Tout comprendre sur le surdiagnostic en médecine

Présentation surdiagnostic

Ci-dessus, vous trouverez un PDF du Dr Guylaine Thériault (Canada), qui sert à des conférences pour les médecins de la province, sous l'égide de l'AMQ, l'Association Médicale du Québec.

Il est à destination des professionnels mais nous paraît suffisamment didactique et pédagogique pour un accès également aux profanes s'intéressant à ce sujet du surdiagnostic dans de multiples domaines, phénomème-apanage de la médecine dite préventive, axée sur le dépistage de masse.

A propos de l'auteure :  Dr Guylène Thériault, médecin de famille au Québec, diplômée en evidence-based healthcare, Oxford, certification en cours en value-based healthcare, Darmouth, membre du "Clinical leaders group" de Choosing Wisely Canada.

Site web : http://www.cassf.ca/

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

AMELI, ma Bonne Mère….

Par Dr Annette Lexa, 18 janvier 2017

AMELI s’est donné pour mission de veiller sur ma santé.

AMELI est une bonne mère pour moi. Au-dessus d’AMELI , il y a le Père, l’Etat paternaliste et bienveillant qui a donné mission à ses bergers de veiller sur ses brebis, particulièrement sur les brebis égarées qu’il s’agit de faire rentrer dans le troupeau. Et AMELI s’y emploie, avec des communicants que rien n‘arrête.
Etre une femme est un rude parcours, à chaque âge de la vie. J’ai connu les humiliations paternalistes dans mes jeunes années, mais je ne pensais pas qu’à 50 ans passés, je ferais l’objet d’une telle attention infantilisante et manipulatrice. A moins que ce ne soient les impératifs d’une politique de relance keynesienne[1] du marché et donc de la croissance obligée des dépenses de santé auxquelles je suis sommée de participer en donnant de mon corps ? C’eut été moins immoral en ce cas, juste « amoral ».

Parce que, jusqu’à l’âge de 49 ans et 364 jours, je vivais plutôt bien, je me savais mortelle et, midlife crisis passée, j’entrais dans une sorte d’apogée existentielle. Mais, patatra ! Depuis mes 50 ans et un jour, voilà que la bonne mère AMELI, aidée de ses fonctionnaires statisticiens, a décidé de changer mon statut. J’ai donc rejoint le troupeau des 10 683 633 [2] femmes de 50 à 74 ans à risque de développer un cancer du sein.

Ma fille, finies les plaisanteries .

« Tu te crois en bonne santé ? » me demande AMELI en rentrant subrepticement dans ma vie par ma boite mail. Rien n’est moins sûr... Avant oui, désormais non.

« Tu penses que la prévention ne te concerne pas ? » Alors là, bonne mère AMELI, si je puis me permettre, tu brouilles les pistes. J’ai toujours pensé que la prévention[3] m’éviterait bien des tracas, bien des examens et bien des prises de médicaments peu recommandables. J’ai une vie ascétique, je ne fume pas, bois peu, je mange des graines et pratique l’art de la ballerine plusieurs fois par semaine. J’ai toujours veillé à éviter les viandes grillées, le nitrate de potassium dans les charcuteries, la pilule, le stress, le teflon, le bisphénol dans les conserves, les cosmétiques de l’Oréal, le Roundup, les champignons sauvages depuis Tchernobyl, le radon sous ma maison, etc., et en toxicologue avertie, j’ai toujours évité d’habiter près d’un incinérateur.

Si tu m’avais demandé : « Tu penses que la prévention secondaire ne te concerne pas ? », je t’aurais répondu que la première prévention qui compte est la prévention primaire dont tu ne dis pas un mot.

Ensuite, si tu m’avais expliqué que la prévention secondaire est l’ensemble des mesures destinées à diminuer la prévalence[4] d’une maladie dans une population – par le dépistage par exemple, on aurait pu discuter entre gens responsables. Bonne mère, tu es en train de me dire que tu cherches à faire diminuer le % de cancers dans ma tranche d’âge ? L’objectif est louable. Mais l’histoire de l’évolution d’un cancer est mal connue, multifactorielle, l’épigénétique joue un rôle essentiel dans le développement d’une tumeur et les génomes des femmes sont variés et variables dans le temps : mettre 10 683 633 femmes dans le même panier et espérer que les soumettre toutes à la mammographie tous les 2 ans réduira tes chiffres de prévalence relève de l’argument d’autorité et de la patascience. Le dépistage peut être une solution de prévention secondaire mais la mammographie que tu proposes est plus un outil de diagnostic de cancer utile en cas de symptôme inquiétant qu’un outil de « prévention » pour m’aider à augmenter mon espérance de vie en bonne santé et ma qualité de vie.

Rien ne t’arrête donc, ni les nombreuses études robustes qui paraissent dans la littérature scientifique, ni les conclusions de la concertation citoyenne récente, ni l’avis de l’Académie de Médecine qui affirmait déjà pourtant en 2007 que la médecine était une des principales causes de l’augmentation du nombre de cancers, du fait de la détection précoce[5].

Tu es malhonnête

Tu es malhonnête parce que tu sais très bien tout ceci, tu le sais et pourtant tu continues à me  mentir et à me manipuler comme les 10 683 632 femmes de ma classes d’âge. Tu évites de nous parler chiffres, preuves, raison, bénéfice/risque, alors tu nous parles comme à des enfants.

