INCA, une consultation citoyenne, pourquoi ?

Par Dr M.Gourmelon, 15/12/2020

Le futur plan cancer pour les 10 années à venir est en phase de finalisation avant adoption.

L’INCA a lancé, sur internet du 22 septembre 2020 au 15 octobre 2020, ce qu’il a appelé « consultation citoyenne » sur le sujet.[1] C’est une consultation citoyenne et non comme par le passé une concertation citoyenne.

Consultation : Action de consulter quelqu'un, de lui demander son avis

Concertation : Pratique qui consiste à faire précéder une décision d'une consultation des parties concernées.

Jusqu’à présent, deux concertations citoyennes avait été organisées. La concertation citoyenne sur le dépistage du cancer du sein[2] et celle sur la vaccination [3] Dans les deux cas, les décisions de ces deux concertations ont été niées pour décider le contraire de ce qui avait été « concerté » [4] [5].

Il n’est donc pas surprenant que pour le futur plan cancer qui verra le jour dès 2021, l’INCA ait choisi, non pas une concertation dont les conclusions doivent guider la décision, mais seulement une consultation ce qui n’engage en rien l’INCA, même si le passé nous a montré que même en cas de concertation, ce ne sont pas les conclusions des rapports qui ont servi à prendre les décisions, bien au contraire.

Le 22 septembre est donc lancée cette consultation citoyenne. L’INCA n’a visiblement pas lésiné sur les moyens [6] Un site spécifique est aussi lancé [7]

Nous avons analysé ces propositions soumises à consultation.

Un plan cancer élaboré sous l'égide des industriels

Ce qui frappe d’emblée, dans les deux documents de presse, outre les moyens mis en œuvre, c’est la place que les « lobbys » du cancer ont prise dans le groupe prospectif qui a élaboré auprès du Pr IFRAH, les 220 propositions. (Voir l’annexe 3 du dossier de presse de 29 pages) [8] Dans ce petit groupe de 24 personnes, on trouve le représentant des entreprises du médicament Mr Eric Baseilhac. Il s’agit du directeur des affaires économiques. [9]

Que vient faire un directeur des affaires économiques du syndicat des industriels du médicament dans un groupe chargé d’élaborer la future politique publique pour le cancer dans 10 prochaines années ?

Pour les participants, une recherche sur Eurofordocs [10] donnent des résultats très intéressants. Ainsi il suffit la présence de 3 professeurs de médecine seulement pour atteindre un montant de près de 500000 euros d’argent versé par l’industrie, et de plus de 400 contrats sans montants déclarés mais que l’on peut imaginer comme « importants ». Il est à noter, par ailleurs que nulle-part ne sont indiqués les liens d’intérêt des membres du « groupe prospectif » de l’INCA.

Un autre élément attire notre attention en fin (page 5) du dossier presse réduit[11]

Contacts presse : PRPA; Danielle Maloubier –Elisa Ohnheiser

Le contact presse de cette consultation citoyenne est une agence de communication privée dont les clients sont certes des institutions mais aussi le syndicat des industriels du médicament LEEM et nombre de laboratoires pharmaceutiques dont les plus grands.  [12] C’est un mélange des genres entre intérêts privés et publics qui ne manque pas d’étonner encore une fois, surtout dans l’élaboration d’un plan cancer décennal national.

On peut donc raisonnablement s’interroger sur le fait de savoir si ce sont les intérêts privés qui guident ce futur plan en lieu et place des intérêts publics.

220 actions proposées

Ce nombre, certes le reflet d’un gros travail de l’INCA et de ses partenaires, ne manque pas d’interpeller. Comment des citoyens, n’ayant aucune connaissance particulière dans le domaine du cancer, peuvent- ils donner un avis « pertinent » sur la politique du futur plan cancer ?

En parcourant l’ensemble de ces actions, une question se pose : Qui pourrait ne pas être d’accord avec les différents items des 4 axes stratégiques proposés, telles qu'elles sont libellées ?

Au hasard sans exhaustivité voici reprise le libellé de ces actions :

            *Développer la recherche sur les cancers de mauvais pronostic

            *Organiser des parcours fluides, en proximité et en recours

            *Aider les équipes hospitalières à établir la meilleure stratégie thérapeutique

            *Permettre aux personnes de bénéficier de soins de support renforcés

            *Prendre ensemble le virage préventif

            *Appeler à la mobilisation de tous pour en finir avec le tabac

            *Développer une alimentation équilibrée accessible à tous, encourager l’activité physique et diminuer la sédentarité

            *Répondre à la préoccupation collective sur l’environnement

            *Aider nos concitoyens dans leurs efforts quotidiens

            *Développer une société protectrice de la santé

            *Développer la recherche pour diminuer les séquelles et améliorer la qualité de vie des personnes

            *Rompre l’isolement des patients

            *Soutenir les aidants pour préserver leur santé et leur qualité de vie

            *Assurer une information utile et simplifier les démarches pour faciliter les parcours de vie

            *Se mobiliser pour faire reculer les cancers de l’enfant, de l’adolescent, du jeune adulte

            *Lutter contre les inégalités par une approche pragmatique et adaptée aux différentes populations

etc

En quoi, est-ce important pour l’INCA de faire cette consultation citoyenne sur des objectifs que personne ne pourrait contester ? N’est-ce pas une politique de « bonnes intentions » que personne ne peut contredire qui masque une autre politique très en faveur de l’industrie?

Des actions très techniques

Il faut malgré tout admettre que dans les mesures proposées dans ces grands chapitres il en existe parfois de très techniques. Comment alors des citoyens non informés et n’ayant que peu de connaissances dans le domaine de la santé en général et du cancer en particulier pourraient donner un avis « pertinent » ?

Quelques exemples (N.B. : les liens ont été désactivés après la fin de la consultation) :

            "Proposer de nouvelles méthodologies pour les essais cliniques, qui soient adaptées aux thérapeutiques, de plus en plus complexes, et adaptées à la classification, de plus en plus fine, des cancers."

Le citoyen sollicité a-t-il une quelconque connaissance dans la méthodologie des essais cliniques pour donner un avis éclairé ?

            "Préparer avec la communauté de recherche de nouveaux modèles de programmes interdisciplinaires coordonnés et intégrés de type « High risk, High gain »"

Qui connaît les programmes « high risk, high gain » ?

            "Offrir à tous les patients la possibilité de participer à des essais cliniques, ouvrir les essais à plus de centres y compris en Outre-mer."

Qui connaît les risques de la participation à des essais cliniques ?

Ce n’est sans doute pas un hasard si , l’on retrouve ce type de demande de la part de l’industrie du médicament.[13]

            "Soutenir la recherche sur la désescalade thérapeutique dans le cadre d’appels à projets.

Quel citoyen connaît les problèmes que pose la thérapeutique et donc a une idée de ce qui est en jeu dans la désescalade ?"

            "Optimiser les procédures d’accès précoce au médicament, les conditionner à un suivi en vie réelle et à une évaluation pouvant conduire au retrait."

Quel citoyen a une connaissance des procédures d’accès aux médicaments pour pouvoir donner un avis sur un accès précoce ? Il n’est pas non plus question dans cet item de la problématique de l’intérêt de tous les médicaments mis sur le marché. Cette formulation tente à faire croire que tous les médicaments anticancéreux sont utiles alors que la réalité est tout autre. [14]

            "Accompagner les professionnels de santé par une diffusion plus efficace des stratégies thérapeutiques innovantes (formation, recommandations, outils)."

A noter ici, que la proposition de l’INCA fait penser que tous les médicaments innovants (ce qui signifie « nouveaux ») sont des médicaments utiles et bénéfiques, ce que la réalité ne montre pas. On retrouve ici le discours des industriels du médicament. [15] Mais comment s’en étonner puisqu'ils participaient aux groupes d’élaboration de ces actions comme nous l’avons vu plus haut.

            "Garantir l’accès aux thérapeutiques les plus pertinentes, aux essais cliniques, et à l’innovation."

L’innovation n’est donc pas synonyme de thérapeutiques pertinentes puisque dissociée ?

Des actions qui interrogent.

ATTENTION : actualisation de cet article, le 12 novembre 2021.
Les accès à la consultation listés dans l'article ci-dessous ayant été désactivés, nous reproduisons les captures d'écran des deux propositions essentielles que nous contestons, et qui ont, comme vous pouvez constater, soulevé beaucoup d'oppositions, contrairement au satisfecit affiché par l'INCa.
Nous vous avons donc rajouté des captures d'écran sous les liens supprimés concernant deux propositions discutables : "expérimenter des incitatifs matériels pour faciliter la participation des personnes au dépistage" ; et " mettre en place un dispositif de lutte contre les fake-news".
Notamment la proposition "dispositif de lutte contre les fake-news" a soulevé réticences et contestations, ce qui n'a pas empêché l'INCa d'entériner cette mesure dans la "feuille de route de la stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030" ; voir page 20, dernier point "Expérimenter des incitatifs matériels pour faciliter la participation des personnes au dépistage (action I.12.7)"

Et dans la version finale de la feuille de route,  page 87-88, voici les incitatifs financiers proposés-
Institut National du Cancer. Stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030  Boulogne-Billancourt. 2021. https://www.e-cancer.fr/content/download/317173/4544094/file/Stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030 V2.pdf

Des mesures proposés en particulier dans le cadre du dépistage posent eux de sérieux problèmes :

            "Simplifier l’accès au dépistage."

Comme si tous les dépistages avaient fait la preuve de leur intérêt et que donc chacun devait pouvoir y accéder !

            "Expérimenter des incitatifs matériels pour faciliter la participation des personnes au dépistage."

Inciter, manipuler pour le recours à des dépistages qui n’ont pas la preuve de leur bénéfice, est-ce vraiment éthique ? [16]

cliquez sur l'image ci-dessus pour agrandir

Mettre en place un dispositif de lutte contre les fake-news

Cliquez sur l'image ci-dessus pour agrandir

            "Evaluer la faisabilité d’un dépistage organisé du cancer du poumon."

Quel citoyen a une connaissance des études scientifiques sur le sujet qui montrent que ce dépistage n’a pas de bénéfice ?[17]

Est-il normal de trouver dans les propositions d’action, des mesures qui ne sont pas scientifiquement reconnues comme bénéfiques, quand elles sont pas délétères comme le dépistage du cancer du sein par mammographie ?

Conclusion

Il apparaît évident devant de tels faits que le futur plan cancer qui sera adopté l’année prochaine suite à ce plan d’action est sous l’influence importante des industriels du médicament. Mais est-ce le rôle d’une institution sanitaire gouvernementale de se laisser dicter sa stratégie par le milieu privé ? Et cela d’autant plus que la santé publique n’a que peu à voir avec les objectifs financiers de l’industrie.

N’est-ce pas scandaleux de découvrir ainsi combien l’industrie a « infiltré » l’INCA, autorité sanitaire d’état dont une des règles devrait être la défense des citoyens et l’indépendance.

