Recommandations pour une prise de décision partagée avec le patient

https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2763186?utm_campaign=articlePDF%26utm_medium%3darticlePDFlink%26utm_source%3darticlePDF%26utm_content%3djama.2020.1525

Traduction, résumé et conclusion, rédaction Cancer Rose, 14 mars 2020

Un point de vue dans le JAMA

Doreen M. Rabi, MD, MSc
O’Brien Institute for Public Health, University of Calgary, Calgary, Alberta, Canada.

Marleen Kunneman, PhD
Department of Biomedical Data Sciences, Leiden University Medical Centre, Leiden, the Netherlands;
Knowledge and Evaluation Research Unit, Mayo Clinic, Rochester, Minnesota.

Victor M. Montori, MD, MSc
Knowledge and Evaluation Research Unit, Mayo Clinic, Rochester, Minnesota.

JAMA. Publié en ligne le 13 mars 2020. doi: 10.1001 / jama.2020.1525

 

Les cliniciens et les patients peuvent élaborer un programme de prise en charge à partir des lignes directrices de pratique clinique. Pour être dignes de confiance, les lignes directrices établies doivent résulter d'un processus rigoureux, inclusif et transparent, éclairé par les meilleures données de la recherche disponibles et protégé contre les biais et les conflits d'intérêts.

Leurs orientations doivent être claires, spécifiques, classées en fonction de la probabilité des bénéfices et des préjudices, et applicables. Les lignes directrices recommandent de plus en plus la prise de décision partagée, une approche dans laquelle les patients et les cliniciens travaillent ensemble pour développer une appréciation partagée de la situation du patient, et décider comment y répondre correctement.

Ce que l'article pose comme question est de savoir à quel point et dans quelle mesure les recommandations figurant dans les lignes directrices sont fiables, utiles et utilisables.[1]

 

Tout dépend de ce qu'on attend

 

Tout dépend de ce qu'attendent le praticien et le patient. Pour ceux qui recherchent des conseils clairs et directs - c'est-à-dire des recommandations fortes qui «disent simplement quoi faire» - une recommandation qui conseille une discussion plus approfondie entre les patients et les cliniciens pour une prise de décision partagée peut ne pas sembler particulièrement utile.

Une recommandation forte pour une action spécifique, souvent transformée en une mesure de qualité de soins ou en cible pour un système de rémunération au rendement (NDLR comme c'est le cas pour le dépistage organisé du cancer du sein, intégré dans le système de rémunération sur les objectifs de santé publique) , peut entraver une approche de soins centrée sur l'intérêt du patient.

Par conséquent, une recommandation pour décision partagée peut créer l'occasion pour les cliniciens de prendre en compte la situation d'un patient et d'y réagir. Elle met l'accent sur la nécessité pour les cliniciens de travailler en collaboration avec les patients, pour découvrir et comprendre quel aspect de leur problème clinique ou de leur situation spécifique nécessitera une action de leur part, pour pouvoir répondre à cette situation spécifique.

Danger d'un mauvais usage, exemple en cardiologie

 

Mais il se peut que des recommandations fortes peuvent être su-utilisées. Par exemple, les lignes directrices de l'American College of Cardiology / American Heart Association pour la prévention, la détection, l'évaluation et la gestion de l'hypertension artérielle de 2017 recommandent fortement que les adultes à haut risque soient traités, avec pour objectif d'obtenir une pression artérielle inférieure à 130 / 80 mm Hg. En pratique, cela nécessite que de nombreux patients prennent plus de deux médicaments anti-hypertenseurs, surveillent leur tension artérielle à la maison, effectuent des analyses sanguines fréquentes pour rechercher des anomalies hydro-électrolytiques ou de leur fonction rénale, et se rendent à des rendez-vous cliniques réguliers. Lorsque la population cible de cette recommandation est plus âgée et de plus en plus confrontée à des problèmes chroniques et multiples de santé, et à d'autres soucis comme par exemple des difficultés financières et de conditions de vie, on voit bien que ces recommandations fortes peuvent être mal adaptées. La complexité cumulée des différents facteurs et le fardeau écrasant du traitement lui-même qui affecteront les patients, vivant avec une morbidité chronique, rendent ces recommandations fortes et ces normes figées impraticables, voire même nocives.

Pourtant, les panels de directives (c'est à dire des comités de spécialistes qui émettent ces recommandations) insistent fréquemment sur la formulation de recommandations fortes de façon injustifiée, cela est peut-être motivé par la nécessité d'offrir des orientations définitives et intangibles, et de réduire ainsi la variabilité entre les pratiques médicales ; ou encore le but peut être celui de démontrer la valeur des organisations qui produisent ces directives, ou de garantir des résultats compte tenu des investissements dans les soins de santé.

Ces recommandations, cependant, peuvent paradoxalement échouer à améliorer réellement la qualité des soins, en réduisant le centrage sur l'individu, en augmentant le gaspillage (par l'impossibilité de respecter fidèlement la recommandation) et en favorisant les risques de la procédure  (par le biais d'interactions médicamenteuses p.ex.) . Une meilleure approche plus utile pour guider les cliniciens et les patients à pathologie complexe serait de développer une compréhension commune de la nature, de l'ampleur, et de la pertinence du risque cardiovasculaire de la personne,  et à travers la découverte conjointe d'un moyen de faire face à ce risque, compte tenu de la situation particulière de chaque patient.

Et à cette fin, les cliniciens peuvent trouver plus utile une recommandation régie par des conditions diverses, qui inviterait à l'utilisation de la décision partagée.

La recommandation "conditionnelle"

 

Une recommandation dite "conditionnelle" signifie que la meilleure action peut être différente d'un patient à l'autre (prenant en compte des circonstances, des valeurs, des préférences ou des objectifs de chaque patient), de sorte que d'autres approches peuvent être tout aussi raisonnables.

Une telle attitude demande aux patients et aux cliniciens de collaborer pour déterminer comment procéder dans ce qui est recommandé. Le problème est que dans les situations où les cliniciens et les patients n'ont pas la possibilité ou le temps, les compétences et l'expérience de procéder à cette coopération, les recommandations visant à intégrer la décision partagée dans l'élaboration du plan de soins peuvent ne pas se traduire par une décision partagée réussie en pratique (comme cela a été documenté pour le dépistage du cancer du poumon par la tomodensitométrie à faibles doses[2]).

L'élaboration d'une décision partagée n'est pas facile. Les patients et les cliniciens doivent parvenir à une compréhension claire et utile de la situation du patient et découvrir, par l'entretien, laquelle des options fondées sur des preuves a un sens intellectuel, pratique et émotionnel suffisant pour faire avancer cette situation. On pourrait aussi envisager aussi des résumés de preuves, et des outils d'aide à la décision...

Les panels élaborant des lignes directrices pourraient également soutenir la décision partagée en identifiant les options qui ne devraient pas être envisagées, là où le risque d'exposition à des effets indésirables dépasse tout bénéfice potentiel pour presque tous les patients. Cependant, les spécialistes dans les panels qui émettent les lignes directrices préfèrent éviter les conséquences de la recommandation à l'encontre un test ou à l'encontre d'une intervention pour une indication donnée, car cela pourrait entraîner le refus des organismes payeurs de couvrir des indications similaires non prévues dans la ligne directrice.

Les 'panélistes' peuvent également avoir un intérêt direct dans une approche diagnostique et thérapeutique particulière (liens d'intérêts). En outre, il peut être difficile pour des experts qui ont longtemps recommandé une marche à suivre d'inverser leur démarche, surtout lorsque de nouvelles preuves constatent que cette marche à suivre préconisée a conduit à un bénéfice plus mince que prévu, ou à un préjudice plus grand que prévu... Des 'panélistes' peuvent insister pour maintenir la recommandation sous forme d'une option négociable, afin de donner un "choix" aux patients et aux cliniciens. Ceci peut être une attitude pour des raisons légitimes (par exemple, des inquiétudes quant à la fiabilité des données probantes pour déterminer la balance bénéfice-risques, ou inquiétudes dans la détermination des risques potentiels selon les différentes options dans des sous-groupes particuliers de patients ; ou encore des inquiétudes par rapport aux coûts directs et annexes associés à des options différentes). Ou alors cette attitude peut être motivée pour défendre des positions professionnelles ou financières...

Des recommandations qui peuvent induire en erreur

 

Toutes ces raisons contribuent peut-être à l'élaboration dans certains cas de recommandations de décision partagée qui finalement ne guident pas les utilisateurs, les induisent en erreur, en incluant des options qui sont peu susceptibles de procurer des bénéfices aux patients. Les auteurs citent comme exemples les lignes directrices de décision partagée émises pour le dépistage du cancer du sein chez la femme à risque moyen en dessous de 50 ans[3], la revascularisation coronaire pour soulager l'angine de poitrine stable, le Lévothyrox pour améliorer la qualité de vie des personnes atteintes d'hypothyroïdie infra-clinique, ou encore la préconisation d'une glycémie proche de la normale pour prévenir les complications chez les patients atteints de diabète de type 2.

