Mythes en médecine, leur réfutation permet-elle pour autant d’installer les faits durablement ?

Dr C.Bour, 24 mai 2020

 

 

Lors de la pandémie Covid-19 que nous venons de connaître, la science basée sur les faits s'est rudement fait maltraiter... La panique générale, la médiocrité médiatique alliées à l'assurance incroyable d'un seul chercheur ont sonné le glas de la recherche sereine des faits, ont proclamé comme miraculeux un traitement sans en avoir la preuve, ont foulé aux pieds le principe du primum non nocere, (d'abord ne pas nuire), qui est le socle même de notre pratique médicale.

Lire à ce propos l'article

Indépendamment des questions de fond, qui ne sont pas notre sujet, ce qu'on constate est que l'urgence d'une situation sanitaire facilite les dérives, les études bâclées mais aussi les prises de positions de personnalités qui ne sont pas au fait des contraintes scientifiques, mais qui veulent imposer leurs convictions.

 

La question intéressante est : même de solides preuves permettant d'enterrer doutes et polémiques ont-elles le pouvoir de mettre un terme à des mythes et des croyances solidement ancrées en médecine ? Et surtout, seront-elles tolérées dans un contexte de maladies graves où le public demande de l'espérance et où la communauté scientifique et les pouvoirs publics préfèrent persister dans une idéologie bienveillante, même si fallacieuse ?

 

 

Parallèle de la situation épidémique avec les mythes véhiculés lors des campagnes de dépistages

 

En tant que collectif tourné vers les problématiques de l'information médicale du public et des interférences d'intervenants non médicaux dans les controverses scientifiques, comme nous les vivons régulièrement lors des campagnes pro-dépistages des cancers, nous pouvons tirer des parallèles avec l'histoire du dépistage du cancer du sein, où les enjeux économiques ainsi que les croyances l'ont emporté sur le raisonnement.

Le public n'aime pas les incertitudes et l'envie incommensurable de venir à bout des grandes menaces en santé permet l'émergence et l'expression immodérée de prometteurs de salut et de guérison.

Comment a-t- on pu imposer ce mantra selon lequel le dépistage est un acte préventif, et que subir des mammographies régulièrement permet de diminuer drastiquement le risque de décéder de cette maladie ?

 

Pour comprendre, un peu d'histoire.

 

Au tout début de l'histoire du dépistage, entre les années 1970 et 1980 et dans diverses villes, comtés, pays ( Norvège, Danemark, Canada, New York, comtés suédois, Malmö en Suède,) des femmes ont été incluses dans ce qu'on appelle des essais, c'est à dire des études qui consistaient à comparer tout simplement le devenir de femmes dépistées contre celui de femmes non dépistées. A l'époque cela pouvait se réaliser, les femmes jusqu'à présent n'ayant jamais été radiographiées au niveau des seins ; on disposait de ce qu'on peut appeler des "cohortes pures". Et ces premières études comparatives alléguaient une formidable diminution de mortalité grâce au dépistage, on invoquait jusqu'à 30% de réduction du risque de décéder d'un cancer du sein. Présenté ainsi, cette performance apparaissait très plaisante. Au vu de ces résultats, il paraissait intuitivement évident que le dépistage du cancer du sein permettrait un diagnostic plus précoce, des traitements plus tôt et de ce fait une baisse drastique de la mortalité par l’éradication des formes les plus graves.

Mais la science est parfois un colosse aux pieds d'argile et tandis que certains érigeaient de commodes convictions, d'autres chercheurs, plus scrupuleux et suspicieux, enfonçaient les aiguillons du doute dans ce socle de certitudes.

Car en effet il fut vite clair, (cela n'est plus contesté par la communauté scientifique), que ces premiers essais comportaient de bien nombreux biais, c'est à dire des irrégularités dans la méthode, dans la répartition des femmes entre les deux groupes et dans les analyses statistiques. La méthodologie des essais n’obéissait pas aux critères de qualité actuels. Par exemple, certaines femmes dites "dépistées" par mammographie avaient des tumeurs déjà cliniquement palpables ! Même, les résultats publiés de l'essai dit des deux comtés suédois étaient incompatibles avec les données du fichier national suédois. Les résultats les meilleurs avaient été obtenus avec les moins bonnes mammographies, aucun des appareils utilisés alors n'obtiendrait l'agrément pour être utilisé de nos jours.

Tandis que de 1992 à 2000 les publications victorieuses se multiplient avec un relai médiatique et social important, à la fois sur les femmes les médecins et les gouvernements, Gotsche et Olsen, deux chercheurs indépendants nordiques procèdent, en 2000-2001, à une méta-analyse selon la méthodologie du collectif Cochrane indépendant auquel ils appartiennent. Et là, c’est le choc.

(La méta-analyse est une méthode scientifique qui permet de combiner les résultats d'une série d'études sur un problème posé et selon un protocole reproductible, ici : est-ce que le dépistage réduit la mortalité par la maladie. Elle permet une analyse plus précise des données par l'augmentation des cas étudiés afin de tirer une conclusion générale. En regroupant les essais précédents réalisés, on obtenait ainsi des données sur 800 000 femmes.)

Gotsche et Olsen se rendent vite compte qu'aucun des essais réalisés n'est de haute qualité et qu'ils comportent tous des biais, parfois importants. En combinant les meilleurs essais (celui dit Malmö 1, et ceux dits Canada 1 et 2), il apparaît qu'il n'existe aucune différence statistiquement significative de mortalité entre les femmes dépistées et non dépistées. Evidemment, ceci constitue un revirement colossal alors que l’enthousiasme pour ce procédé de santé publique, qui devait régler définitivement son compte au cancer, battait son plein.

Malheureusement pour les chercheurs, ils n'eurent pas l'autorisation de publier leurs résultats parmi les revues Cochrane, et le puissant "breast cancer group" de la Cochrane les contraint d'inclure même les essais biaisés afin d’améliorer les résultats ;  à la suite de longues négociations, et avec inclusion des plus médiocres essais, les auteurs ne retrouvent malgré tout qu'un très maigre et hypothétique bénéfice. Ils ajoutent à la fin de leur publication que les meilleurs essais ne montrent aucune diminution de mortalité, et que l'indicateur "mortalité par cancer du sein" n'est pas fiable. Au sujet de ces tractations qui eurent lieu, lire ici : Du rififi dans le monde de l'évidence

Mais la presse au final préféra retenir la belle histoire d’un dépistage salvateur, comme les sociétés savantes, les femmes largement influencées par une presse dithyrambique, les médecins, les autorités sanitaires….[1]

Pourtant d'autres méta-analyses, l'américaine de l'USPTTF* en 2000 et celle de la revue indépendante française Prescrire en 2006 corroborent ces résultats tout aussi décevants, même avec des tranches d'âge étudiées différentes, des laps de temps d'observation différents et des cohortes différentes.

*groupe de travail des services de prévention des États-Unis composé d'experts en soins primaires et en prévention, qui examinent les preuves d'efficacité pour élaborer des recommandations dans le domaine de la prévention.

Les conflits d'intérêts qui gangrénèrent tout l'historique du dépistage du cancer du sein sont très bien relatés sur le site du Formindep[2] [3], et restitués dans le très complet rapport de la concertation citoyenne (à partir de la page 63).

 

Pour conclure

 

 

La science applique une méthode du doute aux croyances et aux superstitions, et à elle-même aussi, dans les études bien faites.

L'incertitude face à des dangers sanitaires favorise les croyances, les espoirs rassurants d'autant plus que cette incertitude est forte, d'une part sur l'ampleur de la menace elle-même, mais aussi sur les moyens de la contrer. Le premier porteur de bonne nouvelle devient un héros, un sauveur. Tout contestataire raisonnable qui applique sa méthode du doute devient un ennemi public.

Avec l'histoire du dépistage on voit comment les mythes, les idées intuitives, simples à comprendre mais fausses, une fois installés ont la vie dure.

Voilà trois décennies que le mythe d'un dépistage "préventif", "salvateur pour les femmes" perdure après avoir été solidement ancré dans les esprits, régulièrement promu par les pouvoirs publics, l'Institut National du cancer et les autorités sanitaires, valorisé par des personnages publics qui s'engagent pour sa promotion. Les preuves de son inefficacité et pire, de ses effets délétères, sont peu médiatisées, n'ont pas droit de cité ; ceux qui veulent les évoquer et mettre en garde les femmes sont traités de complotistes, d'incompétents, de malfaisants pour la cause des femmes et sont inaudibles pendant les campagnes d'octobre rose.

La crise Covid-19 actuelle aura mis en lumière la fragilité de la science par rapport à la croyance, et a mis en exergue toutes les dérives possibles dès qu'on s'éloigne de la recherche des faits, qu'on agit dans la précipitation, qu'on adhère à des convictions justifiées uniquement par leur caractère réconfortant.

 

Références

 

[1] Tout ceci est relaté d'une part dans le rapport de la concertation citoyenne et scientifique sur le dépistage de 2016 dès page 51 , voir https://cancer-rose.fr/wp-content/uploads/2019/07/depistage-cancer-sein-rapport-concertation-sept-2016.pdf

Ainsi que dans le livre de Bernard Duperray "dépistage du cancer du sein, la grande illusion" édition Th Souccar, à partir de la page 26

[2] https://formindep.fr/les-cinquiemes-rencontres-du-formindep/

[3] https://formindep.fr/?s=Tabar%2C+Lancet

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Perte de rigueur et galvaudage scientifiques, recherche médicale de mauvaise qualité

Dr C.Bour, 14 mai 2020

A l'époque de la médecine EBM (evidence based medicine ; médecine fondée sur les preuves ou sur les faits), l'actualité de ces dernières semaines pendant la pandémie Covid 19 a mis en lumière les dérives qui sapent cette approche de la médecine moderne.

N'incriminons pas uniquement le contexte récent ; depuis la dernière décennie et peut-être davantage s'exposent trois maux principaux de la médecine actuelle que dénoncent dans 'Issues' Jeanne Lenzer, journaliste d'investigation médicale et Shannon Brownlee, vice présidente du Lown Institute, groupe étatsunien "non partisan sur les politiques de la santé".

Ces trois dérives fragilisent gravement la médecine factuelle et mettent en péril les bienfaits dus aux patients, elles sont à présent exacerbées en cette période de crise.

Trois dérives principales de la médecine d'aujourd'hui

  • La principale pharmacie de la ville où j'exerce arbore en bandeau au-dessus des comptoirs la devise "primum non nocere". Mais, selon Lenzer et Brownlee, les médecins sont insuffisamment formés à discerner la bonne science des études médiocres, et préfèrent utiliser les molécules qu'ils connaissent et dont l'effet apparaît biologiquement plausible. Peur et précipitation ont sonné le glas de la maxime hippocratienne, pilier de la médecine, on a privilégié les croyances et une foi sans preuve en des médications connues pour d'autres indications, mais dont on ne s'est soucié ni de leur réelle utilité contre un virus émergent et inconnu, ni de leur possible nocivité.
  • Le deuxième écueil identifié par les auteures réside dans le rôle prééminent, de nos jours, des médias. D'une part, les convictions et opinions de non -médecins ont pris le pas, préférentiellement de people et de politiciens, auxquels la parole est largement et généreusement octroyée. D'autre part bien des médias qui s'en font l'écho sont ignorants et incompétents en méthode scientifique ou en recherche de preuves, et ont aussi un intérêt commercial à faire un battage médiatique autour de ces crieurs publics, connus et populaires, mais nuls.

Nous ne pouvons qu'approuver ce constat, ayant été nous-mêmes confrontés à un épisode bien désagréable d'attaques de la part d'un animateur télé, lequel médiatise son vécu du cancer de la prostate à l'envi pour convaincre des gens qui ne lui ont rien demandé de se faire dépister, en dépit de toutes les non-recommandations de ce dépistage.[1] Les foules crédules qui "suivent" ces personnages, fan-clubs en général très fournis sur les réseaux sociaux, ne facilitent pas l'expression de médecins prudents ou de collectifs indépendants comme le nôtre, forcément rabat-joie dans l'espérance générale. La parole des Cassandre n'est guère média-compatible...

  • La troisième calamité dénoncée par Lenzer et Brownlee, ce sont les études de piètre qualité et qui se passent de ce qu'on appelle un "bras témoin", c'est à dire l'inclusion dans l'étude d'un groupe de comparaison auquel on n'a pas administré le médicament testé. Le bras témoin est la pierre angulaire d'un essai randomisé comparatif solide. Il vise à établir formellement l'efficacité réelle d'un produit, mettant en évidence d'éventuels biais dans le protocole testé. Ainsi un médicament peut apparaître comme efficace sur la réduction du risque d'une maladie donnée, alors que la population auquel il a été administré est déjà naturellement moins sujette à ce risque, parce que plus jeune, en meilleure santé ou avec un accès aisé aux soins médicaux. Un bras témoin comportant des sujets très variés peut montrer l'inefficacité du médicament testé dans certains groupes de la population et ainsi pointer du doigt des erreurs de raisonnement ou des biais dont on ne serait pas aperçu. Dans les études construites à la va-vite au contraire, d'éventuels méfaits peuvent ainsi être sous-estimés.