Tu me demandes, comme à une gamine à qui on va injecter un vaccin, si j’appréhende d’effectuer une mammographie de dépistage. « Voyons, ma grande, ça ne fait pas mal ! »

Avec ta photo d’illustration, tu me renvoies à l’image d’une femme aux cheveux blancs emmitouflée dans une laine polaire avec un type qui lui montre du doigt un truc qui la fait rire. La pleine vie quoi. « En couple », emmitouflée sur une plage, parce qu’elle doit prendre le soleil (à moins qu’elle ne prenne des antidépresseurs), pour éviter l’ostéoporose (à moins qu’elle ne soit sous traitement substitutif hormonal), emmitouflée parce qu’elle ne doit pas attraper froid (à moins qu’elle ne soit vaccinée contre la grippe). Le truc que je vais regretter quand je mourrai d’un cancer parce que je ne t’ai pas écoutée. Le summum de l’extase qu’une femme mûre peut espérer et qui va me passer sous le nez si je n‘écoutes pas AMELI.

Le hic, vilaine mère, est que tu sais que tu ne disposes d’aucune preuve que le dépistage fait reculer la mortalité par cancer du sein. Nous avons rassemblé sur notre site Cancer Rose les plus solides et récente études* qui disent exactement le contraire et que tu fais semblant d’ignorer. Pire, le dépistage n’évite pas la réduction du nombre d’ablations de seins - c’est toi même qui t’en étonnes pourtant[6] - ni le nombre de chimiothérapies qui explose puisque tu contribues au surdiagnostic de cancer chez des femmes que tu traites préventivement pour de petites tumeurs dont personne ne sait si elles vont évoluer vers la mort ou non. Tu ne parles pas des dégâts du surdiagnostic et du surtraitement qui peut faire basculer la vie d’une femme qui n’avait rien demandé, tu évites que je me prenne la tête avec la balance bénéfice/risque, tu refuses de faire des études épidémiologiques de grande ampleur sur ma classe d’âge pour valider ta croyance - le dépistage sauve des vies, pris à temps, on s’en sort - parce que tu crains par dessus tout le résultat d’une telle étude qui discréditerait ton autorité et l’écosystème économique qui s’est créé autour.

Tu me donnes l’impression que je vis under the dome, un peu comme en Corée du Nord, là où les dernières publications scientifiques ne pénètrent pas. A l’époque où nous n’avons jamais eu aussi facilement accès à la connaissance, tu pratiques une désinformation ahurissante.

Tu tiens cependant à me rassurer : je n’aurai rien à payer, puisque ton Père et ta bonne Mère AMELI s’occupent de tout (avec les impôts, taxes et charges qu’ils te prélèvent). Mais tu ne dis pas un mot de ce que je devrai payer en cas de biopsie ou en cas d’éventuel traitement.

Tu me donnes des ordres en utilisant des verbes à l’impératif, dans cette phrase mal construite : « Cet examen est pris en charge à 100% par l’assurance maladie, munissez-vous de votre courrier d’invitation et prenez RV ».

Et si j’hésite encore, tu m’ordonnes (recours à l’impératif une fois de plus), d’en parler avec mon médecin. Là, je te trouve imprudente car si le médecin n’est pas payé à la rémunération sur objectif (ROSP), s’il lit Prescrire, adhère à FORMINDEP, lit Cancer Rose, Grange, Dupagne, Jaddo, Winkler, etc., bref s’il est un dissident, il n’est pas certain qu’il m’y encourage.

Et, comme rien ne t’arrête, mauvaise marâtre, tu demandes aux femmes atteintes de cancer du sein (celles qui se croient sauvées par la mammo , j’imagine ? Pas celles qui ont déclaré un cancer de l’intervalle…) d’en parler autour d’elles. Là, on se croirait dans une secte avec des méthodes dignes de la scientologie (l’exercice de dissémination)[7].

Mais, je garde le meilleur pour la fin, tu me convies à un moment précieux pour ma santé, comme dans une pub pour un spa avec massage aux huiles. Bientôt tu m’offriras un after : avec mon rendez-vous mammo, tu m’offriras un massage bien-être des seins aux huiles essentielles.

Elle est pas belle la vie avec AMELI ?

*https://www.cancer-rose.fr/liste-etudes-de-references/

[1] Théorie de la relance économique par le gouvernement

[2] INED https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/france/structure-population/population-ages/

[3] Selon la Haute Autorité de Santé, la prévention consiste à éviter l'apparition, le développement ou l'aggravation de maladies ou d'incapacités; Sont classiquement distinguées la prévention primaire qui agit en amont de la maladie (ex : vaccination et action sur les facteurs de risque), la prévention secondaire qui agit à un stade précoce de son évolution (dépistages), et la prévention tertiaire qui agit sur les complications et les risques de récidive.

[4] La prévalence est une mesure de l'état de santé d'une population à un instant donné. (Somme des cas de maladie présents plus les nouveaux cas)

[5] Rapport sur les causes du cancer, Dominique Dupagne http://www.atoute.org/n/article60.html

[6] Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses, Propositions de l’Assurance Maladie pour 2015

[7] Les techniques de l'Eglise de Scientologie, http://www.prevensectes.com/techniqu.htm#test

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Vidéo d’information

Notre film d'information de 8 minutes sur le dépistage du cancer du sein. Joueriez-vous vos seins à la loterie ?

Vous disposez d'un sous-titrage français adpaté aux malentendants, et aussi en Espéranto.

Cliquez sur l'icône sous-titres :

puis sur paramètres (petite roue)  et choisissez la version de votre choix.

 

 

 

 

Les versions sous-titrées en 10 autres langues ici : https://www.cancer-rose.fr/videos-sous-titrees-versions/

 

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Video d’information : liste des liens d’accès vers les versions sous-titrées multi-langues

Récapitulatif des différents liens d'accès vers notre video "mammo de dépistage, oui ou non ?".

 

 

Pour accéder aux sous-titres de votre choix, vous devez cliquer les icones suivants en bas à droite de votre vidéo :

 puis  et ensuite vous sélectionnez la langue de votre choix.