Pour éviter d'être induit en erreur, l'utilisateur a besoin d'une présentation claire des preuves et d'une communication explicite des raisons pour lesquelles les membres du panel ont inclus des options de faible valeur. Ce qui peut être également instructif, c'est d'examiner les lignes directrices existantes antérieures (c'est-à-dire pour voir si la recommandation est passée de "favorable" à "pour une décision partagée"), ou encore d'examiner les lignes directrices produites par d'autres groupes d'experts, idéalement avec des intérêts différents ; mais peu d'utilisateurs auront le temps ou les compétences pour mener une telle évaluation critique.

En recommandant la décision partagée, les experts reconnaissent le rôle essentiel de facteurs autres que seules les données de recherche à intégrer dans l'élaboration du plan de prise en charge : à savoir l'expérience et l'expertise des patients, leurs priorités et les particularités de leur situation, telles les co-morbidités, le fardeau d'autres maladies présentes et de traitements existants, l'aide sociale, et la capacité personnelle de mettre en œuvre son plan de soins en toute sécurité.

La recommandation pour la décision partagée peut également signifier, avec une humilité rare, que des avis importants peuvent provenir des patients, et que l'équité dans le processus de prise de décision thérapeutique est importante.

Importance de la rigueur dans l'élaboration des recommandations pour décision partagée

 

La légitime recommandation d'une décision partagée toutefois coexistant avec un mauvais usage et avec des abus de décisions partagées appellent au développement de rigueurs méthodologiques dans l'élaboration des recommandations.

Une recommandation pour une décision partagée est une recommandation pour une méthode de création d'un plan d'action commun avec le patient. Par conséquent, une recommandation bien développée pour une décision partagée doit tenir compte des obstacles et des coûts de la mise en œuvre, tels que la disponibilité du temps de rencontre avec le patient, les compétences et les outils d'aide disponibles.

Une méthode pour aider les panels des lignes directrices à comprendre quand il est le plus pertinent et utile de recommander la décision partagée, devrait ensuite être appliquée de manière systématique, transparente et délibérée. Seulement insérer des recommandations de décision partagée dans des lignes directrices sape la crédibilité et l'utilité de ces recommandations et, dans une certaine mesure, réduit la valeur de la décision partagée dans les soins aux patients.

 

Pour conclure

 

A la lecture de cet article il semble bien que la décision partagée soit plus un "fantasme" médical qu'une réalité.
En effet, les valeurs de chaque patient ont peu de poids face aux recommandations de société savantes que le médecin se sent l'obligation de suivre car elles ont pour lui beaucoup de valeur.
Le médecin peut avoir tendance à "imposer" ces recommandations à ses patients et cela d'autant plus que l'autorité des sociétés savantes qui émettent ces recommandations a beaucoup de poids à ses yeux.
Les choix mais aussi les réalités de vie personnelles de chaque patient ne sont pas suffisamment pris en compte par rapport au poids de ces recommandations qui, bien évidemment sont générales et non personnalisées.
Il y a donc un énorme chemin à parcourir pour que les valeurs et la réalité de la vie de chaque patient puisse enfin guider la pratique de chaque médecin.

Références

 

[1] NDLR

Déjà en 2017 une vue d'ensemble des lignes directrices à travers les pays a fait l'objet d'une publication https://cancer-rose.fr/2017/01/15/vue-densemble-des-directives-et-recommandations-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein-pourquoi-les-recommandations-different/

Il en ressortait, pour le dépistage du cancer du sein, que les directives et recommandations optaient toutes généralement pour une approche prudente, parce que le dépistage mammographique ne peut réduire la mortalité par cancer du sein à un degré suffisamment important sans amener en parallèle des inconvénients substantiels, et en générant des coûts pour la santé publique.

Selon les auteurs, plutôt que de continuer à poursuivre un objectif de réduction de mortalité par cancer du sein en exerçant un dépistage, les sociétés devraient appuyer la recherche vers de nouveaux progrès thérapeutiques, et s’assurer que toutes les femmes aient un accès égal à des traitements optimaux et opportuns.

 

[2] https://jamanetwork.com/journals/jamainternalmedicine/article-abstract/2696725

13 août 2018

Échec de la note pour la prise de décision partagée pour le dépistage du cancer du poumon

A présent que nous accumulons plus de données sur les avantages et les inconvénients du dépistage du cancer, il apparaît clair que les avantages ne dépassent pas toujours les inconvénients. Ce déséquilibre est particulièrement en cause dans le dépistage du cancer du poumon par tomodensitométrie à faible dose pour lequel 1 essai clinique randomisé a trouvé un bénéfice de mortalité chez les fumeurs et ex-fumeurs à haut risque,  mais où 3 autres essais cliniques randomisés n'ont trouvé aucun avantage. De plus, les données de l'enquête nationale sur les entretiens de santé montrent que la plupart des personnes soumises au dépistage du cancer du poumon ne faisaient pas partie des groupes où ce dépistage était recommandé, ce qui fait que les effets nocifs de la tomodensitométrie à faibles doses, y compris l'exposition aux radiations, dépasseront probablement les bénéfices.

 

[3] https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2679928

 

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Rapport entre expériences personnelles des médecins et prescription du dépistage du cancer du sein

Lettre publiée dans le JAMA : résumé par Dr Bour, 11 décembre 2017

Auteur :

Craig Evan Pollack, MD, MHS, Division of General Internal Medicine, Department of Medicine, Johns Hopkins University, Baltimore

Research letter

 

Contexte

 

Les recommandations médicales influencent fortement les décisions des femmes de se soumettre au non au dépistage mammographique.

L'adhésion des médecins aux directives en évolution qui recommandent moins de dépistage au vu des preuves insuffisantes de son efficacité, ne sont pas toujours suivies.

Les cas cliniques rencontrés et les expériences de l'entourage (amis, collègues, membres de la famille diagnostiqués porteurs d'un cancer du sein) sont susceptibles d'affecter le médecin par rapport aux recommandations officielles.

Ces expériences personnelles "anecdotiques" induisent des informations sur le dépistage du cancer du sein dans l'esprit du professionnel de santé, qui peuvent être en totale contradiction avec les évaluations scientifiques, par exemple sur la réelle réduction de mortalité.

Une enquête a été réalisée sur des médecins gynécologues et médecins généralistes pour évaluer si leurs propres expériences personnelles (patientes, collègues, amis, famille) influençaient leurs recommandations vis à vis des patientes sur le dépistage du cancer du sein.

 

Méthode

 

Il s'agit d'une enquête réalisée par voie postale de mai 2016 à septembre 2016 qui a inclus 2000 généralistes, gynécologues, internistes, afin d'examiner leurs pratiques.

On a demandé aux médecins de rapporter en détail leurs expériences vécues en rapport avec ceux de leur réseau social (amis, patients, famille) qui avaient eu un diagnostic de cancer du sein.

Bien que la majorité des médecins interrogés rapportaient les cas de bon pronostic, une large proportion de médecins racontaient les cas à mauvais pronostic, proportion plus large qu'attendu compte tenu des 6% de femmes (chiffre national) souffrant d'une maladie disséminée.

 

Conclusion

 

L'évocation disproportionnée de mauvaises expériences (entendues ou vécues) est conforme à ce qui est relaté dans l'abondante littérature sur le comportement, qui explique comment ce qui est redouté et craint est plus volontiers rappelé, et peut accroître la perception du risque.

La description d'une patiente dont le cancer à évolution défavorable n'a pas été diagnostiqué par la mammographie de dépistage, se trouve associée à un comportement (de la part du praticien) de recommander le dépistage de façon accrue à des femmes de tranches d'âges inappropriées, pour lesquelles les recommandations officielles ne préconisent pas ce dépistage.

Les résultats de l'enquête suggèrent que les praticiens doivent tenir compte de l'influence de leurs propres expériences sur leurs modes de prescription du dépistage. Ceci peut constituer une bonne approche pour l'amélioration de leur adhésion aux révisions des directives sur le dépistage du cancer du sein.

 

 

 

 

 

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Conclusions des revues systématiques favorables au dépistage du cancer du sein et lien d’intérêt financier et professionnel : des preuves flagrantes.

 

Par Dr ANNETTE LEXA

25/05/2017

 

Les fidèles lecteurs et lectrices de Cancer Rose savent que nous présentons ici régulièrement un décryptage des plus récents articles parus dans les plus grandes revues internationales au sujet du dépistage du cancer du sein dont l’intérêt est débattu depuis des décennies, et que certains nomment encore « polémiques » (ici).

