résultat positif avec un test de dépistage extrêmement sensible ne procure encore que 2% de chances que le patient ait réellement et effectivement la maladie....
)

"Il y a surdiagnostic lorsqu'un test trouve une anomalie qui est techniquement "vraie positive", dans la mesure où l'individu présente la pathologie diagnostiquée, mais qui, dans ce cas particulier, n'aurait jamais causé de maladie réelle, même si elle n'avait pas été découverte et traitée." (Hoffman 2017)

Le problème du sur-dépistage et du surdiagnostic est que, bien que nous puissions facilement identifier ces patients dans les données statistiques globales, ils ne peuvent pas vraiment être identifiés cliniquement au stade du soin (NDLR :on peut identifier le surdiagnostic à l'échelle populationnelle, en comparant des populations soumises à des intensités différentes de dépistage, mais pas à l'échelle individuelle ; lors de la prise en charge d'une personne, il n'y a pour le clinicien, le biologiste et le radiologue seulement un diagnostic).
Contrairement aux faux positifs, qui peuvent potentiellement être identifiés (NDLR : le faux positif est une non-pathologie mise en évidence par des examens complémentaires) , le surdiagnostic se produit en présence d'une pathologie réelle, de sorte que les tests supplémentaires ne peuvent jamais remettre le "génie dans la boîte". Ainsi, le surdiagnostic conduit nécessairement à un surtraitement, et les patients ne sont donc pas seulement exposés aux inconvénients des tests, mais aussi à ceux de nos traitements (inutiles).

(NDLR : en mammographie, la fausse alerte ou faux positif est la suspicion d'un cancer sur une image mammographique, mais qui ne se confirmera pas après d'autres examens complémentaires. C'est donc un non-cancer, ce que l'on sait après avoir réalisé d'autres examens que la mammographie.
Le surdiagnostic c'est l'identification en mammographie d'un réel cancer authentifié par la biopsie, mais qui n'aurait pas évolué en l'absence de dépistage et n'aurait pas mis en danger la vie de la femme s'il était resté ignoré).

Bien que cela puisse sembler trop philosophique pour les médecins urgentistes en exercice (sic), nous devons vraiment nous pencher sur la définition de la maladie. Le langage a le pouvoir de façonner la réalité. En appliquant un diagnostic à un patient, nous rendons les choses telles qu'elles sont. Or, d'un point de vue physiologique, de nombreuses affections se présentent sous la forme d'un spectre (ou éventail de pathologies, NDLR), et s'il est logique de parler de 'maladie' pour une partie de ce spectre, il n'est certainement pas judicieux de qualifier tout le monde de malade.
(NDLR, la terminologie d'une lésion a une grande importance car elle détermine l'attitude plus ou martiale que la médecine va employer pour la traiter. Lors d'une réunion du National Cancer Institute américain en 2012, un groupe d'experts a discuté des stratégies visant à atténuer les préjudices du surdiagnostic et du surtraitement. Le fait qu'une large proportion de carcinomes in situ du sein, par exemple, est peu susceptible d'évoluer vers un cancer invasif a conduit à la proposition de modifier la terminologie pour supprimer le mot "carcinome" (et le mot 'cancer de stade 0') afin que le nom corresponde mieux à la compréhension croissante de la biologie sous-jacente, en les désignant simplement comme des "néoplasies intraépithéliales".
Les termes "cancer" et "carcinome" devaient être réservés aux lésions susceptibles de progresser. Lire ici : https://cancer-rose.fr/2023/04/25/ne-mappelez-plus-cancer/)

Par exemple, il existe certainement un niveau à partir duquel l'hypertension artérielle est nocive et à partir duquel les avantages d'une intervention dépassent les risques. Toutefois, le seuil exact fait l'objet d'un vif débat. Devrions-nous vraiment qualifier de malade une personne dont la pression artérielle systolique est de 142 ? Cela se traduit-il par un bienfait global ?
(NDLR : la question. de"quand est-on malade?" est posée dans le livre de Dr B.Duperray, "dépistage du cancer du sein, la grande illusion" aux éditions Souccar, extrait page 249
"Vouloir dépister sans savoir répondre à la question à partir de quand est-on malade ? conduit inévitablement au surdiagnostic. Si l’on ne peut pas encore se soustraire à tout coup à la mort par cancer du sein, on peut, en évitant le surdiagnostic, ne pas avoir à vivre l’agression médicale face à une maladie hypothétique fabriquée de toute pièce."
)