Mais même en dehors de périodes sanitaires critiques, comme dans le domaine du cancer par exemple, la proclamation de médicaments "miracles" ont été légion ces dernières années, avec des études contestables, vendant de l'espoir de chimiothérapies dites "révolutionnaires" . A ce propos lire le billet d'Annette Lexa, notre toxicologue.

Nous rajoutons à ce dernier point sur la mauvaise qualité de la recherche médicale un type particulier d'étude qui se répand actuellement, c'est l'essai de "non-infériorité", d'autant plus frauduleux et perfide que personne n'y comprend goutte. La méthodologie est retorse, l'information des participants et du public est mensongère.

Doshi et col. [2]ont étudié des formulaires de consentement éclairé provenant d’études de non-infériorité sur les antibiotiques. Mais leurs constats sont généralisables, car les applications de ce type d'études sont multiples, en diabétologie, cardiologie, infectiologie, cancérologie. Doshi et col ont constaté que, souvent, ni les experts en méthodologie ni les membres des comités de protection des personnes ne parvenaient à définir le véritable objectif de l’étude à partir des formulaires d'information donnés. Pour les méthodologistes, seulement 1 essai sur 50 restituait selon eux l'objectif de l'étude correctement ; pour les patients, 7 études sur 50 y parvenaient. Ces résultats soulèvent la question de savoir si le consentement est vraiment éclairé et de ce fait, si l'essai est même éthique.

Mais de quoi parle-t-on ?

Les essais de non-infériorité

 

Nous en avons donné une explication résumée au sujet de l'étude MyPEBS pour le dépistage individualisée du cancer du sein qui concerne la thématique de notre site, étude que nous avons longuement analysée ici : https://cancer-rose.fr/my-pebs/

Dans l'essai de non infériorité il s'agit de comparer deux choses (deux dispositifs médicaux ou deux procédés, ou deux médicaments) pour vérifier si le dispositif ou procédé ou traitement testé ne serait pas moins bon que ce qui est déjà en cours d'utilisation, en acceptant une certaine perte d'efficacité dans une certaine marge tolérée, qu'on appelle le seuil de non-infériorité.

Attention il ne s'agit en aucun cas de vérifier si le dispositif, le procédé ou le médicament testé serait supérieur à l'ancien. C'est souvent ainsi que la presse le relate et que les médecins et le public le comprennent, mais il n'en est rien !

Par exemple pour le dépistage du cancer du sein, le but recherché normalement est la diminution des formes graves des cancers. Dans l'étude de non-infériorité MyPEBS, si le nouveau dépistage individualisé testé ne semble pas favoriser un taux de cancers graves supplémentaires au-delà de 25% (seuil arbitrairement fixé), l'essai sera décrété un succès. Vous avez bien lu. Aucun groupe témoin là non plus n'est prévu pour tester ce qui se passerait sans dépistage, ce qui serait légitime pourtant puisque les études récentes sur ce dépistage ne parviennent plus à démontrer une balance bénéfices/risques positive.

Il est vrai que dans les essais de non-infériorité en cancérologie le bras témoin est rarement prévu, on juge que cela n'est pas éthique vu la gravité de la maladie, et qu'on ne peut priver le malade de tout soin. Mais ici, dans l'étude MyPEBS, ce sont bien des femmes saines et sans plainte qui sont testées, ne l'oublions pas.

Ce qu'il faut donc bien comprendre, en résumé, c'est qu'il est possible, avec les essais de non-infériorité, qu'une nouvelle procédure de santé puisse être acceptée comme efficace, même si son effet thérapeutique ou bénéfique est légèrement inférieur à la norme actuelle. Dans un essai de non-infériorité, la nouvelle procédure ou le nouveau médicament ne sont pas supposés rendre le participant mieux loti en santé qu'il ne l'aurait été en dehors de l'essai, puisque la supériorité du procédé ou du médicament n'est pas recherchée.

Les seules hypothèses sont :

- Les participants randomisés dans le groupe testé de l'étude pourraient s'en tirer, dans la meilleure configuration, aussi bien que s'ils n'avaient pas participé à l'essai,

-ou alors potentiellement moins bien dans une marge arbitrairement acceptée, ceci dans le mauvais scénario.

Et tout le monde est content. Le public parce que mal informé et croyant que ce qui a été testé sur lui est 'supérieur', les journalistes qui n'ont pas saisi les subtilités de la méthodologie et rédigent des articles laudatifs, et surtout les concepteurs de l'étude. Pourquoi ? Mais parce qu'avec ce montage l'étude est subtilement biaisée vers le résultat souhaité par le promoteur, qui est d'obtenir ou de sauvegarder une part de marché bien plus que de répondre à une question scientifique dont l'enjeu est le bien-être du patient. Pour MyPEBS, il s'agit bien d'asseoir le dépistage du cancer du sein, puisque les femmes n'auront un choix qu'entre deux options : dépistage ancien ou dépistage individualisé, mais dépistage dans tous les cas.

Pour caricaturer, le patient ou la population ira plus mal ou pas moins bien, mais la bonne nouvelle est que l'étude est un succès...

Deux articles intéressants pour aider le praticien dans l'analyse critique des études qui paraissent

 

Vinay Prasad, dans un éditorial du JGIM[3] (Journal of General Internal Medicine) où il cite d'ailleurs les résultats de Doshi et col., se réfère à la publication d’Aberegg, Hersh et Samore qui ont analysé 183 comparaisons de non-infériorité de 163 essais cliniques publiés dans les cinq revues médicales d' impact majeur.

Aberegg et ses collègues constatent que seulement 70% des études de non-infériorité ont explicitement indiqué pourquoi la nouvelle thérapie aurait un avantage, et que dans 11% des cas, aucun avantage n’a pu être déduit. Cela suggère à ces auteurs que bon nombre de ces études n’auraient pas dû être réalisées.

A quoi le praticien doit-il prendre garde et à quels essais de non-infériorité peut-il faire confiance ? Selon V.Prasad, il convient de :

  • Se demander si la nouvelle thérapie est moins coûteuse, plus pratique, moins invasive ou moins toxique que l’ancienne. Si la réponse est non, cessez la lecture dit-il ! Il doit exister pour le patient une compensation positive de la perte d'efficacité de la nouvelle procédure ou du nouveau médicament testé. Si ce n'est pas le cas, aucun intérêt de prendre connaissance de la "nouveauté".
  • Se demander quelle ampleur de perte d'efficacité de la procédure nouvelle ou du nouveau traitement vous seriez prêt à accepter pour y adhérer. 5% de perte d'effet, ou 10% ? Plus ou moins ?
  • Se préoccuper de la marge d'infériorité acceptée. P.ex. pour MyPEBS le seuil de non-infériorité est très généreux. Ceci signifie que si, à l'issue du nouveau dépistage on trouve 25% de cancers graves en plus, l'étude est "réussie". Il faudrait que cette marge soit justifiée, et que cette justification apparaisse au minimum dans le protocole de l'étude, ce qui n'est pas le cas.
  • Se demander, pour finir, si la nouvelle intervention n'était pas en réalité 'inférieure', et non pas 'non-inférieure'.

La Revue indépendante française Prescrire[4] s'était penchée sur la problématique de ces essais particuliers en 2006. Leurs conseils rejoignent ceux sus-cités. Pour la revue, il faut être critique sur le seuil de non-infériorité qui est choisi a priori, de façon arbitraire par les concepteurs de l'essai. Ce seuil équivaut à la perte, pour le patient, qui est consentie par rapport au traitement ou au dispositif de référence. Il faut donc être sûr que le résultat n'est pas en réalité une véritable infériorité.

Pour Prescrire, en somme, ces essais visent à exclure simplement qu'un traitement ou un procédé soit massivement moins bon que ce qui existe déjà. Lorsque le traitement ou le procédé sont un peu moins efficaces, et dans une certaine marge acceptée, le nouveau traitement ou le nouveau procédé n'a d'intérêt pour le patient que s'il apporte d'autres avantages en compensation.

Et c'est là où le bât peut blesser, comme dans l'étude que nous critiquons régulièrement, et pas seulement nous.

Pour conclure :

L'urgence et la volonté d'obtenir rapidement des résultats justifient de se passer d'études contrôlées correctement conduites, et nous expose, à cause d'études sabordées et mal exécutées, à des biais de jugements en médecine et à des conclusions erronées. Une communication impropre, parfois à outrance, par des profanes ou des médias ignorants aggrave la médiatisation de médicaments ou de procédures dont on ne sait finalement pas ce qu'ils ou elles provoquent réellement, dont on ne sait pas s'ils ou si elles font plus de mal que de bien.

Ces problèmes pré-existaient au contexte de la pandémie Covid19 qui n'a fait que mieux les mettre en lumière.

La recherche en science est importante, encore faut-il qu'elle réponde à des standards de qualité, soit faite par des scientifiques soucieux de respecter des méthodologies éprouvées et répondant à des normes, et cela dans un environnement médiatique serein.

Ce n'est actuellement pas le cas, les dégâts et les inconvénients physiques sur la santé des populations sont aggravés de ceux de la désinformation et de la pollution du débat scientifique par des querelles d'opinions.

Si nous voulons faire de la bonne science qui soit utile aux personnes, il nous faut développer un esprit critique, vérifier constamment les résultats d'études promues comme révolutionnaires par les médias, voir par quels procédés on a abouti aux conclusions.

La boucle est bouclée, si nous voulons faire de la bonne médecine nous reviendrons toujours à ce qui proclamé au fronton des pharmacies, principe-socle qui doit soutenir notre pratique médicale : "primum non nocere".

Références

[1] https://cancer-rose.fr/2020/02/06/ah-mais-quelle-aubaine-ce-cancer/

[2] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5710221/

[3] EDITORIAL
Non-Inferiority Trials in Medicine: Practice Changing or a Self-Fulfilling Prophecy?

Vinay Prasad, MD, MPH

Division of Hematology and Medical Oncology, Knight Cancer Institute, Oregon Health and Science University, Portland, OR, USA; Department of Preventive Medicine and Public Health, Oregon Health and Science University, Portland, OR, USA; Center for Health Care Ethics, Oregon Health and Science University, Portland, OR, USA.

J Gen Intern Med 33(1):3–5
DOI: 10.1007/s11606-017-4191-y
© Society of General Internal Medicine 2017

[4] La Revue Prescrire avril 2006/Tome 26 N°271, page 249

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

L’industrie du cancer: battage médiatique versus réalité

https://blogs.scientificamerican.com/cross-check/the-cancer-industry-hype-vs-reality/

14 février 2020

Par John Horgan 12 février 2020

John Horgan est journaliste scientifique, il dirige le Centre de Rédaction Scientifique, du Stevens Institute of Technology. Nous allons essayer de résumer ici les points forts de son article. (Synthèse C.Bour)

La médecine contre le cancer génère des revenus énormes mais des bénéfices marginaux pour les patients

 

Selon l'auteur, il existe un énorme fossé entre la triste réalité de la médecine contre le cancer aux États-Unis et les affirmations optimistes formulées par l'industrie du cancer et par ses catalyseurs médiatiques.

Le cancer a engendré un immense complexe industriel impliquant des agences gouvernementales, des entreprises pharmaceutiques et biomédicales, des hôpitaux et des cliniques, des universités, des sociétés professionnelles, des fondations à but non lucratif et des médias.

Les promoteurs de l'industrie du cancer affirment que les investissements dans la recherche, les dépistages et les traitements ont conduit à «des progrès incroyables» et à des millions de «décès par cancer évités», comme allégué sur la  page d'accueil de l'American Cancer Society , une organisation à but non lucratif qui reçoit de l'argent d'entreprises biomédicales.

les experts en cancérologie et les médias décrivent souvent les nouveaux traitements avec des termes élogieux comme «percée médicale», «révolutionnaire», "miraculeux", ("innovant", souvent entendu chez nous NDLR).

les centres de cancérologie ont recours (comme en France la Ligue contre le cancer et les différents instituts de cancérologie) à des appels émotionnels qui jouent sur l'espoir et la peur, et qui en revanche sont très peu diserts sur les risques, la balance bénéfice/risques, les coûts ou les conditions de remboursement.

Ces succès thérapeutiques mis en avant concernent des formes particulières ou des cancers rares, exceptionnels au milieu d'une «litanie d'échecs» selon l'auteur.

 

Les taux de mortalité

 

La meilleure façon de mesurer les progrès contre le cancer est d'examiner les taux de mortalité, c'est à dire le nombre de personnes qui succombent au cancer en population et par année.