Etudes et revues

 

Nous  avons présenté sur ce site  plusieurs études épidémiologiques, anciennes ou récentes, faites sur des cohortes de femmes dans différents pays. Une étude se présente toujours de cette manière : on suit 2 groupes, un groupe de « dépistées » et un groupe de « non dépistées », et , si on a la chance d’avoir eu un bon financement pour mener à terme une étude longue et robuste, pour faire court, à la fin  on compte les points (les mortes et les seins coupés).

Mais toutes les études ne se valent pas. Ainsi certaines présentent des biais méthodologiques (de recrutement, de perdues de vue, de déclaration,…) qui les disqualifient. Ainsi Philippe Autier et son équipe ont démontré que l'étude sur laquelle s’étaient longtemps appuyés les 'prodépistages' était en fait invalidée par des biais méthodologiques. (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4672251/)

Parfois, simplement, le nombre de femmes recrutées dans ces études est tout simplement trop faible et cela diminue la puissance statistique lorsque qu’on veut étendre la conclusion à l’ensemble de la population. Aussi les épidémiologistes - qui sont des gens ayant généralement moins de conflits d’intérêts car travaillant dans des organisations financées par l’argent public - ont développé des méthodes qui leur permettent de reprendre l’ensemble des études. On parle de « méta-analyses ».

On comprend aisément qu’une méta-analyse est souvent plus intéressante qu’une étude, bien qu’elle soit aussi entachée de biais, car il est parfois difficile de réunir des groupes disparates.

Aussi, il y a encore mieux pour un scientifique (médecin, toxicologue, biologiste… ) : c’est la revue systématique. La revue systématique reprend tous les travaux sur le sujet, toutes les études, qu’elles soient faites par modélisation, sur animal, toutes les études faites sur l’Homme, et elle prend en compte aussi toutes les autres données (anatomopathologie, données théoriques sur les processus de cancérogenèse, modes de traitements, effets indésirables, surdiagnostics..). Elle tient compte aussi des articles d’experts ou des revues éditoriales écrites par des leaders d’opinions.

Aussi, il y a une grande pression et une grande tentation d’écrire des revues systématiques car c’est l’outil le plus robuste des décisionnaires en matière de santé et  pour la communauté biomédicale. Vous imaginez bien la suite. Les revues systématiques ont tendance à se multiplier, leurs conclusions  deviennent disparates et cela entretient d’autant le doute.

Systematic Review

 

Dans un récent article publié d’une revue en open access, Systematic Reviews (article Systematic Review), les auteurs ont repris les revues systématiques parues sur le sujet entre 2000 et 2015. Ils ont cherché à vérifier s’il y avait un lien entre conclusion favorable ou défavorable au dépistage et liens d’intérêts déclarés par les auteurs des revues systématiques.

Ils ont sélectionné 59 revues systématiques totalisant 42 auteurs.

D’une manière générale, les auteurs étaient pour 68% d’entre eux des biostatisticiens, des épidémiologistes, des spécialistes de santé publique et pour 32 % des oncologues, des radiologues ou d'autres spécialités médicales. Seules 14% des revues systématiques présentaient leurs liens d’intérêts financiers, ce qui signifie que les chercheurs ont forcément sous-évalué les liens d’intérêts financiers réels.

 

Résultats de l'étude

 

Parmi les revues écrites par des cliniciens, 63 % étaient favorables au dépistage. Elles n’étaient que 32% à être favorables quand elles ont été écrites par des professionnels de santé publique.

Parmi les études dont les auteurs ont déclaré avoir des conflits d’intérêts FINANCIERS, 75% étaient favorables au dépistage.

Parmi les revues systématiques dont les auteurs n’ont rien déclaré (certains ont forcément « omis » de déclarer des liens d’intérêts), 47% étaient favorables, alors que seulement 31% étaient favorables au dépistage dans les revues dont les auteurs ont affirmé qu’ils étaient sans conflit d’intérêt.

Enfin, en ce qui concerne les revues traitant des femmes de 50 à 69 ans (20 conclusions), seulement 27 % des conclusions écrites par des non-cliniciens étaient favorables au dépistage, contre 78% de conclusions favorables si elles étaient écrites par des cliniciens.

 

 

Conclusion

Ce travail a démontré que les revues systématiques sont d’autant plus favorables au dépistage qu’il existe des liens d’intérêts financiers ou professionnels.

 

Et dire qu’on continue d’appeler cela une « polémique »…

 

 

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Associations et ramifications

L’association « le Cancer du sein parlons-en » (dont le rôle est d’être : ‘aux côtés des femmes en France, pour informer sur le cancer du sein et participer à la sensibilisation au dépistage précoce’) existe depuis 1994. Elle a été fondée par le groupe Estée Lauder France et le magazine Marie-Claire et est soutenue par Marionnaud, Cora, Fitness (de Nestlé), Bobby Brown, et j’en passe car la liste est interminable ; elle l’est aussi par Lilly, le laboratoire pharmaceutique. L’institut Lilly co-organise « la Strasbourgeoise », parce que outre de profiter de la bonne volonté et l’empathie des femmes, il faut aussi les faire courir (10 euros l’inscription). Lilly commercialise le Prozac et le Gemzar, médicament anticancéreux. D’autres laboratoires sont très impliqués dans la lutte contre le cancer du sein et la fabrication de molécules anti-cancéreuses, comme Novartis, Pfizer, Sanofi, Roche.

Mais si ces laboratoires se livrent une concurrence redoutable on leur trouve un dénominateur commun dans la générosité et la philanthropie, et ce dénominateur commun s’appelle Europa Donna. Ce magnifique nom évoquant la divinité évanescente, celle que l’on voit dans le logo d’Europa Corps au cinéma, mâtinée du mot Donna dérivé de madonna mais surtout contenant la racine « don », c’est une coalition européenne oeuvrant pour la femme, et dont les partenaires, outre industriels, sont aussi les laboratoires pharmaceutiques sus-cités. Europa Donna, recevant des subventions de l’UE, est un soutien actif de la campagne rose de l’INCA (Institut National du Cancer) comme ceci est indiqué sur le site-même.

organigrammes synthétiques des ramifications, cliquez sur images

Revenons à Roche en particulier, dont le médicament phare en cancérologie du sein est l’Herceptin utilisé dans les formes métastatiques du cancer du sein. Le laboratoire est soutien institutionnel de la société française d’angiogénèse, les médicaments d’anti-angiogénèse s’inscrivent dans ce qu’on appelle la thérapie ciblée, et cette mini-révolution thérapeutique commence en 2004 avec la commercialisation par Roche de l’Avastin. En gros ces molécules empêchent les vaisseaux nourrissant la tumeur de proliférer et « affament » ainsi la tumeur, c’est un marché prometteur pour Roche avec l’arrivée d’autres molécules analogues en vue, et le laboratoire soutient logiquement la Société Française d’Angiogénèse lors de ses congrès .

Nous constatons que certains noms d’experts scientifiques se retrouvent comme par magie avec une récurrence déconcertante dans les différents conseils scientifiques de ces différentes structures : l’INCA, Europa Donna et le laboratoire Roche. Ainsi le Pr Marty, cancérologue ayant dirigé pendant 19 ans le service d’oncologie médicale de l’Hôpital Saint-Louis, directeur de recherche thérapeutique à l’IGR (Institut Gustave Roussy) est également président du groupe onco-hématologie de l’AFSSAPS en 2007 (ex-agence française du médicament), mais aussi présent dans le conseil scientifique de l’Agence Européenne du Médicament.

Nous le retrouvons actuellement dans le conseil scientifique d’Europa Donna, dans le conseil scientifique du comité Val d’Oise de la Ligue, comme président du conseil d’administration de la Société Française du Cancer, et dans le conseil scientifique de l’INCA. Le Pr Marty est également orateur pour Roche, co-investigateur pour des essais multi-centriques pour Roche en 2014, et consultant chez Pfizer.

Il se trouve que la Société Française de Cancérologie qu’il préside (jusqu’en 2015) est subventionnée par l’EACR (European Association for Cancer Research), lequel organisme subventionne , pardon , est « soutien institutionnel » de la société française d’angiogénèse. La société française d’angiogénèse est donc soutenue par Roche (très impliqué comme on l’a vu dans la recherche sur les ‘anti-angiogénèses’) , par Pfizer, par Sanofi, par la Société Française du Cancer (elle-même partenaire avec l’INCA), par l’EACR et par la Ligue.

