Notre étude : Le dépistage organisé permet-il réellement d’alléger le traitement chirurgical des cancers du sein ?

Etude, 2017

Actualisation 2023

Etude

Le dépistage organisé permet-il réellement d’alléger le traitement chirurgical des cancers du sein ?

Revue Medecine , Volume 13, numéro 8, Octobre 2017

https://www.jle.com/fr/revues/med/e-docs/le_depistage_organise_permet_il_reellement_dalleger_le_traitement_chirurgical_des_cancers_du_sein__310529/article.phtml

PDF : Etude mastectomies en France -

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Le dépistage organisé des cancers du sein est toujours l’objet de controverses. Un des arguments mis en avant par ses partisans serait une diminution des traitements lourds, rendue possible par des diagnostics plus précoces. Ce postulat n'a pas été évalué en France.

Avec le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), on dispose d'un recensement exhaustif des actes chirurgicaux réalisés en France. Toute évolution du nombre de mastectomies pour cancer du sein devrait donc s'y retrouver.

Nous avons interrogé les bases de données du PMSI et constaté qu'aucune diminution des mastectomies, totales ou partielles, ne pouvait être mise en évidence après la généralisation du dépistage organisé.

Le dépistage organisé permet-il réellement d'alléger le traitement chirurgical des cancers du sein ?

Robert Vincent 1, Jean Doubovetzky 2, Annette Lexa 3, Philippe Nicot 4, Cécile Bour 5

1 Hôpitaux Robert Schuman, Département d'information médicale (DIM)- Luxembourg

2 Médecin généraliste, rédacteur senior à la Revue Prescrire, Albi

 3 Docteur en toxicologie (Eurotox), Metz

4 Médecin généraliste, expert à la HAS, Panazol

5 Radiologue libéral, présidente de l’Association Cancer Rose, Talange 

Abstract: Does organized screening really reduce the surgical treatments of breast cancers?

The organized screening of breast cancers is still controversial. According to its supporters, it should enable a decrease of treatments, due to earlier diagnoses. This assumption has never been tested in France. The "Programme de médicalisation des systèmes d'information" (PMSI), is an exhaustive census of the surgical treatments achieved in France. The PMSI should show any change of the number of mastectomies for breast cancer.

We searched the PMSI databases and found no decrease of the number of mastectomies, radical or partial, after the generalization of the organized screening.

Keywords: breast cancer; mass screening; mastectomy

Introduction

Le dépistage organisé des cancers du sein a été généralisé en France en 2004. Pourtant, il est toujours l’objet de controverses.

En particulier, le postulat selon lequel le dépistage organisé permet un diagnostic plus précoce et détecte des tumeurs de plus petites dimensions, aboutissant à des traitements moins agressifs, n'a pas été évalué en France.

Si tel était réellement le cas, parallèlement à la généralisation du dépistage, on devrait constater un recul des traitements les plus lourds, et notamment des mastectomies totales. Depuis 1997, toutes les interventions chirurgicales, réalisées en France au cours d'une hospitalisation, sont enregistrées dans le cadre du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI)[1].

L'objectif de notre travail est de vérifier si, en France, la généralisation du dépistage organisé des cancers du sein s'est accompagnée d'une diminution des interventions les plus mutilantes, en étudiant l'évolution annuelle du nombre de mastectomies pour cancer recensées dans le cadre du PMSI.

Matériel et méthodes

Le nombre de mastectomies a été estimé à partir de données extraites de la plate-forme ScanSanté de restitution des données PMSI [2]. Les recherches ont concerné la France entière et tous les types d'établissements, publics et privés.

Les requêtes sur ScanSanté ont porté :

- d'une part sur les « Mastectomies totales pour tumeur maligne » (racine de GHM 09C04) ;

- d'autre part sur les « Mastectomies subtotales pour tumeur maligne » (racine de GHM 09C05) [1] [3].

Le nombre des mastectomies totales a été diminué du nombre des « ablations prophylactiques de sein ». C’est à dire que les séjours avec un diagnostic principal Z40.00 ont été soustraits des séjours classés dans la racine 09C04).

Le PMSI n'est généralement considéré comme exhaustif qu'à partir de l'année 2000. Les données antérieures à l'année 2000 sont donc susceptibles d'être sous-estimées et n'ont pas été prises en compte.

Les données brutes sur le nombre de mastectomies ont été complétées par une estimation des ratios [nombre annuel de mastectomies / incidence annuelle des cancers du sein]. Ces ratios n'ont pu être calculés que pour les 4 années, 2000, 2005, 2010 et 2012, pour lesquelles l'incidence des cancers du sein en France est disponible [2].

Le nombre de mastectomies totales effectuées au cours des 4 dernières années précédant le dépistage organisé (période 2000 à 2003) a été comparé avec celui des 4 dernières années avec dépistage organisé (période 2013 à 2016).

L’évolution du nombre annuel de mastectomies a été recherchée par une méthode graphique, avec courbe de tendance linéaire, complétée par un test de corrélation des rangs de Spearman. Pour les comparaisons entre 2 périodes, les intervalles de confiance ont été déterminés par rééchantillonnage bootstrap avec 105 répétitions.

Le seuil de significativité retenu est le seuil habituel de 0,05.

Toutes les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel R version 3.0.2.

Résultats

Comme le montrent le tableau 1 et le graphique 1, le nombre annuel de mastectomies totales pour cancer tend à augmenter sur la période 2000 à 2016.

Cette tendance à la hausse est statistiquement significative (p < 0,0002 au test de corrélation des rangs de Spearman).

La comparaison des 4 dernières années sans dépistage organisé (période 2000 à 2003) avec les 4 dernières années avec dépistage organisé (période 2013 à 2016]) montre que durant la période 2013 à 2016, en moyenne, 1 615 mastectomies totales de plus ont été réalisées chaque année par rapport à la période 2000 à 2003 (IC 95% : 1010-2280).

Année 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016
Totales 17 403 18 333 18 526 19 142 18 368 18 778 19 063 18 982 19 755 18 869 18 722 18 830 19 669 19 700 20 137 20 029 19 997
Partielles 36 473 39 318 42 111 44 993 46 170 46 767 45 755 44 539 44 202 45 293 46 149 47 508 52 247 51 485 52 078 52 769 53 658
Tot + Part 53 876 57 651 60 637 64 135 64 538 65 545 64 818 63 521 63 957 64 162 64 871 66 338 71 916 71 185 72 215 72 798 73 655

(Tableau 1 :  nombres annuels de mastectomies totales, partielles, totales et partielles)

(Graphique 1)

Le tableau 1 et le graphique 2 montrent que le nombre de mastectomies tout type confondu (totales + partielles) est lui aussi en forte augmentation sur la période 2000 à 2016.

Cette tendance à la hausse est statistiquement significative (p < 10-7 au test de corrélation des rangs de Spearman).

(Graphique 2)

La comparaison des 4 dernières années sans dépistage organisé (période 2000 à 2003) avec les 4 dernières années avec dépistage organisé (période 2013 à 2016) montre que durant la période 2013 à 2016, en moyenne, 13 389 mastectomies (tous types confondus) de plus ont été réalisées chaque année par rapport à la période 2000 à 2003 (IC 95% : 9 610-17 160).

Le tableau 2 présente les ratios [nombre de mastectomies / incidence des cancers du sein]. Ces ratios sont stables, entre 0,38 et 0,41, dans le cas des mastectomies totales. Ils montrent une tendance à augmenter entre 2000 et 2012 dans le cas des mastectomies partielles et des mastectomies tout type confondu.

Année 2000 2005 2010 2012
Incidence des cancers du sein 42 696 49 087 48 980 48 763
Ratio [nombre de mastectomies totales / incidence des cancers du sein] 0,408 0,383 0,382 0,403
Ratio [nombre de mastectomies partielles / incidence des cancers du sein] 0,854 0,953 0,942 1,071
Ratio [nombre de mastectomies tout type confondu / incidence des cancers du sein] 1,262 1,335 1,324 1,475

(Tableau 2 : Ratios [nombre annuel de mastectomies / incidence annuelle des cancers du sein])

Discussion

Le PMSI constitue la seule source d'information exhaustive sur l'activité chirurgicale en France. Il est essentiellement utilisé pour la facturation des séjours hospitaliers. Cependant des études précédentes ont montré qu'il pouvait être exploité pour des analyses épidémiologiques, notamment en ce qui concerne les cancers du sein [3,4].

Si le dépistage organisé s’était accompagné d’une diminution du nombre de mastectomies pour cancer réalisées en France, cette diminution devrait se traduire par une diminution équivalente des mastectomies codées dans les bases de données du PMSI. Cela ne correspond pas aux résultats observés. Au contraire, on constate une augmentation statistiquement significative des mastectomies totales ainsi que de l'ensemble des mastectomies tous types confondus.

La stabilité dans le temps des ratios mastectomies totales / incidence des cancers du sein montre que l'augmentation du nombre de mastectomies totales est parallèle à l'augmentation du nombre de cancers du sein invasifs diagnostiqués. Ainsi, en 2012, 8 années après la généralisation du dépistage organisé, on avait toujours 4 mastectomies totales pour 10 nouveaux cancers du sein invasifs, exactement comme en 2000, avant la généralisation du dépistage organisé.

La tendance à l'augmentation dans le temps des ratios mastectomies partielles / incidence des cancers du sein et ensemble des mastectomies tout type confondu / incidence des cancers du sein suggère que l'augmentation des interventions comportant des mastectomies partielles pour cancer est plus rapide que la progression de l'incidence des cancers du sein invasif. Ainsi, en 2012, on avait près de 15 interventions comportant une mastectomie pour 10 nouveaux cancers du sein invasifs, alors qu'en 2000, moins de 13 interventions étaient pratiquées pour 10 nouveaux cancers.

Une des explications possibles pourrait être les surtraitements associés aux surdiagnostics. En effet, le dépistage conduit dans 30% à 52% selon les auteurs à la découverte de lésions cancéreuses de petites tailles ou peu évolutives, qui seraient restées asymptomatiques durant toute la vie de la patiente. Par précaution, toutes les lésions sont traitées et leur découverte aboutit à leur ablation chirurgicale, le plus souvent par mastectomie partielle [5,6].

Il est également possible que les mastectomies partielles secondairement suivies de mastectomies totales soient plus nombreuses ; autrement dit, il est possible qu’un certain nombre de femmes qui étaient autrefois directement traitées par mastectomie totale subissent à présent une mastectomie partielle avant de subir secondairement une mastectomie totale. Ce mécanisme ne pourrait cependant jouer que pour une part très faible, puisque selon la Caisse nationale d’Assurance maladie, en 2012, seulement 3% des tumorectomies ont été suivies d’une mastectomie [7].

Les services d’hospitalisation sont mieux rémunérés pour des mastectomies totales (racine 09C04) que pour des mastectomies partielles (racine 09C05). On pourrait donc supposer un biais de surcodage des mastectomies totales, lié à une motivation financière. Cette interprétation est peu probable, pour au moins deux raisons :

-  d’une part, s’il y avait une augmentation abusive des codages en « mastectomie totale » (09C04), elle se ferait au détriment des codages en « mastectomie partielle » (09C05), qui devraient donc être en diminution. Or les données disponibles sur ScanSanté montrent que les mastectomies partielles sont au contraire en augmentation, et même plus rapide que les mastectomies totales.

- d'autre part, le surcodage modifierait l'équilibre entre le nombre de mastectomies totales enregistrées dans le PMSI et le nombre de cancers du sein. Il en résulterait une augmentation des ratios nombre de mastectomies totales / incidence des cancers du sein, parallèle à l'augmentation des mastectomies totales. Nos résultats montrent au contraire une stabilité de ces ratios.

Nos résultats sont cohérents avec les résultats trouvés dans d’autres pays :

- aux Etats-Unis, dans une étude de 2015 portant sur 16 millions de femmes, une augmentation de 10% de l'activité du dépistage a été associée à une augmentation de presque 25% des tumorectomies et mastectomies partielles (RR 1,24 ; CI 1,15-1,34), sans diminution des mastectomies totales [8].

- au Royaume-Uni, selon le rapport dit Marmot de 2013 sur le dépistage des cancers du sein, la fréquence des mastectomies est augmentée d’environ 20% dans la population dépistée, par comparaison avec la population non dépistée [9].

- pour l’ensemble des essais comparatifs randomisés effectués dans le monde ayant examiné cette question, en 2013, la Collaboration Cochrane évalue que le nombre de mastectomies est augmenté de 20% (RR 1,20 ; CI 95% 1,08–1,32) et le nombre d’interventions chirurgicales (mastectomies et tumorectomies) est augmenté de 30% (RR 1,31 ; CI 95% 1,22–1,42) [10].

