Communiqué de presse : lancement de notre nouveau site anglophone

7 janvier 2021

Après plusieurs mois de travail, de temps et d'énergie dédiés, nous avons le plaisir de vous annoncer le lancement de la version anglaise du site web de l’association Cancer Rose.

Cancer Rose est une association à but non lucratif de droit français composée de médecins indépendants, d'un docteur en toxicologie et d'une représentante des patientes, dont l'objectif est de fournir aux femmes françaises une information loyale, transparente et objective sur le dépistage de masse du cancer du sein, fondée sur des preuves scientifiques.

Nous avons participé à la consultation citoyenne et scientifique sur le dépistage du cancer du sein organisée par Mme la Ministre de la santé en 2015, suite à la controverse sur ce sujet en France. Nous avons fondé l'association Cancer Rose et crée son site web en 2016.

Au niveau international, nous échangeons et partageons des informations sur des questions médicales, notamment le surdiagnostic et le surtraitement qui en résulte, avec les membres de différentes organisations telles que HealthWatch Charity au Royaume-Uni,  Institute of Scientific Freedom  au Danemark,  l'organisation de santé Choosing Wisely au Canada, le group de chercheurs collaborateurs Wiser Healthcare en Australie, ainsi que la défenseure des droits des patients Donna Pinto aux Etats-Unis, membre du comité directeur du Projet International «Precision».

Notre objectif avec cette version en anglais est d'informer les visiteurs internationaux sur nos activités, d'établir des liens et partager nos points de vue concernant la controverse sur le dépistage de masse du cancer du sein, avec les femmes et les professionnels du monde entier.

Nous mettrons à jour le contenu de notre site avec de nouvelles informations, articles, annonces, activités.

Nous espérons que vous trouverez ce site utile et facile d'accès.

Veuillez nous suivre sur Twitter et Facebook pour les actualités.

Pour toute question, suggestion, retour d'information ou commentaire, veuillez nous contacter sur la page contact.

Les membres de Cancer Rose ne bénéficient d'aucun parrainage, honoraires, soutien financier ou conflit d'intérêt provenant de sources commerciales. Ils consacrent bénévolement leur temps à cette activité. Les fonds nécessaires au fonctionnement de ce site web et à la production de matériel d'information (films éducatifs, brochures, affiches) sont générés par des dons individuels et les contributions des membres.

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


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DIABETE ET CANCER

Par Dr C.Bour, 5 janvier 2021

La relation entre diabète et cancer en général, diabète et cancer du sein en particulier est bien connue, comme le montre une méta-analyse de 2012 [1].

Cette méta-analyse révélait une augmentation significative du risque de cancer du sein chez les femmes diabétiques par rapport aux non-diabétiques. Mais l’association entre le diabète et le risque de cancer du sein semblait limitée aux femmes ménopausées. Le diabète de type 1 et le diabète chez les femmes pré-ménopausées n’étaient pas associés à une augmentation significative du risque de cancer du sein.

Les personnes atteintes de diabète de type 2 ont un risque plus élevé de développer des cancers du sein, du pancréas, du foie, des reins, de l'endomètre et du colon.
Alors que les patients atteints de diabète de type 1 sont plus susceptibles de développer des cancers du col de l'utérus et de l'estomac.

Plusieurs études ont également démontré que les patients atteints de diabète et de cancer ont un pronostic moins favorable que ceux qui ne sont pas diabétiques.
Le diabète et l'hyperglycémie sont associés à des taux d'infection plus élevés, des périodes de rémission plus courtes et des durées médianes de survie plus courtes, ainsi que des taux de mortalité plus élevés[2].


On incrimine plusieurs mécanismes qui pourraient expliquer pourquoi le diabète de type 2 pourrait augmenter le risque de cancer : l’hyperinsulinémie, l’hyperglycémie et l’inflammation. L’augmentation de la glycémie aurait des effets cancérigènes en provoquant des dommages sur l’ADN.

Cas particulier du cancer du sein

La méta-analyse dont nous parlions en début d'article a été entreprise à l'aide d'un modèle à effets aléatoires pour étudier l'association entre le diabète et le risque de cancer du sein.[3]

Le risque de cancer du sein chez les femmes atteintes de diabète de type 2 est augmenté de 27%, un chiffre qui a diminué à 16% après ajustement de l'IMC. L'obésité est un facteur aggravant comme le montrent d'autres études.  

Aucune augmentation du risque n'a été observée chez les femmes à l'âge pré-ménopausique ou atteintes de diabète de type 1.

Outre le sur-risque de cancer chez le patient diabétique, qu'en est-il de la prise en charge du patient avec ET un diabète ET un cancer ?[4] [5]

La prise en charge du patient diabétique nécessite un traitement non seulement par des mesures hygiéno-diététiques mais également par un protocole médicamenteux finement réglé pouvant inclure de l'insuline et un ou plusieurs agents oraux.

La chimiothérapie et les analgésiques peuvent affecter l'homéostasie[6] du glucose et la sensibilité à l'insuline, les interactions médicamenteuses peuvent interférer avec la tolérance du patient aux médicaments contre le diabète ; la diminution de l'appétit, les nausées, les vomissements et la perte de poids consécutifs à la fois à la maladie et au traitement du cancer peuvent causer des déséquilibres sur la glycémie.

Agents chimiothérapeutiques

Plusieurs chimiothérapies sont connues pour causer ou exacerber ces mauvaises conditions. Par exemple, le cisplatine est connu pour provoquer une insuffisance rénale, et les anthracyclines peuvent provoquer une cardiotoxicité. Le cisplatine, le paclitaxel et la vincristine peuvent être neurotoxiques. Malheureusement, beaucoup de ces effets secondaires peuvent rester permanents.

Pour que le traitement du cancer soit efficace, il faut généralement administrer au moins 85 % de la dose de chimiothérapie. Les patients atteints de diabète doivent être soigneusement surveillés avant le début et pendant la chimiothérapie. Les décisions relatives au traitement doivent se fonder sur le tableau clinique du patient, mais toujours en sachant que toute modification de la dose, ou la modification du moment de l'administration, ou encore la substitution d'un autre agent chimiothérapeutique peuvent compromettre les résultats en réduisant le taux de réponse au traitement.

Corticostéroïdes

Ils constituent une partie importante du traitements dans les pathologies cancéreuses et sont largement utilisés pour améliorer les nausées et vomissements associés à la chimiothérapie, ainsi que pour supprimer les symptômes neurologiques lorsque le cancer s'est métastasé dans la colonne vertébrale ou le cerveau. Et ils provoquent une hyperglycémie de manière significative dans les heures suivant leur administration. 

Le traitement de l'hyperglycémie résultant des glucocorticoïdes dépend alors du type de diabète, de l'importance des taux d’hyperglycémie, de la dose et de la durée de la thérapie. Administrer des stéroïdes en plusieurs doses tout au long de la journée au lieu d'une seule dose en bolus, ou administrer la totalité de la dose quotidienne de stéroïdes par voie intraveineuse sur 24 heures, peuvent aider à contrôler l'hyperglycémie.

Les patients souffrant de diabète préexistant peuvent être maintenus sous leurs hypoglycémiants oraux et surveillés de près. Toutefois, ces médicaments sont généralement inadaptés pour gérer l'hyperglycémie dans ce contexte et on a recours à l'insuline.

Les patients utilisant de l'insuline avant une thérapie glucocorticoïde nécessiteront typiquement à la fois de l'insuline basale et de l'insuline préprandiale. Ces patients peuvent avoir besoin de deux à trois fois leur dose habituelle d'insuline. L'insuline est le médicament préféré pour gérer l'hyperglycémie induite ou exacerbée par les stéroïdes chez les patients avec un diabète connu.

Les patients diabétiques de type 1 devront ajuster leur dose. Les patients de type 2 qui prennent déjà des agents oraux au départ rajouteront de l'insuline, mais uniquement pendant cette période où leur glycémie est élevée.

Plusieurs études sur des cancers aussi disparates que le cancer du poumon à petites cellules et le cancer du sein notent une association entre l'hyperglycémie mal contrôlée et les mauvais résultats chez ces patients à la fois diabétiques et cancéreux. L'hyperglycémie augmente également le risque d'infection.

Chez les patients atteints d'un cancer actif, la gestion de l'hyperglycémie se concentre sur la prévention des complications à long terme pour éviter les issues aiguës et subaiguës, telles que la déshydratation due à la polyurie, l'infection, la perte de poids catabolique, les états hyperosmolaires non cétosiques et l'acidocétose diabétique.[7]

Analgésiques

Les analgésiques peuvent provoquer une constipation qui affecte les patients de deux manières. Cela peut leur donner envie de ne pas manger, mais aussi, en ralentissant la motilité intestinale, il est possible que les narcotiques retardent l'absorption des nutriments. Cela peut entraîner une inadéquation entre l'administration d'insuline et l'absorption du glucose. Le patient encourt le risque d'hypoglycémie.

Statines et chimiothérapie[8]

Les statines et les agents chimiothérapeutiques sont métabolisés par les mêmes enzymes dans le foie. 

Si les enzymes hépatiques sont toutes captées par le traitement par statine, cela peut créer une moindre élimination des chimiothérapies. Certaines recherches suggèrent que cela fonctionne également dans l'autre sens. Si on donne une statine à un patient sous chimio, puis qu'on arrête la statine, il éliminera le médicament de chimiothérapie beaucoup plus rapidement. 

En général on est donc réticent à commencer un traitement par statine chez quelqu'un qui commence juste une chimiothérapie en raison d'une possible hépatotoxicité, explique Pr.Lavis[9] . Si les patients sont déjà sous statines, il convient d'être conscient de leurs effets et de surveiller attentivement. 

Il est pertinent de cibler les interventions thérapeutiques selon le pronostic du patient. S'il est médiocre, il faut être moins exigeant sur les objectifs et ne pas alourdir le traitement du patient en raison d'attentes excessives.

Pronostic et confort

Le pronostic, la longévité et la qualité de vie sont des considérations importantes dans la détermination des objectifs glycémiques. Une approche pragmatique de la gestion de l’hyperglycémie chez ces patients est nécessaire

L'intérêt d'un contrôle glycémique très strict est d'essayer de prévenir les complications dans 10, 15, 20 ans. 

Mais chez une personne avec un mauvais pronostic ou une espérance de vie de quelques années seulement, il faut être plus préoccupé par le confort et la qualité de vie dans les années qui restent.
L'objectif serait alors d'éviter les effets de l'hyperglycémie aiguë, comme la déshydratation et l'acidocétose.

Conclusion

Il existe des preuves épidémiologiques solides que les maladies diabétiques sont associées à un risque accumulé de plusieurs cancers. Il est également de plus en plus évident que le degré d'hyperglycémie et les modalités de traitement de l'hyperglycémie influencent le risque de cancer. 

Le risque de cancer du sein chez les femmes atteintes de diabète de type 2 est augmenté de et l'obésité est un facteur aggravant. En revanche il n'y aurait pas de sur-risque observé chez les femmes à l'âge pré-ménopausique ou atteintes de diabète de type 1.


La gestion de la glycémie chez les patients diabétiques et cancéreux peut poser un défi clinique important. Comme il n'y a pas de preuve claire que le contrôle très rigoureux du glucose améliore les résultats en matière de cancer, l'hyperglycémie doit être gérée de façon pragmatique, afin de s'assurer que le patient reste asymptomatique et à faible risque de décompensation aiguë. 

La prise en charge proactive de l'hyperglycémie induite par les glucocorticoïdes peut aider à réduire les grandes fluctuations des taux de glucose. 