Au total, le Pr Marty est donc partie prenante à l’INCA (conseil scientifique), dans la Société Française du Cancer (qu’il préside), dans Europa Donna (conseil scientifique) soutenue par Roche, dans la Ligue (comité scientifique), en même temps qu’auprès des laboratoires Roche et Pfizer, et indirectement dans la société française d’angiogénèse, puisque la Société Française du Cancer présidée par Pr Marty en est partenaire, le tout subventionné par l’EACR (subventions à la fois versus SFC et société d’angiogénèse)…

Mais comme dans la fameuse publicité, ce n’est pas tout. Car le bout des ramifications que nous avons suivies, depuis l’association de levée de fonds jusqu’aux laboratoires pharmaceutiques, c’est la femme, la fin et l’épicentre à la fois de cette matrice bienveillante tissée comme une toile d’araignée autour de ses seins. Et elle est où ? Eh bien justement, elle est là, petit moucheron au milieu, prisonnière d’intérêts pas tous philanthropiques, s’agitant pour exister, courant dans des courses, marchant dans des marches, achetant surtout et remplissant ainsi son rôle de bonne petite acheteuse si prisée du peuple marchand, naïve et innocente victime de goodies roses qui vont alimenter le système dont elle est piégée et de puissants lobbys pharmaceutiques qui ne veulent que son bien.

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LES ENSEIGNES, rôles et obligations

Quel bonheur ce cancer ! Grâce à lui, sous prétexte de lutter contre ses méfaits on nous ferait avaler n’importe quoi. A commencer par du fromage. On l’a rêvé, Tupperware l’a fait.

https://www.cancerdusein.org/mecenes/partenaires/tupperware

« Avec un chiffre d'affaires d'un milliard de dollars, Tupperware est l‘un des plus importants fabricants mondiaux d‘ustensiles de cuisine et d'articles en matière synthétique pour la maison et les loisirs. » Voilà ce qu’ils disent, les tupper-warriors, et ce qu’ils font en 2014 : reverser un euro par cave à fromage vendue, à l’association « le cancer du sein, parlons-en » (Actuelle association Ruban Rose).
http://tupperwaregresivaudan.centerblog.net/2-octobre-rose

La cave à fromage, ce n’est pas n’importe laquelle, elle est rose, ce qui change tout. Récapitulons, un milliard de dollars de chiffre d’affaires, 30.10 euros la cave, un euro par objet reversé à la lutte contre le cancer….

Quand on demande à l’association si l’objectif de la lutte contre le cancer ne leur paraît pas un peu éloigné de la cave à fromage, l’association répond qu’elle a refusé tout partenariat avec des marques d’alcool , ce qui ne répond pas à la question de l’objet de la cave à fromage en lui-même, si singulièrement dénué de lien avec le cancer du sein. On serait tenté d’avoir des soupçons de quelques velléités de la part de ces marques de faire du business en surfant sur la vague rose, à l’instar de la Fiat rose, du yaourt rose, de la Ronde des Pains qui commercialise la baguette rose pendant le mois d’octobre, des Galeries Lafayette qui se parent de rose etc etc etc..

Mais à qui profite cette incitation d’année en année de plus en plus débordante à la campagne d’octobre rose et aux « actions » organisées pendant ce mois, qui revient aussi sûrement tous les ans que la migration du pinson du nord, du tarin des aulnes ou de la grue cendrée ? Si seulement la vague rose pouvait prendre le chemin inverse……

L’association « le Cancer Du Sein, Parlons-En » (actuellement Ruban Rose donc), aux partenaires multi-marques, (cliquez sur l'onglet "nos mécènes")  est organisatrice des « Prix Ruban Rose ». Ce prix récompense et dote des projets de recherche originaux. C’est un vrai rapport « gagnant-gagnant », car parmi les partenaires du prix on retrouve les fameuses enseignes mais aussi le laboratoire pharmaceutique Lilly par exemple, commercialisant le Gemzar, médicament anti-cancéreux, et dans la rubrique « la recherche », l’association sur son site ne manque pas de citer les fameux médicaments d’anti-angiogénèse chers à Roche (Avastin).

Prenons l’un des partenaires, au hasard Bobbi Brown: sur le site de l’association l’enseigne proclame « 10 % du prix de vente sera reversé à l’association "Le Cancer du Sein, Parlons-en !". »

Mais, combien cela fait ?

Pour le partenaire Cora c’est un peu plus précis, pour tout soutien-gorge acheté (au moins le produit est plus ou moins en relation avec la cause), 2,5 euros seront reversés à l’association. Parmi les partenaires de Cora on retrouve encore des enseignes : Athena, Dim, Triumph et bien d’autres, ceci mettant en évidence le système tentaculaire et « réseauté » des marques reliées les unes aux autres.

On apprend que Cora a reversé 82 003 euros au Prix Ruban Rose en 2013. Cette belle création de l’association Ruban Rose permet de ventiler beaucoup de moyens d’un vase communiquant à l’autre. Car ces prix, comme il est expliqué sur le site de l’association Ruban Rose sont : «  créés par l'association ‘Le Cancer du Sein, Parlons-en !‘ et financés grâce aux efforts des membres fondateurs de l'Association, de ses différents partenaires et supporters. »

Ainsi le don de l’acheteuse passe d’abord par l’enseigne commerciale, transite par l’association Ruban Rose, atterrit dans une dotation pour la recherche qui créera, entre autres projets, des molécules qui pourront être commercialisées par le laboratoire pharmaceutique sponsor de l’association. Ladite molécule la traitera de son futur cancer du sein, lequel pourra d’ailleurs être fabriqué par les solvants contenus dans les produits cosmétiques du sponsor, ou par exemple les matières plastiques utilisées par Tuperware (un autre sponsor), par les constituants de téléphones portables de PNY-technologies (aussi sponsor), par le diesel émis des motos lors du Trophée Rose des Sables (itou)… Tout le monde y gagne, enfin presque…

Mais récapitulons, l’intitulé de notre article était bien :

les enseignes, rôles et obligations-

Nous avons vu leur rôle, qu’en est-il de leurs obligations ? Existe- t il une sorte de « cahier des charges éthique » ? Que nenni, il n’y en a aucun, pourtant les questions auxquelles les marques et enseignes devraient être dans l’OBLIGATION légale de répondre, par souci de transparence, seraient les suivantes :

1-Quel pourcentage des dons engrangés est reversé, et quel est le montant maximal donné à la cause ? (certaines enseignes l’affichent)

2-Quel est le budget marketing ? Quelle est sa proportion par rapport à la somme « reversée » à la cause ? Est-ce que ce budget ‘marketing et fonctionnement’ est égal, inférieur ou supérieur à la partie reversée ?

3-Quels sont les destinataires, et surtout quels types de programmes sont financés par ces sommes engrangées ? Cela est parfois affiché, mais les libellés sont …mystérieux voire hermétiques pour le lecteur lambda. Par exemple le Prix Ruban Rose 2014 récompensait le projet suivant :

"Identification de nouvelles thérapeutiques ciblées dans le cancer du sein à l’aide d’un large panel de tumeurs humaines xénogreffées"

4-Qu’advient-il des résultats de la recherche ? Sont-ils publiés ? A qui l’information scientifique est-elle donnée, quelle est la retombée exacte en matière d’avancée sur le cancer du sein ?

5-Enfin, le produit vendu par le partenaire commercial pour la cause comporte-t il une éventuelle toxicité ou effet néfaste en matière de santé publique ou de santé spécifiquement de la femme ?

Pourrait-on envisager également ce même « cahier des charges éthique » pour les associations qui promeuvent directement les marques, telles que le CDSPE, en leur imposant :

1- De s’abstenir de tout message médical sans avoir informé la lectrice de toutes les données, à savoir des bénéfices et risques de telle ou telle technique d’imagerie par exemple, ou alors d’évoquer les aspects médicaux en renvoyant sur une information médicale complète et objective que la lectrice pourrait retrouver facilement. C’est à dire d’informer sur la controverse qui existe autour du sujet.

2-De donner les résultats chiffrés et précis des recherches qui ont été financées par le Prix Ruban Rose, et des informations sur l’aboutissement concret de ces recherches.

3-D’inciter les femmes à rechercher une information balancée.

