Dix principes utiles aux patients

13 oct. 2022

Dix principes de littératie en santé que doivent connaître les patients atteints de cancer

par Bishal Gyawali

Traduction de l'article par Cancer Rose

Bishal Gyawali, MD, PhD, est professeur associé en oncologie médicale et en sciences de la santé publique et scientifique à la Division des soins du cancer et épidémiologie de l'Université Queen's, à Kingston, au Canada.

L'époque du "Docteur, faites ce que vous pensez être le mieux pour moi" disparaît peu à peu en oncologie.  Les décisions de traitement deviennent plus variées et plus complexes, et les patients sont invités à prendre une part plus active à la prise de décision concernant leur propre santé.

En tant qu'oncologue médical, je vois tous les jours des patients qui se retrouvent face à une myriade de choix - allant des plans de traitement aux effets secondaires, en passant par la qualité de vie et le pronostic - qu'on leur demande d'envisager alors qu'ils sont confrontés au cancer.

Je décris ci-dessous dix principes de littératie* en matière de santé qui, je l'espère, permettront aux patients et à leurs porte-parole d'être informés et de participer activement à ces importantes décisions concernant leur vie.

* littéracie en santé : capacité d’un individu à trouver de l’information sur la santé, à la comprendre et à l’utiliser dans le but d’améliorer sa propre santé ou de développer son autonomie dans le système de santé. 

  1. Le critère d'évaluation est-il important pour vous ?

De nombreuses recommandations de traitement sont formulées sur la base des résultats d'essais cliniques. Cependant, les essais cliniques peuvent mesurer des choses qui n'ont pas d'importance pour vous.
Par exemple, pour un patient atteint d'un cancer avancé, le plus important peut être de savoir si l'intervention améliore la longévité ou la qualité de vie.
Cependant, les essais peuvent se contenter de mesurer si le médicament réduit la tumeur. Une réduction de la tumeur n'est pas toujours synonyme d'une vie plus longue ou meilleure. Il est important de bien comprendre quels sont les avantages et les risques du traitement qui sont démontrés et ceux qui ne sont que supposés.

2. Mourir avec un cancer n'est pas la même chose que mourir du cancer.

Être diagnostiqué avec un cancer ne signifie pas nécessairement que le cancer sera la cause du décès. Certains cancers progressent si lentement que d'autres causes - par exemple un accident vasculaire cérébral - peuvent entraîner la mort avant que le cancer ne devienne fatal.
C'est également la raison pour laquelle de nombreux tests de dépistage du cancer peuvent ne pas être utiles. Par exemple, le dépistage du cancer de la thyroïde n'est pas recommandé car, bien que certaines masses thyroïdiennes puissent être détectées lors du dépistage, elles ne sont pas forcément suffisamment agressives pour causer des problèmes au cours de la vie.
Ces tests inutiles sont pourvoyeurs de surdiagnotics

Pour les patients déjà atteints d'un cancer métastatique, il est également inutile de subir des tests de dépistage d'autres cancers, car tout nouveau cancer diagnostiqué sera vraisemblablement moins agressif que le cancer métastatique déjà existant.
Voir comment se développe un cancer

3. Des valeurs différentes selon les personnes

Même lorsque la survie est le critère d'évaluation des essais, chaque personne y attache une valeur différente. Le degré d'importance accordé à l'amélioration de la survie de 3 mois versus les répercussions des traitements toxiques varie d'un patient à l'autre.
Certains patients peuvent préférer faire un compromis sur la survie s'ils ont la possibilité de passer leur fin de vie avec les membres de leur famille et leurs amis.
Les coûts cachés du traitement (déplacements vers les centres anticancéreux, temps, coûts financiers, etc.) doivent tous être pris en compte dans la prise de décision.

4. Il y a toujours des incertitudes en médecine

En médecine, il est impossible de garantir les résultats individuels. Combien de temps allez-vous vivre ? Ce traitement va-t-il vous être bénéfique ? Il n'y aura jamais de réponses catégoriques à ces questions. Cependant, vous pouvez demander une plage de résultats probables, comme le meilleur et le pire des scénarios et le scénario le plus courant. Cela vous aidera à prendre votre propre décision quant aux différents choix possibles.

5. La somme des anecdotes ne signifie pas des données probantes

Les gros titres sensationnels tels que "un nouveau médicament miracle guérit le cancer" sont généralement basés sur une étude de cas portant sur une poignée de patients. Parfois, des personnalités font la promotion de certains tests ou traitements parce qu'elles pensent que ces interventions leur ont sauvé la vie. Cependant, le problème avec de telles histoires est qu'il y a un biais de sélection - plusieurs centaines et milliers d'autres personnes qui subissent un test ou un traitement similaire n'en tireront aucun bénéfice et pourraient en fait subir des préjudices. Or, ces personnes n'ont pas la motivation nécessaire pour apparaître dans les médias afin d'exposer la futilité ou les inconvénients de ces interventions.

Un guide utile : https://cancer-rose.fr/2021/06/05/un-guide-de-la-sante-et-de-la-medecine-du-gijn/

6. Quelle est l'alternative ?

Il est important de se demander ce qui se passerait en l'absence d'intervention. Que se passerait-il si vous ne subissiez pas le test de dépistage ou si vous ne subissiez pas l'opération ou ne preniez pas le médicament ? Ces questions de type "et si" sont importantes pour prendre des décisions et les réponses à ces questions de type "et si" proviennent d'essais randomisés.

Lire "qu'est-ce qu'il se passe si je ne me fais pas dépister?"

7. Il est difficile d'établir la causalité sans un essai randomisé.

Seul un essai randomisé** permettrait de connaître au mieux le scénario alternatif.
Les essais randomisés attribuent de manière aléatoire la moitié des patients à l'intervention et l'autre moitié aux soins standard (le groupe témoin) et comparent les résultats. Cette randomisation garantit que les patients du groupe d'intervention ne sont pas systématiquement différents de ceux du groupe témoin, de sorte que la différence dans les résultats peut être présumée due à l’intervention, qui peut être évaluée statistiquement.
Sans ces essais randomisés, il est difficile de se prononcer sur le fait de savoir si un résultat observé est dû à l'intervention ou au seul hasard. Ainsi, lorsqu'une intervention est recommandée, vous devez demander si elle a été évaluée dans le cadre d'un essai randomisé.

**L’essai randomisé contrôlé est une technique qui consiste à sélectionner de façon aléatoire, à partir d’une population admissible, le groupe "expérimental" qui bénéficiera de l'intervention (par exemple le dépistage), et le groupe "contrôle" qui servira de témoin, ou de point de comparaison, afin d’évaluer l’effet de cette intervention.
Les populations des deux groupes sont composées d'individus tirés au sort, mais on a fait en sorte que tous les individus admissibles à l'essai soient
 proches dans leurs caractéristiques de base dont les caractéristiques démographiques comme l'âge ou le sexe p.ex. afin qu'on ne puisse pas attribuer les différences constatées entre les deux groupes à d'autres facteurs sociaux ou physologiquesNDLR

Voir aussi un guide utile : https://cancer-rose.fr/2021/06/05/un-guide-de-la-sante-et-de-la-medecine-du-gijn/

8. Statistiquement significatif n'est pas la même chose que cliniquement pertinent

On lit souvent à la une des journaux : "Le médicament X a amélioré de manière significative la survie par rapport au traitement standard".
Ici, le terme "significativement" signifie généralement "statistiquement significatif". Cela signifie simplement que la différence de survie est probablement due au médicament plutôt qu'au hasard. Cependant, l'amélioration de la survie pourrait n'être que de quelques jours. Elle peut être statistiquement significative et réelle, mais elle peut ne pas être pertinente du tout.
Il est arrivé que des médicaments contre le cancer soient approuvés en raison de résultats statistiquement significatifs qui n'ont aucune pertinence clinique, comme le retardement de la progression de seulement trois jours !

9. Attention aux risques relatifs et absolus

Un nouveau traitement contre le cancer peut prétendre améliorer la survie de 50 %. Cette amélioration peut sembler être un avantage énorme à première vue, mais il pourrait s'agir simplement d'une prolongation de la survie de deux à trois mois.
De même, une déclaration peut affirmer que "seuls deux patients de l'essai ont souffert d'effets secondaires graves". Cependant, il pourrait s'agir de deux patients sur 100, soit un risque de deux pour cent, ce qui peut être considérable lorsque le traitement est proposé à plusieurs milliers de patients.

Lire : "la mauvaise statistique du mois"

10. Les décisions au niveau individuel et au niveau de la population peuvent ne pas être alignées

Les décisions politiques doivent être prises au niveau de la population sur la base de données. Cela diffère des décisions prises au niveau individuel, qui peuvent être fondées sur des valeurs.
Un individu peut penser que cela vaut la peine de suivre une thérapie toxique pendant un an pour réduire de 5 % le risque de rechute du cancer, mais pour d'autres, cela peut sembler trop risqué pour un bénéfice trop faible.
Un pays peut décider que payer 100 000 dollars pour un mois de vie supplémentaire ne vaut pas la peine, alors qu'un individu peut penser que la vie humaine n'a pas de prix.
Il est important de séparer les données des jugements de valeur, en particulier pour les décisions prises au niveau de la population.

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Les mini actus d’octobre 2022

Synthèse Dr C.Bour, 20 octobre 2022

1°-Nous commençons par un article dans Medscape, rédigé par Ryan Syrek
directeur éditorial, de Medscape US, sur les troubles sexuels et l'image de soi dégradée chez les femmes traitées pour cancer du sein, et souvent celles par hormonothérapie.

C'est un sujet quasi tabou et bien évidemment insuffisamment traité. La préoccupation de l'auteur concerne l'engouement pour certaines thérapeutiques au bénéfice douteux voire inexistant. Il souligne aussi le surtraitement chez des femmes atteintes de CCIS (carcinome in situ) qui "sont généralement mal informées de leur diagnostic et prennent des décisions de traitement non éclairées."
L'information insuffisante des femmes saines (en rapport avec le dépistage) ainsi que des femmes atteintes (sur leurs possibilités thérapeutiques), ne peut qu'être encore une fois déplorée.

Mais quels sont les freins à informer dûment les femmes ; paresse ? Manque de temps ? Ou bien aussi une considération persistante patriarcale selon laquelle les femmes sont insuffisamment armées pour comprendre ou décider, et qu'il faut leur éviter toute surcharge cognitive ? On caricature en disant cela ? Pas du tout, l'art de la manipulation des femmes a même donné lieu à une véritable étude : https://cancer-rose.fr/2020/09/02/manipulation-de-linformation-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein-comme-thematique-scientifique/

Nous rajouterons également que l'information doit déjà au préalable être axée sur les risques du dépistage en général, et en particulier sur le surdiagnostic, celui-ci étant très largement alimenté par la découverte de très nombreux carcinomes "in situ" (voir article FAQ) qui dans leur très grande majorité n'impactent pas les femmes, mais qui sont malheureusement majoritairement détectés par les mammos répétées.

2°-Dans le BMJ, des auteurs posent la question sur la connaissance du surdiagnostic par les médecins, ce qui devrait être un pré-requis pour pouvoir l'expliquer aux patiente.... Une étude est en cours, présentée ici : https://bmjopen.bmj.com/content/12/10/e054267.info

Le titre est "Les médecins et autres professionnels de la santé connaissent-ils le surdiagnostic dans les examens de dépistage et quelle attitude adoptent-ils à cet égard ? Un protocole pour une revue systématique à méthodes mixtes"
PAr Piessens V, Heytens S, Van Den Bruel A, et al : "Do doctors and other healthcare professionals know overdiagnosis in screening and how are they dealing with it? A protocol for a mixed methods systematic review"  BMJ Open 2022;12:e054267. doi:10.1136/bmjopen-2021-054267

Les médecins et autres professionnels de la santé connaissent-ils le surdiagnostic dans les examens de dépistage et quelle attitude adoptent-ils à cet égard ?
Introduction : Le surdiagnostic est le diagnostic d'une maladie qui n'aurait jamais causé aucun symptôme ou problème. Il s'agit d'un effet secondaire néfaste du dépistage, qui peut entraîner des traitements, des coûts et des inconvénients émotionnels inutiles. Les médecins et autres professionnels de la santé (PSS) ont la possibilité de limiter ces conséquences, non seulement en informant leurs patients ou le public, mais aussi en adaptant les méthodes de dépistage, voire en évitant le dépistage. Cependant, il n'est pas clair dans quelle mesure les professionnels de santé sont conscients du surdiagnostic et si cela affecte leurs décisions de dépistage. Cette revue systématique a pour but de synthétiser toutes les recherches disponibles sur ce que les professionnels de santé savent et pensent du surdiagnostic, comment cela affecte leur attitude vis-à-vis de la politique de dépistage et s'ils pensent que les patients et le public devraient être informés à ce sujet.

Méthodes et analyse Nous rechercherons systématiquement dans plusieurs bases de données (MEDLINE, Embase, Web of Science, Scopus, CINAHL et PsycArticles) les études qui examinent directement les connaissances et les perceptions subjectives des HCP sur le surdiagnostic dû au dépistage dans le domaine de la santé, de manière qualitative et quantitative. Nous optimiserons notre recherche en examinant les listes de références et de citations, en contactant des experts dans le domaine et en recherchant manuellement les résumés de la conférence annuelle Preventing Overdiagnosis.

Après sélection et évaluation de la qualité, les auteurs se proposent d'analyser les résultats qualitatifs et quantitatifs, les données seront examinées et présentées de manière descriptive.

3°-Dans les Annals of Internal Medicine est présentée une initiative dont notre Institut National du Cancer pourrait s'inspirer. https://www.acpjournals.org/doi/10.7326/M22-1139

Pour les auteurs, Aruna Kamineni, V. Paul Doria-Rose, Jessica Chubak, et al, le dépistage du cancer ne devrait être recommandé que lorsque la balance entre les bénéfices et les risques est favorable. La revue ici présentée évalue comment les lignes directrices américaines sur le dépistage du cancer rapportent les risques.
Objectif : Décrire les pratiques actuelles de communication et identifier les possibilités d'amélioration.
Conception : Examen des lignes directrices.
Contexte :États-Unis, étude financée par l'Institut du Cancer américain.
Patients : Patients éligibles pour le dépistage du cancer du sein, du col de l'utérus, du cancer colorectal, du poumon ou de la prostate selon les directives américaines.

En voici les résultats :
La déclaration des risques n'est pas uniforme pour tous les types d'organes et à chaque étape du processus de dépistage du cancer. Les lignes directrices ne signalent pas tous les risques pour un type d'organe spécifique ou pour une catégorie de risques dans tous les types d'organes. Les lignes directrices sur le dépistage du cancer de la prostate sont les plus complètes et celles sur le dépistage du cancer colorectal sont les moins complètes. La conceptualisation des risques et l'utilisation de données probantes quantitatives diffèrent également selon le type d'organe.

Les auteurs concluent :
Cette étude a permis d'identifier des possibilités d'améliorer la conceptualisation, l'évaluation et la communication des risques liés au processus de dépistage dans les lignes directrices.
Les travaux futurs devraient tenir compte des nuances associées à chaque processus de dépistage du cancer propre à un organe, y compris les risques les plus importants et les lacunes en matière de données probantes, et explorer explicitement la façon de pondérer de manière optimale les données probantes disponibles pour déterminer les bénéfices nets du dépistage.
L'amélioration de la communication des risques pourrait faciliter la prise de décisions éclairées et, en fin de compte, améliorer la pratique du dépistage du cancer.

4°-Pour finir, citons encore deux publications, une "lettre pour l'éditeur" par Rani Marx (Medical Decision MakingVolume 42, Issue 8, November 2022, Pages 1041-1044)
et un editorial récent, par Marilyn M. Schapira, professeure de médecine en Pennsylvanie  and Katharine A. Rendle, professeure adjointe de médecine familiale et santé communautaire à l'école de médecine Perelman (Pennsylvanie), plaidant tous les deux pour une prise de conscience de la nécessité d'une désescalade des dépistages et du changement nécessaire, pour le bénéfice des femmes.

Dans sa lettre « Overscreening for Women's Cancer: Time for Change » ( "sur-dépistage des cancers féminin : il est temps de changer"), Dr Marx, épidémiologiste et patiente, relate :
"Le dépistage inutile et potentiellement dangereux du cancer chez les femmes est un fardeau pour les soins de santé et nuit probablement aux patientes." L'auteure dénonce "des tests abondants, malgré des preuves rares sur l'amélioration de la santé de la population ou la réduction de la mortalité..."

Elle raconte d'ailleurs sa propre expérience en 2020.

Dans son commentaire « Overscreening for Women's Cancer: Time for Change », le Dr Rani Marx aborde le problème complexe de la prise de décision éclairée et fondée sur des valeurs en matière de santé des femmes. Forte de son expérience en recherche sur les services de santé et en épidémiologie, mais aussi de sa propre expérience de 'patiente', la Dre Marx relate ses tentatives frustrantes au cours de sa vie de dépistage pour engager les cliniciens dans la prise en considération des risques, de la balance bénéfices- risques. Elle expose les compromis impliqués dans les prises de décisions lors des tests de dépistage du cancer.
Lorsqu'on leur demande, explique Dr Marx, de nombreux patients et cliniciens acceptent et reconnaissent la nécessité de désamorcer les soins lorsqu'ils sont soutenus par des preuves scientifiques, et d'entamer un processus de prise de décision éclairée et partagée.

L'éditorial de Schapira et Rendle lui, plaide pour relever le défi de la désescalade : un changement à plusieurs niveaux est nécessaire pour améliorer la pratique clinique. Ces améliorations doivent porter sur les lignes directrices, sur des efforts de consensus de ces directives, et sur des processus de prises de décision partagées entre une femme et son clinicien, pour aboutir à des décisions de dépistage individualisées qui reflètent les valeurs et les préférences de la femme.

C'est ce que la concertation citoyenne demandait, mais le chemin est bien long, et la prise de décision partagée apparaît un mirage lorsqu'on voit les spots télévisés incitatifs de l'INCa pour les femmes ou les documents d'information de l'institut encore insuffisamment pondérés et peu diserts sur le descriptif des risques du dépistage.

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Le nouveau livret de l’INCa 2022

15 octobre 2022

Nous avions réalisé une analyse critique en 2017 sur le livret d'information de l'Institut National du Cancer (INCa) pour les femmes concernant le dépistage du cancer du sein et qui leur était envoyé avec leur première convocation.

Le score de qualité de l'information à l'époque n'était pas brillant.. Une nouvelle édition 2022 a été mise en ligne à la disposition des femmes. Nous allons comparer les ajustements et examiner l'actualisation qui a été faite entre les deux éditions.

Notre patiente référente Sophie s'est penchée sur un travail comparatif entre les deux livrets pour voir l'évolution de la communication de l'INCa, elle en a réalisé une analyse que nous restituons ci-dessous.

Les points négatifs

1)  Envoi du livret une seule fois à 50 ans ; ensuite est envoyé un dépliant à chaque dépistage qui ne mentionne aucun des risques du dépistage et qui renvoie vers un site internet. Au fil des années il est clair que le message ancré qui restera dans les esprits sera celui du dépliant , sans présentation des risques qui seront complètement oubliés.

2) Dans les bénéfices, mise en avant de la survie à 5 ans, qui n'est pas un indicateur d'efficacité du dépistage.

3) La baisse de mortalité est exprimée en pourcentage de réduction relative (15-21%)  alors que le pourcentage du surdiagnostic l'est en pourcentage absolu (10- 20%), ce n'est pas comparable. Ce travers est déjà présent dans le livret de 2017.

ATTENTION : 20% de diminution de mortalité par cancer ne signifie pas que 20 femmes dépistées sur 100 femmes, en moins, mourront du cancer.
Il s'agit là de l'indication uniquement du risque relatif. Les rédacteurs font fi de la revendication des citoyennes de ne plus être bernées par des chiffres qui ne signifient pas ce qu'ils semblent dire. Les 20% de décès en moins ne signifient en aucun cas que 20 femmes en moins sur 100 mourront de cancer du sein si elles se font dépister. Ces 20% ne correspondent qu'à une réduction de risque relatif entre deux groupes comparés de femmes.
En fait, selon une projection faite par le Collectif Cochrane basée sur plusieurs études, sur 2 000 femmes dépistées pendant 10 ans, 4 meurent d’un cancer du sein ; sur un groupe de femmes non dépistées dans le même laps de temps 5 meurent d’un cancer du sein, le passage de 5 à 4 constitue mathématiquement une réduction de 20% de mortalité, mais en valeur absolue un seul décès de femme sera évité (risque absolu de 0.1% ou 0.05% ).
En fait cela correspond à une réduction de risque absolu de 0.05% (1 femme sur 2000)  à 0.1 % (1 femme sur 1000) au terme de 10 à 25 années de dépistage selon les estimations retenues (américaines, revue Prescrire, US TaskForce). (5)

Pour bien comprendre la différence entre risque relatif et absolu, lire ici https://web.archive.org/web/20170623084247/http://hippocrate-et-pindare.fr/2017/01/01/resolution-2017-non-au-risque-relatif-oui-au-risque-absolu/

Concernant le taux du surdiagnostic, les 10 à 20% indiqués correspondent à l'évaluation la plus basse, d'autres études suggèrent des taux de surdiagnostics bien plus hauts.

4) Le site du NIH (National Cancer Institute américain) est cité dans les références du livret pour étayer les statistiques de la survie que le livret met en avant, mais omet la page de ce même institut qui indique que la survie justement n'est pas un bon indicateur de l'efficacité du dépistage, et omet également la page où le taux de surdiagnostic est donné à un taux de 20 à 50%.  Dans un document, donner un taux à sa fourchette basse est une option, mais la fourchette haute doit aussi être indiquée avec honnêteté.

Que dit exactement le NIH sur ces deux paramètres ?

Sur les taux de surdiagnostics
https://www.cancer.gov/types/breast/hp/breast-screening-pdq#_13_toc

Magnitude de l'effet : Entre 20 % et 50 % des cancers détectés par dépistage représentent un surdiagnostic en fonction de l'âge des patientes, de leur espérance de vie et du type de tumeur (carcinome canalaire in situ et/ou invasif) [11,12]. Ces estimations reposent sur deux méthodes d'analyse imparfaites : [11,13]
Le suivi à long terme des essais cliniques randomisés de dépistage (RCT).
Le calcul de l'incidence excédentaire dans des programmes étendus de dépistage [11,12].
Conception de l'étude : RCTs, descriptifs, comparaisons entre populations, séries d'autopsies, et séries de prélèvements de résection mammaire.

Sur la survie et l'efficacité de dépistage
https://www.cancer.gov/about-cancer/screening/research/what-screening-statistics-mean

Une bonne partie de la confusion entourant les bénéfices du dépistage provient de l'interprétation des statistiques qui sont souvent utilisées pour décrire les résultats des études de dépistage. Une amélioration de la survie - c'est-à-dire de la durée de vie d'une personne après un diagnostic de cancer - chez les personnes qui ont subi un test de dépistage du cancer est souvent interprétée comme signifiant que le test sauve des vies.Mais la survie ne peut pas être utilisée correctement dans ce but en raison de plusieurs sources de biais.

5) Le titre ne mentionne  plus le choix, le dernier chapitre sur le choix de dépistage a été supprimé et remplacé par des témoignages incitatifs sur les bénéfices. (témoignage rassurant d' un dépistage qui a "sauvé" la vie, et celui d'une femme qui ne s'est pas fait dépister et aurait subi des traitements plus lourds). 

Cette option du choix figurait à la fin du livret de 2017 :

6) Il n'y a toujours pas de pictogramme visuel, ce que les citoyennes ont demandé, qui illustre en nombre absolu les bénéfices et les risque, ceci pour avoir une vision globale et pour que les femmes puissent faire leur choix.

7) on continue à appeler les risques du dépistage, des "limites" (page 13 du livret) , alors que le terme en anglais c'est "harms", ce qui signifie les dommages.
"Limites", cela implique plutôt l'incapacité à dépister correctement.

8) On utilise le message de personnalités (président de l'INCa), d'autorités (recommandation en Europe), appel à la peur (si on se fait pas dépister ...), comme techniques d'influence.

Les points positifs

1) Une page spécifique qui regroupe les risques du dépistage (présents aussi en 2017, mais non regroupés et sans titre clair pour chaque risque).

2) Une meilleure organisation de l'information sur la prévention (facteurs de risque et protecteurs, tableau sur les statistiques de cancer liés à chaque facteur de risque, page 9) 

3) Document plus facile à lire, plus visuel

4) L'ajout de la sage femme (alternative au médecin généraliste ou gynécologue) dans les examens cliniques de suivi et pour les questions sur le dépistage.

Comparaison des textes des deux livrets en tableau

Download /Télécharger

En conclusion

Ce livret, de préférence corrigé sur les insuffisances persistantes que Sophie a analysées pour nous, pourrait être envoyé aussi lors de chaque convocation au dépistage, pas seulement une fois à l'âge de 50 ans.

Dans le dépliant prévu pour les dépistages subséquents (après 50 ans) les risques du dépistage et les informations sur la prévention ont été supprimés, ce qui constitue une information tronquée et incomplète.

Or les femmes doivent maintenant être informées complètement et dûment, selon les exigences de la concertation citoyenne, et ce jusqu'au bout de leur vie de dépistée.
Celles qui ont déjà eu leur premier dépistage antérieur à 2022 ne recevront jamais cette information.
Cela peut être mis en oeuvre sans trop de difficulté en remplaçant le dépliant prévu pour les invitations suivantes tout simplement par ce livret, dûment complété et corrigé sur ses faiblesses.

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Des « diagnostics délicats »

Par Cancer Rose, 10 octobre 2022

Diagnostic délicat : éviter les préjudices en cas de diagnostic difficile, contesté ou souhaité.

7 octobre 2022

Un point de vue publié par :

Margaret McCartney est Honorary Senior Lecturer at the School of Medicine, University of St Andrews.

Natalie Armstrong est Professor of Healthcare Improvement Research au Department of Health Sciences, University of Leicester.

Graham Martin est Director of Research at The Healthcare Improvement Studies Institute, University of Cambridge.

David Nunan est Senior Research Fellow at the Nuffield Department of Primary Care Health Sciences, University of Oxford.

Owen Richards est Chair of the Patient and Carer Partnership Group, Royal College of General Practitioners.

Frank Sullivan est Professor of Primary Care Medicine at the School of Medicine, University of St Andrews.

« Diagnostics délicats » - Les auteurs présentent ici un cadre qui peut être utile lors de l'examen d'un diagnostic « difficile, contesté et souhaité ». Ils suggèrent une nouvelle approche à ce problème complexe auquel est souvent confronté le médecin dans sa  pratique clinique - la tolérance à l'incertitude est la clé -

Les points majeurs sont :

- Certains diagnostics sont particulièrement sujets à l'ambiguïté, au surdiagnostic, au surtraitement et aux préjudices associés.

- Les facteurs systématiques comprennent la partialité, les conflits d'intérêts et la variabilité de la qualité de l'information pour les patients et les cliniciens.

- Le fait de considérer certains diagnostics comme "délicats" permet d'identifier ces caractéristiques et éventuellement de les limiter.

- La tolérance à l'égard de l'incertitude et la volonté d'adopter des diagnostics provisoires peuvent constituer un moyen approprié pour contrebalancer les risques.

Voici les passages principaux du texte, traduits.