Lire aussi :

https://www.healthline.com/diabetesmine/living-with-cancer-and-diabetes#1

Références


[1] Diabetes and breast cancer risk: a meta-analysis  British Journal of Cancer (2012) 107, 1608–1617

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22996614/

P Boyle M Boniol A Koechlin .....and P Autier1/Prevention Research Institute, 95 cours Lafayette, 69006 Lyon, France

[2] Clinical Challenges in Caring for Patients With Diabetes and Cancer

Helen M. Psarakis, RN, APRN-Diabetes Spectrum Volume 19, Number 3, 2006

https://spectrum.diabetesjournals.org/content/19/3/157

[3] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22996614/

[4] https://endocrinenews.endocrine.org/july-2014-double-jeopardy/

[5] Clinical Challenges in Caring for Patients With Diabetes and Cancer-Helen M. Psarakis, RN, APRN-Diabetes Spectrum Volume 19, Number 3, 2006

https://spectrum.diabetesjournals.org/content/19/3/157

[6]  Phénomène par lequel un facteur clé est régulé pour persister autour d'une valeur bénéfique pour l'organisme.

[7] https://www.cancernetwork.com/view/diabetes-management-cancer-patients

[8] https://endocrinenews.endocrine.org/july-2014-double-jeopardy/

[9] Victor Lavis, MD, professeur au Département de néoplasie endocrinienne et des troubles hormonaux à l'Université du Texas MD Anderson Cancer Center à Houston.( https://endocrinenews.endocrine.org/july-2014-double-jeopardy/)

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La concertation citoyenne de l’INCA sur le futur plan cancer : une mascarade !

Dr M.Gourmelon

Dr C.Bour

17/12/2020

Récemment, l'Institut National du Cancer (INCA) en France a lancé une consultation citoyenne[1], que nous présentions dans un précédent article[2] afin que les Français puissent contribuer aux mesures de lutte contre le cancer proposées par l'INCa pour la prochaine décennie, mais aussi pour que les participants proposent eux-mêmes d'éventuelles idées.

Cette initiative est censée, rapelons-le, aboutir à plusieurs propositions concrètes pour une stratégie décennale de lutte contre le cancer qui sera remise au Gouvernement en décembre ; celui-ci en arrêtera, par décret, son contenu définitif.

Un communiqué de presse vient d'être édité [3], annonçant qu'aux 220 mesures initiales seront rajoutées 11 mesures nouvelles.

Des résultats de participation...enthousiasmants, vraiment ?

Les communicants de l'INCa nous livrent une présentation « victorieuse », mais au regard des chiffres annoncés, cela ressemble bien .... à un "bide" total.

En effet, "l’Institut national du cancer a invité chaque Français à s’exprimer sur le futur de la lutte contre les cancers des 10 prochaines années."

C'est donc une consultation nationale qui s'adresse à tous les français.

Considérant qu'il existe 47 millions de français inscrits sur les listes électorales, 2478 ont participé à cette concertation ce qui fait un pourcentage de participation ... proche de 0.

"Avec plus de 23 200 votes enregistrés sur la plateforme de consultation et un vote positif allant de 85 % à 95 % sur les axes stratégiques et leurs mesures, la mobilisation de nos concitoyens montre l’intérêt qu’ils portent à cet enjeu majeur de santé publique et leur adhésion massive au projet."

"Avec des votes positifs, compris entre 85 % pour l’axe 1 (Améliorer la prévention) et près de 95 % pour les mesures transversales, les participants ont massivement adhéré aux actions présentées dans la proposition de stratégie décennale. Ces résultats montrent l’adéquation entre les objectifs et mesures présentés et les attentes de nos concitoyens"

Un autre chiffre est avancé : "Aujourd’hui en France, 3,8 millions de personnes ont eu ou vivent avec un cancer. La maladie est présente dans le quotidien des Français (patients, proches, aidants)."

3.8 millions de personnes touchées par le cancer, mais il n'y a bien que 2478 participants effectifs.

Entre 85% à 95% d'approbation pour une participation en chiffres réels aussi faible, n'empêche pas l'INCA de se réjouir dans ce communiqué de presse "triomphal" , ni d'affirmer une «mobilisation de nos concitoyens (qui) montre l'intérêt qu’ils portent à cet enjeu majeur de santé publique et leur adhésion massive au projet ».

Notons que l'élaboration des propositions, " approuvée à l’unanimité par le Conseil d’administration de l’Institut, le 27 novembre," s'est faite uniquement au sein de l'INCA et du monde de la santé qui vit du cancer.

La mise en scène de chiffres aussi sensationnels n'est pas sans  rappeler la méthode de comptage chère aux républiques bananières lors d' élections "bidon" et la mise en scènes de chiffres d'adhésion spectaculaires. Il est toujours bien d' utiliser des astuces déjà éprouvées.

Le désolant exemple du dépistage du cancer du poumon

"La mesure la plus soutenue enregistre 257 votes (évaluation de la faisabilité d’un dépistage du cancer du poumon)" dit le communiqué de presse.

Hélas nous lisons que " c’est la mesure qui concerne la recherche sur le tabac et l’alcool qui remporte le moins d’adhésions (49). "

Il est bien connu à présent que la mesure la plus efficace serait une véritable campagne de prévention sur la consommation d'alcool et de tabac. Si ces deux éléments étaient l’objet d’actions bien plus fortes pour leur réduction on obtiendrait des résultats de santé publique importants, comme le souligne un excellent article récemment paru de John Horgan, journaliste scientifique [4] [5]. Selon l' auteur, les constatations sont celles d'une augmentation ou d'une baisse des décès par cancer qui suivent l'augmentation et la baisse du tabagisme, avec un décalage de quelques décennies.  Le tabagisme augmente le risque pour de nombreux cancers mais surtout celui du cancer du poumon qui est de loin le plus grand tueur, responsable de davantage de décès que le cancer du côlon, du sein et de la prostate réunis.

On estime que s'il n'y avait eu aucune réduction du tabagisme, il n'y aurait eu pratiquement aucune réduction de la mortalité globale par cancer, ni chez les hommes ni chez les femmes, depuis le début des années 1990.

Si les items de la consultation proposés aux participants contenaient ce genre d'informations, les votes eussent certainement été tout autres.

Les votes se sont portés majoritairement sur le dépistage proposé comme une avancée, mais même ce surplus de voix (257) ne constitue encore pas un chiffre permettant de saluer une "mobilisation et adhésion" faramineuse de nos concitoyens.

Nous ne pouvons qu'établir un parallèle avec le dépistage du cancer du sein ; nous sommes également en butte avec un enthousiasme débridé dans la présentation de "l'efficacité" de ce dépistage, en dépit d'études multiples, certaines très actuelles, de son échec sur la réduction significative de mortalité et de réduction des cancers graves.[6] [7]

Conclusion

Comme nous le pressentions, cette concertation n'est que poudre aux yeux pour laisser croire à une adhésion citoyenne massive alors que celle-ci est quasi nulle.

Des mesures sont formulées et présentées de façon flatteuse, de telle sorte que le citoyen ne puisse qu'adhérer en ayant une impression de mesures en sa faveur, et le communiqué de presse allègue, dithyrambique, une participation démentielle pour une opération qui s'avère un pétard mouillé.

L'INCA avance ainsi tranquillement ses propres volontés d'action [8] et tant pis si c'est en dépit des données de la science qui ne confirment pas l'efficacité de tous les dépistages mis en avant, et que les participants ont été appelés à voter sans aucune préparation ni information scientifique sur des sujets aussi spécifiques.

Mais c'est dans l'air du temps, l'opinion d'un public profane et surtout soigneusement désinformé sur des sujets de santé a le même poids et même davantage que les avis fondés sur la science et plus pondérés d'épidémiologistes ou de scientifiques indépendants. Nous avons pu constater cette tendance à l'envi lors de la communication désastreuse et débridée durant la période de la pandémie Covid 19, et la voilà concrétisée dans le procédé d'une consultation sans aucun intérêt, organisée par un institut public dans un plan cancer déjà décidé, présentée comme philanthropique et comme représentative des désirs de nos concitoyens.

Dans les régimes dictatoriaux, on s'y prend à peu près de la même façon.

Références


[1] https://consultation-cancer.fr/

[2] https://cancer-rose.fr/2020/12/15/inca-une-consultation-citoyenne-pourquoi/

[3] https://consultation-cancer.fr/pages/consultation-resultats-et-apports-citoyens

[4] https://cancer-rose.fr/2020/02/14/lindustrie-du-cancer-battage-mediatique-versus-realite/

[5] https://blogs.scientificamerican.com/cross-check/the-cancer-industry-hype-vs-reality/

[6] https://cancer-rose.fr/2020/07/26/etude-australienne-un-argument-factuel-de-plus-sur-linutilite-du-depistage-mammographique/

[7] https://cancer-rose.fr/2020/08/18/absence-de-benefice-des-mammographies-chez-les-femmes-agees-de-40-a-50-ans-les-resultats-finaux-de-lessai-uk-age-trial-confirment/

[8]  https://consultation-cancer.fr/projects/axe-3-lutter-contre-les-cancers-de-mauvais-diagnostics/consultation/consultation/opinions/1-developper-la-recherche-sur-les-cancers-de-mauvais-pronostic/mesures-proposees/organiser-le-depistage-du-cancer-du-poumon

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INCA, une consultation citoyenne, pourquoi ?

Par Dr M.Gourmelon, 15/12/2020

Le futur plan cancer pour les 10 années à venir est en phase de finalisation avant adoption.

L’INCA a lancé, sur internet du 22 septembre 2020 au 15 octobre 2020, ce qu’il a appelé « consultation citoyenne » sur le sujet.[1] C’est une consultation citoyenne et non comme par le passé une concertation citoyenne.

Consultation : Action de consulter quelqu'un, de lui demander son avis

Concertation : Pratique qui consiste à faire précéder une décision d'une consultation des parties concernées.

Jusqu’à présent, deux concertations citoyennes avait été organisées. La concertation citoyenne sur le dépistage du cancer du sein[2] et celle sur la vaccination [3] Dans les deux cas, les décisions de ces deux concertations ont été niées pour décider le contraire de ce qui avait été « concerté » [4] [5].

Il n’est donc pas surprenant que pour le futur plan cancer qui verra le jour dès 2021, l’INCA ait choisi, non pas une concertation dont les conclusions doivent guider la décision, mais seulement une consultation ce qui n’engage en rien l’INCA, même si le passé nous a montré que même en cas de concertation, ce ne sont pas les conclusions des rapports qui ont servi à prendre les décisions, bien au contraire.

Le 22 septembre est donc lancée cette consultation citoyenne. L’INCA n’a visiblement pas lésiné sur les moyens [6] Un site spécifique est aussi lancé [7]

Nous avons analysé ces propositions soumises à consultation.

Un plan cancer élaboré sous l'égide des industriels

Ce qui frappe d’emblée, dans les deux documents de presse, outre les moyens mis en œuvre, c’est la place que les « lobbys » du cancer ont prise dans le groupe prospectif qui a élaboré auprès du Pr IFRAH, les 220 propositions. (Voir l’annexe 3 du dossier de presse de 29 pages) [8] Dans ce petit groupe de 24 personnes, on trouve le représentant des entreprises du médicament Mr Eric Baseilhac. Il s’agit du directeur des affaires économiques. [9]

Que vient faire un directeur des affaires économiques du syndicat des industriels du médicament dans un groupe chargé d’élaborer la future politique publique pour le cancer dans 10 prochaines années ?

Pour les participants, une recherche sur Eurofordocs [10] donnent des résultats très intéressants. Ainsi il suffit la présence de 3 professeurs de médecine seulement pour atteindre un montant de près de 500000 euros d’argent versé par l’industrie, et de plus de 400 contrats sans montants déclarés mais que l’on peut imaginer comme « importants ». Il est à noter, par ailleurs que nulle-part ne sont indiqués les liens d’intérêt des membres du « groupe prospectif » de l’INCA.

Un autre élément attire notre attention en fin (page 5) du dossier presse réduit[11]

Contacts presse : PRPA; Danielle Maloubier –Elisa Ohnheiser

Le contact presse de cette consultation citoyenne est une agence de communication privée dont les clients sont certes des institutions mais aussi le syndicat des industriels du médicament LEEM et nombre de laboratoires pharmaceutiques dont les plus grands.  [12] C’est un mélange des genres entre intérêts privés et publics qui ne manque pas d’étonner encore une fois, surtout dans l’élaboration d’un plan cancer décennal national.