On retrouve même sur le site de l’association Ruban Rose, site non-médical, une mention sur les bienfaits du dépistage qui décline les avantages de la mammographie, de l’échographie, de l’IRM :
http://www.cancerdusein.org/les-cancers-du-sein/la-recherche/progres-techniques-et-medicaux

« La lutte contre le cancer du sein passe aussi par des progrès pour le dépistage du cancer. Ces progrès concernent l'imagerie et également les tests génétiques de dépistage pour le cancer du sein. »

Et de rajouter : « N'hésitez pas à en parler avec votre médecin traitant. »
Cette phrase sibylline ne mentionne bien sûr pas que ledit médecin traitant perçoit une prime à l’incitation des patientes au dépistage du cancer du sein selon une convention médecins-Assurance Maladie ; 2% des généralistes ont refusé cette incitation pécunière……

Pour finir, ci-dessous une phrase était visible initialement sur le site de l’association Ruban Rose publiée sans vergogne et contenant une contre-vérité, une assertion fausse et contredite depuis des études rigoureuses conduites dans les pays scandinaves, et aux Pays Bas plus récemment  : « D'après les données fournies par l'ANAES (Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé), les premiers essais randomisés de dépistage ont montré que la mammographie pratiquée tous les 2 ans permet de réduire de l'ordre de 30 % la mortalité spécifique des femmes de 50 à 69 ans, après 7 à 13 ans de suivi. »
Actuellement, l'association est bien obligée de publier des chiffres plus actuels et bien plus décevants, de l'ordre de 15 à 20%. (http://www.cancerdusein.org/les-cancers-du-sein/le-depistage-precoce/le-depistage-organise-en-france)
Pourquoi cette présentation est-elle fallacieuse et trompe les femmes ?
Explication fournie ici : https://cancer-rose.fr/2017/01/03/mensonges-et-tromperies/
Cela ne signifie en aucun cas que 20 femmes sur 100 dépistées, en moins, mourront. Cela signifie que sur 2000 femmes, et sur 10 années de dépistage, une seule femme sera épargnée tandis que dans le même temps 20 femmes subiront un diagnostic et un traitement inutiles et que 200 femmes recevront une fausse alerte.
Article à lire ici : https://cancer-rose.fr/2021/10/19/quelle-est-la-difference-entre-fausse-alerte-et-surdiagnostic/

En effet, il faut restituer les données en valeurs absolues :

Si sur 1 000 femmes dépistées 4 meurent d'un cancer du sein, et que sur un groupe de femmes non dépistées 5 meurent d'un cancer du sein, le passage de 5 à 4 constitue mathématiquement une réduction de 20% de mortalité, mais en chiffres absolus cela ne fait qu'une différence d'une seule femme... C'est pour cela qu'il convient de toujours exiger une présentation en données réelles, et non en pourcentage ce qui enjolive la situation.

Pour bien comprendre la différence entre risque relatif et absolu, lire ici : https://web.archive.org/web/20170623084247/http://hippocrate-et-pindare.fr/2017/01/01/resolution-2017-non-au-risque-relatif-oui-au-risque-absolu/

L'évolution de la mortalité par ce cancer est favorable ces dernières décades, c'est vrai : mais c'est un phénomène connu, attribuable aux traitements, à l'arrêt de la prescription systématique des traitements hormonaux substitutifs, à une meilleure vigilance des femmes qui consultent lors de l'apparition d'un signe d'appel, et on récolte peut-être enfin les fruits des campagnes relatives aux facteurs de risques. Plusieurs études d'impacts notent que :

  1. la diminution de mortalité, partout où elle est constatée, est plus forte chez femmes de tranches d'âges jeunes,
  2. elle existe autant chez les femmes non dépistées (étude Miller)
  3. elle est moindre que pour d'autres formes de cancers, alors que des moyens colossaux sont mis en oeuvre pour le dépistage du cancer du sein.
  4. d’autres formes de cancers sont aussi concernées dans cette baisse de mortalité, alors que ces cancers ne sont pas intégrés dans des campagnes de dépistage.
  5. les études d’impact démontrent que la réduction de mortalité est imputable aux thérapeutiques anti-cancéreuses, en développement depuis les années 90.
  6. La décroissance de mortalité n'est pas corrélée avec le temps d’instauration du DO, on la perçoit dès les années 90, alors qu’aux US et en Suède le dépistage intervient dans les années 80, en France seulement en 2004.

Le surdiagnostic, effet secondaire indésirable majeur du dépistage est un aspect non évoqué sur le site de l’association, ce qui pourtant pourrait faire pencher la balance bénéfice/risque du dépistage vers la seconde mention..

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LES COURSES ROSES, charité bien ordonnée…

Saint-Martin le Miséricordieux partagea sa cape un soir d’hiver pour sauver un déshérité d’une mort certaine, ainsi dit la légende…

Qu’a donc fait Saint-Martin le Miséricordieux ?

A-t il fait appel à un communicant pour éditer des plaquettes à distribuer pour la cause du déshérité ? Non. A-t il créé un ruban gris (couleur du déshéritage) à distribuer dans les campagnes aux hommes et femmes de bonne volonté ? Que nenni. A-t il confectionné une cape au slogan « courez contre la déshéritation ! » Non plus.

Une petite association « Le déshéritement, parlons-en » ? Vous pouvez toujours cour… chercher. Même pas un petit porte-clé en forme de cape, une broche en forme d’âne (il était sur un âne Saint-Martin), même pas, nada, rien du tout. Il n’avait pas le sens du marketing notre humble saint homme.

On ne donne plus directement d’ailleurs, quelle ringardise. Non, d’abord on achète des goodies roses, après on court en rose, ensuite on s’embrasse et on se dit qu’on a bien couru, on rentre chez soi, on se douche et on s’endort avec la conscience d’avoir FAIT quelque chose contre ce salaud de cancer. L’action dans le vide, c’est néanmoins un geste. Le cancer est toujours là, mais ah, que l’illusion de l’action est douce !

Qui se partage les opérations de la course en rose ?

Nous trouvons deux cas de figure : des associations à but non lucratif composées de bonnes volontés mais véhiculant une information incomplète et biaisée aux femmes qu’elles incitent à la course, et des entreprises opportunistes récupérant la campagne d’octobre rose à des fins mercantiles. Nous en étudierons une : La Parisienne.

1-Les associations à but non lucratif

a.Les comités de femmes

Organisés en fédération, les comités féminins existent dans vingt départements français, sont « patronés » par la Ministre de la Santé et parrainés par l’INCA (Institut National du Cancer). La cotisation en général coûte entre 10 et 20 euros selon les comités, et l’inscription aux courses ou marches entre 8 et 10 euros par participante. La Fédération possède un site national et chaque comité également, mais l’information qui y est dispensée mérite éclaircissements.

La prévention du cancer du sein n’existe pas.

La prévention du cancer du sein n’existe pas, car le coupable « idéal » n’a pas été isolé, à l’inverse du cancer du poumon par exemple où le tabagisme en est la source évidente et identifiée.

Il y a donc un abus de langage lorsque le site national de la Fédération des Comités proclame « La Fédération Nationale des Comités Féminins, pour la prévention et le dépistage du cancer du sein », tout en vous appelant aux dons.

Pour le cancer du sein, on a pu mettre à jour tout au plus des facteurs favorisants ; on sait que le manque d’activité physique, la consommation alcoolique, les traitements hormonaux de la ménopause sur une longue période, l’âge tardif de la première grossesse, le tabac etc.. favorisent statistiquement la survenue de ce cancer. Mais ce n’est pas parce que vous courrez tous les jours deux heures, ne consommerez même pas la coupe de champagne au Nouvel An et éviterez toute atmosphère enfumée que vous obtiendrez la garantie de ne jamais voir la maladie.

Dépister n’est pas prévenir, même si sur le site on vous l’enrobe dans le vocable de « prévention secondaire », cela ne veut rien dire ; lorsqu’on détecte le cancer il est bien là, et l’on ne peut rien détecter avant.

Le dépistage ne réduit pas de façon significative le taux de mortalité.

Les dernières études par essais contrôlés randomisés, c’est à dire dont la fiabilité et l’objectivité sont reconnues comme les meilleures (voir la définition et explication dans la page FAQ du menu) , ces études-là nous incitent à revoir le gain de mortalité par cancer du sein à la baisse. La croyance répandue et encore visible sur certains sites, par exemple sur celui du Comité Gironde ainsi que celui de la Fédération des Comités, est que le dépistage réduirait de 30% la mortalité par cancer du sein. Ceci est repris aussi sur le ‘guide pratique’ (pdf) des comités.

Mais force est de constater que cette réduction est plus faible qu’escomptée, qu’on ne la met pas en évidence dans les études en situation réelle et surtout que cette valeur n’est pas absolue, mais est à mettre en balance avec le problème du surdiagnostic (tout cela vous sera expliqué avec des schémas pédagogiques dans l’article « balance bénéfices/risques » ainsi que dans la rubrique FAQ).

Comme nous l’avons vu plus haut on peut agir sur les facteurs de risque. Sur le site de la Fédération vous trouvez pourtant  une explication selon laquelle le dépistage est le « seul moyen reconnu depuis de nombreuses années pour diminuer la mortalité de ce cancer ». Le dépistage n’est certainement pas le seul moyen pour diminuer la létalité de ce cancer, puisqu’on peut agir en amont sur les facteurs de risque, sur les traitements hormonaux substitutifs par exemple en les limitant, et qu’il existe en aval un arsenal thérapeutique plus efficace pour contrer la maladie et son extension.