"Les diagnostics médicaux peuvent être confrontés à l'ambiguïté, au doute, à la subjectivité et à l'incertitude inhérente. Cela est particulièrement vrai dans le domaine des soins primaires, où de nombreux symptômes observés ne permettent pas toujours d'établir un diagnostic clair. Les seuils de normalité sont souvent peu évidents.

Les symptômes sont généralement vécus et décrits comme un "iceberg". Plus d'un tiers des personnes par ailleurs en bonne santé et ne souffrant pas d'une maladie chronique, se sont senties fatiguées ou épuisées, ou ont eu mal à la tête pendant les deux dernières semaines, et plus d'un quart ont eu mal au dos ou aux articulations.1 Distinguer les maladies qui bénéficieraient d'un diagnostic et d'une intervention plus précoce de celles qui sont temporaires, résolutives et sujettes à une médicalisation néfaste, reste un défi."

L'article insiste sur la différenciation à faire entre un surdiagnostic, qui est un vrai diagnostic mais excessif, et un diagnostic contestable, et contesté.

"Alors que le surdiagnostic est le diagnostic d'une maladie qui, si elle n'était pas détectée, ne causerait pas de symptômes ou de préjudices, les diagnostics contestés correspondent à des symptômes auxquels on a attribué un diagnostic, mais pour lesquels le diagnostic, qui les explique, est controversé.
Les opposants considèrent que les diagnostics contestés sont "erronés", non pas en raison d'une erreur dans l'anamnèse, l'examen clinique ou l'interprétation des résultats d'un test (qui risquerait de conduire à un mauvais diagnostic), mais parce que le diagnostic lui-même, par exemple la maladie de Lyme chronique ou la polysensibilité chimique, n'est pas valide2,3.
Les diagnostics contestés sont entourés de "pseudo-sciences", par exemple la fatigue surrénalienne, le syndrome de l'intestin irritable ou la candidose chronique, qui tentent d'expliquer les symptômes à l'aide d'une "science" qui est de toute évidence inexacte (encadré 1)4 ."

Download / Télécharger

Comme on peut le voir dans ce tableau, les auteurs ont cité le surdiagnostic du cancer de la tyhyroïde ainsi que le carcinome canalaire in situ, qui alimente en effet le surdiagnostic du cancer du sein mais ne le résume pas. D'authentiques cancers invasifs du sein peuvent être des surdiagnostic, car à croissance tellement lente qu'ils n'auraient jamais impacté la vie des patientes.

Ce surdiagnostic est un fardeau dans la vie des femmes que nous avons illustré ici : voir l'image "comment le surdiagnostic gâche des années de vie".

"De nombreux diagnostics contestés concernent des symptômes qui ne sont pas clairement définis, ce qui signifie que certaines personnes reçoivent un diagnostic qui ne leur confère aucun avantage. D'autres restent surtout des " toujours inexpliqués". Par exemple, le syndrome de la guerre du Golfe a été traité comme une maladie contestée, mais il est maintenant reconnu comme causé par l'exposition au gaz sarin.6 D'autres conditions reconnues sont sujettes à une variété d'influences telles que les risques de diagnostics conduisant à des préjudices, à travers un ensemble varié de mauvais diagnostics, de surdiagnostics, de pseudo-sciences ou de surtraitements.
Un dispositif permettant de considérer certaines affections comme des "diagnostics délicats" pourrait contribuer à reconnaître et à réduire les méfaits de la médecine dans ces circonstances."

Diagnostic délicat

Les auteurs examinent les facteurs influençant ces diagnostics délicats et comment il peuvent execer une pression pour les faire admettre.

" Différents modèles ont été utilisés pour décrire et expliquer comment les médecins parviennent à un diagnostic."
"Les médecins généralistes travaillent principalement sur la base de " schémas mentaux ",7 " des directives tacites, internalisées et renforcées collectivement... informés par de brèves lectures, mais surtout par leurs interactions entre eux et avec les leaders d'opinion, les patients et les représentants pharmaceutiques ".

Les mêmes démarches et procédures peuvent s'appliquer de façon analogue aux patients.
Il en résulte un risque de biais et les inconvénients qui en découlent : soins de mauvaise qualité, surdiagnostic et surtraitement.

"Il est souvent difficile de trouver des informations de bonne qualité. Par exemple, si l'on cherche "Ai-je un TADH ?" sur Google, on obtient, dans les premiers résultats, un site de quiz avec un questionnaire non validé, un questionnaire hébergé par un site sponsorisé par un fabricant de médicaments pour le TADH, et seulement ensuite, des informations du NHS (système de soins britannique).
Les premiers résultats pour des informations sur "l'allergie aux protéines du lait de vache" incluent des fabricants de lait pour bébé et des organisations de patients parrainées par ces derniers.
Les campagnes concernant le cancer de la prostate ont été menées par des organisations d'hommes et des consultants en pratique libérale."

"Au Royaume-Uni, les médecins généralistes ne sont pas non plus en mesure d'aborder certains diagnostics de manière neutre. Ils ont déjà reçu des incitations financières dans le cadre de leur contrat pour chercher à poser des diagnostics "précoces" qu'ils n'auraient autrement pas considérés comme cliniquement utiles.8 Bien que la continuité des soins soit souhaitée par les patients,9 elle est en déclin.10 Par facilité, les patients recherchent des conseils sur Internet 11 mais les médecins pour leurs compétences professionnelles - or celles-ci ne sont pas toujours à portée de main, dans un contexte de tension dans les soins primaires."

Certains diagnostics, expliquent les auteurs, et les circonstances dans lesquelles ils sont susceptibles de se présenter, peuvent être considérés comme "délicats" et mériter une attention particulière.
Les caractéristiques suggérant un "diagnostic délicat"(encadré 2), se recoupent et incluent des critères tels que : marges floues, une science non établie et des différences culturelles, ainsi que la subjectivité des symptômes et les risques d'éléments transactionnels (par exemple, le paiement pour accéder aux investigations d'une maladie et des séquelles associées)

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Des exemples de maladies ou de syndromes sont donnés dans ce tableau avec les critères auxquels ils peuvent être assujettis et qui créent ainsi une fragilité, qui font de ces maladies ou syndromes un "diagnostic délicat", sujet à caution, à interprétation excessive, à surdiagnostic.
Ce tableau liste les pressions exercées qui vont en faire des diagnostics sujets à contestation.
Ces caractéristiques - non exhaustives et non définitives - sont importantes lorsque l'on envisage un diagnostic en dehors de ce qui a été expérimenté ou vérifié, ou lorsqu'il y a un risque que les schémas mentaux soient sujets à des biais systématiques ou basés sur des informations de mauvaise qualité.
A la fois les attentes et de la difficulté d'atteindre la certitude en médecine rend ces diagnostics particulièrement susceptibles d'être influencés, notamment par la recherche d'un diagnostic, et du seuil adopté sur lequel ce diagnostic est posé.

Une compréhension partagée entre les professionnels du diagnostic, les citoyens et les patients

Les auteurs suggèrent qu'il nous faut, aussi bien patients que corps médical, admettre en médecine un certain degré d'incertitude. Ceci permettrait d'alléger le fardeau d'un diagnostic qui repose sur les épaules du patient.

Ils écrivent :
"Il n'est peut-être pas possible, ni souhaitable, de rendre les diagnostics "délicats" plus robustes. Au contraire, une tolérance à l'égard de l'incertitude et une volonté d'adopter un diagnostic douteux, hésitant ou provisoire peuvent être appropriées. Cela doit être mis en balance avec le risque de préjudice potentiel lorsque le diagnostic et le traitement qui en découle peuvent être pertinents. Cependant, une intervention urgente dans ces cas est rarement nécessaire, et un diagnostic rapide doit être mis en balance avec les inconvénients de l'occultation du diagnostic, de la médecine de faible valeur et préjudiciable, et du fardeau de la "patientalité".

Lorsque l'environnement dominant reflète un parti pris, des efforts peuvent être nécessaires pour atteindre et maintenir un équilibre plus neutre (encadré 3).

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Les systèmes de codage informatique peuvent restituer un diagnostic potentiel ou incertain, et peuvent nécessiter une adaptation pour refléter l'incertitude. Il ne faut pas non plus sous-estimer la valeur du diagnostic : la capacité de nommer un trouble permet d'élaborer des définitions robustes, de procéder à des tests équitables et de développer des interventions efficaces."

Le partenariat patient-corps médical doit être ici fortement encouragé et prend toute sa valeur.

"Le défi pour les cliniciens et les patients est de trouver des avantages tout en évitant les inconvénients. Cela peut ne pas être facile pour l'une ou l'autre des parties, surtout si l'on considère le caractère attractif de la certitude et des privilèges associés à un diagnostic particulier. Pour minimiser les inconvénients et maximiser les avantages, il est nécessaire d'établir un partenariat entre le médecin et le patient, en particulier dans un environnement où les intérêts particuliers sont légion."

Conclusion

Les auteurs concluent :

"Alors que la médecine évolue à l'ère du COVID-19, de nouveaux défis sont susceptibles d'avoir un impact sur la façon dont les médecins et les patients cherchent à obtenir un diagnostic et sur la manière dont ils le font. La continuité et la relation avec le patient sont appréciées mais deviennent moins courantes.

Une multitude de pressions environnementales, dont certaines sont visibles et d'autres non, sont omniprésentes.
Les informations nouvelles et émergentes peuvent être difficiles à évaluer et à utiliser de manière critique, souvent en raison de biais et de désinformation.
Un cadre permettant de considérer certains diagnostics comme "délicats" permet d'identifier et d'analyser systématiquement les influences qui les entourent. Cela pourrait permettre de concevoir des mesures appropriées pour atténuer les biais, aider les patients et les médecins à éviter les préjudices et informer la recherche et les politiques."

Références

1. McAteer A, Elliott AM, Hannaford PC. Ascertaining the size of the symptom iceberg in a UK-wide community-based survey. Br J Gen Pract 2011; DOI: https://doi.org/10.3399/bjgp11X548910.
2. Lantos PM, Wormser GP. Chronic coinfections in patients diagnosed with chronic lyme disease: a systematic review. Am J Med 2014; 127(11): 1105–1110.
3. Das-Munshi J, Rubin GJ, Wessely S. Multiple chemical sensitivities: a systematic review of provocation studies. J Allergy Clin Immunol 2006; 118(6): 1257–1264.
4. Shapiro ED, Baker PJ, Wormser GP. False and misleading information about Lyme disease. Am J Med 2017; 130(7): 771–772.
5. Rebman AW, Aucott JN, Weinstein ER, et al. Living in limbo: contested narratives of patients with chronic symptoms following Lyme disease. Qual Health Res 2017; 27(4): 534–546.
6. Haley RW, Kramer G, Xiao J, et al. Evaluation of a gene–environment interaction of PON1 and low-level nerve agent exposure with Gulf War illness: a prevalence case–control study drawn from the U.S. Military Health Survey’s national population sample. Environ Health Perspect 2022; 130(5): 57001.
7. Gabbay J, le May A. Evidence based guidelines or collectively constructed “mindlines?” Ethnographic study of knowledge management in primary care. BMJ 2004; 329(7473): 1013.
8. Brunet MD, McCartney M, Heath I, et al. There is no evidence base for proposed dementia screening. BMJ 2012; 345: e8588.
9. Aboulghate A, Abel G, Elliott MN, et al. Do English patients want continuity of care, and do they receive it? Br J Gen Pract 2012; DOI: https://doi.org/10.3399/bjgp12X653624.
10. Tammes P, Morris RW, Murphy M, Salisbury C. Is continuity of primary care declining in England? Practice-level longitudinal study from 2012 to 2017. Br J Gen Pract 2021; DOI: https://doi.org/10.3399/BJGP.2020.0935.
11. Clarke MA, Moore JL, Steege LM, et al. Health information needs, sources, and barriers of primary care patients to achieve patient-centered care: a literature review. Health Informatics J 2016; 22(4): 992–1016.
12. House of Commons Health Committee. The influence of the pharmaceutical industry. Fourth report of session 2004–05. Volume 1. 2005. https://publications.parliament.uk/pa/cm200405/cmselect/cmhealth/42/42.pdf (accessed 22 Sep 2022).
13. Department of Health. Innovation, health and wealth: accelerating adoption and diffusion in the NHS. 2011. https://webarchive.nationalarchives.gov.uk/ukgwa/20130107013731/http://www.dh.gov.uk/en/Publicationsandstatistics/Publications/PublicationsPolicyAndGuidance/DH_131299 (accessed 21 Sep 2022).
14. UK National Screening Committee. Adult screening programme: atrial fibrillation. 2019. https://view-health-screening-recommendations.service.gov.uk/atrial-fibrillation (accessed 21 Sep 2022).

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Dépistage…et alliances

Résumé C.Bour
2 octobre 2022

Apparemment un partenariat existe entre une complémentaire, la mutuelle Allianz et la société Predilife, commercialisant le logiciel Mammorisk.
Il s'agit d'un logiciel qui sert à prédire le risque de chaque femme de contracter un cancer du sein dans sa vie.
Voici ce qu'une internaute nous transmet, et qu'elle a reçu de son employeur dernièrement.

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Ce logiciel Mammorisk dont il est question est utilisé dans une grande étude clinique européenne, MyPEBS, qui a pour but de proposer, dans 6 ans et à la fin de l'essai, un dépistage individualisé basé sur le risque individuel de chaque femme de développer un cancer du sein au cours de sa vie. Problème, ces logiciels de prédiction ne font pas l'unanimité, et l'étude MyPEBS en question pose beaucoup de questionnements, éthiques et méthodologiques, auxquels nous avons consacré tout un site ici : https://cancer-rose.fr/my-pebs/.
Notre statisticien vous en propose son analyse également ici : https://mypebs-en-question.fr/
Et nous avons consacré un article dédié à l'analyse spécifique du Mammorisk ainsi qu'au rationnel de l'étude MyPEBS ici https://cancer-rose.fr/my-pebs/2019/05/27/le-logiciel-mammorisk/

L'affirmation triomphante de réduction de 30% des cancers graves grâce au logiciel est très prématurée et bien optimiste ; nous allons examiner tous les problèmes posés par les logiciels de prédiction en général et Mammorisk en particulier.

Le lien d'inscription "Je souhaite m’inscrire au parcours MammoRisk®" aboutit à la société Predilife commercialisant le logiciel, et cette assurance complémentaire organise ainsi la mise en relation entre ses assurées et le site de la société commercialisant le logiciel de prédiction.
Aucune information exhaustive n'étant délivrée sur la valeur et la fiabilité de ces logiciels, l'internaute prudente nous a signalé ce partenariat.

Nous allons analyser successivement ce qu'est le logiciel Mammorisk, comment il est jugé et évalué, les liens d'intérêts, les principaux problèmes éthiques notamment que pose le logiciel pour les femmes, et l'intérêt des mutuelles dans le recueil des données patients que les logiciels de prédiction permettent.

Qu'est-ce que le logiciel Mammorisk ? Que vaut-il ?

Le logiciel Mammorisk de prédiction du risque de connaître un cancer du sein inclue, pour le calculer, les facteurs de risque suivants :

  • l'âge,
  • les antécédents familiaux,
  • les antécédents de biopsie bénigne antérieure,
  • la densité à la mammographie,
  • ainsi que les résultats génétiques.

Une revue systématique évaluait en général la qualité de ces modèles de prédiction des risques en 2019. (British Journal of Cancer (2019) 121:76–85; https://doi.org/10.1038/s41416-019-0476-8)

Les auteurs ont estimé la validité des modèles en évaluant deux scores, le pouvoir discriminant du modèle (femmes à risque ou non) et sa "précision de calibration" pour les femmes dans la population générale.
Explication de ces deux critères :

1) Discrimination, c'est le pouvoir de séparer les personnes, de les attribuer de façon dichotomique en malades/non malades, ou ici femmes à risque/non à risque.
2) Calibration adéquate (calibration accuracy)
La calibration fait référence à la concordance entre les résultats observés et les prévisions, ou dans quelle mesure le risque prédit est proche du risque réel.

Bien qu’au cours de la dernière décennie, les modèles aient montré des améliorations dans leur exactitude discriminatoire, ils demeurent "au mieux modérés", dit cette revue.
Pour résumer, les auteurs de l'article estimaient que les modèles inclus dans les études examinées avaient une précision discriminatoire et une précision d’étalonnage modérées lorsqu’ils sont appliqués aux femmes de la population générale.

Une validation scientifique incertaine du Mammorisk

Sur le site de la société PrediLife (ou anciennement Statlife) n'apparaît aucune source bibliographique étayant la valeur de son logiciel.
En revanche à la page 13 du document de présentation du logiciel il y a sous le titre de "scientific papers" trois sources bibliographiques apparaissent :

Cliquez sur l'image pour agrandir

Seule la première référence a été publiée : Laureen Dartois et al, A comparison between different prediction models for invasive breast cancer occurrence in the French E3N cohort, Breast Cancer Research and treatment, 2015.

A cette étude contribuent Mme Suzette Delaloge, coordonnatrice de l'étude MyPEBS pour un futur dépistage individualisé ainsi que Mr Emilien Gauthier, qui  est le directeur de recherche et de développement pour Mammorisk de la société Predilife [1].

La deuxième référence n’a pas été publiée dans une revue médicale. Le texte indique que l’étude est « in press » en 2017 dans le European Journal of Cancer. En réalité, comme le montre une recherche faite sur le site de ce journal au 16 avril 2019, aucune étude signée par Mr Ragusa n’a été publiée dans cette revue en 2017, ni 2018, ni 2019. Le plus probable est que la publication a été refusée à la suite de la revue par les pairs.
Son contenu correspond cependant à un poster présenté au Symposium de San Antonio de 2016, dont les auteurs principaux sont Mr Stéphane Ragusa, président et créateur de la société Predi-Life et Mr Emilien Gauthier, sus-cité.
Comme co-auteure nous retrouvons Mme Suzette Delaloge, oncologue de l’Institut Gustave Roussy et promoteure de l’étude MyPEBS. Il est important de noter que les communications dans les symposiums ne font pas l’objet d’une revue par les pairs et n’ont pas la même valeur qu’une publication dans une revue médicale.
(Sujet du poster « Développement et validation d’un nouveau modèle non paramétrique d’évaluation des risques de cancer du sein sur les populations américaines et européennes de dépistage. »)

La troisième référence :  l'étude RIVIERA
« RIVIERA - Evaluation du niveau de risque de cancer du sein chez des femmes de la population générale par leur médecin de ville: faisabilité, ressenti, acceptabilité, satisfaction, adhésion aux programmes de suivi. » [2] [3] .
L'investigatrice principale est encore Mme Delaloge. L'essai inclut 600 femmes et est effectuée en collaboration avec la société Statlife (ancien Predilife), et avec le partenariat de l'Institut Gustave Roussy.
Elle est censée analyser "l'acceptabilité et la faisabilité d'une consultation de prévention du cancer du sein par les médecins de cabinets de ville - radiologues, gynécologues, généralistes - en utilisant MammoRisk, une solution logicielle innovante de prédiction et de prévention du risque de cancer du sein".

Riviera est donc promue par l'IGR (Institut Gustave Roussy) comme cela est précisé dans le descriptif de l'étude (voir référence 2) et financée par l'ARC (Fondation pour la Recherche contre le Cancer).[4]
« Il s'agit d'une étude nommée de "soins courants", qui permettra, si l'étude est positive, de proposer une possible généralisation de ce logiciel chez les médecins de ville pour une "prévention personnalisée" du cancer du sein et une extension des ventes du logiciel ».

Mais en quoi l’acceptation par les femmes et la faisabilité d’une consultation de prévention qui utilise le Mammorisk donne des indications sur l’intérêt de ce logiciel ?
En d’autres terme, ce n’est pas parce que vous êtes d’accord avec quelque chose qui vous paraît "acceptable", que ce quelque chose est « valable » et valide son intérêt.

Au total il n’apparaît rien, sur les études scientifiques présentées par les promoteurs et concepteurs du Mammorisk, qui en valide l’intérêt.
Il n’y a de références que celles des concepteurs de l’étude, et quasiment aucune d’auteurs indépendants de ce Mammorisk.

Pour s'y retrouver :

Une nouvelle étude fut publiée en 2022 : Là aussi c'est une étude de faisabilité.
Elle inclut très peu de participantes (290), et qui consultent en raison d'un sur-risque supposé ce qui constitue déjà un biais.
Elle est réalisée par Saghatchian et 'coll'. Mme Saghatchian a reçu des honoraires de la société Predilife commercialisant Mammorisk. comme indiqué dans la déclaration d'intérêts.

Examinons quelques-uns des collaborateurs à cette étude:
Mr Emilien Gauthier, co-auteur, n'est autre que le directeur de recherche et de développement pour Mammorisk de la société Predilife.
Une recherche nous apprend que Mme Valérie Hélin, également parmi les co-auteurs, est superviseur des affaires médicales et réglementaires chez Statlife, (marque semi-figurative de Predilife, Statlife est définie comme une société de medtech qui développe des logiciels médicaux de prédiction de risque).

Deux études de faisabilité donc, toutes les deux supportées par la société commercialisant le logiciel, pour "valider" Mammorisk.... Voilà les seules qualifications de cette "innovation".

Les principaux problèmes du logiciel Mammorisk

1) On commence à solliciter les femmes déjà à 40 ans , donc avant les directives en France (et même avant les nouvelles directives émises récemment par la Commission européenne qui préconisent de débuter le dépistage à 45 ans).
Comme expliqué sur le site de Rose Up Association, on demande une mammographie préalable pour déterminer la densité mammaire, critère qui fait partie des éléments de jugement du risque, et ce à 40 ans alors que non recommandé avant 50 ans officiellement.
« On va d’abord recueillir les informations cliniques de la patiente : son âge, ses antécédents familiaux, ses antécédents de biopsie. On va également lui faire faire une mammographie pour déterminer sa densité mammaire.."

Dans le document de Predilife ("prédire pour prévenir), en page 97, on indique le marché visé, dont font partie les femmes entre 40-50 ans qui ne sont pas dépistées aujourd'hui.
"6.4.1 Positionnement et marché envisagé de MammoRisk®
PREDILIFE compte positionner son test de prédiction du cancer du sein pour les femmes de la population générale à partir de 40 ans.....
PREDILIFE cible ainsi les femmes entrant dans les critères des programmes nationaux de dépistage, le
plus souvent de 50 à 74 ans (parfois dès 40 ans) ainsi que les femmes qui réalisent un dépistage individuel, le plus souvent dès 40 ans. Il s’agit clairement de la population visée par l’étude MyPeBS."..

2) Vous ne trouverez aucune information sur les risques de la mammographie, alors qu'elle sera prescrite quasi systématiquement dans le cadre du test sauf dans le cas où il y aurait eu une mammographie déjà faite de moins de 6 mois.

3) Aucun outil d'aide à la décision n'est fourni, quels risques et quels bénéfices de se soumettre à un test de prédiction du risque, alors que pour tout dispositif médical, surtout "innovant", ceci devrait exister.

4) Dans le document est précisé que le test Mammorisk est conçu et utilisé dans le cadre de  l'étude Mypebs en cours (pour tester un dépistage individualisé basé sur le risque)
On propose donc ainsi déjà un test de prédiction avant même la finalisation et la validation des résultats de cette étude, sans compter qu'il n'y a pas de réelle validation scientifique (voir notre chapitre précédent "validation scientifique"). 
"Il s’agit clairement de la population visée par l’étude MyPeBS
(se référer à la section 6.5.2.2 « Etude MyPeBS » de la Partie I du Prospectus). MammoRisk® a en effet pour but de devenir le gold standard du dépistage personnalisé du cancer du sein et que les tests de scoring fassent partie intégrante des guidelines des programmes de dépistage.
PREDILIFE se base sur le nombre de femmes en Europe et aux Etats Unis dans la tranche d’âge de 40 à 74 ans (184 millions56) pour évaluer son marché à court terme.
"

5) La société Predilife est cotée en bourse, elle a un business-plan pour activer la commercialisation de son produit Mammorisk, ce n'est de loin pas un laboratoire public indépendent.
Ci-dessous voici quelques renseignements sur "la success story" de la société Predilife, ainsi qu'une capture d'écran trouvée dans la revue "Le Revenu".

https://www.zonebourse.com/actualite-bourse/PrediLife-lance-son-introduction-en-bourse-sur-le-marche-Euronext-Growth-Paris--27707459/

https://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/entreprise-du-jour-predilife-specialiste-de-la-prediction-des-risques-de-maladies-graves-lance-son-introduction-en-bourse-0512-1122977.html

https://www.tradingsat.com/actualites/informations-societes/predilife-lancement-de-l-introduction-en-bourse-838677.html

6) Aucune étude n'est relayée sur les risques liée à l'anxiété générée.
Or, dans le cadre de l'étude MyPEBS, une femme va très vite comprendre si elle est à risque modéré ou élevé, et nous avons d'ailleurs reçu des messages affolés de femmes ayant participé à MyPEBS et se retrouvant classées dans les hauts risques (ce dont elles se rendent compte puisque les examens sont démultipliés par rapport aux femmes des autres groupes).
Dès lors qu'une femme est à seins denses, ce qui est le cas de beaucoup de femmes, surtout jeunes avant 50 ans, elle est classé d'office dans le groupe à risque modéré. Comme même un antécédent de biopsie bénigne est considéré comme facteur de risque, le groupe à bas risque sera extrêmement ténu, avec très peu de femmes rentrant dans cette catégorie.

Regardons l'exemple donné page 80 du document Predilife

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Cette femme, en dessous de 50 ans, avec un seul facteur dit de risque, à savoir des seins denses (90% des femmes jeunes) se retrouve de facto, même sans antécédent familial, en risque intermédiaire.

Nous vous renvoyons ici vers l'analyse que nous avions faite des "facteurs de risque" qui ont été choisis,(voir partie "analyse des critères choisis")

Même si la communication de Rose Up martèle de façon affirmée que l'angoisse est "désamorcée", celle-ci a été bien étudiée pourtant.
Une publication récente (2022) de l'australienne Brooke Nickel, de l'Ecole de Santé Publique de Sydney, alertait sur l'anxiété des femmes, générée par la communication de ce facteur dit de risque, et de la communication pesante qu'on en fait.

7) Même pour les femmes à risque faible, la mammographie est perpétuellement recommandée, il apparaît inenvisageable de laisser la moindre femme sans recourir à cet examen, Mammorisk est tout bonnement un outil pour renforcer le dépistage actuel, et certainement pas pour l'alléger.

Mutuelles et Mammorisk

Voici ici la première mutuelle qui rembourse le Mammorisk depuis juin 2022.
https://www.actusnews.com/fr/predilife/cp/2022/04/07/nuoma-la-mutuelle-de-la-high-tech-premiere-mutuelle-a-rembourser-les-bilans-de-prediction-du-cancer-du-sein

"Nuoma Mutuelle va proposer à ses adhérentes une évaluation personnalisée de leur risque de cancer du sein afin de les faire bénéficier d'un programme adapté de dépistage pour réduire les diagnostics tardifs les plus difficiles à traiter.

« Après avoir été la première mutuelle de France à proposer le second avis médical en 2017, nous continuons sur notre trajectoire d'innovation en étant à nouveau les premiers à proposer l'évaluation polygénique à ses adhérentes. Nuoma Mutuelle a trouvé un partenaire idéal en Predilife pour donner accès à nos membres à une médecine de pointe » déclare le Docteur Wilfredo Ferré, administrateur de Nuoma Mutuelle."

