Lettre de Michael Baum, The Times

Lettre de Pr Michael Baum dans Le Times du 24 mars 2019

Professeur Michael Baum est professeur émérite de chirurgie et professeur invité en sciences humaines University College London.

 

La lettre :

"Prolongation of survival is not a reliable outcome measure of screening for cancer but more of an artefact. There are two reasons for that, firstly lead time bias and secondly over-diagnosis. Lead time reflects a frame shift in observing the natural history of the disease that can be understood with this analogy. If you get on a train bound for Edimburgh at Durham that crashes at Newcastle you live for 20 minutes yet if you board the same train at King Cross you live for two and a half hours. Over diagnosis results from the detection of sub-clinical foci of  disease that microscopically look like cancer yet are not programmed to progress. These account for about 30% of screen detected "cancers" that are then over-treated by surgery, radiotherapy and chemotherapy, all of which have toxic consequences.

For that reason the only meaningful outcome measure is the comparison of all-cause mortality between a screened and unscreened population. Sadly screening seems to be zero sum game in that for every breast cancer death avoided there is one death from over-treatment of pseudo-cancers. I write as one of the architects of the NHSBSP in 1987/88 and it saddens me to suggest it is time to de-implement screening. At the same time i am delighted that we have a dramatic fall in breast cancer mortality since its peak in 1985 thanks to improvement on treatment."

 

_______________________________

 

Traduction

 

L’allongement de la survie n’est pas une mesure fiable du dépistage du cancer, mais plutôt un artéfact. Il y a deux raisons à cela, d’abord un biais d’avance au diagnostic (lead time bias) et ensuite un surdiagnostic.

Le "lead time bias" (ou biais de devancement) reflète un glissement de fenêtre d’observation dans l’observation de l’histoire naturelle de la maladie qui peut être comprise avec cette analogie : Si vous montez à Tours dans un train qui va à Paris et que ce train s’écrase à Orléans, vous vivez pendant 30 minutes ; si vous montez dans le même train à Bordeaux, alors vous vivrez pendant trois heures et demie*.

Le surdiagnostic résulte de la détection de foyers infra-cliniques de la maladie. Au microscope, ils sont semblables à des cancers, mais ne sont pas programmés pour progresser. Le surdiagnostic représente environ 30% des "cancers" détectés au dépistage qui sont ensuite surtraités par la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie, tous ces traitements ayant des conséquences néfastes.
C’est pourquoi la seule mesure adéquate des résultats est la comparaison de la mortalité toutes causes confondues entre une population dépistée et une population non dépistée. Malheureusement, le dépistage semble être un jeu à somme égale en ce sens que, pour chaque décès par cancer du sein évité, il y a un décès dû au surtraitement des pseudo-cancers.

J’ai été l’un des créateurs du NHSBSP (English National Breast Screening Programme, programme national anglais de dépistage du cancer du sein) en 1987/88 et cela m’attriste de suggérer qu’il est temps de supprimer le dépistage. Dans le même temps, je suis ravi que nous ayons une chute spectaculaire de la mortalité du cancer du sein depuis son pic en 1985 grâce à l’amélioration des traitements.

(NDLR : Au Royaume-Uni, entre 1985 et 1993, baisse de 11 % de la mortalité par cancer du sein alors que le dépistage n’a été opérationnel qu’en 1988.)

 

*l'auteur a utilisé une analogie adaptée à la géographie britannique !

Ce que l'auteur explique est que le dépistage anticipe bien la découverte du cancer mais cela ne change en rien l'espérance de vie, votre survie apparaît plus longue en raison d'une anticipation de la 'date de naissance du cancer' du fait de sa détection avant l'arrivée de symptômes (ou alors il n'y aurait même jamais eu de symptôme....), mais sans influence sur votre longévité. L'issue sera la même que vous soyez monté à Tours ou à Bordeaux.

 

 

 

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Généralités sur les examens de santé systématiques ; Cochrane/Canada

La multiplication des bilans de santé systématiques : utiles ou délétères ?

 

Par Dr C.Bour, à propos de deux publications.

19 mars 2019

 

 

La revue de la Collaboration Cochrane

https://www.cochrane.org/fr/CD009009/les-bilans-de-sante-generaux-pour-la-reduction-de-la-mortalite-et-des-maladies

 

En janvier 2019, la Collaboration Cochrane, collectif de chercheurs nordiques auteurs de l'importante méta-analyse sur le dépistage du cancer du sein (voir dans les références de notre brochure en page d'accueil), nous propose une revue sur les bilans de santé systématiques proposés aux populations saines. Réduisent-ils les maladies ou les décès  ?

 

L'objectif de ces bilans de routine est de détecter précocement la maladie, de prévenir son développement ou de rassurer les personnes. Dans certains pays, les bilans de santé font partie intégrante des soins médicaux.

Etant donné que pour certains dépistages la balance se trouve, d'après les données les plus récentes, parfois davantage du côté des effets néfastes que des bénéfices pour les personnes, les auteurs se sont posé la même question concernant les bilans de santé systématiques. Pour ce faire, les auteurs ont passé en revue 17 essais randomisés comparant une des bilans de santé généraux proposés à des adultes versus l’absence de tout bilan de santé.

Ils ont trouvé des résultats dans quinze essais cliniques incluant 251 891 participants. Onze de ces essais ont porté sur le risque de décès et ont inclus 233 298 participants, pour 21 535 décès. Les auteurs assurent pouvoir donner des conclusions avec grande certitude, compte tenu de l'abondance des données disponibles.

Les conclusions sont en effet assez tranchées : proposer de façon systématique des bilans de santé est probablement peu bénéfique, en revanche cette attitude peut conduire à des examens et des traitements inutiles. Notamment sur la mortalité par maladie cardio-vasculaire et sur les AVC , les bilans n'ont que très peu d'effets.

Deux raisons sont invoquées : soit les personnes à risque de maladie pourraient être déjà détectées lors d'une consultation médicale pour tout à fait autre chose, prises en charge et suivies par le médecin traitant, ou alors les personnes à risque ne se présentent pas aux bilans proposés et n'effectuent pas les examens suggérés...

 

 

Deuxième article, édité dans le journal de l'association médicale canadienne, (cliquez sur le lien dans le titre)

 

Il pose d'emblée la nécessité d'une réforme sur ces bilans systématiques jugés sur-utilisés. L'article pointe du doigt le problème des directives émises en Amérique du Nord par les associations de spécialistes, pratique plus courante qu'en Europe.

Cette situation s’avérerait globalement plus néfaste que bénéfique, compte tenu du fait que chaque test médical, chaque procédure et chaque traitement comporte des risques. L’ensemble de ces interventions ferait au bout du compte plus de mal que de bien, et de plus monopoliserait des ressources qui pourraient être utilisées à meilleur escient, notamment pour traiter des personnes réellement malades.

Les auteurs citent l’Association canadienne des radiologues qui, en 2016, publiait une directive recommandant aux femmes ayant un risque moyen de cancer du sein de commencer leur dépistage par mammographie à l’âge de 40 ans ( https://car.ca/wp-content/uploads/Breast-Imaging-and-Intervention-2016). .pdf )

Le Groupe d’Etude Canadien sur les Soins de Santé Préventifs (GECSSP) ainsi que plusieurs organisations européennes, dont la" European Society for Medical Oncology", préconisaient plutôt de commencer un tel dépistage à 50 ans.

Et de fait, des données de la recherche suggèrent que le taux de mortalité par cancer du sein aux États-Unis, où la mammographie de dépistage est recommandée à partir de 40 ans, est le même que celui observé en Europe de l’Ouest où le dépistage débute à 50 ans. Ces données montrent donc qu’un dépistage plus précoce n’accroît pas la survie des patients. (http://www.cmaj.ca/content/190/49/E1441?ijkey=bb39b8c952649eabd2b6095a904d7c92b44a604e&keytype2=tf_ipsecsha )

La source de ces divergences, selon les auteurs de l'article du CMAJ, serait les conflits d'intérêts des médecins préconisant ces recommandations, mais aussi ce que les auteurs appellent le « biais de spécialité », c'est à dire que les spécialistes auraient tendance à proposer ce pour quoi ils ont été formés à pratiquer et à proposer, justement.

Finalement, les recommandations canadiennes ont donc été revues à la baisse en 2018 :

recos Ca 2018

 

Concernant le dépistage du cancer de la prostate par exemple, le "National Comprehensive Cancer Network", un groupement de centres de cancérologie, comprenant 25 urologues recommandait dans le guide pour le dépistage du cancer de la prostate le dosage du PSA à partir de 45 ans et au-delà de 75 ans chez les hommes en bonne santé, alléguant très peu ou aucune co-morbidité !  La Société européenne d'oncologie médicale, elle, recommande de ne pas réaliser cette recherche chez les hommes sains pour tout groupe d'âge, ceci repris en France dans les recommandations de la HAS. (voir aussi l'article sur le sujet : https://www.cancer-rose.fr/en-parallele-au-depistage-du-sein-celui-de-la-prostate-du-surdiagnostic-aussi/

Ces recommandations du National Comprehensive Cancer Network pourraient bien être attribuées au "biais de spécialité", à des conflits d'intérêts, ou même aux deux.

Aux États-Unis, les taux de mortalité par cancer de la prostate ont bien diminué 10 ans après la mise en œuvre du dépistage du PSA, mais des tendances similaires en matière de mortalité ont également été signalées au Royaume-Uni, où le dépistage du PSA était non recommandé, en raison d'un surdiagnostic important et d'un risque accru de mutilation d'hommes jeunes avec fort retentissement sur leur vie ultérieure.

 

Autre exemple, le dépistage du cancer colo-rectal : une recommandation élaborée par un panel de six membres de l'American College of Gastroenterology, tous des gastro-entérologues, donnait la coloscopie comme stratégie de dépistage à privilégier.

En revanche, le US Preventive Services Task Force, ne comprenant pas de gastroentérologue ni de chirurgien spécialisé dans la chirurgie gastro-intestinale dans son pannel de 16 membres, recommandait un dépistage avec seulement des tests de recherche de sang occulte dans les selles, ou sigmoïdoscopie, ou colonoscopie.