Tout dépistage entraîne un surdiagnostic. Même si le chiffre varie, on admet environ 20% de surdiagnostic (voir ‘fiche pratique pour y voir clair’ et les articles de la catégorie ‘surdiagnostic’). Etendre le dépistage à une tranche d’âge en dessous de 50 ans et au-dessus de 74 ans, de toute évidence augmentera le problème du surdiagnostic avec l’augmentation du nombre de femmes dépistées. Surtout pour les femmes avant 50 ans la lisibilité de la mammographie est d’autant plus compromise que le sein est dense, et il faut irradier plus pour pouvoir « lire ». On augmente donc à la fois un potentiel surdiagnostic ainsi que l’irradiation.

Pourtant sur la page d’accueil du Comité Gironde on incite les femmes à faire un dépistage par mammographie tous les 2ans dès 40 ans ; même le guide pratique du comité n’hésite pas à prôner un dépistage étendu au-delà de 75 ans ainsi qu’avant 50 ans, arguant que la lisibilité de la mammographie s’est améliorée. Les dégâts potentiels d’un diagnostic excessif, avec son cortège d’examens irradiants, invasifs, inutiles chez la femme de cette tranche d’âge des 40-50 ans sont ignorés, et la mise en balance des bénéfices face aux risques est résumée dans une phrase lapidaire : « le dépistage comme toute action médicale, présente des bénéfices ainsi que quelques inconvénients à connaître. » On aimerait bien justement…

C’est éluder les chiffres du surdiagnostic et les récentes études nordiques qui montrent que sur 2000 femmes dépistées pendant 10 années, 200 femmes seront victimes d’une fausse alerte et dix considérées comme cancéreuses et traitées inutilement…

« Dépistage accessible à toutes » et « entièrement gratuit » clame encore la page web de la Fédération. Et alors ? Est-ce réellement un but en soi d’être égalitaire dans le non-sens ? Dans l’absurdité ? A quoi bon un dépistage égalitaire où toutes les femmes seraient égalitairement exposées aux méfaits du dispositif ? A ses effets adverses, comme surdiagnostic et surtraitement ? Alors merci, merci aux copines qui ont couru, se sont bien fait dépister et ont égalitairement souffert dans leur chair inutilement pour une lésion qui n’aurait jamais mis leur vie en danger, ou qui ne nécessitait pas les traitements lourds infligés. Ou qui ont bénéficié de toute une batterie d’examens et de gestes invasifs pour une lésion avérée bénigne. Merci à toutes ces femmes qu’on a tellement incitées à courir pour la promotion de l’esprit égalitaire qu’elles en ont perdu leur qualité de vie…L’essentiel n’est pas le résultat de toute façon, c’est le show, « l’action », même si le show est absurde et l’action dans le vide.

b-les associations « free-lance »

Alors là nous avons dans notre région Lorraine par exemple l’association « les Dames de Cœur », créée en 2013 dans le but d’organiser à Thionville une marche-course réservée aux femmes, la « Thionvilloise ». Inscription : 12 euros, et vous obtenez un T-shirt dont je vous laisse deviner la couleur.

L’intégralité des bénéfices est reversée aux structures de lutte contre le cancer.

Ainsi nous explique Mme Nadine Wolf, responsable de l’association les Dames de Coeur, dans un courrier du 14/01/2015, qu’en 2013 trente-six mille euros ont été redistribués :

-25000 au CHR de Thionville (achat de trousses de produits de soins, table de modelage, bac à shampoing, et salle pour les familles…)

-7000 euros à la Ligue conte le Cancer

-4000 euros à l’Institut de Cancérologie de Lorraine (Nancy), mais là on ne nous dit pas si c’est pour acquérir des sèche-cheveux ou peut-être des tours de potiers.

Quoi qu’il en soit, on s’arme d’une calculette et tout tombe parfaitement pile poil.

Il n’y a rien à dire, tout tombe juste.

Les T-shirts en 2013 ont été commandés auprès d’une entreprise thionvilloise JP-Publicité, et en 2014 auprès d’une entreprise messine Forum Pub.

Les collectes permettent d’indemniser une coach de vie pour animer la marche afghane, et des moniteurs encadrent la marche nordique. Ensuite il y a une couverture de presse le lendemain qui permet aux commerçants-sponsors une bonne visibilité, et tout le monde est gagnant-gagnant dans une conscience collective sirupeuse de BA accomplie. Les vendeurs de tables de modelage et de bacs à shampoing aussi sont contents. La coach de vie, oui aussi. Et le cancer avance toujours.

Dans le genre on trouve aussi l’association Odyssea, qui organise des courses dans plusieurs villes au profit de l’Institut Gustave Roussy, la Ligue Nationale et autres structures….

Ou bien encore pour soutenir des associations hautement utiles comme « mieux vivre » qui crée des liens pour parler positivement du cancer, ou encore « L’association 4 S “Sport, Santé, Solidarité, Savoie », laquelle propose des activités aux patientes (aquagym, tai chi, marche active et gymnastique douce). Bref, voilà une association qui fait courir pour collecter pour soutenir d’autres associations qui vous font marcher…

Il m’est arrivé de demander à des cancéreuses ce qu’elles pensaient de ces courses roses, obligatoirement dans la joie et la bonne humeur, toutes les photos publiées ensuite ne montrant que des femmes heureuses, solidaires, épanouies, heureuses d’être solidairement épanouies. L’une de ces malades me confie : « si on pouvait nous oublier un peu et nous laisser tranquilles avec notre cancer au lieu de nous le rappeler tout le mois durant. On réchappe plus facilement au cancer qu’à Octobre Rose ». Une autre de soupirer : « tout ça, c’est pour les bien-portantes. Moi, je ne peux que les regarder courir, l’estomac entre les dents. Tant mieux si elles s’amusent, elles. »

2-Une entreprise : La Parisienne

Nous nous entretenons au téléphone (après échange de mails) avec Mme Jennifer Molina, assistante de Mme Jennifer Aknin, qui dirige cette SARL, car en effet, il ne s’agit pas d’une association mais d’une société à responsabilité limitée. A mes premières questions sur le fonctionnement de la société, Mme Aknin me répond (mail du 05/12/2014) : « je me permets juste de vous informer que La Parisienne est une SAS et n’est pas un événement caritatif ». D’accord.

Toutefois lors de l’inscription (j’ai commencé l’inscription) l’article 18 du règlement de la course s’appelle bien ‘actions caritatives’. Nous les détaillerons plus bas. De plus sur la page dédiée au ‘challenge entreprise’ un encart rose bien visible fait état du don pour la Fondation à la Recherche Médicale contre le cancer du sein. Il s’agit bien de références à une action caritative.

L’inscription à la course coûte 40 euros pour les premiers 5000 dossards et ensuite elle se monte à 50 euros par personne, plus 75 euros HT de frais de dossiers pour les entreprises si on opte pour le ‘challenge entreprise ‘(90 euros TTC).

Ce tarif d’inscription comprend : le dossard, le T-shirt ‘La Parisienne Reebock’ (un des sponsors), le diplôme, la médaille, le dvd souvenir, la carte ‘La Parisienne-Reebock’ donnant accès à la vente de produits des partenaires, le magazine ‘La Parisienne-Attitude’ et l’accès prioritaire au ‘Village La Parisienne’ où sont prodigués massages et cours. Dans ce « package » on vous offre aussi La Rose pour se vautrer encore un peu plus dans le stéréotype.

Vous pouvez courir dans le cadre du « challenge mère-fille », le « challenge copines » ou le « challenge entreprise », bref on ratisse large, puisqu’une femme a bien quelque part une mère, une fille, des copines, et travaille avec des gens. Ma mère de 88 ans n’ayant pas accepté mon invitation au ‘challenge mère-fille’, allez savoir pourquoi, j’ai dû arrêter là mon inscription….

Examinons les actions caritatives de plus près :

-l’opération « 1euro,1ruban », la totalité des fonds sont reversés à la Fondation pour la Recherche !

-1euro de participation symbolique sera demandé sur les entraînements (dispensés par La Parisienne) et la totalité des sommes sera reversée à l’association CAMISport et Cancer.

Lors de notre conversation téléphonique Mme Molina m’explique que 119 000 euros ont pu être ainsi versés à la Fondation pour la Recherche en 2014, contre 28 000 euros en 2012.

Reprenons la calculette : en 2014 il y a eu 39000 inscriptions (39354 exactement).