On peut donc raisonnablement s’interroger sur le fait de savoir si ce sont les intérêts privés qui guident ce futur plan en lieu et place des intérêts publics.

220 actions proposées

Ce nombre, certes le reflet d’un gros travail de l’INCA et de ses partenaires, ne manque pas d’interpeller. Comment des citoyens, n’ayant aucune connaissance particulière dans le domaine du cancer, peuvent- ils donner un avis « pertinent » sur la politique du futur plan cancer ?

En parcourant l’ensemble de ces actions, une question se pose : Qui pourrait ne pas être d’accord avec les différents items des 4 axes stratégiques proposés, telles qu'elles sont libellées ?

Au hasard sans exhaustivité voici reprise le libellé de ces actions :

            *Développer la recherche sur les cancers de mauvais pronostic

            *Organiser des parcours fluides, en proximité et en recours

            *Aider les équipes hospitalières à établir la meilleure stratégie thérapeutique

            *Permettre aux personnes de bénéficier de soins de support renforcés

            *Prendre ensemble le virage préventif

            *Appeler à la mobilisation de tous pour en finir avec le tabac

            *Développer une alimentation équilibrée accessible à tous, encourager l’activité physique et diminuer la sédentarité

            *Répondre à la préoccupation collective sur l’environnement

            *Aider nos concitoyens dans leurs efforts quotidiens

            *Développer une société protectrice de la santé

            *Développer la recherche pour diminuer les séquelles et améliorer la qualité de vie des personnes

            *Rompre l’isolement des patients

            *Soutenir les aidants pour préserver leur santé et leur qualité de vie

            *Assurer une information utile et simplifier les démarches pour faciliter les parcours de vie

            *Se mobiliser pour faire reculer les cancers de l’enfant, de l’adolescent, du jeune adulte

            *Lutter contre les inégalités par une approche pragmatique et adaptée aux différentes populations

etc

En quoi, est-ce important pour l’INCA de faire cette consultation citoyenne sur des objectifs que personne ne pourrait contester ? N’est-ce pas une politique de « bonnes intentions » que personne ne peut contredire qui masque une autre politique très en faveur de l’industrie?

Des actions très techniques

Il faut malgré tout admettre que dans les mesures proposées dans ces grands chapitres il en existe parfois de très techniques. Comment alors des citoyens non informés et n’ayant que peu de connaissances dans le domaine de la santé en général et du cancer en particulier pourraient donner un avis « pertinent » ?

Quelques exemples (N.B. : les liens ont été désactivés après la fin de la consultation) :

            "Proposer de nouvelles méthodologies pour les essais cliniques, qui soient adaptées aux thérapeutiques, de plus en plus complexes, et adaptées à la classification, de plus en plus fine, des cancers."

Le citoyen sollicité a-t-il une quelconque connaissance dans la méthodologie des essais cliniques pour donner un avis éclairé ?

            "Préparer avec la communauté de recherche de nouveaux modèles de programmes interdisciplinaires coordonnés et intégrés de type « High risk, High gain »"

Qui connaît les programmes « high risk, high gain » ?

            "Offrir à tous les patients la possibilité de participer à des essais cliniques, ouvrir les essais à plus de centres y compris en Outre-mer."

Qui connaît les risques de la participation à des essais cliniques ?

Ce n’est sans doute pas un hasard si , l’on retrouve ce type de demande de la part de l’industrie du médicament.[13]

            "Soutenir la recherche sur la désescalade thérapeutique dans le cadre d’appels à projets.

Quel citoyen connaît les problèmes que pose la thérapeutique et donc a une idée de ce qui est en jeu dans la désescalade ?"

            "Optimiser les procédures d’accès précoce au médicament, les conditionner à un suivi en vie réelle et à une évaluation pouvant conduire au retrait."

Quel citoyen a une connaissance des procédures d’accès aux médicaments pour pouvoir donner un avis sur un accès précoce ? Il n’est pas non plus question dans cet item de la problématique de l’intérêt de tous les médicaments mis sur le marché. Cette formulation tente à faire croire que tous les médicaments anticancéreux sont utiles alors que la réalité est tout autre. [14]

            "Accompagner les professionnels de santé par une diffusion plus efficace des stratégies thérapeutiques innovantes (formation, recommandations, outils)."

A noter ici, que la proposition de l’INCA fait penser que tous les médicaments innovants (ce qui signifie « nouveaux ») sont des médicaments utiles et bénéfiques, ce que la réalité ne montre pas. On retrouve ici le discours des industriels du médicament. [15] Mais comment s’en étonner puisqu'ils participaient aux groupes d’élaboration de ces actions comme nous l’avons vu plus haut.

            "Garantir l’accès aux thérapeutiques les plus pertinentes, aux essais cliniques, et à l’innovation."

L’innovation n’est donc pas synonyme de thérapeutiques pertinentes puisque dissociée ?

Des actions qui interrogent.

ATTENTION : actualisation de cet article, le 12 novembre 2021.
Les accès à la consultation listés dans l'article ci-dessous ayant été désactivés, nous reproduisons les captures d'écran des deux propositions essentielles que nous contestons, et qui ont, comme vous pouvez constater, soulevé beaucoup d'oppositions, contrairement au satisfecit affiché par l'INCa.
Nous vous avons donc rajouté des captures d'écran sous les liens supprimés concernant deux propositions discutables : "expérimenter des incitatifs matériels pour faciliter la participation des personnes au dépistage" ; et " mettre en place un dispositif de lutte contre les fake-news".
Notamment la proposition "dispositif de lutte contre les fake-news" a soulevé réticences et contestations, ce qui n'a pas empêché l'INCa d'entériner cette mesure dans la "feuille de route de la stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030" ; voir page 20, dernier point "Expérimenter des incitatifs matériels pour faciliter la participation des personnes au dépistage (action I.12.7)"

Et dans la version finale de la feuille de route,  page 87-88, voici les incitatifs financiers proposés-
Institut National du Cancer. Stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030  Boulogne-Billancourt. 2021. https://www.e-cancer.fr/content/download/317173/4544094/file/Stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030 V2.pdf

Des mesures proposés en particulier dans le cadre du dépistage posent eux de sérieux problèmes :

            "Simplifier l’accès au dépistage."

Comme si tous les dépistages avaient fait la preuve de leur intérêt et que donc chacun devait pouvoir y accéder !

            "Expérimenter des incitatifs matériels pour faciliter la participation des personnes au dépistage."

Inciter, manipuler pour le recours à des dépistages qui n’ont pas la preuve de leur bénéfice, est-ce vraiment éthique ? [16]

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Mettre en place un dispositif de lutte contre les fake-news

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            "Evaluer la faisabilité d’un dépistage organisé du cancer du poumon."

Quel citoyen a une connaissance des études scientifiques sur le sujet qui montrent que ce dépistage n’a pas de bénéfice ?[17]

Est-il normal de trouver dans les propositions d’action, des mesures qui ne sont pas scientifiquement reconnues comme bénéfiques, quand elles sont pas délétères comme le dépistage du cancer du sein par mammographie ?

Conclusion

Il apparaît évident devant de tels faits que le futur plan cancer qui sera adopté l’année prochaine suite à ce plan d’action est sous l’influence importante des industriels du médicament. Mais est-ce le rôle d’une institution sanitaire gouvernementale de se laisser dicter sa stratégie par le milieu privé ? Et cela d’autant plus que la santé publique n’a que peu à voir avec les objectifs financiers de l’industrie.

N’est-ce pas scandaleux de découvrir ainsi combien l’industrie a « infiltré » l’INCA, autorité sanitaire d’état dont une des règles devrait être la défense des citoyens et l’indépendance.

Or à la lumière de cette analyse, cela n’est clairement pas le cas, comme nous venons de le démontrer . Qui pour dénoncer une telle implication de l’industrie pharmaceutique dans nos instances dirigeantes ?

Dans le prochain article, nous analyserons le communiqué de presse de l’INCA [18]et ce que cet institut a retiré comme conclusion de cette consultation citoyenne.

Prochain article, cliquez

Références


[1] https://www.e-cancer.fr/Presse/Dossiers-et-communiques-de-presse/C-est-maintenant-que-se-decide-la-strategie-de-lutte-contre-les-cancers-des-10-prochaines-annees-l-Institut-national-du-cancer-vous-invite-a-prendre-la-parole

[2] https://www.e-cancer.fr/Institut-national-du-cancer/Democratie-sanitaire/Concertation-citoyenne-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein

[3] http://concertation-vaccination.fr/

[4]  https://formindep.fr/lobligation-cest-la-decision-eclairee/

[5] https://formindep.fr/cancer-du-sein-la-concertation-confisquee/

[6] https://www.e-cancer.fr/Presse/Dossiers-et-communiques-de-presse/C-est-maintenant-que-se-decide-la-strategie-de-lutte-contre-les-cancers-des-10-prochaines-annees-l-Institut-national-du-cancer-vous-invite-a-prendre-la-parole

[7] https://consultation-cancer.fr/

[8] https://www.ecancer.fr/content/download/295687/4213258/file/DP_c_est_maintenant_que_se_decide_strategie_decennale_lutte_contre_cancers_20200921.pdf

[9] https://www.mypharma-editions.com/leem-eric-baseilhac-nomme-directeur-des-affaires-economiques

[10] https://www.eurosfordocs.fr/

[11] https://www.ecancer.fr/content/download/295717/4213597/file/CP_c_est_maintenant_que_se_decide_strategie_decennale_lutte_contre_cancers_20200922.pdf

[12] https://www.prpa.fr/references/

[13] https://www.leem.org/presse/10eme-enquete-sur-les-essais-cliniques-accroitre-la-position-de-leader-de-la-france-les-10

[14] https://cancer-rose.fr/2016/03/08/chimiotherapies-anticancereuses-un-marche-de-dupes/

[15] https://www.leem.org/les-medicaments-de-demain-se-dessinent-aujourdhui

[16] https://cancer-rose.fr/2020/09/02/manipulation-de-linformation-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein-comme-thematique-scientifique/

[17] https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/nejmoa1911793

Dans cet article alléguant un gain de mortalité dans le cancer du poumon grâce à un dépistage systématique par examens de routine tomodensitométriques pulmonaires, la dernière ligne du tableau sur la mortalité globale attire notre attention, car ce qui compte pour les patients c'est le succès en terme de mortalité globale  : 

All-cause mortality — deaths per 1000 person-yr 13.93 (screening group) 13.76 (control group)  RR 1.01 (0.92–1.11) = il n'y a pas de gain en mortalité, on expose ces personnes à des suivis incessants et des surdiagnostics sévères.

Dans la conclusion de l'article nous pouvons lire : "The NELSON trial was not powered to show a possible favor- able difference in all-cause mortality (expected within the range of 2.5%), ...." Donc pas de différence démontrée sur la mortalité globale.

[18] https://consultation-cancer.fr/pages/consultation-resultats-et-apports-citoyens

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Végétarisme et cancer

Que les habitudes alimentaires aient une influence sur le risque de développer un cancer, et que notamment chez les végétariens l'incidence des cancers soit plus faible que chez les personnes avec alimentation carnée, cela a déjà fait l'objet d'études scientifiques.[1]

Une publication plus récente [2]que celle sus-citée, analysant quatre-vingt-six études transversales et 10 études prospectives de cohorte rapporte un effet protecteur significatif d'un régime végétarien sur l'incidence et sur la mortalité par cardiopathie ischémique (-25%) , et sur l'incidence globale du cancer (-8%). Le régime végétalien permettrait une réduction significative du risque (-15%) global d'avoir un cancer.

Mais un billet du médecin essayiste et romancier, Dr Luc Perino, dont nous relayons souvent les articles [3] , témoigne d'un autre aspect du comportement des végétariens et végétaliens qui pourrait avoir un effet sur l'incidence réduite du cancer parmi ce groupe de personnes, et c'est la moindre participation aux dépistages.