Les 7 membres du pannel de la Société européenne d'oncologie médicale, composé de 6 oncologues médicaux et d'un seul chirurgien gastro-intestinal proposait quant à elle la recherche de sang occulte dans les selles, et précisait que les preuves d'efficacité du dépistage par coloscopie étaient limitées.

 

D'autres exemples de divergences dans les recommandations selon le nombre de spécialistes dans les panels existent aussi dans le domaine de la cardiologie.

 

 

Analyses et pistes d'explication

 

Selon les auteurs de l’article, lorsque plusieurs options sont disponibles, les sociétés de médecine spécialisée ont tendance à privilégier les procédures et les interventions liées à leurs spécialités.

les directives les plus fiables sont celles qui sont déterminées par des « comités multidisciplinaires » comprenant des individus dotés « d’une expertise en épidémiologie, en biostatistique et dans la méthodologie des essais cliniques », et qui seraient ainsi « indépendants des organes directeurs des sociétés de spécialistes ».

 

 

Opinion recueillie de Dr Viens, président de l’Association médicale canadienne (AMQ)

 

 

Le Dr Hugo Viens, président de l’Association médicale canadienne (AMQ)

a été interrogé dans Le Devoir,  quotidien d'information publié à Montréal, au Québec (Canada)

Le Dr Viens voit plutôt l’effet d’un "biais de perspective". Selon ce praticien, « Le médecin est plus face à l’arbre et voit moins la forêt derrière. Le médecin qui est face à son patient veut détecter un cancer. Mais quand on prend du recul et qu’on passe de l’intérêt d’une personne à celui de la population, on se rend compte que, pour sauver un individu, on a dû soumettre inutilement des milliers de personnes à un test de dépistage comportant souvent des risques de complications et de souffrance. De plus, quand les ressources sont limitées, c’est de l’argent qu’on ne met pas sur des aspects sur lesquels on pourrait avoir encore plus d’impact sur la santé".

Autre citation du Dr Viens issu de Le Devoir : « toutes les fois que le résultat d’un test de dépistage de PSA (dépistage prostate) est un peu élevé, on soumet le patient à des biopsies ayant des risques de complication. Pour sauver un patient, on rend 10 000 hommes stressés par un possible diagnostic de cancer de la prostate qui auront des saignements et des douleurs, qui manqueront des journées de travail et qui consommeront des ressources du système de santé ».

 

 

Conclusion

 

D'après les auteurs de l'article du CMAJ, les sociétés de médecine spécialisées devraient reconnaître qu'elles ont tendance à servir les intérêts de leurs membres, qui ne correspondent pas toujours aux intérêts du public.

Les groupes de référence devraient être de composition multidisciplinaire, indépendants des organes directeurs des sociétés de spécialistes et viser à réduire les conflits d'intérêts liés à la rémunération des actes qui découlent de leurs recommandations.

Les panels composés uniquement de spécialistes risquent de manquer d’hétérogénéité et d’opinions divergentes.

Les panels de directives devraient idéalement comprendre des personnes ayant une expertise en épidémiologie, en biostatistique et en méthodologie d’essais cliniques.

Pour l'instant les directives émanant d’organes indépendants demeurent les seules à satisfaire aux normes adéquates....

 

 

 

 

 

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Retours et considérations sur les programmes de dépistages

https://mdedge-files-live.s3.us-east-2.amazonaws.com/files/s3fs-public/issues/articles/kim_cancerscreening.pdf

A propos d'un article paru dans le CLEVELAND CLINIC JOURNAL OF MEDICINE du mois de mars 2019.

Dr Myung S. Kim, interniste, department of Internal Medicine, PeaceHealth Medical Group, Eugene, OR

Dr Vinay Prasad, hémato-oncologue*, auteur de nombreuses publications mettant en doute l'utilité des dépistages systématiques. voir https://www.cancer-rose.fr/de-la-pertinence-des-depistages-de-nos-jours-a-propos-de-deux-articles/

Il est question de ce que les programmes de dépistage, depuis la reconnaissance par les scientifiques de la survenue d'effets adverses tels que les fausses alertes et le surdiagnostic, tendent à viser non plus la totalité de la population mais davantage les groupes de personnes dits "à haut risque" pour un cancer donné, augmentant ainsi le bénéfice attendu dans cette population et en limitant les risques.

Bien que le débat sur le dépistage du cancer s'oriente actuellement davantage vers une discussion plus équilibrée sur les avantages et les inconvénients, de nombreux patients sont encore soumis à des dépistages plus agressifs que ne l'imposent les recommandations officielles (NDLR : en France des femmes jeunes sont envoyées au dépistage du cancer du sein dès 40 ans, donc hors recommandations,  et parfois même avant, selon des "habitudes" de spécialistes.).

La conviction que le préjudice potentiel d'un dépistage routinier est mineur par rapport au fait de "sauver une vie" sous-tend cette attitude. Mais malgré la détection plus précoce de lésions tumorales, beaucoup de gens continuent de décéder du cancer en dépit de dépistages plus répandus.

Réalité "comptable"

Du point de vue simplement comptable, en examinant les chiffres du tableau ci-dessous, le dépistage du cancer n’est pas très efficace, même en se basant sur des estimations optimistes ...

Davantage d'agressivité en matière de dépistage serait-elle une réponse ?

Exemple du cancer de la prostate : 27 "hommes à diagnostiquer" pour sauver une vie sur 13 années, le nombre "d'hommes à traiter" est de 33, la moitié seront soit impuissants, soit incontinents soit les deux pour éviter un décès. Une large proportion des hommes traités, peut-être la moitié, l'aura été inutilement. Au total, il y aura aux alentours de 15 hommes dont l'existence sera détruite à jamais, pour un décès évité.

Les auteurs, de façon un peu provocatrice, estiment que si on partage l'avis que seuls les bénéfices doivent être pris en compte lors de la rédaction de recommandations sur le dépistage, alors la conclusion logique va bien au-delà du dépistage. On doit pouvoir proposer une approche différente pour réduire les décès par cancer dans la population générale :
à savoir enlever les seins de tout le monde, la glande prostatique, et le côlon avant que le cancer ne survienne...

Couper c'est prévenir

Si la chirurgie prophylactique des organes est étendue à toute la population, il y aura une réduction considérable du taux des décès par cancers. Ôter tous les organes pré-cancéreux pourra sauver la vie de nombreuses personnes qui seraient décédées à cause de ces organes. Le taux d'efficacité approcherait les 100%..

Si les partisans d’un dépistage agressif pensent que l’objectif est de réduire autant que possible la mortalité par la cause spécifique de mortalité, en accordant peu d'importance aux problèmes du surdiagnostic et du surtraitement, alors ils doivent aussi défendre logiquement la chirurgie prophylactique universelle.

La chirurgie prophylactique pourra certes conduire à des préjudices tels que les complications per-opératoires et /ou postopératoires. la mastectomie totale bilatérale pourra conduire au stress émotionnel de l’image altérée du corps. La prostatectomie conduira à certaines complications du long terme telles que l’incontinence urinaire et le dysfonctionnement sexuel. Néanmoins, la chirurgie prophylactique d'organes permettrait ainsi de sauver beaucoup plus de vies que les pratiques actuelles de dépistage. Cela pourrait aussi réduire le poids mental, car les patients inquiets pourraient être assurés de ne jamais développer de cancer, alors que le dépistage implique souvent des résultats ambigus, des suivis répétés et des interventions parfois multiples, ce qui augmente le niveau d'anxiété général des patients.

Bien évidemment on ne peut sérieusement être partisan d'une ablation prophylactique de la prostate, des seins ou du colon pour prévenir tout cancer.

Ce raisonnement ad absurdum doit être en tête de ceux qui rédigent des recommandations de dépistage, pour équilibrer les avantages et les inconvénients.

Un compromis à trouver

A l'heure actuelle il est impossible de savoir, pour un patient donné qui suit un dépistage, s'il évitera un cancer ou subira des traitements lourds, préjudiciables pour lui et non nécessaires. Le surdiagnostic est identifié par l'étude en population, mais pour le patient ou le médecin il n'y a que diagnostic, ou pas diagnostic.

Trouver l'équilibre entre bienfaits et méfaits est particulièrement difficile lorsqu’on essaie de comparer l'éviction d’un seul décès par cancer à un mal moins grave, mais plus fréquent, comme l'est le surdiagnostic.

Il faut, avant de trancher, faire intervenir d'autre paramètres dans la réflexion, considérer que chaque individu peut avoir un jugement de valeurs différent à propos des avantages du dépistage et des préjudices possibles. (NDLR : une patiente m'a expliqué qu'il lui était préférable de considérer que la 'vie sauvée', ce pourrait être elle, et qu'elle était d'accord pour prendre en compte les éventuelles avanies d'un surtaitement. Et même si cette 'vie sauvée' était celle d'une autre, elle se sentait suffisamment solidaire pour accepter toutes les conséquences possibles d'un dépistage de routine. Ma foi, qui sommes-nous, médecins, pour contredire....?)

A l'avenir

Nous devons faire preuve de prudence lorsque nous assujettissons un grand nombre d’hommes et de femmes à la possibilité d’un fardeau psychologique et d’une diminution de la qualité de vie à cause d'examens de dépistage imposés.

Compte tenu de l'apparition croissante au fil du temps et au fil des études de risques inhérents du dépistage, que nous connaissons à présent, il est probable que les orientations futures continueront de se diriger vers un dépistage général moins fréquent, ou vers une mobilisation des ressources vers des populations à risque élevé, où l’ampleur absolue du bénéfice est plus apparente par rapport au risque particulier de ces populations de décéder de la maladie.

Dans la population générale, le dépistage du cancer est susceptible de devenir une décision individuelle, fondée sur des valeurs personnelles et des décisions éclairées, si tant est que les patients bénéficient d'une information équilibrée contenant toutes les données de façon objective.