A raison d’une inscription à 40 euros pour les 5000 premiers dossards et de 50 euros pour les inscriptions suivantes, cela nous donne la somme de 200 000 euros plus 1 700 000 euros, donc 1 900 000 euros de recette au minimum (il faudrait rajouter à cela les 75 à 90 euros de frais de dossiers par entreprise). Si on enlève les 39000 euros de l’opération « un euro, un ruban » au 119 000 euros octroyés à la recherche, cela fait 80 000 euros effectivement donnés par La Parisienne à la Fondation sur les inscriptions récoltées.

80 000 euros sur 1 900 000 euros de recette (minimum), cela veut dire que l’entreprise La Parisienne consacre au mieux 4,2% des gains sur les inscriptions à l’action caritative.

La Parisienne a été plusieurs fois par le passé critiquée sur le fait que l’action caritative du mois d’octobre était plus un prétexte marketing. Bien sûr que cette entreprise a également ses frais de fonctionnements, de gestion, d’équipements et pourrait aussi bien ne rien donner comme se plaît à répondre Mme Aknin lors d’une interview sur le site Runners.fr en 2013. Toutefois Mme Aknin oublie de mentionner deux choses : le recrutement de 1500 bénévoles pour le bon déroulement de l’événement, et les sponsors.

Car les partenaires ne sont pas oubliés sur le site : Vital, Chérie FM, Reebock, Evian, arbre Vert et bien d’autres….

Lors de cette interview publiée sur Runners.fr Mme Aknin invoque le caractère émouvant et convivial de la manifestation, on peut y ajouter le caractère rentable aussi. D’année en année le nombre des participantes augmente.

Alors, au-delà de l’inscription, de l’incitation des participantes à des gestes de générosité, de l’appel aux dons, au-delà du fait que c’est la coureuse qui assure tout le travail de levée de fonds lors de toutes ces courses caritatives, le bonheur du rassemblement communautaire, ça n’a pas de prix !

Mais un bénéfice pour certains oui, ça en a bien un….

 

 

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EUROPA DONNA

Dr Cécile Bour, 2014

voir aussi : https://www.cancer-rose.fr/cette-annee-octobre-rose-commence-en-septembre/

et aussi : https://cancer-rose.fr/2017/01/03/associations-et-ramifications/

« Parmi les droits des femmes, celui à la meilleure information et à la meilleure prise en charge du cancer du sein est le combat d’Europa Donna. »

Voilà la louange d’accueil du site de l’association Europa Donna France : une « une association militante qui informe, rassemble et soutient les femmes dans la lutte contre le cancer du sein. Elle est membre d'une coalition, Europa Donna, coalition regroupant 46 pays sur le continent européen. »

A défaut de chevaucher les cervicales d’un ruminant sur un océan, comme la belle Europe est souvent représentée par les artistes, ED surfe surtout sur une vague rose au cou de géants pharmaceutiques et de subventions européennes. Toutefois l’association européenne, sur son site, se défend d’être un organisme à but lucratif, assure ne recevoir aucune subvention régulière de l’Union Européenne mais accepter des versements de fonds de la commission européenne sur la base d’un projet. Ainsi en 2013 Europa Donna, dans son rapport d’activité, remercie l’Union européenne pour sa dotation de 100.000 euros dans le cadre du programme de santé sur le cancer du sein.

Europa Donna France édite une brochure d’information concernant le dépistage organisé du cancer du sein qui date de 2012 et parle encore du chiffre de 30% de gain de mortalité, chiffre largement revu à la baisse depuis certain temps.

On peut lire, toujours sur le site de ED France, qu’elle soutient la campagne d’octobre rose de l’INCA (Institut National du Cancer) et qu’elle bénéficie de partenaires médicaux, parmi lesquels on retrouve des laboratoires pharmaceutiques comme Roche, Pfizer, Sanofi, Lilly…

 Cliquez ci-contre sur l'organigramme synthétique des différentes intrications 

La Présidente est Mme Nicole Zernik (voir article réactualisé de 2017, lien en début d'article, actuelle présidente : Mme Natacha Espié) et dans le Conseil Scientifique nous trouvons un cancérologue, Dr Marc Espié, responsable des maladies du sein à l’Hôpital Saint-Louis (Paris). Cet oncologue est intervenu publiquement à plusieurs reprises pour défendre le dépistage organisé, par exemple sur Vidal-actualités en 2013 où l’oncologue parle de 20 à 30% de réduction de mortalité grâce au dépistage organisé, ou bien encore sur Youtube en janvier 2015 pour le laboratoire Sanofi. Cette fois, l’oncologue cite le chiffre de 20% de réduction de mortalité, correspondant à un chiffre très optimiste et vraisemblablement surestimé. (Je vous convie à la lecture de la « fiche pratique pour y voir plus clair », sur ce site).

Dr Marc Espié est également membre du Conseil scientifique de la Société Française du Cancer, présidée par Pr Marty (voir l’article sur le site « à propos d’un lobbying »). Cette SFC (Société Française du Cancer) est partenaire de l’INCA ainsi que de la Société Française d’Angiogénèse soutenue par Pfizer et Roche (soutien institutionnel). Ce terme de soutien institutionnel fort souvent utilisé correspond à une élégance sémantique car les laboratoires pharmaceutiques ne sont pas des institutions mais bien des entreprises commerciales.

Nous retrouvons la Déclaration Publique d’Intérêt de Dr Marc Espié sur le site du Conseil de l’Ordre des Médecins et constatons que ce défenseur du dépistage organisé, de 2012 à 2014, fut plusieurs fois en contrat de conseil/prestations avec les laboratoires GlaxoSmithKline, avec Roche en tant qu’expert et avec Novartis Pharma. Par exemple le Dr Marc Espié a réalisé une étude sur l’Avastin en 2014 publiée dans le bulletin du cancer, médicament anticancéreux commercialisé par Roche. Ou encore en 2012, étude sur l’Herceptin (trastuzumab), également commercialisé par Roche. Ou encore, toujours sur le bevacizumab (Avastin, antiangiogénique Roche) en 2011 . Ou en 2010, aussi …etc..

Outre les partenaires médicaux sus-cités, Europa Donna bénéficie également du partenariat du laboratoire Novartis qui posséde une branche agro-chimique. On apprend que la société Syngenta est une société suisse spécialisée dans la chimie et l'agroalimentaire, issue de la fusion en novembre 2000 des divisions agrochimiques des sociétés AstraZeneca et Novartis. ( Source : Wikipédia)

Rappelons que la société Syngenta commercialise le maïs BT génétiquement modifié ainsi qu’un pesticide tenu pour responsable de la surmortalité des abeilles par un effet neurotoxique. Mais tout ceci est une autre affaire, bien sûr, rien à voir avec le cancer, quoique ?….

Un organigramme ci-joint tente de vous clarifier les liens et ramifications.

Europa Dona se présente comme organisation à but non lucratif . Certes, mais n’est-ce pas plutôt une organisation qui œuvre au profit de sociétés dont le but est de vendre le plus possible de produits ?

L’affirmation de ces experts qui oeuvrent à renforcer « la cause » n’est-elle pas ternie lorsque visiblement ils travaillent pour des sociétés pharmaceutiques, à but lucratif elles, et dont ils reçoivent d’ailleurs de larges subsides ?

N’est-il pas légitime de s’interroger sur une finalité mercantile, tout cela sur le dos des femmes, ou plutôt sur leurs seins, en l’occurrence ?

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Comprendre les conflits d’intérêts en cinq minutes

Comprendre les conflits d’intérêts en 5 minutes

Par Dr NICOT PHILIPPE-

À propos des liens entre le laboratoire Roche et l’Institut National du Cancer

Dans un communiqué du 08 octobre 2013, le laboratoire Pharmaceutique Roche annonce que l’étude EDIFICE menée par un comité scientifique indépendant a montré que « La controverse [sur l’intérêt des mammographies systématiques] a un impact modeste sur les intentions de dépistage des femmes ».

Quels sont les trois acteurs de ce communiqué ? Il s’agit du laboratoire Roche, de l’étude EDIFICE, et de la controverse. Le Laboratoire Roche commercialise des médicaments et des tests sanguins destinés au traitement, au diagnostic ou au suivi du cancer du sein.http://www.roche.fr/home/nos_medicaments/o ncologie.html EDIFICE (Etude sur le dépistage des cancers et ses facteurs de compliance) a pour objectif « d’agir pour favoriser le dépistage précoce des cancers et notamment ceux du sein, du colon et de la prostate. » Une controverse est un débat scientifique qui bouscule les idées reçues et les données qui semblaient acquises ; elle peut induire des changements radicaux et utiles dans les pratiques et les prescriptions.

Lorsqu’une firme pharmaceutique s’intéresse à une controverse c’est généralement pour protéger ses intérêts. L’enjeu que Roche défend est la participation de 80% des femmes à une action de santé qui permettra de réaliser de nombreuses radiographies, échographies, dosages de marqueurs sanguins et d’examens de cytologie, puis de traiter de nombreuses femmes, par de la chirurgie, de la radiothérapie et de la chimiothérapie.