Or à la lumière de cette analyse, cela n’est clairement pas le cas, comme nous venons de le démontrer . Qui pour dénoncer une telle implication de l’industrie pharmaceutique dans nos instances dirigeantes ?

Dans le prochain article, nous analyserons le communiqué de presse de l’INCA [18]et ce que cet institut a retiré comme conclusion de cette consultation citoyenne.

Prochain article, cliquez

Références


[1] https://www.e-cancer.fr/Presse/Dossiers-et-communiques-de-presse/C-est-maintenant-que-se-decide-la-strategie-de-lutte-contre-les-cancers-des-10-prochaines-annees-l-Institut-national-du-cancer-vous-invite-a-prendre-la-parole

[2] https://www.e-cancer.fr/Institut-national-du-cancer/Democratie-sanitaire/Concertation-citoyenne-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein

[3] http://concertation-vaccination.fr/

[4]  https://formindep.fr/lobligation-cest-la-decision-eclairee/

[5] https://formindep.fr/cancer-du-sein-la-concertation-confisquee/

[6] https://www.e-cancer.fr/Presse/Dossiers-et-communiques-de-presse/C-est-maintenant-que-se-decide-la-strategie-de-lutte-contre-les-cancers-des-10-prochaines-annees-l-Institut-national-du-cancer-vous-invite-a-prendre-la-parole

[7] https://consultation-cancer.fr/

[8] https://www.ecancer.fr/content/download/295687/4213258/file/DP_c_est_maintenant_que_se_decide_strategie_decennale_lutte_contre_cancers_20200921.pdf

[9] https://www.mypharma-editions.com/leem-eric-baseilhac-nomme-directeur-des-affaires-economiques

[10] https://www.eurosfordocs.fr/

[11] https://www.ecancer.fr/content/download/295717/4213597/file/CP_c_est_maintenant_que_se_decide_strategie_decennale_lutte_contre_cancers_20200922.pdf

[12] https://www.prpa.fr/references/

[13] https://www.leem.org/presse/10eme-enquete-sur-les-essais-cliniques-accroitre-la-position-de-leader-de-la-france-les-10

[14] https://cancer-rose.fr/2016/03/08/chimiotherapies-anticancereuses-un-marche-de-dupes/

[15] https://www.leem.org/les-medicaments-de-demain-se-dessinent-aujourdhui

[16] https://cancer-rose.fr/2020/09/02/manipulation-de-linformation-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein-comme-thematique-scientifique/

[17] https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/nejmoa1911793

Dans cet article alléguant un gain de mortalité dans le cancer du poumon grâce à un dépistage systématique par examens de routine tomodensitométriques pulmonaires, la dernière ligne du tableau sur la mortalité globale attire notre attention, car ce qui compte pour les patients c'est le succès en terme de mortalité globale  : 

All-cause mortality — deaths per 1000 person-yr 13.93 (screening group) 13.76 (control group)  RR 1.01 (0.92–1.11) = il n'y a pas de gain en mortalité, on expose ces personnes à des suivis incessants et des surdiagnostics sévères.

Dans la conclusion de l'article nous pouvons lire : "The NELSON trial was not powered to show a possible favor- able difference in all-cause mortality (expected within the range of 2.5%), ...." Donc pas de différence démontrée sur la mortalité globale.

[18] https://consultation-cancer.fr/pages/consultation-resultats-et-apports-citoyens

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Pandémie Covid-19 et prise en charge des cancers

Gustave-Roussy modélise l'impact du Covid-19 sur la prise en charge des cancers

11 novembre 2020

Dr C.Bour

L'inquiétude des patients quant à une éventuelle contamination par le coronavirus à l'hôpital, en particulier en cancérologie, entraîne leur venue plus tardive dans les centres de soins pour recevoir leurs traitements.

Des chercheurs de Gustave-Roussy à Villejuif (Val-de-Marne) ont réalisé une étude baptisée "Grouvid", basée sur un modèle mathématique de simulation visant à évaluer les impacts de la pandémie de Covid-19 sur l’organisation des soins de cancérologie. Les conséquences en termes de pronostic et l'éventuelle surmortalité qui en découlent, liées au décalage des prises en charge de malades diagnostiqués avec cancer pendant la période de confinement, sont ici étudiées et évaluées.

Grouvid présentation PDF

Ces travaux des chercheurs Aurelie Bardet1,2, Alderic Fraslin1,2, Matthieu Faron2,3, Isabelle Borget1,2, Lucile Ter-Minassian4, Jamila Marghadi5, Anne Aupérin1,2, Stefan Michiels1,2, Fabrice Barlesi6, Julia Bonastre1,2  ont été présentés au congrès virtuel de l’ESMO 2020 par Aurélie Bardet (voir PDF du congrès).

  • 1. Service de Biostatistique et d’Epidémiologie, Gustave Roussy
  • 2. Equipe de recherche en méthodologie statistique Oncostat Inserm 1018, Univ. Paris-Saclay, Ligue contre le cancer
  • 3. Service de chirurgie viscérale oncologique, Gustave Roussy
  • 4. Department of statistics, Oxford University, Oxford, United-Kingdom
  • 5. Service d’information médicale, Gustave Roussy
  • 6. Direction médicale et de la recherche clinique, Gustave Roussy, Univ. Paris-Saclay

Contenu du congrès virtuel, présentation de l'étude

Il s'agit d'un modèle de microsimulation pour évaluer l’impact du SRAS-CoV-2 sur les pronostics des cancers, sur l’organisation des soins de santé et les coûts de prise en charge.

A-Objectifs

Evaluer l’impact de la pandémie sur les patients "non-covids", atteints de cancer.
Il s'agit d'établir un modèle basé sur les données actuelles disponibles du centre Gustave Roussy pour modéliser les parcours individuels des malades.

L'épidémie de Covid-19 a conduit à une diminution du nombre de patients pris en charge pendant le confinement et à une limitation des ressources dédiées aux cancers, avec fermeture de l'unité de greffe de moelle, réduction des lits de soins intensifs chirurgicaux, réduction du nombre de salles d'opération, réduction des séances de chimiothérapie et de radiothérapie.

B-Résultats

1° Modification du flux des patients - Délais des traitements

  • 13,4 % des patients ont un retard pour leurs traitements de plus de 7 jours, principalement des patientes atteintes de cancer de la thyroïde et du sein
    délai médian = 55 jours, principalement en raison d'un retard inhérent au patient lui-même.
  • 5,2% des patients ont un retard de traitement supérieur 2 mois

2° Changements dans les soins médicaux


27 % des patients confinés voient leurs soins modifiés (principalement dans les cancers du sein et les pathologies gastro-intestinales) .

3° Ressources hospitalières


Deux ressources sont limitantes :
- la disponibilité des salles d’opération (pic d’activité attendu = mi-juin)
- la chimiothérapie (pic d’activité attendu = mi-octobre avec création de files d’attente)

4° Résultats sur les pronostics des cancers :

  • 2,0 % des patients présentent un changement majeur de leur pronostic de maladie avec
  • augmentation de 2,25 % des décès à 5 ans par cancer, principalement pour les cancers du foie, des sarcomes et de la tête et du cou => 49 décès supplémentaires.

5° Analyse de sensibilité du délai moyen de recours aux soins imputable aux patient


C'est l'estimation de l'impact d'une reprise étalée et régulière (uniforme) d'un retour des patients (du fait de cet étalement la médiane de retard de prise en charge est évaluée à 3,4 mois.) :

2,4 % des  patients présenteraient une modification majeure de leur pronostic, avec une augmentation de 4,60 % des décès à 5 ans.

C-Messages-clés et conclusion


Sur la base d’un scénario dans le contexte de l'Institut Gustave Roussy :

  • 2 % des patients présenteront un changement majeur de leur pronostic
  • 2 % de décès supplémentaires à 5 ans

Il persiste une grande incertitude sur les événements futurs et les comportements complexes pour pouvoir évaluer l’impact d'une 2e vague.

Commentaires Cancer Rose

L'étude Grouvid suggère que les retards de prise en charge, liés à la 1ère vague de Covid-19, pourraient être responsables d'un excès de mortalité par cancers de 2 à 5%, 5 ans après le début de la prise en charge. Ces retards de prise en charge sont dus à 2 facteurs :

  • la réticence des patients à se faire soigner par peur d'une contamination
  • et une réduction de la capacité de soins des hôpitaux.

Dans cette étude, il n'est nulle part question du dépistage, pas plus du dépistage du cancer du sein que de n'importe quel autre dépistage.

Contrairement à ce que laissent entendre  la Fondation ARC [i] ou Mr le Pr Kahn, président de la Ligue contre le Cancer [ii] [iii] [iv] [v] [vi] [vii] [viii],l'étude Grouvid n'apporte aucune information concernant les éventuelles retombées d'une moindre participation aux dépistages.

Il est déjà difficile d'extrapoler à la France des résultats qui ne concernent qu'un seul établissement. Vouloir les extrapoler pour estimer l'impact d'une diminution des dépistages relève de la pure fantaisie ... ou du mensonge délibéré.

Les victimes ? Les femmes, qui, incitées à fréquenter en cette période les cabinets médicaux, se voient ainsi mises en danger et exposées par ces comportements propagandistes. 

Les médias eux-mêmes, par manque de discernement et de nuance, alimentent ce climat anxiogène et mensonger.

A ce propos lire :

https://cancer-rose.fr/2020/10/06/langoisse-des-thuriferaires-du-rose-face-a-la-decroissance-de-participation/

Et également : https://cancer-rose.fr/2020/09/02/manipulation-de-linformation-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein-comme-thematique-scientifique/

Une méta-analyse dans le BMJ

Une méta-analyse publiée en novembre 202 dans le BMJ sur la mortalité due au retard de traitement du cancer cherche à quantifier l'association entre le délai de traitement du cancer et la mortalité pour chaque augmentation de délai de quatre semaines dans le contexte pandémique.

L'étude regroupait 1 272 681 patients atteints de différents cancers et a montré qu’un retard de 4 semaines dans la prise en charge d’un cancer était associé à une augmentation de la mortalité d’environ 6-8 %.
Concernant le cancer du sein un délai de 8 semaines pour la chirurgie (donc d'un cancer diagnostiqué) serait associé à une augmentation de la mortalité de 17% alors qu'un délai de 12 semaines augmenterait le risque de 26%, ce qui correspond, sur une période d’un an en Grande Bretagne, à un excès de 1400 décès.

La conclusion va dans le même sens :  "le retard de traitement du cancer est un problème dans les systèmes de santé du monde entier. L'impact du retard sur la mortalité peut désormais être quantifié pour la priorisation et la modélisation. Même un retard de quatre semaines du traitement du cancer est associé à une mortalité accrue dans les indications chirurgicales, systémiques et de radiothérapie pour sept cancers. Les politiques axées sur la minimisation des retards au niveau du système avant le début du traitement du cancer pourraient améliorer les résultats de survie au niveau de la population."