Au fur et à mesure que la durée de vie moyenne d'une population augmente (en raison des progrès médicaux contre les maladies cardio-vasculaires, respiratoires et infectieuses), le taux de mortalité par cancer augmente lui aussi. Par conséquent, pour avoir une idée des tendances de la mortalité les chercheurs doivent procéder à des ajustement au vieillissement de la population.

Il faut bien garder à l'esprit que cet ajustement présente les choses sous un jour favorable, et de ce fait après ajustement les taux de mortalité donnent une diminution de près de 30% depuis 1991 .

Cette tendance, selon les promoteurs de l'industrie du cancer, montrerait que les investissements dans recherche, dépistages et traitements ont porté leurs fruits. Mais ce que les promoteurs omettent souvent de mentionner, c'est que cette baisse récente de la mortalité par cancer a d'abord été précédée d'au moins 60 ans d'augmentation  de la mortalité par cancer. Le taux de mortalité actuel ajusté selon l'âge pour tous les cancers aux États-Unis, est tout juste inférieur à ce qu'il était en 1930 !

NDLR : voir l'explication plus détaillée sur ce mécanisme concernant le cancer du sein, dans le livre "dépistage du cancer du sein , la grande illusion " édition Thierry Souccar[1]

En réalité l'augmentation et la baisse des décès par cancer suivent l'augmentation et la baisse du tabagisme, avec un décalage de quelques décennies.  Le tabagisme augmente le risque pour de nombreux cancers mais surtout celui du cancer du poumon qui est de loin le plus grand tueur, responsable de davantage de décès que le cancer du colon, du sein et de la prostate réunis.

On estime que s'il n'y avait eu aucune réduction du tabagisme, il n'y aurait eu pratiquement aucune réduction de la mortalité globale par cancer, ni chez les hommes ni chez les femmes, depuis le début des années 1990.

 

Nouveaux traitements à faibles rendements, gros coûts

 

Les essais cliniques sur le cancer ont le taux d'échec le plus élevé par rapport à d'autres domaines thérapeutiques.

Les sociétés pharmaceutiques continuent de commercialiser de nouveaux médicaments. Mais  une étude a révélé [2]  que 72 nouveaux médicaments anticancéreux approuvés par la FDA (Food and drug administration[3]) entre 2004 et 2014 ont prolongé la survie pendant 2,1 mois en moyenne seulement... Selon les auteurs d'un rapport de 2017 analysant 5 années d'approbation de la FDA, la plupart des approbations de médicaments contre le cancer n'ont pas démontré d'amélioration d'objectifs cliniquement pertinents comme la survie ou la qualité de vie. Les auteurs de ce rapport disent craindre que «la FDA approuve de nombreux médicaments toxiques et coûteux qui n'améliorent pas la survie globale».

 

Les dépistages conduisent à un surdiagnostic et un surtraitement

 

L'industrie du cancer, aidée par des célébrités qui affirment que les dépistages leur ont sauvé la vie a convaincu le public que le dépistage du cancer est bénéfique. Plus tôt nous pouvons détecter des cellules cancéreuses, mieux ce serait. John Horgan explique ici l'une des découvertes les plus importantes de la dernière décennie, à savoir le surdiagnostic. De nombreuses personnes sont porteuses de cellules cancéreuses ou précancéreuses qui, si elles n'étaient pas découvertes et traitées, n'auraient jamais compromis leur santé. Des études d'autopsies [4]   montrent que de nombreuses personnes décédées de causes non cancéreuses sont porteuses de tissus cancéreux.

Les tests de dépistage ne peuvent pas faire de distinction entre les cancers nocifs et inoffensifs. Les dépistages généralisés ont conduit à un surdiagnostic généralisé, des détections inutiles de cellules cancéreuses non nocives. Ce surdiagnostic entraîne à son tour une chimiothérapie, une radiothérapie et une chirurgie inutiles, donc un surtraitement. Gilbert Welch a été un des premiers à mettre en évidence le surdiagnostic, qu'il a qualifié d'« effet secondaire malheureux de notre exubérance irrationnelle pour une détection précoce».

NDLR : En France, concernant le dépistage du cancer du sein, Bernard Junod [5], épidémiologiste, enseignant et chercheur à l’Ecole des Hautes Etudes de Santé Publique de Rennes, fut un lanceur d'alerte sur le surdiagnostic en France, en compagnie de Dr Bernard Duperray.

Les mammographies et les tests d'antigène spécifique de la prostate (PSA) ont conduit à des taux particulièrement élevés de surdiagnostics et de traitements excessifs du cancer du sein et de la prostate.

En comptabilisant les effets nocifs et mortels des dépistages, tout avantage du dépistage "est compensé par les dommages mortels dus au surdiagnostic et aux faux positifs" selon Michael Baum[6], spécialiste du cancer du sein, co-fondateur au Royaume Uni du programme de dépistage ; il plaide actuellement pour l'abandon de ces programmes qui, selon lui,  pourraient écourter plus de vies qu'ils n'en prolongent .

Pour un homme dont la vie est prolongée, beaucoup d'autres subiront des résultats faussement positifs avec ensuite des examens supplémentaires, une éventuelle biopsie de la prostate, des surdiagnostics et des sur-traitements, des complications du traitement comme l'incontinence et la dysfonction érectile.

Le découvreur de l'antigène spécifique de la prostate, le pathologiste Richard Ablin, a qualifié le test PSA de « catastrophe de santé publique motivée par le profit ».

 

Mortalité spécifique , mortalité toutes causes et "torture des données "

 

Les études sur les dépistages d'un cancer spécifique examinent généralement la mortalité attribuée à ce cancer. Les mammographies sont donc jugées efficaces si les femmes qui subissent des mammographies meurent moins d'un cancer du sein que les femmes qui ne subissent pas de mammographies. Cette méthode surestime les bénéfices de ce dépistage car elle omet les décès résultant, directement ou indirectement, du diagnostic lui-même. En effet la chirurgie, la chimiothérapie et la radiothérapie ont des effets iatrogènes dévastateurs, notamment des maladies cardiaques, des infections opportunistes, d'autres formes de cancer et des suicides.

Il faut se référer plutôt aux études qui mesurent la mortalité «toutes causes confondues», car elles comptabilisent les effets délétères des traitements.  Une méta-analyse de 2015  [7] réalisée par l'épidémiologiste John Ioannidis et col. n'a trouvé aucune réduction de la mortalité toutes causes confondues pour les dépistages des cancer du sein, de la prostate, du côlon, du poumon, du col de l'utérus, de la bouche ou des ovaires pour patients asymptomatiques.

 

Dans  un récent éditorial  du  European Journal of Clinical Investigation , Ioannidis et ses quatre co-auteurs soutiennent que le dépistage du cancer (en particulier les mammographies et les tests de PSA) occasionne davantage de mal que de bien et doit être abandonné. [8]

La survie

 

Souvent est mise en avant l'amélioration de la survie,  qui correspond à la durée entre le diagnostic et le décès. Les taux de survie pour certains cancers ont en effet augmenté grâce à des détections plus tôt. Mais cela ne signifie pas que les personnes vivent plus longtemps grâce à une détection précoce, il ne s'agit pas d'allongement de l'espérance de vie. La survie signifie simplement que les personnes vivent plus longtemps avec un diagnostic de cancer, avec toutes ses conséquences émotionnelles, économiques et physiologiques néfastes.(Explication de la notion de survie à 5 ans ici [9])

L'utilisation des taux de survie pour promouvoir les tests de dépistage est un exemple de ce qu'on appelle la torture des données, et pour l'auteur de cet article cela s'apparente à un cas de faute professionnelle monstrueuse.

 

Corruption dans l'industrie du cancer

 

Aux USA, l'oncologue Vinay Prasad, (@VPrasadMDMPH ; très actif sur twitter, NDLR) dénonce le procédé de nombreux spécialistes du cancer qui acceptent les paiements d' entreprises pharmaceutiques dont ils prescrivent les médicaments. Cette pratique, selon Prasad, "nous amène à célébrer les médicaments marginaux comme s'ils changeaient la donne". Elle conduit les experts à ignorer ou à minimiser les défauts des essais cliniques sur le cancer.

Le désir des oncologues de produire des résultats motivés contre rétribution  compromet la qualité de leurs recherches. Un examen  de 2012 de 53 études «historiques» sur le cancer a révélé que six seulement pouvaient être reproduites.

 

La solution ? Une médecine plus douce contre le cancer?

 

L'auteur plaide en faveur d'une médecine basée sur l'acceptation de nouvelles thérapies «lorsque les avantages sont clairs et les preuves solides et impartiales».

Il plaide pour ce que certains appellent la médecine "conservatrice" qui se définit comme une médecine qui résiste à ce qui est communément et historiquement admis, qui sait dire "stop" dans une époque où personne n'est favorable à cette attitude, et à s'armer de beaucoup de patience vis à vis des demandeurs de davantage de médecine.

A savoir moins de tests, moins de traitements, moins d'alarmisme, moins de rhétorique, de battage médiatique de style militaire (comme "campagnes" pour "combattre le cancer").

Le médecin "conservateur" reconnaît avant tout les limites de la médecine et respecte le serment d'Hippocrate : avant tout, ne pas nuire.

Les consommateurs doivent aider ces médecins moins interventionnistes. Nous devons tous accepter les limites de la médecine et reconnaître les capacités de guérison de notre corps (cancers dormants, non évolutifs, spontanément régressifs).

Nous devons résister aux dépistages à tout va et à ces traitements flatteurs mais qui n'ont, au mieux, que des bénéfices marginaux.

Nous ne guérirons peut-être jamais le cancer, qui provient de la confrontation de notre biologie complexe avec la tendance naturelle de tous les systèmes à aboutir au désordre.

Mais si nous pouvons réduire notre peur d'un côté et notre cupidité de l'autre, nos soins contre le cancer s'amélioreront certainement.

 

Selon Horgan, le fait de reconnaître les propriétés curatives intrinsèques du corps humain et de reconnaître le peu d'effet que le clinicien a réellement sur les résultats chez son patient, ferait que les médecins se protégeraient de leur plus grand ennemi, l'orgueil.

 

 

Références

[1] Extrait du livre de Bernard Duperray

Les épidémiologistes ont le choix entre deux populations de référence, la population de l’Europe ou celle du monde. Or le choix du standard (« Europe » ou « Monde ») induit de larges variations de la mortalité.

Les taux « Monde » basés sur une population plus jeune sont généralement plus bas que les taux « Europe » reflétant une population plus âgée.

Selon le standard choisi, le taux pour une même population apparaît donc plus ou moins élevé.

En France, les taux retenus le plus souvent par l’InVs sont les taux « Monde » (courbe violette sur la figure). Le standard « Monde » tend à minimiser le taux de mortalité pour un pays comme la France car il ne correspond pas à la structure de la population française. En outre, selon Bernard Junod, la standardisation selon l’âge est sujette à caution pour décrire une variation de mortalité lorsque les variations pour une même tranche d’âge ne sont pas uniformes.

Pour apprécier l’évolution de la mortalité en France de la manière la plus juste possible, Bernard Junod avait choisi de prendre comme « standard » la distribution par âge de la population résidant en France en 1992 c’est-à-dire au milieu de la période étudiée (1980 à 2005). Il obtient ainsi un taux annuel standardisé de mortalité selon l’âge en France pour 100 000 femmes de 32,6 en 1980 et de 32,9 en 2005, donc stable sur cette période

En résumé, voici ce que l’on peut retenir de manière incontestable des figures 13 et 14 :

  • Entre 1950 et nos jours, le nombre annuel de décès et le taux brut de mortalité par cancer du sein n’ont pas diminué ;
  • les taux standardisés « Monde » (courbe violette fig 14) et « Europe » (courbe bleue fig 14) augmentent continuellement en France jusqu’en 1993 puis décroissent alors que le taux brut, lui, se stabilise.

À présent, attardons-nous à nouveau sur la figure 14. Un fait surprenant interpelle. Les taux de mortalité standardisés « Monde » et « Europe » d’aujourd’hui, même s’ils baissent, sont encore supérieurs à ceux des années 1950. D’aucuns objecteront que comparer les taux actuels avec ceux de 1950 est discutable du fait d’un manque de fiabilité des données à cette époque. C’est possible mais alors que dire du fait que les taux standardisés de 2006 étaient au même niveau que ceux de 1970 selon le registre des décès qui fait référence depuis 1968 (date de la création du CépiDc, le Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès) ?