Alimentation non-carnée et participation aux dépistages/billet de Luc Perino

Nous retranscrivons ici, avec l'aimable autorisation de Dr Perino, le billet que vous pouvez lire, parmi tant d'autres, sur le blog de l'auteur [4]:

Il n’est plus besoin de faire d’études pour prouver que la baisse de consommation de viande diminue l’incidence des maladies cardio-vasculaires. Le sujet ne fait plus débat depuis un demi-siècle. La diminution de consommation de viande et l’exercice physique ont contribué aux nouveaux gains d’espérance de vie constatés au cours des dernières décennies. 

Nous savons également que les régimes peu carnés diminuent le risque de cancer du côlon. Depuis quelques années, le nombre important de végétariens permet de faire des études de plus grande valeur statistique sur les effets de tels régimes sur la santé. La question des cancers a évidemment été abordée et il apparaît qu’outre le cancer du côlon, le régime végétarien diminue également des cancers aussi inattendus que celui du sein ou de la prostate. D’une manière générale, tous les risques de cancer sont abaissés de façon plus ou moins significative.

Les facteurs de confusion comme le tabac ont évidemment été pris en compte, et certaines études sont allées jusqu’à considérer d’autres facteurs de confusion tels que les traits de personnalité et d’autres éléments du mode de vie des végétariens raisonnables (hors véganes fanatiques). Par exemple, les femmes végétariennes prennent moins de traitements hormonaux de la ménopause et diminuent d’autant plus leur risque de cancer du sein.

Le plus amusant, si j’ose m’exprimer ainsi, est que les végétariens participent beaucoup moins aux programmes de dépistage organisé des cancers. Certains en concluront qu’ils sont alors porteurs de cancers méconnus qui se développeront tôt ou tard. Cette conclusion hâtive, quelque peu teinté d’idéologie pro-dépistage, est contredite par une mortalité globale par cancer plus faible chez les végétariens de tous âges suivis pendant longtemps.

Ce qui s’explique par le fait qu’une bonne part des cancers dépistés sont, soit de faux positifs, soit des cancers qui n’auraient jamais eu de manifestation clinique avant que la mort ne survienne par une autre cause.

Les végétariens ont donc moins de cancers cliniques, moins de cancers dépistés et moins de cancers virtuels ou infracliniques. Le bénéfice sanitaire de cette triple protection est encore plus grand que celui déjà constaté par la diminution de la mortalité. En effet, les angoisses liées à tous les dépistage et le couperet biographique que constitue une annonce de cancer aggravent la morbidité et la mortalité. On sait que tous les cancers, fussent-il cliniques, dépistés ou virtuels ont les mêmes répercussions psychologiques et biographiques.

Nous n’irons pas jusqu’à encourager les végétariens dans leur insouciance diagnostique, car cela pourrait choquer l’académie. Nous devons tout de même les féliciter pour leur perspicacité sanitaire et leur sérénité face au destin pathologique, sans oublier de louer leur altruisme climatique.

Etude sur la participation aux dépistages

Dans la bibliographie de ce billet, citée par l'auteur, nous trouvons en effet une étude publiée dans le BMJ en 2017 sur les comportements en santé, selon les groupes de population qui suivent des régimes alimentaires particuliers.[5]

31 260 participants ont été étudiés de quatre groupes de régimes (18 155 mangeurs de viande, 5012 mangeurs de poisson, 7 179 végétariens, 914 végétaliens), dans la cohorte britannique EPIC-Oxford[6]

Par rapport aux personnes à alimentation carnée, les femmes végétariennes et végétaliennes ont mentionné une participation plus faible au dépistage du cancer du sein, et les hommes végétariens étaient moins susceptibles de se soumettre au test PSA de dépistage du cancer de la prostate. 

Aucune différence n'a été observée chez les femmes pour le dépistage du cancer du col utérin. 

Pour les femmes et ce dans tous les groupes non consommateurs de viande il y avait aussi une moindre consommation de traitement hormonal substitutif de la ménopause par rapport aux mangeurs de viande. 

Une utilisation moindre a été observée pour toute médication en général chez les participants de tous les groupes non carnivores. 

Conclusion

Des différences de comportement, plutôt dans le sens d'une moindre utilisation du dépistage du cancer du sein, du dépistage du cancer prostatique, du traitement hormonal substitutif et globalement de médicaments ont été observées dans les groupes à régime non-carné. 

Apparemment ces groupes de la population sont ainsi moins exposés aux risques de développer des cancers, moins exposés aux cancers cliniques (révélés par symptômes), et aux cancers infra-cliniques (non symptomatiques), dont la sur-détection débridée par les dépistages massifs alimente les sur-diagnostics, et tout cela dans un contexte de moindre angoisse, moindre morbidité et moindre mortalité prématurée chez les végétariens, observée même à long terme, vraisemblablement en relation avec un comportement de vie général plus sain, et pas seulement due au végétarisme seul [7].

Références


[1] https://academic.oup.com/ajcn/article/89/5/1620S/4596951?searchresult=1

[2] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26853923/

[3] https://cancer-rose.fr/2017/07/04/les-billets-de-luc-perino/

[4]

https://lucperino.com/715/vegetariens-et-cancers.html

[5] https://bmjopen.bmj.com/content/7/12/e018245

[6] La composante Oxford de l'European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition ( EPIC ) est une cohorte prospective de 65 000 hommes et femmes vivant au Royaume-Uni, dont beaucoup sont végétariens.

(http://www.epic-oxford.org/home/)

[7] https://theconversation.com/les-vegetariens-vivent-ils-plus-longtemps-probablement-mais-pas-parce-quils-sont-vegetariens-72929

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Pandémie Covid-19 et prise en charge des cancers

Gustave-Roussy modélise l'impact du Covid-19 sur la prise en charge des cancers

11 novembre 2020

Dr C.Bour

L'inquiétude des patients quant à une éventuelle contamination par le coronavirus à l'hôpital, en particulier en cancérologie, entraîne leur venue plus tardive dans les centres de soins pour recevoir leurs traitements.

Des chercheurs de Gustave-Roussy à Villejuif (Val-de-Marne) ont réalisé une étude baptisée "Grouvid", basée sur un modèle mathématique de simulation visant à évaluer les impacts de la pandémie de Covid-19 sur l’organisation des soins de cancérologie. Les conséquences en termes de pronostic et l'éventuelle surmortalité qui en découlent, liées au décalage des prises en charge de malades diagnostiqués avec cancer pendant la période de confinement, sont ici étudiées et évaluées.

Grouvid présentation PDF

Ces travaux des chercheurs Aurelie Bardet1,2, Alderic Fraslin1,2, Matthieu Faron2,3, Isabelle Borget1,2, Lucile Ter-Minassian4, Jamila Marghadi5, Anne Aupérin1,2, Stefan Michiels1,2, Fabrice Barlesi6, Julia Bonastre1,2  ont été présentés au congrès virtuel de l’ESMO 2020 par Aurélie Bardet (voir PDF du congrès).

  • 1. Service de Biostatistique et d’Epidémiologie, Gustave Roussy
  • 2. Equipe de recherche en méthodologie statistique Oncostat Inserm 1018, Univ. Paris-Saclay, Ligue contre le cancer
  • 3. Service de chirurgie viscérale oncologique, Gustave Roussy
  • 4. Department of statistics, Oxford University, Oxford, United-Kingdom
  • 5. Service d’information médicale, Gustave Roussy
  • 6. Direction médicale et de la recherche clinique, Gustave Roussy, Univ. Paris-Saclay

Contenu du congrès virtuel, présentation de l'étude

Il s'agit d'un modèle de microsimulation pour évaluer l’impact du SRAS-CoV-2 sur les pronostics des cancers, sur l’organisation des soins de santé et les coûts de prise en charge.

A-Objectifs

Evaluer l’impact de la pandémie sur les patients "non-covids", atteints de cancer.
Il s'agit d'établir un modèle basé sur les données actuelles disponibles du centre Gustave Roussy pour modéliser les parcours individuels des malades.

L'épidémie de Covid-19 a conduit à une diminution du nombre de patients pris en charge pendant le confinement et à une limitation des ressources dédiées aux cancers, avec fermeture de l'unité de greffe de moelle, réduction des lits de soins intensifs chirurgicaux, réduction du nombre de salles d'opération, réduction des séances de chimiothérapie et de radiothérapie.

B-Résultats

1° Modification du flux des patients - Délais des traitements

  • 13,4 % des patients ont un retard pour leurs traitements de plus de 7 jours, principalement des patientes atteintes de cancer de la thyroïde et du sein
    délai médian = 55 jours, principalement en raison d'un retard inhérent au patient lui-même.
  • 5,2% des patients ont un retard de traitement supérieur 2 mois

2° Changements dans les soins médicaux


27 % des patients confinés voient leurs soins modifiés (principalement dans les cancers du sein et les pathologies gastro-intestinales) .

3° Ressources hospitalières


Deux ressources sont limitantes :
- la disponibilité des salles d’opération (pic d’activité attendu = mi-juin)
- la chimiothérapie (pic d’activité attendu = mi-octobre avec création de files d’attente)

4° Résultats sur les pronostics des cancers :

  • 2,0 % des patients présentent un changement majeur de leur pronostic de maladie avec
  • augmentation de 2,25 % des décès à 5 ans par cancer, principalement pour les cancers du foie, des sarcomes et de la tête et du cou => 49 décès supplémentaires.

5° Analyse de sensibilité du délai moyen de recours aux soins imputable aux patient


C'est l'estimation de l'impact d'une reprise étalée et régulière (uniforme) d'un retour des patients (du fait de cet étalement la médiane de retard de prise en charge est évaluée à 3,4 mois.) :

2,4 % des  patients présenteraient une modification majeure de leur pronostic, avec une augmentation de 4,60 % des décès à 5 ans.

C-Messages-clés et conclusion


Sur la base d’un scénario dans le contexte de l'Institut Gustave Roussy :

  • 2 % des patients présenteront un changement majeur de leur pronostic
  • 2 % de décès supplémentaires à 5 ans

Il persiste une grande incertitude sur les événements futurs et les comportements complexes pour pouvoir évaluer l’impact d'une 2e vague.

Commentaires Cancer Rose

L'étude Grouvid suggère que les retards de prise en charge, liés à la 1ère vague de Covid-19, pourraient être responsables d'un excès de mortalité par cancers de 2 à 5%, 5 ans après le début de la prise en charge. Ces retards de prise en charge sont dus à 2 facteurs :

  • la réticence des patients à se faire soigner par peur d'une contamination
  • et une réduction de la capacité de soins des hôpitaux.

Dans cette étude, il n'est nulle part question du dépistage, pas plus du dépistage du cancer du sein que de n'importe quel autre dépistage.

Contrairement à ce que laissent entendre  la Fondation ARC [i] ou Mr le Pr Kahn, président de la Ligue contre le Cancer [ii] [iii] [iv] [v] [vi] [vii] [viii],l'étude Grouvid n'apporte aucune information concernant les éventuelles retombées d'une moindre participation aux dépistages.

Il est déjà difficile d'extrapoler à la France des résultats qui ne concernent qu'un seul établissement. Vouloir les extrapoler pour estimer l'impact d'une diminution des dépistages relève de la pure fantaisie ... ou du mensonge délibéré.

Les victimes ? Les femmes, qui, incitées à fréquenter en cette période les cabinets médicaux, se voient ainsi mises en danger et exposées par ces comportements propagandistes. 

Les médias eux-mêmes, par manque de discernement et de nuance, alimentent ce climat anxiogène et mensonger.

A ce propos lire :

https://cancer-rose.fr/2020/10/06/langoisse-des-thuriferaires-du-rose-face-a-la-decroissance-de-participation/

Et également : https://cancer-rose.fr/2020/09/02/manipulation-de-linformation-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein-comme-thematique-scientifique/

Une méta-analyse dans le BMJ

Une méta-analyse publiée en novembre 202 dans le BMJ sur la mortalité due au retard de traitement du cancer cherche à quantifier l'association entre le délai de traitement du cancer et la mortalité pour chaque augmentation de délai de quatre semaines dans le contexte pandémique.