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt en lien avec le contenu de cet article.

Références.

  1. Manuel des Groupes Homogènes de Malades - Version 2016 de la classification. Bulletin officiel No 2016/5 bis Fascicule spécial.

2- Binder-Foucard F, Belot A, Delafosse P, Remontet L, Woronoff AS, Bossard N. Estimation nationale de l’incidence et de la mortalité par cancer en France entre 1980 et 2012. Partie 1 – Tumeurs solides. Saint-Maurice (Fra) : Institut de veille sanitaire, 2013. 122 p. (Page 55 du document)

  1. Trombert Paviot B, Gomez F, Olive F, Polazzi S, Remontet L, Bossard N et al. Identifying Prevalent Cases of Breast Cancer in the French Case-mix Databases. Med. 2011;50(2):124-30. doi : https://doi.org/10.3414/ME09-01-0064
  2. Quantin C, Benzenine E, Hägi M, Auverlot B, Abrahamowicz M, Cottenet J et al. Evaluation de l’intérêt de l’utilisation des données du PMSI pour l’estimation de l’incidence du cancer du sein dans deux départements français. Rev Epidemiol Sante Publique 2010 ; 58 (Suppl. 1) : S14.
  3. Jørgensen KJ, Gøtzsche PC. Overdiagnosis in publicly organised mammography screening programmes: systematic review of incidence trends. BmJ. 2009 Jul 9;339:b2587.
  4. Bleyer A, Welch HG. Effect of three decades of screening mammography on breast-cancer incidence. N Engl J Med 2012;367:1998-2005.
  5. Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses : proposition de l’Assurance Maladie pour 2015. Rapport au Ministre chargé de la sécurité Sociale et au Parlement sur l’évolution des charges et des produits de l’Assurance maladie au titre de 2015 (loi du 13 août 2014) ; page 62.
  6. Harding C, Pompei F, Burmistrov D, Welch HG, Abebe R, Wilson R. Breast Cancer Screening, Incidence, and Mortality Across US Counties. JAMA Intern Med. 2015 Sep;175(9):1483–9.

9- Baum M. Harms from breast cancer screening outweigh benefits if death caused by treatment is included. BMJ 2013 ; 346 : f385. doi : https://doi.org/10.1136/bmj.f385

10- Gøtzsche PC, Jørgensen KJ. Screening for breast cancer with mammography. Cochrane Database of Systematic Reviews 2013 ; 4;(6) : CD001877. doi: https://doi.org/10.1002/14651858.CD001877.pub5

[1] Développé progressivement à partir de 1982, le PMSI vise à décrire les hospitalisations en les classant dans des groupes aux caractéristiques voisines, les Groupes homogènes de malades (GHM). Depuis 1995, obligation est faite aux établissements publics de transmettre leurs données. En 1997, le PMSI a été étendu aux établissements privés. On estime généralement que les données sont devenues quasiment exhaustives à partir de l’année 2000.

[2] Les données du PMSI sont mises à disposition de tous, acteurs de santé et grand public, sur une plate-forme nationale en accès libre, gérée par l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH). Cette plate-forme se nomme ScanSanté et peut être consultée à l'adresse : http://www.scansante.fr

[3] À l'issue de l’hospitalisation d'un patient, le motif d'admission, les comorbidités et les actes réalisés durant le séjour, sont codés pour permettre leur traitement informatique. Chaque séjour est ensuite classé dans une racine de GHM, sur base de son motif d'admission et des éventuels actes chirurgicaux réalisés. Ainsi, la racine de GHM 09C04 correspond, par construction, aux séjours ayant un motif d'admission en lien avec un cancer du sein et comportant un acte chirurgical de mastectomie totale. De même, la racine de GHM 09C05 correspond, par construction, aux séjours ayant un motif d'admission en lien avec un cancer du sein et comportant un acte chirurgical de mastectomie partielle.

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Pour conclure

Globalement, on opère autant en 2016 qu'en 2000Dans les recommandations officielles, il doit y avoir une tendance croissante à privilégier chaque fois que possible la chirurgie conservatrice.Ce qui est sûr, c'est que, malgré cette volonté affichée de privilégier la chirurgie conservatrice, le nombre annuel de mastectomies totales ne diminue pas. Ce que nous avons également montré, c'est que le nombre de mastectomies totales rapporté à l'incidence des cancers invasifs n'a pas non plus diminué.

Deux explications sont possibles :

  • soit la chirurgie n'est pas plus conservatrice en 2016 qu'en 2000 (i.e. les recommandations privilégiant la chirurgie conservatrice chaque fois que possible ne sont pas suivies ; ce qui annule le bénéfice espéré du dépistage),
  • soit des mastectomies totales sont réalisées pour des tumeurs non invasives (surtraitement associé au surdiagnostic) et ces mastectomies totales supplémentaires font perdre le bénéfice d'une tendance générale à une chirurgie plus conservatrice.
 

Explication détaillée

 
explication détaillée de l'étude

Etude présentée au congrès de la  Société Française de Sénologie et de Pathologie Mammaire en 2017,

cliquez sur l'image pour voir le diaporama:

CONGRES DE LA SFSPM / 8 au 10 novembre 2017
 

Actualisation 2023

Par Dr V.Robert

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Cette année, Octobre Rose commence en Septembre/ enquêtes IFOP et Europa Donna 

Par Dr Annette Lexa

Dr Bour (partie conflits d'intérêts)

5 septembre 2017

Grande tête de proue du lobby rose en France, EUROPADONNA France, par le biais de sa Présidente Natacha Espié, s’est dit, le 28 août dernier, publiquement fier de « se consacrer à la diffusion et à l'échange d'informations précises et d’actualités sur le cancer du sein ».  Sans doute ne dispose-t-on pas d’assez de budget pour revoir la plaquette de 2012 qui annonce encore, sans preuve aucune, une réduction de mortalité de 20 à 30% chez les femmes de plus de 50 ans qui participent au dépistage, ainsi qu’un risque de surdiagnostic de 5 à 10%. La priorité de cette association militante n’est de toute évidence pas de se suffire des recommandations des institutions publiques ni de fournir une information précise et d’actualité.

En effet, EUROPADONNA a confié à l’IFOP, grâce au soutien institutionnel [1] de ACCURAY, deux sondages d’opinion (« Les Français et le cancer du sein» et « Les Françaises et le dépistage du cancer du sein») dont la piètre qualité de la méthode et des conclusions est telle que nous avons été incités à rechercher le véritable mobile des commanditaires .

Plan de l'article :

  • L’enquête IFOP " Les Français et le cancer du sein "

  • L’enquête IFOP " les Françaises et le dépistage du cancer du sein "

  • Conflits d'intérêts au sein d'Europa Donna

Mais tout d'abord :

Qui est EUROPADONNA ?

Il s'agit d'une association européenne se définissant elle-même comme  militante et qui informe, rassemble et soutient les femmes dans la lutte contre le cancer du sein. Elle s’est donné aussi pour mission de mettre en place des recommandations dans tous les pays européens et au delà, faisant fi des recommandations des institutions desdits états, comme celles de l’ANSM en France, ce que nous allons constater au  détour de cette enquête[2].

L'association EUROPADONNA France est financée à 83% par des dons privés, voir page 18 du PDF : lien PDF

Le réseau EUROPADONNA tire environ 97% de ses revenus de l’industrie pharmaceutique : lien PDF

EUROPADONNA France s'est vu refuser son agrément en tant qu'association de patients, et ce par la Commission Nationale d'Agrément des associations représentant les usagers dans les instances hospitalières ou de santé publique (la CNA arusp).

La raison (page 18 du rapport, ou 21 du PDF lien ) tient au fait que " l'association (EUROPADONNA)...ne produit elle-même aucune information spécifique....De surcroît, son indépendance n'est pas évidente, aussi bien en ce qui concerne les membres de son conseil d'administration majoritairement médecins, que ses ressources qui proviennent pour une part importante des laboratoires pharmaceutiques. Pour ces motifs énoncés, l'association ne relève pas d'un agrément national." Pour l'instant elle n’est toujours pas agréée comme association de patients ou usagers. Voir lien

De ce fait, depuis la création du réseau EUROPADONNA par des oncologues, EUROPADONNA reste en réalité non pas une association de patients mais bien un groupement de leaders d'opinion.

Qui est ACCURAY ?

Accuray est une société de radio-oncologie, leader sur son marché, « qui développe, fabrique et vend des solutions de traitement innovantes et précises dans le but d'aider les patients à vivre plus longtemps, à mieux vivre ». L’entreprise côté au NASDAQ, traverse une période difficile. [3]

Quand une entreprise annonce vouloir relever le défi de « chiffres noirs »  pour satisfaire  ses investisseurs, on peut s’interroger sur la philanthropie qui l’a conduite à financer cette étude IFOP.

L’enquête IFOP " Les Français et le cancer du sein "

[4]

L’enquête  a interrogé 1000 personnes de 18 à 65 ans dont 529 femmes, en respectant la méthode des quota classiques. Les personnes ont rempli un questionnaire en ligne.  L’IFOP est muet sur les rémunérations ou gratifications reçues des sondés qui acceptent de répondre.

Il s’agissait de sonder leur adhésion à différentes formes de traitements  de cancer du sein (radiothérapie, chimiothérapie, hormonothérapie et chirurgie) .

L’IFOP a donc demandé à des jeunes gens de 18 ans, à des jeunes femmes et des jeunes hommes si elles/ils considéraient ces différents traitements, chimiothérapie, chirurgie et radiothérapie, comme efficaces/ innovants/ douloureux/ chronophages/ bien tolérés. On est surpris de lire dans les tableaux des résultats que des personnes interrogées non touchées elles-mêmes ou dans leur entourage, ont un avis sur tout .

La suite du sondage permet de mieux comprendre les intentions du commanditaire. En effet on a demandé aux  sondés s’il adhéraient aux affirmations suivantes : « il faudrait davantage donner accès à la radiothérapie de pointe » (ils sont 93% à être d’accord) et  « Il faudrait davantage promouvoir la radiothérapie » (ils sont 90% à être d’accord).

Enfin, le sondage se termine par le « sentiment d’information sur les traitements du cancer du sein ». On apprend ainsi à la lecture des tableaux que si le jeune de 18 à 24 ans, le chômeur ou l’homme retraité inclus dans le panel ont le plus faible « sentiment d’information », le dirigeant d’entreprise sympathisant En Marche a le meilleur sentiment d’information .

Les conclusions telles qu’elles sont présentées pour les media : Seul un Français sur deux estime être bien informé sur les traitements du cancer du sein » .

En questionnant un panel représentatif de la populations générale d’hommes et de femmes de 18 ans et plus, ce résultat ne veut tout simplement rien dire et on comprend mal l’intérêt qu’il y a à faire dire à des jeunes gens de 18 -20 ans ou à des hommes de 70 ans qu’ils s’estiment mal informés sur les traitement du cancer du sein.

Que 93% des français soient d’accord avec le fait qu’il faudrait davantage promouvoir la radiothérapie en cas de cancer du sein a là aussi de quoi laisser songeur, et ceci à plus d’un titre. Les médecins - et particulièrement les oncologues - sont les plus à même de juger de la pertinence d’un traitement radiothérapique en fonction de la tumeur, de son stade d’avancement, du risque de récidive, etc. De plus, le traitement par radiothérapie est un acte médical remboursé dont il est interdit de faire la publicité, comme c’est le cas ici de manière indirecte. C’est un curieux renversement de situation que de demander de la radiothérapie à son médecin lorsque l’on a un cancer du sein.

La conclusion de ce sondage est que « Les Français se sont déclarés insuffisamment informés sur le cancer du sein et particulièrement sur les différentes options de traitement », ce qui fait dire au Chef de Groupe de l’IFOP « qu’il est essentiel de fournir ces informations à grande échelle ». ACCURAY s’est donc servi de ce sondage pour promouvoir ses appareils de radiothérapie, vendus aux hôpitaux, en manipulant l’opinion des consommateurs de soins de santé. Si ce procédé de business marketing est déjà éthiquement et légalement douteux, il est, de plus, dangereux.