Ce communiqué de presse défend d’autres intérêts moins lisibles. Intéressons-nous aux membres de ce comité scientifique présenté comme indépendant. Il est composé de plusieurs médecins : « Pr Jean-Yves Blay, Dr Yvan Coscas, Pr Jean-François Morère, Pr Xavier Pivot, Pr François Eisinger, Dr Jérôme Viguier. »

Cherchons maintenant les liens d’intérêts de ces confrères qualifiés d’indépendants par le laboratoire Roche.

A minima, voici ce que nous trouvons :
Le Professeur Jean-Yves Blay est, d’après sa déclaration publique d’intérêt (DPI) de l’Institut National du Cancer (INCa), membre du conseil scientifique international de l’INCa. Il est par ailleurs consultant et investigateur principal pour divers laboratoires pharmaceutiques dont le laboratoire Roche, desquels il reçoit régulièrement des rémunérations personnelles.

Le Docteur Yvan Coscas est rémunéré par le laboratoire Roche pour l’étude EDIFICEdepuis 2005. Il est membre du comité de l’étude CALISTA.

Le Professeur Jean-François Morère est leader d’opinion pour l’erlotinib, un médicament anticancéreux de Roche, médicament pour lequel Roche, d’après La Revue Prescrire, a pu compter sur les faveurs de l’EMEA (l’agence européenne du médicament). Il est également rémunéré par le laboratoire Roche pour sa participation à l’étude EDIFICE.

Le Professeur Xavier Pivot est, d’après sa DPI de l’INCA de 2011, président du groupe recherche clinique sein de l’INCa, consultant pour Roche, membre de comités de pilotage de médicaments Roche, investigateur principal de Roche pour des médicaments indiqués dans divers cancers notamment ceux du sein et du cancer colo-rectal. Roche a également pris en charge des frais de déplacements un congrès aux USA. Il est le coordonnateur de l’étude PHARE, promue par l’INCa, qui évalue l’un des traitements majeurs de Roche : le trastuzumab (Herceptin ®). Il est également rémunéré par le laboratoire Roche pour sa participation à l’étude EDIFICE.

Le Professeur François Eisinger, est d’après sa DPI de l’INCA de 2011, expert auprès de l’INCa, consultant rémunéré depuis 2003 par Roche pour une enquête sur le dépistage et pour la rédaction d’article depuis 2008, et effectue pour Roche des interventions dans différents congrès internationaux. Il est également rémunéré par le laboratoire Roche pour sa participation à l’étude EDIFICE.

Le Docteur Jérome Viguier, est d’après sa DPI, détaché à l’INCa depuis 2006. Il est depuis 2013, directeur adjoint au pôle santé publique et soins de l’INCa. Il est membre du conseil scientifique d’EDIFICE de Roche depuis 2007, pour lequel il s’est dessaisi de ses honoraires.

Les intérêts de Roche, de ces experts et de l’INCa sont donc étroitement intriqués, et le mot « indépendant » pour qualifier le comité scientifique de l’étude EDIFICE ne paraît pas adapté.

Le laboratoire Roche ne fait qu’atteindre ses objectifs, comme il l’écrit lui-même :
« Le fait que la branche pharmaceutique du Groupe Roche (Roche Pharma) propose des médicaments oncologiques a facilité la transition vers les nouveaux tests. Les conseillers scientifiques biomarqueurs de Roche Pharma accompagnent les plateformes, en coopération étroite avec Roche Diagnostics. « Avoir un interlocuteur privilégié et pouvoir faire le lien entre le diagnostic et les médicaments est très enrichissant ».
La Revue Prescrire du 01 novembre 2012 relate qu’une inspection de routine menée en 2012 pour le compte de l’Agence européenne du médicament (EMA) a révélé que la firme Roche n’avait pas analysé ni transmis aux agences du médicament plus de 80000 cas suspectés d’effets indésirables, dont plus de 15 000 chez des patients décédés.

Le procès de l’affaire Médiator®, met en lumière le danger de la confusion des intérêts d’une firme pharmaceutique avec ceux d’une agence sanitaire. Aussi le comportement de l’INCa et de ces experts est-il particulièrement surprenant et inquiétant. Philippe Nicot est médecin généraliste à Panazol, conventionné en secteur 1. Il a refusé le paiement à la performance (ROSP). Il a participé à la recommandation de la HAS « La participation au dépistage du cancer du sein des femmes de 50 à 74 ans en France. Février 2012. » Il participe à la controverse sur ce thème. Il fut longtemps membre du conseil d’administration du Formindep. Son épouse est médecin conseil à l’ELSM 87.

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Une « multi-casquettes »

Dans le système du dépistage organisé, on peut être "multi-casquettes" ; ainsi par exemple on peut à la fois coordoner la mise en place du dépistage et former les radiologues.

Mme le Dr Anne Tardivon, radiologue à l’Institut Curie est membre du groupe de liaison pour les dépistages organisés auprès de la DGS (Direction Générale de la Santé), et dans le même temps formatrice à Forcomed, structure délivrant un diplôme permettant au médecin radiologue d’obtenir l’agrément pour être lecteur et/ou relecteur des clichés mammographiques dans le cadre du DO.

Ex-présidente de la SIFEM (ancienne SOFMis, en 2012, société savante de l’imagerie de la femme), Mme le Dr Tardivon est aussi responsable « international relationship » de EUSOBI (European Society of Breast Imaging). Eusobi délivre un diplôme de qualification pour l’imagerie du sein au niveau européen et cette société est soutenue par les sociétés Kubtec, Mammotome et Hologic, fabricants de matériel radiologique et de biopsie, mais également par la MSL (mammography saves lives), une communauté américaine de patients approuvée par le ACR (American College of Radiology). Sur le site de MSL nous retrouvons encore et toujours ce chiffre mythique d’un tiers des femmes dont la vie aurait été sauvée par le dépistage mammographique ; (je vous renvoie à l’article « mortalité et sur-diagnostic » contenant la controverse de ce chiffre asséné régulièrement dans les associations et articles promoteurs de la campagne rose).

ci-contre cliquez sur l'image pour accéder au tableau synthétique

 

Pour en revenir à la société savante SIFEM , nous retrouvons en 2015 Mme le Dr Tardivon dans son conseil d’administration ainsi que dans son conseil scientifique. La société savante avait édité en 2001 un cahier des charges destiné aux radiologues pour l’installation du dépistage et plus récemment un deuxième opus concernant un programme opérationnel pour le dépistage, en tenant compte des remontées des difficultés rencontrées sur le terrain. Elle est soutenue par plusieurs fabricants de matériel de radiologie, parmi lesquels la société Mammotome ainsi que Hologic.

Nous retrouvons Dr Tardivon comme experte désignée par la Société Française de Radiologie dans le cadre d’un travail pour l’HAS portant sur l’association mammographie/échographe dans le DO en 2013. La Société Française de Radiologie correspond à une société savante représentant la profession, et les représentants des sociétés comme la SIFEM siègent à la commission nationale de la SFR.

Europa Donna, coalition européenne oeuvrant pour la santé de la femme est un soutien actif de l’INCA pour la campagne Octobre Rose, et emploie dans son conseil scientifique le Dr Tardivon. Europa Donna est soutenue par le laboratoire Roche pour lequel Dr Tardivon étudie également « l’apport de l’imagerie dans l’évaluation de l’efficacité des anti-angiogéniques » durant l’année 2013.

La radiologue apparaît aussi comme membre du conseil scientifique de l’ADECA75, association pour la promotion du dépistage des cancers du sein à Paris. Sur le site de l’ADECA 75 le Dr Tardivon évoque les problèmes actuels de sur-diagnostics, mais assure que le bénéfice du dépistage dépend du taux de participation qu’il faut donc accroître, selon elle.

Enfin, elle est membre du groupe national du suivi du cancer du sein auprès de l’INCA, ce qui permet d’être à l’origine de la campagne pour le dépistage, dans son suivi et dans la formation des futurs promoteurs de la campagne, les radiologues.

En conclusion, c’est à plusieurs reprises que nous retrouvons cette radiologue à la fois dans des structures de promotion du dépistage et dans des organismes de formation, également dans une position de lien entre les sociétés savantes entre elles ainsi qu’avec les institutions publiques comme l’INCA et l’HAS.

Ce n’est donc pas vraiment étonnant que la patiente n’ait aucune possibilité en consultation d’échapper au discours incitateur du praticien, que ce soit le généraliste (qui reçoit une prime à l’incitation à la participation des patients au dépistage) , ou que ce soit le radiologue, formé par les promoteurs mêmes du dépistage, lui ainsi que ses manipulateurs d’ailleurs.

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