L'étude regroupait 1 272 681 patients atteints de différents cancers et a montré qu’un retard de 4 semaines dans la prise en charge d’un cancer était associé à une augmentation de la mortalité d’environ 6-8 %.
Concernant le cancer du sein un délai de 8 semaines pour la chirurgie (donc d'un cancer diagnostiqué) serait associé à une augmentation de la mortalité de 17% alors qu'un délai de 12 semaines augmenterait le risque de 26%, ce qui correspond, sur une période d’un an en Grande Bretagne, à un excès de 1400 décès.

La conclusion va dans le même sens :  "le retard de traitement du cancer est un problème dans les systèmes de santé du monde entier. L'impact du retard sur la mortalité peut désormais être quantifié pour la priorisation et la modélisation. Même un retard de quatre semaines du traitement du cancer est associé à une mortalité accrue dans les indications chirurgicales, systémiques et de radiothérapie pour sept cancers. Les politiques axées sur la minimisation des retards au niveau du système avant le début du traitement du cancer pourraient améliorer les résultats de survie au niveau de la population."


Références


                  [i] https://www.francetvinfo.fr/sante/cancer/covid-19-les-retards-de-depistage-du-cancer-de-sein-vont-entrainer-une-augmentation-de-la-mortalite-entre-1-et-5-dans-les-dix-ans-qui-viennent-selon-la-fondation-arc_4124525.html#xtref=https://mobile.francetvinf


                  [ii] https://www.sudouest.fr/2020/10/24/cancer-du-sein-axel-kahn-lance-un-cri-d-alarme-pour-inciter-au-depistage-8000781-4696.php


                  [iii] https://fr.news.yahoo.com/octobre-rose-axel-kahn-implore-085353145.html


                  [iv] https://www.europe1.fr/societe/debut-doctobre-rose-axel-kahn-alerte-sur-les-retards-de-diagnostic-des-cancers-du-sein-3995432


                  [v] https://www.topsante.com/medecine/cancers/cancer/covid-19-depistage-cancer-639344


                  [vi] https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Deprogrammation-doperations-Linquietude-immense-malades-cancer-2020-10-27-1201121508


                  [vii] http://www.francesoir.fr/opinions-tribunes/chronique-covid-ndeg34-le-geneticien-axel-kahn-president-de-la-ligue-contre-le


                  [viii] https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/10/26/cancers-infarctus-avc-ces-pathologies-victimes-indirectes-du-covid-19_6057437_3244.html

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Propagande du dépistage

Par Dr M.Gourmelon, 1 nov 2020

« 1 mensonge répété 1000 fois se transforme en vérité »

C’est un des principes bien connu de la propagande. (1)

Cela a été bien étudié pour ce qui est du domaine politique et plus particulièrement dans les dictatures. La phrase du titre est historiquement attribuée à Joseph Goebbels, il a dirigé, sous le régime nazi, le Ministère de l'Éducation du peuple et de la Propagande.

Mais la propagande n’est pas l’apanage des régimes totalitaires qu’ils soient de droite ou de gauche. Comme l’écrit Noam Chomsky « La propagande est aux démocraties ce que la violence est aux dictatures. » « La propagande est un concept désignant un ensemble de techniques de persuasion, mis en œuvre pour propager avec tous les moyens disponibles, une idée, une opinion, une idéologie ou une doctrine et stimuler l'adoption de comportements au sein d'un public-cible. Ces techniques sont exercées sur une population afin de l'influencer, voire de l'endoctriner. » (2)

Il apparaît donc clairement que l’insistance à promouvoir le dépistage du cancer du sein par mammographie, tient de la propagande. En effet, il y a intention de « propager une doctrine » selon laquelle le dépistage sauve des vies et cela en contradiction totale avec ce que les études scientifiques indépendantes nous apprennent.

Le but : « l'adoption de comportements au sein d'un public-cible », ici pratiquer une mammographie de dépistage, au sein de la population- cible féminine. Il est notable que la volonté de promouvoir le dépistage du cancer du sein par mammographie est une constante de ces 20 dernières années qui s’est accentuée avec l’adoption du programme de dépistage organisé en 2004 faisant suite au plan cancer de 2003. (3)

Pourtant dès 2015, suite à la concertation citoyenne sur le sujet, le dépistage organisé aurait dû être arrêté. Mais il n’en a rien été car les conclusions de cette concertation ont été « confisquées » pour permettre la poursuite de ce dépistage. (4)

Tous les moyens sont bons pour le promouvoir. Les campagnes d’Octobre Rose qui reviennent années après années en témoignent.

Mais la propagande va plus loin.

LES AGENCES PUBLIQUES

« Favoriser le recours au dépistage quel que soient ses modalités » recommande le dernier rapport de l’IGAS organisme pourtant réputé indépendant. (5)

LEADERS D'OPINION ET MEDIAS

Mais aussi, tout « micro tendu », toute offre de parole dans les médias, que cela soit radio ou télévision ou presse écrite, permettent à de nombreux médecins de propager la propagande pour le dépistage.

Nous avons ainsi récemment entendu le Pr Axel KAHN, sommité médicale, président de la Ligue contre le cancer, lancer sur France Info un « cri d’alarme » en faveur de ce dépistage (6).

De nombreuses techniques de la propagande sont ainsi retrouvées dans cet « appel » (2)

  • peur
  • appel à l’autorité
  • affirmation fausse : « Le Covid-19 "est beaucoup moins grave que le cancer" »
  • « influence médiatique : radio, télévision, presse, publicité, internet. » est aussi bien présente car cet appel est relayé par : le journal Sud Ouest (7), Yahoo actualité (8), Europe 1 (9) Top Santé (10) La Croix (11) France Soir (12) liste non exhaustive.

Ici la crise du COVID19, pourtant éloignée de la problématique du cancer du sein, se trouve utilisée pour la promotion de son dépistage. De façon analogue a-t-on pu lire dans un article du Monde du 26 octobre 2020 (13) les propos suivants :

"Les chiffres sont aussi inquiétants s'agissant des dépistages, à l'arrêt pen­dant douze semaines. Le nombre de mammographies dans le cadre du dé­pistage organisé du cancer du sein de 50 à 74 ans s'est totalement effondré. Sur les seules régions Ile de France et Hauts­ de France, leur nombre est passé respec­tivement d’environ 14 000 et 9 000 de mi mars à début mai 2019 à zéro pen­dant le confinement, selon la Société française de radiologie."

Cet effondrement du dépistage qui inquiète tant le Pr Axel KAHN, permet dans un quotidien national de grand tirage d’affirmer à nouveau un mensonge : il n’y a rien d’inquiétant à ce qu’un dépistage qui n’a pas montré son bénéfice, ne soit plus réalisé.

ACTEURS MEDICAUX

Il est à noter que nombre de médecins qui font la promotion de ce dépistage, ont des liens d’intérêt très forts avec ce dernier.

La Société Française de Radiologie, trouve inquiétant que les chiffres de mammographies de dépistage se soient totalement effondrés. Mais est-ce la santé des femmes qui la préoccupe ? A moins que ce soient d'autres préoccupations, non médicales, qui tracassent cette société savante ? (14)

CONCLUSION

Ne nous laissons pas « aveugler » par la propagande. Soyons lucides et sachons déceler dans ces répétitions, encore et encore, portées par des médias plus soucieux de « buzz » que de travail critique, un effet de propagande.

Cette propagande et cette désinformation cesseront-elles un jour ? On peut en douter à la vue des dernières actualités. (5)

Et pourtant c’est le bien-être et la santé des femmes qui sont en jeu.

Références

(1) https://nospensees.fr/mensonge-repete-mille-se-transforme-t-verite/

(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Propagande#Techniques_de_propagande

(3) https://cancer-rose.fr/2020/10/19/histoire-du-depistage-mammographique/

(4) https://formindep.fr/cancer-du-sein-la-concertation-confisquee/

(5) https://cancer-rose.fr/2020/10/21/ligas-recommande-le-maintien-de-la-promotion-du-depistage-du-cancer-du-sein-par-mammographie-en-lintensifiant/

(6) https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/video-octobre-rose-axel-kahn-implore-les-femmes-de-se-faire-depister-le-covid-19-est-beaucoup-moins-grave-que-le-cancer-du-sein_4154331.html

(7) https://www.sudouest.fr/2020/10/24/cancer-du-sein-axel-kahn-lance-un-cri-d-alarme-pour-inciter-au-depistage-8000781-4696.php

(8) https://fr.news.yahoo.com/octobre-rose-axel-kahn-implore-085353145.html?

(9) https://www.europe1.fr/societe/debut-doctobre-rose-axel-kahn-alerte-sur-les-retards-de-diagnostic-des-cancers-du-sein-3995432

(10) https://www.topsante.com/medecine/cancers/cancer/covid-19-depistage-cancer-639344

(11) https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Deprogrammation-doperations-Linquietude-immense-malades-cancer-2020-10-27-1201121508

(12) http://www.francesoir.fr/opinions-tribunes/chronique-covid-ndeg34-le-geneticien-axel-kahn-president-de-la-ligue-contre-le

(13) https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/10/26/cancers-infarctus-avc-ces-pathologies-victimes-indirectes-du-covid-19_6057437_3244.html

(14) https://www.cairn.info/revue-les-tribunes-de-la-sante1-2016-3-page-21.htm#

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Carcinome in situ, le problème de son surdiagnostic lors des mammographies de dépistage

C.Bour, 21 octobre 2020

Qu'est-ce qu'un carcinome in situ ?

Le carcinome in situ (CIS) du sein est défini par la prolifération de cellules cancéreuses à l’intérieur d’un canal galactophore sans que les cellules ne dépassent la paroi du canal pour envahir le reste du sein.

Il est soit canalaire strict, se développant dans le canalicule excréteur du lait (carcinome canalaire in situ ou CCIS), ou bien dans le lobule, c'est à dire l'unité excrétrice autour du canalicule (carcinome lobulaire in situ ou CLIS).

Nous avons synthétisé les principales informations en un résumé pour une lecture rapide ici : https://cancer-rose.fr/2020/06/28/quest-ce-quun-carcinome-in-situ/

Dans la médiathèque vous trouverez également quelques exemples en images:

Un très intéressant blog de Donna Pinto y est consacré avec beaucoup d'informations très pratiques et utiles : https://dcis411.com/

Le carcinome canalaire in situ (CCIS) a été rarement diagnostiqué avant l'avènement du dépistage du sein, et à présent il représente 20 à 25% de tous les cancers du sein, cette augmentation étant directement corrélée à la surdétection par les programmes nationaux de dépistage systématique du cancer du sein. 

Pourtant, la plupart des lésions CCIS restent indolentes. 

Le problème

En dépit d'être une lésion pré-ou même non-invasive et bien que l'évolution naturelle de ce processus intracanalaire soit inconnue, le CCIS est encore considérée comme la forme précoce non obligatoire du (stade 0) cancer du sein. La crainte de ne pouvoir discerner les lésions inoffensives des formes potentiellement invasives conduit à proposer un traitement excessif de cette affection chez de nombreuses patientes.

Par conséquent la gestion classique, y compris en France, est de traiter toutes les lésions CCIS avec un traitement qui comprend soit une mastectomie, soit une chirurgie conservatrice du sein complétée par une radiothérapie. 

Le rapport Marmot au Royaume Uni ( rapport d'évaluation du dépistage, en 2012), a reconnu le fardeau du traitement excessif pour le bien-être des femmes[1].  En effet, les femmes atteintes de CCIS sont étiquetées comme «patientes cancéreuses», avec une anxiété concomitante malgré le fait que la plupart des lésions CCIS ne progresseront probablement jamais vers un cancer du sein invasif. ... Le traitement infligé (chirurgie et/ou radiothérapie) est donc excessif pour certaines, et vraisemblablement pour de très nombreuses femmes avec un fort impact négatif sur leur qualité de vie.