Les risques liés au radiodiagnostic et à la radiothérapie

Si les appareils de radiothérapie mis sur le marché sont de plus en plus sûrs pour le patients dans leur ensemble (bien qu’il existe très certainement des disparités), force est de constater aussi qu’à ce jour l’hypersensibilité individuelle en radiothérapie est insuffisamment prise en compte car largement sous estimée[5]  et cela commence à poser de sérieux problèmes quand on cherche à étendre ce procédé de traitement. En effet certaines populations à risque (25% de la population serait radiosensible) subissent régulièrement des radiodiagnostics et/ou des traitements multiples (enfants malades, personnes présentant des troubles de la réparation de l’ADN, des maladies héréditaires ou des pathologies auto-immunes)  sans qu’on se soit préalablement inquiété de leur statut génétique[6] . La radiothérapie est une cause bien connue de cancers secondaires (entre 5 et 12%) ce qui ne doit pas être minimisé. Et cela vient se cumuler avec le risque lié au radiodiagnostic tels que les mammographies répétées sans précaution sur des femmes en bonne santé, jeunes et moins jeunes, porteuses de la mutation génétique les rendant moins aptes à réparer leur ADN irradié.

Sur le site d’ACCURAY (Accuray), on peut écouter le Pr ERIC LARTIGAU évoquer le cancer du sein. Si  « sur des maladies prises précocement, le contrôle locorégional est excellent », il reconnait une sous-estimation de la radio-toxicité et évoque une amélioration du niveau de précision du ciblage des tissus lésés, mais ne dit rien sur la susceptibilité individuelle des patientes atteintes de cancer du sein et subissant une radiothérapie après tumorectomie d’un petit cancer, réalisée sur un minimum de 20 à 50 % de patientes surdiagnostiquées.  Chez ces patientes on a posé un diagnostic qui a conclu à la présence d’une maladie «histologique» qui n’aurait jamais été perçue au cours de leur vie, et qui n’aurait modifié ni leur qualité de vie ni la durée de leur vie, en d’autres termes, ces femmes auront été diagnostiquées et déclarées cancéreuses et traitées… pour rien.

Dans ces conditions, promouvoir la radiothérapie comme un vulgaire bien de consommation est totalement irresponsable .

A ce propos lire aussi : radiosensibilité

L’enquête IFOP " les Françaises et le dépistage du cancer du sein "

Si le premier sondage est de toute évidence une publicité déguisée pour la radiothérapie de pointe développé par ACCURAY, le second est quant à lui, destiné ouvertement à promouvoir les recommandations militantes de EUROPA DONNA en matière de dépistage du cancer du sein. Si la loi n'interdisait pas de le faire, on aurait sondé des garçons et les filles de 10 ans : les courses d’Octobre rose, inspirées d’EUROPADONNA font déjà courir mères et filles... Donc, ce second sondage, sorti début septembre pour préparer le grand raout populaire d’Octobre Rose cuvée 2017,  a porté sur un panel de 1 007 personnes de 18 ans et plus (478 hommes et 529 femmes). Pour ce sondage, par un fait exprès, pas de détail des résultats en ligne. Sans information sur la méthodologie, sans accès aux résultats détaillés, aux tableaux bruts, nous devons nous contenter du Communiqué de presse de Europa Donna. sondage ED

Ce curieux panel mixte sélectionné pour répondre aux attentes des femmes en matière de dépistage de cancer du sein, comptait 47 femmes atteintes d’un cancer du sein et 374  participants ayant eu un parent proche, une amie ou une collègue touché par cette maladie. Quant on sait que la prévalence totale du cancer du sein est de 650 000 cas pour 22,5 M (2.9%) de femmes majeures en France [7], on s’interroge sur le sur-représentation de ces 47 femmes atteintes de cancer du sein sur 529 (9%) et donc sur la fiabilité de ce sondage.

Mais là où EUROPA DONNA montre son vrai visage, c’est quand il nous apprend qu’un tiers des répondants/répondantes de cette enquête pense encore (!) que « le dépistage du cancer est uniquement recommandé pour les femmes de plus de 50 ans ». Pour EUROPADONNA , le fait de penser que le dépistage est recommandé seulement au-delà de 50 ans est présenté comme une "idée fausse" à combattre.

Alors que la HAS ne le recommande QUE à partir de 50 ans : recommandation HAS ; lien HAS : "...il est rappelé qu’il n’y a pas lieu de réaliser une mammographie ou une échographie mammaire de dépistage en dehors de la tranche d’âge de participation au programme national de dépistage organisé, c’est-à-dire entre 50 et 74 ans."

L’enquête est aussi censée montrer que moins de 60 % des femmes âgées de plus de 18 ans se sont fait dépister. Cela permet, sur la base d’un panel hors sujet, de faire apparaître une moindre participation au dépistage et donc de justifier une communication encore plus agressive pour Octobre.

L’enquête demande enfin aux femmes quels sont les freins au dépistage, dans une liste soigneusement établie bien sûr. Dans cette liste des freins, on cherche vainement « j’ai lu qu’il y avait une controverse sur l’intérêt du dépistage à faire diminuer la mortalité par cancers et la lourdeur des traitements », « j’ai moins de 50 ans, je n’ai pas de risque familial connu, je ne suis pas concernée par le dépistage ».

On apprend par ailleurs que parmi les 42% de femmes ne s’étant pas fait dépister, 35 % pensent avoir peu et pas de risques de développer un cancer du sein, 35 % affirment ne pas avoir reçu de sensibilisation de la part de leur médecin. Si ces chiffres ont été calculés sur les 529 femmes âgées de 18 ans et plus, ils sont tout à fait normaux. La probabilité de développer un cancer du sein à 20 ans est extrêmement faible et ne peut justifier des dépistage forcenés hors recommandations. De plus, les médecins ciblent préférentiellement les femmes de 50 ans et plus - et les femmes à risque éventuellement - et ne proposent pas le dépistage organisé aux femmes de moins de 50 ans. Il n’y a aucune raison de conclure qu’il y a un déficit de sensibilisation.
A moins de chercher à démontrer qu’il faut sensibiliser les jeunes filles  pour aller faire des dépistages payants, ce sondage est incompréhensible tant dans sa méthodologie, que dans l’exploitation de ses résultats.

Malgré cette confusion entre femmes de 18 ans et plus interrogées, et femmes de 50 ans et plus concernées par le dépistage organisé, cela n’empêche ni EUROPADONNA de titrer «  une pratique insuffisante malgré une perception positive », ni les medias qui ont accepté de relayer cette ‘enquête’ de titrer « les femmes ne font pas confiance au dépistage » [8]

Il y a quelque chose de pourri dans le lobby rose quand, dès septembre et sans attendre octobre :

  • EUROPADONNA fait encore croire aux Françaises/Français à une réduction de mortalité de 20 à 30% chez les femmes de plus de 50ans, sans justifier ce chiffre.
  • EUROPADONNA tire des conclusions biaisées d’une enquête biaisée
  • EUROPADONNA et ACCURAY fait dire aux Françaises/Français qu’il faudrait davantage promouvoir la radiothérapie et qu’il y a des inégalités d'équipements entre les différents centres.
  • L’enquête est financée par une entreprise qui vend aux hôpitaux de la radiothérapie anti cancéreuse et doit se remettre de « chiffres noirs » en ayant déjà  « réduit une partie de ses effectifs au niveau mondial «  pour « pour renouer avec les bénéfices »
  • ACCURAY fait la promotion  indirecte pour la radiothérapie sans évoquer les risques liés à l’hypersensibilité individuelle en radiothérapie.`
  • EUROPADONNA tente par des moyens détournés de recommander l’extension du dépistage aux femmes jeunes et en bonne santé, alors que des mammographies répétées sans précaution sur des femmes jeunes porteuses de la mutation p21 sont dangereuses et de plus inefficaces en l’absence de tout symptôme.

Il y a quelque chose de pourri dans la diffusion de l’information sur le dépistage du cancer du sein en France quand on apprend que :

  • 90% des Françaises/Français croient aux vertus du dépistage précoce sur leur chance de guérison, ce qu’aucune étude scientifique ne vient confirmer.
  • On attend toujours une vaste étude épidémiologique nationale pour donner aux Françaises/Français les vrais chiffres de réduction de la mortalité/morbidité liés au dépistage organisé et aux surtraitements qui en découlent.

Mais laissons le soin à Natacha Espié de nous dévoiler la prochaine campagne marketing de EUROPADONNA:  « nous devons revoir nos axes de communication et d’information de façon à ce que les femmes retrouvent leur capacité de sujet, et à ce qu’elles parviennent à trouver une position et qu’elles ne soient pas otages de leurs peurs ».

Pourtant, la peur du cancer ne représente que 3% des freins, la peur de la douleur 4%, et l’option de ne pas les prendre pour des idiotes (restez ignorantes et confiantes, nous nous occupons de vous), de leur donner une information transparente, honnête et non biaisée n’est de toute évidence pas à l’ordre du jour de cette association militante. Et l’IFOP qui a accompagné ces clients dans leur décision stratégique ne ressort pas grandi de tout cela .

L'association EUROPADONNA, quant à elle, a montré son vrai visage, celui du militantisme idéologique.

Conflits d'intérêts au sein d'Europa Donna

Nous nous intéressons aux liens d'intérêts de la plupart des membres-médecins composant les comités d'administration et scientifique de l'association Europa Donna France, d'après  les déclarations publiques d'intérêts, consultables auprès de l'INCa pour certains membres, et sur la base publique base publique :

Mme Natacha Espié, présidente d'Europa Donna France, psychologue psychanalyste ; conventions avec les laboratoires TEVA SANTE (en 2015 pour une prestation de conseil/orateur), ainsi qu'avec Roche.

Dr Marc Espié, oncologue, Hôpital St Louis Paris

Responsable des maladies du sein à l'Hôpital Saint-Louis à Paris, Mr Espié intervient comme leader d'opinion publiquement à plusieurs reprises : Vidal Actualités 2013 Lien Youtube, vidéo Youtube janvier 2015 pour le laboratoire Sanofi lien youtube, et en 2016 pour défendre le dépistage organisé du cancer du sein. lien youtube

Dr Marc Espié, selon sa déclaration publique d'intérêt, fut de 2012 à 2014, plusieurs fois en contrat de conseil/prestations avec les laboratoires GlaxoSmithKline, avec Roche en tant qu’expert et avec Novartis Pharma. En 2016 on retrouve un contrat d'expert scientifique pour MSD France ainsi qu'un contrat de consultant pour 2017 prévu jusqu'en mars 2018, en 2016/2017 un contrat de conseil pour Pfizer, ainsi que des rémunération pour réunions professionnelles, réunions scientifiques et contrats de conseil/prestations avec Novartis, Roche, TEVA Santé, GlaxoSmithKline, et des contrats "d'hospitalité" avec AMGEN, ASTRAZENECA, Pierre Fabre Medicament etc...

Dr Israël Nisand, gynécologue obstétricien, CHRU de Strasbourg, président du CNGF (conseil national des gynécologues et obstétriciens de France) est aussi un leader d'opinion en faveur du dépistage organisé du cancer du sein :

Lien La Croix

Lien La Croix

Selon sa déclaration publique d'intérêts Pr Nisand a reçu des avantages de multiples laboratoires pharmaceutiques entre 2013 et 2016 (Ferring, MSD, TEVA Sante, Nordic Pharma, GE Medical System qui produit de l'appareillage d'imagerie médicale, Sanofi, Merks, Bayer Healthcare), et il a aussi réalisé une enquête en 2014 pour ICOMED, (également entreprise de matériel d'imagerie).

Dr Anne Tardivon, radiologue, Institut Curie Paris

Elle fut membre du groupe de liaison pour les dépistages organisés auprès de la DGS (Direction Générale de la Santé)en 2011, et membre du groupe de travail sur le dépistage organisé auprès de l'INCa en 2012. Elle est formatrice à Forcomed (voir formateurs Forcomed), structure délivrant un diplôme permettant au médecin radiologue d’obtenir l’agrément pour être lecteur et/ou relecteur des clichés mammographiques dans le cadre du dépistage organisé. Ex-présidente de la SIFEMen, la Société d'Imagerie de la Femme (ancienne SOFMIS), et actuellement dans son conseil d'administration (Lien Sofmis), Dr Tardivon est aussi responsable « international relationship » de EUSOBI (European Society of Breast Imaging Eusobi), Europa Donna intervenant dans le meeting annuel à Londres d'Eusobi, par exemple, page 4 de : annual report Eusobi

Eusobi délivre un diplôme de qualification pour l’imagerie du sein au niveau européen et cette société est soutenue par les firmes Guerbet (produits injectables d'imagerie médicale), Mammotome et Hologic,( fabricants de matériel radiologique et de biopsie), Siemens Heathineers, mais également par la MSL (mammography saves lives MSL), une communauté américaine de patients approuvée par le ACR (American College of Radiology).