Pour les versions grecque et japonaise, sur Dailymotion, vous cliquer ici : 

 

Lien version française avec sous-titres adaptés aux malentendants, ainsi qu'en Espéranto :

Lien Youtube : https://youtu.be/HWYU9LBn2IA

 

Lien allemand : https://youtu.be/JnNbdvT0PY0

Lien italien, espagnol, portugais : https://youtu.be/XIT-EcrerGA

Lien anglais : https://youtu.be/WokeeihfCnw

Lien arabe : https://youtu.be/DMlvyoJHCtw

Lien japonais: http://www.dailymotion.com/video/x4s41ek

Lien grec : http://www.dailymotion.com/video/x58l8mr_film-mammo-oui-ou-non_school

 

 

 

 

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

vidéos sous-titrées, versions anglaise, allemande, italienne, espagnole, portugaise, arabe, grecque, japonaise et hongroise

Chers utilisateurs,

Vous trouverez ci-dessous, en déroulant l'article, notre vidéo pédagogique sur le dépistage du cancer du sein sous-titrée en plusieurs langues.

Elle est disponible déjà sur le site avec des sous-titrages adaptés aux mal-entendants ici : https://www.cancer-rose.fr/film-dinformation/ en cliquant sur l'icône : 

Ensuite paramètres (petite roue), puis choisissez votre langage

Dear users,

You will find below our pedagogical video on the breast cancer screening subtitled in several languages.

To access to the subtitles of your choice, please click at the bottom right of the video on the following icon:

Youtube : 

clic 1° subtitles, 2° parameters (little wheel),

And choose your language.

 

VERSION ANGLAISE 

All our thanks to Alexandra Barratt and Karsten Jorgensen for their invaluable assistance.

VERSION ALLEMANDE

Liebe Zuschauer,

Um zum Untertitel Ihrer Video zu gelangen, klicken Sie bitte rechts unten vom Film auf dem Symbol für Untertitel :

Dann auf Parameter (kleines Rad), und wählen Sie Ihre Sprache :

 

 

VERSIONS ITALIENNE, ESPAGNOLE, PORTUGAISE

Cari utenti

Queridos usuarios

Queridos usuários

Per accedere al sottotitolo, volete cliccate la seguente icona, in basso a destra del vostro video :

1)

2) Parameters (ruota)

 

Para acceder a la lengua de su elección, haga clic sobre este icono y seleccione su lengua :

1)

2) Parameters (rueda)

 

Alcançar o língua de sua escolha, clique em o ícone abaixo em doite do vídeo :

1)

2)Parameters (roda)

 

Mille grazie a Guido Ceccoli per la traduzione !

Gracias a Purification !

VERSION ARABE

عزيزى مستخدم

قراءة الترجمة, انقر ادناه على يمين الفيديو الصورة التالية:

1)

2) Parameters

https://youtu.be/DMlvyoJHCtw

Merci, Hager Ben Ammar Boutarfa !

Merci Adel, pour la relecture !

VERSION GRECQUE

For subtitles clic on the symbole at the top right of the video, than subtitle

http://www.dailymotion.com/video/x58l8mr_film-mammo-oui-ou-non_school

Grand merci à Mme Marie-Catherine Hadzidiakos, avec toute notre reconnaissance !

VERSION JAPONAISE

 

For subtitles clic on the symbol at the top right of the video, than subtitle

http://www.dailymotion.com/video/x4s41ek

Merci infiniment à Claire Collins !

 

VERSION HONGROISE

For subtitles clic on the symbol at the top right of the video, than subtitle

https://www.dailymotion.com/video/kbwUscat0C3NJdqAB1N

Merci beaucoup à Zsofia Nemeth pour ce travail de traduction !

 

Tous nos plus chaleureux remerciements à tous les contributeurs, confrères français et étrangers, amis, familles et connaissances, qui ont tous donné de leur temps et de leur patience pour nous aider à réaliser ce travail de sous-titrages multiples.

 

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

De Illich à Sackett : la soumission d’Homo medicus à l’Ordre médical

Par Dr Annette Lexa

Relecture et correction, Marc Gourmelon

 

 

Illich dénonçait déjà en 1975 l’emprise de l’Ordre médical sur la prévention des maladies chez les bien-portants, la confusion entre l’individu unique et l’individu statistique et le rôle de sorcier que joue désormais le médecin contemporain avec la complicité de la société toute entière.

 

Le contrôle social par le diagnostic

 

A chaque âge ses menaces de maladies toutes plus mortelles les unes que les autres, réduisant le corps de notre pauvre Homo medicus à l’état d’objet, abandonné aux mains des spécialistes (pédiatre, gynécologue, gériatre..). L’Ordre médical traque sans relâche et soigne même si la maladie ne s’est pas encore manifestée par des symptômes, mais parce qu’elle pourrait statistiquement se manifester.

L’existence d’Homo medicus n’est qu’une succession de menaces qu’il s’agit d’enrayer par des examens poussés, des ablations ou des traitements préventifs. L’individu est dressé à soumettre son corps au rituel médical : prise de rendez-vous,  présentation de sa carte d’assuré, salle d’attente, colloque singulier. Puis  face au « sachant » en blouse blanche, examen corporel, scanner-IRM-radio, attente des résultats, lecture de compte-rendu au vocabulaire abscons et effrayant, passage par la pharmacie, l’hôpital … et ceci en boucle jusqu’à la mort. Ainsi la féminité est une catégorie que le corps médical s’est appropriée très tôt dans l’histoire de la médecine, en médicalisant et contrôlant tous les stades de la vie des femmes : puberté, conception, accouchement, allaitement, sexualité, ménopause.