Le texte est clairement promotionnel, insistant sur le caractère innovant de Mammorisk, sans aucune alerte sur possibles risques ou inconvénients auxquels les assurées sont potentiellement exposées.
NUOMA, LA MUTUELLE DE LA ' HIGH TECH ', PREMIERE MUTUELLE A REMBOURSER LES BILANS DE PREDICTION DU CANCER DU SEIN

"Nuoma Mutuelle qui assure près de 50 000 personnes se positionne à la pointe de l’innovation de par son histoire et son secteur technologique. Les tests prédictifs sont un domaine promis au meilleur avenir et Nuoma Mutuelle souhaite être à la pointe de leur adoption."
"Ainsi Nuoma Mutuelle va proposer à ses adhérentes une évaluation personnalisée de leur risque de cancer du sein afin de les faire bénéficier d’un programme adapté de dépistage pour réduire les diagnostics tardifs les plus difficiles à traiter." Liane Camurat |

Conclusion

La plupart des publication sur les tests de prédiction, publications faites dans le cadre des essais sur un dépistage individualisé comme Wisdom ou Mypebs et utilisant ces logiciels, sont bien sûr très peu critiques.

Pourtant des faiblesses existent qu'il aurait fallu prendre en compte avant leur intégration précipitée dans ces grandes études.
Voici quelques références pointant ces lacunes qu'il aurait fallu considérer avant de répandre leur utilisation.

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34782789/
"Cependant, ceux-ci (les avantages des tests NDLR) doivent être mis en balance avec les risques potentiels, tels que les incertitudes et les biais dans la performance des PRS (tests de risque polygénique), ainsi que les malentendus et les abus potentiels de ceux-ci au sein de la pratique médicale et dans la société en général. "

Voici une publication sur des considérations éthiques et légales :https://www.mdpi.com/2075-4426/11/8/736
"Les défis juridiques et éthiques associés aux soins du cancer stratifiés en fonction des risques doivent cependant être relevés. Obtenir l'accès aux données de santé riches qui sont nécessaires pour effectuer la stratification des risques, assurer un accès équitable aux soins stratifiés en fonction des risques, s'assurer que les algorithmes qui effectuent la notation des risques sont représentatifs de la diversité génétique humaine, et déterminer le suivi approprié à fournir aux participants à la stratification pour les alerter de l'évolution de leur score de risque figurent parmi les principaux défis éthiques et juridiques. La prise en compte du lourd fardeau que les exigences réglementaires pourraient imposer à l'accès aux technologies d'évaluation des risques est une autre considération essentielle. "

L'importance de l'ethnicité est aussi questionnée, les scores de risque polygénique du cancer du sein sont-ils prêts pour les femmes qui ne sont pas d'origine européenne blanche ? https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/ijc.33782
Et https://evidence.nihr.ac.uk/alert/genetic-risk-scores-for-breast-cancer-inaccurate-ethnic-groups/

Pourquoi y a- t-il des mutuelles qui remboursent ces tests imparfaits, alors que les études qui les utilisent elle-mêmes ne sont encore (Mypebs, Wisdom) pas finalisées ?
Peut-être une réponse dans l'article des échos, suggérant une velléités des assureurs de collecter un maximum de données personnelles, afin de mieux cerner leur assurés et réduire les coûts des soins, c'est du moins la raison invoquée  :
"Les assureurs doivent donc développer un écosystème de technologies et de startups autour d’eux pour relever leurs défis actuels : augmenter le nombre de points de contact avec les clients, comprendre les comportements pour mieux prévenir les risques, et réduire les coûts des soins. Les startups pourraient se concentrer sur la technologie et les assureurs pourraient la déployer auprès de leurs nombreux clients. Cette perspective est à l’origine des 5,8 milliards de dollars investis l’an dernier dans des startups de santé numérique dans le monde entier selon RockHealth, en hausse de 30 % par rapport à l’année précédente."

"Pour mieux prédire et prévenir les maladies, la technologie nécessite une quantité importante de données pour être pertinente, et nous voyons de nombreuses startups surveiller les comportements en temps réel. "


Références

[1] https://mammorisk.com/fr/societe-predilife/#

[2] https://www.gustaveroussy.fr/fr/riviera-resultats-positifs-mammoriskr-depistage-cancer-sein            

[3] https://mammorisk.com/fr/etude-riviera-mammorisk/#

[4] https://www.fondation-arc.org/actualites/gustave-roussy-presente-resultats-positifs-etude-clinique-riviera-mammorisk

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


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Une nouvelle approche de l’UE en matière de dépistage du cancer

22 septembre 2022 - Résumé Dr C.Bour

https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/QANDA_22_5584

Dans le cadre du programme européen de la lutte contre le cancer et des dépistages des cancers, qui sera inscrit dans un grand plan européen, la Commission européenne propose une extension et/ou une reprise de certains dépistages, et une implantation de nouveaux venus.
L'objectif étant qu'à l'horizon 2025, 90% de la population de l'UE participe aux dépistages du cancer du sein, de la prostate, du col de l'utérus et du cancer colo-rectal.
S'y rajoutent les dépistages du cancer du poumon et celui de l'estomac, alors que pour ce dernier aucune étude probante n'existe.

Concernant le financement : "le plan européen pour vaincre le cancer est financé par l'ensemble des instruments de financement dont dispose la Commission, un montant total de 4 milliards d'euros étant affecté à des actions de lutte contre le cancer. Ce montant comprend environ 38,5 millions d'euros engagés au titre du programme «L'UE pour la santé» pour des projets liés au dépistage et 60 millions d'euros au titre du programme-cadre pour la recherche et le développement «Horizon Europe». La Commission proposera un financement supplémentaire pour le dépistage du cancer dans le cadre du programme «L'UE pour la santé» de 2023."

Un flagrant mépris des connaissances acquises et des recommandations existantes

1° cancer du sein

Ainsi la Commission souhaite l'extension du dépistage du cancer du sein aux tranches plus jeunes en incluant les femmes dès 45 ans.
Pourtant un essai britannique, le UK Age Trial, livrait ses résultats en 2021.
Au bout de 23 ans, les résultats de l’essai UK Age Trial ne montraient plus de diminution significative du nombre de morts dues à un cancer du sein chez les femmes dépistées entre les âges de 40 et 49 ans. Les auteurs de l’essai écrivaient : « Overall, there was no significant reduction in breast cancer mortality in the intervention group compared with the control group » . Soit : « Au total, il n'y a pas eu de réduction significative de la mortalité par cancer du sein dans le groupe d'intervention par rapport au groupe témoin ».
Les résultats ne montraient en outre pas de diminution de la mortalité totale (ou mortalité toutes causes confondues).

La justification de cette extension du dépistage à un âge plus jeune est aussi lapidaire que peu scientifique :
https://healthcare-quality.jrc.ec.europa.eu/european-breast-cancer-guidelines/screening-ages-and-frequencies/women-45-49#rec-question
"Le GDG (groupe de développement ses lignes directrices) a accepté cette recommandation par consensus sans qu'il soit nécessaire de voter."
"La décision sur cette recommandation tient compte de l'équilibre entre effets désirables et indésirables qui favorise probablement le dépistage organisé par mammographie pour les femmes âgées de 45 à 49 ans dans un contexte de certitude modérée des preuves."

Le document PDF téléchargeable de 2016 détaillait pourtant les doutes qui existent pour ce dépistage : "La mammographie, comparativement à l’absence de dépistage, n’a pas réduit de façon significative le risque de mortalité par cancer du sein..... chez les femmes invitées au dépistage pendant 16,4 années de suivi."...
" La mammographie, comparativement à l’absence de dépistage, a réduit le risque de cancer du sein au stade IIA ou plus élevé (46 cas de moins
cancer du sein pour 100 000 femmes ...mais n’a pas réduit le risque de mortalité de toutes causes confondues."

(Rappelons que la mortalité globale intègre tous les éléments de la prise en charge, donc aussi les effets des traitements, du surdiagnostic et du surtraitement. Cette donnée a davantage de sens car tout cancer détecté sera traité, les traitements eux-mêmes sont parfois pourvoyeurs de décès, qui seront compris et englobés dans la 'mortalité toutes causes confondues', reflétant ainsi mieux la réalité du dépistage.)

"Effets indésirables :
Les femmes de 40 à 74 ans randomisées à l'« invitation au dépistage » étaient plus susceptibles de subir une mastectomie....
Le surdiagnostic est estimée à 12,4 % (preuve de qualité moyenne) du point de vue de la population et à 22,7 % du point de vue d’une femme invitée à dépistage (preuve de qualité moyenne).
Le nombre de faux positifs dépendra de l’âge au premier dépistage. Estimation du risque cumulatif d’un dépistage faussement positif : Le taux de femmes de 50 à 69 ans ayant subi 10 tests de dépistage biennaux était de 19,7 %. Toutefois, on a observé des taux de faux positifs plus élevés chez les femmes de moins de 50 ans que chez les femmes de 50 à 69 ans.
De plus, 2,2 % des femmes ont subi une biopsie par aiguille après la mammographie de dépistage initiale.
Les mammographies faussement positives sont également associées à une plus grande anxiété et détresse au sujet du cancer du sein ainsi que des conséquences psychologiques négatives qui peuvent durer jusqu’à trois ans (faible qualité preuves). ..."

2°Cancer de la prostate

La Commission propose d'introduire un test de l'antigène prostatique spécifique (PSA) — comme un test sanguin — chez les hommes jusqu'à 70 ans, en combinaison avec une imagerie par résonance magnétique (IRM) supplémentaire en tant que test de suivi.

Pourtant, le dépistage du cancer de la prostate a fait long feu, et n'est plus recommandé par la HAS depuis 2013- https://www.has-sante.fr/jcms/c_1623737/fr/detection-precoce-du-cancer-de-la-prostate
" la HAS rappelle que la mise en place d’un programme de dépistage du cancer de la prostate par le dosage du PSA sérique total n’est pas recommandée, que ce soit en population générale ou chez les hommes à haut risque."

Le manque de bénéfice en termes de mortalité et le surdiagnostic important motivaient cette décision. Plus d'explications ici : https://cancer-rose.fr/2017/01/05/en-parallele-au-depistage-du-sein-celui-de-la-prostate-du-surdiagnostic-aussi/

Conclusion

L'extension du dépistage à la tranche d'âge plus jeune constitue une étape par rapport à 2019, où, concernant la tranche 45-49 ans, le GDR (groupe d'experts proposant les recommandations) suggérait à l'époque un dépistage mammographique triennal ou biennal dans le cadre d'un programme de dépistage organisé, en précisant l'existence d'un faible niveau de preuves.

Entre temps l'étude MyPEBS a été mise en place pour expérimenter la possibilité d'un dépistage plus ciblé, puisqu'il faut bien admettre que le dépistage actuel ne marche pas comme on le souhaite : "Après analyse de toutes les composantes, l’objectif final de Mypebs est de fournir les meilleures recommandations pour la meilleure stratégie de dépistage du cancer du sein en Europe." (voir ici https://cancer-rose.fr/my-pebs/2019/12/01/le-rationnel-de-letude-2/)
Il est dit aussi dans l'argumentaire des promoteurs de MyPEBS : "Un enjeu majeur est de rendre les femmes plus informées et plus actives dans leurs décisions de dépistage, comme le reconnaissent clairement plusieurs études internationales. En effet, l’une des principales préoccupations des programmes nationaux de dépistage dans tous les pays participants est de promouvoir des choix éclairés quant aux décisions de participer au dépistage et aux options de traitement subséquentes. Les choix éclairés exigent que des renseignements pertinents de bonne qualité soient communiqués aux femmes, afin qu’elles puissent prendre des décisions conformes à leurs valeurs."

Il semblerait que l'UE ne voie donc pas de contradiction de financer à hauteur de 12M d'euros une étude pour aboutir à un dépistage plus précis, fondé sur le risque, et d'un autre côté, sans preuve, d'élargir les tranches d'âges de dépistage, avant même que MyPEBS ait rendu ses résultats...
Ou alors il n'y a aucune contradiction, et l'étude MyPEBS est censée aboutir à cela, à imposer le dépistage finalement à toutes les femmes, avec une extension de l'âge aux tranches d'âge plus jeunes dès 40 ans comme nous le pensions déjà... voir : https://cancer-rose.fr/my-pebs/2019/06/10/argumentaire/
https://cancer-rose.fr/my-pebs/2019/12/10/mypebs-le-scandale/
Ces nouvelles recommandations de l'UE prennent juste le devant.

Dans ce rapport actuel de l'UE de 2021, il est précisé que pour la tranche d'âge 45-49 ans, "les détails complets, y compris les documents justificatifs téléchargeables pour les professionnels de la santé, seront bientôt disponibles."
Nous espérons qu'il s'agira de réelles justifications scientifiques, et que ne sera pas oubliée la promesse faite aux citoyennes après la concertation de fournir des outils d'aide à la décision permettant au minimum aux patientes de prendre une décision éclairée, même celle de ne pas se faire dépister.

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Biopsies liquides, le Graal ?

Synthèse Dr C.Bour, 15 septembre 2022
Mise à jour le 5 décembre 2022, publication de l'Institut du Cancer Américain (NCI), un séminaire pour évaluer les tests M.C.E.D. (multi-cancer early detection, tests de détection précoce de multiples cancers)

Article complet Cancer Rose

Comment exactement fonctionnent les biopsies liquides ? (explication détaillée)

Point de vue de Brenna Miller, Lown Institute

Le syndrome de Damoclès

Point de vue de V.Prasad (fil twitter) et en tant que co-auteur pour l'article dans The American Journal of Medicine avril 2022 " Tests de dépistage multicancers : Communiquer sur les risques doit rester une priorité"

Article décembre 2022 dans Journal of the National Cancer Institute, un séminaire pour évaluer les tests MCED (multi-cancer early detection, tests de détection précoce multicancers)

Biopsie liquides le Graal ?

Préambule

La détection précoce du cancer est et reste un Graal pour lequel nous accordons une foi illimitée dans la technologie. Malgré tous ces échecs de dépistages (mélanome, thyroïde, prostate, sein) à venir à bout du cancer et de ses formes hélas les plus graves[1], nous gardons néanmoins l'intime conviction que si on détectait toute cellule cancéreuse nous pourrions "vaincre" la maladie.
Les études démontrent que les faibles gains de mortalité en cancérologie ne sont pas dus aux dépistages, mais quasi essentiellement aux progrès des traitements des formes évoluées. Le cancer du sein en est un exemple.

Les médias se font souvent les porte-paroles de "découvertes spectaculaires", et nous avons déjà relayé la problématique de la restitution médiatique des innovations scientifiques, comme les dépistages et les tests sanguins (biopsies liquides) pour détecter précocement les cancers, qui a fait l'objet d'une étude publiée dans le JAMA en 2021.

Avec la multiplication des dépistages, dont la grande majorité aboutit à un échec en matière de réduction de mortalité globale et réduction des formes les plus graves des cancers, nos sociétés ont abouti à deux sortes de maladies.
D'une part, des maladies réellement vécues par le patient, avec symptômes précis et identifiées par le clinicien, d'autre part, des maladies non vécues, mais détectées par un dépistage et définies comme maladies. Dans ce dernier registre on a bien du mal à définir ce qu'est le malade. Une personne chez laquelle l'anatomo-pathologiste a trouvé sous son microscope une cellule cancéreuse ?  Une personne porteuse d'un amas cellulaire cancéreux dans un organe mais qui ne l'impactera jamais ? La personne porteuse d'un polype qui aurait pu, peut-être un jour, devenir cancéreux ?

Le paradoxe est qu'avec un dépistage de masse et sans sélection particulière, de plus en plus de personnes sont déclarées "malades" sans l'être, et surtout "guéries" avant de n'avoir jamais été malade cliniquement. Grâce au miracle biomédical, elles sont même traitées et puis guéries d'une maladie qu'elles n'auraient jamais connue. Si ce n'est pas un progrès.... Problème, c'est que d'une part les traitements eux, peuvent rendre bel et bien malades, et que d'autre part, la connaissance de leur "cancer" expose les personnes à un taux de suicide cinq fois plus élevé, avec un maximum constaté juste après l’annonce du diagnostic quel qu'il soit, que ce soit une lésion détecté ou un "vrai" cancer clinique. L'annonce multiplie par 12 le risque de décès par accident cardio-vasculaire.

On (re)-parle des biopsies liquides

Un article de La Croix nous annonce, comme d'autres médias récemment (Futura Science, Tops Santé etc..), un test sanguin consistant à détecter de l'ADN tumoral circulant dans le sang et permettant ainsi de détecter 50 types de cancers.

Mais, comme expliqué plus haut, détecter précocement des cancers ne signifie pas les guérir automatiquement et ne protège pas des faux positifs ni des détections inutile.

C'est la préoccupation exprimée par Gilbert Welsch et Barnett Kramer, dans un article, édité dans la revue STAT.
G.Welsch est interniste généraliste, chercheur principal au Center for Surgery and Public Health du Brigham and Women's Hospital de Boston.
Barnett Kramer est oncologue, membre de la Fondation Lisa Schwartz pour la vérité en médecine, et ancien directeur de la division de la prévention du cancer de l'Institut national du cancer américain.

Que sont les biopsies liquides ?

La biopsie liquide permet de détecter les cellules tumorales circulantes détachées d'une tumeur primaire voire de métastases et véhiculées dans le système vasculaire, ainsi que l'ADN circulant de ces cellules circulantes tumorales. L'espoir étant de pouvoir déceler un cancer avant son expression.

Il faut remonter en 2015 aux Etats-Unis, lorsque les membres du Congrès présentaient un projet de loi obligeant l'assurance-maladie américaine (Medicare) à couvrir un test de dépistage du cancer coûteux, proposé à toute la population, mais pour lequel jusqu'à présent il n'y a aucune preuve scientifique que ce procédé sauve réellement des vies. 
L'American Cancer Society, organisation à but non lucratif américaine créée en 1913 pour lutter contre le cancer et très en faveur des dépistages, approuvait le projet en arguant que ce test coûteux et non probant résoudrait les disparités en matière de santé.

Les deux auteurs américains posent alors deux question fondamentales :
Les biopsies liquides fonctionnent-elles comme annoncé ?
Si les biopsies liquides sont efficaces, le sont-elles suffisamment pour que cela en vaille la peine ?

Finalement une troisième émerge : qu'en est-il de la réduction des disparités que l'American Cancer Society met en avant ?

Les biopsies liquides fonctionnent-elles comme annoncé ?

On affirme, disent les auteurs, comme un mantra répété régulièrement en boucle par des spécialistes leaders d'opinion et des médias peu soucieux de controverse, que 90 % des cancers dépistés très tôt guérissent. Ce n'est pas pour autant la preuve que le dépistage sauve la vie...

Que signifie la notion de "survie à 5 ans"?

Le "90% de survie à cinq ans" pour les cancers, c'est vrai, mais seulement pour les cancers de très bon pronostic et ceux qui n'auraient jamais dû être découverts et n'auraient jamais rendu malades. Pour un cancer qui n'aurait jamais tué son hôte, c'est bien normal que l'hôte soit en vie à 5 ans. C'est vrai aussi que les cancers de bon pronostic occasionnent une meilleure survie que ceux de mauvais pronostic et métastatiques, mais la vraie question est : le dépistage est-il apte à découvrir en temps et en heure ces derniers, ceux-là même qu'il nous faudrait rattraper, parce qu'ils tuent ? Et c'est là où le bât blesse (voir réf 1)...

Premièrement disent Welsch et Kramer", la détection précoce de certains cancers pourrait ne pas être possible. Malgré quatre décennies de dépistage par mammographie, par exemple, l'incidence du cancer du sein métastatique demeure pratiquement inchangée . Les cancers très agressifs se sont souvent propagés au moment où ils deviennent détectables."
En effet, les cancers agressifs et métastatiques ne découlent pas de cancers plus petits, ou de plus bas grade ; ce sont des lésions qui sont d'emblée agressives et à composante moléculaire telle qu'ils ont déjà métastasé dans l'organisme, même lorsqu'on parvient à les détecter, ils sont volumineux au moment du diagnostic parce que très véloces. L'étude de Lanning explique très bien la mécanique des cancers.

Deuxièmement, bien qu'une détection plus précoce de certains cancers potentiellement agressifs soit possible, un traitement précoce peut ne pas modifier le moment du décès. Les statistiques de survie cachent cette possibilité."
C'est ce qu'on appelle le biais d'avance au diagnostic, qui est expliqué en détails ici.
La détection avance la "date de naissance" du cancer, et avantage ainsi les statistiques de survie, mais n'a aucune incidence sur la longévité des personnes. C'est une illusion d'optique.

Et troisièmement, les statistiques de survie sont gonflées par le surdiagnostic, c'est à dire la détection inutile de lésions qui n'auraient jamais tué.
Selon PrWelsch " des statistiques de survie élevées peuvent en fait indiquer un problème. La survie à 5 ans de 90 % pour les cancers à un stade précoce, par exemple, comprend de nombreux cancers détectés par des tests sanguins, comme le cancer de la prostate et le test PSA, ou par l'imagerie, comme le cancer du sein et la mammographie, qui n'étaient pas destinés à évoluer et à devenir un cancer à un stade avancé, ou à causer la mort. Le surdiagnostic – courant dans les cancers de la peau du sein, de la prostate, de la thyroïde et du mélanome – gonfle considérablement les taux de survie. Une survie plus élevée due au surdiagnostic n'est pas un avantage, mais un mal, avec plus de personnes diagnostiquées et traitées pour des «cancers» qui n'auraient jamais causé de problèmes."

Si les biopsies liquides sont efficaces, le sont-elles suffisamment pour que cela en vaille la peine ?

Nous citons ci-dessous ce que les deux scientifiques écrivent :
"Même si une intervention médicale est efficace, il est important d'évaluer également ses effets secondaires. L'aspirine, par exemple, est efficace pour prévenir les crises cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux, mais pas suffisamment dans la population générale pour justifier les inconvénients qui lui sont associés, comme les hémorragies cérébrales et intestinales.
Les biopsies liquides auront leurs propres inconvénients involontaires : davantage de tests, davantage de traitements et les problèmes psychologiques et physiques qui en découlent. Certaines personnes se verront dire qu'elles ont un "signal de cancer" - ce qui déclenchera la peur et des tests supplémentaires - pour apprendre plus tard qu'il s'agissait d'une fausse alerte. D'autres seront surdiagnostiquées et traitées pour des cancers qui, autrement, ne les auraient jamais inquiétées. Certains seront affectés par le traitement ; quelques-uns pourraient même en mourir.
D'autres encore se verront découvrir des cancers conséquents plus tôt qu'ils ne les auraient trouvés sans la biopsie liquide, sans pour autant vivre plus longtemps. Ils seront soumis à la toxicité des thérapies anticancéreuses plus tôt, à un moment où ils n'auraient autrement aucun symptôme. Ces effets secondaires existent dans tous les programmes de dépistage du cancer. Mais le dépistage multicancer par biopsie liquide en présente un qui lui est propre : S'il peut être évident qu'une personne a un cancer, on ne sait pas toujours où se trouve ce cancer. Imaginez que l'on vous dise que vous avez un cancer, mais que personne ne sache de quel type il s'agit.
À ce jour, personne ne connaît la fréquence de ces effets secondaires, car ces tests n'ont pas fait l'objet d'études rigoureuses. Mais un mauvais test est aussi mauvais qu'un mauvais médicament. C'est une autre raison pour laquelle un essai randomisé est nécessaire - pas seulement pour savoir si les biopsies liquides apportent un bénéfice, mais aussi pour savoir à quelle fréquence elles causent des dommages.
Il y a une chose que nous savons à propos du dépistage par biopsie liquide : il coûtera très cher."

Un des tests, le test Galleri par exemple, coûte 949 dollars. S'il  est recommandé chaque année aux personnes de 50 ans et plus, calcule G.Welsch, avec 100 millions d'Américains dans cette tranche d'âge, cela représentera selon lui environ 100 milliards de dollars par an.
S'ajoutera à cela tous les examens complémentaires et autres tests qui vont en découler pour rechercher et confirmer le cancer que la biopsie liquide laisse suspecter, et des consultations médicales démultipliées.

Car si cellules tumorales baladeuses il y a, il faut encore le retrouver, ce cancer.

Réduction des disparités ?

Là aussi les deux chercheurs sont très dubitatifs...
"Ceux qui veulent s'attaquer aux principaux facteurs de disparités en matière de santé devraient moins se préoccuper de la population couverte par l'assurance-maladie et davantage des personnes de moins de 65 ans, en particulier là où les disparités commencent vraiment : chez les jeunes adultes et les enfants. Et ils devraient moins se préoccuper des interventions médicales telles que le dépistage du cancer et davantage des véritables déterminants de la santé, comme l'alimentation, le logement et la sécurité des revenus.
Les effets de la pauvreté sur la santé n'ont pas été réglés par l'augmentation du nombre de mammographies et de coloscopies, et ils ne le seront pas par les biopsies liquides."

Dans un autre article publié dans le Boston Globe, G.Welsch cite l'exemple du test Galleri, qui a évité le processus d'approbation de la FDA (Food and Drug Administration ; c'est l'administration américaine pour denrées alimentaires et les médicaments, qui a pour mission de vérifier et d'autoriser la commercialisation des médicaments), grâce à une dérogation.
Galleri est vendu ainsi directement aux consommateurs au prix de 949 dollars par personne.
"La société qui vend Galleri", explique G.Welsch,"recommande aux gens de faire le test une fois par an. Faisons le calcul. Sachant qu'il y a environ 60 millions de bénéficiaires de Medicare, cela représenterait environ 60 milliards de dollars par an. Cela représenterait une augmentation de 7 % des dépenses totales de Medicare ¬- à répercuter sur les contribuables et/ou les bénéficiaires de Medicare sous la forme de primes plus élevées.
Tout cela pour un seul test. Et personne ne sait si ce test aide les gens à vivre plus longtemps ou à vivre mieux."

Que faudrait-il faire ?

Pour G.Welsch, il n'y a qu'un moyen d'éprouver les biopsies liquides sur leur efficacité dans la détection précoce des cancers, et cela passe par la réalisation d'un essai randomisé dans lequel les participants seraient divisés en deux groupes. L'un subit un dépistage régulier, l'autre non. Les participants sont ensuite suivis pendant une dizaine d'années ; on comptant le nombre de décès dans chaque groupe. Les essais comparatifs randomisés correspondent au "gold standard" des études scientifiques, il s'agit d'une méthode éprouvée. Le National Health Service (NHS) d'Angleterre recrute actuellement 140 000 personnes pour un tel essai. Le résultat le plus pertinent à mesurer serait le nombre de décès dans chaque groupe.

L'Institut national du cancer américain est en train de planifier un essai randomisé de dépistage par biopsie liquide. Ironiquement dit G.Welsch dans le Boston Globe, l'adoption précipitée de la couverture médicale pour ces tests par Medicare entraverait cet essai, "en raison d'une dynamique que nous avons déjà observée. Dans les années 1990, de nombreux médecins et patients croyaient qu'une greffe de sa propre moelle osseuse était un traitement efficace du cancer du sein métastatique. La presse s'est focalisée sur les jeunes femmes qui mouraient d'un cancer agressif sans avoir accès à cette procédure "salvatrice"....." La présomption de bénéfice était si forte que les chercheurs ont eu beaucoup de mal à trouver des volontaires pour participer à des études visant à déterminer si la procédure fonctionnait. Tout le monde supposait déjà que c'était le cas. Mais ce n'était pas le cas."
...."les essais randomisés ont finalement démontré que les greffes de moelle osseuse n'aidaient pas les femmes à vivre plus longtemps. Et elles ne vivaient certainement pas mieux. Des dizaines de milliers de femmes ont été soumises à une procédure ardue, souvent compliquée par l'anémie, l'infection et la diarrhée. Et certaines en sont mortes."