Références


                  [i] https://www.francetvinfo.fr/sante/cancer/covid-19-les-retards-de-depistage-du-cancer-de-sein-vont-entrainer-une-augmentation-de-la-mortalite-entre-1-et-5-dans-les-dix-ans-qui-viennent-selon-la-fondation-arc_4124525.html#xtref=https://mobile.francetvinf


                  [ii] https://www.sudouest.fr/2020/10/24/cancer-du-sein-axel-kahn-lance-un-cri-d-alarme-pour-inciter-au-depistage-8000781-4696.php


                  [iii] https://fr.news.yahoo.com/octobre-rose-axel-kahn-implore-085353145.html


                  [iv] https://www.europe1.fr/societe/debut-doctobre-rose-axel-kahn-alerte-sur-les-retards-de-diagnostic-des-cancers-du-sein-3995432


                  [v] https://www.topsante.com/medecine/cancers/cancer/covid-19-depistage-cancer-639344


                  [vi] https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Deprogrammation-doperations-Linquietude-immense-malades-cancer-2020-10-27-1201121508


                  [vii] http://www.francesoir.fr/opinions-tribunes/chronique-covid-ndeg34-le-geneticien-axel-kahn-president-de-la-ligue-contre-le


                  [viii] https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/10/26/cancers-infarctus-avc-ces-pathologies-victimes-indirectes-du-covid-19_6057437_3244.html

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Propagande du dépistage

Par Dr M.Gourmelon, 1 nov 2020

« 1 mensonge répété 1000 fois se transforme en vérité »

C’est un des principes bien connu de la propagande. (1)

Cela a été bien étudié pour ce qui est du domaine politique et plus particulièrement dans les dictatures. La phrase du titre est historiquement attribuée à Joseph Goebbels, il a dirigé, sous le régime nazi, le Ministère de l'Éducation du peuple et de la Propagande.

Mais la propagande n’est pas l’apanage des régimes totalitaires qu’ils soient de droite ou de gauche. Comme l’écrit Noam Chomsky « La propagande est aux démocraties ce que la violence est aux dictatures. » « La propagande est un concept désignant un ensemble de techniques de persuasion, mis en œuvre pour propager avec tous les moyens disponibles, une idée, une opinion, une idéologie ou une doctrine et stimuler l'adoption de comportements au sein d'un public-cible. Ces techniques sont exercées sur une population afin de l'influencer, voire de l'endoctriner. » (2)

Il apparaît donc clairement que l’insistance à promouvoir le dépistage du cancer du sein par mammographie, tient de la propagande. En effet, il y a intention de « propager une doctrine » selon laquelle le dépistage sauve des vies et cela en contradiction totale avec ce que les études scientifiques indépendantes nous apprennent.

Le but : « l'adoption de comportements au sein d'un public-cible », ici pratiquer une mammographie de dépistage, au sein de la population- cible féminine. Il est notable que la volonté de promouvoir le dépistage du cancer du sein par mammographie est une constante de ces 20 dernières années qui s’est accentuée avec l’adoption du programme de dépistage organisé en 2004 faisant suite au plan cancer de 2003. (3)

Pourtant dès 2015, suite à la concertation citoyenne sur le sujet, le dépistage organisé aurait dû être arrêté. Mais il n’en a rien été car les conclusions de cette concertation ont été « confisquées » pour permettre la poursuite de ce dépistage. (4)

Tous les moyens sont bons pour le promouvoir. Les campagnes d’Octobre Rose qui reviennent années après années en témoignent.

Mais la propagande va plus loin.

LES AGENCES PUBLIQUES

« Favoriser le recours au dépistage quel que soient ses modalités » recommande le dernier rapport de l’IGAS organisme pourtant réputé indépendant. (5)

LEADERS D'OPINION ET MEDIAS

Mais aussi, tout « micro tendu », toute offre de parole dans les médias, que cela soit radio ou télévision ou presse écrite, permettent à de nombreux médecins de propager la propagande pour le dépistage.

Nous avons ainsi récemment entendu le Pr Axel KAHN, sommité médicale, président de la Ligue contre le cancer, lancer sur France Info un « cri d’alarme » en faveur de ce dépistage (6).

De nombreuses techniques de la propagande sont ainsi retrouvées dans cet « appel » (2)

  • peur
  • appel à l’autorité
  • affirmation fausse : « Le Covid-19 "est beaucoup moins grave que le cancer" »
  • « influence médiatique : radio, télévision, presse, publicité, internet. » est aussi bien présente car cet appel est relayé par : le journal Sud Ouest (7), Yahoo actualité (8), Europe 1 (9) Top Santé (10) La Croix (11) France Soir (12) liste non exhaustive.

Ici la crise du COVID19, pourtant éloignée de la problématique du cancer du sein, se trouve utilisée pour la promotion de son dépistage. De façon analogue a-t-on pu lire dans un article du Monde du 26 octobre 2020 (13) les propos suivants :

"Les chiffres sont aussi inquiétants s'agissant des dépistages, à l'arrêt pen­dant douze semaines. Le nombre de mammographies dans le cadre du dé­pistage organisé du cancer du sein de 50 à 74 ans s'est totalement effondré. Sur les seules régions Ile de France et Hauts­ de France, leur nombre est passé respec­tivement d’environ 14 000 et 9 000 de mi mars à début mai 2019 à zéro pen­dant le confinement, selon la Société française de radiologie."

Cet effondrement du dépistage qui inquiète tant le Pr Axel KAHN, permet dans un quotidien national de grand tirage d’affirmer à nouveau un mensonge : il n’y a rien d’inquiétant à ce qu’un dépistage qui n’a pas montré son bénéfice, ne soit plus réalisé.

ACTEURS MEDICAUX

Il est à noter que nombre de médecins qui font la promotion de ce dépistage, ont des liens d’intérêt très forts avec ce dernier.

La Société Française de Radiologie, trouve inquiétant que les chiffres de mammographies de dépistage se soient totalement effondrés. Mais est-ce la santé des femmes qui la préoccupe ? A moins que ce soient d'autres préoccupations, non médicales, qui tracassent cette société savante ? (14)

CONCLUSION

Ne nous laissons pas « aveugler » par la propagande. Soyons lucides et sachons déceler dans ces répétitions, encore et encore, portées par des médias plus soucieux de « buzz » que de travail critique, un effet de propagande.

Cette propagande et cette désinformation cesseront-elles un jour ? On peut en douter à la vue des dernières actualités. (5)

Et pourtant c’est le bien-être et la santé des femmes qui sont en jeu.

Références

(1) https://nospensees.fr/mensonge-repete-mille-se-transforme-t-verite/

(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Propagande#Techniques_de_propagande

(3) https://cancer-rose.fr/2020/10/19/histoire-du-depistage-mammographique/

(4) https://formindep.fr/cancer-du-sein-la-concertation-confisquee/

(5) https://cancer-rose.fr/2020/10/21/ligas-recommande-le-maintien-de-la-promotion-du-depistage-du-cancer-du-sein-par-mammographie-en-lintensifiant/

(6) https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/video-octobre-rose-axel-kahn-implore-les-femmes-de-se-faire-depister-le-covid-19-est-beaucoup-moins-grave-que-le-cancer-du-sein_4154331.html

(7) https://www.sudouest.fr/2020/10/24/cancer-du-sein-axel-kahn-lance-un-cri-d-alarme-pour-inciter-au-depistage-8000781-4696.php

(8) https://fr.news.yahoo.com/octobre-rose-axel-kahn-implore-085353145.html?

(9) https://www.europe1.fr/societe/debut-doctobre-rose-axel-kahn-alerte-sur-les-retards-de-diagnostic-des-cancers-du-sein-3995432

(10) https://www.topsante.com/medecine/cancers/cancer/covid-19-depistage-cancer-639344

(11) https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Deprogrammation-doperations-Linquietude-immense-malades-cancer-2020-10-27-1201121508

(12) http://www.francesoir.fr/opinions-tribunes/chronique-covid-ndeg34-le-geneticien-axel-kahn-president-de-la-ligue-contre-le

(13) https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/10/26/cancers-infarctus-avc-ces-pathologies-victimes-indirectes-du-covid-19_6057437_3244.html

(14) https://www.cairn.info/revue-les-tribunes-de-la-sante1-2016-3-page-21.htm#

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Histoire du dépistage mammographique

Dr M.Gourmelon, Dr C.Bour, 19 octobre 2020

Historique de mise en place du dépistage organisé du cancer du sein par mammographie

Cet article est le premier d’une série qui va démontrer que, en opposition totale aux preuves scientifiques qui s’accumulent avec le temps, les autorités françaises, sourdes et aveugles, continuent plus que jamais la promotion du dépistage du cancer du sein par mammographie.

Premier volet, le déroulement de la stratégie de mise en place du dépistage, son développement jusqu’à aujourd’hui

1-On assiste à une intensification du recours au dépistage par mammographie entre 1980 et 2000.

Mais déjà en 2001 des scientifiques ont fait paraître une méta-analyse qui remet en cause les réalités de ce dépistage. La HAS (Haute Autorité de Santé), début 2002 qui a évalué cette étude écrit : « La méta-analyse de Gotzsche et Olsen remet en cause le consensus sur l’efficacité du dépistage du cancer du sein. » et conclut « L’évaluation de la méta-analyse de Gotzsche et Olsen, réalisée par l’ANAES avec l’aide d’un groupe d’experts pluridisciplinaire, conclut qu’il n’est pas légitime de remettre en question les recommandations de l’ANAES en faveur du dépistage du cancer du sein. » (1)

2-Publication des taux d’incidence qui sont en croissance sévère, et de la mortalité qui est stable, dans une revue d’épidémiologie, laquelle demande des « changements importants dans la pratique médicale »et « une analyse plus approfondie. » (2)

3- Jacques CHIRAC annonce dans le premier plan cancer 2003/2007, mesure 21 « Respecter l'engagement de généralisation du dépistage organisé du cancer du sein d’ici fin 2003,

en impliquant la médecine générale et libérale. ». Ce sera chose faite avec en 2004 le lancement en France du dépistage organisé du cancer du sein par mammographie. (3)

4-Lucien ABENHAÏM, Directeur général de la santé et Président de la Commission d’Orientation sur le Cancer annonce que d’un point de vue scientifique, une controverse est ouverte (4) (5).