Comme le rappelait Illich, ce sont toujours les classes aisées qui expérimentent les progrès et l’inventivité médicale particulièrement dans le domaine de la prévention, du check up des années 70 aux dépistages de cancers de ces 25 dernières années. Réservées jusqu’alors aux femmes des classes sociales les plus aisées, habitantes des grandes villes, les politiques de santé ont étendu le dépistage du cancer du sein à l’ensemble de la population féminine. Progressivement, au nom de  la lutte contre les inégalités, les plus pauvres et les plus éloignées des villes ont-elles aussi pu bénéficier du dépistage du cancer du sein, mais aussi de ses excès que sont le sur-diagnostic et le sur-traitement jusque là réservés à celles qui pouvaient payer pour. En outre, les femmes, que l’Ordre médical a convaincues que leur corps était une machine défaillante par nature, ont accepté de devenir cobayes et de payer le prix pour que le marché développe des thérapies « innovantes » et augmente ses bénéfices grâce à un marketing féroce et manipulateur, jouant sur les émotions et les affects les plus primaires.
Illich écrivait déjà cette prophétie en 1975 :

« L’individu est subordonné aux besoins supérieurs de la collectivité (ici le PIB, Produit Intérieur Brut, ndlr). Les soins préventifs deviennent obligatoires, et le droit du patient à donner son consentement aux traitements qui lui sont infligés est progressivement bafoué. »

Combien de femmes pensent-elles encore que le dépistage du cancer du sein est obligatoire ? Car nos sociétés libérales-libertaires utilisent des méthodes de soft power : les femmes reçoivent des « convocations », certains médecins vont jusqu’à les menacer de ne plus les recevoir si elles ne se font pas dépister, des officines aux conflits d’intérêt troubles émettent des messages publicitaires manipulateurs - messages de peur et de culpabilité, impliquant les proches (maris, enfants et petits enfants) - tout ceci sous la houlette d’une armée de fonctionnaires rivés à leurs courbes  tendancielles et leur taux de participation comme seul horizon missionnaire.

Nous avons  volontairement remis nos corps et nos organes tels des objets dans les mains d’une classe de « sachants » et d’« experts » comme nous déposons nos voitures dans les mains de garagistes, sous le contrôle d’un système assurantiel et juridique indirectement devenu coercitif.

 

L’enrôlement dans la liturgie macabre

 

Pour Illich, le médecin est le guerrier saint par excellence. Il prête serment, il fait allégeance à son ordre semi-divin et promet de mener une lutte sans relâche contre la mort.

Une fois les grandes épidémies vaincues (grâce à la découverte des microbes et grâce à l’hygiène, plus efficace que les antibiotiques et antiviraux apparus tardivement), et face aux nouveaux modes de vies d’Homo economicus,  il s’est agi de se centrer sur la prévention des maladies dites de civilisation (malbouffe, sédentarité, tabac, alcool…).

Nos sorciers contemporains en blouse blanche procèdent selon le même rituel appelé désormais « parcours de soins » qui impressionne tant notre rationnel Homo medicus. Car notre Homo medicus est  en quête d’une vie saine et si possible immortelle. Pour cela, la femme Homo medicus a été dressée dès le plus jeune âge à s’engager régulièrement (modernité oblige, elle bénéficie maintenant de rappels par sms sur son smartphone pour sa prise de pilule, son RV gyneco, ou pour sa mammo…) dans son  « parcours de soin » proposé et remboursé par l’Etat bienveillant : médecin en blouse blanche, ambiance aseptisée, appareils d’imagerie et de soins sophistiqués, annonce de la découverte d’une pré-maladie… C’est alors l’espoir, les promesses de guérison miraculeuse d’une maladie qui ne s’est pas encore déclarée grâce à des essais thérapeutiques « innovants » (la refuser serait une perte de chance). Un soutien psychologique, des anxiolytiques ou des médecines complémentaires visant à améliorer son bien-être lui sont aussi proposés dans son parcours (car il s’agit de ne pas défaillir et troubler l’officiant affolé par son incapacité à empêcher la mort malgré tout son savoir).

Homo medicus se regroupe même en association pour soutenir le progrès médical. Il organise des courses pour recueillir des fonds destinés à la recherche en médecine préventive dont le dernier avatar en date est la prometteuse médecine génomique. Célébré par le Mage préventif, le rituel impressionne le fidèle croyant qui respecte scrupuleusement les règles de vie de sa religion. Mais il est privé « de la jouissance du présent » comme écrivait Illich, car il vit toujours sur le fil du rasoir, les résultats de ses examens risquant à tout moment de le faire basculer du côté des mal-portants. Il en oublie de vivre.

La pensée d’Ivan Illich peut être perçue comme radicale. En effet, on doit reconnaître à la médecine des progrès certains (chirurgicaux notamment). Mais on doit aussi honnêtement reconnaître que, dans nos société dites évoluées, la capacité à soulager les VRAIS malades en danger de mort s’est accompagnée du développement d’une surmédicalisation des populations créant plus de maladies et d’effets indésirables (les externalités chères à nos économistes, 3eme cause de mortalité mondiale), rendant le bilan global plus mitigé qu’il n’apparaît de premier abord.

La pensée prophétique de Ivan Illich se prolonge par celle, plus scientifiquement construite de David Sackett, pionnier de l’Evidence Based Medicine (EBM) sur laquelle repose pourtant le fonctionnement  et la gestion de la médecine contemporaine :

« La médecine préventive est trois fois arrogante : Premièrement, elle est agressivement affirmative traquant les individus sans symptômes et leur disant ce qu'ils doivent faire pour rester en bonne santé ;  Deuxièmement elle est présomptueuse, persuadée que les actions qu'elle préconise feront, en moyenne, plus de bien que de mal à ceux qui les acceptent et qui y adhèrent ; Finalement, la médecine préventive est autoritaire, attaquant ceux qui questionnent la validité de ses recommandations."

Cette phrase est à méditer sans relâche par tous les médecins dont les plus jeunes afin qu’ils construisent les bases d’une médecine moins agressive, moins présomptueuse et moins autoritaire, une médecine plus humaine renouant avec son essence même :  (« primum non nocere ») .

Nous appelons cette médecine de tous nos voeux.