Il ne faut donc pas mettre la charrue avant les boeufs, il est urgent...d'attendre, le chercheur implore en fin d'article le Congrès de laisser le National Cancer Institute américain et le groupe de travail US Preventive Services Task Force faire leur travail de vérification scientifique. (USPSTF : groupe missionné pour examiner les preuves et pour formuler des recommandations sur les dispositifs de prévention).

Références

[1] Non réduction des cancers métastatiques depuis les dépistages, pour le cancer du sein et celui de la prostate :

Autier P, Boniol M, Koechlin A, Pizot C, Boniol M. Effective- ness of and overdiagnosis from mammography screening in the Netherlands: population based study. BMJ 2017;359:j5224.

Autier P, Boniol M, Middleton R, Dore JF, Hery C, Zheng T, et al. Advanced breast cancer incidence following population- based mammographic screening. Ann Oncol 2011;22(8): 1726e35.

Bleyer A, Welch HG. Effect of three decades of screening mammography on breast-cancer incidence. N Engl J Med 2012; 367(21):1998e2005.

De Glas NA, de Craen AJ, Bastiaannet E, Op ’t Land EG, Kiderlen M, van de Water W, et al. Effect of implementation of the mass breast cancer screening programme in older women in The Netherlands: population based study. Bmj 2014;349:g5410.

Autier P, Boniol M. The incidence of advanced breast cancer in the West Midlands, United Kingdom. Eur J Cancer Prev 2012; 21(3):217e21.

Nederend J, Duijm LE, Voogd AC, Groenewoud JH, Jansen FH, Louwman MW. Trends in incidence and detection of advanced breast cancer at biennial screening mammography in The Netherlands: a population based study. Breast Cancer Res 2012;14(1):R10.

Lousdal ML, Kristiansen IS, Moller B, Stovring H. Trends in breast cancer stage distribution before, during and after intro- duction of a screening programme in Norway. Eur J Public Health 2014;24(6):1017e22.

Johnson RH, Chien FL, Bleyer A. Incidence of breast cancer with distant Involvement among women in the United States, 1976 to 2009. JAm Med Assoc 2013;309(8):800e5.

Esserman L, Shieh Y, Thompson I. Rethinking screening for breast cancer and prostate cancer. Jama 2009;302(15):1685e92. [53] Jorgensen K, Gøtzsche PC, Kalager M, Zahl P. Breast cancer screening in Denmark: a cohort study of tumor size and over-diagnosis. Ann Intern Med 2017 Mar 7;166(5):313e23.

Welch HG, Gorski DH, Albertsen PC. Trends in metastatic breast and prostate cancer dlessons in cancer dynamics. N. Engl JMed 2015;373(18):1685e7.

Di Meglio A, Freedman RA, Lin NU, Barry WT, Metzger-Filho O, Keating NL, et al. Time trends in incidence rates and survival of newly diagnosed stage IV breast cancer by tumor histology: a population-based analysis. Breast Cancer Res Treat 2016;157(3):587e96.

Comment exactement fonctionnent les biopsies liquides (explication détaillée)

Voici des extraits d'un article rédigé par Colin Pritchard, professeur d'anatomie pathologique à School of Medicine, Université de Washington
"A blood test that screens for multiple cancers at once promises to boost early detection"-Publié: 31 octobre 2022, 13:35 CET

"Cette année, le président Joe Biden a fait du développement des tests MCED (multiple cancers early detection ; test sanguin de détection précoce multi-cancers) une priorité du Cancer Moonshot, une initiative fédérale de 1,8 milliard de dollars visant à réduire le taux de mortalité par cancer et à améliorer la qualité de vie des survivants et des personnes vivant avec le cancer."
.........
"Comment fonctionnent les tests MCED ?
Toutes les cellules de l'organisme, y compris les cellules tumorales, libèrent de l'ADN dans la circulation sanguine lorsqu'elles meurent. Les tests MCED recherchent les traces d'ADN tumoral dans la circulation sanguine. Cet ADN "acellulaire" circulant contient des informations sur le type de tissu dont il provient et sur son caractère normal ou cancéreux.
Les tests visant à rechercher l'ADN tumoral circulant dans le sang ne sont pas nouveaux. Ces biopsies liquides - une façon élégante de désigner les tests sanguins - sont déjà largement utilisées pour les patients atteints d'un cancer à un stade avancé. Les médecins utilisent ces tests sanguins pour rechercher des mutations dans l'ADN tumoral qui permettent d'orienter le traitement. Comme les patients atteints d'un cancer à un stade avancé ont tendance à avoir une grande quantité d'ADN tumoral en circulation dans le sang, il est relativement facile de détecter la présence de ces changements génétiques.
Les tests MCED sont différents des biopsies liquides actuelles car ils tentent de détecter un cancer à un stade précoce, lorsque les cellules tumorales ne sont pas encore très nombreuses. La détection de ces cellules cancéreuses peut s'avérer difficile à un stade précoce car les cellules non cancéreuses excrètent également de l'ADN dans la circulation sanguine. Comme la majeure partie de l'ADN circulant dans le sang provient de cellules non cancéreuses, détecter la présence de quelques molécules d'ADN cancéreux revient à chercher une aiguille dans une botte de foin.

Pour rendre les choses encore plus difficiles, les cellules sanguines perdent naturellement de l'ADN anormal avec le vieillissement, et ces brins peuvent être confondus avec de l'ADN cancéreux en circulation. Ce phénomène, connu sous le nom d'hématopoïèse clonale, a déconcerté les premières tentatives de développement de tests MCED, avec un trop grand nombre de résultats faussement positifs.

Heureusement, les tests plus récents sont capables d'éviter les interférences des cellules sanguines en se concentrant sur un type de "code-barres moléculaire" intégré à l'ADN cancéreux qui identifie le tissu d'où il provient. Ces codes-barres sont le résultat de la méthylation de l'ADN, des modifications naturelles de la surface de l'ADN qui varient selon le type de tissu de l'organisme. Par exemple, le tissu pulmonaire présente un schéma de méthylation de l'ADN différent de celui du tissu mammaire.
En outre, les cellules cancéreuses présentent des profils de méthylation de l'ADN anormaux qui sont corrélés au type de cancer. En répertoriant les différents schémas de méthylation de l'ADN, les tests MCED peuvent se concentrer sur les sections d'ADN qui distinguent les tissus cancéreux des tissus normaux et localiser le site d'origine du cancer."
.........
". Aucun test MCED n'est actuellement approuvé par la FDA ou recommandé par les sociétés médicales."
.......
"En 2021, la société de biotechnologie GRAIL a lancé le premier test MCED disponible dans le commerce aux États-Unis. Son test Galleri prétend pouvoir détecter plus de 50 types de cancers différents. Au moins deux autres sociétés américaines, Exact Sciences et Freenome, et une société chinoise, Singlera Genomics, ont des tests en cours de développement. Certains de ces tests utilisent différentes méthodes de détection du cancer en plus de l'ADN tumoral circulant, comme la recherche de protéines associées au cancer dans le sang. Les tests MCED ne sont généralement pas encore couverts par les assurances. Le prix du test Galleri de GRAIL est actuellement de 949 dollars, et la société propose un plan de paiement pour les personnes qui doivent payer de leur poche."
.........
" Il faudra de nombreuses années pour déterminer comment les tests MCED doivent être mis en œuvre en clinique. Les chercheurs et les cliniciens commencent tout juste à se pencher sur la question de savoir qui doit être testé, à quel âge, et comment les antécédents médicaux et familiaux doivent être pris en compte. Il est tout aussi important de définir des lignes directrices sur la manière dont les médecins évalueront les résultats positifs du test MCED.

On craint également que les tests MCED n'entraînent des surdiagnostics de cancers asymptomatiques à faible risque qu'il vaut mieux ne pas détecter. Cela s'est produit avec le dépistage du cancer de la prostate. Auparavant, les directives recommandaient que tous les hommes âgés de 55 à 69 ans passent régulièrement des tests sanguins pour déterminer leur taux de PSA, une protéine produite par le tissu prostatique cancéreux et non cancéreux. Mais aujourd'hui, la recommandation est plus nuancée, le dépistage étant suggéré sur une base individuelle qui tient compte des préférences personnelles.

Une autre préoccupation est que les tests supplémentaires pour confirmer les résultats positifs de l'ECDM seront coûteux et constitueront une charge pour le système médical, en particulier si un scanner du corps entier est nécessaire. Le coût d'une IRM, par exemple, peut s'élever à plusieurs milliers de dollars. Les patients qui obtiennent un résultat positif au test MCED mais qui ne sont pas en mesure de confirmer la présence d'un cancer après une imagerie approfondie et d'autres tests de suivi peuvent développer une anxiété permanente à l'idée d'un diagnostic potentiellement manqué et continuer à passer des tests coûteux à la recherche infructueuse d'une tumeur."

Article de Brenna Miller, Lown Institute

Pour terminer nous vous proposons le  résumé en français des faits, rédigé par Brenna Miller, spécialiste de la communication en matière de santé à l'Institut Lown. Elle est titulaire d'une maîtrise en santé publique de la faculté de médecine de l'université Tufts.

Le Lown Institute est "groupe de réflexion non partisan qui défend des idées audacieuses pour un système de santé juste et attentionné."

L'auteure fait référence à la société Theranos, qui était une entreprise américaine dans le domaine des technologies de la santé, censée développer les premiers tests de biopsies liquides, mais sans évaluation indépendante ni publication scientifique, et dont les dirigeants ont été inculpés finalement en 2018 pour fraude massive.

Medicare doit-il couvrir les tests sanguins pour le dépistage du cancer ?

Par Brenna Miller | 5 juillet 2022

Le Congrès envisage d'adopter la loi sur la couverture du dépistage précoce des cancers multiples par Medicare, qui obligerait Medicare à payer les tests de dépistage précoce des cancers multiples. Détecter le cancer à un stade précoce par des tests sanguins avant que le cancer ne se soit propagé semble raisonnable - mais les experts en surconsommation avertissent que l'adoption de cette nouvelle technologie sans réflexion approfondie pourrait en fait faire plus de mal que de bien. Alors que certains défenseurs des patients ont plaidé auprès du Congrès pour qu'il approuve la couverture par Medicare, il convient d'examiner les inconvénients potentiels de ces tests de dépistage multicancer.

Les promesses des tests sanguins

La plupart des Américains connaissent maintenant Elizabeth Holmes et sa société Theranos, qui a échoué. Cette société avait promis qu'avec une petite goutte de sang, elle pourrait tester et diagnostiquer un grand nombre de maladies. Ce n'était qu'un mensonge. Il a été révélé des années plus tard, provoquant un scandale national et endommageant au passage la vie de patients confiants. 

D'autres entreprises tentent toujours de faire ce que Theranos n'a pas pu faire : développer un moyen d'analyser le sang pour un éventail de maladies allant des anomalies génétiques au cancer. Il existe plusieurs façons d'aborder cette mission, qu'il s'agisse de dépister des antigènes apparentés ou de compter les cellules sanguines.
Les tests de dépistage multicancer, parfois appelés biopsies liquides, sont de plus en plus populaires. Ces tests de dépistage utilisent une petite quantité de sang pour rechercher des marqueurs pour une variété de cancers. Actuellement, la FDA a approuvé ces tests pour les personnes atteintes d'un cancer avancé de l'ovaire, du poumon, du sein ou de la prostate, afin de détecter la récidive du cancer et de guider la thérapie. Les entreprises qui cherchent à étendre l'utilisation du dépistage - et à augmenter leurs profits - font pression pour une adoption plus large des tests de dépistage sanguins. Est-ce une bonne idée ?

L'équilibre délicat entre détection précoce et surconsommation

Notre corps présente des anomalies en permanence. Nos cellules se divisent et meurent constamment au fur et à mesure que nous évoluons avec l'âge. La reproduction cellulaire comporte inévitablement des erreurs et des cellules cancéreuses se développent - mais dans un corps humain sain, d'autres cellules impliquées dans le système immunitaire se chargent rapidement des cellules cancéreuses sans que l'homme s'en aperçoive. Parfois, elles ne le font pas, bien sûr, et les cellules cancéreuses se multiplient en tumeurs bénignes ou malignes. C'est là qu'apparaît la frontière ténue entre détection précoce et surconsommation. Supposons qu'un patient se rende à un rendez-vous de contrôle, qu'on lui propose un test de dépistage et que son analyse de sang révèle une anomalie, mais que celle-ci n'est pas définitive. Le patient ne présente aucun symptôme et n'aurait pas su que quelque chose était anormal s'il n'avait pas passé le test de dépistage. Un bon médecin examinerait le patient et l'encouragerait probablement à passer d'autres tests pour tenter de préciser le diagnostic et le pronostic. Le patient passe un autre test ; là encore, il n'est pas définitif. Il a déjà dépensé du temps et de l'argent pour deux tests qui n'ont ni renseigné ni amélioré sa santé. Il peut continuer à faire des tests et des procédures pour trouver la source du problème, ou il peut arrêter. La sagesse de la décision dépend de la question de savoir s'il y a vraiment quelque chose de nocif dans son corps. Le stress lié à son état de santé inconnu est maintenant profondément ancré dans son esprit.

Ces tests ont-ils aidé le patient ? La réponse n'est pas claire, et nous ne pourrons pas prendre de recul et examiner avec précision cette question d'un point de vue systémique avant de voir les résultats des essais contrôlés randomisés actuellement en cours.


Les profits avant tout

Les tests médicaux sont une activité lucrative et coûteuse. Si nous envisageons de financer les tests de dépistage sanguin par le biais de Medicare, nous devons prendre en compte les coûts et les avantages de ce choix. Susanna Quinn, qui a survécu à un cancer de l'ovaire, a récemment publié un article dans le Daily Beast dans lequel elle exhorte le Congrès à signer la loi sur la couverture du dépistage précoce des cancers multiples par Medicare. Elle soutient que les tests de dépistage sont une nécessité, en s'appuyant sur son expérience personnelle pour résoudre l'agonie que représente le fait de subir un traitement contre le cancer et d'y survivre.

Si l'histoire de Quinn est émouvante, il est important de considérer son article dans le contexte de ses conflits financiers potentiels. Quinn siège au conseil d'administration de la Prevent Cancer Foundation, une organisation à but non lucratif dédiée à la détection précoce qui reçoit des financements importants de la part de sociétés pharmaceutiques et de fabricants d'appareils médicaux - dont plus d'un million de dollars de la part d'Amgen, Astrazeneca, Genentech, Gilead, Merck et Pfizer en 2020.

Si Medicare commence à payer le dépistage universel, ces investissements seront largement rentabilisés par l'argent du contribuable. Ce n'est pas que ces efforts ne soient pas de bonne foi, mais il existe des intérêts financiers particuliers qui poussent au dépistage précoce pour tous.
H. Gilbert Welch, médecin universitaire et chercheur en cancérologie, a fait part de ses préoccupations dans une tribune publiée dans Stat News.
"La seule chose qui est claire pour moi, c'est que cela va coûter très cher. C'est une autre chose sur laquelle les entreprises et leurs investisseurs misent. Le test Galleri coûte 949 dollars et est recommandé chaque année aux personnes de 50 ans et plus. Avec 100 millions d'Américains dans cette tranche d'âge, cela représente environ 100 milliards de dollars par an, soit 15 fois le budget des Centers for Disease Control and Prevention. Et c'est sans compter le coût de tous les tests et traitements ultérieurs qui suivront invariablement. "H. Gilbert Welch, STAT News-

La détection précoce peut sauver des vies. Le problème potentiel des tests sanguins préventifs « tout en un » est qu'ils "diagnostiquent" la variabilité du corps humain. Les événements en cascade (examens multiples occasionnés à la suite d'une détection, NDLR) sont bien documentés dans le domaine médical et constituent une menace importante pour ceux qui utilisent les tests sanguins de dépistage du cancer. Les soins préventifs relèvent de la santé publique, mais ils doivent être mis en balance avec le serment de ne pas nuire. La ligne étroite entre la détection précoce et la surconsommation est difficile à tracer.


Le syndrome de Damoclès

Les tests sanguins qui détectent les cancers créent des risques pour ceux qui les utilisent

Blood Tests That Detect Cancers Create Risks for Those Who Use Them
The New York Times, Par Gina Kolata le 10 juin 2022

Témoignages

L'article restitue des témoignages que nous vous citons, traduits, et qui mettent en exergue ce que ces tests peuvent apporter comme bénéfices aux patients, mais aussi les risques auxquels ils exposent, surtout si, comme c'est le cas actuellement, les entreprises n'attendent pas le feu vert des législateurs, courcircuitent les autorisations et vendent les tests directement aux consommateurs.

"Jim Ford se considère comme un homme chanceux : Un test sanguin expérimental a permis de détecter son cancer du pancréas à un stade précoce. Ce cancer, qui compte parmi les plus mortels de tous les cancers courants, est trop souvent découvert trop tard.
Après des scanners, une biopsie et une intervention chirurgicale, puis une chimiothérapie et des rayons, M. Ford, 77 ans, qui vit à Sacramento, n'a plus de cancer détectable.
"Comme l'a dit mon médecin, j'ai gagné à la loterie", a-t-il déclaré."

Le syndrome de Damoclès

Mais d'autres témoignages et des réserves moins enthousiastes existent :

"Lorsque Susan Iorio Bell, 73 ans, une infirmière qui vit à Forty Fort, en Pennsylvanie, a vu une annonce sur Facebook recrutant des femmes de son âge pour une étude sur un test sanguin de dépistage des cancers, elle s'est immédiatement inscrite. Cela correspondait à son engagement en faveur de la médecine préventive et à sa croyance dans les essais cliniques. L'étude portait sur un test, qui appartient maintenant à Exact Sciences, et concernait des femmes patientes de Geisinger, grand réseau de soins de santé. Le test recherche les protéines et l'ADN excrétés par les tumeurs. Les résultats de Mme Bell étaient troublants : l'alpha-foetoprotéine était présente dans son sang, ce qui peut signaler un cancer du foie ou de l'ovaire. Elle était inquiète - son père avait eu un cancer du côlon et sa mère un cancer du sein. Mme Bell a vécu ce qui se passe lorsque les patients reçoivent un pronostic sombre. "Tout d'un coup, votre vie peut être changée du jour au lendemain", a-t-elle dit. Mais un PET scan et une IRM abdominale n'ont pas permis de trouver une tumeur. Le résultat du test est-il un faux positif, ou a-t-elle une tumeur trop petite pour être vue ? Pour l'instant, il est impossible de le savoir. Tout ce que Mme Bell peut faire est d'avoir des dépistages réguliers du cancer et une surveillance de sa fonction hépatique. "Je vis au jour le jour", dit-elle. "Je suis une personne croyante et je crois que Dieu a un plan pour moi. Que ce soit bon ou mauvais, c'est sa volonté."
Selon certains spécialistes du cancer, l'expérience de Mme Bell illustre un problème lié aux tests sanguins. La situation ne peut concerner qu'un petit pourcentage de personnes, car la plupart des personnes testées se verront dire que leur test n'a pas détecté de cancer. Parmi ceux dont les tests détectent un cancer, des scanners ou des biopsies peuvent souvent le localiser.
Mais le Dr Susan Domchek, chercheuse sur le cancer du sein à l'université de Pennsylvanie, a prévenu que lorsqu'un grand nombre de personnes se font tester, les faux positifs deviennent 'un vrai problème', ajoutant, 'nous devons savoir quoi faire de ces résultats et ce qu'ils signifient'."
"Le Dr Daniel Hayes, chercheur sur le cancer du sein à l'Université du Michigan, qualifie la situation de syndrome de Damoclès : "Vous avez cette chose au-dessus de votre tête, mais vous ne savez pas quoi que faire à ce sujet"."

Donald Berry, statisticien au MD Anderson Cancer Center de Houston, fait part de son expérience et de ses doutes. Lorsque GRAIL a été créé, ses dirigeants l'ont invité à faire partie de son conseil consultatif scientifique.
"Ils ont dit qu'ils avaient besoin d'un sceptique", a déclaré le Dr Berry. "Je leur ai dit que j'étais un sceptique et que j'étais plutôt négatif.
Je leur ai dit qu'il y avait un véritable obstacle : ils devront mener des essais cliniques de très grande envergure et le critère d'évaluation devra être la survie. Ils doivent montrer que la détection précoce du cancer est plus qu'une simple détection précoce du cancer. Il faut que cela signifie quelque chose".
Quelques années plus tard, la société a restructuré son conseil consultatif scientifique pour y inclure de nombreux nouveaux experts, et le Dr Berry n'en fait plus partie. Il ne sait pas exactement pourquoi.
En étant généreux, je dirais qu'ils n'avaient plus besoin de mon expertise", a déclaré le Dr Berry. "En étant réaliste, ils en ont eu assez d'entendre mes plaintes selon lesquelles la détection précoce du cancer n'était pas suffisante".

Motifs de réticences

Les questions difficiles que Donald Berry posait concernaient le surdiagnostic :
"la découverte de petites tumeurs qui n'auraient jamais été découvertes et qui n'ont peut-être causé aucun problème. Certains cancers ne se développent tout simplement pas ou sont éliminés par le système immunitaire de l'organisme. Mais sans savoir si le cancer est dangereux, il sera traité comme s'il l'était, soumettant les gens à des thérapies souvent difficiles ou débilitantes et parfois inutiles."

Un autre enjeu est l'efficacité de détection de ces tests, notamment pour les cancers les plus agressifs, selon le Dr Kramer, oncologue, membre de la Fondation Lisa Schwartz pour la vérité en médecine, et ancien directeur de la division de la prévention du cancer de l'Institut national du cancer américain.
"Nous allons plonger de plus en plus profondément dans l'iceberg de la maladie en trouvant des lésions qui ressemblent à un cancer pour le pathologiste mais qui n'ont peut-être pas du tout la même histoire naturelle. Il se peut même qu'il ne soit pas possible de trouver les cancers les plus agressifs suffisamment tôt pour les guérir, a ajouté le Dr Kramer. Les tumeurs qui excrètent le plus d'ADN et de protéines dans le sang sont les plus grosses tumeurs."

L'article conclut avec l'avis du Dr Berry, statisticien sus-cité :
"Le Dr Berry n'est pas rassuré pour autant et craint que la foi du public dans le dépistage précoce, qui, selon lui, "est comme une religion", ne l'emporte, même en l'absence de preuves solides. Les risques, nous les connaissons", a-t-il ajouté. "Les bénéfices sont très incertains"."

"Une étude définitive pour déterminer si les tests préviennent les décès par cancer devrait impliquer plus d'un million d'adultes en bonne santé répartis de manière aléatoire qui subiront ou non un test sanguin annuel de dépistage du cancer." Explique l'article." Les résultats prendraient une décennie ou plus."

Le public, les médias, les entreprises commercialisant les tests auront-ils la patience d'attendre ?

Point de vue de V.Prasad, à propos de l'article de Colin Pritchard sur les biopsies liquides pour détecter plusieurs cancers en même temps.

Le 31 octobre 2022, Vinay Prasad, hématologue-oncologue et chercheur en santé américain, professeur d'épidémiologie et de biostatistique à l'Université de Californie à San Francisco, réagit à l'article de Colin Pritchard concernant la détection de plusieurs cancers simultanément par biopsie liquide.

Il écrit :
"Voici pourquoi un "test sanguin de dépistage de multiples cancers" a toutes les chances d'échouer. Il y a 3 types de cancers que vous pouvez trouver lors d'un dépistage :

1. Le cancer qui vous tuera quoi qu'il arrive.
2. Le cancer qui vous tuera, à moins que vous ne l'éliminiez (ce que vous voulez trouver).
3. Le cancer qui ne vous causera aucun problème.

À ce jour, il n'existe aucun test moléculaire, pathologique, histologique ou omique qui permet de distinguer ces trois types de cancer. Le dépistage sanguin du cancer pourrait trouver le n° 2, mais probablement beaucoup de n° 1 et de n° 3. Voici la partie difficile : vous êtes souvent plus mal loti si vous trouvez le n° 1 et le n° 3.

Vous êtes opéré pour retirer votre organe primaire, mais le cancer n° 1 s'est déjà propagé à la moelle épinière, et cette localisation ainsi que d'autres métastases entraîneront la mort. Vous serez juste un patient pendant plusieurs années.

Le type 3 est plus intuitif. Quel est l'intérêt de passer sous le scalpel pour enlever le type  n°3. - il n'allait pas vous causer de problèmes de toute façon.
Parfois, rarement, quelqu'un a une complication pendant une procédure effectuée pour le n°3. Cela peut être dévastateur, et annuler les bénéfices obtenus pour 2 autres personnes.

Mais le dépistage basé sur l'analyse du sang présente un plus gros problème.

Si le test est ++, vous ne savez pas opérer. Vous devez utiliser des scanners et de l'imagerie pour trouver l'endroit à opérer. Vous pouvez ne pas le trouver ! Ou pire, vous pouvez opérer au mauvais endroit !

Il se peut que vous ayez trouvé un cancer n° 2, mais que la lésion la plus importante soit un cancer n° 3 et que vous l'éliminiez par erreur. Personne n'en a la moindre idée.

Les vies ne sont allongées que lorsque nous enlevons des cancers n° 2 (qui vous auraient tué, mais plus maintenant que vous l'avez enlevé). Ce test n'a aucun moyen de localiser ces tumeurs.

La seule façon de juger de l’efficacité d’un test de  dépistage sanguin des cancers est donc de procéder à des essais cliniques randomisés portant sur la mortalité toutes causes confondues. Cela prendra 3 à 5 ans (avec une taille d'échantillon importante), et si je devais parier, je parierais contre ces tests.

Les êtres humains ont encore une compréhension primitive du corps ; nous ne savons pas ce qui distingue les cancers 1, 2 et 3, malgré une avalanche de tests moléculaires. C'est le cœur du problème de tous les tests de dépistage."

Article avec V.Prasad en co-auteur, avril 2022
"Tests de dépistage multicancers : Communiquer sur les risques doit rester une priorité"

https://www.amjmed.com/article/S0002-9343(21)00653-7/fulltext

Olivier T 1, Gill J 2, Prasad V. 2 Multi-Cancer Screening Tests: Communicating About Risks Should be Prioritized. Am J Med. 2022 Apr;135(4):413-415.
doi: 10.1016/j.amjmed.2021.09.012. Epub 2021 Oct 14. Erratum in: Am J Med. 2022 May 24;: PMID: 34655543.

  • 1 Department of Oncology, Geneva University Hospital, Switzerland. Electronic address: timothee.olivier@hcuge.ch.
  • 2Department of Epidemiology and Biostatistics, University of California San Francisco, Calif.