Cette forme particulière de cancer, que certains appellent "pré-cancer" ou "faux cancer" , et que certains considèrent même comme un non-cancer et seulement comme un marqueur de risque de cancer du sein, cette forme particulière alimente grandement le surdiagnostic, c'est à dire la découverte d'anomalies qui, si elles étaient restées méconnues, n'auraient jamais mis en danger la vie ou la santé de la femme.

Le problème du CCIS est qu'il est matérialisé très facilement par la mammographie en raison de son association avec des calcifications, que la mammographie détecte aisément.

Les données

Le nombre de femmes ayant reçu un diagnostic de CCIS au cours des dernières décennies suit en grande partie l'introduction du dépistage du cancer du sein en population, et ne fait que croître parallèlement à la participation au dépistage.[2] [3] [4] [5] [6]

Le taux standardisé européen (c'est à dire le taux ajusté à l'âge de la population européenne) des lésions in situ a quadruplé, passant de 4,90 pour 100 000 femmes en 1989 (représentant 4,5% de tous les diagnostics enregistrés comme cancer du sein) à 20,68 pour 100 000 femmes en 2011 (représentant 12,8% de tous les diagnostics de cancer du sein enregistrés[7] ). De toutes les lésions mammaires in situ signalées, 80% sont des CCIS.[8] [9]

Néanmoins, l'incidence de la mortalité par cancer du sein n'a pas diminué en même temps que la détection et le traitement du CCIS, ce qui indique que la prise en charge du CCIS ne réduit pas la mortalité spécifique par cancer du sein.

Un revue d'autopsies chez les femmes de tous âges a révélé une prévalence (cas existants) médiane de 8,9% (intervalle de 0 à 14,7%).  Pour les femmes âgées de plus de 40 ans, cette prévalence était de 7 à 39% [10] alors que le cancer du sein n'est diagnostiqué que chez 1% des femmes de la même tranche d'âge[11]. Ceci veut dire que ces lésions sont présentes de façon plus fréquente qu'on ne les diagnostique chez les femmes de la population vivante, et qu'un grand nombre de femmes sont porteuses de CCIS non détectés qui ne deviendraient jamais symptomatique, puisqu'on en trouve plus chez les femmes décédées d'autres causes que dans la population vivante dans le même temps.

le carcinome lobulaire classique in situ (LCIS), quant à lui, confère un risque de 1 à 2% par an de se développer en maladie invasive.[12] [13]

Ce qu'on sait aussi est que le grade du carcinome in situ trouvé n'est pas un bon indicateur fiable du risque de progression de cette lésion.[14] [15]

De plus les patientes diagnostiquées avec un CCIS ont un taux de survie spécifique au cancer du sein excellente d'environ 98% après 10 ans de suivi [16]  [17]  [18] [19] ainsi qu' une espérance de vie normale. Si le CCIS de bas grade (considéré comme une lésion à faible risque) évolue vers un cancer du sein invasif, il s'agira souvent d'une maladie invasive de grade inférieur, à croissance lente et détectable précocement, avec un excellent pronostic.

Mais malgré cet excellent pronostic et une espérance de vie normale, les femmes diagnostiquées avec un CCIS souffrent de stress et d'anxiété [20].  Des études rapportent que la plupart des femmes atteintes de CCIS (et de cancer du sein à un stade précoce) ont peu de connaissances sur leur état et ont des perceptions inexactes du risque de progression de leur maladie, et cette fausse perception est associée à une détresse psychologique importante.[21] [22] [23] [24] [25] [26]

Au regard de tous ces éléments on considère que la prise en charge actuelle du CCIS consiste en un traitement excessif.

Le problème du surtraitement

Actuellement, un traitement conservateur du sein pour le CCIS est fréquemment recommandé. Une mastectomie est conseillée si le CCIS est trop étendu pour permettre la conservation du sein. La radiothérapie est souvent associée, avérée efficace pour réduire le risque de récidive locale.

Mais on sait aussi que traiter les cancers canalaires in situ ne réduit pas la mortalité par cancer du sein ; également il est avéré que la prévention des récidives par radiothérapie ou mastectomie, elle non plus, ne réduirait pas le risque de mortalité par cancer du sein. Les traitements n'allongeraient pas non plus la survie ni au cancer du sein, ni la survie globale.[27]

En raison des effets secondaires de l'hormonothérapie et des résultats ambigus des essais cliniques, les femmes ménopausées atteintes de CCIS sont rarement traitées par endocrinothérapie dans de nombreux pays. 

Des pistes

Devant les résultats décevants de la prise en charge des carcinomes in situ sur la réduction des cancers invasifs, au vu de l'absence de retentissement sur la survie, de la mise en oeuvre de traitements finalement trop lourds pour les résultats observés, et au regard du retentissement psychologique majeur, plusieurs pays ont entrepris des essais cliniques visant à tester une simple surveillance active notamment pour le CIS de bas grade plutôt qu'un traitement agressif.

Trois essais cliniques ont randomisé des patientes avec CCIS à faible risque pour les répartir entre deux groupes, un groupe en surveillance active versus un groupe soumis au traitement standard. 

Un programme de recherche (PRECISION) a été initié, englobant ces 3 essais internationaux.

https://www.dcisprecision.org/wp-content/uploads/2020/08/DCIS-Nieuwsbrief-Final_140820.pdf

CONCLUSION

Il existe une incertitude sur la façon dont le CCIS se développe, et un consensus mondial fait défaut sur la meilleure façon de gérer cette lésion de manière optimale. 

Une meilleure compréhension de la biologie du CCIS et de l'évolution naturelle de la maladie est nécessaire pour aider les patients et les professionnels de santé à prendre des décisions de traitement plus éclairées, pour réduire le sur-traitement actuel du CCIS qui entraîne des dommages physiques et émotionnels pour les patients, et des coûts inutiles pour la société. 

Il est même urgent de recadrer les perceptions du risque auprès des patientes.

Les initiatives et les essais, on l'espère, contribueront à de meilleures connaissances et à une prise de décision éclairée entre les patients et les cliniciens.

Lire aussi : https://www.nature.com/articles/s41416-019-0478-6

Références


[1] Independent UK Panel on Breast Cancer Screening. The benefits and harms of breast cancer screening: an independent review. Lancet 380, P1778–P1786 (2012).

[2] Bleyer, A. & Welch, H. G. Effect of three decades of screening mammography on breast-cancer incidence. N. Engl. J. Med.367, 1998–2005 (2012).

[3] Bluekens, A. M., Holland, R., Karssemeijer, N., Broeders, M. J. & den Heeten, G. J. Comparison of digital screening mammography and screen-film mammography in the early detection of clinically relevant cancers: a multicenter study.Radiology 265, 707–714 (2012).

[4] Ernster, V. L., Ballard-Barbash, R., Barlow, W. E., Zheng, Y., Weaver, D. L., Cutter, G. et al. Detection of ductal carcinoma in situ in women undergoing screening mammography. J. Natl. Cancer Inst. 94, 1546–1554 (2002).

[5] Esserman, L. J., Thompson, I. M. Jr. & Reid, B. Overdiagnosis and overtreatment in cancer: an opportunity for improvement.JAMA 310, 797–798 (2013).

[6] Kuerer, H. M., Albarracin, C. T., Yang, W. T., Cardiff, R. D., Brewster, A. M., Symmans, W. F. et al. Ductal carcinoma in situ: state of the science and roadmap to advance the field. J. Clin. Oncol. 27, 279–288 (2009).

[7] https://www.nature.com/articles/s41416-019-0478-6

[8] Kuerer, H. M., Albarracin, C. T., Yang, W. T., Cardiff, R. D., Brewster, A. M., Symmans, W. F. et al. Ductal carcinoma in situ: state of the science and roadmap to advance the field. J. Clin. Oncol. 27, 279–288 (2009).

[9] Siziopikou, K. P. Ductal carcinoma in situ of the breast: current concepts and future directions. Arch. Pathol. Lab. Med.137, 462–466 (2013).

[10] Welch, H. G. & Black, W. C. Using autopsy series to estimate the disease ‘reservoir’ for ductal carcinoma in situ of the breast: https://www.acpjournals.org/doi/10.7326/0003-4819-127-11-199712010-00014

[11] Siziopikou, K. P. Ductal carcinoma in situ of the breast: current concepts and future directions. Arch. Pathol. Lab. Med. 137, 462–466 (2013).

[12] Lakhani, S. R., Audretsch, W., Cleton-Jensen, A. M., Cutuli, B., Ellis, I., Eusebi, V. et al. The management of lobular carcinoma in situ (LCIS). Is LCIS the same as ductal carcinoma in situ (DCIS)? Eur. J. Cancer 42, 2205–2211 (2006).

[13] Ottesen, G. L., Graversen, H. P., Blichert-Toft, M., Christensen, I. J. & Andersen, J. A. Carcinoma in situ of the female breast. 10 year follow-up results of a prospective nationwide study. Breast Cancer Res. Treat. 62, 197–210 (2000).

[14] Elshof, L. E., Schaapveld, M., Schmidt, M. K., Rutgers, E. J., van Leeuwen, F. E. & Wesseling, J. Subsequent risk of ipsilateral and contralateral invasive breast cancer after treatment for ductal carcinoma in situ: incidence and the effect of radiotherapy in a population-based cohort of 10,090 women.Breast Cancer Res. Treat. 159, 553–563 (2016).

[15] Bijker, N., Peterse, J. L., Duchateau, L., Julien, J. P., Fentiman, I. S., Duval, C. et al. Risk factors for recurrence and metastasis after breast-conserving therapy for ductal carcinoma-in-situ: analysis of European Organization for Research and Treatment of Cancer Trial 10853. J. Clin. Oncol.19, 2263–2271 (2001).

[16] Worni, M., Akushevich, I., Greenup, R., Sarma, D., Ryser, M. D., Myers, E. R. et al. Trends in treatment patterns and outcomes for ductal carcinoma in situ. J. Natl. Cancer Inst.107, djv263 (2015).

[17] Morrow, M. & Katz, S. J. Addressing overtreatment in DCIS: what should physicians do now? J. Natl. Cancer Inst. 107, djv290 (2015).

[18] Fisher, E. R., Dignam, J., Tan-Chiu, E., Costantino, J., Fisher, B., Paik, S. et al. Pathologic findings from the National Surgical Adjuvant Breast Project (NSABP) eight-year update of Protocol B-17: intraductal carcinoma. Cancer 86, 429–438 (1999).

[19] Elshof, L. E., Schmidt, M. K., Rutgers, E. J. T., van Leeuwen, F. E., Wesseling, J. & Schaapveld, M. Cause-specific mortality in a population-based cohort of 9799 women treated for ductal carcinoma in situ. Ann. Surg. 267, 952–958 (2017).

[20] Ganz, P. A. Quality-of-life issues in patients with ductal carcinoma in situ. J. Natl. Cancer Inst. Monogr. 2010, 218–222 (2010).

[21] Hawley, S. T., Janz, N. K., Griffith, K. A., Jagsi, R., Friese, C. R., Kurian, A. W. et al. Recurrence risk perception and quality of life following treatment of breast cancer. Breast Cancer Res. Treat. 161, 557–565 (2017).

[22] Ruddy, K. J., Meyer, M. E., Giobbie-Hurder, A., Emmons, K. M., Weeks, J. C., Winer, E. P. et al. Long-term risk perceptions of women with ductal carcinoma in situ. Oncologist18, 362–368 (2013).

[23] Liu, Y., Pérez, M., Schootman, M., Aft, R. L., Gillanders, W. E., Ellis, M. J. et al. A longitudinal study of factors associated with perceived risk of recurrence in women with ductal carcinoma in situ and early-stage invasive breast cancer. Breast Cancer Res. Treat. 124, 835–844 (2010).

[24] van Gestel, Y. R. B. M., Voogd, A. C., Vingerhoets, A. J. J. M., Mols, F., Nieuwenhuijzen, G. A. P., van Driel, O. J. R. et al. A comparison of quality of life, disease impact and risk perception in women with invasive breast cancer and ductal carcinoma in situ. Eur. J. Cancer 43, 549–556 (2007).