En ce qui concerne la médecine d'urgence, nous savons que les petits caillots sanguins sont extrêmement fréquents dans le corps humain. Il existe un équilibre permanent entre la coagulation et la lyse qui est intrinsèquement normal (pas de maladie). Si une embolie pulmonaire sous-segmentaire (affectant une toute partie très minime d'un poumon, NDLR) est découverte fortuitement sur un scanner de traumatologie, ce patient doit-il être considéré comme malade ? Lorsque nous trouvons des nodules fortuits sur un scanner de traumatologie, à partir de quel seuil devons-nous les qualifier d'anormaux ? Plus nous demandons d'examens, plus ces questions deviennent pressantes.
(Article connexe à lire à partir de la partie B, incidentalomes et soins de faible valeur)

L'explosion des informations diagnostiques dont nous disposons souligne "l'importance de faire la distinction entre les données (une collection de faits isolés), l'information (la reconnaissance du modèle que ces données impliquent), la connaissance (une compréhension de ce que ces informations signifient) et la sagesse (savoir comment appliquer les connaissances d'une manière qui améliore les résultats)". (Hoffman 2017)

Preuves de surdiagnostics

La plupart des preuves de surdiagnostic proviennent du domaine des soins primaires et du dépistage. Bien qu'ils ne relèvent pas de la médecine d'urgence, ces exemples permettent d'élucider les problèmes posés par le dépistage dans les populations à faible risque.

Le cancer de la thyroïde est un exemple classique.
(Article connexe : https://cancer-rose.fr/2020/06/05/le-surdiagnostic-du-cancer-de-la-thyroide-une-preoccupation-feminine-aussi/)
L'incidence du cancer de la thyroïde est restée relativement stable pendant des décennies, jusqu'à ce que le dépistage commence à devenir populaire dans les années 1990. L'incidence a ensuite triplé entre 1990 et 2009, mais la mortalité est restée totalement inchangée. "Nous avons constaté qu'il existe une épidémie de cancer de la thyroïde aux États-Unis. Cependant, il ne semble pas s'agir d'une épidémie de maladie. Nos résultats démontrent que le problème est dû au surdiagnostic du cancer papillaire de la thyroïde, une anomalie souvent présente chez des personnes qui n'en développent jamais les symptômes." (Davies 2014)
La situation est encore pire en Corée du Sud, où un programme de dépistage financé par le gouvernement a entraîné une multiplication par 15 des diagnostics de cancer de la thyroïde, sans qu'il y ait de preuve d'une amélioration de l'état de santé des patients. (Lee 2014 ; Park 2016)

NDLR : nous voyons de ce schéma tiré de la référence Davies 2014 (voir réfs en bas d'article) qu'avec le sur-dépistage des cancers thyroïdiens nous avons un paradoxe entre l'inflation des diagnostics de cancers et une mortalité pourtant non améliorée.
On trouve des preuves similaires de surdiagnostic pour le cancer du sein, le cancer de la prostate et le cancer du poumon. (Draisma 2009 ; Welch 2010 ; Patz 2014)

(Lire aussi : https://cancer-rose.fr/2023/01/09/le-surdiagnostic-des-cancers-un-defi-a-lere-du-depistage/)

Surdiagnostic en médecine d'urgence

Dans un article précédent sur le surdiagnostic, j'ai parlé d'un document examinant des exemples de surdiagnostic dans les services d'urgence (Vigna 2022). (Vigna 2022)
Cet article présente des exemples de surdiagnostic d'embolie pulmonaire, de maladie coronarienne, d'hémorragie sous-arachnoïdienne et d'anaphylaxie. En d'autres termes, le surdiagnostic est probablement présent dans les affections les plus courantes que nous évaluons chaque jour.