  • V.Prasad : Division of Hematology Oncology, Knight Cancer Institute; Department of Public Health and Preventive Medicine; Senior Scholar in the Center for Ethics in Health Care, Oregon Health and Science University, Portland

Résumé C.Bour, 15 mars 2019

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Association de la tomosynthèse versus mammographie numérique dans la détection des cancers

Association de la tomosynthèse (TDS) versus mammographie numérique sur la détection des cancers et sur les taux de reconvocations, selon âge et densité mammaire.

JAMA Oncology, 28 février 2019

Association of Digital Breast Tomosynthesis vs Digital Mammography With Cancer Detection and Recall Rates by Age and Breast Density

Emily F. Conant, MD; William E. Barlow, PhD; Sally D. Herschorn, MD; Donald L. Weaver, MD; Elisabeth F. Beaber, PhD, MPH; Anna N. A. Tosteson, ScD; Jennifer S. Haas, MD; Kathryn P. Lowry, MD; Natasha K. Stout, PhD; Amy Trentham-Dietz, PhD; Roberta M. diFlorio-Alexander, MD;
Christopher I. Li, MD, PhD; Mitchell D. Schnall, MD, PhD; Tracy Onega, PhD; Brian L. Sprague, PhD; for the Population-based Research Optimizing Screening Through Personalized Regimen (PROSPR) Consortium

article JAMA oncol

article JAMA oncol

28 février 2019

Pour comprendre, voir l'article : https://www.cancer-rose.fr/cancer-du-sein-un-peu-de-technique/

Objectif de l'étude

L'objectif de cette étude était de déterminer déterminer si les examens de dépistage avec l'adjonction de la TDS détectaient des cancers avec un meilleur pronostic et comparer les taux de détection en fonction de l’âge et de la densité mammaire des patientes.

Tomosynthèse (TDS) : La tomosynthèse (ou mammographie 3D), est une nouvelle technique d'imagerie radiologique qui permet de diminuer l'effet de superposition des tissus mammaires, car elle reconstitue de manière tridimensionnelle l'image du sein à partir de plusieurs radiographies à faible dose acquises sous différents angles de projection.

Méthodes

Inclusion des données de femmes âgées de 40 à 74 ans qui ont eu des examens de dépistage à l’aide de mammographie numérique et de TDS du 1er janvier 2011 au 30 septembre 2014. L’analyse statistique a été effectuée sur une année, du 8 novembre 2017 au 14 août 2018.

Résultats                          

Les résultats suggèrent que le dépistage avec TDS est associé à une meilleure spécificité, (donc moins de faux positifs), et à une proportion accrue de cancers du sein de meilleur pronostic détectés (plus petits et sans envahissement ganglionnaire), ceci dans tous les groupes d’âge et de densités mammaires. Le taux des faux positifs étant diminué cela entraîne une diminution du nombre de reconvocations.

Selon les auteurs, ces cancers détectés, de petite taille, n’ont peut-être pas été différenciés en sous-types plus agressifs mais "devraient être associés à un meilleur pronostic à long terme".

Dans le sous-groupe des femmes âgées de 40 à 49 ans, le dépistage systématique avec TDS peut avoir un rapport risque-avantage favorable.

Analyse

1°-Non évocation des risques  

Les auteurs parlent dans le texte d'une balance bénéfice-risque positive sans jamais évoquer le risque majeur, à savoir le problème du surdiagnostic, précisément de nombre de lésions petites et non agressives, dont les auteurs eux-mêmes avouent ne pas pouvoir connaître le devenir dans la mesure où on n'a pas cherché à identifier ceux à potentiel agressif. le seul critère de cancer est une histologie positive, et dans ce sens l'étude démontre "un succès" puisqu'effectivement on détecte de plus en plus petites lésions...Dont on ne saura que faire, et dans la mesure où toutes seront traitées comme un "vrai" cancer susceptible d'évoluer.

Le problème des doses irradiantes de la TDS ajoutées à l'examen mammographique de base n'est pas non plus évoqué. Même si des faibles doses sont utilisées, celles-ci ne sont pas pour autant anodines. Nous savons que des doses faibles, voire très faibles, peuvent conduire à des cancers radio-induits par défaut de réparation des cassures double brin de l’ADN , et que ceci conduit certains sujets prédisposés génétiquement à un risque de cancer 10 fois plus élevé que les radiorésistants. De plus l’accumulation de petites doses peut conduire à un risque d’effet d’amplification. Or ce risque n’est actuellement pas pris en compte par les médecins pour les patientes jeunes et/ou à risque familial de cancer du sein. Et on on ne sait pas à ce jour si la susceptibilité au cancer du seins chez les porteuses de mutations (de type BRCA1ou BRCA2 ou d’autres…) est ou non corrélée avec la radiosensibilité.

Enfin on ne connaît pas grand-chose sur l’effet de l’étalement dans le temps des doses reçues : les doses reçues par minute, heure, jour, année ont-elle les mêmes effets ?

2°-Le nombre de cancers avancés n'a pas été diminué

Les auteurs écrivent :

Chez les femmes plus jeunes (40 à 49 ans) , le dépistage par TDS était associé à seulement 7 des 28 cancers du sein (25,0 %) classés comme de mauvais pronostic, comparativement aux 19 cancers de mauvais pronostic parmi les 47 cancers du sein (40,4 %) lors du dépistage par mammographie numérique.

Mais dans un contexte d'augmentation globale du nombre de cancers, cela peut tout simplement vouloir dire que les cancers en excès sont des cancers peu évolués ; le nombre de cancers évolués n'a pas changé, mais que du fait de l'inflation du nombre global des cancers la part des cancers évolués dans l'ensemble des cancers trouvés est moindre.

Explication Dr V.Robert (épidémiologiste/statisticien)

- avec la mammographie seule : 90 cancers pour 27289 femmes, soit 330 cancers pour 100000 femmes ; s'il y en a 40.4% qui sont des cancers avancés, cela fait 330X0.404 = 133 cancers avancés pour 100000 femmes
- avec la tomosynthèse : 47 cancers pour 8342 femmes, soit 563 cancers pour 100000 femmes ; s'il y en a 25.0% qui sont des cancers avancés, cela fait 563X0.250 = 141 cancers avancés pour 100000 femmes.
La différence entre 133/100000 et 141/100000 n'est pas statistiquement significative mais on voit clairement que, dans la population censée tirer le plus de bénéfice de la tomosynthèse, le nombre de cancers avancés ne régresse pas. C'est le nombre de cancers peu évolués qui explose et fait baisser la proportion de cancers évolués.

3°-la sensibilité, donnée "contre-intuitive"

Les auteurs écrivent que la sensibilité (test positif pour un vrai cancer) plus importante retrouvée avec l'utilisation seule de la mammographie numérique dans l'analyse des données est contre-intuitive avec le fait que les taux de détection étaient pourtant meilleurs avec la TDS, dans tous les groupes, c'est à dire qu'on a une augmentation des taux de détection de cancers avec la tomosynthèse sans pour autant avoir d'amélioration des chiffres de la sensibilité, donc du chiffre des vrais positifs.

Ce problème est le suivant : même si les auteurs de l'étude ont suivi les femmes pendant au moins 1 an, le décompte du nombre de cancers n'est pas indépendant du résultat du dépistage. En effet, aucun cancer avec dépistage mammographique positif ne va être manqué puisque tous les dépistages positifs conduisent à une échographie et/ou IRM et/ou une biopsie avec un examen histologique de confirmation.

Mais les cancers avec test négatif lors d'une TDS ne seront diagnostiqués que s'ils deviennent symptomatiques durant la période de suivi ; ce ne sera pas le cas pour tous, donc certains de ces cancers seront manqués et se déclareront au-delà de la période de suivi. On aura plus de faux négatifs.

Ce lien entre décompte des cancers et résultat du dépistage fausse tous les calculs de sensibilité, de spécificité et de valeurs prédictives.

4°-échantillons insuffisants, puissance statistique insuffisante

De l'aveu même des auteurs, l'évaluation statistique est limite dans les sous-groupes.

La raison est simple : pour l'ensemble du groupe mammographie numérique, 493 cas de cancers ; pour le groupe tomosynthèse, seulement 160 cancers. Donc toutes les estimations qui sont faites à partir des cas de cancers manquent de puissance. Et c'est encore bien pire si on raisonne par sous-groupe d'âges.

5°-limitation des faux positifs, mais faux positifs quand-même...

Certes, l'objectif du dépistage est de sélectionner les femmes qui devront passer des examens de confirmation qui seraient trop lourds pour être proposés à tout le monde.

Ces examens-là devraient idéalement n'avoir aucun faux négatif et aucun faux positif.

Le problème du dépistage du cancer du sein c'est que l'examen de confirmation, l'histologie, conduit lui aussi à du surdiagnostic qui s'ajoute à celui de la sur-détection, et ainsi à de nombreux examens positifs qui auraient pu être ignorés.

_______

Du point de vue comptable, les auteurs de l'étude invoquent une amélioration de la spécificité jusqu'à 94% pour les seins denses.

Mais qu'est-ce que cela signifie ?

Supposons une sensibilité où 90 % des cancers sont diagnostiqués et une spécificité de 99 %, où seulement 1 % des lésions diagnostiquées ne sont pas des cancers. Sur 1000 femmes examinées, 4 ont une maladie cancéreuse et 996 n’en ont pas. Avec une sensibilité à 90 % on a toutes les chances de ne rater aucun des 4 cancers. Mais avec 99 % de succès en concluant à l’absence de cancer, on obtient 10 erreurs. Et si on se trompe une fois sur cent chez les personnes sans cancer, on reproduit 10 fois cette erreur pour 1000 femmes examinées. Au total, on a obtenu 4 diagnostics de vrais cancers et 10 faux positifs, donc plus de faux positifs que de vrais cancers.

C.Bour

Merci à Dr V.Robert pour éclairage et analyses.