En juin 2021, Klein et ses collègues 1 ont rapporté les résultats d'une étude prospective, cas-témoin et observationnelle sur la validité clinique d'un test de détection précoce multicancer (MCED) développé par GRAIL, Inc. Basé sur une prise de sang fournissant de l'ADN (acide désoxyribonucléique) exempte de toute cellule et sur l'interprétation de celui-ci par machine learning, ce test a été développé dans le but de permettre la détection d'un plus grand nombre de cancers lors du dépistage de la population. Les auteurs ont rapporté une spécificité de 99,5% pour la détection des signaux de cancer et une sensibilité globale de 51,5%. Ils ont conclu que le test MCED fait preuve d'une spécificité et d'une précision élevées et que "ces résultats soutiennent la faisabilité de ce test MCED sanguin en complément des tests de dépistage monocancer existants." L'étude a montré que le test MCED réussissait à identifier efficacement le cancer, mais ces résultats méritent-ils l'adoption d'un vaste programme de dépistage du cancer ?

Le dépistage du cancer repose sur un postulat largement adopté, selon lequel une détection précoce est préférable. La détection et l'ablation d'une lésion qui n'aurait pas eu d'effet préjudiciable sur la vie d'un patient ne présentent aucun avantage pour le patient et constituent des exemples de surdiagnostic et de surtraitement, respectivement. Le taux élevé de lésions malignes récemment découvertes dans les rapports d'autopsie et qui n'ont pas contribué à la cause du décès devrait nous amener à nous interroger :: "Ces lésions pathologiques sont-elles de 'vrais' cancers ?". Certains ont préconisé l'utilisation du terme "lésion indolente d'origine épithéliale" (en abrégé IDLE) pour faire la distinction entre les lésions qui risquent de menacer la durée ou la qualité de la vie d'un patient et celles qui ne causent jamais de problèmes.2 

On peut décrire trois types de ce que l'on appelle globalement des "cancers" : 1) les lésions à évolution lente, pour lesquelles une détection précoce peut prévenir le décès, 2) les lésions à évolution rapide, pour lesquelles une détection précoce ne présente que peu ou pas d'avantages, 3) et les lésions indolentes, qui, lorsqu'elles sont découvertes et traitées, constituent un surdiagnostic et un surtraitement. 2

À ce jour, il n'existe aucun test - qu'il s'agisse d'un test de laboratoire, d'imagerie, de génomique ou autre - qui permette de distinguer de manière fiable ces trois types d’évolutions.

Les signatures épidémiologiques des cancers montrent que, dans certains types de tumeurs, les taux de diagnostic ont augmenté au fil du temps, mais que les taux de mortalité sont restés stables, un phénomène qui s'explique potentiellement par un surdiagnostic dû aux programmes de détection précoce et aux vastes programmes de dépistage du cancer. 3 Le mélanome en est un exemple flagrant, et les prestataires de soins ont plaidé pour l'arrêt des examens cutanés de dépistage systématique afin de prévenir tout préjudice aux patients. 4 Alors que le postulat simple selon lequel " détecter plus tôt, c'est mieux " s'est imposé dans la recherche sur le cancer pendant des décennies, les études épidémiologiques ont démontré le contraire.

L'essai MCED a rapporté une sensibilité globale de 51,5 %, qui augmentait avec le stade. Les cancers de stade I avaient une sensibilité de 16,8 % (14,5 % à 19,5 %) et ceux de stade IV une sensibilité de 90,1 % (87,5 % à 92,2 %). Quelles seraient les conséquences si un résultat faussement "rassurant" retardait la détection d'un vrai cancer ? Compte tenu du taux de sensibilité de détection des tumeurs de stade I, combien d'entre elles ont le potentiel de causer des préjudices, et combien d'entre elles sont des lésions qui n'auraient jamais causé de problèmes ? Comme il n'existe pas d'outil établi permettant de faire la distinction, seul un essai randomisé pourra élucider les véritables bénéfices et risques d'une stratégie de dépistage par MCED.

Pour aider de tels efforts de randomisation, considérez ce calcul de puissance. Les chercheurs estiment que, sur la base des données du Programme de surveillance, d'épidémiologie et de résultats finaux, (SEER) des adultes diagnostiqués entre 40 et 79 ans, en supposant un changement de stade avec un tiers des cancers de stade IV avec des résultats similaires au stade III, un tiers avec des résultats similaires au stade II et un tiers avec des résultats similaires au stade I, cela conduirait à une réduction de 24 % de tous les décès liés au cancer. 5

À partir des données de 2006-2015, le nombre absolu de décès par cancer attendu après 5 ans de suivi dans cette tranche d'âge est de 241 pour 100 000 personnes. Cela représente un risque de 0,241 % de mourir d'un cancer au cours d'une période de 5 ans. Une réduction de 24 % ramènerait le risque à 0,182 %, ce qui éviterait à 59 personnes de mourir d'un cancer au cours d'une période de 5 ans pour chaque tranche de 100 000 personnes. En fixant une probabilité d'erreur de type I (alpha) de 0,05 avec une puissance de 80 %, la taille de l'échantillon nécessaire pour prouver un tel bénéfice serait de 190 348 personnes (95 174 dans chaque bras). Si nous supposons que l'estimation de 24 % est optimiste et que nous estimons la taille de l'échantillon pour une réduction du risque moindre, comme une réduction du risque de 20 %, 15 %, 10 % ou 5 %, des tailles d'échantillon de 290 000, 530 000, 1,2 million et 5 millions, respectivement, seraient nécessaires pour démontrer le bénéfice de la détection du cancer à un stade plus précoce.

L'essai MCED a révélé un "faible" taux de faux positifs de 0,5 %.1  Si l'on considère les 200 millions d'adultes qui peuplent les États-Unis, le test conduira à un million de personnes recevant un faux positif s'il est appliqué à grande échelle. La première conséquence serait un choc psychologique pour les personnes concernées et leurs proches : s'entendre dire que l'on a peut-être un cancer est un événement dévastateur. Ensuite, une cascade de tests s'ensuivra. Combien de scanners, d'examens d'imagerie par résonance magnétique, d'ablations de tumeurs de localisations diverses (ovaires, prostate, thyroïdes, etc.) seront nécessaires pour exclure le diagnostic de cancer ? Combien de complications et de séquelles à long terme résulteront du dépistage, qui ne sont pas prises en compte par le critère de mortalité spécifique au cancer ? Et, ce qui est encore plus préoccupant, que se passe-t-il si le test sanguin donne un résultat positif (ce qui signifie que l'on a un cancer), mais que la tumeur primaire ne peut être trouvée ? Avec un taux de réduction de 24% de la mortalité tous cancers confondus, la stratégie de dépistage par test sanguin, chez les 95 174 personnes du groupe expérimental, éviterait à 59 personnes de mourir d'un cancer, tout en donnant à 476 personnes un faux diagnostic de cancer. Le risque des stratégies de diagnostic, avec une cascade catastrophique d'interventions médicales qui peuvent survenir après la suspicion d'un diagnostic de cancer, doit être pris en compte. Le fait que certains essais de dépistage, tels que l'essai NELSON sur le cancer du poumon, aient trouvé une différence dans la mortalité par cancer spécifique qui ne s'est pas traduite dans la mortalité toutes causes confondues, pourrait être en partie dû à ce phénomène, ce qui pourrait conduire à une annulation du bénéfice par le préjudice net dans certaines situations 6.

Et si les cancers les plus dangereux n'étaient pas candidats au dépistage en raison de leur biologie et de leur évolution naturelle ? Et si le fait de pousser les stratégies de dépistage aboutissait seulement à trouver un moindre nombre de vrais cancers, et entraînait plus de préjudices ?

Nous illustrons cette hypothèse dans la figure, en nous basant sur les 3 types de "cancers" déjà décrits.2 En l'absence d'un essai randomisé, il est actuellement impossible de savoir quel type de cancer est détecté par les tests sanguins, et de quelle manière cela affectera les populations dépistées. Outre le surdiagnostic, le critère de mortalité spécifique du cancer peut occulter les conséquences catastrophiques lors de la suspicion d'un diagnostic de cancer en raison d'un résultat faux positif.

Dr Knock, le personnage principal éponyme de la pièce de théâtre de Jules Romains en 1932, déclare : "Tout homme sain est un patient déguisé".7 Rapidement, la ville dont le Dr Knock est en charge se transforme en un gigantesque hôpital vivant. Dans les sociétés qui acceptent de moins en moins de risques, la communication sur les risques des stratégies de dépistage doit être privilégiée lorsqu'elle est liée à un bénéfice non prouvé. En tant que soignants, nous devrions éviter de devenir des disciples aveugles du Dr Knock, au nom du "triomphe de la médecine", en transformant en patients, des milliers de personnes en bonne santé.

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References

  1. Klein EA, Richards D, Cohn A, et al. Clinical validation of a targeted methylation-based multi-cancer early detection test using an indepen- dent validation set. Ann Oncol 2021:1167–77.
  2. Esserman LJ, Thompson IM, Reid B, et al. Addressing overdiagnosis and overtreatment in cancer: a prescription for change. Lancet Oncol 2014;15(6):e234–42.
  3. Welch HG, Kramer BS, Black WC. Epidemiologic signatures in cancer. N Engl J Med 2019;381(14):1378–86.
  4. Welch HG, Mazer BL, Adamson AS. The rapid rise in cutaneous mela- noma diagnoses. N Engl J Med 2021;384(1):72–9.
  5. Clarke CA, Hubbell E, Kurian AW, Colditz GA, Hartman AR, Gomez SL. Projected reductions in absolute cancer−related deaths from diag- nosing cancers before metastasis, 2006−2015. Cancer Epidemiol Bio- markers Prev 2020;29(5):895–902.
  6. de Koning HJ, van der Aalst CM, de Jong PA, et al. Reduced lung-can- cer mortality with volume CT screening in a randomized trial. N Engl J Med 2020;382(6):503–13.
    7. Romain J.Knock Ou Le Triomphe de La   Medecine.1923.

Éléments à prendre en considération pour la conception des essais pour évaluation de l'utilité clinique des tests de détection précoce multicancers

https://academic.oup.com/jnci/advance-article/doi/10.1093/jnci/djac218/6865035?login=false

Lori M. Minasian, MD,1,* Paul Pinsky, PhD,1 Hormuzd A. Katki, PhD,5 Tony Dickherber, PhD,2 Paul K.J. Han, MD,3 Lyndsay Harris, MD,4 Christos Patriotis, PhD,1 Sudhir Srivastava, PhD,1 Carol J. Weil, JD,1 Philip C. Prorok, PhD,1 Philip E. Castle PhD, MPH1,

1Division of Cancer Prevention, National Cancer Institute, Bethesda, MD, USA; 2Center for

Scientific Strategic Initiatives, National Cancer Institute, Bethesda, MD, USA; 3Division of Cancer Control and Population Sciences, National Cancer Institute, Bethesda, MD, USA; 4Division of Cancer Treatment and Diagnosis, National Cancer Institute, Bethesda, MD, USA; and 5Division of Cancer Epidemiology and Genetics, Biostatistics Branch, National Cancer Institute, Bethesda, MD, USA

*Correspondence to: Lori Minasian, MD, Deputy Director, Division of Cancer Prevention,

National Cancer Institute, 9609 Medical Center Drive, Bethesda, MD 20850, USA (e-mail:

minasilo@mail.nih.gov; phone: (240) 276-7053).

Résumé Des tests sanguins utilisant diverses technologies et biomarqueurs sont en cours de développement commercial dans le but de détecter simultanément plusieurs types de cancer à un stade précoce de la maladie. Ces tests de détection précoce de cancers multiples ( M.C.E.D multi-cancer early détection, tests de détection précoce multicancers) ont le potentiel d'améliorer la détection des cancers, en particulier ceux pour lesquels il n'existe aucune modalité de dépistage actuelle. Cependant, les bénéfices et les risques cliniques non connus liés à l'utilisation des tests M.C.E.D. pour le dépistage du cancer nécessitent l'élaboration et la mise en œuvre d'un essai contrôlé randomisé ( RCT ) pour vérifier leur efficacité clinique. Ce constat a fait l'objet d'un consensus de la part des experts lors d'un séminaire organisé par le National Cancer Institute pour discuter des premières approches nécessaires à la conception d'un tel essai.

L'utilisation de ces tests pour le dépistage simultané de plusieurs cancers soulève de nouvelles incertitudes pour la prise en charge des patients par rapport aux tests de dépistage conventionnels pour les cancers uniques, notamment : l'établissement du bilan diagnostique pour confirmer la présence d'un cancer dans tout organe ; la clarification du suivi approprié lors d’un test positif pour lequel il n'y a pas de diagnostic définitif ; l'identification des risques potentiels tels que le surdiagnostic d'une maladie indolente ; la détermination de stratégies efficaces sur le plan clinique pour la diffusion du dépistage M.C.E.D. dans la pratique réelle ; et la compréhension des implications éthiques telles que l'atténuation ou l'exacerbation potentielle des inégalités existantes en matière de santé. Ces tests présentent des défis nouveaux et complexes pour la conception d'un RCT. Les questions qui ont émergé de la réunion étaient centrées sur la nécessité d'un essai contrôlé randomisé d'utilité clinique, conçu de manière flexible, afin de recueillir rigoureusement les preuves nécessaires pour comprendre en profondeur le bénéfice net de cette technologie prometteuse. Les sujets spécifiques incluent : les critères d'évaluation (end points), les protocoles de dépistage, le recrutement, la trajectoire diagnostique, la phase pilote, les données, la collecte de prélèvements et les considérations éthiques.

Contexte Des tests sanguins utilisant diverses technologies sont en cours de développement commercial dans le but de détecter simultanément plusieurs types de cancer à un stade précoce de la maladie. Ces tests sont appelés tests M.C.E.D. (multi-cancer early detection, tests de détection précoce multicancers). Cependant, la pratique courante en matière de détection précoce du cancer consiste à dépister les personnes asymptomatiques, apparemment en bonne santé, qui présentent un risque pour un seul type de cancer, à l'aide de tests spécifiques à un organe. Un dépistage positif déclenche un processus de diagnostic spécifique au niveau de l'organe,  impliquant généralement une technique d’imagerie et une biopsie des tissus pour une évaluation histopathologique.

Les tests M.C.E.D. diffèrent du dépistage du cancer spécifique à un organe à plusieurs égards : 1) les types de cancers potentiellement détectés ; 2) les types d'analytes mesurés, tels que la mutation de l'ADNc, la méthylation ou la fragmentation de l'ADN, les biomarqueurs protéiques circulants, etc. et 3) l'intelligence artificielle ou les méthodes de modélisation de l'apprentissage automatique pour déterminer quelle combinaison et quel niveau de ces analytes correspondent à un résultat de test positif [1-10] De nombreux tests, en plus de l'identification d'une probabilité globale de cancer, génèrent une prédiction du tissu d'origine (TOO) concernant le(s) organe(s) le(s) plus probable(s) atteint(s) par le cancer. À ce jour, les études publiées sur les tests M.C.E.D. se sont généralement concentrées sur la validation des performances diagnostiques chez des sujets avec un cancer déjà diagnostiqué [1, 2, 6, 7, 10, 11]. Ces études de cas-témoins diffèrent par les méthodes, la conception et l'identification des cas et des témoins. Certaines études prospectives ont été menées chez des participants asymptomatiques [7, 10], mais ces études n'étaient pas conçues pour évaluer des critères d’évaluation (endpoints) d'utilité clinique tels que la mortalité par cancer. Un essai randomisé avec des critères d'utilité clinique d'un seul test M.C.E.D. a finalisé récemment le recrutement au Royaume-Uni ; cependant, les résultats ne sont pas attendus avant plusieurs années [12].
L'utilisation de ces tests pour le dépistage simultané de plusieurs cancers soulève de nouvelles incertitudes pour la prise en charge des patients, par rapport aux tests de dépistage conventionnels d’un seul cancer.

Ils incluent : 1) La détermination du bilan diagnostique nécessaire pour confirmer la présence d'un cancer dans tout organe ; 2) La mise au point d'un suivi approprié pour les tests positifs sans diagnostic définitif ; 3) L'identification des risques potentiels, tels que l'anxiété ou la dépression dues à des dépistages faux-positifs et au surdiagnostic d'une maladie indolente ; 4) La détermination de stratégies cliniquement efficaces et efficientes pour diffuser le dépistage de M.C.E.D. dans la pratique réelle ; et 5) La compréhension des implications éthiques, telles que l'atténuation ou l'exacerbation des inégalités actuelles en termes de santé.

Compte tenu des particularités des tests M.C.E.D. dans le domaine du dépistage du cancer, en octobre 2021, l'Institut national du cancer (NCI) a organisé un séminaire de deux jours consacré à la méthode d'évaluation des performances des tests MCED.

Objectifs du séminaire

Les participants au séminaire incluaient des chercheurs universitaires spécialisés dans les biomarqueurs du cancer, des médecins de soins primaires spécialisés dans le dépistage du cancer, des experts en essais cliniques, et autres.  Les objectifs du séminaire étaient d'évaluer:
1) La nécessité de mener un essai contrôlé randomisé (RCT) pour évaluer la performance et l'utilité des tests de dépistage de l'MCED ;
2) Les différents problématiques liées au design d'un éventuel RCT pour les tests de dépistage MCED. ; et
3) La nécessité d'études support pour un RCT, y compris un essai pilote et des études d'observation.

Pour l'objectif n°2, afin de faciliter la discussion, un prototype d'essai incorporant une conception de type plateforme,[13] où plusieurs bras d'intervention sont comparés à un seul bras de contrôle, a été présenté par le NCI.
Comme le montre la figure 1, chaque bras d'intervention offre un dépistage avec un test M.C.E.D. en même temps qu'un dépistage standard de soins, par rapport à un bras témoin de dépistage standard de soins seul.
Dans ce document, nous résumons les discussions de groupe sur les différentes questions. Lorsqu'il y avait un consensus clair entre les participants au séminaire, nous l'indiquons. En cas d'opinions divergentes, nous présentons le point de vue actuel des auteurs, éclairé par les arguments présentés de part et d'autre.

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Figure 1. Schéma de conception de la plateforme de l’étude.

La nécessité d'un essai randomisé M.C.E.D.

Les participants à l'atelier se sont accordés sur le fait qu'une évaluation rigoureuse des essais M.C.E.D. destinés au dépistage du cancer, d'autant plus qu'au moins un test M.C.E.D. est déjà utilisé en clinique. Bien qu'il soit difficile de prédire à quelle vitesse les tests M.C.E.D. se diffuseront dans la population, ou dans quelle mesure les participants du groupe témoin de RCT proposé chercheront à se faire dépister avec les tests M.C.E.D. en dehors de l'essai, les tests de dépistage sanguins pourraient être rapidement adoptés.
Des comparaisons ont été faites avec la façon dont le test sanguin de l'antigène spécifique de la prostate (PSA) a été largement adopté pour le dépistage sans évaluation adéquate des bénéfices potentiels par rapport aux risques. L'établissement de la validité clinique (c'est-à-dire la sensibilité et la spécificité) des tests M.C.E.D. a été jugé insuffisant ; une détermination de l'utilité clinique basée sur un RCT avec des critères primaires appropriés serait nécessaire.

Les participants du séminaire ont approuvé une méthodologie de base telle qu'illustrée dans la figure 1.

Divers aspects cliniques et opérationnels de la méthodologie d'un essai RCT pour M.C.E.D. diffèrent de ceux d'un essai unique de dépistage d'un seul cancer. Afin de les préciser avant le début d'un essai principal, les participants au séminaire ont discuté de la nécessité d'une étude pilote. La justification d'une étude pilote est renforcée par l'expérience antérieure de l'essai de dépistage du cancer de la prostate, du poumon, du côlon et de l'ovaire (PLCO) [14, 15], du National Lung Screening Trial (NLST)) [16, 17], et UKCTOCS (UK Collaborative Trial of Ovarian Cancer Screening) [15, 19].

Pour être compatible avec la conception de la plateforme multi-bras prévue pour l'essai principal (Figure 1.), l'étude pilote doit avoir une méthodologie similaire. Les participants du bras d'intervention se verraient proposer un dépistage avec des tests M.C.E.D. sur plusieurs cycles, tandis que tous les participants bénéficieraient d'un dépistage standard. Des échantillons de sang seraient collectés pour tous les bras de l'étude. S'il est suffisamment important, le pilote pourrait fournir des estimations actualisées des cancers identifiés dans chaque bras afin d'aider à affiner les hypothèses de conception de l'étude pour l'essai définitif. Le meilleur moment pour évaluer les tests M.C.E.D. dans le cadre d'essais contrôlés randomisés est, de l'avis général, avant l'approbation réglementaire par la Food and Drug Administration (FDA) et avant que le remboursement par l'assurance maladie ne devienne largement disponible. Le fait que ces technologies continuent d'être développées et perfectionnées a été invoqué comme une raison pour rendre la structure de l'essai flexible. Par conséquent, les essais pourraient être évalués continuellement au fil du temps en mettant en œuvre une méthodologie d'essai adaptative, de type plateforme, qui comprend des règles pour l'arrêt anticipé et un processus transparent pour l'incorporation de nouveaux bras pour d'autres M.C.E.D. prometteurs à mesure qu'ils se développent.

Une discussion a également eu lieu sur la nécessité de soutenir des études observationnelles, avant et/ou en même temps que le RCT pilote, pour valider de manière indépendante la performance diagnostique du M.C.E.D. et aider à évaluer quels tests M.C.E.D. méritent d'être inclus dans le RCT pilote et/ou la phase principale. Ces études comprennent l'utilisation de cohortes existantes, telles que la cohorte All of Us des National Institutes of Health [20], pour évaluer la performance prospective du M.C.E.D. chez des sujets asymptomatiques.

Critères d'évaluation primaires et secondaires pour un essai M.C.E.D.

L'objectif du dépistage du cancer est d'améliorer les résultats cliniques globaux pour les personnes dépistées grâce à la détection et au traitement précoces des maladies identifiées. Les mesures de la mortalité de la population, en particulier les taux de décès dus au(x) cancer(s) dépisté(s) parmi l'ensemble de la population du bras de l'essai, constituent le critère le plus rigoureux et sans équivoque pour mesurer l'amélioration du bilan [21]. Les mesures de la mortalité dans la population ne sont pas affectées par les biais liés aux temps d'avance au diagnostic et biais de la lenteur d'évolution qui compromettent d'autres critères d'évaluation potentiels, tels que la survie des cas de cancer ou le changement de stade proportionnel [22, 23]. En outre, les risques potentiels sont évalués afin de déterminer si la réduction de la mortalité l'emporte sur les risques liés au dépistage. La plupart des grands essais de dépistage du cancer ont évalué le dépistage d'un seul cancer, la mortalité due à ce cancer étant le critère d'évaluation principal.

Il s'agit notamment d'essais pour le dépistage du cancer du poumon par scanner à faible dose, de la mammographie pour le dépistage du cancer du sein, de l'endoscopie et de la recherche de selles pour le dépistage du cancer colorectal et du PSA pour le dépistage du cancer de la prostate [24-29]. En considérant un critère primaire de mortalité par cancer pour un test RCT du M.C.E.D., un défi central consiste à décider quels sites d'organes atteints par un cancer doivent être inclus. Une option est la mortalité liée à tous les sites cancéreux. Cependant, ces tests ne sont généralement pas conçus pour détecter tous les cancers possibles, et différents tests peuvent détecter différents sous-ensembles (un "panier") de types de cancer. Par conséquent, une autre option pour le critère principal d'évaluation pour un bras de test particulier est un critère composite de décès pour chacun des cancers cibles dans le panier pré-spécifié pour ce test. Comme le montre la figure 1, si le MCED 1 détecte les cancers A, B et C, le critère principal compare les taux de décès dus à ces trois cancers dans le bras 1 aux taux de décès dus à ces mêmes cancers dans le bras témoin.

Les principaux critères secondaires sont la mortalité toutes causes confondues, la mortalité tous cancers confondus (si ce n'est pas le critère principal), l'incidence de la maladie à un stade avancé et les inconvénients tels que les faux positifs, les procédures invasives, les événements indésirables graves, la détresse psychologique des patients et leur expérience des soins, et le surdiagnostic. Il est important que les risques et la sécurité soient évalués aussi rigoureusement que les bénéfices. Bien que la mortalité par cancer reste le critère primaire le plus rigoureux, certains participants à l'atelier ont exprimé leur intérêt pour l'utilisation du taux de cancer avancé (stade avancé) comme critère primaire, ce qui permettrait de fournir des conclusions plus tôt sur les essais.

Un exemple d'utilisation de l'incidence au stade avancé comme critère d'évaluation primaire est l'essai de dépistage actuel TMIST comparant la mammographie numérique à la tomosynthèse [30]. L'utilisation de ce paramètre a été justifiée sur la base des RCT de dépistage par mammographie, où il existe une forte corrélation entre la réduction du nombre de cancers du sein avancés (c'est-à-dire de stade II+) et la réduction de la mortalité par cancer du sein[31].

Les participants à l'atelier qui étaient opposés à l'utilisation de l'incidence à un stade avancé comme mesure de résultat primaire ont fait valoir qu'une réduction de l'incidence à un stade avancé pourrait ne pas se traduire par un avantage en termes de mortalité pour tous les cancers dans un panier d'essais particulier. Ils ont cité l'essai UKCTOCS, qui a démontré une réduction significative de l'incidence du cancer de l'ovaire au stade IV dans le groupe de dépistage multimodal par rapport au groupe témoin, mais qui n'a finalement pas entraîné de bénéfice en termes de mortalité liée au cancer de l'ovaire [24].

Bien que le bénéfice différentiel d'un traitement plus précoce par rapport à un traitement plus tardif d'un cancer soit un facteur important pour déterminer le bénéfice d'une réduction de l'incidence à un stade avancé, pour certains cancers, même un stade précoce de la maladie se traduit par de mauvais pronostics. Par exemple, le cancer du pancréas à un stade précoce a une survie à 5 ans plus mauvaise que le cancer de la prostate à un stade avancé [32, 33]. Ainsi, une diminution donnée du taux d'incidence à un stade avancé peut se traduire par des réductions différentes de la mortalité (voire aucune réduction de la mortalité) pour différents types de cancer.
Contrairement aux tests de dépistage du cancer existants, il n'y a pas eu de RCT des tests M.C.E.D. utilisés pour le dépistage du cancer comportant à la fois des données de mortalité et des données de stade avancé à utiliser pour la validation des substituts.

Une autre question concerne la définition du stade avancé de la maladie. Certains participants au séminaire ont préconisé l'utilisation du stade III+ pour tous les types de cancer ; d'autres ont suggéré d'utiliser des définitions spécifiques aux organes. Néanmoins, après réalisation d'un essai M.C.E.D. avec comme critère d'évaluation la mortalité par cancer, l'incidence de la maladie au stade avancé devrait être étudiée comme substitut potentiel de la mortalité afin de déterminer si ce critère peut être défini et validé de manière appropriée. En évaluant tous les arguments présentés, les auteurs pensent que la mortalité par cancer pour un panier de cancers prédéfini pour chaque bras M.C.E.D., comme indiqué dans la figure 1, est le critère d'évaluation primaire préféré pour un essai.

Protocoles de dépistage réalisables pour un essai M.C.E.D.

Un plan d'essai prévoyant un dépistage annuel de la M.C.E.D. pendant 3 à 5 ans et un suivi total de 7 ans pour le critère d'évaluation principal a été proposé. Les analyses de modélisation suggèrent que pour un essai avec un critère de mortalité par cancer, un essai avec cinq dépistages annuels et 7 ans de suivi total offre une augmentation substantielle de la puissance par rapport à un essai avec seulement trois dépistages annuels et 5 ans de suivi total. Un des avantages du dépistage annuel est sa simplicité. En outre, le panier de types de cancer inclus dans le critère d'évaluation principal couvrira probablement un large éventail de types de cancer, dont plusieurs, comme le pancréas et l'ovaire, ont une trajectoire agressive. Par conséquent, un intervalle de dépistage relativement court, tel que le dépistage annuel, pourrait maximiser les avantages potentiels sans imposer une charge excessive aux participants.