En réponse à une étude de base de données suggérant que nous pourrions manquer des fractures cervicales dans la population gériatrique, Hoffman et ses collègues présentent des données suggérant que de nombreuses fractures vertébrales chez les personnes âgées sont asymptomatiques, et donc "non seulement une intervention de routine ne conduirait pas à un bénéfice, mais elle produirait presque certainement un préjudice substantiel (et évitable) pour beaucoup de ces personnes."  (Hoffman 2017)
En d'autres termes, bien que la découverte d'une fracture cervicale semble toujours importante, les fractures cervicales pourraient représenter un autre exemple de surdiagnostic.

Une fracture du rachis cervical peut-elle faire l'objet d'un "surdiagnostic" ? À première vue, cette affirmation semble étrange. Les fractures du rachis cervical sont importantes à détecter, n'est-ce pas ? Cependant, je pense que Hoffman a tout à fait raison. Au cours de la dernière décennie, les radiographies du rachis cervical sont tombées en désuétude, remplacées presque entièrement par la tomodensitométrie. On nous a dit que c'était nécessaire, car la sensibilité des rayons X n'était tout simplement pas suffisante. Cela ne m'a jamais semblé correct. Il est évident que le scanner trouvera beaucoup plus de choses que la radiographie, mais était-ce vraiment un problème que nous devions résoudre ? Dans les années 1990, combien de patients ont été renvoyés de l'hôpital après une radiographie normale et sont devenus paralysés à cause d'une fracture de la colonne cervicale manquée ? Si le scanner était vraiment meilleur, nous devrions être en mesure de mettre en évidence les véritables préjudices subis par les patients à l'époque où il n'existait pas encore, mais le pouvons-nous ? Ou bien toutes les lésions supplémentaires détectées par le scanner sont-elles sans importance pour nos patients, sans qu'il soit nécessaire de modifier la prise en charge ? (Je ne demande pas d'imagerie pour les fractures nasales, parce que cela ne va pas changer la pratique. Peut-être que le scanner du rachis cervical est similaire).

Si le surdiagnostic est possible pour les fractures du rachis cervical, il semble qu'il le soit pour tous les diagnostics que nous posons.

Aidons-nous vraiment nos patients en identifiant et en réalisant un plâtre pour une fracture /avulsion ? Une admission pour une petite augmentation de la troponine est-elle une bonne ou une mauvaise chose (NDLR le dosage de la troponine est utilisé dans le diagnostic d'infarctus)? Avions-nous besoin de trouver cette culture d'urine positive ? Pour presque tous les tests que nous demandons, il y a probablement des exemples de patients qui feraient mieux de ne pas en connaître les résultats.

Comment pouvons-nous nous améliorer ?

Les causes de surtesting sont complexes et variées, notamment le risque de faute professionnelle, les incitations financières, les préférences des praticiens, le manque de suivi disponible, les attentes des patients, la complexité croissante de la médecine d'urgence et la culture de la perfection qui prévaut en médecine. (Carpenter 2015)
Carpenter et ses collègues suggèrent également que le manque de connaissance des règles de décision pourrait entraîner un surtest, mais personnellement je pense que l'exact opposé est probablement vrai ; les règles de décision avec des preuves imparfaites, et l'accent mis sur une sensibilité parfaite, mais une spécificité médiocre, entraînent probablement un surtesting.
(NDLR : l'auteur fait allusion aux recommandations émises sur des conduites à tenir pour des situations cliniques précises, et fait référence aux protocoles et référentiels recommandés dans telle ou telle situation clinique, auxquels on incite les cliniciens à se référer pour la prise en charge des pathologies)

Nous avons besoin d'une meilleure recherche. De nombreux arguments concernant les tests sont fondés sur des opinions plutôt que sur des données. Par exemple, de nombreux médecins urgentistes pensent que la prescription de tests prend moins de temps que la prise de décision partagée, mais de bonnes données sur ce sujet pourraient prouver qu'ils ont tout à fait tort. (La prescription de tests nécessite au moins une rencontre supplémentaire avec le patient, sans parler du temps consacré à l'interprétation du test, à la documentation des résultats et à l'inefficacité souvent liée à la recherche de patients dans la salle d'attente une fois les tests terminés).