D'après sa déclaration publique d'intérêts, Mme Tardivon est en contrats formation/recherche/divers avec les laboratoires Guerbet, Roche, Bayer, Nodea Medical. Elle a reçu des avantages divers des laboratoires Guerbet, Siemens, Roche, Bayer, Gibaud.

Dr Jean-Yves Seror, radiologue, est également leader d'opinion sur le dépistage : Lien Youtube

D'après sa déclaration publique d'intérêts il est en contrat avec les sociétés BARD (matériel de biopsie), les laboratoires Roche, Pfizer, GlasoSmithKline, et a perçu des avantage de ses entreprises ainsi que de GE Medical System.

Dr Pascale Romestaing, cancérologue radiothérapeute à Lyon, promeut le dépistage Lien Youtube, et est donc une leadeuse d'opinion ; convention congrés/formation/étude de marchés pour les laboratoires Roche, Sanofi, Astrazeneka, A+A (société internationale d'études de marché, spécialisée dans l’industrie pharmaceutique, mais également dans la biotechnologie, les dispositifs médicaux et la santé grand public.), également pour IPSEN Pharma et JANSSEN-CILAG. Des avantages ont été perçus de ICOMED (matériel d'imagerie), NOVEX PHARMA, Novartis, Astrazeneca, Janssen Cilag, Eisai,  Sanofi Aventis France, Roche.

Dr Anne De Roquancourt, anatomo-pathologiste, Hôpital St Louis Paris ; conventions avec Roche, Pierre Fabre Medicament, Grünenthal SAS, avantages perçus de Sandoz, Roche, ESAI, GlaxoSmithKline, Novartis.

Dr Patricia De Cremoux, biologiste, Hôpital St Louis à Paris ; conventions avec Roche, Astrazeneca, Amgen, Boehringer Ingelheim et avantages perçus de Amgen, Roche, Astrazeneca, Boehringer Ingleheim, Sandoz.

Dr Sarfati Benjamin, chirurgien, Institut Gustave Roussy ; conventions avec Roche, Perouse Plastie (implants mammaires),  Allergan, Integra Lifescience Services, Medtronic, LifeCell Emea ; avantages perçus par GSK, Perouse, Ethicon, Bristol-Myers Squibb, Allergan, Arion.

Dr Pascale Grosclaude, épidémiologiste Oncopôle Toulouse, convention avec Roche et avantages perçus de Celgene, Roche.

Dr Pia De Reilhac, gynécologue, Nantes ; conventions avec Sanofi (réunions d'experts),TEVA Santé (prestation conseil scientifique), Bayer HealthCare (manifestation de promotion), avantages perçus de Sanofi, Hologic, Biocodex, Icomed, Gedeon Richger, GSK, Besins International, Effik, Pierre Fabre.

Dr Mario Campone, oncologue, Institut de Cancérologie de l'Ouest Nantes ; convention savec Pfizer, GSK, Novartis, Roche, MSD France, avantages perçus de Novartis, Roche, Pierre Fabre, Medexact, MSD, Ipsen, Servier, Eisai, Icomed.

Dr Véronique Trillet Lenoir, oncologue Hospices civils de Lyon ; conventions avec MSD, Roche, Becton Dickinson, Roche, Lilly, Pierre Fabre ; avantages perçus de Pfizer, Roche, Pierre Fabre, MSD France, Hospira France, Merck Serono, Becton Dickinson,

Dr Eisinger François, oncogénéticien, Institut paoli Calmette à Marseille ; conventions avec Celgene, Roche, Sanofi, MSD, avantages perçus de Celgene, Roche,MSD.

Dr Serin Daniel, radiothérapeute, Avignon ; avantages perçus de Amtgen.

Des professionnels de santé, dont certains sont des leaders d'opinion apparaissant régulièrement dans les médias, participent donc à la fois à la formation des médecins par des congrès ou des organismes de formation, à divers programme de recherche et de "conseils" auprès de firmes pharmaceutiques, ils peuvent siéger dans des conseils administratifs ou scientifiques d'associations financées par des partenaires commerciaux, et puis dans des conseils scientifiques d'agences sanitaires et consultés comme experts.

Cela pose un évident problème de confusion des intérêts entre les firmes pharmaceutiques et d'équipements médicaux, et des agences sanitaires, par l'intermédiaire de ces spécialistes. Au regard de l'affaire Mediator, cela est fort inquiétant sur le terrain de l'indépendance de ces professionnels.

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[1] Rappel sémantique : on parle en langage courant de soutien institutionnel quand un institut public tel que l’INCa , qui vit de fonds publics, parraine ponctuellement une opération quelconque. EUROPA DONNA n’étant pas une institution publique , elle se définit comme une institution privée  et aurait dû ajouter, dans son souci de précision, « soutien institutionnel privé ACCURAY »

[2] EUROPA DONNA ne reçoit aucune subvention régulière de l’Union Européenne mais accepte des versements de fonds de la commission européenne sur la base d’un projet. Ainsi en 2013 Europa Donna, dans son rapport d’activité, remercie l’Union européenne pour sa dotation de 100.000 euros dans le cadre du programme de santé sur le cancer du sein, voir page 11( donations 2013), et pareil en 2014 ( donations 2014 ). L'association bénéficie du soutien institutionnel du Ministère des Affaires Sociales et de la Santé, de la Ligue contre le Cancer et de l'Institut National du CAncer http://www.europadonna.fr/7.aspx?sr=2. L'association Europa Donna bénéficie du soutien de partenaires industriels (partenaires ED ) tels que AMGEN France, EISAI, Lilly , NOVARTIS, PFIZER, ROCHE, SANOFI, laboratoires pharmaceutiques impliqués dans la commercialisation des médicaments et de tests sanguins destinés au traitement, diagnostic ou suivi du cancer , p.ex. http://www.roche.fr/pharma/cancer.html.

[3] C’ est une entreprise californienne côté au NASDAQ, qui a installé son siège en Suisse à Morges. Dans un article du Temps du  10/3/16 (https://www.letemps.ch/economie/2016/03/10/californien-accuray-renforce-presence-morges) nous pouvons lire que l’entreprise pèse actuellement " 3,5 milliards dollars avec une croissance annuelle de 2,5 à 3 et un chiffre d’affaires en progression de 7% à 380 millions de dollars." Toutefois, "Accuray reste déficitaire et a même accru sa perte nette. Celle-ci est passée de 35 millions de dollars sur l’exercice 2013-2014 à 40,2 millions de dollars en 2014-2015. Pour renouer avec les bénéfices, Accuray a réduit une partie de ses effectifs au niveau mondial. Le groupe atteindra prochainement les chiffres noirs, dès l’exercice 2016-2017. La technologie a mis beaucoup de temps avant d’être acceptée par le milieu médical. Nous sommes désormais plus en phase avec ce que veulent nos clients, à savoir les hôpitaux(…)"

[4] https://www.ifop.com/publication/les-francais-et-le-cancer-du-sein-2/

[5] RADIOSENSIBILITE INDIVIDUELLE : UNE NOTION ANCIENNE ET SON AVENIR Conclusions du séminaire du 16 décembre 2013 organisé par l’ASN

[6] Un test utilisant par exemple le gène check point p21 directement impliqué dans la voie ATM permettrait d’identifier le statut d’hypersensibilité individuelle à la radiothérapie.

[7] http://invs.santepubliquefrance.fr/Dossiers-thematiques/Maladies-chroniques-et-traumatismes/Cancers/Donnees-par-localisation/Cancer-du-sein ),

[8] (https://www.pourquoidocteur.fr/Articles/Question-d-actu/22684-Cancer-sein femmes-confiance-depistage).

Dépêche APM News

Grâce à APMNews qui a édité une dépêche suite à cet article le 8 septembre, nous apprenons des liens étroits d'autres membres du conseil d'administration avec l'industrie pharmaceutique, que les journalistes ont constatés de leur côté.

Deux vice-présidentes d'EUROPADONNA :

D'après les renseignements obtenus sur LinkdIn, Mme Dominique Debiais se présente comme consultante pour la société DPDS qui conseille les compagnies de biotechnologies pour l'accès au marché, les affaires publiques et la communication. Elle a dirigé précédemment les affaires règlementaires d'Amgen.

Dr Pascale Romestaing est cancérologue radiothérapeute et présente de nombreux liens d'intérêts avec l'industrie pharmaceutique (voir plus haut).

Deux secrétaires générales :

Mme Florence Etterlen, également d'après le profil LinkedIn, est vice-présidente de Liens directs, association "qui met en relations le monde parlementaire et les entreprises pour partager les enjeux économiques et de développement". De 1999 à 2011 elle a été directrice des relations gouvernementales chez Sanofi -Aventis (devenu Sanofi).

Mme Ghislaine Lasseron, consultante en communication médico-scientifique a été responsable de communication oncologie chez Sanofi-Aventis de 2000 à 2005.

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les billets de Luc Perino

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Essayiste et romancier, Dr Luc Perino est médecin, militant pour la formation médicale continue, pour l'éducation sanitaire indépendante, et défenseur de la médecine évolutionniste ou médecine darwinienne, dont le but est de comprendre pourquoi on tombe malade, au-delà du "comment" on devient malade.

Quatre articles en lien avec notre sujet nous paraissent d'excellence, et nous vous en suggérons la lecture.

rescapés des cancers du web

cancer vaincu par la banalité

redéfinir le cancer

dépistages inutiles/dangereux

Aubaines et tourments de la surmédicalisation

 

 

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Les petits cancers du sein sont-ils bons parce qu’ils sont petits ou petits parce qu’ils sont bons ?

10 juin 2017

Résumé Dr Cécile Bour

The new england journal of medicine Are Small Breast Cancers Good because They Are Small or Small because They Are Good? Donald R. Lannin, M.D., and Shiyi Wang, M.D., Ph.D.

http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMsr1613680

                          ______________________________________

Présentation, objectifs et conclusions de l'étude

Sous ce titre un peu provocateur, les auteurs de cette étude, Drs Donald Lannin et Shiyi Wang du centre anticancer de Yale (New Haven, Connecticut) se fondent sur une base de données américaine du SEER (pour Surveillance, Epidemiology, and End Results) pour évaluer le dépistage.

L'étude est originale en ce sens que pour la première fois sont utilisées des données biologiques pour une évaluation épidémiologique, en particulier du surdiagnostic.

L'étude met en relation les facteurs biologiques des tumeurs, leurs tailles, et à la fois l'espérance de vie ainsi que le délai de latence des cancers pour évaluer le surdiagnostic, et étayer la thèse de Welch selon laquelle les cancers du sein les plus petits, comme souvent détectés lors du dépistage, ont de façon disproportionnée des caractéristiques biologiques favorables, une latence très longue, et ne compromettraient ni la santé ni la vie des femmes si ils n'étaient pas détectés.

Welch quantifiait le surdiagnostic aux alentours de 22%.

Les auteurs aboutissent à cette conclusion : beaucoup des petites tumeurs détectées de façon excessive par le dépistage ont un très bon pronostic en raison d'une croissance intrinsèquement lente, qui fait qu'elles n'ont pas vocation à devenir de grosses tumeurs et qu'elles sont de par nature favorables. Ce sont elles qui constituent un surdiagnostic résultant directement de l'activité de dépistage. Elles ne se développeront pas assez pour être dangereuses.

A l'inverse, les tumeurs de grande taille, responsables des décès et le plus souvent à pronostic défavorable le sont aussi d'emblée, elles échappent malheureusement à la détection mammographique en raison d'une cinétique de croissance trop rapide.

Cette théorie, que l'épidémiologie initialement et depuis longtemps faisait émerger, qui explique pourquoi le dépistage n'améliore pas le pronostic des femmes atteintes de cancer du sein, est ici corroborée.

Procédés, méthodes, données à comprendre 

L'étude concerne uniquement les cancers invasifs.

Les lésions sont réparties en trois groupes de pronostic selon les facteurs biologiques suivants : leur grade, la présence de récepteurs aux oestrogènes et de récepteurs à la progestérone (sachant que les tumeurs présentant ces récepteurs hormonaux sont de meilleur pronostic).

Douze combinaisons sont possibles à partir de ces trois variables, chacun de ces 12 groupes présentant une valeur pronostique distincte.