5- Parution d’un article, en 2003, du lanceur d’alerte Bernard JUNOD, épidémiologiste, ancien médecin enseignant et chercheur à l'Ecole des Hautes Etudes de Santé Publique de Rennes (6) relayé par une revue de santé publique française demandant à ne pas clore le débat. (7)

6-En 2004, le « British Medical Journal » publie des résultats démontrant le surdiagnostic du cancer du sein en Norvège et en Suède (8)

7-En 2006, article dans European Journal of Cancer (EJC) : les données officielles suédoises d’incidence et de mortalité sont incompatibles avec les résultats de l’essai des deux Comtés suédois (1985). Il consolide la méta-analyse de l’institut COCHRANE nordique de 2000. L’article est retiré puis re-publié. (9) (10)

8-Septembre 2006, l’Institut national du cancer (INCa) et l’institut de la veille sanitaire ont produit un document commun minimisant le surdiagnostic et mettant en doute la validité de l’article de l’EJC sur les biais de l’étude suédoise, et mentionne son retrait. (InVS, INCA. Dépistage du cancer du sein : que peut-on dire aujourd’hui des bénéfices attendus ? Septembre 2006. (11)

9-Malgré la re-publication de l’article, L’Institut National du Cancer et l’INstitut de la Veille Sanitaire ne sont pas revenus sur leurs affirmations.

Bien que les appels aient été de plus en plus pressants à partir de 2007, le débat sur la pertinence du dépistage du cancer du sein par mammographie, n’a pas été ouvert en France avant 2016.

10- de 2007 à 2009, différents dossiers de synthèse :

  • « L’Etat refuse le débat » Revue Prescrire ainsi que les dossiers Prescrire de 2006 avec leurs propres méta-analyses  (accès uniquement accessible aux abonnés)
  • « Aspects éthiques de l’ouverture d’un débat sur le dépistage du cancer du sein en France », module interprofessionnel de santé publique, ENSP, Rennes (12)
  • « Faut-il arrêter le dépistage du cancer du sein en France ? »-Revue Médecine (13)
  • L’action du Formindep (14)

11- En novembre 2011, la Haute Autorité de Santé se positionne clairement en faveur de la poursuite du dépistage :

« De ce point de vue, la HAS recommande aux pouvoirs publics : de maintenir le cap du dépistage organisé tout en le renforçant » (15)

Depuis cette date, la HAS n’a pas varié dans son soutien au dépistage (16)

Pourtant, des voix de plus en plus nombreuses affirment que le dépistage n’est pas bénéfique.

Un livre d’une kinésithérapeute Rachel CAMPERGUE a ainsi marqué les esprits en cette fin d’année 2011. (17)

12- Octobre 2012, Que choisir et Prescrire montent au créneau. 

On parle enfin du surdiagnostic (18)

13- Des liens d’intérêt très présents chez les partisans du dépistage :

Publication scientifique dans le Lancet, où ont été mises à jour les fausses déclarations d'intérêt de TABAR (19) qui était l'investigateur principal des essais suédois...

le Lancet et TABAR sont contraints d’effectuer des rectifications.

Le Docteur Jérome VIGUIER directeur du pôle santé publique et soins de l’Institut national du cancer jusqu’en fin décembre 2018:

  • Il est leader d’opinion et apparaît souvent dans les médias (20) (21)
  • Il est membre du conseil scientifique d’EDIFICE de Roche depuis 2007. (22)

Les enquêtes EDIFICE-Roche sont réalisées selon
« Une méthodologie robuste pour suivre l’évolution de l’adhésion au dépistage des cancers depuis dix ans. » -
(EDIFICE : Etude sur le dépistage des cancers et ses facteurs de compliance qui a pour objectif « d’agir pour favoriser le dépistage précoce des cancers et notamment ceux du sein, du colon et de la prostate. » )

14- Dès la mi 2013, la COCHRANE, collaboration indépendante de chercheurs nordiques, connue pour son sérieux et son indépendance vis à vis de tous les lobbies, publiait une étude qui fait encore aujourd’hui autorité sur le peu d’intérêt du dépistage du cancer du sein par mammographie (23)

15- La concertation citoyenne française conclut à l'arrêt du dépistage dans ces deux scénarios

(24) ;  voir page 132 du rapport :

Scénario 1 : arrêt du programme de dépistage organisé, la pertinence d’une mammographie étant appréciée dans le cadre d’une relation médicale individualisée.

Scénario 2 : Arrêt du dépistage organisé tel qu’il existe aujourd’hui et mise en place d’un nouveau dépistage organisé, profondément modifié.

16- Les « contre-feux » sont alors allumés :

  • Le président de l’INCa, Norbert IFRAH intervient sur le plateau du Magazine de la Santé de France 5 du 04 octobre 2016. (25)
  • La lettre du président de l’INCa à la Ministre, est censée faire la synthèse du rapport.

Norbert IFRAH y dénigre violemment le premier scénario qu’il rejette d’emblée.

Il affirme que « de l’aveu même des rédacteurs du rapport»… celui-ci serait « très risqué, générateur d’iniquités et de pertes de chance ». (26)

Mais on ne trouve nulle trace de ces propos dans le rapport de la concertation.

La préférence du président de l’INCa va au second scénario, qu’il ré-interprète de façon malhonnête (25), le réduisant à un simple ajustement des pratiques actuelles. Dans sa lettre sa on peut ainsi lire :

Or, rappelons-le, le deuxième scénario est formulée de la façon suivante :

La proposition de réajustement ne vient qu’en complément de l’arrêt du dépistage actuel.

Cette interprétation malhonnête n’est sûrement pas un hasard, elle s’inscrit dans la logique du Plan Cancer 2014-2019.

17- Mme la Ministre Touraine se félicite du bon déroulement d’Octobre Rose dans la presse et exprime, dans son communiqué de presse du 3 octobre 2016 « La meilleure chance pour guérir du cancer du sein, c’est le dépistage. Pourtant, encore trop peu de femmes, d’après les autorités, ont recours au dépistage organisé. » (27)

18- Le plan d’action en 12 points de Mme Marisol Touraine annonce en préambule (avril 2017)  (28):

 « Son dépistage (celui du cancer du sein NDLR) est donc un enjeu majeur de santé publique ; pour réduire la mortalité et la morbidité liées au cancer du sein, mais également pour améliorer la qualité des prises en charges des personnes concernées. »

19 -Mme Agnes BUZYN, ancienne présidente de l’INCa est nommée ministre de la santé en mai 2017,dans le premier gouvernement PHILIPPE du nouveau président de la république Emmanuel MACRON.

20- L’inspection de l’IGAS a été missionnée le 31 octobre 2019, par la ministre de la santé de l’époque le Dr Agnes BUZYN suite aux décisions du  comité de pilotage du plan cancer 2014/2019.

Au total, 20 ans de développement en France du dépistage du cancer du sein par mammographie, au mépris des connaissances scientifiques.

Prochain article : comment l’IGAS, dans son rapport d’inspection, valide la stratégie de propagande du dépistage du cancer du sein par mammographie en demandant son intensification « ...quelles que soient ses modalités... » .

Références

(1) https://www.has-sante.fr/jcms/c_433803/fr/depistage-du-cancer-du-sein-par-mammographie-evaluation-de-la-meta-analyse-de-gotzsche-et-olsen

(2) Remontet L, Esteve J, Bouvier AM, et al. Cancer incidence and mortality in France
over the period 1978-2000. Rev Epidemiol Sante Publique, 2003, 51, 3-30.

(3) https://www.e-cancer.fr/content/download/59052/537324/file/Plan_cancer_2003-2007_MILC.pdf

(4)  Abenhaim L. Progrès contre le cancer ! Rev Epidemiol Sante Publique 2003, 3-30

(5) Abenhaïm L. Rapport de la Commission d'orientation sur le cancer. Ministère de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées, janvier 2003, 336 p.)

(6) Junod B, Masse R. Dépistage du cancer du sein et médicalisation en santé publique.
Santé publique 2003, 2, N°15 :125-129.

(7) Alla F, Deschamps JP. Dépistage des cancers : ne pas clore le débat… » Santé
Publique 2/2003 (Vol 15), p.123-124.

(8) Zahl PH, Strand GH, Maehlen J. Incidence of breast cancer in Norway and Sweden
during introduction of nationwide screening : prospective cohort study. BMJ 2004 Apr 17 ;328(7445) :921-4.

(9) Zahl PH, Gotzsche PC, Andersen JM, Maehlen J. Withdrawn : Results of the Two-County trial of mammography screening are not compatible with contemporaneous official Swedish breast cancer statistics. Eur J Cancer. 2006 Mar 9. Epub ahead of print.

(10) Zahl PH, Gotzsche PC, Andersen JM, Maehlen J. Results of the Two-County trial of
mammography screening are not compatible with contemporaneous official Swedish breast cancer statistics. Dan Med Bull. 2006 Nov ;53(4) :438-40.

(11) http://www.invs.sante.fr/publications/2006/cancer_sein_inca/cancer_sein_inca_invs.pdf

Document n’est plus accessible suite à son remplacement par Santé Publique France dès 2016.

(12) https://documentation.ehesp.fr/memoires/2007/mip/groupe_23.pdf

(13)https://www.jle.com/fr/revues/med/e-docs/faut_il_arreter_le_programme_francais_de_depistage_du_cancer_du_sein_par_mammographie__271191/article.phtml

(14) https://formindep.fr/?s=d%C3%A9pistage+cancer+sein

(15) https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2012-02/fiche_de_synthese_-_4_pages_-_participation_depistage_cancer_du_sein_2012-02-03_09-41-16_837.pdf

(16) https://www.has-sante.fr/jcms/fc_2875171/fr/resultat-de-recherche-antidot-2019?text=depistage+du+cancer+du+sein&tmpParam=&opSearch=&types=guidelines

(17) https://formindep.fr/no-mammo-enquete-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein/

(18 ) https://www.quechoisir.org/action-ufc-que-choisir-information-autour-du-depistage-du-cancer-du-sein-les-epines-d-octobre-rose-n13783/

(19) https://formindep.fr/le-prestigieux-the-lancet-pris-en-defaut/

(20) https://www.youtube.com/watch?v=YxUqlGykMRw

(21) https://www.youtube.com/watch?list=PLdfhbAjnzbSnotLJaCVXunWbGakt21am_&v=6pwhVxZN7zg

(22) https://www.roche.fr/fr/pharma/cancer/depistage-cancers-france/depistage-cancer-sein.html

(23) https://www.cochrane.org/fr/CD001877/BREASTCA_depistage-du-cancer-du-sein-par-mammographie

(24) https://cancer-rose.fr/wp-content/uploads/2019/07/depistage-cancer-sein-rapport-concertation-sept-2016.pdf.