[2] https://jamanetwork.com/journals/jamaotolaryngology/article-abstract/1891387

[3] https://www.fda.gov/

[4] https://cancer-rose.fr/2017/12/14/frequence-des-cancers-latents-de-decouverte-fortuite/

[5] https://formindep.fr/apparence-et-protestation/

[6] https://cancer-rose.fr/2019/08/08/synthese-detudes-un-exces-de-mortalite-imputable-aux-traitements-lemportant-sur-le-benefice-du-depistage/

[7] https://www.researchgate.net/publication/271022752_Does_screening_for_disease_save_lives_in_asymptomatic_adults_Systematic_review_of_meta-analyses_and_randomized_trials

[8] https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/eci.13062

[9] https://cancer-rose.fr/2019/05/21/peurs-et-croyances-histoire-naturelle-de-la-maladie-survie/

voir partie "survie"

 

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Ah mais quelle aubaine ce cancer…

6 février 2020

Dr C.Bour

En 2009 l’artiste Christophe Fort prévoyait d’ériger des lettres colossales au-dessus de Marseille, à l’instar de celles d’ Hollywood, mettant en avant des motivations humanitaires et caritatives. Les lettres devraient être acquises par des mécènes, et « l’argent sera reversé à un grand centre de lutte contre le cancer et aux hôpitaux de Marseille. C’est cet aspect humain qui a séduit la mairie ». Hollywood avait bien son chewing-gum après tout, et Marseille a son savon, ce qui méritait bien sûr d’être inscrit en grand sur la montagne, surtout quand c'était pour une grande cause, le cancer. Bon depuis ce projet n'a pas vu le jour et l'artiste s'est fait piquer l'idée. https://www.laprovence.com/article/sorties-loisirs/4153415/christophe-fort-contre-attaque.html

Pas grave, entre temps de nombreux pipoles et starlettes ont chanté que le cancer c'était pas bien (Justin Timberlake sur scène au profit de la Fondation "stand up to cancer", https://www.marieclaire.fr/,justin-timberlake-alicia-keys-et-renee-zellwegger-contre-le-cancer,20122,39740.asp), et il y a eu la mode des "clips" contre le cancer.

Notez que le cancer n'était pas le seul concerné par la dégoulinitude d'émotioline ; d’aucuns ont chanté contre la pauvreté (qui les en blâmerait), d’autres, au hasard de l’actu, pour l’Ethiopie (Renaud en 84), l’Arménie (Aznavour en 88), Bruel( pour la terre en 2006), le tout avec des chanteurs habillés tout de blanc de préférence (parce que c'est pur, le blanc), avec un ou une soliste qui nous envoie des vocalises poignantes dans les tripes (et on est fragiles des tripes quand on a eu un cancer je vous le dis), et en arrière-fond de préférence des enfants ou des bébés (très porteur le bébé), ou bien encore des vieillards tristes (un peu moins porteur le vieillard quand-même). Mais je m'égare...

Contre le cancer voici ces quelques expérimentations musicales :

https://www.youtube.com/watch?v=iW6xcY-bazQ

Et ça aussi : https://www.youtube.com/watch?v=29Xx7B1C6sc

Voyons, ceci : https://www.youtube.com/watch?v=hfJfjS_og5I

Et ça là : https://www.youtube.com/watch?v=iVpP3-3NU54

Vrai, ils en ont ras la mèche, les malades, une jeune femme atteinte m'a dit un jour dans un souffle, dans l'intimité d'un examen échographique en plein mois d'octobre où de joyeuses femmes en bonne santé gambadaient sous les fenêtres du cabinet avec des ballons roses : "si elles savaient seulement, à quel point j'aimerais l'oublier ce cancer".

Mais il faut renouveler, et ce qui marche bien en ce moment ce sont les "témoignages", de pipoles préférentiellement, qui nous étalent généreusement leurs prostates, seins, colons sur les plateaux télé, dans les radios, les magazines, Françoise Hardy et l'animateur JP Pernault en tête, pas avares de confidences pour sauver leurs semblables dans un grand altruisme médiatique et sacrificiel, et nous on demande une chaise en criant grâce devant les détails qui feraient vomir même sans chimio. https://www.medisite.fr/coloscopie-lavement-francoise-hardy-donne-les-details-intimes-de-ses-examens.813416..html

https://www.pourquoidocteur.fr/Articles/Question-d-actu/29311-Cancer-prostate-gueri-Jean-Pierre-Pernaut-adresse-message-hommes

Lorsqu'on contracte une maladie on en devient, et ça c'est chouette, un spécialiste, un "sachant", et comme "ça c'est bien passé pour moi", l'animateur vedette Mr Pernault dans sa grande humilité déferle un peu partout en chevalier blanc de la prostatectomie pour pourfendre le cancer et nous imposer son "sauvetage" grâce au dépistage de son cancer lequel, ou bien ne l'aurait jamais tué de toute façon, ou si quand-même mais plus tard, et ça on ne peut pas savoir, vu que nous ne sommes pas devins.(voir https://cancer-rose.fr/2020/02/04/cancer-et-cancer-cest-pas-pareil/?fbclid=IwAR2xVmcys689W5b7Ffptnv5BbIPKK3PvdaRvEoOTXRSJ7V-RzAZJghmtsDU )

Les actions plus modernes de jemefousapoilistes de nos jours, ça marche à fond, regardez le nombre de calendriers-charité avec des pompiers, électriciens, rugbymen, contrôleurs de trains effeuillés pour la bonne cause, je vous fais grâce de l'énumération, vous tapez ça dans un moteur de recherche et votre PC fume.

Et à présent donc, l'apothéose, le summum, le phare intellectuel qui illumine nos soirées, j'ai parlé de l'émission "stars à nu" diffusée sur TF1 le 30 janvier dernier, puis elle le sera demain soir, le 7 février donc, pour sensibiliser les gens aux dépistages : d'abord les hommes-stars se mettaient à nu, et là les femmes-stars se déshabilleront également pour le même objectif.

Mme le Dr Sublet nous explique doctement sur France Info ce qu'il faut savoir, et cela parce que Marine Lorphelin, qui est en fac de médecine (sic), elle a dit qu'on pouvait avoir le cancer avant 30 ans.

https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/info-medias/alessandra-sublet-si-stars-a-nu-sauve-ne-serait-ce-quune-vie-on-aura-gagne_3788091.html

France Info nous avait habitué à mieux, malheureusement en beaucoup plus court : https://www.francetvinfo.fr/sante/soigner/cancer-du-sein-le-depistage-generalise-est-il-un-echec_3620355.html

Mais Mr le Dr Duperray n'est pas en fac de médecine et ne tient pas des potimarrons devant ses seins, vous allez comprendre pourquoi je dis ça.

Sinon, l'avis des médecins me demandez-vous ??? Ceux qui pratiquent, là, sur le terrain, qui voient des vrais malades, après 14 années d'études ? Quoi, quoi, enfin, quels médecins, on ne va pas encore s'embêter d'un médecin alors que des stars se mettent à nu, à nu vous dis-je pour remplir notre cerveau disponible en deux émissions de tout ce qu'il y a à savoir !

En une heure vous avez le résumé du module de cancérologie des étudiants en médecine, c'est quand-même plus pratique.

Et tout ça en contemplant Mme Sublet tenant des potimarrons devant ses seins. (Voilà !!)

Mais pourquoi les cours en fac ne sont-ils pas dispensés par des danseurs /chanteurs à poil avec des concombres et des pruneaux (oui ben pour l'appareil génital mâle, faut tout vous expliquer) et des potimarrons, ou des Reine-Claude éventuellement (on n'est pas toutes des frimeuses non plus) pour le système mammaire.

Moi là, dans ces conditions je vous le dis tout de go, je la refais ma PACES...

L’hypocrisie du procédé permet aux stars, sous un vernis caritatif, de redorer leur ego et relancer leur carrière pour bon nombre d’artistes un peu oubliés.

Il permet aussi de faire passer n’importe quel message, sans trop de débat, dans un silence assourdissant d'autorités sanitaires, du ministère de la santé, et dans une merveilleuse inertie du CSA.

Alors nous avons encore ceci en magasin :

https://www.medisite.fr/cancer-du-sein-fanny-leeb-jai-contracte-ce-cancer-parce-que-je-netais-pas-en-phase-avec-moi-meme.5556527.38942.html?fbclid=IwAR2Edcs4HvmEFZuUMlr4r_-c_EtE--H4dVVB-Eh9__rs8mjcwJhu4rajz-o

Là Mme Leeb nous explique que vous n'aviez qu'à être "en accord avec vous-mêmes" pour ne pas contracter de cancer, bannir le sucre, pas déprimer et pousser les femmes à se gaver de rayons X sur leurs seins avant 45 ans parce qu'après c'est trop tard ! Pour ceux qui voudraient avoir un autre son de cloche, des études (scientifiques, désolée j'ai dû utiliser ici un gros mot) n'ont pas démontré de corrélation entre dépression et cancer.

http://curiologie.fr/2016/01/choc-psychologique-et-cancer/?fbclid=IwAR0ylMrOGPGY_dBtF7LtIoOGhbaWmW1tEgUaXDQ_5FR5R8C0Rz2U_XrtRsg

Mais elles ont sûrement tort puisque Mme Leeb elle a dit.....Faudrait demander confirmation à Mme Lorphelin qui est en fac de médecine.

Les chaînes, les médias faisant le relai de ces manifestations, les partenaires publicitaires peuvent se frotter les mains, le marché a de l’avenir, car en effet, la pauvreté, la famine, la mucoviscidose, la myopathie et le cancer ont de beaux jours devant eux. Tous ces fléaux ont-ils reculé depuis l’arrivée de ce cirque médiatico-humanitaire ?

Comment se porte donc l'information médicale dans notre pays, où règne un révisionnisme médical en dépit de recommandations médicales qui demandent l'arrêt du dépistage du cancer de la prostate chez l'homme asymptomatique, qui avertissent sur la nécessité de ne pas dépister le cancer du sein avant 50 ans en l'absence de symptôme, sur la base de données épidémiologiques et scientifiques (rha encore le gros mot). Le pauvre public français n'a pas de chance, il a le choix entre des interventions de leaders d'opinions bourrés de conflits d'intérêts, invités complaisamment sur des plateaux télé sans qu'on leur demande de décliner ces liens d'ailleurs, alors que la loi le demande pourtant, ou des stars ignares aux messages indigents.

Mais peut-être la conséquence du spectacle caritatif sur la perception par le public ne sera pas sans impact à l' avenir.

La réalité des causes défendues est souvent plus complexe qu’il n’est exposé au public ; en jouant sur l’anesthésie de l'auditoire par des méga-shows, sur sa mauvaise conscience par l’appel aux dons et aux records de générosité à battre, le business de la bienfaisance et des kermesses médicales pourrait devenir contre-productif. Souvent à la suite de ces émissions on assiste bien à un afflux éphémère vers les cabinets médicaux, où il nous faut faire preuve de pédagogie et de temps pour démonter les messages dangereux et fallacieux, souvent au détriment de vrais malades qui attendent patiemment nos soins et notre écoute, dont ils ont vraiment un grand besoin.

Mais au long terme la terreur autour du cancer pourrait bien un jour, à force de répétitions, se banaliser, et le risque que le grand public devienne indifférent, lassé de se voir imposée cette surenchère jusqu’à la nausée sera peut-être le début d’un sentiment de saturation, conduisant à terme vers un désintérêt des "bonnes causes", un déclin de la mode du charity-business et des spectacles de "sensibilisation", et une demande d'information médicale soigneuse, bien balancée, modérée, sur la base de preuves scientifiques et d'évidences. En espérant que celle-ci regagne ses lettres de noblesse, dans l'intérêt de la santé individuelle qui n'est pas inépuisable et renouvelable, et de la santé publique qui n'est pas une ressource infinie qu'on puisse galvauder.

Attention au prix à payer sur la confiance des Français en leur système de santé, après des scandales sanitaires comme le sang contaminé, la Dépakine , le Mediator, qui ont mis bien du temps à nous exploser au visage. Le caractère inopérant et potentiellement dangereux des dépistages à tout va pourrait bien suivre le même chemin, et des pays plus en avance sur nous conçoivent déjà du matériel d'information pour le public ; en Australie, un grand plan contre la sur-médicalisation est déjà opérationnel.

___________

J'appelle les femmes et hommes de bonne volonté à se mobiliser autour d’un disque « fuck the charity » , les fonds pourraient être reversés à l’AEdPC, l’association pour l’entartage des pipoles-charlatans.

Au fait il est où l'entarteur  ?

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Halsted avait tort

9 sept 2019

La mastectomie radicale de Halsted et le dépistage de masse organisé du cancer du sein : deux fausses bonnes idées à l'origine de l'échec du dépistage et du surdiagnostic qui en a découlé. Dr Marc Gourmelon nous explique.

 

Halsted avait tort

 

Ce titre est sans doute énigmatique pour la majorité de ceux qui vont le lire.

Affirmer que Halsted avait tort, est malgré tout une affirmation absolument capitale.

L’encyclopédie en ligne Wikipédia [1] présente Halsted de la façon suivante :

« William Stewart HALSTED est un chirurgien américain, né en 1852 et mort en 1922, surtout connu comme l'un des pionniers de l’asepsie et de l'anesthésie chirurgicales et pour avoir mis au point plusieurs procédés opératoires, parmi lesquels la mastectomie radicale appliquée au cancer du sein. »

C’est donc un très grand chirurgien de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème. Un « monstre sacré » de la médecine actuelle.