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

liste des études de références

Voici les études et leur bibliographie qui nous servent de base, et qui ont servi d'appui notamment pour la rédaction des brochures. Certaines, les plus récentes, sont détaillées et vous en trouverez la synthèse dans les différents articles de cette catégorie.

Bonne lecture !

  1. Autier P, Boniol m, middleton R, Doré J-F, Héry C, Zheng T, et al. Advanced breast cancer incidence following population-based mammographic screening. Ann Oncol. 2011 Aug 1;22(8):1726–35.
  2. Junod B, Zahl P-H, Kaplan Rm, Olsen J, Greenland S. An investigation of the apparent breast cancer epidemic in France: screening and incidence trends in birth cohorts. BmC Cancer. 2011 Sep 21;11(1):401.
  3. Autier P, Boniol m, Gavin A, Vatten LJ. Breast cancer mortality in neighbouring European countries with di erent levels of screening but similar access to treatment: trend analysis of WHO mortality database. BmJ. 2011 Jul 28;343:d4411.
  4. Jørgensen KJ, Zahl P-H, Gøtzsche PC. Breast cancer mortality in organised mammography screening in Denmark: comparative study. BmJ. 2010 mar 24;340:c1241.
  5. Harding C, Pompei F, Burmistrov D, Welch H, Abebe R, Wilson R. BReast cancer screening, incidence, and mortality across us counties. JAmA Intern med [Internet]. 2015 juillet [cited 2015 Aug 3]; Available from: http://dx.doi.org/10.1001/jamainternmed.2015.3043 ; synthèse sur le site : https://www.cancer-rose.fr/analyse-etude-jama/
  6. Gøtzsche PC, Hartling OJ, Nielsen m, Brodersen J, Jørgensen KJ. Breast screening: the facts—or maybe not. BmJ. 2009 Jan 28;338:b86.
  7. Brochure d’information complète sur le dépistage organisé du cancer du sein - Ref : BROSEIN14 | Institut National Du Cancer [Internet].
  1. Riva C. Cancer du sein: les pro teurs du mammo-business [Internet]. Sept.info. [cited 2015 Aug 3]. Available from: http://www.sept.info/cancer-du-sein-les-profiteurs-du-mammo-business-14/
  2. Dépistage des cancers du sein par mammographie Deuxième partie Comparaisons non randomisées : résultats voisins de ceux des essais randomisés. Rev Prescrire. 2014 Nov;34(373):842–6.
  3. Dépistage des cancers du sein par mammographie Première partie Essais randomisés : diminution de la mortalité par cancer du sein d’ampleur incertaine, au mieux modeste. Rev Prescrire. 2014 Nov;34(373):837–41.
  4. Dépistage des cancers du sein par mammographies Troisième partie Diagnostics par excès : e et indésirable insidieux du dépistage. Rev Prescrire. 35(376):111–8.
  5. Hill C. Dépistage du cancer du sein. Presse med. 2014 mai;43(5):501–9. http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0755498214001328
  6. Dépistage du cancer du sein par la mammographie [Internet]. [cited 2015 Aug 2].Available from: http://www.cochrane.dk/screening/index-fr.htm
  7. Duperray B, Junod B. Dépistage du cancer du sein. Une bonne intention, une mauvaise théorie, un résultat aberrant. médecine.2006 Oct 1;2(8):364–7.
  8. Welch HG. Dois-je me faire tester pour le cancer?: peut-être pas et voici pourquoi. Saint-Nicolas, Québec: Les Presses de l’Université Laval; 2005. 263 p.
  9. Bleyer A, Welch HG. E ect of Three Decades of Screening mammography on Breast-Cancer Incidence. New England Journal of medicine. 2012 Nov 22;367(21):1998–2005.
  10. Bernard Junod. Fatal Side Eefects & Cancer Induced by Radiotherapy of Overdiagnosed Brest Cancer in France_ [Internet]. [cited 2015 Aug 3]. Available from:http://www.preventingoverdiagnosis.net/2014presentations/Fatal%20Side%20Eefects%20&%20Cancer%20Induced%20by%20Radiotherapy%20of%20Overdiagnosed%20Brest%20Cancer%20in%20France_Bernard%20Junod.pdf
  11. Gesundheitsdirektion des Kantons Zürich - 2013-12-15_Rapport_mammographie_Final_rev.pdf [Internet]. [cited 2015 Aug 3]. Available from: http://www.medical-board.ch/index.php?id=803
  12. Zahl P-H, Strand BH, mæhlen J. Incidence of breast cancer in Norway and Sweden during introduction of nationwide screening: prospective cohort study. BmJ. 2004 Apr 15;328(7445):921–4.
  13. Johansson m, Brodersen J. Informed choice in screening needs more than information. The Lancet. 2015 mai;385(9978):1597–9.
  1. Rosenbaum L. Invisible Risks, Emotional Choices — mammography and medical Decision making. New England Journal of medicine. 2014 Oct 16;371(16):1549–52.
  2. Le programme de dépistage organisé - Dépistage du cancer du sein | Institut National Du Cancer [Internet]. [cited 2015 Aug 3]. Available from:http://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/Depistage-et-detection-precoce/Depistage-du-cancer-du-sein/Le-programme-de-depistage-organise
  3. Riva C. mammo-business: les liaisons dangereuses [Internet]. Sept.info. [cited 2015 Aug 3]. Available from: http://www.sept.info/mammo-business-depistage-du-cancer-du-sein-les-liaisons-dangereuses/
  4. Riva C. mammo-business: les pouvoirs magiques du mammograben [Internet]. Sept.info. [cited 2015 Aug 3]. Available from:http://www.sept.info/les-pouvoirs-magiques-du-mammograben/
  5. Riva C. mammo-business: un quart de siècle de désinformation [Internet]. Sept.info. [cited 2015 Aug 3]. Available from:http://www.sept.info/un-quart-de-siecle-de-desinformation-mammo-business/
  6. Zahl P-H, Gøtzsche PC, mæhlen J. Natural history of breast cancers detected in the Swedish mammography screening programme: a cohort study. The Lancet Oncology. 2011 Nov;12(12):1118–24.
  7. Jørgensen KJ, Gøtzsche PC. Overdiagnosis in publicly organised mammography screening programmes: systematic review of incidence trends. BmJ. 2009 Jul 9;339:b2587.
  8. Zahl P-H, Jørgensen KJ, Gøtzsche PC. Overestimated lead times in cancer screening has led to substantial underestimation of overdiagnosis. Br J Cancer. 2013 Oct 1;109(7):2014–9.
  9. Nielsen m, Jensen J, Andersen J. Precancerous and cancerous breast lesions during lifetime and at autopsy. A study of 83 women. Cancer. 1984 Jan 1;54(4):612–5.
  10. Bernard Junod. Presentation 27Avril2012 - Dépistage-et-cancer-du-sein.pdf [Internet]. 2012 [cited 2015 Aug 3]. Available from:http://www.neosante.eu/wp-content/uploads/D%C3%A9pistage-et-cancer-du-sein.pdf
  11. OmS. Principes et pratiques du dépistage de maladies [Internet]. 1970 [cited 2015 Aug 3]. Available from:http://whqlibdoc.who.int/php/WHO_PHP_34_fre.pdf
  12. Gøtzsche PC. Prix Prescrire 2012 :’’mammography screening . Truth, lies and controversy’’, 04 octobre 2012. Rev Prescrire. 2012 Sep;32(347):706.
  13. Welch HG, Schwartz Lm, Woloshin S. Prix Prescrire 2012 Overdiagnosed - making people sick in pursuit of health’’, 04 octobre 2012. Rev Prescrire. 2012 Avr;32(342):309.
  14. Programme de dépistage du cancer du sein en France : résultats 2010, évolutions depuis 2006. / 2013 / maladies chroniques
    et traumatismes / Rapports et synthèses / Publications et outils / Accueil [Internet]. [cited 2015 Aug 3]. Available from: http://www.invs.sante.fr/Publications-et-outils/Rapports-et-syntheses/maladies-chroniques-et-traumatismes/2013/Programme-de-depistage-du-cancer-du-sein-en-France-resultats-2010-evolutions-depuis-2006
  15. Gøtzsche PC, Jørgensen KJ. Screening for breast cancer with mammography. Cochrane Database Syst Rev. 2013;6:CD001877.
  16. Fang F, Fall K, mittleman mA, Sparén P, ye W, Adami H-O, et al. Suicide and Cardiovascular Death after a Cancer Diagnosis. New England Journal of medicine. 2012 avril;366(14):1310–8.
  17. Zahl P-H, mæhlen J, Welch HG. The natural history of invasive breast cancers detected by screening mammography. Arch Intern med. 2008 Nov 24;168(21):2311–6.
  18. Miller AB, Wall C, Baines CJ, Sun P, To T, Narod SA. Twenty five year follow-up for breast cancer incidence and mortality of the Canadian National Breast Screening Study: randomised screening trial. The BmJ. 2014 Feb 11;348:g366. http://www.bmj.com/content/348/bmj.g366 voir analyse ici : https://www.cancer-rose.fr/etude-miller/
  19. Hersch J, Barratt A, Jansen J, Irwig L, mcGeechan K, Jacklyn G, et al. Use of a decision aid including information on overdetection to support informed choice about breast cancer screening: a randomised controlled trial. The Lancet. 2015 mai;385(9978):1642–52.
  20. Autier P, Boniol M, Koechlin A, Pizot C, Boniol M. Effectiveness of and overdiagnosis from mammography screening in the Netherlands: population based study. BMJ 2017;359:j5224. http://dx.doi.org/10.1136/bmj.j5224
  21. Le dépistage par mammographie: un enjeu majeur en médecines Philippe Autier Mathieu Boniol https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959804917313850