Nous devons également encourager les essais cliniques randomisés sur les tests. Trop souvent, les tests sont introduits sur la base de leurs seules caractéristiques, mais sans information sur les résultats pour les patients. (Ou pire encore, des essais contrôlés randomisés sont réalisés et ne montrent aucun avantage, mais nous ignorons ces essais parce que la sensibilité du test est assez bonne. ...
En l'absence de recherches appropriées, il est impossible pour les cliniciens de savoir quand un test est approprié ou non.

Malheureusement, même avec une recherche correctement financée, nous risquons de nous retrouver avec d'importantes lacunes dans nos connaissances. "Les essais contrôlés randomisés (ECR), considérés à juste titre comme le critère de référence pour évaluer le bénéfice potentiel d'une intervention, sont notoirement médiocres pour évaluer les dommages potentiels. Les RCT ont presque toujours une puissance insuffisante pour rechercher les préjudices, ils recherchent rarement (et ne parviennent donc pas à identifier) les préjudices qui n'étaient pas prévisibles avant la réalisation de l'étude, ils ne durent presque jamais assez longtemps pour évaluer les préjudices qui se produisent au fil du temps, et (comme les gériatres le savent si bien) ils excluent généralement précisément les personnes qui sont les plus à risque." (Hoffman 2017)

NDLR, extrait du livre de C.Bour "mammo ou pas mammo ?" aux éditions Souccar, page 168 :
"De 1970 à 1980, dans divers pays (Norvège, Danemark, Canada, New York, Suède) des femmes ont été incluses dans des études expérimentales, ce qu’on appelle des essais. Ces essais consistaient à comparer tout simplement le devenir de femmes dépistées à celui de femmes non dépistées. À l’époque c’était possible, les femmes n’ayant jamais été radiographiées au niveau des seins. On disposait de ce qu’on peut appeler des « cohortes pures ». Ces études montraient une soi-disant formidable diminution de mortalité grâce au dépistage, jusqu’à 30 % de moins de risque de décéder d’un cancer du sein. Le résultat semblait enthousiasmant. Or ces premières expériences comportaient de bien nombreux biais, c’est-à-dire des irrégularités dans la méthode, dans la répartition des femmes entre les deux groupes et dans les analyses statistiques. La méthodologie n’obéissait pas aux critères de qualité actuels. Les résultats les meilleurs étaient obtenus avec les moins bonnes mammographies. D’ailleurs, aucun des appareils utilisés alors n’obtiendrait l’agrément pour être utilisé de nos jours."

Nous avons besoin de systèmes financiers qui récompensent les médecins pour leurs bons soins, et pas seulement pour leur efficacité ou leur rapidité. Nous avons besoin de systèmes juridiques plus raisonnables, capables de reconnaître les avantages à long terme de l'évitement des tests, plutôt que de simplement sanctionner les médecins lorsque des tests ne sont pas demandés.

Nous avons besoin d'une culture médicale qui reconnaisse les seuils des tests et le taux d'échec...
Une bonne éducation ne peut se contenter de mettre l'accent sur la mentalité du "envisager le pire d'abord" ou sur les erreurs de diagnostics, sans insister sur les nombreux inconvénients des tests supplémentaires.

Pour que le service des urgences réduise le nombre de tests, nous avons besoin de systèmes de santé fonctionnels, avec un suivi fiable, afin de ne pas rester les seuls médecins auxquels les gens peuvent avoir accès. Nous devons reconnaître que les tests sont utiles lorsque nous choisissons le bon test. Nous devons avoir accès aux tests appropriés dans les services d'urgence. Je n'ai pas accès à l'IRM en temps voulu, si bien que mes patients souffrant d'une possible syndrome de la queue de cheval (compression des nerfs inférieurs de la moelle épinière dans le bas du dos, aux étages vertébraux S2, S3, S4 et S5) subissent souvent d'abord un scanner, puis une IRM, ce qui accroît les risques potentiels d'un test sans aucun bénéfice.