Cette notice reprend une des « légendes » du personnage, le fait qu’il aurait mis au point la mastectomie radicale appliquée au cancer du sein.

En fait, il ne l’a pas mise au point, cette technique existait depuis longtemps.

C’est même un chirurgien français [2] qui a mis au point la mastectomie  (ablation du sein) radicale, en suivant ce qui existait déjà depuis plusieurs siècles et cela dès 1773, et non Halsted.

Mais Halsted publia en 1894 [3] une étude après 50 interventions de femmes atteintes de cancer du sein, dans laquelle il affirmait que contrairement à ce qui se passait jusqu’alors, une grande majorité des femmes qu’il avait opérées avaient survécu, et avaient donc été guéries de leur cancer du sein, mortel jusqu’alors.

Cette étude publiée dans une grande revue médicale de l’époque, est à l’origine de la renommée de Halsted dans le traitement curatif chirurgical du cancer du sein.

Cette « victoire » de Halsted sur le cancer du sein par la mastectomie totale élargie, est à l’origine de la théorie du « plus on traite tôt la tumeur cancéreuse du sein, plus on guérit la femme malade ».

Aujourd’hui, cette chirurgie très mutilante n’est quasiment plus pratiquée mais la théorie du développement linaire du cancer du sein dont elle découle, est toujours d’actualité avec le dépistage  par mammographie institué en France depuis plus de 20 ans, et que les manifestions d’Octobre Rose tentent de populariser. Or cette théorie du développement linéaire du cancer du sein est fausse. Et c’est en y croyant  qu'Halsted s’est trompé.

 

Le leurre du dépistage précoce

 

Le livre récent de Bernard DUPERRAY[4] « Dépistage du cancer du sein, la grande illusion » explique en détail avec une bibliographie forte de plus de 150 références, pourquoi « dépister pour mieux guérir est une leurre », « pourquoi le dépistage peut faire plus de mal que de bien et pourquoi il faut changer notre regard sur la maladie ».

Croire que le développement du cancer du sein est linéaire, et que donc plus on traite tôt plus on guérit, c’est le message qui est partout véhiculé.

Par les autorités sanitaires :

« Plusieurs actions peuvent être mises en place afin de favoriser une détection précoce du cancer du sein. L'intérêt est de pouvoir soigner ce cancer plus facilement et de limiter les séquelles liées à certains traitements. »[5]

Par les sites grand public :

« Cancer du sein : les chances de guérison sont meilleures avec le traitement précoce » [6]

Par la ligue nationale contre le cancer :

« Les dépistages permettent également de détecter les cancers tôt et donc de mieux de soigner. Le dépistage organisé incite l’ensemble des personnes concernées à se faire dépistage, mais un dépistage personnalisé peut être proposé aux personnes qui présentent des facteurs de risque particulières ou des antécédents personnels et/ou familiaux.

Les dépistages organisés sont les suivants :

  • le dépistage du cancer du sein : les femmes de 50 à 74 ans sont invitées, tous les deux ans, à se faire dépister (mammographie et examen clinique) »[7]

« Le cancer, plus il est diagnostiqué tôt, plus il a de chance d'être guéri. »[8]

......

Il semble bien que cette affirmation : « plus c’est détecté tôt, plus on en guérit » soit un fait partout reconnu, au point d’être devenu une vérité non contestable.

 

Et pourtant, la théorie initiée par Halsted est FAUSSE.

 

Chacun sait que des idées simplistes et intuitives deviennent souvent des vérités.

Nous sommes ici devant une affirmation trompeuse qui a toute les apparences de la vérité et ce d’autant plus qu’elle prend la forme du bon sens.

Chacun sait à présent qu’il existe une contestation de l’intérêt du dépistage du cancer du sein par mammographie. Les médias nationaux s’en sont fait l’écho [9] [10] [11]

Le président de l’INCa, le Pr IFRAH, n’hésite même pas à traiter ceux qui s’interrogent sur la pertinence du dépistage du cancer du sein, d’irresponsables. [12]

C’est dire la violence qui peut parfois apparaître dans ce débat.

Pour beaucoup, il est difficile de se retrouver dans la bataille de chiffres qui sont mis en avant par les défenseurs du dépistage et ceux qui contestent son intérêt.

Cette bataille de chiffres est secondaire mais elle ne permet pas de voir clairement qu’une théorie au départ intuitive n’est pas confirmée par les faits. « plus on traite tôt, plus on sauve des vies »  est une affirmation fallacieuse.

Le Dr Bernard Duperray dans son ouvrage (réf 4) ne fait pas l’économie des chiffres et études qui montrent combien le dépistage du cancer du sein par mammographie est inutile voire délétère.

Mais il apporte un argument capital à cette démonstration :

La théorie sur laquelle le dépistage organisé du cancer du sein a été institué est fausse.

Il est donc tout à fait logique que le dépistage ne sauve aucune vie.

Construire le dépistage sur une théorie erronée ne pouvait conduire qu’à son échec.

 

 

Les preuves sont là, mais refusées par les autorités sanitaires françaises et de nombreux médecins.

1) La survie et la guérison des patientes de l’étude de Halsted de 1894 (réf3) ne sont pas réelles. Cela a été démontré dans des publications dès 1903 [13] mais également par la suite [14] [15] [16]

Mais que peuvent ces publications contre une étude « triomphante » ?

NDLR, extrait livre Bernard Duperray : "Lorsqu’on examine en détails les travaux de Halsted et en particulier les interventions pratiquées jusqu’en mai 1892, pour lesquelles le recul était d’au moins deux ans, on constate que 16 des 25 premières femmes opérées, soit 64 %, avaient en fait récidivé ou étaient mortes. On est très loin des 6 % annoncés de récidives. En réalité, en 1894, la très courte durée de suivi des femmes ne permettait pas à Halsted de conclure à une guérison ni même à une amélioration grâce à son intervention."

2) L’existence d’un surdiagnostic que plus personne ne conteste ne s’explique que par le fait que la théorie initiale sur laquelle se base le dépistage du cancer du sein par mammographie est erronée.

Et ce surdiagnostic confirme l’erreur de Halsted.

En effet, comme l’écrit l’INCA [17] « Le dépistage par mammographie permet de détecter, avant tout symptôme, 90 % des cancers du sein. La répétition de l'examen tous les deux ans améliore encore cette capacité de détection précoce. »

Il devrait donc y avoir en toute logique une baisse importante de la mortalité spécifique par cancer du sein. Or cette mortalité est toujours stable à environ 10 000 décès chaque année et cela malgré l’explosion des diagnostics et des traitements de cancers du sein (surdiagnostics).

La seule raison de l’impossibilité du dépistage à faire baisser la mortalité par cancer du sein est que la théorie de Halsted sur laquelle le dépistage se base, est FAUSSE.

3) L’existence de cancers dits de l’intervalle.

Ces cancers ne sont pas, comme l’affirme le site Doctissimo « Erreurs techniques, mauvaise interprétation du praticien ou cancers "pas de chance", ces cancers de l'intervalle constituent une limite au dépistage organisé qu'il convient de prendre en considération. » [18]

Ce sont des cancers qui n’existent pas encore lors d’une mammographie et qui se développent brutalement et rapidement.

Le fait que ce type de développement cancéreux existe invalide la théorie que tous les cancers du sein ont un développement lent et constant, théorie linéaire sur laquelle est basée le dépistage.

Sur la cause de ces cancers de l’intervalle, les autorités sanitaires ne donnent aucune explication (réf 17)

4) Qui plus est, cette théorie linéaire sous-entend que les petits cancers sont systématiquement de bon pronostic.

Une étude de 2017 apporte un démenti. [19] (NDLR : les cancers agressifs ne découlent pas des petits cancers, mais d'un sous-groupe de petits cancers à caractéristiques moléculaires intrinsèquement d'emblée péjoratives, et à croissance rapide)

Cette information capitale, selon laquelle Halsted avait tort, vous la trouverez développée dans le livre de Dr Duperray.

Beaucoup d’éléments ne « collent » pas avec cette idée du développement linéaire du cancer du sein sur laquelle s’est développé le dépistage.

C’est donc que cette théorie ne tient pas.

Comment admettre alors que les autorités sanitaires persistent, années après années dans une telle erreur ?

Biblio

 

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/William_Halsted

[2]  https://en.wikipedia.org/wiki/Bernard_Peyrilhe

[3] Halsted W. The results of operations for the cure of cancer of breast performed at the Johns Hopkins Hospital from June, 1889, to January, 1984. Annals of Surgery. 1894 Nov;20(5):497-555.

[4] https://www.thierrysouccar.com/sante/livre/depistage-du-cancer-du-sein-la-grande-illusion-5285

[5] https://www.e-cancer.fr/Comprendre-prevenir-depister/Se-faire-depister/Depistage-du-cancer-du-sein

[6] https://www.pourquoidocteur.fr/MaladiesPkoidoc/880-Cancer-du-sein-les-chances-de-guerison-sont-meilleures-avec-le-traitement-precoce

[7] https://www.ligue-cancer.net/article/25638_la-prevention-des-cancers

[8] https://www.ligue-cancer.net/forum/47922_le-cancer-plus-il-est-diagnostique-tot-plus-il-de-chance-detre-gueri-vrai-ou-faux

[9] https://www.franceinter.fr/emissions/sante-polemique/sante-polemique-14-decembre-2017

[10] https://www.lepoint.fr/sante/kine/demorand-pourquoi-le-depistage-du-cancer-du-sein-fait-debat-12-11-2018-2270561_2467.php

[11] https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/10/01/octobre-rose-le-depistage-systematique-du-cancer-du-sein-est-il-necessaire_5362958_4355770.html

[12] http://www.leparisien.fr/societe/sante/cancer-du-sein-les-detracteurs-du-depistage-sont-irresponsables-06-11-2018-7936614.php

[13] Korteweg J.A. Carcinoom en statistiek (Carcinoma and statistics). NederlandsTijdschrift voor Geneeskunde. 1903;47:1054–1068.

[14] Keynes G. The treatment of primary carcinoma of the breast with radium. Acta Radiologica. 1929;10(4):393-402.

[15] Lewis D, Rienhoff WF. Results of Operations at the Johns Hopkins Hospital for Cancer of the Breast: Performed at the Johns Hopkins Hospital from 1889 to 1931 Annals of Surgery. 1932 Mar;95(3):336-400.

[16] Henderson IC, Canellos GP. Cancer of the breast: the past decade (first of two parts). The New England Journal of Medicine. 1980 Jan 3;302(1):17-30. Review.

[17] https://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/Depistage-et-detection-precoce/Depistage-du-cancer-du-sein/Les-reponses-a-vos-questions

[18] http://www.doctissimo.fr/html/dossiers/cancer_sein/articles/15648-cancer-de-l-intervalle.htm

[19] https://cancer-rose.fr/2017/06/10/les-petits-cancers-du-sein-sont-ils-bons-parce-quils-sont-petits-ou-parce-quils-sont-bons/

 

 

 

 

 

 

 

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

PEURS ET CROYANCES, HISTOIRE NATURELLE DE LA MALADIE, SURVIE

Une mise au point, Dr C.Bour, 21 mai 2019

PEUR

Une des techniques les plus éprouvées pour faire adhérer les populations aux dispositifs médicaux est de faire peur.

Cette peur est le terreau le plus fertile pour ancrer des croyances, des comportements irrationnels et des rites médicaux, lesquels peuvent perdurer malgré une accumulation de faits qui contredisent ces attitudes absurdes.

Le dépistage du cancer du sein est un des avatars de cette religion médicale dans laquelle on "croit" dur comme fer à un dispositif malgré les évidences de son manque d'efficacité et la présence d'effets néfastes.

Le message de prédilection envers les femmes est que le cancer du sein les guette à chaque âge, chaque moment, quand elles s'y attendent le moins, et à chaque coin de rue.

Le danger rôde partout, mais il s'ensuite immédiatement le mantra rassurant répété inlassablement à chaque mois d'octobre qu'il y a un moyen d'y réchapper, et c'est le dépistage.

CROYANCE

La mystification suprême réside ensuite dans le fait de persuader les dépistées que c'est grâce à ce dispositif qu'elles ont été 'sauvées' de leur cancer détecté, alors que si elles réchappent du cancer c'est qu'il n'y avait en réalité aucun risque vital. On donne ainsi l'illusion que l'intervention médicale a été salutaire, alors que le cancer destiné à tuer son hôte le tuera, hélas, dépisté ou pas.