[25] Partridge, A., Adloff, K., Blood, E., Dees, E. C., Kaelin, C., Golshan, M. et al. Risk perceptions and psychosocial outcomes of women with ductal carcinoma in situ: longitudinal results from a cohort study. J. Natl. Cancer Inst. 100, 243–251 (2008).

[26] Davey, C., White, V., Warne, C., Kitchen, P., Villanueva, E. & Erbas, B. Understanding a ductal carcinoma in situ diagnosis: patient views and surgeon descriptions. Eur. J. Cancer Care 20, 776–784 (2011).

[27] https://jamanetwork.com/journals/jamaoncology/fullarticle/2427491

[28] Comparison of operative versus medical endocrine therapy for low risk DCIS: the COMET Trial. http://www.pcori.org/research-results/2016/comparison-operative-versus-medical-endocrine-therapy-low-risk-dcis-comet.

[29] Hwang, E. S., Hyslop, T., Lynch, T., Frank, E., Pinto, D., Basila, D. et al. The COMET (Comparison of Operative to Monitoring and Endocrine Therapy) Trial: a phase III randomized trial for low-risk ductal carcinoma in situ (DCIS). BMJ Open 9, e026797 (2019).

[30] Francis, A., Thomas, J., Fallowfield, L., Wallis, M., Bartlett, J. M., Brookes, C. et al. Addressing overtreatment of screen detected DCIS; the LORIS trial. Eur. J. Cancer 51, 2296–2303 (2015).

[31] Elshof, L. E., Tryfonidis, K., Slaets, L., van Leeuwen-Stok, A. E., Skinner, V. P., Dif, N. et al. Feasibility of a prospective, randomised, open-label, international multicentre, phase III, non-inferiority trial to assess the safety of active surveillance for low risk ductal carcinoma in situ - The LORD study. Eur. J. Cancer 51, 1497–1510 (2015).

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Histoire du dépistage mammographique

Dr M.Gourmelon, Dr C.Bour, 19 octobre 2020

Historique de mise en place du dépistage organisé du cancer du sein par mammographie

Cet article est le premier d’une série qui va démontrer que, en opposition totale aux preuves scientifiques qui s’accumulent avec le temps, les autorités françaises, sourdes et aveugles, continuent plus que jamais la promotion du dépistage du cancer du sein par mammographie.

Premier volet, le déroulement de la stratégie de mise en place du dépistage, son développement jusqu’à aujourd’hui

1-On assiste à une intensification du recours au dépistage par mammographie entre 1980 et 2000.

Mais déjà en 2001 des scientifiques ont fait paraître une méta-analyse qui remet en cause les réalités de ce dépistage. La HAS (Haute Autorité de Santé), début 2002 qui a évalué cette étude écrit : « La méta-analyse de Gotzsche et Olsen remet en cause le consensus sur l’efficacité du dépistage du cancer du sein. » et conclut « L’évaluation de la méta-analyse de Gotzsche et Olsen, réalisée par l’ANAES avec l’aide d’un groupe d’experts pluridisciplinaire, conclut qu’il n’est pas légitime de remettre en question les recommandations de l’ANAES en faveur du dépistage du cancer du sein. » (1)

2-Publication des taux d’incidence qui sont en croissance sévère, et de la mortalité qui est stable, dans une revue d’épidémiologie, laquelle demande des « changements importants dans la pratique médicale »et « une analyse plus approfondie. » (2)

3- Jacques CHIRAC annonce dans le premier plan cancer 2003/2007, mesure 21 « Respecter l'engagement de généralisation du dépistage organisé du cancer du sein d’ici fin 2003,

en impliquant la médecine générale et libérale. ». Ce sera chose faite avec en 2004 le lancement en France du dépistage organisé du cancer du sein par mammographie. (3)

4-Lucien ABENHAÏM, Directeur général de la santé et Président de la Commission d’Orientation sur le Cancer annonce que d’un point de vue scientifique, une controverse est ouverte (4) (5).

5- Parution d’un article, en 2003, du lanceur d’alerte Bernard JUNOD, épidémiologiste, ancien médecin enseignant et chercheur à l'Ecole des Hautes Etudes de Santé Publique de Rennes (6) relayé par une revue de santé publique française demandant à ne pas clore le débat. (7)

6-En 2004, le « British Medical Journal » publie des résultats démontrant le surdiagnostic du cancer du sein en Norvège et en Suède (8)

7-En 2006, article dans European Journal of Cancer (EJC) : les données officielles suédoises d’incidence et de mortalité sont incompatibles avec les résultats de l’essai des deux Comtés suédois (1985). Il consolide la méta-analyse de l’institut COCHRANE nordique de 2000. L’article est retiré puis re-publié. (9) (10)

8-Septembre 2006, l’Institut national du cancer (INCa) et l’institut de la veille sanitaire ont produit un document commun minimisant le surdiagnostic et mettant en doute la validité de l’article de l’EJC sur les biais de l’étude suédoise, et mentionne son retrait. (InVS, INCA. Dépistage du cancer du sein : que peut-on dire aujourd’hui des bénéfices attendus ? Septembre 2006. (11)

9-Malgré la re-publication de l’article, L’Institut National du Cancer et l’INstitut de la Veille Sanitaire ne sont pas revenus sur leurs affirmations.

Bien que les appels aient été de plus en plus pressants à partir de 2007, le débat sur la pertinence du dépistage du cancer du sein par mammographie, n’a pas été ouvert en France avant 2016.

10- de 2007 à 2009, différents dossiers de synthèse :

  • « L’Etat refuse le débat » Revue Prescrire ainsi que les dossiers Prescrire de 2006 avec leurs propres méta-analyses  (accès uniquement accessible aux abonnés)
  • « Aspects éthiques de l’ouverture d’un débat sur le dépistage du cancer du sein en France », module interprofessionnel de santé publique, ENSP, Rennes (12)
  • « Faut-il arrêter le dépistage du cancer du sein en France ? »-Revue Médecine (13)
  • L’action du Formindep (14)

11- En novembre 2011, la Haute Autorité de Santé se positionne clairement en faveur de la poursuite du dépistage :

« De ce point de vue, la HAS recommande aux pouvoirs publics : de maintenir le cap du dépistage organisé tout en le renforçant » (15)

Depuis cette date, la HAS n’a pas varié dans son soutien au dépistage (16)

Pourtant, des voix de plus en plus nombreuses affirment que le dépistage n’est pas bénéfique.

Un livre d’une kinésithérapeute Rachel CAMPERGUE a ainsi marqué les esprits en cette fin d’année 2011. (17)

12- Octobre 2012, Que choisir et Prescrire montent au créneau. 

On parle enfin du surdiagnostic (18)

13- Des liens d’intérêt très présents chez les partisans du dépistage :

Publication scientifique dans le Lancet, où ont été mises à jour les fausses déclarations d'intérêt de TABAR (19) qui était l'investigateur principal des essais suédois...

le Lancet et TABAR sont contraints d’effectuer des rectifications.

Le Docteur Jérome VIGUIER directeur du pôle santé publique et soins de l’Institut national du cancer jusqu’en fin décembre 2018:

  • Il est leader d’opinion et apparaît souvent dans les médias (20) (21)
  • Il est membre du conseil scientifique d’EDIFICE de Roche depuis 2007. (22)

Les enquêtes EDIFICE-Roche sont réalisées selon
« Une méthodologie robuste pour suivre l’évolution de l’adhésion au dépistage des cancers depuis dix ans. » -
(EDIFICE : Etude sur le dépistage des cancers et ses facteurs de compliance qui a pour objectif « d’agir pour favoriser le dépistage précoce des cancers et notamment ceux du sein, du colon et de la prostate. » )

14- Dès la mi 2013, la COCHRANE, collaboration indépendante de chercheurs nordiques, connue pour son sérieux et son indépendance vis à vis de tous les lobbies, publiait une étude qui fait encore aujourd’hui autorité sur le peu d’intérêt du dépistage du cancer du sein par mammographie (23)

15- La concertation citoyenne française conclut à l'arrêt du dépistage dans ces deux scénarios

(24) ;  voir page 132 du rapport :

Scénario 1 : arrêt du programme de dépistage organisé, la pertinence d’une mammographie étant appréciée dans le cadre d’une relation médicale individualisée.

Scénario 2 : Arrêt du dépistage organisé tel qu’il existe aujourd’hui et mise en place d’un nouveau dépistage organisé, profondément modifié.

16- Les « contre-feux » sont alors allumés :

  • Le président de l’INCa, Norbert IFRAH intervient sur le plateau du Magazine de la Santé de France 5 du 04 octobre 2016. (25)
  • La lettre du président de l’INCa à la Ministre, est censée faire la synthèse du rapport.

Norbert IFRAH y dénigre violemment le premier scénario qu’il rejette d’emblée.

Il affirme que « de l’aveu même des rédacteurs du rapport»… celui-ci serait « très risqué, générateur d’iniquités et de pertes de chance ». (26)

Mais on ne trouve nulle trace de ces propos dans le rapport de la concertation.

La préférence du président de l’INCa va au second scénario, qu’il ré-interprète de façon malhonnête (25), le réduisant à un simple ajustement des pratiques actuelles. Dans sa lettre sa on peut ainsi lire :

Or, rappelons-le, le deuxième scénario est formulée de la façon suivante :

La proposition de réajustement ne vient qu’en complément de l’arrêt du dépistage actuel.

Cette interprétation malhonnête n’est sûrement pas un hasard, elle s’inscrit dans la logique du Plan Cancer 2014-2019.

17- Mme la Ministre Touraine se félicite du bon déroulement d’Octobre Rose dans la presse et exprime, dans son communiqué de presse du 3 octobre 2016 « La meilleure chance pour guérir du cancer du sein, c’est le dépistage. Pourtant, encore trop peu de femmes, d’après les autorités, ont recours au dépistage organisé. » (27)

18- Le plan d’action en 12 points de Mme Marisol Touraine annonce en préambule (avril 2017)  (28):

 « Son dépistage (celui du cancer du sein NDLR) est donc un enjeu majeur de santé publique ; pour réduire la mortalité et la morbidité liées au cancer du sein, mais également pour améliorer la qualité des prises en charges des personnes concernées. »

19 -Mme Agnes BUZYN, ancienne présidente de l’INCa est nommée ministre de la santé en mai 2017,dans le premier gouvernement PHILIPPE du nouveau président de la république Emmanuel MACRON.

20- L’inspection de l’IGAS a été missionnée le 31 octobre 2019, par la ministre de la santé de l’époque le Dr Agnes BUZYN suite aux décisions du  comité de pilotage du plan cancer 2014/2019.

Au total, 20 ans de développement en France du dépistage du cancer du sein par mammographie, au mépris des connaissances scientifiques.

Prochain article : comment l’IGAS, dans son rapport d’inspection, valide la stratégie de propagande du dépistage du cancer du sein par mammographie en demandant son intensification « ...quelles que soient ses modalités... » .

Références

(1) https://www.has-sante.fr/jcms/c_433803/fr/depistage-du-cancer-du-sein-par-mammographie-evaluation-de-la-meta-analyse-de-gotzsche-et-olsen

(2) Remontet L, Esteve J, Bouvier AM, et al. Cancer incidence and mortality in France
over the period 1978-2000. Rev Epidemiol Sante Publique, 2003, 51, 3-30.

(3) https://www.e-cancer.fr/content/download/59052/537324/file/Plan_cancer_2003-2007_MILC.pdf

(4)  Abenhaim L. Progrès contre le cancer ! Rev Epidemiol Sante Publique 2003, 3-30

(5) Abenhaïm L. Rapport de la Commission d'orientation sur le cancer. Ministère de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées, janvier 2003, 336 p.)

(6) Junod B, Masse R. Dépistage du cancer du sein et médicalisation en santé publique.
Santé publique 2003, 2, N°15 :125-129.

(7) Alla F, Deschamps JP. Dépistage des cancers : ne pas clore le débat… » Santé
Publique 2/2003 (Vol 15), p.123-124.