Bien que cela ne concerne pas vraiment la médecine d'urgence, toute la logique derrière le dépistage et la détection précoce doit être reconsidérée, et les programmes de dépistage ont besoin de preuves solides de l'amélioration des résultats réels orientés vers le patient (et non pas des résultats ridicules et artificiels comme la mortalité spécifique à la maladie).
Nous devons reconnaître que tous les tests peuvent être nocifs (par le biais de faux positifs et de surdiagnostics) et qu'aucun test ne devrait être effectué "systématiquement". (Oui, j'en appelle à mes bons amis, les aficionados de l'échographie aux urgences).

Si des règles de décision doivent être utilisées, elles doivent être conçues avec des objectifs rationnels ... elles doivent être testées de manière approfondie par le biais d'études de mise en œuvre qui démontrent réellement le bénéfice pour le patient, plutôt que de s'arrêter simplement lorsque nous constatons une sensibilité décente (tout en ignorant également la faible spécificité qui conduira à des tests excessifs).

Nous avons besoin d'une meilleure éducation. Les problèmes de surdiagnostic ne sont pas bien connus en médecine, et il est logique de commencer par là, mais nous ne progresserons pas sur cette question tant que les patients n'auront pas compris que les tests peuvent être nocifs.

Les médecins urgentistes reconnaissent le gaspillage des tests et acceptent que la prise de décision partagée soit nécessaire et réaliste. Nous voulons tous ce qu'il y a de mieux pour nos patients. Cependant, les solutions à ces problèmes ne seront pas trouvées au niveau individuel. L'éducation est une approche nécessaire, mais insuffisante. Les décisions actuelles en matière de tests diagnostiques sont largement motivées par des pressions sociétales ou culturelles. La résolution de ces problèmes nécessitera un changement sociétal ou culturel.
(Article connexe à lire : https://cancer-rose.fr/2023/01/26/article-pour-les-usagers-les-tests-de-routine-juste-pour-se-rassurer-cest-une-mauvaise-idee/

Pour l'instant, tout ce que vous pouvez faire en tant que médecin praticien, c'est de vous rappeler de vous poser la question suivante : mon patient pourrait-il se porter mieux si on ne cherchait pas ?

References

Carpenter CR, Raja AS, Brown MD. Overtesting and the Downstream Consequences of Overtreatment: Implications of “Preventing Overdiagnosis” for Emergency Medicine. Acad Emerg Med. 2015 Dec;22(12):1484-92. doi: 10.1111/acem.12820. Epub 2015 Nov 14. PMID: 26568269

Davies L, Welch HG. Current thyroid cancer trends in the United States. JAMA Otolaryngol Head Neck Surg. 2014 Apr;140(4):317-22. doi: 10.1001/jamaoto.2014.1. PMID: 24557566

Draisma G, Etzioni R, Tsodikov A, Mariotto A, Wever E, Gulati R, Feuer E, de Koning H. Lead time and overdiagnosis in prostate-specific antigen screening: importance of methods and context. J Natl Cancer Inst. 2009 Mar 18;101(6):374-83. doi: 10.1093/jnci/djp001. Epub 2009 Mar 10. PMID: 19276453

Hoffman JR, Carpenter CR. Guarding Against Overtesting, Overdiagnosis, and Overtreatment of Older Adults: Thinking Beyond Imaging and Injuries to Weigh Harms and Benefits. J Am Geriatr Soc. 2017 May;65(5):903-905. doi: 10.1111/jgs.14737. Epub 2017 Feb 7. PMID: 28170085

Hoffman JR, Cooper RJ. Overdiagnosis of disease: a modern epidemic. Arch Intern Med. 2012 Aug 13;172(15):1123-4. doi: 10.1001/archinternmed.2012.3319. PMID: 22733387

Lee JH, Shin SW. Overdiagnosis and screening for thyroid cancer in Korea. Lancet. 2014 Nov 22;384(9957):1848. doi: 10.1016/S0140-6736(14)62242-X. Epub 2014 Nov 21. PMID: 25457916

Park S, Oh CM, Cho H, Lee JY, Jung KW, Jun JK, Won YJ, Kong HJ, Choi KS, Lee YJ, Lee JS. Association between screening and the thyroid cancer “epidemic” in South Korea: evidence from a nationwide study. BMJ. 2016 Nov 30;355:i5745. doi: 10.1136/bmj.i5745. PMID: 27903497