La grande manipulation de nos Knocks modernes qui croient sans se soucier de preuves contraires à leur croyance réside dans ce scénario dont les femmes font les frais ; ils les effraient, puis, si elles se sont fait dépister et sont porteuses à la mammographie d'une lésion qui ne les aurait jamais tuées et qu'on aurait même mieux fait d'ignorer, ils leur expliqueront que la médecine les a guéries d'une maladie qu'elles n'avaient pas encore, mais à laquelle elles auraient fatalement succombé, et elles seront convaincues d'être des rescapées, d'autant que le corps médical leur dira, dans un cynisme absolu : "si on ne vous avait pas trouvé ça vous ne seriez plus là aujourd'hui pour en parler".

L'HISTOIRE NATURELLE DE LA MALADIE

L'hypothèse d'un cancer maîtrisable parce qu'on l'aura débusqué tout petit paraît intuitive, elle est flatteuse, mais contredite par l'observation (cas cliniques, études d'autopsies) et par l'EBM, c'est à dire la médecine fondée sur les faits. Cette démarche est basée non pas sur l'autorité de leaders d'opinion ou de sociétés savantes détentrices du 'savoir' médical, mais sur la production de preuves autant que faire se peut, d'études, de données probantes et factuelles.

Malheureusement en matière de dépistage du cancer du sein, on a à faire encore de nos jours à une véritable croyance, sous-tendue par des mantras répétés à l'envi comme "le cancer peut frapper à toutes les portes", "plus petit c'est mieux c'est", "prévenir c'est guérir". L'est-ce vraiment ?

Ces poncifs se basent sur une théorie linéaire et mécaniciste de l'histoire naturelle du cancer.

On pense que le cancer évolue de façon inéluctable selon un schéma tout tracé. Mais la réalité est bien plus complexe. :

Petit ne signifie pas pris à temps, il peut s'agir simplement d'un cancer quiescent, peu ou jamais évolutif, régressif même, qu'on aura débusqué lors du dépistage mais qui n'aurait jamais tué.

Ou au contraire, il peut être déjà métastatique au moment de son diagnostic alors que de petite taille ou parfois même occulte.

Gros ne signifie pas pris trop tard, ce n'est pas la "faute" de la patiente qui serait venue "trop tard", mais simplement le fait d'un cancer véloce qui sera gros au moment du diagnostic parce qu'à croissance rapide. En général ces lésions sont en moyenne plus agressives c'est vrai, mais ce n'est pas absolu. De volumineux cancers chez des femmes âgées renonçant à consulter peuvent avoir des répercussions locales importantes comme des érosions à la peau ou des rétractions importantes, mais sans avoir essaimé à distance. Nous voyons tous les jours ces cas en consultation que nous jugeons "paradoxaux".

Tous les cancers n'évoluent pas et la majorité ne devient pas métastatique, ils peuvent stagner, régresser, avancer tellement lentement que la patiente décèdera d'autre chose avant.

On le voit, l'histoire naturelle du cancer du sein n'obéit pas à la théorie pré-établie, au modèle intellectuel qui correspond à ce que les théoriciens ont opportunément imaginé pour coller à leur vision simpliste.

Voir la présentation destinée aux femmes que j'ai présentée lors de diverses réunions d'information.

 SURVIE

La notion de survie au cancer mise en avant par les autorités sanitaires dans leurs statistiques souvent flatteuses, est un de ces leurres qui enjolivent les faits. Dans les esprits la survie est synonyme de longévité, d'existence prolongée, et extrêmement liée dans l'imaginaire à la taille du cancer corrélée au temps ; ainsi on s'imagine qu'un gros cancer est forcément pris trop tard et va impacter lourdement la survie de la patiente ; au contraire un petit cancer est "gentil", il a été pris "à temps" et cela permettra que son porteur vive plus longtemps.

Ce qu'il faut bien comprendre est que la survie à 5 ans n’est pas la même chose que l’espérance de vie ou que la longévité. L’espérance de vie en France chez une femme est actuellement de 85 ans.

Si une femme a un diagnostic de cancer à 68 ans et qu'elle décède à 73 ans elle rentrera dans les statistiques de survie à 5 ans. Mais si ce diagnostic est fait plus tard, vers 70 ans par exemple pour une femme décédant à 73 ans, cette femme ne sera pas incluse dans les statistiques de survie à 5 ans.

Prenons pour exemple une femme, longévité 65 ans :

 

La « survie » mesure plutôt la durée de vie du cancer, ou la durée de vie du patient avec son cancer. 

C’est une illusion d’optique comme on le voit sur le schéma ci-dessus : par l’anticipation de la date de survenue du cancer, on a l’impression d’un allongement de la vie.

L’allongement de la survie est le résultat de deux phénomènes : l’efficacité des traitements qui rallongent la durée de vie du patient avec son cancer et le dépistage qui anticipe la date de naissance du cancer indépendamment de l’issue de la maladie.

La survie est majorée quand l’incidence (taux des nouveaux cas) est la plus forte et le surdiagnostic (le nombre de diagnostics inutiles) d’autant plus important. En effet, par définition, toutes les femmes surdiagnostiquées ne meurent pas ! On a donc une illusion de succès dans le cas du cancer du sein, parce qu'on diagnostique par un dépistage massif des lésions en quantité qui n'auraient jamais tué... Du docteur-knockisme à grande échelle donc.

Le contre-exemple est le cancer du col de l’utérus : ce cancer, pour les femmes atteintes, présente une survie à 5 ans mauvaise, la mortalité par ce cancer a toutefois baissé pour plusieurs raisons, mais d'autant plus spectaculairement qu'on a commencé à dépister, parce que dans ce cas oui, trouver des petites lésions du col empêche la survenue de cancers de très mauvais pronostics fatals aux patientes.

La survie est donc un marqueur de l’efficacité des traitements, mais pas de l’efficacité d'un dépistage.

Les seuls marqueurs d'efficacité d'un dépistage sont la diminution du taux de mortalité et la diminution des cancers avancés.

C'est le cas avec le dépistage du cancer du col, on constate une chute drastique des taux de décès depuis qu'on dépiste, ça ne l'est pas avec le dépistage du cancer du sein.....

Source : https://slideplayer.fr/slide/16402920/

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

La campagne pour le dépistage de la femme âgée par le Collège National des gynécologues et obstétriciens de France (CNGOF)

Dr Cécile Bour

7 avril 2019

Le 29 mars 2019 le CNGOF, société savante des gynécologues obstétriciens français, lançait, avec la Ligue contre le cancer une grande campagne nationale pour l'extension du dépistage au-delà de la limite supérieure des 74 ans en dépit des recommandations de la HAS, les limites d'âge fixées par cette autorité n'étant pas arbitraires, mais reposant sur des arguments médicaux de balance bénéfice-risques défavorable au-delà de ces limites, déjà que cette balance n'est pas très à l'équilibre pour la tranche d'âge recommandée. Ses recommandations reposent aussi sur des arguments scientifiques (études épidémiologiques) et économiques faisant entrer en jeu les coûts de la mortalité et morbidité induites sur les terrains très fragiles des personnes au grand âge. [1].

Le titre de la campagne est "Trop vieille pour ça ? Seuls les autres le croient".

Mais quels sont ces "Autres" dénoncés de façon si binaire ? Les méchants, les "fake-newseurs", les indignes de notre espèce essayant d'informer de façon objective les femmes sans les effrayer inutilement, sans sortir du chapeau un dossier historique de cancer nécrosé d'une patiente n'ayant jamais consulté ? Brandir un épouvantail, même hors contexte comme les "Uns" l'osèrent, cela  sert toujours à terroriser efficacement les foules d'un châtiment divin en cas de non-observance de l'église, ici l'église de dépistologie. [2]. Eh oui, même des professionnels de santé n'ont ni honte ni sens du ridicule pour faire dans le spectaculaire...

Il est vrai qu'après la baisse de participation au dépistage de la tranche d'âge des 50-74 ans, enfin informée de la controverse scientifique et de l'épineux problème du surdiagnostic, les bons "Uns" (puisque nous sommes les Autres, vous suivez ?) se sentent obligés de relancer par tous les moyens ce dépistage moribond. Vers les tranches d'âge en dessous des 50 ans, on n'ose encore pas trop, quoiqu'en 'of ' les gynécologues ont la fâcheuse habitude de proposer le dépistage hors toute recommandation officielle à des quadragénaires.

La tentation est grande d'une percée vers les tranches d'âge au-dessus...

Des études, toujours des études !

Après un échange sur twitter avec Mr le PR Nisand, président de cette société savante qui, pour toute justification de ses campagnes lance des "cris d'alarme et de colère" dans les journaux alsaciens, ce dernier s'émouvait de notre absence de preuves et d'arguments scientifiques sur les avanies de ce dépistage tardif.

Nous, les "Autres" donc, qui nous éclairons encore à la bougie et hantons les couloirs à la recherche d'âmes perdues, nous en avons pourtant bien, des études.

Alors voilà déjà en vrac, avant que nous détaillions plus loin le pourquoi du comment, quelques études pour satisfaire l'inquiétude des "Uns" sur l'absence d'études chez les "Autres".[3]

On peut lire aussi les conséquences de ce genre de folies semées par les "Uns" sur les femmes plus âgées, en Grande Bretagne.[4]

Pourquoi on ne dépiste pas les femmes au grand âge ?

Peu d'essais ont été consacrés au dépistage chez les femmes au grand âge. L'étude des chercheurs de l'université de Leyden, sur les données des Pays Bas, publiée en 2014 dans le BMJ, rattrape ce manque [5].

Selon les auteurs, après 70 ans, le dépistage organisé du cancer du sein serait inutile. En effet, à cet âge, la pratique du dépistage n'améliore pas de façon significative la détection des cancers aux stades avancés mais fait en revanche bondir le nombre de surdiagnostics et donc de surtraitements.

Aux Pays-Bas, le dépistage du cancer du sein est proposé aux femmes jusqu'à 75 ans depuis la fin des années 1990. «Pourtant, rien ne prouve que le dépistage chez les femmes plus âgées est efficace », expliquent les auteurs de l'étude, mentionnant aussi le fait que peu d'essais aient été réalisés spécifiquement sur ces groupes d'âge.

Pour les chercheurs néerlandais, le dépistage systématique après 70 ans entraînerait surtout la détection et donc les traitements de lésions qui n'auraient pas évolué en maladie durant la vie des patientes.

Ces traitements inutiles entraînent un impact sur la santé trop important, et une co-morbidité trop lourde chez ces personnes âgées, qui supportent moins bien les effets secondaires des traitements, chirurgicaux, des radiothérapies et des chimiothérapies.

C'est pourquoi ils recommandent la non-extension du dépistage généralisé chez les plus de 70 ans et recommandent une décision personnalisée, en fonction de l'espérance de vie, du risque de cancer du sein, de l'état général et de la préférence des femmes concernées.

Rappelons aussi que le système immunitaire s’affaiblit avec l’âge. Ce qui suppose qu’on contracte davantage de cancers, de maladies infectieuses.  Tous les organes s'épuisent et fonctionnent moins bien, les facultés de cicatrisation, de régénération tissulaire sont moindres, tout cela est en prendre en compte dans l'administration de traitements lourds.

Pour conclure

Au-dessus de l'émotion venant du coeur, de la peur du cancer nouant nos tripes, nous possédons un cerveau qui nous permet de prendre des décisions balancées, neutres et utiles pour les populations. Si la société savante des gynécologues garde comme habitude la terrorisation des femmes, nous nous en tenons comme toujours à l'énoncé des faits.

Oui, même les "Autres" aiment leur maman.

Notre réaction, le 2 mai par l'envoi d'une lettre au Conseil National de l'Ordre des Médecins : https://cancer-rose.fr/2019/05/02/lettre-au-conseil-national-de-lordre-des-medecins-concernant-la-campagne-du-cngof/

Lire aussi : https://cancer-rose.fr/2019/02/06/depistage-chez-la-femme-agee/

Références

[1] https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1741170/fr/depistage-du-cancer-du-sein-en-france-identification-des-femmes-a-haut-risque-et-modalites-de-depistage

[2] https://www.lalsace.fr/actualite/2017/06/21/des-femmes-qui-se-condamnent-a-mort

[3]

  • de Glas NA, de Craen AJM, Bastiaannet E, etal . Effect of implementation of the mass breast cancer screening programme in older women in the Netherlands: population based study. BMJ 2014;349:g5410. 10.1136/bmj.g5410 25224469
  • de Glas NA, Kiderlen M, Bastiaannet E, etal . Postoperative complications and survival of elderly breast cancer patients: a FOCUS study analysis. Breast Cancer Res Treat 2013;138:561-9. 10.1007/s10549-013-2462-9 23446810

CrossRefPubMedWeb de la ScienceGoogle Scholar

  • Van de Water W, Bastiaannet E, Hille ET, Meershoek-Klein Kranenbarg EM, Putter H, Seynaeve CM, et al. Non-persistance d'un traitement endocrinien spécifique à l'âge chez les patientes ménopausées chez lesquelles un cancer du sein à récepteurs hormonaux positifs a été diagnostiqué: analyse de l'étude TEAM. Oncologue 2012 ; 17 : 55 -63.