Post scriptum et actualités

  • Un plus récent article du BMJ de juillet 2019 de Jeanne Lenzer, journaliste scientifique, conteste même l'intérêt de l'adjonction de la tomosynthèse à la mammographie numérique, et qui reste clairement non prouvé. Les informations données aux femmes subissant cette technique, en augmentation au Etats Unis, relèvent plus de l'argumentation marketing que de l'information neutre et scientifique.
    Par exemple : "Porte-parole de célébrités, y compris la chanteuse Sheryl Crow, lauréate d'un prix Grammy , amplifier le message. Crow raconte aux femmes «le dépistage précoce m'a sauvé la vie» et les exhorte à réclamer le système 3D Genius d'Hologic, car il «détecte le cancer 15 mois plus tôt que toute autre machine» .Crow est un porte-parole rémunéré pour Hologic."

Lire aussi : https://cancer-rose.fr/2019/04/08/depistage-et-intelligence-artificielle/

L'étude s'intéresse à évaluer la capacité de la tomosynthèse à réduire les cancers d'intervalle. Il s'agit d'une étude prospective de dépistage avec la tomosynthèse mammaire basée sur la population (Malmö, Suède).
Plusieurs faiblesses de l'étude (analyse Dr Vincent Robert):
-Il n'est pas sûr que les groupes soient comparables. D'une part, l'appariement sur un seul facteur (ici l'âge) ne garantit pas la comparabilité des groupes.
D'autre part, comme le reconnaissent les auteurs, le fait que certaines femmes du groupe contrôle (ou témoin) pourraient être des femmes non retenues dans
le groupe MBTST (Malmö Breast Tomosynthesis Screening Trial) peut fausser la comparabilité.
Ces 2 points sont d'autant plus à prendre en considération que le nombre de cas est très petit rendant les résultats des tests statistiques incertains.
-Comme le reconnaissent les auteurs, il y a 4 radiologues qui lisent les radios dans le groupe MBTST contre seulement 2 dans le groupe contrôle et les différences pourraient aussi résulter de ce fait.
-Un résultat unique significatif, alors que les autres études antérieures n'ont pas montré de différence, est à prendre avec précaution et appelle à faire encore d'autres études avant de conclure.

Même s'il s'avérait vrai que la tomosynthèse permettait de réduire les cancers de l'intervalle, la question de l'intérêt de cette technique resterait entière. Si cette réduction des cancers de l'intervalle est obtenue au prix d'une augmentation des surdiagnostics, on ne peut affirmer que le rapport bénéfices/risques est favorable.
Sur base des chiffres de l'article, par 1000 femmes : dans le groupe MBTST et par comparaison au groupe contrôle, on aurait 1.2 cancers de l'intervalle évités (avec quelle éventuelle réduction de mortalité ?) pour 2.9 tumeurs diagnostiquées en plus (avec quelle
proportion de surdiagnostics et d'avances au diagnostic ?).

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Cancer du sein, mode et thune

7 mars 2019

Par Dr Annette Lexa

Lorsque la mode et la banque informent les femmes du risque de cancer du sein au nom des Droits des Femmes, ça donne ça : 

A l’occasion de la Journée Internationale pour les Droits des Femmes, la Caisse d’Epargne, Ines de la Fressange Paris et l’association militante « Le Cancer du Sein, parlons en ! » s’associent pour proposer une collection de cartes bancaires au tarif de deux euros. Pour chaque carte souscrite, la Caisse d’Epargne abondera de deux euros, soit quatre euros par carte reversés à l’association « Le Cancer du Sein, Parlons-en ! ».

Donc, une banque, la Caisse d’épargne, et une association activiste profitent ensemble de la Journée Internationale des Droits de la Femme en France pour lancer une campagne publicitaire en reprenant le slogan biaisé juste destiné à faire peur  « 1 femme sur 8 aura un cancer »  et le hashtag malheureux #1FemmeSur8Mars.

Et le sinistre chiffre de 1 femme sur 8 continue toujours d’occuper les premières pages des moteurs de recherche.

Pourtant Cancer Rose s’est attaché le plus honnêtement possible à démontrer que ce chiffre accrocheur n’avait aucun fondement :

https://www.cancer-rose.fr/mensonges-et-tromperies/

« Dire qu’une femme sur huit sera confrontée au cancer du sein est une présentation trompeuse, ce risque étant un risque cumulé tous âges confondus, calculé sur une population fictive en fonction des risques observés en 2012. Or il convient de considérer ce risque selon la tranche d’âge. Avec un suivi de 20 années, pour une femme de 40 ans ce risque est de 4%, pour une femme de 60 ans il est de 6%. »

A savoir aussi que sur 100 décès de femmes, 4 sont attribuables au cancer du sein, 20 à d’autres cancers, 30 à des maladies cardio-vasculaires. (réf. : Hill C. Dépistage du cancer du sein. Presse med. 2014 mai;43(5):501–9.)

Voir aussi dossier Que Choisir d’octobre 2017 : Que Choisir

Selon Catherine Hill, épidémiologiste à l’Institut Gustave-Roussy, à Villejuif (94), il s’agit d’une surestimation basée sur un calcul portant sur une population fictive suivie de la naissance à cent ans et plus. « Ce qui est pertinent, c’est le calcul pour une femme d’un âge donné suivie sur une durée donnée. Ainsi, le risque de diagnostiquer un cancer du sein dans les dix années suivantes est de 1,9 % pour une femme de 40 ans, de 2,1 % pour une femme de 50 ans, de 3,2 % pour une femme de 60 ans. »

Donc en France en Mars 2019, les femmes sont instrumentalisées pour des intérêts privées, au moyen d’une information médicale  déformée émanant d’association activiste pro-dépistage aux conflits d’intérêts avérés *: c’est bien connu les femmes n’aiment pas les chiffres, elles n’iront pas vérifier si c’est vrai ou faux, l’objectif est de les maintenir en tension et en peur, en appuyant sur l’émotionnel, en les culpabilisant, en créant une fausse solidarité féminine autour de la peur du cancer du sein pour entretenir la machine à dons dont ne bénéficient que quelques-uns.

Pendant ce temps, en Angleterre, les femmes n’ont pas besoin de hashtag #PrendsMoiPourUneBécasse, de mauvaise campagne orchestrée par des banques car les Autorités leur fournissent une vraie information sur le meilleur moyen de réduire leur risque de cancer du sein, les facteurs de protection, le vrai bénéfice et le vrai risque lié au dépistage, la vérité sur tous les traitements existants, leur effets secondaires.  Et tout ceci de manière dépassionnée, ceci afin que le femmes puissent juger avec la raison en toute responsabilité.

https://www.cancerresearchuk.org/health-professional/cancer-statistics/statistics-by-cancer-type/breast-cancer/risk-factors

Nous demandons à la Caisse d’épargne d’avoir la décence de ne pas participer à la désinformation des femmes en n’utilisant pas des slogans accrocheurs pour se faire de la publicité à bon compte.

* LES ENSEIGNES, rôles et obligations

https://www.cancer-rose.fr/les-enseignes-roles-et-obligations/

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HAS et tests génomiques prédictifs de récidive de cancer du sein

6 mars

Article dans EGORA du 4 au 10 mars 2019, 207-208 ; synthèse Dr C.Bour

https://www.egora.fr/actus-medicales/gynecologie-obstetrique/46227-cancer-du-sein-avis-defavorable-au-remboursement-des?page=0%2C1

 

Afin de déterminer si on doit prévoir une chimio-thérapie adjuvante après un cancer du sein, c'est à dire une chimiothérapie prescrite à la suite de la chirurgie d'un cancer du sein et destinée à prévenir les récidives, on se base sur certains critères dits anatomo-cliniques qui sont :

  • l'âge
  • l'existence de ganglions atteints
  • la taille tumorale
  • les caractéristiques biologiques de la tumeur

 

Développement de la génomique

 

Les techniques de génomique pour estimer un risque de récidive à partir d'un panel de gènes présents dans la tumeur se sont développées ces derniers temps, et en France on dispose de 4 systèmes (Mammaprint, Oncotype DX, EndoPredict, Prosigna).

Il s'agit donc d'évaluer l'utilité de ces tests afin de déterminer leur prise en charge ou pas.

 

Conclusions de la HAS

 

La HAS a constaté que l'utilité des tests concernerait seulement 5 à 10% des femmes, celles à risque intermédiaire de récidives.

Pour l'agence, le test est inutile en cas de cancer à faible risque de récidive pour lequel la chimiothérapie adjuvante n'est pas nécessaire ; le test est inutile également pour le cancer à fort potentiel de récidive, pour lequel la chimiothérapie adjuvante sera de toute façon recommandée.

Les tests ne présentent pas de valeur ajoutée par rapport aux critères anatomo-cliniques déjà existants et de plus, selon le test appliqué, il existe des variations pour la décision de la mise en oeuvre d'une chimiothérapie adjuvante chez une femme sur 4.

Déjà en 2014, dans un article de la revue Annales de Pathologie oct 2014 volume 34 n°5, intitulé "uPA/PAI-1, Oncotype DX, Mammaprint, valeurs pronostique et prédictive pour une utilité clinique dans la prise en charge du cancer du sein", les auteurs (dont JP Bellocq*, président de la société française d'assurance qualité en anatomie pathologique) concluaient à l'impossibilité de dégager une valeur ajoutée d' Oncotype DX et de Mammaprint par rapports aux outils prédictifs actuels. Cet article pointait déjà le manquement dans les données de la littérature pour apprécier le poids d'une éventuelle valeur ajoutée, l'utilité clinique dépendant de cette donnée. De plus les études coûts/efficacité étaient jugées de qualité insuffisante et entachées de mauvaise procédure pour décider d' employer ces outils dans une démarche de décision thérapeutique.

*https://www.afaqap.fr/lassociation/organisation/conseil-dadministration

 

Recommandations

 

La HAS recommande donc d'effectuer tout d'abord d'autres recherches cliniques, notamment une étude clinique prospective et comparative (avec test et sans test), et avec recueil exhaustif des données.

Pour l'instant, pas de remboursement systématique des tests génomiques prédictifs de récidive de cancer du sein.