Quatre groupes de cancers à mauvais pronostic :

  • grade 2, récepteurs négatifs
  • grade 3, récepteurs négatifs
  • grade 3, récepteurs oestrogènes positifs et à progestérone négatifs
  • grade 3, récepteurs oestrogènes négatifs et à progestérone positifs

Trois groupes de cancers de bon pronostic :

  • grade 1, récepteurs positifs
  • grade 1, récepteurs à oestrogènes positifs et à progestérone négatifs
  • grade 1, récepteurs à oestrogènes négatifs et à progestérone positifs

Les cinq autres groupes sont des groupes à pronostic intermédiaire.

Les auteurs examinent l'association taille tumorale et caractéristiques biologiques des tumeurs, par rapport au taux de survie spécifique au cancer. On parlera de tumeur "favorable" lorsque les caractéristiques biologiques présument d'un bon pronostic et de tumeur "défavorable" dans le cas contraire.

Le "délai de latence" permettant de quantifier le surdiagnostic correspond au laps de temps entre le moment où le cancer pourrait être détecté si on faisait une mammographie et le moment d'apparition des signes cliniques si on ne fait pas de détection précoce par mammographie. (Ajustement à l'âge effectué).

La fraction de femmes présentant une espérance de vie plus courte à ce laps de temps constitue le pourcentage du surdiagnostic.

(C'est à dire que ces femmes décèderont d'autre cause que leur cancer du sein, qui aura été détecté inutilement puisque ne les ayant pas mises en danger).

 

                                               Résultats de l'étude                                                                 

I-Caractéristiques biologiques des tumeurs en fonction de leur taille :

On examine quel sont les pourcentages de tumeurs favorables, intermédiaires, ou défavorables pour chaque taille tumorale, pour les femmes de plus de 40 ans et pour les femmes de moins de 40 ans.

pour les femmes de 40 ans et plus :

Parmi les tumeurs de 1cm et moins : 38,2% sont des tumeurs "favorables".
Parmi les lésions de 1cm et moins seulement 14,1% sont des tumeurs "défavorables"
En revanche parmi les tumeurs de plus de 5cm, on trouve 35,8% de tumeurs "défavorables".

Résultats pour les femmes de moins de 40 ans :

La proportion des lésions favorables est moitié moindre et celle des défavorables plus importante pour chacune des tailles tumorales examinées.

II-Etude de la survie spécifique en fonction à la fois des caractéristiques biologiques et de la taille tumorale

Classement en petites tumeurs pour celles comprises entre 0,1 et 2cm = T1 ; et en volumineuses tumeurs pour celles entre 2,1 et 5cm=T2

Le schéma ci-dessous montre qu'à la fois taille tumorale et facteurs biologiques influencent le pronostic, mais que des tumeurs volumineuses avec un statut biologique favorable ont un meilleur pronostic que des petites tumeurs avec un statut biologique défavorable.

Ce qui signifie que la différence de survie dépend moins de la taille que des facteurs biologiques, en revanche la grande taille sera plus déterminante lorsque les facteurs biologiques sont déjà défavorables.

III-Evaluation du surdiagnostic en fonction du délai de latence

L' approche retrouve un lien proche entre le taux de surdiagnostic et le délai de latence, en identifiant le délai moyen le plus en accord avec une fréquence de surdiagnostic donnée.

Rappelons que le délai de latence est le laps de temps entre le moment où le cancer pourrait être détecté si on effectuait une mammographie et le moment où apparaissent les signes cliniques lorsqu'on n'effectue pas de mammographie.

Lorsqu'on connaît l'espérance de vie (estimée selon plusieurs facteurs dont l'âge), et lorsqu'on connaît l'une des deux données, taux de surdiagnostic ou bien le délai de latence, il est possible d'estimer celle de ces deux données qui est inconnue, et ceci pour chacun des 12 groupes biologiques énumérés ci-dessus.

Le délai de latence, selon tous les modèles, est plus long pour les tumeurs à facteurs favorables que défavorables.

Ainsi le pourcentage de surdiagnostic a pu être évalué à 53% pour les tumeurs favorables, 44% pour les intermédiaires, 3% pour les défavorables ; en fait il n'y a pas de preuve que des tumeurs de mauvais pronostics ne progesseraient pas, le petit surdiagnostic observé dans ce groupe défavorable est dû à des décès intervenus chez ces patientes par autre cause avant le délai de latence, lequel est court pour ces formes-là.

On retrouve le chiffre avancé par Welch de 22% de surdiagnostic tout confondu, ne concernant, encore une fois, que les formes invasives, (pas les cancers in situ).

IV-la taille de la tumeur peut être un indicateur indirect de caractéristiques biologiques bonnes ou mauvaises.

Si toutes les tumeurs progressaient nous nous attendrions à un état à l'équilibre dans lequel il y aurait une distribution similaire des caractéristiques biologiques des tumeurs à travers les catégories de taille.

Il y aurait des formes favorables et défavorables dans des taux analogues dans chaque catégorie de tailles.

Au lieu de cela, ces données fournissent des preuves assez directes que de nombreuses petites tumeurs présentant des caractéristiques biologiques favorables ne progressent pas en tumeurs volumineuses au cours de la vie du patient.

En outre, les données impliquent que les grosses tumeurs ne proviennent pas de manière égale de toutes les petites tumeurs mais se développent préférentiellement d'une sous-population distincte de petites tumeurs présentant des caractéristiques biologiques défavorables.

La figure ci-contre montre la répartition des tumeurs des trois différentes valeurs pronostiques selon les tailles tumorales ; en abscisse le nombre de patientes, en ordonnée la taille tumorale. Les couleurs correspondent à une valeur pronostique.

La partie supérieure concerne les femmes de moins de 40 ans, et la partie inférieure les femmes de plus de 40 ans.

Il y a généralement davantage de tumeurs de bon pronostic dans la catégorie des tumeurs de taille petite et inversement.

Cliquez pour agrandir

Rappel des conclusions, en détail :

  • Les deux données : taille tumorale et caractéristiques biologiques ont une influence sur le pronostic, mais une tumeur de grande taille et à caractéristiques biologiques favorables est susceptible d'avoir un meilleur pronostic qu'une petite lésion à caractéristiques défavorables. De plus la taille tumorale est plus déterminante en matière de pronostic dans la catégorie des tumeurs à caractéristiques biologiques défavorables.
  • Beaucoup de petites lésions avec des facteurs biologiques favorables ne progressent pas vers une forme de grande taille durant la vie de la patiente. Les tumeurs de grande taille ne se développent pas à partir des petites, mais bien à partir d'une sous-population de petites lésions comportant des facteurs biologiques d'emblée péjoratifs.
    La plus grande incidence de tumeurs favorables chez les femmes de 40 ans et plus suggère que ces tumeurs sont justement et préférentiellement détectées par la mammographie systématique, et que c'est cela qui explique les taux de survie forcément très favorables pour cette tranche d'âge dépistée.
  • L'estimation du surdiagnostic par les auteurs, tous groupes biologiques confondus rejoint celle de Welch, 22%, et indique que le délai de latence pour les cancers les plus favorables est de 19 années (entre 10 et 20 ans), contre égal ou inférieur à 2 ans pour les cancers défavorables.
  • Le délai d'attente : en raison d'un délai d'attente très important dans le groupe des tumeurs favorables, la mammographie est forcément très opérante pour ces tumeurs de très bon pronostic, longtemps latentes, qui se retrouvent sur-représentées parmi les tumeurs de petite taille. Un nombre considérable de ces tumeurs ne se manifesteraient jamais du vivant des personnes. Et celles de ces tumeurs peu agressives susceptibles de grandir conservent cet excellent pronostic. Ainsi leur détection par la mammographie est de faible intérêt mais entraîne une perception d'efficacité et de survie exagérée.
    Dans le groupe le plus favorable qui contient certainement la plus large proportion de cancers surdiagnostiqués (grade 1, récepteurs positifs et taille<2cm), on a une survie à 10 ans de 97%. On peut estimer la proportion de surdiagnostic à au moins 50%. (En fait plus la tumeur est petite dans ce groupe et plus est importante la probabilité d'avoir un surdiagnostic. Il n'est donc pas étonnant de voir ces chiffres très bons de survie, mis en avant dans la communication sur le dépistage NDLR.)
  • Toujours dans ce groupe très favorable le surdiagnostic prévaut chez les femmes âgées par rapport aux jeunes. En effet, en raison de ce très long délai d'attente de 15 à 20 ans, beaucoup de ces cancers auraient pu n'être diagnostiqués que vers l'âge de 70ans, mais sont détectés à présent vers 50 à 60 ans à cause du dépistage. Et une large proportion de ces lésions non agressives et indolentes détectées par dépistage chez ces septuagénaires auraient pu ne jamais être détectées du vivant de la personne en l'absence de mammographie.
  • Pour les tumeurs à caractéristiques biologiques défavorables, le pronostic est considérablement meilleur si la détection est précoce (inférieure à 2cm), malheureusement cela est très rarement le cas en raison de leur délai de latence court, elles sont donc diagnostiquées souvent tardivement et on trouve peu de ces tumeurs défavorables dans le groupe des tumeurs de petite taille, car à développement véloce.

 la détection précoce n'est pas un bénéfice universel

En somme

====>>>> Les tumeurs de bas grade de malignité et les tumeurs de haut grade résultent de différents mécanismes moléculaires ; une tumeur de bas grade ne se dédifférencie quasi jamais en tumeur de haut grade. Il semble pouvoir être affirmé que les caractéristiques biologiques d'une tumeur représentent un facteur naturel constant.

=====>>>> Le plus gros problème qui résulte du surdiagnostic des lésions petites et favorables, sur-représentées dans les tumeurs détectées par le dépistage est le surtraitement ainsi que l'anxiété que ces diagnostics inutiles engendrent.

Il faut éduquer médecins, patients, le public en général que certains cancers sont indolents.

NDLR : Les indicateurs partiels que sont la survie à cinq ans et l’augmentation de la proportion des cancers découverts à un stade « précoce » ne sont pas des critères pertinents pour juger de l’efficacité de nos pratiques diagnostiques et thérapeutiques. Encore une fois, seule la mortalité est un indicateur pertinent.

 

N.B. :

Sparano, J.A, Gray R et al. Prospective Validation of a 21-Gene Expression Assay in Breast Cancer. The New England Journal of Medicine. 2015;373(21):2005-14. https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1510764

La majorité des cancers sont diagnostiqués à un stade précoce.

Or diagnostiquer des cancers de plus en plus petits ne s’est accompagné d’aucune baisse de la mortalité par cancer du sein jusqu’aux années 1990. Le pronostic d’un cancer varie plus en fonction de ses caractéristiques moléculaires que de sa taille, et ce qu’elle soit supérieure ou inférieure à 2 cm.

Extrait de l'étude :

Dans l'analyse à multiples variables incluant l'âge ...., la taille de la tumeur (2,1 à 5,0 cm vs ≤ 2 cm dans la plus grande dimension), le grade histologique (élevé vs intermédiaire vs faible) et le type d’opération ..., seul le grade histologique  a montré une association significative avec le taux de récidive.

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Adhésion des médecins aux recommandations sur le dépistage du cancer du sein

7 juin 2017

Résumé par Dr Cécile Bour

 

Publications du Journal American of the Medical Association

 

Le 10 avril 2017 dans le JAMA était publiée une enquête étatsunienne conduite par Dr Archana Radhakrishnan, du département de médecine interne de l'université Johns Hopkins de Baltimore sur le suivi des recommandations émises en matière de dépistage du cancer du sein par les médecins.(1)

Toujours dans cette même revue médicale Mme Deborah Grady, professeure de biostatistiques et d'épidémiologie au Centre Medical de San Francisco (Califormie) commente et analyse cette enquête.(2)

D'après cette auteure, le résultat de l'enquête est jugé "désespérant"... En effet il y aurait une grande proportion de médecins de premier recours qui recommanderaient la mammographie de dépistage pour des femmes plus susceptibles d'en subir les inconvénients que les bénéfices.

Ni l'American Cancer Society (ACS), ni l'USPSTF ne recommandent le dépistage dans les tranches de 40 à 44 ans, et malgré tout, 81% des médecins de premiers recours prescrivent l'examen dans cette tranche d'âge.

Rappelons qu'aux Etats Unis l'ACS recommande le dépistage dès 45 ans. (3)

Mais, du point de vue de l'auteure il convient de se fier aux recommandations de l'USPSTF (United States Preventive Task Force) dont la transparence, les méthodes de travail strictes basées sur les preuves scientifiques et l'absence de conflits d'intérêts garantissent l'indépendance.