(25) https://formindep.fr/cancer-du-sein-la-concertation-confisquee/

(26) https://www.atoute.org/n/IMG/pdf/Courrier-Ministre-concertation-depistage-cancer-sein---.pdf

(27) http://solidarites-sante.gouv.fr/archives/archives-presse/archives-communiques-de-presse/article/marisol-touraine-salue-la-mobilisation-contre-le-cancer-du-sein-et-engage-la

(28) http://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/plan-actions-renov-cancer-sein-2.pdf

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L’angoisse des thuriféraires du rose face à la décroissance de participation au dépistage

6 octobre 2020

Dr C.Bour

https://www.lequotidiendumedecin.fr/specialites/cancerologie/face-une-baisse-du-depistage-du-cancer-du-sein-linca-lance-une-campagne-loccasion-doctobre-rose

et

https://mobile.francetvinfo.fr/sante/cancer/covid-19-les-retards-de-depistage-du-cancer-de-sein-vont-entrainer-une-augmentation-de-la-mortalite-entre-1-et-5-dans-les-dix-ans-qui-viennent-selon-la-fondation-arc_4124525.html#xtref=https://mobile.francetvinf

La communication anxiogène d' Octobre Rose essaie de surfer sur la vague d'inquiétude qu'a suscitée l'épidémie auprès des oncologues, et tente à présent de mettre l'accent sur le dépistage. Le monde du rose s'inquiète, les femmes qu'on a longtemps manipulées[1], incitées[2] sans vergogne tout d'un coup semblent être moins enthousiastes de courir et encore moins de courir au dépistage.

"Il faut inciter tout le monde à poursuivre les campagnes de dépistage'', assure Mr le Pr. Eric Solary, président du conseil scientifique de la fondation ARC pour la recherche sur le cancer. "Les modèles indiquent que l'augmentation de la mortalité par cancer du sein se situera entre 1 et 5% dans les dix ans qui viennent."

"Face à une baisse du dépistage du cancer du sein, l’INCa lance une campagne à l'occasion d'Octobre rose", proclame le Quotidien du Médecin.

Que se passe-t-il ? La maison rose brûle ?

Analyse

Analysons sereinement les toujours fébriles messages de nos instituts et autorités sanitaires angoissées, tourmentées, épouvantées et en sempiternelle transe que les femmes puissent se détourner de leur précieux jouet rose.


1. A supposer qu'il y ait effectivement une surmortalité par cancers liée au COVID, dans les années à venir, il est évident que la cause n'en sera pas uniquement la moindre adhésion au dépistage de routine du cancer du sein mais avant tout un retard de prise en charge thérapeutique (par annulation des interventions non urgentes, par crainte des patients de se faire contaminer en allant à l'hôpital ou dans les salles d'attente des médecins,), de l'aveu même de Mr  Solary dans l'article, d'ailleurs.

2. L'argument principal à opposer à M. Solary est que le même modèle annonce une augmentation de 2 à 5% de la mortalité par cancer, cette augmentation annoncée va concerner tous les cancers, et pas seulement le cancer du sein.[3]

Il s'agit de l'étude Grouvid :

"Les retards de diagnostic et de traitements des cancers, liés à la première vague de coronavirus, pourraient se traduire par un excès de mortalité par cancers de 2 à 5%, cinq ans après le début de la prise en charge, selon une étude française rendue publique le vendredi 18 septembre. Ce sont les retards et décalages de venue des patients qui ont le plus de conséquences, montre la recherche présentée par la statisticienne Aurélie Bardet de l'institut Gustave-Roussy à Villejuif (Val-de-Marne)."
"Ces retards pourraient se traduire par une augmentation "a minima de 2% des décès par cancer", cinq ans après le diagnostic. Une surmortalité qui toucherait principalement les cancers du foie, les sarcomes et les cancers de la tête et du cou. Cette recherche est basée sur un modèle mathématique qui a permis de faire une évaluation des effets de la pandémie Covid-19 sur l'organisation des soins en cancérologie et les conséquences sur le pronostic, compte tenu des décalages liés au confinement." (Etude Grouvid)
https://mobile.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-une-surmortalite-par-cancers-de-2-a-5-liee-a-la-premiere-vague-de-l-epidemie-de-covid-19-selon-une-etude_4110821.html

Conclusion

Mr Solary soutient que "Les modèles indiquent" . Mais voilà, s'agissant du dépistage et de la campagne d'Octobre Rose, on est surtout dans la communication et bien peu dans la science.

Quels modèles, avec quelles données en entrée ?

"Les modèles indiquent", ça finit par sonner comme la chanson de Kaa du Livre de la Jungle : "aies confiaaaaaassssssss, crois-en moââââââ...".

Et ça on a du mal, parce qu'après toute la désinformation des femmes on devient forcément dubitatif de pouvoir faire confiance aveuglément à qui que ce soit...

Lire aussi propagande et conseil de l'ordre des médecins

Références


[1] https://cancer-rose.fr/2020/09/02/manipulation-de-linformation-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein-comme-thematique-scientifique/

[2] https://cortecs.org/2016/05/

[3] https://mobile.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-une-surmortalite-par-cancers-de-2-a-5-liee-a-la-premiere-vague-de-l-epidemie-de-covid-19-selon-une-etude_4110821.html

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Conseil de l’Ordre et propagande du dépistage

Par Dr M.Gourmelon, 5 octobre 2020

Le Conseil de l’Ordre des médecins soutient la propagande en faveur du dépistage du cancer du sein par mammographie.

En date du 2 octobre 2020, le conseil de l’ordre des médecins a pris fait et cause pour le dépistage du cancer du sein par mammographie et cela en méconnaissance totale de la littérature scientifique sur le sujet.

Il le fait en relayant la promotion faite de ce dépistage par l’INCA à l'égard des professionnels de santé (1)

« L'intérêt est de pouvoir soigner ce cancer plus facilement et de limiter les séquelles liées à certains traitements. »

Or ce message est en contradiction totale avec les données françaises (2).

Cela n’empêche pas le conseil de l’ordre des médecins de participer à la propagande de l’ INCA (3) et par là même à la manipulation des femmes au sujet de ce dépistage (4) (5)

Faut il s’étonner d’un tel comportement de la part d’une telle institution ? Le rapport de la cour des comptes de fin 2019 apporte la réponse (6)

Pour mémoire, la presse a repris ce rapport avec des qualifications très dures à l’encontre du fonctionnement de ce conseil professionnel des médecins (7)

L’ordre des médecins a bien évidemment contesté ce rapport pourtant accablant (8)

Il aurait pu s’amender en 2020. Mais force est de constater qu’il ne l’a pas fait (9)

Le positionnement en faveur du dépistage du cancer du sein par mammographie fait-il partie des missions  de ce conseil professionnel ?

Un confrère sur Twitter s’interroge :

En effet, il est nulle part question pour le conseil de l’ordre d’une mission de promotion de dispositif de santé publique comme le dépistage ou de techniques médicales diverses (10)

Au contraire :

« l’Ordre défend l’indépendance et l’honneur de la profession médicale auprès de l’ensemble de la société française : usagers et citoyens, administrations et services de l’État, associations… Il assume un rôle moral, administratif, consultatif, juridictionnel et de conciliation. »

« Le respect de l’éthique et de la déontologie médicale est l’un des principaux champs de compétence de l’Ordre des médecins. »

Or un des article de ce code de déontologie stipule :

« ARTICLE R.4127-5 du CSP
Le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit. »

Est-ce respecter son indépendance professionnelle quand le conseil de l’ordre des médecin, sur Twitter prend fait et cause pour les messages de l’INCA en faveur du dépistage ?

Par ailleurs, un autre article du code de déontologie stipule :

ARTICLE R.4127-13 du CSP
Lorsque le médecin participe à une action d’information du public de caractère éducatif et sanitaire, quel qu’en soit le moyen de diffusion, il doit ne faire état que de données confirmées, faire preuve de prudence et avoir le souci des répercussions de ses propos auprès du public. Il doit se garder à cette occasion de toute attitude publicitaire, soit personnelle, soit en faveur des organismes où il exerce ou auxquels il prête son concours, soit en faveur d’une cause qui ne soit pas d’intérêt général.

Est-ce faire état de « données confirmées, faire preuve de prudence et avoir le souci des répercussions de ses propos auprès du public. » quand toutes les études scientifiques indépendantes montre que la balance bénéfice/risque du dépistage du cancer du sein est défavorable ? (11)

N’est-ce pas une « attitude publicitaire » « en faveur des organismes » comme l’INCA quand le conseil de l’ordre des médecins twitte « Médecins votre rôle est essentiel dans l’orientation des femmes vers le dépistage #CancerduSein https://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/Depistage-et-detection-precoce/Depistage-du-cancer-du-sein « ?

Au final le conseil de l’ordre des médecins, non content d’être le siège de dysfonctionnements  graves, outrepasse ses missions en faisant de la propagande pour le dépistage du cancer du sein en violant au passage plusieurs articles du code de déontologie qu’il a pour mission de faire appliquer et respecter .

Références

1 https://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/Depistage-et-detection-precoce/Depistage-du-cancer-du-sein

2 https://cancer-rose.fr/2019/08/09/explication-de-letude-sur-les-mastectomies-en-france/

3 https://cancer-rose.fr/2020/01/02/david-contre-goliath-qui-informe-mieux-les-femmes-cancer-rose-ou-linca/

4 https://cancer-rose.fr/2020/09/02/manipulation-de-linformation-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein-comme-thematique-scientifique/

5 https://cancer-rose.fr/2020/09/08/information-objective-et-moindre-soumission-des-femmes-au-depistage/

6 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/lordre-des-medecins

7 https://www.lepoint.fr/sante/l-ordre-des-medecins-se-fait-etriller-par-la-cour-des-comptes-09-12-2019-2352132_40.php

8 https://www.conseil-national.medecin.fr/publications/communiques-presse/lordre-conteste-rapport-cour-comptes

9 https://twitter.com/i/events/1308871416335433729

10 https://www.conseil-national.medecin.fr/lordre-medecins/linstitution-ordinale/missions

11 https://cancer-rose.fr/2019/08/08/synthese-detudes-un-exces-de-mortalite-imputable-aux-traitements-lemportant-sur-le-benefice-du-depistage/

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Arrêt du plus important essai clinique sur le dépistage du cancer du sein au Royaume Uni

https://www.bmj.com/content/370/bmj.m3337.full

Résumé C.Bour

27 août 2020

Un important essai de dépistage du cancer du sein au Royaume-Uni, appelée Age X trial[1]  vient d'être stoppé, plus exactement, l'inclusion et la randomisation de nouvelles participantes ne seront pas relancées.

AgeX est l’acronyme de l'essai inspiré et financé par le gouvernement britannique : il s'agit d'un essai contrôlé randomisé pour l'extension de la fourchette d'âge prévue par le NHS (Service de santé national britannique) dans le programme du dépistage du cancer du sein en Angleterre. L’essai étudie l'incidence et la mortalité du cancer du sein pour les différents groupes et vise à évaluer les risques et les bénéfices de prolonger le dépistage par mammographie du cancer du sein en dehors de la fourchette actuelle de 50 à 70 ans, en offrant une mammographie supplémentaire aux femmes âgées de 47 à 49 ans et jusqu’à 73 ans. Annoncé comme « probablement le plus grand essai contrôlé randomisé jamais entrepris dans le monde », AgeX a aléatoirement randomisé 4,4 millions de femmes jusqu'à présent, dans les groupes d’âge élargis. Normalement l'objectif était l'enrôlement au total de 6 millions de femmes dans l'essai afin d'en garantir la puissance statistique, pour pouvoir tirer des conclusions.