Résumé / Texte intégral GRATUITGoogle Scholar

  • Hurria A, K Brogan, KS Panageas, C Pearce, L Norton, A Jakubowski, et al. Profils de toxicité chez les patientes âgées atteintes d'un cancer du sein et recevant une chimiothérapie adjuvante. Cancer du sein Res Treat 2005 ; 92 : 151 -6.

CrossRefPubMedWeb de la ScienceGoogle Scholar

  • http://bmjopen.bmj.com/content/7/8/e016395
  • Synthèse dans Revue « Médecine » mai 2011, 228; concepts et outils "Faut-il dépister le cancer du sein après 75 ans ?"
  • New Breast Cancer Screening Technologies in Older Women—Is It Time to Pump the Brakes? Ilana B. Richman, MD Cary P. Gross, MD

https://jamanetwork.com/journals/jamainternalmedicine/article-abstract/2720130?utm_source=twitter&utm_campaign=content-shareicons&utm_content=article_engagement&utm_medium=social&utm_term=011419#.XD0BRFQZ7Ao.twitter

[4] https://www.mirror.co.uk/news/uk-news/thousands-elderly-women-face-crazy-12476451

[5] https://www.bmj.com/content/349/bmj.g5410

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Qu’en est-il des recommandations de la Haute Autorité de Santé ?

C.Bour, 3 janvier 2019

Les modalités de dépistage mammographique ou de suivi mammographique des femmes alternent dans leurs fantaisies selon les spécialistes, et le consensus n'est pas là dès lors qu'il y a un antécédent familial quelque part dans la lignée. De ce fait des protocoles très différents et fort subjectifs sont appliqués selon les praticiens dans la fréquence et le début du dépistage pour les patientes, certains jugeant qu'un antécédent familial quel qu'il soit nécessite un dépistage annuel dès 30 ou 40 ans, au choix, d'autres estimant que deux cas de cancers chez de vagues cousines justifient un dépistage pour toute la parentèle, et ainsi chacun y va de sa propre "cuisine" personnelle. Les demandes formulées auprès des radiologues varient elles aussi tout autant dans la créativité, et il serait bon de nous référer, nous tous, praticiens, aux recommandations officielles disponibles pour l'instant sur le site de l'HAS (Haute Autorité de Santé) si la patiente souhaite poursuivre un dépistage régulier après avoir été bien informée des tenants et des aboutissants (et c'est là où le bât blesse...). Même si ces recommandations sont incitatives, sujettes à révision et pourraient changer à l'avenir, elles constituent un barème officiel de ce qui devrait se pratiquer selon cette autorité de santé pour la tranche d'âge 50/74 ans, et ont le mérite d'unifier les conduites à tenir.

Que dit la HAS pour l'instant ?

Vous trouverez ici une fiche synthétique sur les recommandations émises par la HAS  ainsi qu'un article plus complet ici  où la HAS explique bien les limites des recommandations.
En effet il est bien stipulé que la controverse scientifique existe ; les recommandations en général sont émises pour les décideurs politiques de proposer ou non un dispositif de dépistage. MAIS il est d'autant plus important que les femmes soient incluses dans les décisions (et c'est là ou l'information de l'INCa devrait jouer son rôle d'exhaustivité et de neutralité), parce que finalement la décision finale de participer ou non dépend directement du point de vue de la femme, à savoir du poids et de la valeur que chacune accorde aux bénéfices annoncés et aux éventuels risques auxquels elle s'expose. Les décisions et ses points de vue seront différents selon le vécu de chaque femme, son histoire familiale, ses craintes par rapport à un risque de décéder, ou davantage par rapport à un risque de connaître des biopsies et des diagnostics inutiles. Ainsi la HAS dit ceci :

  • La décision de dépister ou non est en partie déterminée par l’appréciation au niveau individuel et/ou collectif de la balance bénéfice-risque associée à la procédure. Cette décision a été prise, à l’échelle collective, sur la base de la baisse attendue des taux de mortalité par cancer du sein associée au dépistage par mammographie. Or, l’actualisation des méta-analyses et les données en population ont montré que l’impact des programmes sur la mortalité était plus faible qu’attendu dans plusieurs pays ayant mis en place précocement un programme de dépistage.
  • La balance bénéfice-risque est d’autant plus défavorable que le dépistage concerne des femmes jeunes et/ou sans facteur de risque. Ces résultats ont conduit certains auteurs à recommander une modification des messages adressés aux femmes, mais également des indicateurs de résultats associés au dépistage (avec notamment quantification du phénomène de sur-diagnostic).
  • La HAS reconnaît les incertitudes qui existent et recommande une information loyale des femmes.

Cliquez :

Femmes à haut risque

Même dans la partie consacrée aux femmes à haut risque, en préliminaire la HAS rappelle qu’en l’absence des facteurs de risque pour lesquels un dépistage spécifique du cancer du sein est recommandé, il n’y a pas lieu de réaliser une mammographie ou une échographie mammaire de dépistage en dehors de la tranche d’âge de participation au programme national de dépistage organisé, c’est-à-dire entre 50 et 74 ans :

Voir dans chapitre 'Recommandations préliminaires'

"La HAS rappelle qu’en l’absence des facteurs de risque pour lesquels un dépistage spécifique du cancer du sein est recommandé, il n’y a pas lieu de réaliser une mammographie ou une échogra- phie mammaire de dépistage en dehors de la tranche d’âge de participation au programme national de dépistage organisé, c’est-à-dire entre 50 et 74 ans."

La HAS rappelle également que la femme doit être en mesure de faire un choix libre et éclairé, cette phrase implique qu'elle pourrait tout aussi bien le refuser si tant est que des informations complètes lui ont été délivrées, bien sûr.

"Par ailleurs la femme doit être en mesure de faire un choix libre et éclairé, conformément aux recommandations sur le dépistage du cancer du sein publiées par la HAS en 2011."

A- Situations ne nécessitant pas un dépistage spécifique

"Situations ne nécessitant pas un dépistage spécifique

  • En cas de densité mammaire radiologique après la ménopause supérieure à 75 % (type 4 de la classification BIRADS de l’ACR)1

La HAS considère qu’aucun dépistage spécifique par imagerie ne doit être proposé en dehors de la participation au programme national de dépistage organisé. Seule une échographie mammaire peut être réalisée par le radiologue devant des difficultés d’interprétation de la mammographie en raison de l’effet masquant de la densité sur la détection des lésions.


1. La densité mammaire élevée avant la ménopause n’a pas été retenue comme un facteur de risque à l’issue des tra- vaux du volet 1."

(NDLR : volet 1 des travaux de la HAS : identification des facteurs de risque ; volet 2 : recherche des stratégies efficaces, sûres et efficientes pour les femmes ayant des facteurs de risque nécessitant un dépistage spécifique).

  • En cas de traitement hormonal substitutif ou traitement hormonal de la ménopause en cours

En cas de prescription avant 50 ans et en l’absence de données suffisantes pour déterminer la balance bénéfice-risque de la mammographie, aucune surveillance radiologique spécifique n’est recommandée.
En cas de prescription après 50 ans, aucune surveillance radiologique spécifique n’est recommandée.

B- Situations nécessitant un dépistage spécifique

  • En cas d’antécédent personnel de cancer du sein ou de carcinome canalaire in situ

La HAS recommande la réalisation d’un examen clinique tous les 6 mois pendant 2 ans puis annuellement.
Une mammographie annuelle, unilatérale ou bilatérale selon le type de chirurgie réalisé, doit être effectuée, en association avec une éventuelle échographie mammaire en fonction du résultat de la mammographie.
Dans l’attente d’études de niveau de preuve suffisant, ce suivi est recommandé sans limite de durée.

  • En cas d’antécédent d’irradiation thoracique médicale à haute dose (antécédent d’irradiation pour maladie de Hodgkin) 

La HAS recommande la réalisation d’un examen clinique annuel à partir de 8 ans après la fin de l’irradiation et au plus tôt à 20 ans.
Une IRM mammaire annuelle doit être effectuée à partir de 8 ans après la fin de l’irradiation et au plus tôt à 30 ans.
En complément de l’IRM réalisée en premier examen, la HAS recommande la réalisation d’une mammographie annuelle (une incidence oblique) en association avec une éventuelle échographie mammaire.
Dans l’attente d’études de niveau de preuve suffisant, ce suivi est recommandé sans limite de durée.

  • En cas d’antécédent familial de cancer du sein avec score d’Eisinger (score servant à poser l'indication de la consultation d’oncogénétique) qui soit supérieur ou égal à 3 ET à la condition supplémentaire que la recherche initiale de mutation des gènes BRCA1 et BRCA2 ne soit pas connue dans la famille OU que cette recherche initiale n'ait pas été réalisée (c’est-à-dire en l’absence d’identification d’une mutation prédisposante sur le gènes BRCA1 ou 2).

Analyse de l arbre généalogique selon le score d Eisinger : Additionner les scores pour chaque branche de la famille. Score > 3. Consultation d oncogénétique. Score < 3. Examen clinique annuel à partir de 25 ans. Dépistage à partir de 50 ans.

Quel est ce score et comment l'utiliser ?

Le score d’Eisinger est un score familial d’analyse de l’arbre généalogique, utilisé pour valider l’indication de la consultation d’oncogénétique. Il doit être réévalué dans une même famille si de nouveaux cas de cancers surviennent. Il peut permettre également de graduer le risque de prédisposition génétique au cancer du sein en l’absence de mutation familiale identifiée. La probabilité de prédisposition héréditaire est plus élevée pour les scores d’au moins 5 que pour les valences 3 ou 4.


En cas de score d’Eisinger < 3, la HAS ne préconise pas de dépistage spécifique.

Les recommandations pour une prise en charge onco-génétique et un suivi personnalisé concernent le cas des femmes ayant  un antécédent familial de cancer du sein avec score d’Eisinger  ≥ 3 ET recherche de mutation non connue ou non réalisée.

______________________________________

En conclusion

Toutes ces conduites à tenir sont détaillées sur les pages dédiées du site de la HAS (voir liens fournis dans l'article), se référer à des recommandations permettrait d'avoir déjà une conduite univoque de la part de tout le monde au lieu de multiples variations dissonantes. Mais enfin, ce qu'il faut intégrer avant tout pour aboutir à une décision éclairée et choisie librement par la femme, c'est la notion d'information neutre, que seuls les outils d'aide à la décision peuvent fournir, outils multiples et variés disponibles que vous trouverez en page d'accueil du site.

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Le Pr IFRAH ou la médecine d’un temps que l’on croyait révolu.

Par Dr Marc Gourmelon

9 novembre 2018

 

Dans un article du journal Le Parisien du 6 novembre 2018 [1]intitulé : « Cancer du sein : «Les détracteurs du dépistage sont irresponsables» ; le Pr IFRAH exprime son indignation envers ceux qui ne pense pas comme lui.

 

« Irresponsable » ! Pourquoi une telle violence dans le propos ?

 

Je propose 2 pistes pour répondre à cette question.

 

1) La médecine du 21ème siècle n’est plus la médecine du siècle dernier.

 

Aujourd’hui et depuis toujours, la médecine s’apprend auprès de « maîtres » qui vous l’enseignent.

Ces « maîtres » sont aujourd’hui encore, les médecins, professeurs agrégés des universités et chef de service de grands hôpitaux universitaires.

Ces « maîtres » partagent leurs savoirs et leurs connaissances et vous disent ce que la médecine est, et ce qu’elle n’est pas pas. Ils vous expliquent l’intérêt de tel traitement ou de telle intervention médicale comme les dépistages.

 

Jusqu’à la fin du 20ème siècle et l’avènement d’internet, les professeurs de médecine étaient ceux qui détenaient de façon exclusive le savoir médical.

Ils tiraient ce savoir de la lecture des publications dont nombres d’entre eux étaient les auteurs. Ces publications, étaient disponibles dans des revues consultables uniquement par le monde médical, au sein des bibliothèques universitaires de médecine.

Ce savoir était donc « enfermé » et réservé à une élite.

Cette élite médicale faisait profiter le reste de la profession de ce savoir, dans des enseignements ou conférences post-universitaires.

Il y avait donc un filtre majeur sur l’ensemble des données des connaissances médicales actualisées : celui des professeurs.

Mais il était alors impossible d’échapper à ce filtre.

Il ne serait d’ailleurs venu à l’idée de personne, d’aucun médecin hors système des professeurs, de remettre en doute la parole professorale et encore moins de la contester.

Le professeur agrégé de médecine était donc une sorte de monarque de la profession médicale, ce que l’on nomme encore les « mandarins ».

 

Mais depuis l’avènement d’internet et son développement jusqu’à aujourd’hui, le savoir et les connaissances médicales se sont démocratisés au point même qu’aujourd’hui, tout un chacun, même non médecin, a accès aux informations médicales les plus poussées.

Il en ressort que la parole du professeur agrégé de médecine n’est plus sacralisée.