(Ce groupe de travail est un panel de médecins et d'épidémiologistes financé, pourvu en personnel et nommé par le Ministère de la Santé et des Services à la Personne américain. L'USPSTF a émis des recommandations avec une proposition de dépistage de grade B (=bénéfice modéré à incertain) dans la tranche d'âge entre 50 et 74 ans tous les deux ans. (4) Nous verrons ultérieurement ce à quoi correspondent les différents grades de ses recommandations.(NDLR))

Dans le détail, ce que montre l'enquête est que 88% des médecins aux Etas Unis prescrivent ce dépistage aux femmes de la tranche d'âge de 45 ans à 50 ans et 67% aux femmes de 75 ans et plus, accordant leur crédit à d'autres recommandations moins reconnues et allant même au-delà.

Ainsi on estime à 50% des femmes dépistées subissant une fausse alerte, conduisant à de l'anxiété inutile et à un déferlement d'examens complémentaires dont la biopsie.

 

Les médecins abusent-ils ou mésusent-ils de la mammographie ?

 

A l'origine de cet excès de prescriptions on retrouve le système de rémunération des praticiens aux États-Unis qui récompense davantage les tests et les procédures au détriment de la prise de temps pour l'information des patientes sur risques et avantages de ces tests. La peur de procédures judiciaires est souvent mentionnée par les praticiens s'ils ne prescrivent pas et que survient une pathologie chez la patiente, ainsi que l'influence de décennies de battage médiatique dans la presse généraliste et médicale. D'autres causes de la sur-prescription sont la conviction que le traitement précoce est bienfaiteur, que le savoir de sa maladie est préférable au non-savoir, que le faire est préférable au rien-faire et que que le patient est généralement favorable aux différents dépistages.

Pourtant selon Pr.Grady, nous échouons à reconnaître que lorsque le praticien dit au patient quoi faire, la conduite de ce dernier s'accorde à ce que le praticien lui présente comme bénéfique pour lui. Ainsi si on annonçait aux femmes de 50 ans et moins que la mammographie n'est pas dénuée de risques, beaucoup y renonceraient.

Il a été évalué que la moitié des femmes ne recourraient pas à la mammographie de dépistage s'il s'avérait que le dispositif aboutissait à plus d'un surtraitement pour un décès par cancer évité. (5)

Lors d'une autre enquête nationale il s'avérait que moins de 50% des Américaines avaient pu avoir une discussion avec leur praticien sur les avantages et inconvénients du dépistage.

L'auteure rappelle que le British National Health Service, lui, informe les patientes qu'elles ont trois fois plus de probabilité d'un surdiagnostic en cas de dépistage par rapport à une chance d'éviction de décès par cancer.

 

Question majeure : que peut-on faire contre l'abus des mammographies ?

 

Professeur Grady pointe le fait que l'information partagée et le recours à des aides à la décision changent le comportement du patient.

Elle propose de nous appuyer sur le système de gradation des recommandation de l'USPSTF, dont nous parlions plus haut.

(6) (Le grade A de recommandation correspond à une haute certitude de bénéfice, le grade B à un bénéfice modéré ou incertain (ce grade est attribué par l'USPSTF au dépistage pour les 50-74 ans). Le grade I signifie qu'il y a insuffisance de preuves pour déterminer la balance bénéfice/risques, (ce grade est attribué par l'USPSTF au dépistage pour la tranche d'âge 40 ans et plus, et aux 75 ans et plus). NDLR)

Limiter la couverture d'un dépistage potentiellement risqué serait une meilleure attitude "gagnant-gagnant" pour patient et système de santé car on réduirait l'irradiation, les effets adverses, le surdiagnostic, l'anxiété, les examens surajoutés, les biopsies et les procédures conduisant à des fausses alertes.

Du point de vue économique l'avantage serait tout autant du côté du patient que du système de santé, et au final du côté du contribuable, car 30% du budget de la santé étatsunien sont dépensés dans des tests et des procédures abusives.

Il y a 5 ans, le gaspillage en santé, d'après Pr Grady, était estimé à 75 à 150 billions annuels, estimation qui ne peut qu'être qu'amplifiée en 2017 en comptant les innombrables victimes invalidées ou dont la vie est raccourcie par les effets indésirables.

 

Conclusion :

 

Il apparaît comme certain que les décisions basées sur l'information aideront à une décroissance des procédures inutiles. Mais pour ce faire il convient de réduire certains facteurs et causes qui conduisent à perpétuer ces conduites.

En fin de compte, un système alternatif de récompense basé sur la valoristaion de la preuve scientifique et centré sur le patient améliorerait les soins, les choix et la satisfaction en diminuant la gabegie et le gaspillage en santé.

________________

 

Commentaire (NDLR) :

 

Alors il est bien dommage que chez nous en France la précédente ministre de la santé, Mme Marisol Touraine, n'ait pas compris les femmes lors de la concertation citoyenne, ou n'ait pas voulu les comprendre, elles qui demandaient la sortie du dépistage de la ROSP, c’est à dire de la rémunération aux objectifs de santé. (7)

Voilà ce que Mme la ministre leur a répondu dans son plan pour la refonte du dépistage : « afin d’inciter les médecins à proposer la bonne modalité de dépistage à leurs patientes, les mammographies réalisées à ce titre seront mieux valorisées dans la cadre de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) » ; « Le suivi de la patientèle de femmes à partir de 50 ans, adapté en fonction du niveau de risque, donnera lieu à une valorisation de la ROSP. »

En France donc, on continue à dépister sans informer, on continue à inciter les médecins à ...inciter les femmes, on continue à courir en rose, on continue à renoncer aux études et aux preuves scientifiques, on continue à refuser des évaluations épidémiologiques, on perpétue un système de dépistage ruineux sans en évaluer les coûts réels que la collectivité doit supporter.

 

Biblio/Réf. :

(1) http://jamanetwork.com/journals/jamainternalmedicine/article-abstract/2617276

(2) http://jamanetwork.com/journals/jamainternalmedicine/article-abstract/2617273?amp%3butm_source=JAMA+Intern+MedLatestIssue&utm_campaign=05-06-2017

(3) https://www.cancer.org/latest-news/special-coverage/american-cancer-society-breast-cancer-screening-guidelines.html

(4) https://www.uspreventiveservicestaskforce.org/Page/Document/UpdateSummaryFinal/breast-cancer-screening

(5) December 9/23, 2013
Overdiagnosis and Overtreatment
Evaluation of What Physicians Tell Their Patients About Screening Harms
Odette Wegwarth, PhD1; Gerd Gigerenzer, PhD1 http://jamanetwork.com/journals/jamainternalmedicine/fullarticle/1754987

(6) https://www.uspreventiveservicestaskforce.org/Page/Name/grade-definitions

(7) https://www.cancer-rose.fr/plan-daction-pour-la-refonte-du-depistage/

 

 

 

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Procédures inutiles et coûts excessifs

4 juin 2017

https://healthmanagement.org/c/imaging/news/early-stage-breast-cancer-patients-receive-inappropriate-testing

 

l'Institut Fred Hutchinson pour la Recherche sur le Cancer (Seattle, état de Washington) présentera les résultats de son étude lors des rencontres de la Société Américaine d'Oncologie Clinique annuelle à Chicago.

Il s'agit d'une observation régionale portant sur des femmes asymptomatiques ayant été traitées pour un cancer du sein au stade précoce, dont le suivi a comporté de façon routinière des tests sanguins (recherche de marqueurs tumoraux) et de l'imagerie lourde (imagerie par scanographie).

Plusieurs analyses ont démontré l'absence de bénéfice pour ces patientes de ces procédures finalement inutiles, qui amènent au contraire une exposition excessive aux radiations, à des faux positifs, et à un surtraitement.

Parmi 2193 patientes atteintes de cancer du sein au stade précoce, chez 37% ont été réalisées des recherches de marqueurs tumoraux pendant la période de surveillance après traitement, atteignant en moyenne 2,8 tests par patiente, et 17 % de ces patientes ont reçu de l'imagerie lourde complémentaire.

L'étude relie les cas enregistrés de cancers de la zone Washington ouest aux demandes de remboursement des assureurs Premera et Regence : les coûts pour ces patientes subissant ces procédures étaient considérablement plus hauts que la moyenne. Après traitement, dans le cadre de la surveillance immédiate, les patientes ont atteint une moyenne de 13,3 visites médicales auprès d'oncologistes essentiellement, et de fournisseurs de soins médicaux.

 

Dr Gary Lyman, directeur de l'étude, cancérologue, économiste de la santé et co-directeur de l'Institut Fred Huchinson, pointe le fardeau en particulier financier que cela représente, en l'absence de tout bénéfice.

 

 

 

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Conclusions des revues systématiques favorables au dépistage du cancer du sein et lien d’intérêt financier et professionnel : des preuves flagrantes.

 

Par Dr ANNETTE LEXA

25/05/2017

 

Les fidèles lecteurs et lectrices de Cancer Rose savent que nous présentons ici régulièrement un décryptage des plus récents articles parus dans les plus grandes revues internationales au sujet du dépistage du cancer du sein dont l’intérêt est débattu depuis des décennies, et que certains nomment encore « polémiques » (ici).

Etudes et revues

 

Nous  avons présenté sur ce site  plusieurs études épidémiologiques, anciennes ou récentes, faites sur des cohortes de femmes dans différents pays. Une étude se présente toujours de cette manière : on suit 2 groupes, un groupe de « dépistées » et un groupe de « non dépistées », et , si on a la chance d’avoir eu un bon financement pour mener à terme une étude longue et robuste, pour faire court, à la fin  on compte les points (les mortes et les seins coupés).

Mais toutes les études ne se valent pas. Ainsi certaines présentent des biais méthodologiques (de recrutement, de perdues de vue, de déclaration,…) qui les disqualifient. Ainsi Philippe Autier et son équipe ont démontré que l'étude sur laquelle s’étaient longtemps appuyés les 'prodépistages' était en fait invalidée par des biais méthodologiques. (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4672251/)

Parfois, simplement, le nombre de femmes recrutées dans ces études est tout simplement trop faible et cela diminue la puissance statistique lorsque qu’on veut étendre la conclusion à l’ensemble de la population. Aussi les épidémiologistes - qui sont des gens ayant généralement moins de conflits d’intérêts car travaillant dans des organisations financées par l’argent public - ont développé des méthodes qui leur permettent de reprendre l’ensemble des études. On parle de « méta-analyses ».

On comprend aisément qu’une méta-analyse est souvent plus intéressante qu’une étude, bien qu’elle soit aussi entachée de biais, car il est parfois difficile de réunir des groupes disparates.

Aussi, il y a encore mieux pour un scientifique (médecin, toxicologue, biologiste… ) : c’est la revue systématique. La revue systématique reprend tous les travaux sur le sujet, toutes les études, qu’elles soient faites par modélisation, sur animal, toutes les études faites sur l’Homme, et elle prend en compte aussi toutes les autres données (anatomopathologie, données théoriques sur les processus de cancérogenèse, modes de traitements, effets indésirables, surdiagnostics..). Elle tient compte aussi des articles d’experts ou des revues éditoriales écrites par des leaders d’opinions.

Aussi, il y a une grande pression et une grande tentation d’écrire des revues systématiques car c’est l’outil le plus robuste des décisionnaires en matière de santé et  pour la communauté biomédicale. Vous imaginez bien la suite. Les revues systématiques ont tendance à se multiplier, leurs conclusions  deviennent disparates et cela entretient d’autant le doute.

Systematic Review

 

Dans un récent article publié d’une revue en open access, Systematic Reviews (article Systematic Review), les auteurs ont repris les revues systématiques parues sur le sujet entre 2000 et 2015. Ils ont cherché à vérifier s’il y avait un lien entre conclusion favorable ou défavorable au dépistage et liens d’intérêts déclarés par les auteurs des revues systématiques.

Ils ont sélectionné 59 revues systématiques totalisant 42 auteurs.

D’une manière générale, les auteurs étaient pour 68% d’entre eux des biostatisticiens, des épidémiologistes, des spécialistes de santé publique et pour 32 % des oncologues, des radiologues ou d'autres spécialités médicales. Seules 14% des revues systématiques présentaient leurs liens d’intérêts financiers, ce qui signifie que les chercheurs ont forcément sous-évalué les liens d’intérêts financiers réels.

 

Résultats de l'étude

 

Parmi les revues écrites par des cliniciens, 63 % étaient favorables au dépistage. Elles n’étaient que 32% à être favorables quand elles ont été écrites par des professionnels de santé publique.

Parmi les études dont les auteurs ont déclaré avoir des conflits d’intérêts FINANCIERS, 75% étaient favorables au dépistage.