Cet essai, lors de sa mise en place dès 2009, avait déclenché une vive controverse scientifique sur des arguments à la fois de méthode mais aussi éthiques, les femmes incluses dans l'essai ignorant qu'elles en faisaient partie.

La fronde a été magistralement menée par le site HealthWatch UK sous la présidence de la professeure Susan Bewley, mais aussi avec l’auteure médicale Mitzi Blennerhassett, et la rédactrice scientifique indépendante Mandy Payne.[2] [3]

Nous en avons résumé tout l'enjeu ici[4], les auteures pointaient du doigt en tout premier lieu le manque de consentement éclairé des femmes participantes. Mais elles dénonçaient aussi le fait que le dépistage ne présente pas d'efficacité suffisamment probante mais en revanche peut nuire sans que les femmes connaissent bien tous ces risques, et que le nombre de mastectomies risquait d'augmenter avec l'inclusions de femmes, de plus non informées. Pour finir, Susan Bewley, Mandy Payne et Mitzi Blennerhassett demandaient à ce que le Comité National de Dépistage utilise des encadrés de haute qualité et des tableaux avec pictogrammes visuels pour s'assurer du consentement des patientes dans l'essai AgeX ainsi que dans tous les programmes de dépistage. Elles lançaient un appel aux enquêteurs et aux vérificateurs de toutes les données découlant d’AgeX, afin que soit utilisé le taux de décès "toutes causes confondues" comme résultat principal. Et enfin elles revendiquaient une enquête indépendante sur la qualité scientifique, les mécanismes de gouvernance et les questions éthiques à la suite de cet essai, afin de dégager de futures normes de haute qualité pour la conception et la conduite de futurs essais menés par le gouvernement.

L'interruption de l'essai

L’essai avait été interrompu au moment de la crise Covid-19 pour permettre au NHS[5] de faire face à la pandémie. Les chercheurs viennent d' annoncer que la randomisation ne reprendrait pas. Toutefois le suivi par voie électronique des dossiers courants se poursuivra tout au long de l'année 2020 et au-delà.

Le site web d’AgeX[6] explique : « À la suite de la suspension du dépistage systématique du cancer du sein dans l’ensemble du Royaume-Uni en mars 2020, en raison de la COVID-19 et de la surcharge importante et prolongée des services de dépistage du cancer du sein à laquelle il faut s’attendre au moment de la reprise du dépistage, les chercheurs d’AgeX ont décidé en mai 2020 que la randomisation dans AgeX devrait cesser de façon permanente. »


L’équipe de l’essai estime qu’un total de 4,4 millions au lieu des 6 millions prévue initialement suffiront, avec un suivi à long terme suffisant.

La contestation se poursuit, une enquête est demandée


Commentant l’essai, M.Blennerhassett a déclaré : « Ayant siégé à un comité local d’éthique de la recherche, j’ai été choquée que cet essai ait été approuvé. Lorsque j’ai soulevé des préoccupations, on n’a pas répondu à mes questions. On m’a simplement renvoyée au site web du Programme de Dépistage du cancer du sein du NHS, qui, à l’époque, ne contenait aucune information sur l’essai. »
S. Bewley a déclaré au BMJ : « Bien que la COVID-19 soit rendue responsable d’avoir mis fin à AgeX, cet essai ne se serait pas arrêté ainsi sans fanfare et prématurément, s’il avait répondu à une question de recherche nécessaire, examinée et financée par les pairs.

« Cet essai contrôlé randomisé le plus important de l’histoire a été critiqué pour ne pas avoir de plan statistique ni de surveillance au début, et pour avoir changé à plusieurs reprises le protocole, les nombres et les paramètres. Quatre millions de femmes ont déjà pris part à cette expérience humaine contraire à l’éthique, sans que leur compréhension ait été vérifiée et sans donner leur consentement explicite et éclairé. »


Susan Bewley a demandé une enquête indépendante « pour tirer les leçons de la recherche financée par le gouvernement, parrainée par l’Université d’Oxford et approuvée par l’Human Research Authority, qui a bafoué les droits des femmes pendant une décennie [...] Nous devons nous demander qui a approuvé cela et combien cela a coûté.»

Références


[1] http://www.agex.uk/

[2] https://www.healthwatch-uk.org/projects/breast-cancer-screening-age-extension/122-age-extension-trial-of-mammography-screening-part-5-april-2019.html

[3] Bewley S, Blennerhassett M, Payne M. Cost of extending the NHS breast screening age range in England. BMJ 2019;365:l1293. doi: 10.1136/bmj.l1293 pmid: 30971394

[4] https://cancer-rose.fr/2019/04/10/3924-2/

[5] National Health Service

[6] http://www.agex.uk/

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Réactions internationales aux tentatives de camouflage de l’échec du dépistage dans une publication

Nous avons précédemment rendu compte d’une publication de Stephen Duffy and al à propos des résultats finaux de « UK Age Trial » sur le dépistage du cancer du sein par mammographie.[1]

C’est une « nième » publication de cet auteur qui tente de montrer les bénéfices que les femmes ont à se soumettre à la mammographie de dépistage, et même à un âge précoce, ici à partir de 40 ans.

Nous avons expliqué que, contrairement au résultat que Pr. Duffy brandit victorieusement, la phrase la plus importante de son étude était :

« After more than 10 years of follow-up, no significant difference in breast cancer mortality was observed in the intervention group compared with the control group, with 126 deaths versus 255 deaths occurring in this period (0·98 [0·79–1·22]; p=0·86). Overall, there was no significant reduction in breast cancer mortality in the intervention group compared with the control group, with 209 deaths in the intervention group versus 474 deaths in the control group by the end of follow-up (0·88 [0·74–1·03]; p=0·13). »

Qui peut se traduire par :

« Après plus de 10 ans de suivi, aucune différence significative dans la mortalité par cancer du sein n'a été observée dans le groupe d'intervention par rapport au groupe de contrôle, avec 126 décès contre 255 décès au cours de cette période (0-98 [0-79-1-22] ; p=0-86). Dans l'ensemble, aucune réduction significative de la mortalité par cancer du sein n'a été observée dans le groupe d'intervention par rapport au groupe de contrôle, avec 209 décès dans le groupe d'intervention contre 474 dans le groupe de contrôle à la fin du suivi (0-88 [0-74-1-03] ; p=0-13). »

Donc pas de bénéfice à attendre du dépistage.

Mais qu’en pense le milieu scientifique international de cette étude ?

1) Prise de position de Professeur Anthony MILLER[2], professeur à l’université de Toronto[3]

Le professeur Miller est un grand spécialiste du dépistage du cancer du sein et depuis de nombreuses années, comme en témoignent ses publications. [4] [5]

Pour ce scientifique l’absence d’un groupe témoin sans dépistage dans l’étude est rédhibitoire pour tirer la moindre conclusion quant à l’intérêt et au bénéfice possible du dépistage.

Ce point est essentiel, car l'omission d'un groupe contrôle indemne de tout dépistage est un grossier travers que nous avions souligné dans un autre essai en cours sur le dépistage, à savoir l’étude MyPeBS [6], essai européen affichant pour but de comparer une stratégie de dépistage personnalisée au dépistage standard en vigueur dans 4 pays européens et Israël.

Là aussi, la constitution d'un groupe témoin "sans aucun dépistage" a été soigneusement évité, ce qui était pourtant la seule façon de savoir si oui ou non le dépistage apporte un bénéfice par rapport à des femmes jamais dépistées.

Alors qu'aucune conclusion ne peut être tirée d’une intervention médicale sans groupe témoin indemne du processus testé, DUFFY et ses collaborateurs affirment néanmoins  :

« There was a substantial and significant reduction in breast cancer mortality, of the order of 25%, associated with the invitation to yearly mammography between age 40 and 49 years in the first 10 years. »

 « On a constaté une réduction substantielle et significative de la mortalité due au cancer du sein, de l'ordre de 25 %, associée à l'invitation à une mammographie annuelle entre 40 et 49 ans au cours des 10 premières années »

Notons de plus que les 25 % de réduction (Réduction Relative) mis en avant par les auteurs sont loin d’être « sustantial », car la réduction absolue n’est en réalité que de 0,04 %.[7]

Anthony Miller conteste également, références à l'appui [8] la minimisation du surdiagnostic à laquelle Pr Duffy s'emploie opiniâtrement dans sa démonstration :

« Results with respect to breast cancer incidence suggest at worst modest overdiagnosis in this age group, and that any overdiagnosed cancers would otherwise be diagnosed at NHSBSP screening from age 50 years onwards. Therefore, screening in the age group of 40–49 years does not appear to add to overdiagnosed cases from screening at age 50 years and older. There might have been some overdiagnosis in the intervention group and during the intervention period, which was balanced when the control group received screening in the NHSBSP. However, we cannot directly observe or estimate overdiagnosis in a trial in which the control group also receives screening, albeit later than the intervention group. »

 « Les résultats concernant l'incidence du cancer du sein suggèrent au pire un surdiagnostic modeste dans ce groupe d'âge, et que tout cancer surdiagnostiqué serait autrement diagnostiqué lors du dépistage du NHSBSP [9]à partir de 50 ans. Par conséquent, le dépistage dans la tranche d'âge des 40-49 ans ne semble pas s'ajouter aux cas surdiagnostiqués lors du dépistage à l'âge de 50 ans et plus."

Les études sur le surdiagnostic sont multiples et attestent de ce phénomène dans toutes les tranches d'âge[10].

Toutefois les auteurs Duffy et col. concèdent : "nous ne pouvons pas observer ou estimer directement le surdiagnostic dans un essai où le groupe de contrôle reçoit également un dépistage, bien que plus tard que le groupe d'intervention. »

Nous en revenons donc toujours à la pierre d'achoppement fondamentale : sans groupe indemne de tout dépistage, on ne peut tirer de conclusion fiable ni sur les bénéfices en terme de mortalité ni sur l'évaluation du surdiagnostic.

2) Autres scientifiques

Le journaliste Jacqui Wise [11] a fait paraître une analyse de cette étude dans le British Medical Journal où il reprend les commentaires que d’autres scientifiques ont apporté à cette étude.