Patz EF Jr, Pinsky P, Gatsonis C, Sicks JD, Kramer BS, Tammemägi MC, Chiles C, Black WC, Aberle DR; NLST Overdiagnosis Manuscript Writing Team. Overdiagnosis in low-dose computed tomography screening for lung cancer. JAMA Intern Med. 2014 Feb 1;174(2):269-74. doi: 10.1001/jamainternmed.2013.12738. Erratum in: JAMA Intern Med. 2014 May;174(5):828. PMID: 24322569

Vigna M, Vigna C, Lang ES. Overdiagnosis in the emergency department: a sharper focus. Intern Emerg Med. 2022 Mar 5. doi: 10.1007/s11739-022-02952-8. Epub ahead of print. PMID: 35249191

Welch HG, Black WC. Overdiagnosis in cancer. J Natl Cancer Inst. 2010 May 5;102(9):605-13. doi: 10.1093/jnci/djq099. Epub 2010 Apr 22. PMID: 20413742

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Diplôme interuniversitaire de sénologie-Dr B.Duperray

Download/Télécharger

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Risque accru de cancers cutanés après irradiation pour cancer du sein

12/03/2024

La radiothérapie pour le traitement du cancer du sein entraîne un risque accru de cancer de la peau sur le site d'irradiation, selon une recherche publiée le 8 mars dans JAMA Network Open.
Une équipe de chercheurs de l’Université de Stanford dirigée par Shawheen Rezaei a constaté que le risque de diagnostic de cancer de la peau non kératinocytaire, comme le mélanome et l’hémangiosarcome, après un traitement du cancer du sein par radiothérapie, était de plus de 50 % plus élevé par rapport à la population générale

L'épiderme comprend deux types de cellules, les kératinocytes et les mélanocytes.
Les kératinocytes sont des cellules de l'épiderme (couche superficielle de la peau), jointives, et distribuées en plusieurs couches. 
Les mélanocytes sont situés, eux, à la base de l’épiderme. Ils synthétisent les pigments de la peau qu'on regroupe sous le terme de mélanines, fabriquées dans les mélanosomes. 

Chacun de ces types cellulaires de la peau peut être à l’origine de tumeurs cutanées dont la fréquence et l'agressivité sont variables. Les tumeurs qui se développent à partir des kératinocytes épidermiques sont les plus fréquentes et peuvent occasionner des carcinomes baso‐cellulaires et des carcinomes spino‐cellulaires. Ce sont tumeurs d’origine kératinocytaire, que l’on regroupe sous l’appellation « cancers de la peau non mélanocytaires ».

Les cancers non kératocytaires, à l'opposé, regroupent les mélanomes qui se produisent au dépens des mélanocytes et qui sont beaucoup plus agressifs avec un potentiel métastatique.
Ces cancers non kératocytaires comprennent aussi les hémangiosarcomes, beaucoup plus rares, qui sont des néoplasmes malins caractérisés par des cellules infiltrantes à prolifération rapide, à partir des parois des vaisseaux sanguins ou lymphatiques.
L' antécédent de radiothérapie, même ancienne, est déjà connu comme étant un facteur de risque, de même que la présence d'un lymphœdème infectieux ou séquellaire après un traitement chirurgical.
Le sarcome de Kaposi par exemple, plus fréquent chez les patients atteint de SIDA, est une forme particulière de ces cancers.

L'étude

Il s'agit d'une étude de cohorte, incluant des données recueillies entre 2000 et 2019 auprès de 875880 patientes atteintes d’un cancer du sein nouvellement diagnostiqué.
Au total, 99,3 % des patients étaient des femmes, 51,6 % avaient plus de 60 ans et 50,3 % ont reçu une radiothérapie.

Les chercheurs ont examiné si la radiothérapie dans le traitement du cancer du sein augmentait ultérieurement le risque de cancers de la peau non kératinocytaires, c'est à dire les plus graves.
Ils se sont concentrés sur les cancers localisés à la peau du sein ou du tronc, donc des sites d'irradiation, et ont comparé les résultats aux patients traités par chimiothérapie et chirurgie.