Elle est même analysée et critiquée à la lumière des savoirs aujourd’hui disponibles sur un simple clic.

Nombre de « pontes » de la médecine, de professeurs agrégés, se supportent pas cette remise en question et par là même la contestation de leur autorité.

Nombre de ces médecins s’emportent contre ce qu’ils considèrent souvent comme des « crimes de lèse-majesté ».

Ces professeurs s’emportent ainsi contre les réseaux sociaux, expression des nouvelles libertés dont internet a permis l’avènement.

Ils montrent alors qu’ils fonctionnent toujours comme dans l’ancien temps et n’arrivent pas à s’adapter aux nouvelles réalités du 21ème siècle.

 

Il semble bien que le Pr Norbert IFRAH fasse partie de ces médecins d’un ancien temps.

 

 

2) Les autorités sanitaires travaillent-elles au bénéfice des patients ou au bénéfice d’autres entités ?

 

C’est une question qui se pose de plus en plus quand on voit se développer certaines « polémiques » dans le domaine de la santé : Médiator, Dépakine, Lévothyrox, vaccinations obligatoires, dépistages etc

 

Le Pr Norbert IFRAH, président de l’Institut National du Cancer depuis 2016, s’insurge donc contre ceux qui remettent en doute le bénéfice du dépistage organisé du cancer du sein par mammographie.

« Mais on assiste en France à une campagne de dénigrement surréaliste, notamment sur les réseaux sociaux. Ses détracteurs, peu nombreux mais très actifs, sont irresponsables. »

 

Dénigrement, irresponsabilité, que d’agressivité dans le propos !

 

Je ne reviendrai pas sur les mensonges et approximations que ma consœur Cécile BOUR a soulevé dans son article en réponse au Pr IFRAH [2]

Je voudrais, pour essayer de comprendre un telle violence,  plutôt m’interroger sur les liens d’intérêt du Pr IFRAH.

 

Une rapide consultation de la base de données publique Transparence – Santé [3]montre pour le Pr IFRAH, de 2013 jusqu’en 2016 date de sa nomination comme président de l’INCA , 93 avantages, 23 conventions et 5 rémunérations, ce qui correspond à une proximité importante avec les industriels du médicament et des dispositifs médicaux, et par là même à plusieurs milliers d’euros versés.

Ce sont donc des liens d’intérêts forts, tissés au cours de nombreuses années.

 

Par ailleurs, en tant que président de l’INCA, le Pr IFRAH a des objectifs précis fixés par le ministère de la santé, sa tutelle.

Le premier point de son contrat d’objectif et de performance [4]est le suivant :

« consolider une approche intégrée de la lutte contre le cancer : conforter l’articulation des actions de recherche, de prévention, de dépistage et d’organisation des soins, et contribuer à la lutte contre les inégalités face à la maladie »

Il a donc pour mission de conforter les actions de dépistage comme la mammographie.

 

Les médias sociaux et bien d'autres s’interrogent sur le bien-fondé du dépistage du cancer du sein par mammographie.

L’association Cancer-Rose souhaite que toutes les femmes soient informées pour décider de participer ou non au dépistage, et cela conformément aux conclusions de la concertation citoyenne sur le sujet.

Poser ces questions, s’interroger sur le bénéfice de ce dépistage, vouloir une information la plus honnête possible sur le sujet,  n’est pas la priorité du Pr IFRAH.

Il considère même que le faire est « irresponsable ».

Cela est d’autant moins une priorité pour le Pr IFRAH que cela va empêcher  l’INCA et donc son président, de mener à bien la mission qui lui a été confié par sa « hiérarchie » de développer le dépistage. Que celui-ci n’ait aucun bénéfice et même soit délétère pour les femmes, n’est pas son problème.

 

On imagine donc facilement sa colère.

 

On l’imagine d’autant plus facilement que dès la parution du rapport final [5]de la concertation citoyenne sur le dépistage du cancer du sein, le Pr IFRAH avait écrit à la ministre de la santé, une lettre hallucinante dont nombre d’associations et médecins indépendants s’étaient indignés. [6]

Dans cette lettre dont l’intégralité est consultable [7]; le Pr IFRAH ne faisait, ni plus ni moins que nier les conclusions de la concertation citoyenne pour proposer sa propre lecture qui consistait à maintenir le dépistage du cancer du sein par mammographie.

 

Il est donc tout naturel, qu’aujourd’hui le Pr IFRAH soit en colère.

En colère car il est contesté, lui professeur agrégé président de l’INCA.

En colère car il ne peut remplir la mission que lui a confié sa tutelle, et que donc il peut craindre pour l’évolution de sa « carrière académique ».

 

 

 

[1] http://www.leparisien.fr/societe/sante/cancer-du-sein-les-detracteurs-du-depistage-sont-irresponsables-06-11-2018-7936614.php

 

 

[2] https://www.cancer-rose.fr/un-responsable-nest-peut-etre-quun-irresponsable-qui-a-perdu-son-ir/

 

 

[3] https://www.transparence.sante.gouv.fr/flow/main?execution=e1s1

 

[4] https://www.e-cancer.fr/Institut-national-du-cancer/Qui-sommes-nous/Missions

 

[5] http://formindep.fr/wp-content/uploads/2016/10/depistage-cancer-sein-rapport-concertation-sept-2016.pdf

 

[6] http://formindep.fr/cancer-du-sein-la-concertation-confisquee/

 

[7] https://www.atoute.org/n/IMG/pdf/Courrier-Ministre-concertation-depistage-cancer-sein---.pdf

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Un responsable n’est peut-être qu’un irresponsable qui a perdu son ir

Dr Bour Cécile, 8/11/2018

 

Mr le Pr Ifrah, responsable de l'Institut National du Cancer (INCa), interrogé par Le Parisien le 6 novembre et apparaissant dans le magazine de la santé sur France 5 le 7 novembre, affirme que 80% des tumeurs du sein vont évoluer vers un stade métastatique si non dépistées.

 

Nous essayons de comprendre ce nouveau slogan de communication, cette affirmation n'étant pas sourcée par Mr le Pr Ifrah, lequel se dispense d'une attitude qui nous est chère à Cancer Rose, à savoir toujours étayer ce qu'on avance, surtout publiquement (et décliner ses liens d'intérêts aussi, ce qui est une obligation légale même pour Mr le Pr Ifrah, mais le lecteur peut retrouver cela facilement sur la base transparence/santé  )

 

Explication (tentative du moins..)

 

Nous supposons que l'INCA continue à privilégier des données obsolètes et à estimer les surdiagnostics dans la fourchette la plus basse, à savoir entre 10 et 20%, alors que nous savons d'après les dernières études qu'il se situe bien au-delà, aux alentours de 40%, au bas mot.[1] [2]

Mr Ifrah estime que s'il y a 20% de surdiagnostic, il y a donc automatiquement 80% de diagnostics de cancers tous forcément mécaniquement évolutifs vers métastases et décès. Comme c'est simple la médecine... !

Si 2 cancers sur 10 sont des surdiagnostics alors 8 cancers sur 10 vont automatiquement nous conduire au décès, selon lui.

Affirmer ceci est en l'état actuel des connaissances est un postulat qui suppose que la "précocité" du diagnostic permise par le dépistage conduit à des tumeurs moins évoluées (1ère hypothèse non démontrée) et que cette moindre évolution est associée à un meilleur pronostic (2ème hypothèse non démontrée).

Tout d'abord on sait que 9 cancers du sein/10 guérissent mais même non dépistés, la survie étant identique pour un même stade de cancer au moment de son diagnostic quand on compare des groupes de femmes dépistées et non dépistées.[4]

Deuxièmement le cancer du sein, on le sait ça aussi, n'a pas d'évolution linéaire, petit ne signifie pas précoce, ni bénin. Une petite tumeur peut rester petite dans un sein pendant un long laps de temps sans jamais se manifester, ou au contraire être déjà métastatique même petite. Gros ne veut pas dire tardif, cela peut être une tumeur d'évolution rapide, et ne veut pas dire forcément mortel, des tumeurs très volumineuses peuvent avoir des conséquences locales importantes mais n'avoir aucun potentiel métastatique. Le réservoir des cancers du sein est multiple, le cancer du sein est protéiforme.

Beaucoup des petites tumeurs détectées de façon excessive par le dépistage ont un très bon pronostic en raison d'une croissance intrinsèquement lente, qui fait qu'elles n'ont pas vocation à devenir de grosses tumeurs et qu'elles sont de par nature favorables. Ce sont elles qui constituent un surdiagnostic résultant directement de l'activité de dépistage. Elles ne se développeront pas assez pour être dangereuses.

A l'inverse, les tumeurs de grande taille, responsables des décès et le plus souvent à pronostic défavorable le sont aussi d'emblée, elles échappent malheureusement à la détection mammographique en raison d'une cinétique de croissance trop rapide.[3]

Les faits démontrent que ces cancers mortels et ces tumeurs qui évoluent très vite entre deux mammographies échappent bel et bien au dépistage. Ce sont pourtant elles qu'il faudrait "rattraper", et le dépistage a échoué dans cette mission, puisque cancers graves et nombre de décès ne bougent pas depuis les années 90.

 

Irresponsable ? Vous avez dit irresponsable...

 

L'affirmation de Mr Ifrah est une affirmation d'autorité et un positionnement médiatique dans un débat scientifique encore ouvert, et loin d'une vérité scientifique dûment démontrée,.

Dans un contexte où on a prétendu que le dépistage allait :

- diminuer le nombre de morts [5]

- diminuer le nombre de cancers graves

- diminuer le poids des traitements, et en particulier le nombre d’ablations du sein,

et que dans le réel, aucune de ces trois promesses n’est tenue , qu'au contraire, le nombre d’ablations a augmenté sans amélioration de la santé des femmes [6], l'irresponsabilité dont accuse Mr Ifrah les lanceurs d'alerte (professionnels de santé comme lui, ou chercheurs) dans l'article Le Parisien se situe plutôt dans cette défense désespérée d'un dispositif inopérant, en le justifiant sans hésiter avec recours à des assertions péremptoires, dans une formulation catégorique et scientifiquement imprudente, pour ne pas dire mensongère.

Tronquer l’information pour obtenir un slogan accrocheur et effrayant est un moyen de manipuler l'opinion publique.

Il est dramatique de constater qu'une autorité sanitaire se permette de traiter d'irresponsables les observateurs et les messagers d'une vraie controverse scientifique mondiale, et s'émeuve si peu de ces millions de femmes dont la vie bascule irrémédiablement dans l'angoisse et la terreur après avoir reçu une affirmation péremptoire de cancer lors un dépistage inutile, lorsque près d'un cancer détecté sur deux est un surdiagnostic.

Proposer avec un cynisme confondant des traitements "moins lourds" à des femmes qui n'auraient jamais dû être inquiétées et n'auraient jamais dû recevoir quoi que ce soit apparaît à nos autorités sanitaires tout à fait tolérable, comme à Mr le Pr Ifrah dans l'article Le Parisien... Parlez donc de traitement "léger" à une patiente qui se retrouve avec un sein en moins et une coronarite radique 20 ans après irradiation thoracique pour un cancer in situ de bas grade qui aurait pu rester ignoré... Le médecin est seul dans sa consultation face à ces vrais cas, Mr le Pr Ifrah n'est pas à ses côtés pour expliquer à la patiente qu'elle doit s'estimer heureuse d'avoir eu un traitement "léger"..

 

Ayons peur

 

On a peut-être raison d'avoir peur, quand on comprend à quel point il est cher aux autorités sanitaires françaises, censées nous protéger, de nous envoyer joyeusement à un dispositif de santé comportant des dangers sans en informer les populations, et à des soins "légers" pour des diagnostics de cancers inutiles..

Avant de traiter les sceptiques d'irresponsables, souvenons-nous des scandales sanitaires passés (Mediator, sang contaminé, Dépakine) et à venir (Gardasil ?) où des alerteurs "irresponsables" ont permis vraisemblablement de sauver des populations et de limiter les dégâts que des "responsables" politiques et sanitaires avaient soigneusement celés.

 

Et parce qu'on est gentils, des images

Avec l'aimable autorisation du Dr Bernard Duperray dont vous trouverez le PPT Dépistage Et Surdiagnostic sur ce site, voici quelques images éloquentes, chaque photo correspondant à un cas clinique :

 

 

Bibliographie

[1] Etude populationnelle, P.Autier http://www.bmj.com/content/359/bmj.j5224

[2] Etude rétrospectige, G.Welch https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1600249?af=R&rss=currentIssue

[3] Lannin http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMsr1613680

[4] Miller http://www.bmj.com/content/348/bmj.g366

[5] Etude norvégienne https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/ijc.31832

[6] Etude mastectomies en France Mastectomies En France 

Lire aussi : https://www.cancer-rose.fr/le-pr-ifrah-ou-la-medecine-dun-temps-que-lon-croyait-revolu/

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Quitter la version mobile