PDF article Wise en français

A-Réaction de K-J.Jorgensen[12]

Karsten Juhl Jørgensen, directeur par intérim du Nordic Cochrane Centre à Copenhague, a déclaré au BMJ :

« Depuis le lancement de l’essai, la mortalité par cancer du sein au Royaume-Uni dans la tranche d’âge incluse a été réduite de moitié en raison d’améliorations majeures du traitement, y compris la centralisation et la spécialisation des soins, ainsi que grâce à un meilleur traitement systémique. »
"..... nous pouvons raisonnablement être sûrs que tout avantage en termes absolus (du dépistage NDLR) sera moindre aujourd’hui, car il y a tout simplement beaucoup moins de vies à sauver.
 »

À l’origine, l’essai devait inclure 195 000 participants, mais le nombre a été révisé en raison de la lenteur du recrutement. Jørgensen a déclaré : « Comme les 160 000 femmes inscrites à cette étude n’étaient pas suffisantes pour montrer une différence dans la mortalité globale, l’étude ne peut vraiment pas être utilisée pour conclure que « des vies ont été sauvées.»
« L’étude nous dit très clairement que les avantages du dépistage du cancer du sein chez ce jeune groupe d’âge sont très faibles en termes absolus, comme on peut s’y attendre en raison du faible risque inhérent de décès par cancer du sein avant l’âge de 40 ans. »

En d’autres termes, il est impossible, dans une population très peu touchée par le cancer du sein (les femmes jeunes)[13] de pouvoir conclure à une réduction des décès par le dépistage. Encore un élément que l’auteur de l’étude se garde bien de prendre en compte.

Jorgensen a également souligné le nombre de fausses alertes subies par les femmes du groupe testé, à savoir 18 % des femmes au cours de la période d’essai. 

B-Réaction de V.Prasad[14]

Pour Vinay Prasad, professeur agrégé à l’Université de Californie, à San Francisco :

« Il est décevant de voir les auteurs de cette étude continuer de promouvoir des discours trompeurs. « Sauver des vies » explique V.Prasad,  « cela signifie que les femmes faisant un dépistage vivent plus longtemps que celles qui ne le font pas, ce qui ne s’est pas produit dans cet ensemble de données. C’est tout le contraire. »Il a ajouté : « Les auteurs notent une très faible réduction du nombre de décès dus au cancer du sein, qui est minime et qui n’a aucune incidence sur la mortalité toutes causes[15].»

C-Réaction de scientifiques de l'Université de Sydney :

https://www.thelancet.com/journals/lanonc/article/PIIS1470-2045(20)30528-3/fulltext#%20

"Un rapport antérieur sur l'essai, où le suivi moyen était de 10,7 ans,(Moss SM Effet du dépistage mammographique à partir de 40 ans sur la mortalité par cancer du sein à 10 ans de suivi: un essai contrôlé randomisé.Lancette. 2006; 368 : 2053-2060) n'a pas trouvé de différence significative dans la mortalité par cancer du sein entre les groupes, et il n'y avait pas de bénéfice de mortalité par cancer du sein dans l'ensemble de l'essai (après un suivi médian de 22,8 ans)."

D- Deux réponses supplémentaires, d'éminents scientifiques ont été apportées à l'article de Wise dans le BMJ[16]

Tout d'abord celle de Pr Michael Baum, Professeur émérite de chirurgie et professeur invité en sciences humaines médicales à l'University College de Londres

Pour ce professeur il n'y a que deux mesures de résultats significatives dans la pratique de la médecine en ce qui concerne les patients que nous suivons : la durée de vie et la qualité de vie. Toutes les autres mesures de résultats doivent être considérées, selon lui, comme des substituts.

Voici sa réponse, traduite :

« Cet essai affirme que le dépistage du cancer du sein chez les femmes de moins de 50 ans sauvera des vies sans avoir un impact néfaste sur la qualité de vie. En commençant par la première affirmation, regardons les nombres bruts sans aucune modélisation ou «mathémagique», et ici je salue l'aide du Dr Vinay Prasad. Le pourcentage de décès par cancer du sein dans les bras d'intervention et de contrôle était de 0,39 contre 0,44, tandis que les décès toutes causes confondues étaient de 6,5 contre 6,5. Peu de preuves du dépistage comme «sauveur de vie». 

« Comme il n'y a pas eu d'évaluation formelle de la qualité de vie, nous devons alors faire l'hypothèse de ce qu'un sur-diagnostic ou des résultats faussement positifs pourraient avoir comme impact sur le bien-être psychologique de la femme, auquel s'ajoute la toxicité de toute chirurgie, radiothérapie ou thérapie systémique résultant d'un sur-diagnostic. » 

M.Baum estime, d'après les données disponibles, que 35% des femmes subissent fausses alertes et surdiagnostics pendant la période d'intervention, avec le retentissement sur la qualité de vie que cela suppose.

Selon Michael Baum les conclusion des auteurs sont malheureusement surtout mues par une attitude idéologique qui n'est pas dignes de scientifiques.

Deuxièmement l’avis de Hazel Thornton, chercheuse invitée honoraire du Département des sciences de la santé à l'Université de Leicester s'exprime également.

Cette scientifique soulève surtout le problème du non-consentement éclairé des participantes. Elle écrit :

"Le recrutement des 160 921 femmes de cette étude a eu lieu de 1990 à 1997. Nous apprenons que «les femmes du groupe d'intervention n'étaient pas au courant de l'étude. En d'autres termes, elles se sont vu refuser le droit de déterminer si elles souhaitaient participer à l'étude. Le dépistage par mammographie n'est pas sans danger: un consentement correctement éclairé aurait dû être demandé à ces citoyens asymptomatiques. Le principe fondamental de la Déclaration d'Helsinki, du respect de l'individu et du droit de prendre des décisions éclairées, a été ignoré ."[17]

Pour H.Thornton le problème autour du dépistage organisé provient de ce qu'on se concentre sur les femmes qui en bénéficient, tout en négligeant  les centaines de femmes qui passent par ce procédé de santé publique en subissant les préjudices, dans certains cas aussi psychologiques.

H.Thornton fait un lien, elle aussi, avec la pandémie actuelle et avec son enjeu économique : "Ils (ceux qui parlent de "sauver des vies" NDLR) semblent incapables de voir le gaspillage disproportionné de leur position à un moment où actuellement au Royaume-Uni, par exemple, 1,85 million de personnes attendent des traitements mis en suspens en cette période de pandémie. Seul la Covid-19 semble avoir eu le pouvoir de mettre un terme au dépistage du cancer du sein alors que les preuves, la raison et les demandes de justice distributive ne l'ont pas été."

En conclusion

Nous voyons donc que de nombreuses personnalités scientifiques internationales contestent les conclusions du Pr Duffy.

Cette étude et les analyses avisées, montre à nouveau, et cela contre les conclusions de l’auteur, que le dépistage du cancer du sein par mammographie n’apporte aucun bénéfice.

Nous rappelons que toutes les études publiées, et même celle de Duffy ici présentée pourtant comme « positive » , montrent, années après années, l’inefficacité du dépistage à réduire la mortalité par cancer du sein.

De plus en plus de voix s'élèvent pour demander l'arrêt de cet infructueux dépistage porteur d'effets adverses pour les femmes.

Il est bien inquiétant de constater que la controverse scientifique, quasiment balayée à présent par des preuves toujours plus nombreuses de l'inefficacité du dispositif, est à nouveau ravivée par les croyances et l'idéologie de scientifiques comme le soulève M.Baum, et que ces croyances et cette idéologie amènent ces scientifiques à s'adonner à des manipulations de chiffres pour gommer l'échec cuisant des résultats d'un ancien essai pourtant très bien conduit, et dont les conclusions sur la faillite du dépistage sont pourtant implacables.

En outre, comme le soulignent Jorgensen et Thornton, tous ces dépistages ont un coût qui serait sûrement mieux employé ailleurs, surtout en cette période épidémique.

Sans compter le coût des fausses alertes, autant en termes financiers que psychologiques, que les femmes ont à supporter.

En outre comme le souligne Thornton, le manque de consentement éclairée, mais aussi une information manipulatoire sont souvent employés auprès des femmes.

Dans deux prochains articles nous reviendrons sur ce problème crucial de l’information des femmes sur le dépistage, et nous relaterons comment les promoteurs du dépistage manipulent sciemment les informations délivrées aux femmes, quand ils en donnent.

Références


[1] https://cancer-rose.fr/2020/08/18/absence-de-benefice-des-mammographies-chez-les-femmes-agees-de-40-a-50-ans-les-resultats-finaux-de-lessai-uk-age-trial-confirment/

[2] https://www.thelancet.com/journals/lanonc/article/PIIS1470-2045(20)30428-9/fulltext?rss=yes

[3] https://www.dlsph.utoronto.ca/faculty-profile/miller-anthony-b/

[4] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/?term=%28Miller%2C+Anthony+B%5BAuthor%5D%29+AND+%28screaning+and+breast+cancer%29&sort=

[5] https://cancer-rose.fr/2016/11/20/etude-miller/

[6] Lire :   https://cancer-rose.fr/my-pebs/ et https://cancer-rose.fr/my-pebs/2020/02/23/une-lettre-ouverte-de-quatre-collectifs-europeens/

[7] https://cancer-rose.fr/2020/08/18/absence-de-benefice-des-mammographies-chez-les-femmes-agees-de-40-a-50-ans-les-resultats-finaux-de-lessai-uk-age-trial-confirment/

[8] références citées par Miller :

  • Forrest APM Aitken RJ,Mammography screening for breast cancer. Annu Rev Med. 1990; 41: 117-132
  • Marmot MG Altman DG Cameron DA Dewar JA Thompson SG Wilcox M-The benefits and harms of breast cancer screening: an independent review. Br J Cancer. 2013; 108: 2205-2240
  • Miller AB To T Baines CJ Wall C-The Canadian National Breast Screening Study-1: breast cancer mortality after 11 to 16 years of follow-up. A randomized screening trial of mammography in women age 40 to 49 years. Ann Intern Med. 2002; 137: 305-312
  • Miller AB Wall C Baines CJ Sun P To T Narod SA-Twenty five year follow-up for breast cancer incidence and mortality of the Canadian National Breast Screening Study: randomised screening trial. BMJ. 2014; 348: g366
  • Baines CJ To T Miller AB-Revised estimates of overdiagnosis from the Canadian National Breast Screening Study. Prev Med. 2016; 90: 66-71

[9] National Health Service Breast Cancer Screening, campagne de dépistage au Royaume Uni

[10] voir partie "surdiagnostic" de l'article https://cancer-rose.fr/2019/09/06/le-depistage-mammographique-un-enjeu-majeur-en-medecine/

[11] https://www.bmj.com/content/370/bmj.m3191

[12] https://www.bmj.com/content/370/bmj.m3191

[13] Hill C. Dépistage du cancer du sein. Presse med. 2014 mai;43(5):501–9

"Réduire de 20 ou 30 % le risque de décès par cancer du sein est bien, mais il faut traduire cette réduction relative en réduction absolue. Pour cela, il faut connaître le risque de mourir d’un cancer du sein en l’absence de dépistage. "

"....Mais on peut mesurer le risque de mourir d’un cancer du sein en France, en 2010 ce risque était de 4,1 % dont 0,2 % entre 30 et 49 ans....."