(8) Zahl PH, Strand GH, Maehlen J. Incidence of breast cancer in Norway and Sweden
during introduction of nationwide screening : prospective cohort study. BMJ 2004 Apr 17 ;328(7445) :921-4.

(9) Zahl PH, Gotzsche PC, Andersen JM, Maehlen J. Withdrawn : Results of the Two-County trial of mammography screening are not compatible with contemporaneous official Swedish breast cancer statistics. Eur J Cancer. 2006 Mar 9. Epub ahead of print.

(10) Zahl PH, Gotzsche PC, Andersen JM, Maehlen J. Results of the Two-County trial of
mammography screening are not compatible with contemporaneous official Swedish breast cancer statistics. Dan Med Bull. 2006 Nov ;53(4) :438-40.

(11) http://www.invs.sante.fr/publications/2006/cancer_sein_inca/cancer_sein_inca_invs.pdf

Document n’est plus accessible suite à son remplacement par Santé Publique France dès 2016.

(12) https://documentation.ehesp.fr/memoires/2007/mip/groupe_23.pdf

(13)https://www.jle.com/fr/revues/med/e-docs/faut_il_arreter_le_programme_francais_de_depistage_du_cancer_du_sein_par_mammographie__271191/article.phtml

(14) https://formindep.fr/?s=d%C3%A9pistage+cancer+sein

(15) https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2012-02/fiche_de_synthese_-_4_pages_-_participation_depistage_cancer_du_sein_2012-02-03_09-41-16_837.pdf

(16) https://www.has-sante.fr/jcms/fc_2875171/fr/resultat-de-recherche-antidot-2019?text=depistage+du+cancer+du+sein&tmpParam=&opSearch=&types=guidelines

(17) https://formindep.fr/no-mammo-enquete-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein/

(18 ) https://www.quechoisir.org/action-ufc-que-choisir-information-autour-du-depistage-du-cancer-du-sein-les-epines-d-octobre-rose-n13783/

(19) https://formindep.fr/le-prestigieux-the-lancet-pris-en-defaut/

(20) https://www.youtube.com/watch?v=YxUqlGykMRw

(21) https://www.youtube.com/watch?list=PLdfhbAjnzbSnotLJaCVXunWbGakt21am_&v=6pwhVxZN7zg

(22) https://www.roche.fr/fr/pharma/cancer/depistage-cancers-france/depistage-cancer-sein.html

(23) https://www.cochrane.org/fr/CD001877/BREASTCA_depistage-du-cancer-du-sein-par-mammographie

(24) https://cancer-rose.fr/wp-content/uploads/2019/07/depistage-cancer-sein-rapport-concertation-sept-2016.pdf.

(25) https://formindep.fr/cancer-du-sein-la-concertation-confisquee/

(26) https://www.atoute.org/n/IMG/pdf/Courrier-Ministre-concertation-depistage-cancer-sein---.pdf

(27) http://solidarites-sante.gouv.fr/archives/archives-presse/archives-communiques-de-presse/article/marisol-touraine-salue-la-mobilisation-contre-le-cancer-du-sein-et-engage-la

(28) http://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/plan-actions-renov-cancer-sein-2.pdf

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Inefficacité de la mammographie de dépistage pour détecter les cancers les plus graves

https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2770959

publiée le 25 septembre 2020 ;

Saroj Niraula, MD, MSc1,2Natalie Biswanger, BSc3PingZhao Hu, PhD4; et alPascal Lambert, MSc2Kathleen Decker, PhD2,5

  • 1 Section d'oncologie médicale et d'hématologie, Université du Manitoba, Winnipeg, Manitoba, Canada
  • 2 Institut de recherche en oncologie et hématologie, CancerCare Manitoba, Winnipeg, Manitoba, Canada
  • 3 Programme de dépistage du cancer, CancerCare Manitoba, Winnipeg, Manitoba, Canada
  • 4 Département de biochimie et de génétique médicale, Université du Manitoba, Winnipeg, Manitoba, Canada
  • 5 Département des sciences de la santé communautaire, Université du Manitoba, Winnipeg, Manitoba, Canada

Synthèse Dr C.Bour

Objectif de l'étude   

Evaluer les différences et les similitudes des caractéristiques et les résultats des cancers du sein détectés par le dépistage mammographique par rapport à ceux détectés entre les mammographies de dépistage (c'est à dire les cancers d'intervalle) chez les femmes participant à un programme de dépistage.

Résultats de l'étude

 Dans cette étude de cohorte portant sur 69 025 femmes, les cancers du sein d'intervalle représentaient un quart des cancers du sein chez les femmes soumises au dépistage systématique, et étaient 6 fois plus susceptibles d'être de grade III (haut grade) et présentaient 3,5 fois plus de risques de décès par cancer du sein par rapport aux cancers détectés lors du dépistage.

Interprétation :   

L'hétérogénéité du cancer du sein contredit l'hypothèse selon laquelle la mammographie de dépistage sous sa forme actuelle est efficace. D'autres stratégies en dehors de la mammographie de dépistage sont nécessaires pour prévenir, détecter et éviter les vrais cancers qui tuent, à savoir les cancers du sein d'intervalle, ratés par le dépistage et plus mortels.

Explication :

Le cancer du sein ne suit pas le schéma linéaire est mécanique qu'on lui supposait.

L'histoire naturelle du cancer

L'hypothèse d'un cancer maîtrisable parce qu'on l'aura débusqué tout petit paraît intuitive, elle est flatteuse, mais contredite par l'observation (cas cliniques, études d'autopsies). En matière de dépistage du cancer du sein, on a à faire encore de nos jours à une véritable croyance, sous-tendue par des mantras répétés à l'envi comme "le cancer peut frapper à toutes les portes", "plus petit c'est mieux c'est", "prévenir c'est guérir". L'est-ce vraiment ?

Ces poncifs se basent sur une théorie linéaire et mécaniciste de l'histoire naturelle du cancer.

On pense que le cancer évolue de façon inéluctable selon un schéma tout tracé. Cellule cancéreuse, puis nodule, puis gros nodule, puis envahissement loco-régional puis métastases avec décès inéluctable.

Mais la réalité est bien plus complexe. :

Petit ne signifie pas pris à temps, il peut s'agir simplement d'un cancer quiescent, peu ou jamais évolutif, régressif même, qu'on aura débusqué lors du dépistage mais qui n'aurait jamais tué.

Ou au contraire, il peut être déjà métastatique au moment de son diagnostic alors que de petite taille ou parfois même occulte.

Gros ne signifie pas pris trop tard, mais simplement le fait d'un cancer véloce qui sera gros au moment du diagnostic parce qu'à croissance rapide. En général ces lésions sont en moyenne plus agressives c'est vrai, mais ce n'est pas absolu. De volumineux cancers chez des femmes âgées renonçant à consulter peuvent avoir des répercussions locales importantes comme des érosions à la peau ou des rétractions importantes, mais sans avoir essaimé à distance. Nous voyons tous les jours ces cas en consultation que nous jugeons "paradoxaux".

Tous les cancers n'évoluent pas et la majorité ne devient pas métastatique, ils peuvent stagner, régresser, avancer tellement lentement que la patiente décèdera d'autre chose avant.

On le voit, l'histoire naturelle du cancer du sein n'obéit pas à la théorie pré-établie, au modèle intellectuel qui correspond à ce que les théoriciens ont opportunément imaginé pour coller à leur vision simpliste.

Voir la présentation destinée aux femmes que je présentée lors de diverses réunions d'information.

Lire aussi ceci pour bien comprendre : https://cancer-rose.fr/2017/06/10/les-petits-cancers-du-sein-sont-ils-bons-parce-quils-sont-petits-ou-parce-quils-sont-bons/

Ici les auteurs aboutissent à cette conclusion : beaucoup des petites tumeurs détectées de façon excessive par le dépistage ont un très bon pronostic en raison d'une croissance intrinsèquement lente, qui fait qu'elles n'ont pas vocation à devenir de grosses tumeurs et qu'elles sont de par nature favorables. Ce sont elles qui constituent un surdiagnostic résultant directement de l'activité de dépistage. Elles ne se développeront pas assez pour être dangereuses.

A l'inverse, les tumeurs de grande taille, responsables des décès et le plus souvent à pronostic défavorable le sont aussi d'emblée, elles échappent malheureusement à la détection mammographique en raison d'une cinétique de croissance trop rapide.

Une étude antérieure analogue :

L'étude de cohorte de Sarauj Niraula et col. n'est pas sans rappeler la très importante et exhaustive étude de Pr.Autier. Le dépistage mammographique : un enjeu majeur en médecine 

https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959804917313850

Un chapitre dans cette revue d'envergure concerne la particularité des cancers détectés lors du dépistage mammographique, qui sont des cancers moins agressifs et de meilleur pronostic ; ce sont ceux qui sont "sélectionnés" par le dépistage, dont la moitié seraient des surdiagnostics, des diagnostics inutiles qui n'auraient jamais tué leur porteuse..

La mammographie présente une sensibilité élevée pour les cancers canalaires in situ par exemple, et une sensibilité relativement faible pour certains cancers agressifs comme le cancer du sein ‘triple négatif ‘ . La mammographie ne détecte pratiquement pas  les carcinomes lobulaires in situ ou invasifs qui représentent 8-14% de tous les cancers du sein. Les carcinomes lobulaires s’infiltrent dans les tissus sans former de masses, ce qui rend difficile leur détection par mammographie.

Comparativement aux cancers d’intervalle, c.à d. ceux qui progressent vite entre deux mammographies, échappent au dépistage et qui présentent des caractéristiques agressives, les cancers invasifs détectés par mammographie présentent, eux, les caractéristiques cliniques et anatomo-pathologiques de tumeurs moins agressives. De plus, après examen des caractéristiques de ces tumeurs et de l’extension de la maladie au moment du diagnostic, le risque de mourir d’un cancer du sein dépisté est inférieur au risque de décéder d’un cancer d’intervalle..

Les auteurs de cette étude écrivaient encore que les cancers d’intervalle étaient similaires aux cancers du sein diagnostiqués en l’absence du dépistage. 

Alors, si les cancers d’intervalle sont similaires aux cancers diagnostiqués en l’absence de tout dépistage, et si les cancers dépistés ont en moyenne un meilleur pronostic que les cancers d’intervalle, il s’ensuit logiquement qu’une proportion de cancers dépistés sont des cancers non mortels qui n’auraient jamais été symptomatiques durant la vie de la femme. Ces lésions ont les caractéristiques morphologiques de cancer au microscope, mais seraient restées asymptomatiques au cours de la vie de la femme si le dépistage n’avait pas eu lieu. 

Les auteurs ajoutent : "Le surdiagnostic du cancer correspond à l’excès de cancers chez les femmes invitées au dépistage divisé par le nombre total de cancers qui auraient été diagnostiqués en l’absence de dépistage (sur une population de même profil, de même tranche d’âge, sans dépistage)."

"Si on calcule le surdiagnostic en utilisant le nombre de cancers détectés au dépistage comme dénominateur, alors pour 100 cancers du sein dépistés par dépistage, 30 à 50 seraient surdiagnostiqués."

Notre conclusion

On voit bien que le cancer du sein est une maladie très hétérogène;  des cancers indolents avec probabilité de meilleurs résultats de guérison sont facilement détectés par la mammographie de dépistage, augmentant abusivement l'incidence globale du cancer du sein, donnant l'illusion qu'il y en a toujours davantage alors que c'est ce procédé de santé publique qui les génère. Et donnant aussi l'illusion que le taux de guérison s'améliore, alors que tous ces cancers n'auraient jamais tué leur hôte. Bon nombre des formes agressives et mortelles de cancers du sein passent en revanche inaperçues à la mammographie ou se développent dans l'intervalle entre les mammographies. 

L'amélioration des décès par cancer du sein et de la mortalité globale de la population nécessite d'autres stratégies, en particulier une meilleure connaissance de l'histoire naturelle du cancer, ce qui suppose de revenir aux études fondamentales sur les modèles de croissance des cancers.

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