 

 

 

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Les recommandations européennes

par Dr C.Bour, 9 février 2019

Nouvelles recommandations sur le dépistage du cancer du sein, de la Commission Initiative on Breast Cancer (ECIBC)

recos ECIBC

La "European Commission Initiative on Breast Cancer" (ECIBC), autrement dit l’initiative de la commission européenne sur le cancer du sein, publie ses nouvelles recommandations (ici : https://ecibc.jrc.ec.europa.eu/recommendations/)

Au total, 80  recommandations seront accessibles au public et classées en trois groupes, selon leurs destinataires :

  1. professionnels de la santé,
  2. patients / individus,
  3. créateurs de politiques.

Ces recommandations abordent : la fréquence des dépistages, les moyens d'invitation et d'information, les stratégies de communication envers les populations plus vulnérables psychologiquement, les stratégies d'organisation du dépistage, les types de tests, les méthodes de diagnostic, l'utilisation des technologies plus avancées comme la tomosynthèse, la communication des résultats et la formation des professionnels.

Cette initiative part des recommandations émises lors de Journée mondiale du cancer 2018 (journée mondiale cancer 2018) soutenue par Unicancer [1].

Qui sont les personnes composant l'équipe émettant les recommandations ?

Quelques scientifiques en particulier, qui font partie du groupe de développement des recommandations, que nous appellerons le GDR, retiennent notre attention : Stephen Duffy, Lennarth Nyström et Mireille Broeders.

Stephen Duffy a participé au tristement célèbre essai pionnier suédois sur le dépistage du cancer du sein dans deux comtés suédois, co-auteur de Tabar, et sur lequel se base le programme national de dépistage du cancer du sein au Royaume-Uni notamment. Cet essai a été mis en cause avec véhémence, tant en raison de ses biais majeurs que des conflits d'intérêts de Tabar. Voir l'article de P.Autier :

Autier "un enjeu majeur" , chapitre "bilan des premiers essais, les études".

Ces auteurs ont contribué à plusieurs publications mettant en avant les "extraordinaires bénéfices" du dépistage. La bibliographie du site de la Commission Européenne sur le cancer du sein[2]  fait la part belle aux travaux de Tabar, Pulliti, Duffy, Nyström etc, sous le titre de "preuves des effets", mais mentionne également les études de Miller, Harding, Cochrane, Autier, plus récentes et mettant en doute les bénéfices avancés.

Le libellé "preuve des effets" est très affirmatif car tout bon épidémiologiste et statisticien sait qu'en matière d'études scientifiques populationnelles il n'y a jamais de "preuves". Il y a des présomptions, les études qui suggèrent que, ou une conjonction d'études qui oriente vers telle ou telle conclusion...

Remettons les choses en lumière concernant ces premiers essais promoteurs du dépistage systématique.

En 2005 déjà, le statisticien norgévien Per-Henrik Zahl membre de la collaboration Cochrane, signale des différences entre ce qu’il constate dans le registre suédois et ce qui a été publié par Tabar en 1985 dans l’essai des Deux Comtés. « Par rapport aux statistiques officielles suédoises, nous avons constaté que 192 cas de cancer du sein et 43 décès par cancer du sein semblent ne pas figurer dans la publication principale de l’essai de Deux-Comtés ». Le Lancet avait à l'époque refusé de publier l'article de Zahl que celui-ci a dû proposer à d'autres revues scientifiques...[3] [4]

Outre les différences notées entre le registre suédois et la publication de Tabar, l’article de Zahl remarque également des discordances dans les résultats de l’essai suédois des Deux-Comtés. « Le nombre de femmes incluses dans l’étude donne un total de 133 065 femmes résidant dans les deux comtés lors de l’allocation aléatoire dans l’article de 2011, alors que celui de 1985 comptabilisait 134 867 femmes incluses dans l’étude, soit 1802 de plus. »

« En 1992, Tabar et ses collègues ont signalé 465 décès par cancer du sein dans le groupe d’âge des 40 à 74 ans, soit 16 de moins que le nombre indiqué dans l’aperçu des essais suédois »

PH Zahl, et all font remarquer en plus que les données sur les décès varient selon qu’elles proviennent des publications de Tabár ou Nyström co-auteur de l’étude : Tabár annonce moins de décès par cancer du sein dans le groupe dépisté que Nyström, et plus de décès par cancer du sein dans le groupe témoin que Nyström

Les recommandations pour les patientes selon les tranches d'âges :

Quatre tranches d'âge sont examinées : 40-44 ans, 45-49 ans, 50-69 ans, 70-74 ans.

Pour la première tranche d'âge, entre 40 et 44 ans, le groupe de scientifique du GDR recommande de ne pas recourir au dépistage pour les femmes asymptomatiques. Nous saluons ceci car dans beaucoup de départements en France les gynécologues le prescrivent assez systématiquement dès 40 ans. https://ecibc.jrc.ec.europa.eu/recommendations/details/Professional/screeningage/40-44

Concernant la tranche suivante, pas de dépistage annuel selon le groupe, mais le GDR suggère un dépistage mammographique triennal ou biennal dans le cadre d'un programme de dépistage organisé, en précisant l'existence d'un faible niveau de preuves.

La tranche des 50 à 69 ans se voit attribuer une recommandation forte de dépistage biennal.

Enfin, petit changement pour le groupe de femmes le plus âgé, un dépistage triennal est suggéré.

Nous nous posons la question de la légitimité de cette structure plutôt promotrice du dépistage sous le logo (rassurant ?) de l'UE.

La gouvernance est détaillée, avec les rapports de conflits d'intérêts des membres, mais dont les montants perçus ne sont pas tous mentionnés.

Néanmoins force est de constater qu'au-delà de la recommandation du maintien du dépistage systématique pour les femmes de 50 à 74 ans, le GDR fait preuve de prudence, mentionne le surdiagnostic en donnant, selon les tranches, une évaluation moyenne entre 12 et 22%, parle du risque des fausses alertes et de l'exposition au risque de mastectomies supplémentaires ainsi qu'à l'anxiété inutile.

Pour chaque tranche d'âge les recommandations sont argumentées, et vous trouverez pour chaque catégorie d'utilisateur 5 rubriques : la puissance de la recommandation, sa justification détaillée avec la mortalité réduite ou pas et les risques de surdiagnostic, fausses alertes et mastectomies, les considérations générales sur ce qu'il faudrait faire à l'avenir, une rubrique évaluation avec un questionnaire, et pour finir une bibliographie assez détaillée.

Pour les professionnels (https://ecibc.jrc.ec.europa.eu/recommendations/list/Professional) une incitation à la promotion du dépistage est donnée dans un chapitre (descendre avec le curseur) : ' Quel type de communication faut-il utiliser chez les femmes vulnérables pour accroître leur participation aux programmes de dépistage? '

"Pour que les programmes de dépistage du cancer du sein entraînent une réduction de la mortalité par cancer du sein, une proportion importante de la population doit y participer. Les programmes à faible taux d'utilisation peuvent être inefficaces et favoriser les inégalités dans les services de santé."

Or, on sait depuis l'étude d'Autier sur les Pays Bas que même les pays à forte participation ne connaissent pas de réduction significative de la mortalité imputable au dépistage et un taux stable des cancers avancés.[5] [6]

Autre ajout  (descendre un peu plus bas avec le curseur), le chapitre :

" Un outil d'aide à la décision expliquant les avantages et les inconvénients du dépistage par rapport à une lettre d'invitation "régulière" devrait-il être utilisé pour informer les femmes des avantages et des inconvénients du dépistage du cancer du sein?"

Au-delà de la promotion du dépistage, à la lecture des nouveaux chapitres édités et de la formulation nuancée des recommandations on peut constater davantage de prudence avec plus d'honnêteté sur les risques, même si l'estimation retenue du surdiagnostic est comprise dans un intervalle bas (entre 10 et 17% pour les 50-69 ans), et au regard des efforts d'argumentation et de justification des directives énoncées.

La synthèse du NIH

 

La synthèse du National Institute of Health américain[7] nous semble résumer plus clairement et synthétiquement les tenants et aboutissants pour les professionnels de santé, à la fois sur le dépistage mammographique, mais aussi concernant l'examen clinique des seins ou l'auto-examen, et il nuance le bénéfice escompté des premiers essais.

" Des études de population réalisées plus récemment soulèvent des questions sur les avantages pour les populations dépistées qui participent au dépistage sur des périodes plus longues."

"La validité des méta-analyses d'ECR démontrant un bénéfice en termes de mortalité est limitée par les améliorations apportées à l'imagerie et au traitement médicaux au cours des décennies qui ont suivi leur achèvement. Les 25 années de suivi de l’Essai national canadienne sur le dépistage du cancer du sein (CNBSS) [ 4 ], achevée en 2014, n'ont montré aucun bénéfice en termes de survie associé aux mammographies de dépistage."

"Sur la base de preuves solides, la mammographie de dépistage peut avoir les effets nocifs suivants..."

Le surdiagnostic potentiel ici est annoncé entre 20 et 50%, le taux de rappel à 10%, le risque de cancer radio-induit est cité ("en théorie, les mammographies annuelles chez les femmes âgées de 40 à 80 ans peuvent provoquer jusqu'à un cancer du sein sur 1 000 femmes"), et, chose rare, l'effet faussement rassurant est également évoqué en cas de faux négatif.

Conclusion

On peut saluer un effort dans les nouvelles recommandations européennes avec plus d'argumentation et de nuances dans la relation de la balance bénéfice /risques, mais regretter que la grande majorité des membres de cette commission européenne soit composée des emblématiques promoteurs, très contestés, du dépistage organisé du cancer du sein, que la bibliographie énumérée fasse la part belle aux études favorables aux premiers essais cliniques, et enfin que le risque du surdiagnostic soit minimisé.

BIBLIO

[1] Unicancer, qu'est-ce que c'est ?