"On peut aussi en déduire le nombre de femmes à dépister dans chaque classe d’âge, pour éviter un décès avec un suivi de 11 ans, suivi médian dans les essais. Par exemple, le dépistage entre 39 et 49 ans conduit à une réduction de 47 décès par cancer du sein pour 100 000 femmes suivies 11 ans, il faut donc dépister 100 000/47 = 2108 femmes pour éviter un décès avec ce suivi."

[14] https://www.bmj.com/content/370/bmj.m3191

[15] Rappelons que Seule la mortalité globale intègre tous les éléments de la prise en charge, donc aussi les effets des traitements, du surdiagnostic et du surtraitement. Cette donnée a davantage de sens car tout cancer détecté sera traité, les traitements eux-mêmes sont parfois pourvoyeurs de décès, qui seront compris et englobés dans la 'mortalité toutes causes confondues', reflétant ainsi mieux la réalité du dépistage.

[16] https://www.bmj.com/content/370/bmj.m3191/rapid-responses

[17] https://en.wikipedia.org/wiki/Declaration_of_Helsinki

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Et si vous retiriez bénéfice de l’arrêt des dépistages ?

C.Bour, 15 juin 2020

La question est posée par des scientifiques québécois dans le journal Le Devoir.

https://www.ledevoir.com/opinion/idees/580791/et-si-la-covid-19-vous-avait-sauve-e

 

Tout le monde ne bénéficie pas d'un dépistage, surtout s'il s'agit d'un dépistage dont la balance bénéfice-risques est de plus en plus remise en questions au vu des risques cumulatifs, et au vu du bénéfice de moins en moins avéré avec le recul que nous avons à présent sur les campagnes de dépistages du cancer du sein.

Cette pause dans les dépistages pourrait constituer une opportunité pour la recherche, pour réfléchir à l'information des femmes sans alarmisme ou menace envers elles, pour se poser les bonnes questions de l'utilisation des ressources financières en santé vers des procédés et dispositifs qui sont avérés bénéfiques aux populations, comme les signataires québécois concluent :

"Le contexte actuel doit servir à remettre en question plus largement nos choix dans l’offre de services cliniques de manière à prioriser les interventions qui ont démontré une efficacité et des bénéfices concrets pour les patients et patientes."

 

Lire aussi les analyses de :

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Un effet secondaire inattendu de l’épidémie covid-19

28/05/2020

Voici une opinion de deux chercheurs sur l'apport, à long terme, de la suspension des dépistages dans la connaissance du cancer.

Gilbert Welch (Centre de chirurgie et de santé publique du Brigham and Women's Hospital et auteur de «Less Medicine, More Health»

 Et Vinay Prasad (oncologue, professeur agrégé de médecine à l'Oregon Health and Science University et auteur de "Malignant: How Bad Policy and Bad Medicine Harm People With Cancer")

https://edition.cnn.com/2020/05/27/opinions/unexpected-side-effect-less-medical-care-covid-19-welch-prasad/index.html

Synthèse Dr C.Bour

Nous avions déjà rapporté récemment le point de vue de Judith Garber, scientifique en sciences politiques et politique de la santé au Lown Institute.

Et aussi celui de Susan Bewley , professeure émérite d'obstétrique et de santé des femmes au King's College de Londres et présidente de Healthwatch.

 

Selon les auteurs, le fait que les systèmes de soins médicaux furent submergés par l'épidémie, certains patients ont certainement connu des dommages en santé.

En revanche pour d'autres, toujours selon les deux auteurs, cette suspension a pu être bénéfique.

Outre l'effet de la diminution des interventions chirurgicales, des admissions aux urgences, des demandes d'examens complémentaires biologiques et radiologiques, de l'augmentation de la télé-médecine, les deux chercheurs passent en revue l'impact de la suspension des dépistages.

Des recherches antérieures sur les effets mondiaux des grèves des médecins suggéraient une baisse de mortalité concomitante à la moindre consommation médicale. Il parait donc pertinent d'étudier attentivement les tendances de la mortalité en 2020 et de démêler les décès liés au Covid des autres causes de décès. Il serait tout aussi important de se pencher sur les inégalités selon le milieu socio-économique : l'interruption des soins médicaux diminue peut-être la mortalité chez les riches surmédicalisés, mais il est fort à redouter le phénomène inverse chez les plus pauvres.

 

Le volet dépistage

 

La suspension du dépistage du cancer est un des domaines à étudier selon Welsch et Prasad. Pour eux, il ne fait aucun doute que le déclin de la mammographie entraînera une diminution du nombre de cancers du sein diagnostiqués. Mais est-ce une mauvaise ou une bonne chose?

L'occasion est belle d'étudier ce qui se passera dans les statistiques américaines du cancer lorsque le dépistage reprendra, de l'avis de ces auteurs.

Ils s'attendent à l'une de ces deux observations :

  • Les taux des cancers du sein pourraient alors "rattraper" le retard de leur diagnostic, ce qui signifie que le déficit des diagnostics des cancers pendant la pandémie serait compensé par un excédent de cancers au cours des années suivantes. En d'autres termes, tous les cancers non détectés chez les patients pendant la pandémie seraient finalement découverts ensuite.
  • L'alternative serait que les diagnostics de cancer du sein ne se rattrapent jamais...

Pourquoi ?

Il y a des années, les chercheurs ont observé ce phénomène en Norvège. Welsch et Prasad se réfèrent là à la fameuse étude de l'Institut d'Oslo de 2008 : dans un groupe des femmes âgées de 50 à 64 ans avaient subi trois mammographies en six ans, et au bout des six ans il s'avérait qu'elles avaient davantage de cancers du sein invasifs détectés que les femmes du groupe comparateur, lesquelles n'avaient eu qu'une seule mammographie au bout de six ans. Or, si tous les cancers du sein avaient pour vocation de devenir symptomatiques, il y en aurait eu autant dans les deux groupes. Aucune raison qu'il y en ait moins dans le groupe non dépisté régulièrement, sinon que des tumeurs du sein ne s'exprimant jamais et même régressant spontanément ont été détectées en excès dans le groupe davantage mammographié. Cette étude fut à l'origine de la démonstration et de la quantification du surdiagnostic. cf notre brochure.

Une procédure mammographique faite plus tardivement et moins fréquemment conduit donc bien à moins de diagnostics de cancer du sein. On pourrait arguer que ce déficit finit par se manifester par des tumeurs non détectées apparaissant dans des délais plus longs, vers 5, 10 ou 25 ans. Or il n'en est rien, ce déficit n'est jamais rattrapé même au bout de 25 ans de suivi comme le montre l'étude de Miller.

Les résultats de l'étude d'Oslo de 2008 suggèrent que certains petits cancers régressent d'eux-mêmes. Question : cela pourrait-il se produire en ce moment pendant la pandémie de Covid-19? Et pourrait-on le mettre en évidence ?

 

Dans l'article les auteurs se penchent également sur le déclin des crises cardiaques et accidents vasculaires cérébraux observé durant cette période. Soit ces maladies ont été sous-diagnostiquées, soit il y en a réellement eu moins...

Qui a bénéficé de cette période de moindre médicalisation, et qui a perdu ?

 

Conclusion des auteurs

 

Nous ne trouverons les avantages que si nous les recherchons, disent Prasad et Welsch. Nous avons besoin de médecins chercheurs prêts à poser des questions difficiles sur les services qu'ils fournissent - des questions qui peuvent menacer leurs propres intérêts professionnels / financiers.

Covid-19 offre une occasion unique d'étudier ce qui se passe lorsque la machine bien huilée des soins médicaux passe d'un volume élevé à un volume faible afin de se concentrer sur des patients gravement malades. Il sera opportun pour les médecins -chercheurs d'étudier ce qui a été perdu. Il sera courageux pour eux d'étudier ce qui a été gagné.

 

Notre avis

 

Les deux chercheurs s'attellent ici à reposer la question du surdiagnostic et de sa mise en évidence, et à en évoquer les causes (régression spontanée d'une tumeur à croissance lente/nulle), davantage qu'à tenter sa quantification.

En effet, le délai de suspension est vraisemblablement trop court pour qu’on puisse en examiner l'impact de façon fiable, il faudrait pour cela que cette interruption dure deux ou trois ans, voire plus (comme le groupe de comparaison de l'étude d'Oslo, où le délai de non-examen mammographique du groupe comparateur était de 6 années), et que cette interruption concerne les personnes qui auraient été admissibles dans ce laps de temps-là, conformément au calendrier initial, et aussi qu'il n'y ait aucune tentative de rattraper l’arriéré.

Dans notre situation, quelques mois de cancers surdiagnostiqués seulement disparaîtront.

Déjà dans notre pays l'INCa a fait parvenir dare dare, alors que l'épidémie n'est encore pas totalement derrière nous, une note aux ARS pour établir un plan de rattrapage des dépistages non effectués ! (Page 2)

"Un plan de rattrapage des dépistages non effectués sera établi par chaque CRCDC(centres régionaux de coordination des dépistages des cancers), en fonction du nombre estimé de dépistages non effectués et de la situation épidémiologique dans les territoires, de ses ressources propres et des modalités de reprise d'activité."

On remarquera la préoccupation obsessionnelle toute technocratique concernant les indicateurs d'activité des centres de dépistage, il n'est en aucune façon question de réfléchir sur la possibilité d'une étude en fonction des données qu'on aurait récoltées pendant la période de suspension, non, il s'agit de rattraper un retard d'indicateurs qui ne seraient plus au beau fixe pendant ces trois derniers mois.

Un confrère danois nous confirme qu'au Danemark également la reprise a bien eu lieu, ça ne traîne pas....

Une autre réflexion est que si nous n'observerons qu’une réduction minime de l’incidence en raison du court délai de suspension, l'éventuelle hausse compensatoire dont parlent les auteurs, ou au contraire l’absence de hausse compensatoire, sera très difficile à détecter de façon fiable, sans compter que les tumeurs disparaissant d’elles-mêmes (les surdiagnostiquées) ont quand-même besoin d’au moins plusieurs mois, sinon d'années pour disparaître.

 

Mais foin de conjectures, le dépistage reprenant très vite grâce au zèle de nos technocrates moins soucieux de diminution de cancers que de relance d'une machinerie bien huilée, les tumeurs seront hélas détectées avant d’avoir eu une seule petite chance de régresser toute seules. Quelques mois de cancers en surdiagnostic seulement disparaîtront, passant inaperçus.

Nous verrons par la suite si dans d'autres pays comme aux Etats Unis des études spécifiques sur cette période, en terme d'incidence des cancers mais aussi de mortalité spécifique par maladie seront initiées.

 

 

 

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