Les auteurs avancent un risque de 57% plus élevé de cancer non kératocytaire pour les patients traités par radiothérapie par rapport à celui de la population générale, lorsque l’on considère la peau du sein ou du tronc.
Le traitement par radiothérapie était également lié à un risque plus élevé de cancer de la peau non kératinocytaire par rapport à la chimiothérapie et aux interventions chirurgicales, selon l’étude.

Les auteurs appellent à de futures études sur les effets de la dose du rayonnement et sur les profils génétiques des patientes atteintes d’un cancer du sein, comme facteurs favorisants possibles pour ce risque accru.

Ils expliquent que les résultats de l'étude peuvent aider les médecins à informer leurs patientes atteintes d’un cancer du sein qu'elles présentent certes un risque faible de cancers cutanés secondaires mais néanmoins plus élevé (de plus du double) par rapport à la population générale, après leur radiothérapie.
Selon eux « il faut mieux définir et intégrer le risque subséquent de tumeurs malignes dans les processus de consultation des patients et les plans de soins de suivi des survivants. »

Considérations subséquentes

Le surdiagnostic est donc bien évidemment à nouveau au centre de la problématique. Dire aux femmes que détecter davantage de cancers petits leur promet un traitement plus "léger" est inacceptable lorsqu'on sait que ce traitement "léger" comprend très fréquemment de la radiothérapie après chirurgie pour cancer du sein.
Les effets carcinogènes de la radiothérapie sont bien connus, et l'enjeu pour les femmes n'est pas d'avoir un traitement plus "léger", mais de n'avoir pas de traitement du tout lorsque celui-ci n'était pas nécessaire et découle d'une détection elle aussi non nécessaire de cancers qui n'auraient pas menacé la vie.

Cette question d'un surtraitement se pose de façon accrue lors de la détection de carcinomes in situ, lésions ne menaçant pas la vie dans la très grande majorité des cas et dont la sur-détection est majorée par le dépistage intempestif que nous connaissons, les femmes y étant incitées à présent de plus en plus jeunes et hors recommandations, une pratique se répandant demandant aux femmes de réaliser, déjà jeune, une "mammographie de référence", ce qui n'a absolument aucun intérêt puisque le sein est un organe variable selon l'état hormonal de la femme, selon le poids, les grossesses etc ....

Plusieurs éléments sont à rappeler, et à avoir en tête lorsqu'on est médecin prescripteur :
* Le dépistage est proposé à des femmes ne se plaignant de rien, saines, à qui l'ont doit l'information loyale sur l'éventualité de surdiagnostic et de possibilité de pathologies induites par les traitements.
* L'enjeu d'un dépistage n'est pas de recruter de plus en plus de cancers, cet argument est souvent à la base de la promotion du dépistage ; or son rôle est avant tout d'éviter de mourir des cancers graves.
* Pour la patiente concernée, même si les cancers secondaires sont globalement rares, ils existent et sont toujours plus fréquents que dans la population générale, et pour la femme concernée, quoi que soient les fréquences des évènements indésirables, pour elle ce sera toujours du 100% vécu...

Nous rajouterons pour finir que les cancers cutanés secondaires à la radiothérapie du sein ne sont pas les seules pathologies induites, des études ont montré l'augmentation significative de maladies cardio-vasculaires après radiothérapie, et l'augmentation des maladies malignes du sang.
Les mécanismes sont expliqués dans cet article sur le site : https://cancer-rose.fr/2021/06/01/les-cancers-radio-induits-apres-radiotherapie-du-cancer-du-sein/

Conclusion

Cette étude fait émerger deux point essentiels :
1- la nécessité incontournable d'informer les femmes des tenants et aboutissants du dépistage et des surtraitements qui en découlent, dont certains avec des conséquences fâcheuses sur la santé.
2- La nécessité de la mise en balance du surdiagnostic induit par le dépistage organisé ou hors-recommandations, pratiqué souvent trop tôt, trop fréquemment, parfois trop répété, avec les bénéfices du dépistage qui, de nos jours, peine à montrer une quelconque efficacité dans la réduction des cancers les plus graves et les plus mortels.

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Quitter la version mobile