Parmi les revues systématiques dont les auteurs n’ont rien déclaré (certains ont forcément « omis » de déclarer des liens d’intérêts), 47% étaient favorables, alors que seulement 31% étaient favorables au dépistage dans les revues dont les auteurs ont affirmé qu’ils étaient sans conflit d’intérêt.

Enfin, en ce qui concerne les revues traitant des femmes de 50 à 69 ans (20 conclusions), seulement 27 % des conclusions écrites par des non-cliniciens étaient favorables au dépistage, contre 78% de conclusions favorables si elles étaient écrites par des cliniciens.

 

 

Conclusion

Ce travail a démontré que les revues systématiques sont d’autant plus favorables au dépistage qu’il existe des liens d’intérêts financiers ou professionnels.

 

Et dire qu’on continue d’appeler cela une « polémique »…

 

 

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Quand le trop…. est l’ennemi du bien.

Cancer Rose vous offre une tribune citoyenne. Vous aussi, vous pouvez témoigner.

Cliquez ici : un cas clinique

 

Là c'est sûr, sans dépistage, la patiente se portait mieux.

Voir à l'échographie une « une distorsion de l’architecture non vascularisée, ce sur environ 12 mm » nous laisse déjà un peu pantois...

Au final pour la patiente de ce cas, il n'y avait donc pas de lésion carcinomateuse, on retrouvait de l'adénose inflammatoire et de la fibro-élastose.

Mais : "L’expert ajoute qu’il y avait nécessité de tumorectomie car cette lésion a un risque relatif de transformation maligne et qu’elle peut être associée à des foyers de carcinomes in situ ou infiltrant." On peut donc proposer des tumorectomies pour des lésions non cancéreuses mais qui pourraient peut-être être associées à un cancer, qui n'est pas là, mais peut-être ça pourrait.

En tous cas cela nous fait frémir à la vision d'un futur où la moindre micro-lésion ou distorsion architecturale sera de plus en plus visibles en raison d'appareillages de plus en plus sophistiqués où plus un sein ne sera normal. On frémit aussi à la pensée que beaucoup d'images mammographiques et de prélèvements anatomo-pathologiques sont sur-classés en malignité et ce de plus en plus fréquemment par les spécialistes ; de peur de sous-estimer on préfère finalement en faire trop. A force de surclassements abusifs, et à force de trop voir, de poser des diagnostics inutiles et exagérés, et a fortiori si des erreurs de coordination des spécialistes se surajoutent, les patientes auront à l'avenir de plus en plus de "chances" de connaître ce genre d'histoire.

Chirurgie abusive, radiothérapie inutile, cascade d'évènements malheureux.. La patiente est indemnisée certes, mais gardera ses séquelles à vie.

 

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Non mais allô! Quoi? T’es gynéco, tu comprends rien à l’épidémio ?

La trumpisation de l’information médicale en France

Dr ANNETTE LEXA

1er mai 2017

Sur le site de Allô Docteur- France 5, on peut actuellement voir une video (ici) sur le dépistage du cancer du sein, où le Docteur Cécile BOUR est interrogée.
Le reportage, se termine en affirmant que, pour les autorités et « la majorité des spécialistes », le dépistage doit continuer car il réduit le nombre de traitements lourds.
Nous assistons, ébahis, à la trumpisation de l’information médicale en France et c’est extrêmement grave. Le temps n’est plus très loin où ces « spécialistes » vont appeler « fake news » (faits alternatifs) les études internationales parues dans les plus grandes revues médicales et que nous relayons sur ce site. Ou vont les effacer… Le réel n’a pas eu lieu.

Cette vision du monde nous fait entrer tout droit dans le cauchemar de l’administration Trump, avec ses prises de positions négationnistes sur le réchauffement climatique.

Je propose d’ores et déjà quelques pistes complotistes aux surdiagnostico-sceptiques du Collège de Gynécologues :

« Les croyances dans le surdiagnostic et le surtraitement de cancers ont été inventées par des groupuscules alter-mondialistes afin de réduire la population mondiale. »

 

- « La peur des surdiagnostics est une ruse des Chinois/Américains/Russes (au choix) pour affaiblir l’industrie pharmaceutique. »

 

- « Derrière la polémique sur les surdiagnostics et les surtraitements de cancers, il y a la main invisible de Poutine. »

 

- « Les adeptes de la secte du surdiagnostic – alliés avec l’extrême-droite - veulent déclencher une pandémie de cancers dans le monde. »  

POURQUOI C’EST FAUX

Ce n’est pas le collectif qui a averti du risque de surdiagnostic de 10 ou20 %, c’est l’INCa lui-même (j’en parle ici).

Le Pr Carole MATHELIN du Collège de gynécologues et obstétriciens français appelle « polémique » les travaux scientifiques publiés depuis de nombreuses années dans les plus grandes revues biomédicales (Annals of Oncology, British Medical Journal, JAMA Intern.Med., New England Journal of Medicine), travaux dont nous nous faisons le relai ici à Cancer Rose (ici) .
Elle évoque des femmes arrivant avec de plus grosses tumeurs nécessitant des traitements plus lourds.

Le collège des gynécologues a-t-il un problème avec l’épidémiologie ?
Nous lui suggérons de lire attentivement l’étude de Harding et collaborateurs, parue en 2015, et portant sur 16 millions de femmes aux USA : cette étude n’a montré aucun bénéfice en terme de réduction de la mortalité, ni sur le nombre de cancers avancés ou le nombre d’ablations de seins. Une navrante « polémique » qui se répand sur les réseaux sociaux...

Le Collège des gynécologues peut aussi se pencher sur l'étude de Bernard Junod, publiée dans le BMJ en 2011 et portant sur trois cohortes de femmes en France, sur la méta-analyse Cochrane et sur celle de Prescrire qui montrent toutes que les mastectomies ont explosé. De malheureuses « fake news » venues d’on ne sait où...

Même la Caisse Nationale d’Assurance maladie, partant du principe qu’un dépistage précoce réduit les interventions lourdes, s’est étonnée que les ablations du sein ne baissent pas (ici) . Et que dire de l’avis de l’Académie de Médecine qui reconnaissait déjà en 2007 que le dépistage était à l’origine de surdiagnostics ? (nous en parlons ici). Un sombre « complot » organisé contre le Collège des Gynécologues.

Nous assistons à une trumpisation de l’information médicale « autorisée » en France.

- « Le surdiagnostic ? C'est quoi ? »

« Le réchauffement, quel réchauffement ? »

- « 10% de surdiagnostic : C’est le prix à payer pour sauver des vies, alors, on ne va pas en faire un drame. »

« C’est pas 3 ours polaires qui vont nous empêcher de continuer à brûler notre pétrole/charbon/gaz de schiste ! » 

- « Evaluer la réduction de mortalité due au dépistage ? Quelle drôle d’idée ! Les  gynécologues, les radiologues et surtout, les femmes sont satisfait(e)s du dispositif ! Alors pourquoi changer une équipe qui gagne et faire des statistiques qui embrouillent tout le monde? »

« Calculer les émissions de CO2, tout çà pour tenter de diminuer de 2 petits °C la température de la planète dans 50 ans quand on sera morts ? Quelle idée ! En plus, ça tue le commerce et l’emploi ! »

 - « Grâce au dépistage, les traitements sont moins lourds ! »

« De toute façon, le réchauffement climatique a commencé il y a 10 000 ans, alors vos mesures ne changeront rien ! et puis on va pouvoir aller extraire facilement le pétrole sous la calotte polaire ! »

- « A cause de gens comme vous, on va voir revenir des femmes avec des formes avancées de cancer du sein, vous êtes irresponsables ! »

« Les migrants climatiques ? Un drame ? Des opportunité de marché plutôt ! On va devoir reconstruire des villes, faire des grands travaux. Quand le bâtiment va, tout va ! »

Nous réfutons ces arguments irresponsables qui, sous couvert de l’argument d’autorité dont use et abuse le Collège des gynécologues français, sans la moindre preuve scientifique, entretient les femmes dans des peurs inutiles en manipulant les chiffres, et les désinforme sur les véritables enjeux que sont le surdiagnostic et le surtraitement de cancers.

Parions que d’ici Octobre Rose 2017, le point Godwin* sera atteint. Mais le terrain sera glissant et je préfère l’annoncer d’emblée : Klara Hitler, la mère d’Adolf, suivie par le médecin juif Edouard Bloch, est morte d’un cancer du sein en 1907. Ce tragique évènement contribua selon certains historiens** à sa terreur du cancer et déclencha son antisémitisme. La lutte contre le cancer et l’antisémitisme devinrent des priorités pour Hitler et des médecins nazis.

*La loi Godwin énonce que plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d'y trouver une comparaison avec les nazis ou avec Hitler s'approche de 1 .

**The Nazi War on Cancer, Robert Proctor, Princeton University Press (November 15, 2000) ; http://www.nytimes.com/books/first/p/proctor-cancer.html

Allez, pour se détendre, je vous propose mon….

QUIZZ EPIDEMIO POUR LES NULS GYNECOLOGUES  

1/ Pour connaître l’efficacité du dépistage du cancer du sein

a/ Je me fie à ce que je vois à mon cabinet, comme les femmes qui ne se font pas dépister et qui arrivent avec des tumeurs plus grosses.

b/ Je me fie aux données de la science et particulièrement aux méta-analyses publiées dans des revues à comité de lecture et fort facteur d’impact.

c/ Je me fie à ce que j’entends tous les ans dans les colloques organisés par le collège de gynécologues financés par Roche/par la société française de radiologie/ financés par General Electrics.

c/ Je me fie au nombre de femmes qui courent tous les ans contre le cancer et ça réchauffe le cœur : yes, we can !

2/ Que signifie « Meta-analyses yielded lung cancer incidence ≥ 10 years after radiotherapy RR of 2.10 (95% CI, 1.48 to 2.98; P , .001) « 

a/ Je ne sais pas, je ne comprends pas l’anglais

b/ Le risque relatif d’apparition de cancer du poumon chez des patients, 10 ans après avoir été traités par radiothérapie, est de 2.10, avec un intervalle de confiance à 95% situé entre la fourchette de 1.48 à 2.98, avec une très forte présomption de rejet de l’hypothèse nulle. On rejette donc l’hypothèse nulle selon laquelle la radiothérapie n’a pas d’impact sur le risque de développer un cancer du poumon 10 ans après une radiothérapie

c/ Je ne sais pas, je ne comprends pas l’épidémiologie.

3/ Que signifie « le dépistage permet de réduire de 20% la mortalité par cancer du sein »

a/ 20 femmes sur 100 éviteront la mort pas cancer du sein grâce au dépistage.

b/ Dans le groupe non dépisté, 5 femmes mourront, dans le groupe dépisté, 4 femmes mourront (5-4/5=0,2).

 (Pour pouvoir donner une bonne réponse lire ici : https://web.archive.org/web/20170623084247/http://hippocrate-et-pindare.fr/2017/01/01/resolution-2017-non-au-risque-relatif-oui-au-risque-absolu/)

4/ Qu’est ce qu’une cohorte prospective

a/ Des personnes défilant pour manifester contre un projet de loi .

b/ Un ensemble de sujets partageant un certain nombre de caractéristiques communes, suivis dans le temps à l’échelle individuelle afin d’identifier la survenue d’évènements de santé d’intérêt.

c/ Un groupe de légionnaires romains qui recherchent des Gaulois cachés dans la forêt.

5/ Qu’est ce qu’un biais ?

a/ Le biais est une bande de tissu coupée à 45 degrés par rapport au droit-fil.

b/ Un biais est une erreur dans la méthode, le non-respect des règles de protocole, qui engendre des résultats erronés.

c/ Une étude présente un biais quand on a cherché à interpréter les résultats d’une certaine manière, en répondant à nos attentes implicites.

6/ Qu’est ce qu’une étude cas/témoin

a/ Une étude où on suit des personnes au départ non malades mais diversement exposées à un facteur de risque.

b/ Une étude où l’on détermine le degré d’association entre une exposition à un agent potentiellement nocif et la prévalence d’une maladie, dans 2 groupes, un groupe atteint de la maladie et un groupe non atteint ; on détermine dans chacun des groupes le nombre de personnes ayant été exposées par le passé à un agent potentiellement nocif.

c/ Une étude sur la population totale qui examine des personnes qui ne présentent pas de maladie mais présentent un certain risque de développer cette maladie.