L'idée de tester à d'autres fréquences, en fonction du risque individuel, a été discutée comme une possibilité, mais cela augmenterait la complexité de l'essai. Un argument a été avancé selon lequel la fréquence du dépistage devrait être davantage déterminée par l'histoire naturelle sous-jacente et le traitement des cancers que par les tests. Or, on sait peu de choses sur l'histoire naturelle de la plupart des types de cancer. Dans les essais de dépistage, les taux de détection du cancer sont généralement plus élevés lors du premier dépistage que lors des dépistages ultérieurs. Le maintien de cette tendance dans un essai M.C.E.D. dépendra des types de cancer ciblés par un test particulier. Cela peut être pertinent pour déterminer le nombre de cycles de dépistage dans un essai.

Les participants au séminaire ont convenu sur la nécessité de mettre le dépistage standard à la disposition de tous les participants à l'étude s'ils choisissent de l'accepter. Cependant, ils ne sont pas d'accord sur la mesure dans laquelle l'essai doit encourager ce dépistage. D'une part, traiter le dépistage standard comme un soin habituel, sans encouragement excessif de la part de l'essai, serait un meilleur moyen d'évaluer les inconvénients réels, tels que l'attrition du dépistage standard dans les groupes d'intervention.

D'autre part, il pourrait être plus justifié d'un point de vue éthique d'encourager activement les personnes de tous les groupes à subir un dépistage standard. Cependant, si l'essai l'encourage de manière significative, il y aura un taux plus élevé de dépistage standard dans tous les bras et les résultats pourraient ne pas être aussi généralisables aux expériences pratiques du monde réel de la population plus large. Dans l'ensemble, l'approche préférée des auteurs est que tous les sujets de l'essai doivent être encouragés à subir un dépistage standard dans le cadre de l'essai.

Populations cibles pour un essai M.C.E.D.

Lors de l'examen de la population cible d'un essai M.C.E.D., deux questions connexes ont été discutées : 1) quelle devrait être la population éligible et 2) comment cette population devrait être recrutée. La population éligible, devrait être représentative de la population cible éventuelle et avoir un taux d'événement du résultat primaire (par exemple, la mortalité par cancer) suffisamment élevé pour permettre une taille d'échantillon réalisable de l'essai. Ces caractéristiques peuvent être contradictoires, car la représentativité peut être sacrifiée pour augmenter le taux d'événement du résultat primaire. C'est ce qui a été observé dans le NLST en ce qui concerne les conditions d'admissibilité relatives aux antécédents de tabagisme [34]. Généralement, des taux d'événements plus élevés conduisent à une taille d'échantillon d'essai requise plus petite et/ou à une durée d'étude plus courte.

La mortalité par cancer augmente considérablement avec l'âge ; l'âge est donc le principal facteur d'admissibilité. Les âges minimums possibles sont 45 ou 50 ans, et les âges maximums sont 70 ou 75 ans. Comme les tests M.C.E.D. ciblent un large éventail de cancers, avec des facteurs de risque potentiellement différents, il n'est pas aussi simple de sélectionner les sujets à haut risque que pour un essai portant sur une seule modalité de dépistage du cancer. Un modèle de risque simple a été développé pour ce séminaire en utilisant les données du PLCO. De 1993 à 2001, le PLCO a randomisé près de 155 000 hommes et femmes âgés de 55 à 74 ans dans un groupe d'intervention ou un groupe témoin ; les participants du groupe d'intervention ont bénéficié d'un dépistage périodique du cancer du poumon, du cancer colorectal et du cancer de la prostate ou de l'ovaire[14]. L'indice de masse corporelle, les antécédents familiaux de cancer et plusieurs variables liées au tabagisme, évalués dans un questionnaire de départ auprès des sujets des deux bras, ont été utilisés pour prédire la mortalité par tous cancers à 7 ans (Figure 2).

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Figure 2. En utilisant les données des essais de dépistage du cancer de la prostate, du poumon, du côlon et de l’ovaire, les panels A, B et C représentent l’ensemble de la population âgée de 55 à 75 ans (A), le risque supérieur de 50 % (B) et le risque supérieur de 25 % (C). Le risque concerne la mortalité par cancer sur 7 ans et est basé sur un modèle intégrant les antécédents de tabagisme, l’indice de masse corporelle, les antécédents familiaux et les données démographiques.

Sur la base de ce modèle, le fait de restreindre les participants éligibles aux 50 % ou 25 % de risques les plus élevés augmente sensiblement le taux de mortalité tous cancers confondus, et réduit donc la taille de l'échantillon nécessaire. Cependant, le fait de recruter sur la base d'un risque plus élevé biaise la population de l'essai en faveur des fumeurs actuels et des personnes plus âgées, ce qui pourrait nuire à la représentativité.

Dans une étude de population générale, les personnes à très haut risque de cancer, par exemple les porteurs de mutations à forte pénétration à l'origine du syndrome du cancer héréditaire du sein et des ovaires (HBOC) et du cancer colorectal héréditaire sans polypose (HNPCC), ne seraient pas exclues. Cependant, ces patients sont souvent soumis à des protocoles de dépistage du cancer plus intensifs. Une étude séparée, recrutant ces individus et utilisant ces tests M.C.E.D. qui ciblent leurs cancers à haut risque, pourrait être plus appropriée.

Les auteurs pensent qu'une approche de la population générale devrait être utilisée pour la phase pilote, avec une tranche d'âge d'environ 50-75 ans. Les résultats de la phase pilote peuvent aider à évaluer la faisabilité du recrutement de groupes à haut risque et à affiner les profils de risque de la population, ce qui peut contribuer à informer l'essai principal sur cette question.

Les participants s'accordent à dire qu'une représentation adéquate des populations traditionnellement sous-représentées dans la recherche est essentielle, notamment les Afro-Américains, les Amérindiens, les Latinos, les populations rurales, les personnes sous-assurées et les personnes non assurées. Une représentation adéquate implique au moins une représentation proportionnelle en termes de groupe d'âge éligible, mais pourrait également signifier une représentation proportionnelle au fardeau du cancer dans la population éligible en fonction de l'âge.

Comme stratégie générale, les principaux systèmes de soins de santé ont récemment utilisé les portails de patients, la messagerie sms et les médias sociaux pour recruter des sujets de recherche alors que les essais antérieurs faisaient appel à des envois postaux à grande échelle. Il serait utile de disposer d'un centre de communication de l'essai qui puisse interagir directement avec les participants potentiels et répondre à leurs questions ou préoccupations.

Pour les groupes traditionnellement sous-représentés, une fracture numérique existe aux États-Unis, en particulier chez les personnes socialement défavorisées [35]. Par conséquent, s'appuyer uniquement sur les médias sociaux et autres canaux numériques peut ne pas être efficace pour assurer la représentativité. Les stratégies basées sur la sensibilisation et l'engagement de la communauté qui s'associent à des organisations locales de confiance et développent des stratégies de messagerie culturellement appropriées peuvent être un moyen efficace de recruter des personnes[36]. Une méthode permettant d'assurer un recrutement adéquat des groupes sous-représentés, qui a été utilisée dans certains essais COVID-19, consistait à fermer le recrutement aux Blancs non hispaniques après avoir atteint un objectif donné et à ne recruter par la suite que dans d'autres populations (notamment les Afro-Américains, les Latinos et les Amérindiens). Pour les personnes sous-assurées et non assurées, il est nécessaire de mettre en œuvre une sensibilisation spécifique qui identifie un moyen de couvrir les coûts en aval liés à la gestion des tests de dépistage positifs et au traitement des cancers diagnostiqués.

Suivi diagnostique après des tests M.C.E.D. positifs

Après un résultat positif au test M.C.E.D., l'étape suivante consiste à déterminer s'il y a un cancer et si oui, où. La plupart des tests indiquent un TOO potentiel, fournissant une direction pour commencer le processus de diagnostic. D'autres, qui ne fournissent pas de TOO, peuvent au contraire déclencher des scanners d'imagerie du corps entier comme première étape du parcours de diagnostic. Bien que les tests puissent indiquer un ou plusieurs TOO probables, les entreprises ne précisent généralement pas le processus de diagnostic qui peut donc être très variable. En outre, on sait peu de choses sur la manière de déterminer le risque de cancer chez les personnes dont les résultats des tests sont positifs mais qui ne sont pas définitivement atteintes d'un cancer.

Le nombre et le type de tests diagnostiques appropriés pour évaluer des résultats de test positifs peuvent varier en fonction du TOO prédit et des caractéristiques du patient (par exemple, les comorbidités et les préférences du patient).

Une différence dans l'approche diagnostique peut également découler des préférences des cliniciens en matière de pratique et de la disponibilité des soins de suivi. Il peut s'avérer nécessaire d'élaborer une approche prédéfinie et normalisée des tests de diagnostic pour une variété de sites d'organes (voie de diagnostic) pour chaque test évalué dans l'essai. Par exemple, un processus de diagnostic spécifique à l'essai a été mis en place pour l'essai UKCTOCS [18].

Même avec des voies de diagnostic standardisées, une certaine flexibilité est nécessaire pour permettre le jugement clinique en fonction du cas de chaque patient. Pour la plupart des grands essais de dépistage du cancer, les voies de diagnostic n'ont pas été intégrées dans les essais proprement dits. Cependant, étant donné que les tests M.C.E.D. pour le dépistage sont nouveaux, les cliniciens peuvent saluer l'orientation des voies de diagnostic spécifiques à l'essai, en particulier lorsque le bilan initial ne révèle pas un diagnostic de cancer.  Bien qu'il existe des approches standard pour les découvertes fortuites dans certaines investigations par imagerie, il existe un risque potentiel d'effets néfastes dans le processus de diagnostic, notamment des complications liées aux tests diagnostiques, l'absence de suivi, la détresse du patient concernant les frais à sa charge et d'autres questions, et l'absence d'un diagnostic définitif.
L'un des inconvénients de la mise en œuvre d'une voie diagnostique prédéfinie et spécifique à l'essai dans les essais M.C.E.D. est que l'interprétation des résultats de l'étude peut être limitée à l'essai et à la voie diagnostique.
Cependant, même sans voie diagnostique définie, l'interprétation des résultats dépend toujours du processus diagnostique utilisé dans l'essai.
Les auteurs estiment que l'adoption d'un parcours diagnostique prédéfini et spécifique à l'essai constitue l'approche optimale et garantit une prise en charge appropriée aux participants de l'étude. L'algorithme de la trajectoire doit être évalué dans la phase pilote et modifié si nécessaire.

Collecte de données pour l'essai

Le recueil de données de haute qualité est crucial pour le succès d'un essai M.C.E.D.. Cependant, il peut y avoir des compromis entre les coûts, les délais, la qualité et l'exhaustivité des données de l'essai. Alors que les résultats cliniquement exploitables seront fournis à l'essai par les fabricants de tests, il est souhaitable d'obtenir autant d'informations que possible sur les résultats des essais, y compris les données brutes des essais, qui peuvent être utiles dans les recherches auxiliaires de l'essai.

Pour la collecte du résultat primaire de la mortalité due à tous les cancers ou à un sous-ensemble de ceux-ci, le lien avec l'index national des décès (NDI) est simple, peu coûteux et fournit des résultats rapides et très précis.

L'incidence et le stade du cancer, pour tous les types de cancer ou la plupart d'entre eux, sont des résultats secondaires importants. D'autres essais de dépistage du cancer, par exemple le PLCO et le NLST, employaient initialement un personnel nombreux pour obtenir et résumer les dossiers médicaux pertinents, un processus laborieux et coûteux pour déterminer l'incidence de tous les cancers.
Ces essais sont ensuite passés à un suivi passif par le biais de liens avec les registres du cancer des États. Dans l'étude PLCO, l'approche de lien passif a donné des taux de vérification similaires à ceux du suivi actif et présentait des niveaux élevés de concordance avec le suivi actif sur les caractéristiques du cancer [37]. Avec le développement du Virtual Pooled Registry (VPR)[38], de tels efforts seront grandement simplifiés par un processus de demande unique et commun couvrant la plupart des États, plutôt que d'avoir des demandes distinctes pour chacun d'eux, comme c'était le cas avec le PLCO et le NLST. L'un des inconvénients des liens entre les registres des États est le délai de deux ans pour les données disponibles.

Un autre inconvénient est la disponibilité des informations sur le stade, notamment le stade TNM (tumeur-nœuds-métastases), qui est souvent absent des registres. D'autres approches possibles consistent à établir des liens avec les dossiers médicaux électroniques (DME) des principaux systèmes de soins de santé.

Pour atténuer les risques et les coûts potentiels du suivi diagnostique et pour comprendre l'étendue des "odyssées diagnostiques" des patients, il est essentiel d'obtenir des données détaillées sur le suivi diagnostique, qu'il soit effectué sous les auspices de l'essai ou par la communauté. Les données sur les tests de diagnostic effectués au sein de la communauté sont généralement plus difficiles à obtenir. Les informations vitales sur les résultats des procédures, y compris les événements indésirables, sont plus difficiles à obtenir que le fait des procédures elles-mêmes. Par exemple, il est intéressant de savoir si des tests positifs n'ont jamais été poursuivis. Les complications des procédures de diagnostic doivent être saisies pour évaluer pleinement les dommages. Les DME peuvent être utiles pour collecter ces données, notamment auprès des patients inscrits dans de vastes systèmes de santé. Il est également important de saisir les résultats rapportés par les patients concernant le suivi diagnostique des dépistages positifs (par exemple, l'anxiété, l'expérience du patient en matière de soins, le temps de travail perdu). Les résultats rapportés par les patients devraient également être recueillis dans un sous-ensemble de personnes sans dépistage positif.
Les auteurs pensent qu'une combinaison d'approches, y compris la collecte directe de données par le personnel de l'essai, le lien avec les DME et le lien avec le NDI et les registres du cancer de l'État, sera nécessaire. La manière dont ces différentes approches fonctionneront pour différents types de données devra être évaluée dans l'essai pilote.

Collecte d'échantillons pour les tests et l'utilisation ultérieure

La meilleure façon de développer et de mettre en œuvre une procédure opérationnelle standard (SOP) pour la collecte d'échantillons n'est pas claire si chaque test M.C.E.D. a des exigences de collecte et de traitement différentes.

Cependant, des processus de collecte communs sont nécessaires pour garantir l'uniformité de la préservation des analytes cibles si les tests M.C.E.D. sont évalués par rapport à un bras de contrôle commun. Si chaque test a des exigences suffisamment différentes en matière de prélèvement sanguin, de traitement de l'échantillon avant l'expédition, de conditions de transport et de stockage, les sites peuvent être amenés à coordonner plusieurs types de kits de prélèvement différents pour l'essai de la plate-forme.

Les tests M.C.E.D. actuellement disponibles utilisent du plasma sanguin, dont la collecte nécessite une phlébotomie peu invasive, avec un volume maximal acceptable sur le plan éthique de 60 ml par prélèvement et par participant à l'étude, avec un rendement plasmatique approximatif de 40 ml. L'infrastructure requise par les procédures opératoires normalisées, ainsi que la formation et l'expertise des laboratoires pour le traitement des échantillons et le contrôle de la qualité, soulèvent des questions quant à la capacité des sites de soins primaires communautaires à participer à l'étude, ce qui pourrait avoir des répercussions importantes sur la diversité de la population étudiée. Une autre question éthique concerne la quantité maximale acceptable de prélèvements collectés pour les recherches futures sur le développement du test M.C.E.D..
Même si tous les tests MCED. rapportés utilisent du sang, ils pourraient à l'avenir utiliser d'autres échantillons biologiques (p. ex. biospécimens (par exemple, l'urine). Un ECR à plateforme doit donc avoir une conception flexible et adaptable pour permettre l'inclusion de nouveaux bras d'intervention en tenant compte des exigences en matière de prélèvements des nouveaux tests à mesure qu'ils deviennent disponibles.

Considérations éthiques dans la conception d'un essai M.C.E.D.

Aucune intervention médicale n'est totalement exempte de risques potentiels. A ce jour, il existe peu d'informations sur les bénéfices et les risques potentiels du dépistage du cancer par les tests M.C.E.D.. Les risques potentiels pour les participants comprennent : une morbidité psychologique (par exemple, l'anxiété) due à des tests faussement positifs, à la découverte de "incidentalomes" indolents ou à des conditions pathologiques impossibles à traiter ; des procédures de diagnostic et des complications inutiles ; et le report de tests de dépistage standardisés en raison de la fausse réassurance apportée par les résultats négatifs du test M.C.E.D.. D'autres préjudices en aval comprennent la morbidité résultant du surdiagnostic et du traitement de cancers indolents détectés par le dépistage. Lorsque les commissions d'examen institutionnelles (IRB) approuvent des recherches financées par le gouvernement fédéral, elles sont chargées de déterminer que les risques pour les participants sont réduits au minimum et raisonnables par rapport aux bénéfices escomptés [39]. La détection précoce du cancer, même par des moyens non invasifs, ne constitue pas un avantage en soi. Un bénéfice significatif nécessite une évaluation de l'utilité clinique du dépistage, qui est mieux évaluée par l’intermédiaire d’un essai RCT. Les questions éthiques comprennent également des préoccupations sociétales, notamment liées aux inégalités face aux soins.
Historiquement, les minorités raciales et ethniques marginalisées et les communautés géographiquement isolées ont connu des désavantages économiques, éducatifs et géographiques qui limitent l'accès aux soins de santé et peuvent nécessiter des garanties supplémentaires pour protéger leurs droits et leur bien-être en vertu de la politique fédérale de protection des sujets humains [39].

Il est essentiel que la population de l'essai soit représentative au niveau national en ce qui concerne la race/ethnicité, la géographie, le statut d'assurance et d'autres facteurs (par exemple, l'éducation, le revenu), afin que les résultats de l'essai soient largement applicables. Les coûts en aval pour les participants aux essais, y compris les tests de suivi diagnostique, doivent être couverts pour les personnes non assurées et sous-assurées afin de garantir leur participation. Les nouvelles technologies telles que les M.C.E.D. peuvent accroître les disparités actuelles si l'égalité d'accès au dépistage et aux soins de suivi n'est pas garantie. D'un autre côté, des M.C.E.D. efficaces pourraient réduire les disparités actuelles s'ils sont rendus accessibles dans les communautés mal desservies sur le plan médical. Ainsi, des informations provenant des RCT sont nécessaires pour comprendre l'impact que les tests auront sur les disparités existantes. Un autre préjudice potentiel est l'érosion de la confiance du public dans la recherche sur le cancer si l'essai n'est pas mené de manière équitable et transparente. Le scepticisme à l'égard de la science médicale et des recommandations d'experts est largement répandu aux États-Unis, ce qui incite à la prudence avant la mise en œuvre de nouvelles interventions[40].

Il faut veiller non seulement à déterminer si le dépistage par MCDE est efficace et sûr, mais aussi à faire comprendre au grand public les preuves scientifiques qui l'étayent. Une dernière question éthique, mentionnée précédemment, concerne la mesure dans laquelle le dépistage standard doit être promu dans les différents bras de l'essai. D'une part, le principe éthique de justice soutient les efforts visant à maximiser à la fois l'accès et l'utilisation du dépistage et des soins de suivi standard parmi tous les individus de tous les groupes de l'étude (en particulier ceux des populations mal desservies et sous-représentées), afin de promouvoir l'équité en santé.

D'autre part, de tels efforts peuvent réduire la généralisation des résultats de l'étude s'ils améliorent les taux de dépistage et de suivi des soins par rapport aux contextes cliniques réels (qui reflètent les limitations de l'accès aux soins). La conception d'un essai M.C.E.D. nécessitera une résolution acceptable de cette tension entre le principe éthique de justice et l'objectif scientifique de validité externe; un certain compromis sur la possibilité de généralisation peut être justifié s'il améliore l'accès aux soins de santé et l'équité en matière de santé, tout en permettant d'évaluer l'efficacité comparative des M.C.E.D. et des stratégies de dépistage conventionnelles.

Résumé

Les tests M.C.E.D. ont le potentiel d'améliorer la détection des cancers, en particulier ceux pour lesquels il n'existe aucune modalité de dépistage actuelle. Cependant, les bénéfices et les risques générés par le dépistage avec ces tests doivent être mieux compris. Les participants au séminaire s'accordent à dire qu'un RCT (essai clinique randomisé) d'utilité clinique, conçu de manière flexible, est nécessaire pour recueillir rigoureusement les preuves requises pour comprendre pleinement le bénéfice net de cette technologie prometteuse. Les auteurs recommandent un RCT qui recrute des participants âgés de 50 à 75 ans dans une population représentative avec comme critère d’évaluation principal la mortalité par cancer, à partir d'un panier prédéfini de cancers spécifiques aux tests M.C.E.D..
Le RCT devrait inclure une voie diagnostique prédéfinie spécifique à l'essai en cas de résultat de test M.C.E.D. positif.

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Les risques des dépistages : un éléphant dans un couloir

Cet article vous propose d'abord une synthèse de deux points de vue d'universitaires néerlandais écrits pour une revue médicale, ensuite la traduction de chaque article vous est accessible en cliquant sur les noms des auteurs. .

Un regard critique sur les dépistages

Article de R. Giard

Article de Y. van der Graaf

Un regard critique sur les dépistages

Synthèse C.Bour

Deux universitaires néerlandais ont rédigé, au mois de juin, chacun une mise au point critique sur les dépistages, avec le recul contemporain qu'on peut avoir en 2022, mises au point publiées par le journal médical Nederlands Tijdschrift voor Geneeskunde (NTvG).

C'est le principal journal médical aux  Pays-Bas, à parution hebdomadaire, et l'une des plus anciennes revues au monde, siégeant à Amsterdam. 
L'objectif de la revue est de créer un média global pour les professionnels de la santé afin d'échanger idées, connaissances et opinions, mais aussi de faire paraître des critiques et des commentaires d'articles de recherche.
L'actuelle rédactrice en chef est Yolanda van der Graaf, auteure d'un des deux points de vue.

Yolanda van der Graaf est professeure émérite à l'Université de Utrecht, et épidémiologiste clinique.
Son article relate les risque cachés du dépistage.
van der Graaf Y. De verhulde risico’s van screening [The hidden risks of screening]. Ned Tijdschr Geneeskd. 2022 Jun 13;166:D6760. Dutch. PMID: 35899724.

Raimond Giard est professeur émérite, pathologiste clinicien, épidémiologiste , clinical pathologist, clinical epidemiologist à Rotterdam et a rédigé un point de vue critique sur les dépistages sous le titre "voyons-nous l'éléphant dans la pièce?"
Giard RWM. Kritische blik op kankerscreening [A critical view on cancer screening: do we see the elephant in the room?]. Ned Tijdschr Geneeskd. 2022 Jun 13;166:D6926. Dutch. PMID: 35899737.

Points clés communs aux deux auteurs

1° il faut porter un regard nouveau sur le dépistage

Pour ces deux auteurs, il existe un dispositif concret sur la base duquel on a pu statuer qu'il est utile d'introduire un dépistage du cancer, il s'agit des critères de Wilson et Jungner édités en 1968 sur lesquels de l'OMS se base, mais il y a aucun dispositif pour décider quand il est préférable de stopper un dépistage ou de changer d'approche, à présent où nous sommes confrontés à certaines réalités des dépistages, et que nous connaissons ses inconvénients.
Pour les deux auteurs les critères datent un peu, ils devraient être reconsidérés et réévalués.
Pour van de Graaf il y a même un grave manque de conformité à ces critères pour certains dépistages, certains dépistages ne remplissant pas même les conditions émises par Wilson et Jungner.

Mais quels sont ces critères déterminant le bien-fondé d'un dépistage retenus par l'OMS ?Les 10 critères retenus par L'OMS sont :

  • La maladie étudiée doit présenter un problème majeur de santé publique
  •  L’histoire naturelle de la maladie doit être connue
  • Une technique diagnostique doit permettre de visualiser le stade précoce de la maladie
  •  Les résultats du traitement à un stade précoce de la maladie doivent être supérieurs à ceux obtenus à un stade avancé
  •  La sensibilité et la spécificité du test de dépistage doivent être optimales
  • Le test de dépistage doit être acceptable pour la population
  • Les moyens pour le diagnostic et le traitement des anomalies découvertes dans le cadre du dépistage doivent être acceptables
  •  Le test de dépistage doit pouvoir être répété à intervalle régulier si nécessaire
  •  Les nuisances physiques et psychologiques engendrées par le dépistage doivent être inférieures aux bénéfices attendus
  •  Le coût économique d’un programme de dépistage doit être compensé par les bénéfices attendus

Pour les auteurs néerlandais justement, certaines maladies ne sont plus un problème majeur de santé publique, certains tests de dépistage ne sont plus acceptables pour la population à l'aune de leur effets adverses, les nuisances physiques et psychiques ne sont plus inférieures aux bénéfices attendus, ce qui leur fait conclure que les participants aux programmes de dépistage devraient recevoir des informations honnêtes, que si les avantages du dépistage sont effectivement surestimés et les inconvénients sous-estimés, il est certainement temps de reconsidérer le dépistage du cancer avec une vision ouverte et indépendante.

Plusieurs études ont fait valoir qu'une approche de dépistage universel de la population, en particulier pour le cancer du sein, n'est plus défendable, explique R.Giard. Nous avons besoin d'une évaluation nouvelle et indépendante des pratiques de dépistage.
Cette analyse avait déjà été exprimée lors d'une publication dans le CMAJ en 2018 que nous avions synthétisée et commentée.

Les principes de Wilson et Jungner commencent à dater, selon les auteurs de l'article CMAJ. Il est actuellement nécessaire, disaient-ils, d'appliquer une logique claire et cohérente pour orienter l'utilisation de divers types de preuves vers une décision de dépister.
Il est temps de moderniser ces principes qui servent aux explications et à la discussion d'un dépistage en population, et cette modernisation doit contribuer à l'avenir à des décisions éclairées et de meilleures informations sur le dépistage pour la population.
Notre commentaire allait en ce sens, arguant que le principe du choix éclairé, de la promotion de l'autonomie et de la protection des droits des participants aux dépistages est simple et peu coûteuse à mettre en œuvre.
Des pictogrammes avec des nombres absolus (en utilisant un dénominateur cohérent, tel que bénéfices et inconvénients rapportés à 1000 dépistés), et les visuels employant une même échelle pour l'information sur les gains et les inconvénients sont basés, eux, sur des preuves.

2° Quelles seraient les bonnes questions à se poser selon Giard et van de Graaf ?

Selon R.Giard, les bonnes raisons pour reconsidérer le dépistage pourraient inclure:

  • Y a-t-il eu des changements dans l'incidence de la maladie ?
  • Le traitement de la maladie est-il devenu plus efficace ?
  • Existe-t-il aujourd'hui de meilleures méthodes de diagnostic ?
  • Y a-t-il de nouveaux résultats, plus fiables, provenant de la recherche sur les effets du dépistage ?
  • Savons-nous maintenant mieux et plus précisément quels sont les effets indésirables ?
  • Sommes-nous en mesure d'évaluer plus précisément le risque de maladie et donc de procéder à un dépistage plus spécifique ?