  22. The new england journal of medicine Are Small Breast Cancers Good because They Are Small or Small because They Are Good? Donald R. Lannin, M.D., and Shiyi Wang, M.D., Ph.D.

    http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMsr1613680

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Etude de cohorte au Danemark, basée sur la taille tumorale.

Breast Cancer Screening in Denmark: A Cohort Study of Tumor Size and Overdiagnosis

 

 

Karsten Juhl Jørgensen, MD, DrMedSci; Peter C. Gøtzsche, MD, MSc; Mette Kalager, MD, PhD (*); Per-Henrik Zahl, MD, DrMedSci http://annals.org/aim/article/2596394/breast-cancer-screening-denmark-cohort-study-tumor-size-overdiagnosis

janvier 2016

 

 

L’étude ici présentée a pour objectif d’évaluer l’association entre le dépistage et la taille des tumeurs décelées afin de quantifier le surdiagnostic, à savoir les tumeurs qui ne deviendraient jamais symptomatiques.

C’est une étude de cohorte réalisée au Danemark, plus de 1,4 million de femmes danoises âgées de 35 à 84 ans, entre 1980 et 2010.

Le Danemark a ceci de particulier que toutes ses régions ne sont pas dotées d’un dépistage organisé. Là où il a été proposé il s'adresse à des femmes âgées de 50 à 69 ans, à raison d’une mammographie tous les 2 ansLes chercheurs se sont basés sur la taille des tumeurs détectées au-dessus de 20mm, considérées comme avancées car plus difficiles à traiter. Il ont comparé les taux de diagnostics des tumeurs avancées et des tumeurs non avancées chez des femmes des régions avec et sans dépistage.

L’objectif d’un dépistage, rappelons-le, est de diminuer les cancers avancés en détectant les tumeurs précoces.

Mais l’activité du dépistage n'était pas corrélée à une diminution des nouveaux cas des tumeurs avancées. D’après les auteurs, il est probable qu’une tumeur sur trois de cancers invasifs et de cancers in situ chez des femmes ayant eu une mammographie correspond à un surdiagnostic. Le dépistage est responsable d’un accroissement d’incidence de 48,5% (invasifs et cancers in situ confondus).