Unicancer est un réseau hospitalier composé de différents établissements, dédié à 100 % à la lutte contre le cancer, le groupe soutient Octobre rose.

http://www.unicancer.fr/actualites/groupe/octobre-rose-2018-reseau-unicancer-se-mobilise

Unicancer a touché plus de 15 millions d’euros des industriels, du moins de ceux dont on peut connaître le montant, selon la base de données Eurofordocs. C’est aussi Unicancer qui organise le très curieux essai MyPeBS http://mypebs.cancer-rose.fr/  sur le dépistage « personnalisé » du cancer du sein.

[2] Pour trouver la bibliographie, aller à https://ecibc.jrc.ec.europa.eu/recommendations/details/Patient/screeningage/40-44, voir "à quel âge...", puis cliquer sur le 5ème onglet, le plus à droite.

[3] Zahl Ph, Gøtzsche PC, Andersen JM, Maehlen J, Withdrawn Results of the Two-County trial of mammography screening are not compatible with contemporaneous official breast cancer statistics in Sweden. Eur J Cancer, 2006; mars.

[4] Zahl PH, Gotzsche PC, Andersen JM, Maehlen J. Results of the Two-County trial of
mammography screening are not compatible with contemporaneous official Swedish breast cancer statistics. Dan Med Bull. 2006 Nov ;53(4) :438-40.

[5] https://app.core-apps.com/sabcs2016/abstract/d65d1d601c44a12e649faed52440f92e

[6] https://www.cancer-rose.fr/efficacite-et-surdiagnostic-du-depistage-mamographique-aux-pays-bas-etude-populationnelle/

[7] https://www.cancer.gov/types/breast/hp/breast-screening-pdq#link/_13_toc

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Dépistage chez la femme âgée

Nouvelles technologies de dépistage du cancer du sein chez les femmes âgées — Est-il temps de freiner?

article JAMA

Synthèse Dr C.Bour, 6 février 2019

 

 

Ce point de vue publié dans le JAMA le 14 janvier pose la question de la pertinence du dépistage du cancer du sein dans la population âgée, au-delà de 74 ans.

A travers l'historique du remboursement de ce dépistage par le Medicare [1] au fil des évolutions technologiques successives depuis la mammographie analogique, puis numérique en passant par des systèmes de détection assistée par ordinateur jusqu'à l'acquisition tridimensionnelle (la tomosynthèse), l'article s'interroge sur la pertinence-même de la détection chez la personne âgée, et c'est ce qui nous intéresse.

En effet, les recommandations officielles de dépister s'arrêtent à l'âge de 74 ans mais il n'est pas rare de voir des patientes envoyées pour une mammographie systématique, sans aucun symptôme, à des âges plus canoniques.(NDLR)

 

Historique

 

Du début du dépistage aux Etats Unis, en 1970 et ce jusqu'en 1991, aucun essai clinique sur la mammographie n’avait inclu des femmes de plus de 74 ans, et il régnait un scepticisme quant à son efficacité dans ce groupe d'âge.[2]

Plus d’un quart de siècle plus tard, il y a encore peu de preuves directes en faveur du dépistage du cancer du sein chez les femmes de plus de 74 ans.

En 2008 un important essai clinique randomisé a laissé entendre que l’exactitude de la mammographie numérique n’était pas supérieure à la mammographie analogique pour les femmes de 65 ans et plus, et qui n’ont pas de seins denses.[3]

En sus de la mammographie numérique est arrivée la détection assistée par ordinateur, qui utilise un logiciel pour analyser les images numériques et signaler des zones suspectes pour un ré-examen par le radiologue. Le congrès américain à l'époque a mandaté la couverture par l’assurance-maladie pour ce procédé de détection assistée en dépit d’un manque de données probantes sur les bénéfices pour les femmes âgées, selon une étude faite sur le sujet.[4]

Cette vaste étude de 2013 sur les résultats à court terme de la mammographie avec détection assistée chez les femmes âgées de 65 à 84 ans donnait des résultats mitigés : la technologie a détecté certains cancers au stade précoce mais n’a pas augmenté la détection en général et a conduit à davantage de faux-positifs. Il n'est pas certain que la santé des femmes âgées se soit améliorée grâce à cette technologie.

La performance technologique a poursuivi son évolution et a donné naissance à la tomosynthèse, imagerie tridimensionnelle du tissu mammaire par acquisition de plans multiples. Des études ont démontré une augmentation des taux de détection du cancer mais aussi une réduction du taux de rappel. Actuellement, cependant, nous ne connaissons qu’une seule étude sur la tomosynthèse mammaire numérique qui ait rapporté des résultats chez les femmes de plus de 70 ans[5]. Cette étude n’a révélé aucune réduction significative de taux de rappel dans ce groupe d’âge avancé, et on ne démontre pas que la tomosynthèse mammaire permette d’améliorer les résultats du cancer du sein dans ce groupe d’âge.

 

Pistes proposées, que faire ?

 

L'article suggère que bien que les nouvelles technologies de dépistage du cancer du sein aient largement supplanté la mammographie analogique sur film, il est difficile de savoir si ces avancées ont réellement amélioré la santé des femmes, en particulier chez celles de 75 ans et plus. Il faut donc se garder, selon les auteurs, d'inciter des femmes (par des remboursements accordés de ces nouvelles technologies coûteuses) à faire l’objet d’un dépistage, alors qu'elles n’en profiteront pas, dépistage qui pourraient même leur être défavorable en raison du problème du surdiagnostic[6].

Les auteurs abordent plusieurs pistes pour éviter les écueils de la promotion et l'incitation pour ces nouvelles technologies, remboursées successivement lors de leur avènement au cours de l'histoire par le Medicare. Ils évoquent la prise en charge groupée de l'examen de dépistage par exemple, quelle que soit la ou les techniques employées, ou encore l'exigence de davantage de preuves avant de couvrir toute la population ciblée.

Une autre approche évoquée est celle d'élaborer des études de randomisation sur les nouvelles technologies. On continuerait l'usage en place avec collecte de données probantes sur ces bénéficiaires âgés.[7]

Selon l'article, cela permettrait à l’assurance-maladie de continuer à couvrir les nouvelles technologies avec possibilité d'études, les essais randomisés n'étant pas toujours facilement réalisables ou accusés d'être non-éthiques car soustrayant des populations à ces technologies. Par exemple, un "design quasi randomisé" pourrait tirer parti de l’implantation échelonnée de la tomosynthèse mammaire numérique, dernière technologie en date pour tenter de tirer des conclusions sur son efficacité chez les femmes de plus de 74 ans.

 

NDLR. Il faut être réellement prudent chez la personne âgée asymptomatique de la mammographie systématique sans bénéfice avéré, chez ces personnes vulnérables et exposées particulièrement aux effets morbides d'un surdiagnostic et surtout du surtraitement ,(complications thrombo-emboliques, cardiaques etc...)

 

[1]  Système d'assurance-santé géré par le gouvernement fédéral des États-Unis bénéficiant aux personnes de plus de 65 ans, financé par le fonds fiduciaire d'assurance-hospitalisation et le fonds fiduciaire d'assurance maladie complémentaire.

[2] NattingerAB,GoodwinJS.Screening mammography for older women: a case of mixed messages. Arch Intern Med. 1992;152(5):922-925. doi:10.1001/archinte.1992.00400170012003

[3] PisanoED,HendrickRE,YaffeMJ,etal;DMIST Investigators Group. Diagnostic accuracy of digital versus film mammography: exploratory analysis of selected population subgroups in DMIST. Radiology. 2008;246(2):376-383. doi:10.1148/radiol. 2461070200

[4] FentonJJ,XingG,ElmoreJG,etal.Short-term outcomes of screening mammography using computer-aided detection: a population-based study of Medicare enrollees. Ann Intern Med. 2013; 158(8):580-587. doi:10.7326/0003-4819-158-8- 201304160-00002

[5] Sharpe RE Jr, Venkataraman S, Phillips J, et al. Increased cancer detection rate and variations in the recall rate resulting from implementation of 3D digital breast tomosynthesis into a population-based screening program. Radiology. 2016;278(3):698-706. doi:10.1148/radiol.2015142036

[6] WalterLC,SchonbergMA.Screening mammography in older women: a review. JAMA. 2014;311(13):1336-1347. doi:10.1001/jama.2014.2834

[7] Daniel GW, Rubens EK, McClellan M. Coverage with evidence development for Medicare beneficiaries: challenges and next steps. JAMA Intern Med. 2013;173(14):1281-1282. doi:10.1001/ jamainternmed.2013.6793

 

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De la pertinence des dépistages de nos jours, à propos de deux articles

23/01/2019

Synthèse Dr C.Bour

 

Il est temps d'abandonner la détection précoce

Le premier de ces deux articles que nous allons examiner est un éditorial paru en ce début d'année 2019, ici :

"Time to abandon early detection cancer screening"

Il pose la question de la pertinence de l'abandon en général des procédures de détection précoce, autrement dit des dépistages.

Dans les références de cette publication on trouve le deuxième article qui nous intéresse, de V.Prasad, paru dans le BMJ en 2015, ainsi que le colossal travail de synthèse de Pr P.Autier (voirdossier Autier/Boniol).

Les auteurs de "il est temps d'abandonner la détection précoce par dépistage" expliquent qu'après un demi-siècle de lutte contre les cancers, la bataille n'est pas remportée de façon significative ; les avancées sont davantage celles des thérapeutiques que des préventions.

L'espoir de guérir les cancers en les détectant plus tôt, avant l'arrivée des symptômes, a failli.

Actuellement, l'incitation aux dépistages demeure promotionnelle et présentée comme fondamentale pour le contrôle actuel et futur des cancers, malgré des preuves de plus en plus nombreuses de l'absence de bienfaits pour la plupart des tests couramment utilisés.

Les gens devraient être informés de façon non passionnée et objective, et la non-participation éclairée devrait être un choix admis. En conséquence, la participation des populations à ces dépistages doit être abandonnée en tant qu'indicateur d'efficacité.