Une question majeure à se poser est : le dépistage d'une maladie  vaut-il la peine ?
Y. van der Graaf prend l'exemple du dépistage du cancer du poumon, programme actuellement en évaluation.
"Il y a longtemps," écrit-elle, "nous avons décidé que nous étions prêts à payer 20 000 euros pour une année de vie sauvée, mais aujourd'hui la question est de savoir ce que nous pourrions faire d'autre avec cet argent. Pratiquement toutes les interventions de sevrage tabagique sont réalisables pour une valeur seuil nettement inférieure aux 20 000 € par année de vie gagnée.
C'est de loin dans le domaine du sevrage tabagique que l'on peut obtenir le plus de bénéfices pour la santé aux Pays-Bas. Les avantages pour la santé des programmes de dépistage sont minimes par rapport à ceux-ci."

3°Surestimation du risque et surestimation de l'impact du dépistage

Y de Graaf explique : "Seulement 3 % des femmes meurent d'un cancer du sein. Le risque de mourir d'un cancer du côlon n'est "que" de 2 %."
(Il faut donc remettre le risque de décéder du cancer en perspective avec les autres probabilités de décès comme les maladies cardio-vasculaires, risque 6X plus élevé que de décéder du cancer du sein pour la femme, NDLR)

La plupart des cancers du sein ne provoquent aucun décès chez les femmes. Même sans dépistage. Ce qui compte, c'est le risque de mourir prématurément d'un cancer du sein et la façon dont ce risque est réduit par la participation au dépistage, écrit-elle encore, ce qui signifie qu'il faut connaître l'impact réel du dépistage sur la mortalité.
Ce qui est important est de connaître le nombre de personnes qui doivent être dépistées pour éviter 1 décès dû au cancer en question. Par exemple pour le cancer du sein : "Pour chaque décès dû au cancer du sein que vous évitez grâce au dépistage, 1000 femmes doivent être soumises à un dépistage régulier. En appliquant un programme de dépistage, plus de 100 femmes sont traitées inutilement. Les probabilités de traitement inutile sont donc des dizaines de fois plus élevées que  les chances qu'une femme bénéficie d'un dépistage.
Le principal problème ici est que ce chiffre n'est pas communiqué de manière adéquate aux participants potentiels au dépistage."

MMe van der Graaf explique longuement dans son article la distorsion de la perception de l'effet bénéfique des dépistages autant dans la population que chez les professionnels de santé, les bénéfices et impacts étant largement sur-estimés, les effets adverses ignorés.

Pour les deux auteurs, les effets néfastes du dépistage que sont les fausses alertes, le surdiagnostic et le surtraitement sont des enjeux majeurs, ils sont élevés, et ne doivent plus être ignorés.

Pour R.Giard, " c'est le dépistage du cancer du sein en particulier qui ne semble pas tenir ses promesses supposées. Même après de nombreuses années de dépistage, la fréquence des cancers du sein avancés  n'a pas diminué."
En Suisse, à Hong Kong et en France (voir nos articles sous "concertation" dans le menu déroulant, NDLR), entre autres, des rapports critiques ont été publiés pour demander l'abandon du dépistage du cancer du sein sous sa forme actuelle.
Plusieurs études ont fait valoir qu'une approche de dépistage universel de la population, en particulier pour le cancer du sein, n'est plus défendable."

Van der Graaf écrit : "surtout, les participants potentiels doivent être informés des inconvénients potentiels et des faibles bénéfices au niveau de la santé."

4° Les enjeux financiers et nécessité d'évaluation indépendante

Mais la peur du cancer chez les gens rapporte beaucoup d'argent et occasionne une demande de beaucoup d'examens systématiques comme des scanners corps entier, dont Y. van der Graaf explique l'inutilité.
La pratique des scanners systématiques est un excellent modèle de revenu, car le prestataire ne fait que des diagnostics, avec une quantité exorbitante de résultats inattendus dont personne ne sait que faire, inutiles pour le patient mais débouchant sur des successions d'autres examens. C'est ce qui est nommé "résultats non pertinents" dans son article, c'est à dire des découvertes fortuites d'anomalies non recherchées et inutiles, dont le taux de découverte est extrêmement important et qui occasionneront des cascades d'autres investigations ou de surveillances systématiques au patient.

Pour les deux auteurs, le dépistage doit être évalué par des scientifiques indépendants, et non par des personnes qui pratiquent le dépistage depuis des décennies et grevés de conflits d'intérêts.
Il faut aussi contrer la multiplication des programmes de dépistage pour lesquels il n'existe pas la moindre preuve scientifique, et dans lesquels apparaît un gain financier prioritaire.
Les ré-évaluations des dépistages nécessiteraient des équipes de recherche appropriées, selon R. Giard " à large assise", non seulement constituées de médecins mais aussi de spécialistes des sciences sociales, d'éthiciens, de méthodologistes et d'économistes de la santé, équipes évidemment dénuées de toutes personnes ayant des implications financières dans les dépistages.

Article de R.Giard

Un regard critique sur le dépistage du cancer. Voyons-nous l'éléphant dans la pièce ?

Raimond W.M. Giard

« Beaucoup d’intelligence peut être investie dans l'ignorance  lorsque le besoin d'illusion est profond".-Saul Bellow, Vers Jérusalem et le retour

Résumé

Le dépistage du cancer promet des bénéfices pour la santé, mais il engendre également des risques et des coûts. Un problème important est le surdiagnostic de tumeurs ne nécessitant pas de traitement. Il existe des principes bien établis pour commencer le dépistage du cancer, mais nous avons également besoin d'évaluations périodiques et de règles pour l'arrêter. Pour cela, nous devons disposer des résultats d'études empiriques méthodiques avec des estimations correctes des bénéfices et des risques. Les partisans du dépistage soulignent ses avantages, mais se gardent bien de parler de ses inconvénients. Plusieurs études ont fait valoir qu'une approche de dépistage universel de la population, en particulier pour le cancer du sein, n'est plus défendable. Nous avons besoin d'une évaluation nouvelle et indépendante des pratiques de dépistage.

Conflit d'intérêts et soutien financier : aucun n'a été déclaré.

Ne devrions pas porter un regard neuf sur le dépistage du cancer ? 1-3 Il existe un dispositif sur la base duquel on peut décider qu'il est utile d'introduire le dépistage du cancer - voir les critères de l'OMS de Wilson et Jungner - mais pas pour déterminer quand il serait préférable d'arrêter ou d'adopter une approche différente.   Pour cela, on besoin à la fois de la bonne méthodologie et des bonnes données. Une telle évaluation, destinée à séparer les illusions de la réalité, devrait être répétée périodiquement.4
Le dépistage du cancer, qui fait partie des soins de santé publique, implique des conflits d'intérêts et des biais importants.
Les partisans et les adversaires du dépistage peuvent trouver sur ce sujet dans la vaste littérature scientifique médicale des résultats qui correspond bien à leur position. Repenser son utilité et sa nécessité nécessite donc des chercheurs indépendants et méthodiques. 3,4

Les bonnes raisons pour reconsidérer le dépistage pourraient inclure: y a-t-il eu des changements dans l'incidence de la maladie ? Le traitement de la maladie est-il devenu plus efficace ? Existe-t-il aujourd'hui de meilleures méthodes de diagnostic ? Y a-t-il de nouveaux résultats, plus fiables, provenant de la recherche sur les effets du dépistage ? Savons-nous maintenant mieux et plus précisément quels sont les effets indésirables ? Sommes-nous en mesure d'évaluer plus précisément le risque de maladie et donc de procéder à un dépistage plus spécifique ?

Sur-diagnostic et sous-diagnostic

Comme cela a été évoqué ailleurs dans le journal NTvG, les tests de dépistage du cancer présentent des lacunes en termes de sur- et de sous-diagnostic.5-7 La fréquence du surdiagnostic du cancer du sein a été reportée comme étant comprise entre 0 et 50 %. 8 Et les mêmes données peuvent être interprétés différemment selon que l'on est partisan ou critique du dépistage.9 Mais il ne fait aucun doute qu'un surdiagnostic important existe ; il est présent dans au moins 20 % de tous les cas de cancer du sein détectés par le dépistage.1,5

Le sous-diagnostic est mis en évidence par l'apparition de cancers d'intervalle, un "échec" possible du test de dépistage.
Comme solution on cherche des technologies complementaires ou plus  puissantes. Dans le dépistage du cancer du sein, on recherche des techniques d'imagerie plus sensibles, comme la mammographie numérique par tomosynthèse et l'IRM, et l'application de l'intelligence artificielle à l'évaluation des mammographies.
Le danger est que des technologies plus sensibles on va détecter encore plus d'anomalies, et surtout des plus petites anomalies, ce qui entraînera encore plus de surdiagnostics 10.

Que faut-il pour effectuer une évaluation correcte ?

Pour évaluer correctement les effets du dépistage, il faut disposer de données empiriques solides et surtout de mesures des résultats qui soient valides, reproductibles et suffisamment spécifiques.11 La détection d’une maladie n'est pas une fin en soi, mais un moyen pour atteindre un objectif. L'objectif est de gagner des années de vie ou des chances accrues de guérison. La mortalité spécifique par cancer est certes réduite par le dépistage, mais la mortalité absolue dans les populations dépistées  ne diminue pas ou peu. Et il y a toujours la question de savoir si un prétendu gain de survie est en réalité le résultat du dépistage.5 La pondération attentive des avantages et des inconvénients est une tâche qui incombe à la fois à ceux qui effectuent le dépistage au sein de la population et à ceux qui y participent 3,4.

Les lignes directrices nationales pour le dépistage du cancer devraient énoncer explicitement les mesures de résultats pertinentes souhaitées, mais aussi aborder les arbitrages indispensables entre les avantages et les inconvénients que présente ce type particulier de dépistage au sein de la population. Une récente revue systématique a montré que seule une minorité de lignes directrices abordent explicitement cette question.12

Les participants potentiels devraient être en mesure de décider en toute connaissance de cause de participer ou non au dépistage. Mais qui leur fournit une information équilibrée sur les bénéfices, mais aussi sur les risques, et sur la manière de les aborder ? Il a été démontré que l'information sur les conséquences du surdiagnostic, en particulier la nécessité d'autres tests invasifs et d'une intervention chirurgicale, dissuade davantage les femmes de participer au dépistage du cancer du sein13.

Évaluation du dépistage du cancer dans la population

Le cancer est une maladie hétérogène et le dépistage dans la population est une procédure complexe. Un large éventail de variables détermine son résultat. C'est pourquoi une évaluation complète est si compliquée : quels sont ses objectifs, qui la réalisera, sur quoi portera-t-elle et comment ? Cela nécessite une équipe de recherche appropriée, c'est-à-dire à large assise, comprenant non seulement des médecins mais aussi des spécialistes des sciences sociales, des éthiciens, des méthodologistes et des économistes de la santé. Les personnes ayant une implication financière ou institutionnelle dans le dépistage doivent être exclues d'une telle équipe.4
Une plus grande participation du groupe cible du dépistage est également essentielle dans une telle évaluation : ils sont confrontés aux conséquences négatives. Comment pèsent-ils le pour et le contre ? Une étude norvégienne, par exemple, a montré que, dans le cadre du dépistage du cancer du sein, les conséquences du surdiagnostic et du surtraitement avaient un impact négatif sur la qualité de vie des femmes, exprimé en années de vie ajustées sur la qualité (qalys).14 Encore et toujours, les inconvénients du dépistage ne sont pas suffisamment pris en compte ; c'est ce que j'appelle l'éléphant dans la pièce.1-3

Conclusion

C'est le dépistage du cancer du sein en particulier qui ne semble pas tenir ses promesses supposées. Même après de nombreuses années de dépistage, la fréquence des cancers du sein avancés  n'a pas diminué.5

En Suisse, à Hong Kong et en France, entre autres, des rapports critiques ont été publiés pour demander l'abandon du dépistage du cancer du sein sous sa forme actuelle.2,4

Il y a vingt ans, le NTvG a organisé une conférence présentant des points de vue critiques sur le dépistage du cancer. Les problèmes identifiés et les conclusions tirées à l'époque sont toujours pertinents aujourd'hui.15
Si les avantages du dépistage sont effectivement surestimés et les inconvénients sous-estimés, il est certainement temps de reconsidérer le dépistage du cancer dans notre pays avec une vision ouverte et indépendante.

Conflit d'intérêts et soutien financier : aucun n'a été déclaré.
Article et commentaire en ligne à l'adresse suivante : ntvg.nl/D6926
Rotterdam : em.prof.dr. R.W.M. Giard, pathologiste clinique (n.p.), épidémiologiste clinique et juriste.
Contact : R.W.M. Giard (raimondgiard@gmail.com)
Accepté le 18 mai 2022
Citer comme : Ned Tijdschr Geneeskd. 2022;166:D6926

Bibliographie

1. Adami HO, Kalager M, Valdimarsdottir U, Bretthauer M, Ioannidis JPA. Time to abandon early detection cancer screening. Eur J Clin Invest. 2019;49:e13062. doi:10.1111/eci.13062. Medline

2. Hochman M, Cohen P. Cancer screening: no longer the default. J Gen Intern Med. 2021;36:525-6. doi:10.1007/s11606-020-05781-7. Medline

3. Van der Graaf Y. De verhulde risico’s van screening . Ned Tijdschr Geneeskd. 2022;166:D6760.

4. Ropers FG, Barratt A, Wilt TJ, et al. Health screening needs independent regular re-evaluation. BMJ. 2021;374:n2049. doi:10.1136/bmj.n2049. Medline

5. Autier P, Boniol M. Mammography screening: A major issue in medicine. Eur J Cancer. 2018;90:34-62. doi:10.1016/j.ejca.2017.11.002. Medline

6. Van der Graaf Y. De verhulde risico's van screening. Ned Tijdschr Geneeskd. 2022;166:D6760.

7. Krom A, Dekkers OM, Ploem MC. Verlies de nadelen van screening niet uit het oog: zorgen over wijziging Wet op hetbevolkingsonderzoek. Ned Tijdschr Geneeskd. 2022;166:D6701.

8. Chaltiel D, Hill C. Estimations of overdiagnosis in breast cancer screening vary between 0% and over 50%: why? BMJ Open. 2021;11:e046353. doi:10.1136/bmjopen-2020-046353. Medline

9. Njor SH, Paci E, Rebolj M. As you like it: How the same data can support manifold views of overdiagnosis in breast cancer screening.Int J Cancer. 2018;143:1287-94. doi:10.1002/ijc.31420. Medline

10. Jatoi I, Pinsky PF. Breast cancer screening trials: endpoints and overdiagnosis. J Natl Cancer Inst. 2021;113:1131-5.doi:10.1093/jnci/djaa140. Medline

11. Porzsolt F, Matosevic R, Kaplan RM. Recommendations for cancer screening would be different if we measured endpoints that are valid, reliable, specific, and important to patients. Cancer Causes Control. 2020;31:705-11. doi:10.1007/s10552-020-01309-w.Medline

12. Zeng L, Helsingen LM, Kenji Nampo F, et al. How do cancer screening guidelines trade off benefits versus harms and burdens of screening? A systematic survey. BMJ Open. 2020;10:e038322. Medline

13. Stiggelbout A, Copp T, Jacklyn G, et al. Women’s acceptance of overdetection in breast cancer screening: can we assess harm-benefit tradeoffs? Med Decis Making. 2020;40:42-51. doi:10.1177/0272989X19886886. Medline

14. Zahl PH, Kalager M, Suhrke P, Nord E. Quality-of-life effects of screening mammography in Norway. Int J Cancer. 2020;146:2104-12.doi:10.1002/ijc.32539. Medline

15. Giard RWM, Hart W. De pretenties en prestaties van kankerscreening, in het bijzonder voor borstkanker . Ned Tijdschr Geneeskd.2002;146:1045-9 Medline

Article de Yolanda van der Graaf

Les risques cachés du dépistage

Yolanda van der Graaf

Résumé

Le dépistage devrait permettre de modifier l'évolution naturelle d'une maladie afin de réduire la mortalité due à cette maladie. Le dépistage offre très peu de bénéfices mais présente de nombreux inconvénients comme les faux positifs, le surdiagnostic et la détresse psychologique. Les partisans du dépistage surestiment l'importance de la maladie et les effets du dépistage mais négligent les inconvénients.
Mais aussi les potentiels participants et les médecins surestiment les effets du dépistage. Bien que considérés comme importants, les critères encore valables de Wilson et Jungner sont négligés par les chercheurs et les commissions qui comités qui approuvent le dépistage. Même dans le cas où les médecins désapprouvent le dépistage, des personnes en bonne santé sont prêtes à se soumettre à des scanners corporels, bien que personne ne sache comment traiter les nombreuses anomalies détectées. Les programmes de dépistage doivent être évalués par rapport à d'autres types de dispositifs et non pas simplement en établissant des modèles avec de nombreuses hypothèses non prouvées. Et surtout, les participants potentiels doivent être informés des inconvénients potentiels et des faibles bénéfices au niveau de la santé.

Détecter la maladie avant qu'elle ne provoque des symptômes - c'est forcément mieux, non ? Mieux vaut prévenir que guérir. Cette prémisse semble si simple que de nombreuses personnes n'ont pas besoin de preuves. Mais la réalité est bien plus complexe. Pourquoi le dépistage est-il si attrayant pour les citoyens, les prestataires de soins de santé, l'industrie et le gouvernement, et pourquoi les inconvénients sont-ils si difficiles à percevoir ? Dans cet article, je décris les principes du dépistage, la surestimation par la société du risque de maladie, et la méconnaissance par les médecins et les participants des effets réels du dépistage sur la santé. Je quantifie ensuite les risques du dépistage et je discute des raisons pour lesquelles le dépistage reste néanmoins si populaire.

Les principes du dépistage

Un simple test de dépistage tente de classer les personnes ne présentant pas de symptômes en groupes à haut risque et à faible risque. Un deuxième test - par exemple une biopsie - est presque toujours nécessaire pour confirmer la présence de la maladie. Après confirmation, vous commencez à traiter la maladie. L'objectif du dépistage est d'influencer favorablement l'évolution naturelle de la maladie. Mais cela suppose que l'on connaisse cette évolution naturelle et qu'il existe un stade de latence au cours duquel la maladie peut être détectée et traitée. Parfois, on détecte la maladie plus tôt, mais il est encore trop tard et le participant ne vit que plus longtemps avec la prise de conscience de la maladie. Et parfois, on détecte des tumeurs dont certains ne souffriront jamais.

Ainsi, dans les tumeurs qui ont été détectées lors d'un dépistage, on peut avoir de meilleurs pronostics que dans les tumeurs qui ont été détectées parce qu'elles ont provoqué des symptômes. D'une part, cela peut être dû à une différence biologique entre les tumeurs ; c'est ce qu'on appelle le biais "lenteur d’évolution". D'autre part, ce gain de survie est en partie artificiel, car les tumeurs sont détectées plus tôt lors du dépistage que lorsqu'on attend qu'elles produisent des symptômes. Ce phénomène c'est ce qu'on appelle le biais "de temps d’avance au diagnostic".

Ces biais de lenteur d’évolution  et de temps d’avance au diagnostic rendent l'évaluation du dépistage complexe, si bien que seules des études comparatives, souvent avec un suivi de plus de dix ans, donnent une bonne représentation des avantages et des inconvénients du dépistage. Wilson et Jungner pensaient déjà, il y a plus de 50 ans, que "plus tôt" ne peut être meilleur que si un certain nombre de conditions sont réunies.1 Bien que ces conditions soient toujours mentionnées dans les rapports du Conseil de la santé, il suffit de comparer le dépistage actuel du cancer du col de l'utérus à ces critères pour constater un grave manque de conformité (tableau 1). Le cancer du col de l'utérus n'est pas un problème majeur de santé publique et il existe un écart énorme entre le nombre de lésions prémalignes détectées et le nombre de femmes atteintes d'un cancer invasif. Et parce que les connaissances sur l'évolution des anomalies prémalignes est insuffisante, il y a un surtraitement généralisé.

Il semble qu'avec la législation à venir - la loi sur l'examen médical préventif - les inconvénients du dépistage ont déjà été entièrement balayés sous le tapis.2,3

Surestimation du risque de maladie

En général, le risque de maladie est assez surestimé. La Dutch Brain Foundation tente de nous faire croire qu'un Néerlandais sur quatre est atteint d'une maladie du cerveau4. Cela semble beaucoup, jusqu'à ce que l'on lise que 1,9 million de néerlandais souffrent d'un trouble de la personnalité, d'anxiété ou de panique. Dormir mal s'avère soudain être une maladie du cerveau.
Même pour le cancer, le risque réel est surestimé. Il est rare que l'on soit informé du risque de décès par cancer au cours d'une vie. Seulement 3 % des femmes meurent d'un cancer du sein. Le risque de mourir d'un cancer du côlon n'est "que" de 2 %.
Sur le site du RIVM (National Institute for Public Health and the Environment), j'ai lu que 1 femme sur 7 aura un cancer du sein à un moment donné de sa vie. 5 Ce n'est pas pertinent, car la plupart des cancers du sein ne provoquent aucun décès chez les femmes. Même sans dépistage.
Ce qui compte, c'est le risque de mourir prématurément d'un cancer du sein et la façon dont ce risque est réduit par la participation au dépistage. En outre, l'âge auquel on meurt est un fait important qui est occulté lorsque l'on nous présente les nombres absolus habituels pour un type de cancer.

Surestimation de l'impact du dépistage

Les participants potentiels surestiment largement les avantages du dépistage de masse. Une vaste étude par interview auprès de plus de 10 000 participants, qui demandait dans quelle mesure le dépistage de masse pour le cancer du sein et de la prostate, a révélé que plus de 92 % des femmes surestimaient les effets du dépistage par un facteur de 10. 6
Aux Pays-Bas, plus de 50 % des femmes pensent que, grâce au programme de dépistage, plus de 50 femmes sur 1 000 ne mourront plus du cancer du sein. Et 20% ne le savent pas. La bonne réponse : pour 1000 femmes dépistées, 1 femme en moins sera décédée par cancer du sein. Cette réponse a été donnée par 1% des personnes interrogées.
Les médecins surestiment également les effets du dépistage. Plus de 50 % des médecins américains ne comprennent pas les principes du dépistage et pensent que le nombre plus élevé de tumeurs dans le groupe dépisté est la preuve de l'efficacité du dépistage. Les trois quarts d'entre eux n'avaient jamais entendu parler du biais du délai d'avance au diagnostic. Dans un communiqué de presse du 25 septembre 2018, Erasmus MC a affirmé que le dépistage du cancer du poumon permet d'éviter des milliers de décès.8 Les modestes chiffres qui donnent à réfléchir et qui accompagnent cet optimisme sont apparus un an et demi plus tard9.
Mais même si aucune profession médicale ne voit l'intérêt d'un test de dépistage et qu'il n'existe pas la moindre preuve scientifique, les gens se soumettent au dépistage.10 Les scanners corporels de la société commerciale Prescan que plus de 150 000 clients ont utilisé depuis 2003 en sont un bon exemple

Les risques du dépistage sont élevés

Les effets du dépistage du cancer du col de l'utérus, du sein et du côlon ont fait l'objet de nombreuses études. On connaît approximativement le nombre de personnes qui doivent être dépistées pour éviter 1 décès dû au cancer en question. Le principal problème ici est que ce chiffre n'est pas communiqué de manière adéquate aux participants potentiels au dépistage. Un problème bien plus important est celui des initiatives de dépistage dont on ne connaît même pas l'efficacité, sans parler du fait qu'il y a une conscience du surdiagnostic et du surtraitement.

Pour chaque décès dû au cancer du sein que vous évitez grâce au dépistage, 1000 femmes doivent être soumises à un dépistage régulier. En appliquant un programme de dépistage, plus de 100 femmes sont traitées inutilement.11,12 Les probabilités de traitement inutile sont donc des dizaines de fois plus élevées que  les chances qu'une femme bénéficie d'un dépistage. Récemment, le pourcentage de femmes âgées de 50 à 74 ans chez qui un cancer du sein a été diagnostiqué  à la suite d'un dépistage, mais qui ne développeront jamais de cancer du sein, a été estimé à 15,4 % 13.

Pourquoi un scanner du corps entier n'est-il pas utile ?

Les scanners (CT et IRM) révèlent bien plus que ce que nous souhaiterions. En particulier, ils cartographient le vieillissement. Le bénéfice potentiel que l'on attribue au scanner corporel total réside dans la détection précoce des tumeurs malignes, des anomalies vasculaires et des calcifications. A priori on ne s'attend pas à ce qu'un scanner corporel soit utile. Pour cela, la prévalence des tumeurs malignes est trop faible,  le traitement des vasoconstrictions asymptomatiques (carotides, vaisseaux coronaires) est nocif, et le calcium dans les vaisseaux coronaires peut prédire le risque mais ne signifie pas que les interventions sont utiles.16 Les calcifications sont simplement la somme des facteurs de risque classiques et des interactions entre les gènes et l'environnement.
Le gros problème du scanner corporel total est la quantité extraorbitante de résultats que personne ne sait comment traiter. Une revue portant sur un total de 15 877 patients a montré que le pourcentage de résultats extracardiaques était de 44 % (95 %-BI : 35-54).17
Une étude systématique similaire portant sur 12 922 patients a montré que la prévalence des résultats cliniquement pertinents était de 13 % (95 %-BI : 35-54).18
Les études ont utilisé une définition pragmatique de la notion de "cliniquement pertinent" : les résultats qu'un clinicien doit rechercher (par exemple, embolie pulmonaire, kystes, gros nodules, lymphome, suspicion de malignité).
Les caractéristiques que l'on s'attendrait à voir influencer la prévalence, comme l'âge, la prévalence du tabagisme ou le champ de vision, n'ont pas expliqué les différences de prévalence. Cela est probablement dû au fait que la définition d'une "anomalie cliniquement pertinente" n'est pas cohérente.

Mais la peur du cancer chez les gens rapporte aussi beaucoup d'argent. 20 Pour des raisons de commodité, aucune recherche n'est effectuée sur l'efficacité ; au lieu de cela, on utilise des promesses pour recruter. Les gens sont séduits par l'idée qu'en une journée, ils pourront mieux connaître leur santé. Pour 1250 €, vous obtenez 5 IRM - du crâne et du cerveau, des vaisseaux cervicaux, de la poitrine, de l'abdomen supérieur et inférieur - et des tests de laboratoire. C'est un excellent modèle de revenu, car le prestataire ne fait que des diagnostics. Pas de recherche sur le suivi et aucun traitement.
Prescan, une société qui propose des scanners du corps entier, pousse les conséquences de résultats anormaux au-delà des limites. Le secteur curatif devrait s'en soucier.

Le dépistage en vaut-il la peine ?

Enfin, quelques mots sur l'évaluation du dépistage.
L’évaluation consiste à comparer le dépistage avec une situation où il n'y a pas de dépistage. Une telle comparaison manque très souvent de données importantes et utilise des modèles complexes que presque personne ne peut comprendre.
Il y a longtemps, nous avons décidé que nous étions prêts à payer 20 000 euros pour une année de vie sauvée, mais aujourd'hui la question est de savoir ce que nous pourrions faire d'autre avec cet argent. Pratiquement toutes les interventions de sevrage tabagique sont réalisables pour une valeur seuil nettement inférieure aux 20 000 € par année de vie gagnée.
C'est de loin dans le domaine du sevrage tabagique que l'on peut obtenir le plus de bénéfices pour la santé aux Pays-Bas. Les avantages pour la santé des programmes de dépistage sont minimes par rapport à ceux-ci.