 

Les résultats pourraient être différents compte tenu de l’amélioration de la technique des mammographies depuis 1980.

(A savoir qu'on détecte de plus en plus, mais qu'on amplifie d'autant plus le phénmène du surdiagnostic.)

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Vue d’ensemble des directives et recommandations sur le dépistage du cancer du sein: Pourquoi les recommandations diffèrent-elles d’un pays à l’autre ?

Overview of guidelines on breast screening: Why recommendations differ and what to do about it

https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0960977616301382

Karsten Juhl Jørgensen a, *, Mette Kalager b, c, d, Alexandra Barratt e, Cornelia Baines f, Per-Henrik Zahl g, John Brodersen h, Russell P. Harris i
a The Nordic Cochrane Centre, Rigshospitalet Department 7811, Blegdamsvej 9, DK-2100 Copenhagen, Denmark
b University of Oslo, Institute of Health and Society, Department of Health Management and Health Economics, P.O. Box 1089, Blindern, 0318 Oslo, Norway c Department of Transplantation Medicine and KG Jebsen Center for Colorectal Cancer Research, Oslo University Hospital, Oslo, Norway
d Department of Epidemiology, Harvard School of Public Health, 677 Huntington Avenue, Boston, MA 02115, USA
e School of Public Health, University of Sydney, NSW 2006, Australia
f Dalla Lana School of Public Health, University of Toronto, Toronto, ON, Canada
g Norwegian Institute of Public Health, P.O. Box 4404, Nydalen, N-0403 Oslo, Norway
h Research Unit for General Practice and Section of General Practice, Department of Public Health, University of Copenhagen, Copenhagen & Primary Health Care Research Unit, Zealand Region, Denmark
i University of North Carolina, Chapel Hill, NC, USA

Les auteurs font une analyse comparative de plusieurs directives sur le dépistage émises par différentes organisations majeures d’évaluation des statégies sanitaires de prévention, que voici :

Canadian Task Force on Preventive Health Care

Independent UK Panel

Swiss Medical Board

Norwegian Research Council

International Agency on the Research of Cancer

United States Preventive Services Task Force

American Cancer Society

Les recommandations et directives émises sur le dépistage par ces différentes structures, qui se prononcent sur l’intervalle, l’âge auquel le dépistage devrait être débuté mais aussi sur la pertinence même du dépistage, sont ici analysées, en fonction de leurs points forts et de leurs faiblesses.

La Suisse est le seul pays où la ligne directrice sur le dépistage du cancer du sein est sa non-mise en oeuvre, et c'est le seul pays qui se prononce contre ce dispositif pour toutes les tranches d'âge.

La variation entre les différentes recommandations reflète les différences substantielles des évaluations de chacun de ces organismes sur le bénéfice essentiel (qui est la réduction de mortalité de cancer du sein), et sur le risque majeur (qui est le surdiagnostic). Ces variations d'évaluation dépendent des études et essais sur lesquels on se base, chacun de ces études et essais, qu’ils soient randomisés ou observationnels non randomisés, comportant des biais ou des faiblesses méthodologiques. Certains de ces essais sont notoirement obsolètes, de faible niveau de preuve statistique, très controversés quant à leur fiabilité.

Quoi qu’il en soit, et même pour les recommandations basées sur des études incluant des essais médiocres, les auteurs énoncent :

Cette analyse de 7 directives récentes aux USA, en Europe, au Royaume-Uni et au Canada indique qu'avec le temps, nous devenons de moins en moins certains des bénéfices des programmes de dépistage contemporains. En revanche nous sommes de plus en plus certains de l'existence et l'ampleur de surdiagnostic.

Cela signifie que l'avantage principal du dépistage du cancer du sein concernant la réduction relative du risque de mortalité est probablement surestimé dans des directives actuelles, et que ce risque (relatif toujours) est plus proche d'une réduction de 10 % de la mortalité de cancer du sein qu'une réduction de 20 % .

Quand bien même les directives aient inclus des données d’essais randomisés, plus ou moins fiables, ou des données d’observation, toutes les directives qui ont quantifié le surdiagnostic ont constaté qu’il y avait plus de cas surdiagnostiqués que de morts par cancer du sein évités, avec un ratio bénéfice/risque estimé de 1/2 (pour l’USPSTF) à 1/5 (pour l’orgnisme norvégien ), et 1/3-14 (Swiss Medical Board) .
Ces ratios deviendraient considérablement moins favorables encore si les évaluations du bénéfice étaient basées sur des essais les plus fiables, ou des études d’observation plus contemporaines. (cliquez ci-contre sur l’image)

Depuis la réalisation de ces essais, les améliorations thérapeutiques pour lutter contre le cancer dès les années 90 font que les femmes en dessous de 50 ans, dans 30 pays européens, ont vu leur risque de mourir du cancer du sein réduit d’au moins 37%, tandis que les femmes de la tranche d’âge dépistée (en France les 50 à 74 ans) bénéficient d’une réduction moyenne de ce risque de 21% . Ces deux taux de réduction du risque de mortalité ont été observés déjà avant l’introduction du dépistage (en France généralisation en 2004) alors que parallèlement le nombre de nouveaux cas (l'incidence) explose.

De plus, des études d’impact montrent que l’amélioration des stratégies anti-cancéreuses expliquent tout à fait ces réductions de mortalité observées dans la population depuis les années 90 (voir cette étude : https://www.cancer-rose.fr/etude-dimpact-du-depistage-par-bleyermiller-2015/).

Voir tableau de mortalité entre régions dépistées et non dépistées au Danemark et tableau d'incidence Royaume Uni et Danemark. Cliquez sur images.