Après une pratique généralisée durant trois décades, la preuve que les tests de dépistage comme la mammographie ou le dépistage du cancer de la prostate par le PSA (dont l'utilisation a été contestée et regrettée par le concepteur lui-même du test) comportent des effets nocifs (fausses alertes, surdiagnostic) n'a fait que s'accroître. Ceci a conduit par exemple le Conseil Médical Suisse à proposer l’abolition des programmes de mammographie.

 

Pourquoi pas d'efficacité ?

L'absence de succès du dépistage précoce du cancer n’est pas tout à fait surprenante. Avec une énorme variabilité du taux de croissance des cellules, le processus de transformation maligne peut prendre de nombreuses années ou décennies ; pour le cancer du sein, il peut commencer très tôt. Mais l'avancement du diagnostic par le dépistage d'une ou quelques années ne représente qu’une petite fraction de la période pendant laquelle la croissance et la progression tumorale ont lieu. La supposition qui fait croire en la détection salutaire de nombreux cancers durant la courte période entre un stade curable à un stade incurable est trop optimiste. (NDLR : L'évolution des cancers n'est pas linéaire, les cancers graves échappent au dépistage car véloces souvent, et nombre de petits cancers détectés alimentent le surdiagnostic).

Comme de récentes études le montrent la plupart des programmes de dépistage en population n’ont pas réussi à réduire la mortalité par cancer, et la question se pose de savoir s’ils ont causé des dommages, au-delà du gaspillage de ressources et des effets secondaires des traitements qui peuvent être fréquents et graves. La réponse, très courte, est oui.

Intervenir dans des populations saines et transmettre à une proportion d’individus l'idée qu’ils pourraient avoir un cancer mais qu’ils ont besoin d’une analyse diagnostique plus poussée pour confirmer ou exclure ce diagnostic, cela peut avoir de profondes implications. Il en ressort d'importantes conséquences psychologiques et de répercussions en terme d'angoisses existentielles indéniables, un diagnostic de cancer confirmé provoque des effets psychiatriques et somatiques sévères de stress pour les patients, cela est maintenant fermement établi, peu importe que le cancer soit surdiagnostiqué, curable ou déjà métastatique et létal. Cet aspect est largement abordé et souligné chez Prasad.

Les programmes de dépistage infligés à la population font qu’une proportion de la population est inutilement précipitée dans une cascade de processus diagnostiques avec les dangers qu'ils comportent, le surdiagnostic n'étant pas le dernier, avec un non recul de mortalité et des formes graves.

Les prédictions selon lesquelles des outils de dépistage plus performants pourraient fonctionner mieux à l'avenir que ceux existants actuellement abondent : des techniques d'imagerie fortement sensibles, la détection de cellules tumorales circulantes ou des biomarqueurs ..

Toutefois on peut craindre que ces outils qui s’ajoutent à l'arsenal du dépistage existant ne conduisent à d’autres surdiagnostics supplémentaires, à des traitements excessifs (n'apportant pas de bénéfices) et à l'amplification des analyses diagnostiques, des traitements, des procédures de surveillance ainsi qu'à l’escalade des coûts des programmes de dépistage sans bénéfice à l'échelle populationnelle. Et il n’y a pas de garantie que le surdiagnostic consécutif à cette augmentation d’intensité diagnostique soit réservé seulement à ces cancers pour lesquels la documentation sur ce problème est déjà écrasante : neuroblastome, mélanome malin et cancers de la thyroïde, du sein et de la prostate. Le surdiagnostic généralisé pourrait en effet être une conséquence inévitable consécutive à une intensité diagnostique accrue. (NDLR, programme australien de désescalade)

 

 

Et à l'avenir ?

Au cours d’un demi-siècle, le dépistage précoce du cancer a été fortement promu, presque glorifié, comme stratégie visant à améliorer la lutte contre le cancer.

Au fil du temps, la communauté scientifique et les prestataires des soins de santé ont été étonnamment réticents à accepter les preuves que le dépistage des cancers par détection territoriale à grande échelle sur les populations n’a pas répondu à nos attentes, et qu'il a en fait causé des dommages considérables à une grande population de personnes en bonne santé.

Il est nécessaire actuellement de relever le difficile défi de l'éducation du public à la santé.

Selon les auteurs cela devrait de préférence se faire de façon organisée, et en utilisant des études pour pouvoir en mesurer les effets.

Une deuxième option consisterait à modifier et à restreindre les intervalles d’âges concernés et à réduire la fréquence des dépistages, ce qui réduirait à terme l’utilisation totale de ces tests de dépistage.

Une troisième option consisterait à se concentrer davantage sur la prise de décision partagée, dans le cadre d'un examen préalable, ce qui semble plus respectueux du malade et plus réaliste plutôt que d'imposer des dépistages inopérants.

 

 

L'article de Prasad et col.,

paru dans le BMJ en 2015, soulevant lui aussi l'inefficacité des programmes de dépistage

https://pdfs.semanticscholar.org/a85e/a6882916c171564738b1c9db456c1e774b6d.pdf

Que constate-t on après ces décennies de dépistages ?

 

  • Pas de réduction de mortalité

Les auteurs énoncent 2 raisons majeures : les essais manquent de puissance à trouver une minime réduction de mortalité. Et les minimes bénéfices en terme de mortalité peuvent être contre-balancées par les décès imputables aux effets en aval du dépistage.

Les méta-analyses sur les analyses sanguines occultes fécales pour rechercher un cancer colo-rectal, ont montré, selon les auteurs, une légère augmentation des décès non liés au cancer colorectal mais associés au dépistage, ce qui impliquerait des effets en aval de ce test de dépistage, pouvant partiellement ou entièrement annuler les gains pour cette maladie spécifique.
Ces « décès hors cible » surviennent plus particulièrement dans les cas de tests de dépistage exposant à des résultats faussement positifs, à du surdiagnostic de cancers non nocifs et à la sur-détection de lésions fortuites ou incidentalomes. C'est le cas pour la thyroïde, le neuroblastome, la prostate, le sein..
Par exemple, les tests d’antigènes spécifiques de la prostate (PSA) donnent de nombreux résultats faussement positifs, qui contribuent à plus d’un million biopsies de la prostate par an. Sans parler des surdiagnostics...

Les auteurs rappellent que les hommes avec un diagnostic de cancer sont plus souvent enclins aux suicides ou attaques cardiaques dans l'année suivant le diagnostic, ou exposés à mourrir de complications dues aux traitements, et ce pour des cancers détectés qui n'auraient jamais causé de symptômes. Le même argument est valable pour d'autres détections, comme le cancer du poumon, le neuroblastome, le cancer thyroidien...

 

Le données de mortalité doivent être examinés avec minutie.

Les essais randomisés devraient rapporter la mortalité toutes causes dans les groupes dépistage et les groupes témoin (ce que les essais mammographie n’ont jamais fait). Ce paramètre est important ne serait-ce que pour détecter une surmortalité due aux effets secondaires du dépistage.

La mortalité toutes causes ne peut pas représenter un objectif principal pour les cancers conduisant au décès à un âge relativement jeune, ce qui est le cas du cancer col utérin. La mortalité spécifique par ce cancer est élevée et le dépistage par frottis du col contribue à  drastiquement baisser la mortalité par ce cancer. Pour le cancer du sein en revanche, le gain en mortalité spécifique par cancer du sein est faible et pourrait être contrebalancé par des décès dus à d’autres causes (y compris les effets létaux des thérapeutiques).

La mortalité toutes causes doit représenter l’objectif principal à examiner pour le dépistage concernant des personnes plus âgées (p.ex : le cancer prostate, où on peut ainsi intégrer les effets nocifs induits par les traitements ), ou pour des cancers causés par un agent affectant d’autres systèmes de l'organisme (par ex pour le cancer du poumon qui serait dépisté pour les gros fumeurs, la mortalité toutes causes intégrerait les décès par maladie cardio-vasculaire induite par le tabagisme, qui est aussi un facteur important de mortalité chez le fumeur en dehors du cancer du poumon).

Dans tous les cas, la mortalité globale est un argument si indiscutable, qui peut rapporter tant de renseignements pour quantifier les effets indésirables mortels inattendus, qu'elle devrait faire d'office partie des critères à inclure dans les essais en population.

 

  • La perception par le public

Prasad mentionne l'étude de Domenighetti G et col, emblématique de la perception très avantageuse par les femmes du dépistage du cancer du sein, très éloignée de la réalité, le schéma reproduit ici https://www.cancer-rose.fr/la-perception-et-la-realite/ est éloquent sur ce sujet.

 

  • La nocivité des dépistages

Les résultats faussement positifs du dépistage du cancer du sein ont été associés à une détresse psycho-sociale aussi grande qu’un réel cancer du sein diagnostiqué, 6 mois après ; le surdiagnostic affecte plus ou moins largement les populations dépistées, c'est le risque majeur des programmes de dépistage, largement explicité dans ce site.

 

Et maintenant ?

Les évolutions de la mortalité, basées sur des données populationnelles, en particulier pour la prostate et pour le cancer du sein ne sont pas liées aux dépistages. La détection accrue des cancers du sein et d'autres cancers n’a pas entraîné un déclin proportionnel des maladies.

Prasad pose la question : comment peut-on encore prétendre que les dépistages sauvent des vies ? Nous avons maintenant besoin d'essais cliniques de bien plus large ampleur que ceux réalisés jusqu'alors. Des chercheurs postulent que, concernant le dépistage colo-rectal par exemple, 4,1 millions de participants seraient nécessaires pour démontrer une réduction de la mortalité globale, comparée au 150 000 pour l'étude de la mortalité spécifique.

Des essais cliniques pourraient déterminer toutes les causes de décès chez tous les participants afin de surveiller toute augmentation des "décès hors cible".
Ce serait une amélioration par rapport aux normes actuelles, mais ne résoudrait pas la plupart des problèmes.
Les données des études primaires devraient être disponibles dans un format utilisable pour une ré-analyse.