Conclusion

Bien que le dépistage soit pratiqué depuis des décennies, ses inconvénients ne sont pas suffisamment pris en compte.

La réalité est que "plus tôt" ne signifie pas toujours mieux. Les partisans du dépistage ne peuvent s'empêcher d'exagérer le risque de maladie grave, de surestimer les avantages du dépistage et d'ignorer le grand nombre de faux positifs.

Le dépistage est actuellement mal évalué parce qu'il ne permet pas de déterminer si l'on peut tirer bien plus de bénéfices pour la santé avec les mêmes coûts mais des mesures différentes. Le dépistage doit être évalué par des scientifiques indépendants et non par des personnes qui pratiquent le dépistage depuis des décennies.
En outre, la multiplication des programmes de dépistage pour lesquels il n'existe pas la moindre preuve scientifique et pour lesquels le gain financier est prioritaire doit être impérativement combattue. Avant tout, les participants à un programme de dépistage doivent recevoir des informations honnêtes. Ce magazine a fait de très bonnes suggestions à ce sujet en 2009.

Article et commentaire en ligne à l'adresse suivante : ntvg.nl/D6760
UMC Utrecht, Centre Julius, Utrecht : Prof. Dr. Y. van der Graaf, épidémiologiste clinique.
Contact : Y. van der Graaf (y.vandergraaf@gmail.com)
Conflit d'intérêts et soutien financier : aucun n'a été signalé.
Accepté le 5 mai 2022
Citer comme : Ned Tijdschr Geneeskd. 2022;166:D6760

Bibliographie

1. Wilson JMG, Jungner G. Principles and practice of screening for disease. Genève: WHO; 1968.

2. Krom A, Dekkers OM, Ploem MC. Verlies de nadelen van screening niet uit het oog: zorgen over wijziging Wet op hetbevolkingsonderzoek. Ned Tijdschr Geneeskd. 2022;166:D6701.

3. Wijziging van de Wet op het bevolkingsonderzoek in verband met actuele ontwikkelingen op het terrein van preventief gezondheidsonderzoek. Tweede Kamer der Staten-Generaal. Kamerstuk 35384.

4. Een op vier Nederlanders heeft een hersenaandoening. RIVM, 27 november 2017. www.rivm.nl/nieuws/op-vier-nederlanders-heefthersenaandoening, geraadpleegd op 1 juni 2022.

5. Bevolkingsonderzoek borstkanker. RIVM, 19 april 2022. www.rivm.nl/bevolkingsonderzoek-borstkanker, geraadpleegd op 1 juni 2022.

6. Gigerenzer G, Mata J, Frank R. Public knowledge of benefits of breast and prostate cancer screening in Europe. J Natl Cancer Inst. 2009;101:1216-20. doi:10.1093/jnci/djp237. Medline

7. Klemperer D. Physicians’ and patients’ knowledge of cancer screening - a wake-up call. Oncol Res Treat. 2014;37(Suppl 3):8-10. doi:10.1159/000363459. Medline

8. De Visser E. Screening op longkanker bij bij (ex-)rokers zou ‘duizenden doden voorkomen’, maar deskundigen zijn sceptisch. de Volkskrant, 26 september 2019.

9. De Koning HJ, van der Aalst CM, de Jong PA, et al. Reduced Lung-Cancer Mortality with Volume CT Screening in a Randomized Trial. N Engl J Med. 2020;382:503-13. doi:10.1056/NEJMoa1911793. Medline

10. Nederlandse Vereniging voor Radiologie. Standpunt NVvR screenende total body scans / health checks. www.radiologen.nl/nvvr/standpunt-nvvr-screenende-total-body-scans-health-checks, geraadpleegd op 1 juni 2022.

11. Zaat J. Minister, ik wil een bevolkingsonderzoek. Ned Tijdschr Geneeskd. 2018;162:C4055.

12. Gøtzsche PC, Jørgensen KJ. Screening for breast cancer with mammography. Cochrane Database Syst Rev. 2013;(6):CD001877 Medline.

13. Ryser MD, Lange J, Inoue LYT, et al. Estimation of Breast Cancer Overdiagnosis in a U.S. Breast Screening Cohort. Ann Intern Med. 2022;175:471-8 (epub ahead of print). doi:10.7326/M21-3577. Medline

14. Vermeer NC, Liefers GJ, van der Hoop AG, Peeters KC. Bevolkingsonderzoek naar darmkanker: zucht of zegen? Ned Tijdschr Geneeskd. 2015;159:A9059.

15. Factsheet bevolkingsonderzoek darmkanker. RIVM, 11 december 2020. www.rivm.nl/documenten/factsheet-bevolkingsonderzoekdarmkanker, geraadpleegd op 1 juni 2022.

16. Sedlis SP, Hartigan PM, Teo KK, et al; COURAGE Trial Investigators. Effect of PCI on long-term survival in patients with stablischemic heart disease. N Engl J Med. 2015;373:1937-46. doi:10.1056/NEJMoa1505532. Medline

17. Flor N, Di Leo G, Squarza SA, et al. Malignant incidental extracardiac findings on cardiac CT: systematic review and meta-analysis. AJR Am J Roentgenol. 2013;201:555-64. doi:10.2214/AJR.12.10306. Medline

18. Buckens CF, Verkooijen HM, Gondrie MJ, Jairam P, Mali WP, van der Graaf Y. Unrequested findings on cardiac computed tomography: looking beyond the heart. PLoS One. 2012;7:e32184. doi:10.1371/journal.pone.0032184. Medline

19. Johansson M, Borys F, Peterson H, Bilamour G, Bruschettini M, Jørgensen KJ. Addressing harms of screening - A review of outcomes in Cochrane reviews and suggestions for next steps. J Clin Epidemiol. 2021;129:68-73. doi:10.1016/j.jclinepi.2020.09.030. Medline

20. In één dag inzicht in je gezondheid! Prescan. www.prescan.nl/?gclid=Cj0KCQiA9OiPBhCOARIsAI0y71AT0HHRx4u4UkvG5luXgrTUZBmKGxdbdMTrZ8Q6maDE2NGV3PYvVIEaAqhYEALw_wcB, geraadpleegd op 1 juni 2022.

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Participation à une thèse en médecine

thèse de médecine générale concernant la non-participation au dépistage organisé du cancer du sein par mammographie.

Le but de ce travail est de s’intéresser aux femmes qui ne réalisent pas le dépistage du cancer du sein et de leur donner la parole pour une étude sociologique en Île-de France.

Il est question également de savoir si les participantes sont bien informées des risques du dépistage et à quel point elles ont pu en être impactées.
Le rapport du comité d'orientation de la concertation scientifique et citoyenne soulignait en effet que le dépistage sous sa forme actuelle n'était plus envisageable.

L'idée de ce travail va dans le sens d'essayer de trouver des pistes de réflexion pour une approche plus humaine, plus empathique et informative dans le parcours de dépistage.

Les personnes intéressées peuvent contacter l'étudiant en médecine de l’Université de Paris
à l'adresse mail : these.coin@protonmail.com, afin qu'il puisse leur transmettre la notice d'information et la fiche de consentement avant l'étude.

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Perturbation des dépistages durant la pandémie : des inconvénients ? Des avantages aussi

28 mai 2022,

Durant la pandémie Covid, des Cassandre de tout poil et des médias  de tous horizons ont lancé de terribles prévisions et avertissements selon lesquels les perturbations des programmes de dépistage des cancers entraîneraient un «tsunami» de cancers avancés du sein, de la prostate, du côlon, du col de l'utérus et des décès. 
Des oncologues ont fait courir des bruits terrifiants selon lesquels une diminution es dépistages du cancer pendant cette période de Covid-19 entraînerait des décès en masse. Cette prédiction est fortement remise en question par plusieurs scientifiques qui s'expriment dans divers medias scientifiques et dans cette publication d'auteurs australiens du 27 avril dernier, considérant même la période de cessation des dépistages comme une "expérimentation naturelle" pour enfin évaluer avec justesse les bénéfices et les inconvénients des soins de santé de routine.
Online early publication https://doi.org/10.17061/phrp32122208
https://www.phrp.com.au/wp-content/uploads/2022/04/PHRP32122208.pdf

Considérer les avantages potentiels, ainsi que les inconvénients, résultant de la perturbation des programmes de dépistages des cancers et d'autres services de santé à cause du COVID-19

Katy JL Bell a,b,f, Fiona F Stanaway b, Kirsten McCaffery a,b,c, Michael Shirley a and Stacy M Carter a,d,e
a  Wiser Healthcare Research Collaboration, Sydney, NSW, Australia
b  School of Public Health, Faculty of Medicine and Health, University of Sydney, NSW, Australia
c  Sydney Health Literacy Lab, Faculty of Medicine and Health, University of Sydney, NSW, Australia
d  Australian Centre for Health Engagement, Evidence and Values, University of Wollongong, NSW, Australia
e  School of Health and Society, University of Wollongong, NSW, Australia
f  Corresponding author. katy.bell@sydney.edu.au

Points clés

- La surmortalité mondiale enregistrée en 2020 a été attribuée à la COVID-19 ainsi qu'à d'autres causes. Le taux de mortalité a touché de manière disproportionnée les personnes les plus défavorisées et les plus marginalisées.

- Les réponses pandémiques visant à empêcher la propagation du COVID-19 auraient peut-être aussi contribué à éviter des décès dus à des causes autres que le COVID-19, notamment ceux résultant de diagnostics, d'examens et de traitements inutiles.

- La recherche examinant les avantages et les inconvénients liés à la perturbation des soins de santé causée par le COVID-19 pourrait aider les services de santé à fournir des soins de santé de telle sorte que pour les patients il en ressorte un maximum d'avantages pour leur santé avec un minimum d'exposition à des inconvénients.

Résumé

Depuis 2020, dans le monde entier on enregistre des centaines de milliers de décès en excès par rapport à ce qui était attendu.
Au cours de la pandémie de coronavirus 2019 (COVID-19) les priorités de recherche ont consisté à maîtriser la propagation de l'infection et à minimiser les pertes de vies humaines.
Toutefois, il sera peut-être possible de tirer des enseignements de la pandémie pour mettre en place un meilleur système de soins de santé, qui offre un maximum d'avantages pour la santé et le moins d’inconvénients possibles.

Jusqu'à présent, une attention particulière a été accordée aux bénéfices manqués, imputés à la récession des dépistages du cancer lors de la pandémie.
Mais une approche plus équilibrée consisterait à reconnaître que tous les services de santé présentent aussi des inconvénients potentiels.
Ainsi, nous pourrions être en mesure d'utiliser les "expériences naturelles" liées à la pandémie pour identifier les cas où la réduction d'un service de santé n'a pas été préjudiciable à la population, et même où la défection de certains services auront pu être bénéfiques.

Lire : une expérience naturelle au travers de la pandémie

Impact de la pandémie COVID-19

L'année 2020 a connu plus de 500 000 décès de plus que prévu, rien qu'aux États-Unis[1] et une augmentation des décès dans le monde entier.[2] Ces décès excédentaires à l'échelle mondiale peuvent être regroupés en trois catégories :

  • les décès identifiés comme étant liés à la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19),
  • les décès liés à la CoVID-19 mais non identifiés en tant que tels,
  • les décès dus à d'autres causes.

    La cause la plus évidente de décès excédentaires est celle des personnes chez qui l'on a diagnostiqué la COVID-19.
    Cependant, il y a eu beaucoup plus de décès en excès en 2020 que ceux directement attribués au COVID-19.[3] Une cause moins évidente de décès en excès est la non-déclaration de cas en raison d'un sous-dépistage et d'un sous-diagnostic. En Australie par exemple, disent les auteurs, les décès en excès attribués à une 'pneumonie' à la fin mars et en avril 2020 suggèrent que certains décès réellement dus au COVID-19 ont été manqués au début de la pandémie, lorsque l'accès au dépistage était plus limité.[4]

La cause la moins apparente de décès excédentaires est celle des décès liés à la COVID-19 mais causés par les effets indirects de la pandémie, notamment par la perturbation massive des systèmes de santé.
Bien que l'Australie s'en sorte mieux que la plupart des pays en termes de décès dus au COVID-19 et à d'autres causes[5] [6], les auteurs estiment qu'il faut prendre ce constat au sérieux. Dans le monde, il y a encore beaucoup de souffrance pour les travailleurs de la santé de première ligne et pour tous ceux qui voient la pandémie se développer, et leur vie changer.
Il est préoccupant de constater que la pandémie a exacerbé les inégalités en matière de santé dues à des déterminants sociaux, la charge de la mortalité (causée directement et indirectement par le SRAS-CoV-2) frappant de manière disproportionnée les personnes les moins bien loties et les plus marginalisées sur le plan culturel et linguistique, y compris les personnes de couleur[7].
Il faut être conscient de ces causes de décès et redoubler d'efforts pour lutter contre les injustices structurelles, en s'attelant aux causes profondes des inégalités de santé qui perdurent et sont omniprésentes.

La pandémie a-t-elle pu aussi sauver des vies ?

Mais dans ce tableau certains changements imposés par la pandémie à la société ont pu peut-être sauver des vies.
Les décès évités pendant la pandémie seraient dus à des facteurs évidents et moins évidents. La diminution du nombre de décès dus à la grippe[8], à la pneumonie et à d'autres agents pathogènes respiratoires autres que le SRAS-CoV-2 est le facteur le plus flagrant et résulte très probablement des mesures de lutte contre la pandémie.[9]  [10]
La réduction de la pollution atmosphérique due aux mesures de confinement imposées par de nombreux pays est moins évidente, les modélisations suggérant que plus de 300 000 décès ont été évités rien qu'en Chine et en Europe.[11]

Et puis il y a le facteur le moins évident et le plus contre-intuitif, qui est la possibilité que des vies aient été sauvées grâce à un recours réduit à des soins de santé qui auraient autrement causé des préjudices.[12] Ces décès peuvent avoir été évités parce que certaines personnes ont évité des tests, des diagnostics et des traitements inutiles, et que le risque de dommages lié à ces interventions l'emporte sur le potentiel bénéfice.

Le bénéfice absolu apporté par les soins de santé augmente généralement avec la gravité de la maladie et parmi les populations dont le risque de base des personnes testées, diagnostiquées et traitées est plus élevé que dans la population générale- (par exemple, les bénéfices absolus des traitements hypotenseurs et hypocholestérolémiants sont plus élevés chez les personnes présentant un risque de base plus élevé que chez celles présentant un risque de base plus faible[13] [14]).
D'autre part, la probabilité d'un préjudice pourrait être plus ou moins constante en fonction des différents risques de base[15].

Ce que les auteurs souhaitent souligner est que les patients à faible risque d'une maladie retirent très peu de bénéfice d'être dépistés, et pourraient être davantage exposés aux préjudices des dépistages de routine, comme p.ex. les détection inutiles, ce qu'on appelle le surdiagnostic.

Au sein de la population, un très petit nombre avec un risque de mortalité élevé bénéficiera d'une recherche spécifique de maladie, aux dépens d'un grande majorité de personnes pour lesquelles cette recherche est inutile et délétère, car ces dernières risquent d'être diagnostiquées et traitées par exemple pour des lésions prénéoplasiques ou des cancers à faible risque, lésions qui auraient pu être ignorées.[16]

A l'inverse, au sein d'une population surveillée pour cancer (personnes faisant l'objet d'un suivi pour un nouveau cancer ou une récidive après le traitement d'un premier cancer primaire), une proportion plus importante de personnes peut avoir un haut risque de développer un cancer et bénéficier d'une détection précoce, ce qui aura pu leur manquer durant la pandémie (ainsi que l'accès normal aux services de santé et aux soins).

Avantages potentiels découlant des perturbations des soins de santé

De nombreuses recherches sur l'impact sanitaire des perturbations des soins de santé dues à la pandémie de COVID-19 se sont focalisées sur les conséquences négatives probables de l'absence de soins et sur les solutions possibles pour les atténuer.
Ces recherches ont principalement consisté en études de modélisation prévoyant les impacts potentiels de la réduction des services de santé sur les résultats cliniques futurs, tels que la mortalité par exemple.
(lire étude Grouvid : https://cancer-rose.fr/2020/11/11/pandemie-covid-19-et-prise-en-charge-des-cancers/).

Cependant, il faut reconnaître que tous les services de santé offerts aux patients (y compris les tests, les diagnostics et les traitements) présentent des inconvénients et des avantages potentiels pour la population, et on devrait logiquement, pour ce genre d'évaluation, inclure les deux types d'impacts cliniques dans ces études de modélisation, à savoir l'impact négatif autant que l'impact positif.
Par exemple, bien que l'on puisse s'attendre à ce que l’interruption du dépistage du cancer, comme la mammographie, et la réduction du dépistage du cancer de la prostate par le test de l'antigène prostatique spécifique (PSA) entraînent une diminution des avantages liés à la détection et au traitement plus précoces de ces cancers, il peut y avoir également une diminution des inconvénients imputables à ces dispositifs de santé[17] .

Et en effet, les tests de dépistage du cancer peuvent augmenter le risque de mortalité par différents moyens.[18] [19]
Il s'agit notamment :
* Des conséquences des tests invasifs nécessaires pour confirmer le diagnostic après un test de dépistage positif (par exemple un dosage PSA positif qui entraîne une biopsie prostatique, elle-même suivie d'une septicémie post-biopsie de la prostate)[20] [21];
* Des implications psychologiques liées à l'étiquette de "malade" pour la personne qui aura été testée positive (pour exemple, l'augmentation des taux d'infarctus du myocarde et de suicide après une annonce de détection de cancer de la prostate)[22] [23];
* Des conséquences du traitement des cancers surdiagnostiqués (par exemple, les décès dus aux complications chirurgicales et aux effets des radiations après le traitement d'un cancer du sein inutilement détecté).25,26 

De futures études de modélisation pourraient s'appuyer sur des preuves empiriques des avantages et des inconvénients des services de soins de santé comme les dépistages et de leurs perturbations, et s'appuyer aussi sur la mortalité et la morbidité globales ainsi que sur les résultats spécifiques aux maladies pour évaluer ces impacts différents.

En Australie expliquent les auteurs, on a estimé qu'avant la pandémie de COVID-19, le surdiagnostic du cancer - le préjudice le plus grave du dépistage du cancer - entraînait chaque année un surdiagnostic du cancer du sein chez environ 4000 femmes australiennes et un surdiagnostic du cancer de la prostate chez plus de 8 500 hommes australiens [27] .( https://cancer-rose.fr/2020/01/28/30-000-cancers-surdiagnostiques-par-an-dans-une-etude-australienne-un-enjeu-de-sante-publique/)

La réduction liée à la pandémie du nombre de personnes en bonne santé subissant ces tests et d'autres tests médicaux peut avoir entraîné une diminution du surdiagnostic et du surtraitement des cancers et d'autres maladies depuis 2020.

L'ampleur de ces variations est susceptible de varier entre les régions géographiques et en fonction de la perturbation des services de dépistage.
Elle sera quantifiable lorsque les données de 2020 et des années suivantes seront disponibles. Les diminutions observées refléteront à la fois les cancers manqués, pour lesquels une détection précoce aurait été bénéfique, et la réduction du surdiagnostic, pour lequel une détection précoce aurait été préjudiciable, mais il pourra être difficile de différencier les deux.

Des paramètres, tels que les marqueurs biologiques qui jaugent la gravité de la maladie et l'appréciation du risque parmi les diagnostics, peuvent indiquer dans quelle mesure le spectre de la maladie s'est déplacé en 2020[24] et depuis. Les récentes constatations de réductions proportionnellement plus importantes de l'utilisation des soins de santé parmi les personnes atteintes d'une maladie moins grave[25] soutiennent l'existence d'un tel déplacement du spectre des maladies.

La diminution observée des diagnostics de cancer dans les groupes d'âge où le dépistage n'est pas recommandé sur la base des données disponibles, mais qui était néanmoins fréquemment prescrit avant l'apparition de la pandémie (à cause de tests de routine effectués en dehors des recommandations p.ex.), peut également fournir une preuve indirecte de la diminution du surdiagnostic (par exemple, le dépistage du cancer de la prostate chez les hommes <55 ans ou >69 ans ; ou le dépistage du cancer du sein chez les femmes <40 ans ou >74 ans).[26]
En lien lire : https://cancer-rose.fr/2020/05/28/un-effet-secondaire-inattendu-de-lepidemie-covid-19/

Les enseignements tirés de cette "expérimentation naturelle"

Dans certains cas, il serait possible d'identifier là où peuvent se faire des réductions des soins de santé, en particulier pour des dispositifs de santé à faible valeur ajoutée (que ce soit des prescriptions systématiques de médicaments pour des populations à faible risque de maladie ou des prescriptions de dépistages non recommandés) , puisque ces réductions durant la pandémie n'ont pas été nuisibles dans l'ensemble, ou même ont été bénéfiques.
Les résultats ne devront pas être sur-interprétés, recommandent les auteurs, car les impacts à plus long terme doivent être aussi évalués et pris en compte au même titre que ceux à court terme.

Mais en tirant le maximum d'enseignements des aspects positifs et négatifs des " expériences naturelles " vécues au cours de la pandémie[27], les auteurs suggèrent qu'il serait ainsi possible de tendre vers une " nouvelle normalité " post-pandémique, où seraient privilégiés des services de soins de santé apportant un maximum d'avantages pour la santé des populations et des individus, et un minimum d'expositions à des dommages.[28] [29]


Références

[1] Woolf SH, Chapman DA, Sabo RT, Zimmerman EB. Excess deaths from COVID-19 and other causes in the US, March 1, 2020, to January 2, 2021. JAMA 2021:325(17):1786–9.

[2] Kontis V, Bennett JE, Rashid T, Parks RM, Pearson- Stuttard J, Guillot M, et al. Magnitude, demographics and dynamics of the effect of the first wave of the COVID-19 pandemic on all-cause mortality in 21 industrialized countries. Nat Med 2020: 26(12)1919–28.

[3] Fineberg HV. The toll of COVID-19. JAMA. 2020;324(15):1502–3.

[4] Australian Bureau of Statistics. Measuring excess mortality in Australia during the COVID-19 pandemic. Canberra: ABS; 2020

[5] Gregory G, Zhu L, Hayen A, Bell KJL, Learning from the pandemic: mortality trends and seasonality of deaths in Australia in 2020, Int J Epidemiol. 2022;dyac032.

[6] Stanaway F, Irwig LM, Teixeira-Pinto A, Bell KJL. COVID-19: estimated number of deaths if Australia had experienced a similar outbreak to England and Wales. Med J Aust. 2021;214:95-95.e1.

[7] Marmot M, Allen J. COVID-19: exposing and amplifying inequalities. J Epidemiol Community Health. 2020;74:681–2.

[8] World Health Organization. Influenza update N° 379. Geneva: WHO; Oct 2020 [Cited 2021 April 09]. Available from: www.who.int/publications/m/item/influenza- update-n-379

[9] Gregory G, Zhu L, Hayen A, Bell KJL, Learning from the pandemic: mortality trends and seasonality of deaths in Australia in 2020, Int J Epidemiol. 2022;dyac032.

[10] Olsen SJ, Azziz-Baumgartner E, Budd AP, Brammer L, Sullivan S, Pineda RF, et al. Decreased influenza activity during the COVID-19 pandemic - United States, Australia, Chile, and South Africa, 2020. MMWR Morb Mortal Wkly Rep. 2020;69:1305–9.

[11] Giani P, Castruccio S, Anav A, Howard D, Hu W, Crippa P. Short-term and long-term health impacts of air pollution reductions from COVID-19 lockdowns in China and Europe: a modelling study. Lancet Planet Health. 2020;4:e474–82.

[12] Moynihan R, Johansson M, Maybee A, Lang E, Légaré F. Covid-19: an opportunity to reduce unnecessary healthcare. BMJ. 2020;370:m2752.

[13] Cholesterol Treatment Trialists Collaboration. The effects of lowering LDL cholesterol with statin therapy in people at low risk of vascular disease: meta-analysis of individual data from 27 randomised trials. Lancet. 2012;380:581–90

[14] Blood Pressure Lowering Treatment Trialists Collaboration. Blood pressure-lowering treatment based on cardiovascular risk: a meta-analysis of individual patient data. Lancet. 2014;384:591–98.

[15] Glasziou PP, Irwig LM. An evidence based approach to individualising treatment. BMJ. 1995;311:1356.

[16] Srivastava S, Koay EJ, Borowsky AD, De Marzo AM, Ghosh S, Wagner PD, et al. Cancer overdiagnosis: a biological challenge and clinical dilemma. Nat Rev Cancer. 2019;19:349–58.

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[18] Black WC, Haggstrom DA, Gilbert Welch H. All-cause mortality in randomized trials of cancer screening. J Natl Cancer Inst. 2002;94:167–73.

[19] Prasad V, Lenzer J, Newman DH. Why cancer screening has never been shown to “save lives” – and what we can do about it. BMJ. 2016;352:h6080.

[20] Loeb S, Carter HB, Berndt SI, Ricker W, Schaeffer EM. Complications after prostate biopsy: data from SEER- Medicare. J Urol. 2011;186:1830–4.

[21] Gallina A, Suardi N, Montorsi F, Capitanio U, Jeldres C, Saad F, et al. Mortality at 120 days after prostatic biopsy: A population-based study of 22,175 men. Int J Cancer. 2008;123:647–52.

[22] Fang F, Keating NL, Mucci LA, Adami H-O, Stampfer MJ, Valdimarsdóttir U, et al. Immediate risk of suicide and cardiovascular death after a prostate cancer diagnosis: cohort study in the United States. J Natl Cancer Inst. 2010;102:307–14.

[23] Smith DP, Calopedos R, Bang A, Yu XQ, Egger S, Chambers S, et al. Increased risk of suicide in New South Wales men with prostate cancer: Analysis of linked population-wide data. PLoS One. 2018;13:e0198679.

[24] Srivastava S, Koay EJ, Borowsky AD, De Marzo AM, Ghosh S, Wagner PD, et al. Cancer overdiagnosis: a biological challenge and clinical dilemma. Nat Rev Cancer. 2019;19:349–58.

[25] Moynihan R, Sanders S, Michaleff ZA, Scott AM, Clark J, To EJ, et al. Impact of COVID-19 pandemic on utilisation of healthcare services: a systematic review. BMJ Open. 2021;11:e045343.

[26] Kerr EA, Klamerus ML, Markovitz AA, Sussman JB, Bernstein SJ, Caverly TJ, et al. Identifying recommendations for stopping or scaling back unnecessary routine services in primary care. JAMA Intern Med. 2020;180:1500–8.

[27] Moynihan R, Johansson M, Maybee A, Lang E, Légaré F. Covid-19: an opportunity to reduce unnecessary healthcare. BMJ. 2020;370:m2752.

[28] Sorenson C, Japinga M, Crook H, McClellan M. Building a better health care system post-Covid-19: steps for reducing low-value and wasteful care. NEJM Catal Innov Care Deliv. 2020. Available from: https://catalyst.nejm.org/ doi/full/10.1056/CAT.20.0368

[29] Auener S, Kroon D, Wackers E, Dulmen Sv, Jeurissen P. COVID-19: A window of opportunity for positive healthcare reforms. Int J Health Policy Manag. 2020;9:419–22.


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