En conclusion :

Les directives et recommandations optent toutes généralement pour une approche plus que prudente, parce que le dépistage mammographique ne peut réduire la mortalité par cancer du sein à un degré suffisamment important sans amener en parallèle des inconvénients substantiels, et en générant des coûts pour la santé publique.

Selon les auteurs, plutôt que de continuer à poursuivre un objectif de réduction de mortalité par cancer du sein en exerçant un dépistage, les sociétés devraient appuyer la recherche vers de nouveaux progrès thérapeutiques, et s’assurer que toutes les femmes aient un accès égal à des traitements optimaux et opportuns.

(NDLR : il serait également opportun de renforcer la recherche fondamentale pour une meilleure appréhension de l’histoire naturelle du cancer, comprendre quelles tumeurs seront susceptibles d’être agressives et lesquelles resteront sans danger pour la vie et la santé des personnes).

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Étude américaine du surdiagnostic, sur taille et stade tumoraux

http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1600249?af=R&rss=currentIssue

http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1600249?query=TOC

 

 

Il s’agit d’une nouvelle étude, rétrospective celle-ci, démontrant elle aussi que la réduction de mortalité serait plus attribuable aux traitements qu’au dépistage. (voir biblio au bas de l'article, autres études d'impact)

Les auteurs, Archie Bleyer de l'université de Portland (Oregon) et Gilbert Welch de l'université de Houston (Texas), avaient déjà publié une étude dans le NEJM il y a 4 ans (New England Journal of Medicine, 22 novembre, vol.367, n°21, p1998-2005) en partant du principe qu'un dépistage utile doit conduire à une diminution du taux de nouveaux cas de cancers de stade tardif.
Selon les données américaines sur plus de 3 décades, l'introduction du dépistage par mammographie a fait que le taux de nouveaux cas  de cancers du sein de stade précoce est passé de 112 cas pour 100.000 femmes à 234/100.000, ce qui fait 122 cas supplémentaires de cancers détectés au stade précoce.
Dans le même temps, le taux de cancers du sein découverts à un stade tardif n'a diminué que de 8 cas pour 100.000 ( de 102 à 94 cas/100.000).
Ce qui voudrait dire que seuls ces 8 cas de moins des 122 cas/100.000 de plus dépistés au stade précoce, auraient progressé vers une maladie à un stade avancé. Tout le reste est surdiagnostic.

Les auteurs estiment après calculs ce surdiagnostic à 30%.
Ils remarquent aussi que la baisse de détection de cancers avancés ne concerne que des cancers à extension régionale, qui ont une survie améliorée grâce aux traitementx dont nous disposons actuellement, alors qu'il n'y a pas de baisse de détection des cancers au stade métastatique, ceux qui répondent mal au traitement et sont létaux. La moindre mortalité de nos jours par cancer de stade avancé est majoritairement attribuable aux traitements plutôt qu'au dépistage, selon les auteurs.

Il est certes pertinent de s’intéresser au stade tumoral (qui prend en compte à la fois taille tumorale et envahissement ganglionnaire), mais depuis plusieurs années la détection de ganglions envahis s’est beaucoup améliorée pouvant fausser l’évaluation du dépistage (technique des ganglions sentinelles).

Donc dans cette nouvelle étude parue en 2016 (référence en haut de page), les mêmes auteurs se sont intéressés plutôt à la taille tumorale seule, qui est en relation avec la gravité du cancer, de façon moins directe que le stade tumoral certes, mais permettant de juger de façon moins biaisée l’efficacité du dépistage. Les auteurs ont mis en comparaison deux périodes : une avant les années 80, donc avant l’implantation du dépistage aux Etats Unis, l’autre période au début des années 2000, donc après l’implantation du dépistage.

Une fois de plus, il convient de s’intéresser aux valeurs absolues. Et à l’ampleur des variations.

Ainsi la baisse des tumeurs de grande taille est de 30 cas pour 100 000 femmes dépistées.

Et de l’autre côté il y a une augmentation de 162 cas de tumeurs de petite taille sur 100 000 femmes dépistées, entre les deux périodes comparées.

On arrive à la conclusion que 132 cas pour 100.000 sont des surdiagnostics.

Les auteurs concluent : "L'importance du déséquilibre indique que les femmes ont considérablement plus de chances d'avoir un surdiagnostic que d'avoir une détection plus précoce d'une tumeur destinée à grossir".

 

  • Etude trois paires de pays comparés, P.Autier, 2011

Autier P, Boniol M, Gavin A, Vatten LJ. Breast cancer mortality in neighbouring European countries with different levels of screening but similar access to treatment: trend analysis of WHO mortality database. BMJ. 2011 Jul 28;343:d4411.

  • Etude de Jorgensen Danemark 2010

Jørgensen KJ, Zahl P-H, Gøtzsche PC. Breast cancer mortality in organised mammography screening in Denmark: comparative study.BMJ. 2010 Mar 24;340:c1241..

  • Etude de Mette Kalager, Norvège 2010

 Kalager M, Adami HO et coll. Overdiagnosis of invasive breast cancer due to mammography screening: results from the norwegian screening program. Ann Intern Med. 2012 Apr 3;156(7):491-9.

  • Etude d’impact, début 2016, Bleyer et Miller

Int J Cancer 2016 15 avril; 138 (8): 2003-12. doi: 10.1002 / ijc.29925. Epub 2015 15 décembre

 

NDLR :

La détection de plus en plus petites lésions entraîne un "biais de sélection", c'est à dire que plus on dépiste, plus on 'récolte' des lésions petites et non agressives (voir étude Harding https://www.cancer-rose.fr/analyse-etude-jama/ : l'augmentation de 10% de l'activité du dépistage engendre une augmentation de 16% de la détection des petites lésions, statistiquement les moins dangereuses).

Donc, plus on améliorera la technologie de l'imagerie médicale, et plus on amplifiera cet effet pervers.

 

 

 

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Quitter la version mobile