Les auteurs encouragent les prestataires de soins de santé à être francs sur les limites des dépistages, les maléfices des dépistage sont avérés, mais le bénéfice en terme de réduction de la mortalité globale ne l'est pas. Faire baisser les procédures de dépistage peut être un choix raisonnable et prudent pour beaucoup.
Les autorités de santé devraient aussi encourager la participation à des études ouvertes.
Prasad et col. appellent à des normes de preuves plus élevées car il s'agit de permettre la prise de décisions raisonnables et partagées entre médecins et patients.

 

En conclusion :

Selon Otis Brawley, chef scientifique et médecin du travail de la Société de Cancer américaine :
"Nous devons être honnêtes sur ce que nous savons et sur ce que nous ne savons pas, mais que simplement nous croyons. "

 

Voir aussi un autre article publié deux mois plus tard :  https://cancer-rose.fr/2019/03/15/retours-et-considerations-sur-les-programmes-de-depistages/

 

 

 

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Qu’en est-il des recommandations de la Haute Autorité de Santé ?

C.Bour, 3 janvier 2019

Les modalités de dépistage mammographique ou de suivi mammographique des femmes alternent dans leurs fantaisies selon les spécialistes, et le consensus n'est pas là dès lors qu'il y a un antécédent familial quelque part dans la lignée. De ce fait des protocoles très différents et fort subjectifs sont appliqués selon les praticiens dans la fréquence et le début du dépistage pour les patientes, certains jugeant qu'un antécédent familial quel qu'il soit nécessite un dépistage annuel dès 30 ou 40 ans, au choix, d'autres estimant que deux cas de cancers chez de vagues cousines justifient un dépistage pour toute la parentèle, et ainsi chacun y va de sa propre "cuisine" personnelle. Les demandes formulées auprès des radiologues varient elles aussi tout autant dans la créativité, et il serait bon de nous référer, nous tous, praticiens, aux recommandations officielles disponibles pour l'instant sur le site de l'HAS (Haute Autorité de Santé) si la patiente souhaite poursuivre un dépistage régulier après avoir été bien informée des tenants et des aboutissants (et c'est là où le bât blesse...). Même si ces recommandations sont incitatives, sujettes à révision et pourraient changer à l'avenir, elles constituent un barème officiel de ce qui devrait se pratiquer selon cette autorité de santé pour la tranche d'âge 50/74 ans, et ont le mérite d'unifier les conduites à tenir.

Que dit la HAS pour l'instant ?

Vous trouverez ici une fiche synthétique sur les recommandations émises par la HAS  ainsi qu'un article plus complet ici  où la HAS explique bien les limites des recommandations.
En effet il est bien stipulé que la controverse scientifique existe ; les recommandations en général sont émises pour les décideurs politiques de proposer ou non un dispositif de dépistage. MAIS il est d'autant plus important que les femmes soient incluses dans les décisions (et c'est là ou l'information de l'INCa devrait jouer son rôle d'exhaustivité et de neutralité), parce que finalement la décision finale de participer ou non dépend directement du point de vue de la femme, à savoir du poids et de la valeur que chacune accorde aux bénéfices annoncés et aux éventuels risques auxquels elle s'expose. Les décisions et ses points de vue seront différents selon le vécu de chaque femme, son histoire familiale, ses craintes par rapport à un risque de décéder, ou davantage par rapport à un risque de connaître des biopsies et des diagnostics inutiles. Ainsi la HAS dit ceci :

  • La décision de dépister ou non est en partie déterminée par l’appréciation au niveau individuel et/ou collectif de la balance bénéfice-risque associée à la procédure. Cette décision a été prise, à l’échelle collective, sur la base de la baisse attendue des taux de mortalité par cancer du sein associée au dépistage par mammographie. Or, l’actualisation des méta-analyses et les données en population ont montré que l’impact des programmes sur la mortalité était plus faible qu’attendu dans plusieurs pays ayant mis en place précocement un programme de dépistage.
  • La balance bénéfice-risque est d’autant plus défavorable que le dépistage concerne des femmes jeunes et/ou sans facteur de risque. Ces résultats ont conduit certains auteurs à recommander une modification des messages adressés aux femmes, mais également des indicateurs de résultats associés au dépistage (avec notamment quantification du phénomène de sur-diagnostic).
  • La HAS reconnaît les incertitudes qui existent et recommande une information loyale des femmes.

Cliquez :

Femmes à haut risque

Même dans la partie consacrée aux femmes à haut risque, en préliminaire la HAS rappelle qu’en l’absence des facteurs de risque pour lesquels un dépistage spécifique du cancer du sein est recommandé, il n’y a pas lieu de réaliser une mammographie ou une échographie mammaire de dépistage en dehors de la tranche d’âge de participation au programme national de dépistage organisé, c’est-à-dire entre 50 et 74 ans :

Voir dans chapitre 'Recommandations préliminaires'

"La HAS rappelle qu’en l’absence des facteurs de risque pour lesquels un dépistage spécifique du cancer du sein est recommandé, il n’y a pas lieu de réaliser une mammographie ou une échogra- phie mammaire de dépistage en dehors de la tranche d’âge de participation au programme national de dépistage organisé, c’est-à-dire entre 50 et 74 ans."

La HAS rappelle également que la femme doit être en mesure de faire un choix libre et éclairé, cette phrase implique qu'elle pourrait tout aussi bien le refuser si tant est que des informations complètes lui ont été délivrées, bien sûr.

"Par ailleurs la femme doit être en mesure de faire un choix libre et éclairé, conformément aux recommandations sur le dépistage du cancer du sein publiées par la HAS en 2011."

A- Situations ne nécessitant pas un dépistage spécifique

"Situations ne nécessitant pas un dépistage spécifique

  • En cas de densité mammaire radiologique après la ménopause supérieure à 75 % (type 4 de la classification BIRADS de l’ACR)1

La HAS considère qu’aucun dépistage spécifique par imagerie ne doit être proposé en dehors de la participation au programme national de dépistage organisé. Seule une échographie mammaire peut être réalisée par le radiologue devant des difficultés d’interprétation de la mammographie en raison de l’effet masquant de la densité sur la détection des lésions.


1. La densité mammaire élevée avant la ménopause n’a pas été retenue comme un facteur de risque à l’issue des tra- vaux du volet 1."

(NDLR : volet 1 des travaux de la HAS : identification des facteurs de risque ; volet 2 : recherche des stratégies efficaces, sûres et efficientes pour les femmes ayant des facteurs de risque nécessitant un dépistage spécifique).

  • En cas de traitement hormonal substitutif ou traitement hormonal de la ménopause en cours

En cas de prescription avant 50 ans et en l’absence de données suffisantes pour déterminer la balance bénéfice-risque de la mammographie, aucune surveillance radiologique spécifique n’est recommandée.
En cas de prescription après 50 ans, aucune surveillance radiologique spécifique n’est recommandée.

B- Situations nécessitant un dépistage spécifique

  • En cas d’antécédent personnel de cancer du sein ou de carcinome canalaire in situ

La HAS recommande la réalisation d’un examen clinique tous les 6 mois pendant 2 ans puis annuellement.
Une mammographie annuelle, unilatérale ou bilatérale selon le type de chirurgie réalisé, doit être effectuée, en association avec une éventuelle échographie mammaire en fonction du résultat de la mammographie.
Dans l’attente d’études de niveau de preuve suffisant, ce suivi est recommandé sans limite de durée.

  • En cas d’antécédent d’irradiation thoracique médicale à haute dose (antécédent d’irradiation pour maladie de Hodgkin) 

La HAS recommande la réalisation d’un examen clinique annuel à partir de 8 ans après la fin de l’irradiation et au plus tôt à 20 ans.
Une IRM mammaire annuelle doit être effectuée à partir de 8 ans après la fin de l’irradiation et au plus tôt à 30 ans.
En complément de l’IRM réalisée en premier examen, la HAS recommande la réalisation d’une mammographie annuelle (une incidence oblique) en association avec une éventuelle échographie mammaire.
Dans l’attente d’études de niveau de preuve suffisant, ce suivi est recommandé sans limite de durée.

  • En cas d’antécédent familial de cancer du sein avec score d’Eisinger (score servant à poser l'indication de la consultation d’oncogénétique) qui soit supérieur ou égal à 3 ET à la condition supplémentaire que la recherche initiale de mutation des gènes BRCA1 et BRCA2 ne soit pas connue dans la famille OU que cette recherche initiale n'ait pas été réalisée (c’est-à-dire en l’absence d’identification d’une mutation prédisposante sur le gènes BRCA1 ou 2).

Analyse de l arbre généalogique selon le score d Eisinger : Additionner les scores pour chaque branche de la famille. Score > 3. Consultation d oncogénétique. Score < 3. Examen clinique annuel à partir de 25 ans. Dépistage à partir de 50 ans.

Quel est ce score et comment l'utiliser ?

Le score d’Eisinger est un score familial d’analyse de l’arbre généalogique, utilisé pour valider l’indication de la consultation d’oncogénétique. Il doit être réévalué dans une même famille si de nouveaux cas de cancers surviennent. Il peut permettre également de graduer le risque de prédisposition génétique au cancer du sein en l’absence de mutation familiale identifiée. La probabilité de prédisposition héréditaire est plus élevée pour les scores d’au moins 5 que pour les valences 3 ou 4.


En cas de score d’Eisinger < 3, la HAS ne préconise pas de dépistage spécifique.

Les recommandations pour une prise en charge onco-génétique et un suivi personnalisé concernent le cas des femmes ayant  un antécédent familial de cancer du sein avec score d’Eisinger  ≥ 3 ET recherche de mutation non connue ou non réalisée.

______________________________________

En conclusion

Toutes ces conduites à tenir sont détaillées sur les pages dédiées du site de la HAS (voir liens fournis dans l'article), se référer à des recommandations permettrait d'avoir déjà une conduite univoque de la part de tout le monde au lieu de multiples variations dissonantes. Mais enfin, ce qu'il faut intégrer avant tout pour aboutir à une décision éclairée et choisie librement par la femme, c'est la notion d'information neutre, que seuls les outils d'aide à la décision peuvent fournir, outils multiples et variés disponibles que vous trouverez en page d'accueil du site.

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