7/ L’étude comprenait 1 000 hommes qui ont pris le nouveau médicament durant 5 ans, et 1 000 ont reçu le traitement standard. À la fin de l’essai, 6 % des hommes du groupe ayant suivi le traitement standard avaient eu un AVC, comparativement à seulement 2 % dans le groupe ayant pris le nouveau médicament.

Quelle est selon vous la meilleure façon de présenter l’efficacité d’un nouveau  traitement pour comprendre son efficacité :

a/ Par la réduction du risque relatif :  On obtient une réduction du risque de deux tiers avec ce traitement.

b/ Par le nombre de patients à traiter pendant une période donnée pour éviter l'apparition d'un évènement défavorable : 25 hommes ont dû recevoir le nouveau traitement durant cinq ans pour qu’un homme en bénéficie, pour qu’il y ait un AVC de moins.

c/ par la réduction du risque absolu : 4% des hommes bénéficieront du traitement.

8/ Qu’est ce qu’un biais de temps de devancement (lead time bias)

a/ Le biais qui consiste à détecter préférentiellement des cancers qui évoluent lentement et sont moins agressifs.

b/ ce biais, conditionné par l’utilisation du taux de survie à 5 ans comme critère d’efficacité, implique que les personnes diagnostiquées précocement ne vivront pas forcément plus longtemps que celles diagnostiquées tardivement.

c/  ce biais consiste à avoir inclus dans la cohorte des femmes dépistées, des femmes qui sont entrées trop tard dans le dépistage avec des cancers avancés : cela  fausse les bons résultats du dépistage et c’est pour cela qu’il faut commencer le dépistage à 50ans.

9/ Qu’est ce que le biais de surdiagnostic

a/ c’est le biais qui consiste à ne pas faire la différence entre les cas de cancers asymptomatiques et les cas de cancers symptomatiques.

b/ les individus surdiagnostiqués (à qui on a détecté un lésion infra-clinique, dormante et non évolutive) ont un pronostic vital nécessairement favorable.

c/ C’est le fait de prédire l’évolution de la maladie à partir du dépistage.

10/ Que signifie la phrase "une femme sur huit fera un cancer du sein" ?

a/ Que , autour de moi, une femme sur 8 a ou aura un cancer : c’est une maladie terrible qui peut atteindre tout le monde. D’ailleurs, c’est écrit partout dans les medias, donc c’est vrai et c’est ce qui fait courir les femmes !

b/ Le risque dont on parle est un risque cumulatif vie entière qui ne discrimine pas les femmes à haut risque. Il n’a de signification que pour des épidémiologistes chevronnés. Pour le grand public, il est plus honnête de parler d’incidence par décennie de vie et de s’exprimer en %

Age 30 . . . . . . 0.44 % (1/227)

Age 40 . . . . . . 1.47 % (1/ 68)

Age 50 . . . . . . 2.38 % (1/ 42)

Age 60 . . . . . . 3.56 % (1/ 28)

Age 70 . . . . . . 3.82 % (1/ 26)

c/Que toute femme a une chance sur 8 de faire un cancer du sein.

Réponses :

Vous avez un maximum de réponses a/ ou c/ ?  

Allez faire un tour sur le site de Cancer Rose ou retournez sur les bancs de la fac en cours d’épidémiologie. Et par pitié, ne vous exprimez pas dans les medias !

Vous avez un maximum de b/ ?

Vous pouvez parlez dans les medias, vous êtes un(e) médecin-expert éduqué(e) et vous ne risquez pas de raconter n’importe quoi !

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EN CAS D’ANOMALIE, DES SOINS VOUS SERONT PROPOSES !

Dr ANNETTE LEXA
25 avril 2017

Identifiée dans les fichiers nationaux du service local chargé d’appliquer le « programme national de dépistage du cancer du sein », j’ai reçu hier une lettre de relance.

La lettre est rose. Cela me permet de la distinguer, sur la pile des lettres en souffrance (impôts, assurance, gaz, électricité…) de la lettre de relance de ENGIE qui est bleuee.
Car pour le reste, c’est un peu les mêmes.

La lette bleue commence par « A ce jour, le règlement de votre dernière facture ENGIE ne nous est toujours pas parvenue, alors que la date limite de paiement est dépassée. Je vous invite à en effectuer le paiement, dans les meilleurs délais... En suivant les instructions  indiquées au verso.. »

La lettre rose commence par “Suite à un premier courrier envoyé en octobre 2016 et resté sans réponse à ce jour, nous vous rappelons que vous êtes invitée à réaliser une mammographie dans le cadre du DOCS. Prenez RV avec l’un des radiologues de votre choix figurant sur la liste au dos.”

S’en suit une longue diatribe que m’épargne ENGIE pour le coup : “Une femme sur 8 sera confrontée à ce cancer qui met en général plusieurs années à se développer. Il est donc ESSENTIEL dès 50 ans de participer REGULIEREMENT au Dépistage Organisé afin de pouvoir traiter au plus vite d’éventuelles anomalies. »

 Cette lettre, signée de 2 médecins, un homme et une femme – la parité est sauve en matière de dépistage - m’a immédiatement fait penser à l’une de ces relances insistantes restée longtemps sur mon bureau et qui a fini à la poubelle, de recyclage bien sûr. Une société d’assurance qui dans sa grande sagesse, m’avertissait du risque lié à d’éventuelles fuites de canalisations d’eau qui pourraient se passer sur ma propriété parce que les travaux ne seront alors pas pris en compte par mon fournisseur d’eau. Mon compteur est à l’intérieur de ma maison, mais passons.

Ah ! Principe de précaution, quand tu nous tiens ! Ma fille, comment continues-tu encore à vivre, à 50 ans passés, sans ces bouées de sauvetage qu’on te lance en permanence en préventif alors que tu n’aimes pas te baigner, que quand tu te baignes, tu sais nager et que d’ailleurs tu ne feras pas de procès si le maître nageur ne t’as pas sauvée de la noyade ni s’il t’a noyée en voulant te sauver, alors que tu n’étais pas en train de te noyer ?

Mais, chouette, il y a une nouveauté par rapport à la relance précédente ! On me propose de me rechercher des anomalies et non plus des cancers. 

C’est quoi une anomalie, me direz vous ?  Désolée, je n’en saurai pas plus, même en ayant lu le dépliant rose de l’INCa qui accompagnait la lettre et qui me promet de « TOUT COMPRENDRE EN 1 MIN ».  Pour info, min = minute : c’est bien connu, les femmes ne veulent pas perdre trop de temps pour se décider si oui ou non elles doivent faire une mammo, elles ont mieux à faire. C’est vrai d’un certain côté, personnellement,  je passe bien 1 ou 2 heures à comparer et essayer avant d’opter pour ma nouvelle paire de baskets.

Car j’ai lu le dépliant rose. Cela m’a pris plus d’une minute parce que je suis atteinte d’un sérieux biais cognitif : je cherche toujours à comprendre et je doute en permanence. De la déformation professionnelle. Je doute mais je sais choisir quand j’ai cessé de douter, comme pour mes baskets.

Le dépliant m’apprend que « 49 000 femmes sont touchées par le cancer du sein , c’est le cancer le plus fréquent, 11900 femmes en meurent chaque année »
- Ce nombre diminue-t-il avec le dépistage ? L’INCa ne me le dit pas. Je suis frustrée.

L’INCa ensuite me rassure « Dans la majorité des cas, aucune anomalie n’est détectée » et « si une anomalie est détectée, dans la plupart des cas, elle est bénigne.  « Sur 1000 femmes diagnostiquées, 7 cancers seront diagnostiqués ».
            - 7 femmes ou 7 cancers ? La différence compte parce que si on a diagnostiqué 2 mini-cancers sur 3 femmes – les femmes ayant 2 seins en moyenne, cela double les chances de détecter plusieurs mini-cancers de part et d’autre - ça ne fait plus que 4 femmes sur 1000. Oui, je sais, je chipote. Mais imaginez quand on passera à la détection de nano-cancers...
-  On détecte des méchants cancers ou des cancers in situ ? parce que, in fine, sur ces 7 cancers, il n’y en a peut-être qu’un qui sera très méchant, le genre qui vous laisse peu de chance de survie. Les autres n’évolueront pas, peu ou si lentement qu’une simple surveillance vous épargnerait bien des déboires. 

« Il est important de faire une mammographie tous les 2 ans. Dans l’intervalle, n' hésitez pas à consulter votre médecin si vous remarquez des changements inhabituels au niveau de vos seins. » 

- Des changements inhabituels ? Lesquels ? Voilà une information sanitaire qu’il serait salutaire de donner aux femmes : peut être que préciser ce qu’est un changement anormal permettrait, pour le coup, de vraiment sauver des vies ! Mais ce n’est pas l’objectif de l’AMODEMACES ni de l’INCa, qui est prioritairement de déployer le dépistage organisé par tous les moyens.

- L’INCa n’ose pas appeler un chat un chat. Il évoque ici les sinistres « cancers de l’intervalle », le genre de cancer qui se développe insidieusement entre 2 mammographies et qui a toutes les chances d’être méchant parce que, justement, il se développe très vite. Le dépistage organisé ne peut rien pour vous mais l’INCa ne vous le dit pas. D’ailleurs, y-a-t-il des statistiques qui comptabilisent les cancers de l’intervalle dans le dépistage organisé ? Si oui, ces cancers sont-ils comptabilisés dans les cancers dépistés par dépistage organisé ou en dehors ? Quelle est la mortalité associée à ces cancers ? L’INCa ne me répond pas. Je suis frustrée.

L’Inca m’apprend aussi que, malgré la haute technicité de l’appareillage et la haute compétence des radiologues, « certains petits cancers peuvent ne pas être détectés, d’où l’intérêt de répéter l’examen tous les 2 ans »  (c’est écrit en gras).

            - Bon sang, mais c’est bien sûr ! Pour arriver à ce chiffre de 7 cancers sur 1000 femmes, il est essentiel de ramener le cheptel (heu, pardon, le fichier…) de femmes qui ont 2 seins tous les 2 ans à l’examen. Pas étonnant que nombre d’associations environnementales crient « Il y a de plus en plus de cancers ! On nous empoisonne tous ! ». Les hommes ont une chance folle : il n’ont qu’une seule prostate et ils ne reçoivent pas, 2 fois par an, de dépliant à lire en 1 min.
           
Je retourne le dépliant au verso et je m’attache à lire consciencieusement  le (dernier) chapitre “Quels sont les inconvénients?” 

J’y apprends que “Comme tout acte médical, le dépistage présente des inconvénients. Ainsi, dans l’état actuel des connaissances scientifiques, il n’est pas possible de distinguer les cancers qui vont évoluer, qui sont les plus fréquents, de ceux qui n’évolueront pas ou peu (de 10 à 20% des cancers détectés). C’est ce qu’on appelle le surdiagnostic. Par précaution, il est proposé de traiter l’ensemble des cancers diagnostiqués. ”

C’est un peu gênant tout çà. Je reconnais la franchise de l’INCa. Pas celle de l’AMODEMACES  qui laisse l’Inca dire que … tout n’est pas tout rose, sans jeu de mot :  côté recto du dépliant, j’avais pu lire qu’en cas d’anomalie, je me verrai proposer rapidement des soins pour augmenter mes chances de guérison. 

Si c’est une anomalie, pourquoi se presser?

C’est quoi des soins ? Un massage ayurvédique au beurre de cacao? Un masque à l’argile? Car qui ne s’est pas vu proposer « un soin » au bac chez le coiffeur ?

Mes activités professionnelles m’amènent actuellement à œuvrer, entre autres, dans le domaine des cosmétiques. Les allégations cosmétiques sont encadrées par un règlement (655/2013), même si elles ne sont pas expressément définies. Ainsi le terme de “soin" est autorisé sur les étiquettes de produits, parce qu’il n’y a pas de connotation strictement médicale : soin de beauté, soin apaisant aux plantes, masque soin qui nettoie votre peau en profondeur… Cependant, la réglementation est stricte, le cosmétique doit prouver son innocuité.

Et dites-moi, c’est comme au bac chez le coiffeur, lorsqu’on me trouve une anomalie » et qu’on me « propose un soin », je peux dire « non, merci, pas cette fois ci » ou « oui, c’est vrai, ils sont secs en ce moment » ?

Alors, Docteur INCa , dites-moi, une petite ablation mammaire, des examens au technetium-99 , un soin au radium - bio bien évidemment car extrait de nos réserves naturelles protégées, un cure de Tamoxifen et de Trastuzumab, c’est un « soin » d’après vous ? Vous n’avez pas mieux à me proposer pour mes petits cancers qui n’évolueront pas ?

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