Les mythes du dépistage

29 novembre 2023
Synthèse Cancer Rose https://www.cfp.ca/content/69/11/e216

Réfutation des mythes entourant le dépistage

Le dépistage est fréquemment présenté au public de façon très positive et comme un dispositif salvateur, cette idée est portée par des campagnes promotionnelles massives d'octobre et par des personnalités en vue qui en assurent le marketing. 

Cet article d'auteurs canadiens *(voir en fin d'article) décortique 4 mythes principaux qui sous-tendent les dépistages, mythes mis à mal dans la vraie vie, confrontés à la réalité, ce dont il faudrait informer le public afin de lui éviter des déconvenues impactant la santé des personnes.

"Nous avons présumé", disent les auteurs, "que nous pourrions nous attaquer aux maladies chroniques de la même manière que nous avons lutté contre les maladies infectieuses; cependant, non seulement la prise en charge des maladies chroniques n’est pas aussi simple, mais les résultats des tests diagnostiques pour ces maladies sont rarement certains. Cette incertitude est davantage amplifiée dans les résultats des tests de dépistage."
Cette incertitude malheureusement est très peu est insuffisamment relayée au public, ce qui constitue en soi une problématique de santé publique.

"Auparavant, on ne se rendait chez le médecin que pour des symptômes gênants : douleur, fièvre, toux, indigestion, etc. Les médecins établissaient alors un diagnostic sur la base de ces symptômes, ainsi que des signes associés et des tests diagnostiques disponibles."

La médecine moderne a ensuite fait émerger l'idée d'anticiper les problèmes et d'intervenir avant l'apparition des symptômes.

"Cependant, le passage d'une médecine axée sur les symptômes à une médecine d'anticipation a eu un effet secondaire inattendu pour les patients : la possibilité d'avoir un diagnostic qui n'est pas destiné à provoquer des symptômes. La différence énorme entre une maladie diagnostiquée en raison de symptômes et la même maladie détectée en l'absence de symptômes est apparue très clairement dans le cas du cancer."

En effet, les auteurs rappellent que pour qu'on puisse déclarer un dépistage comme efficace, il doit y avoir, en face des préjudices engendrés par ce dépistage, des bénéfices compensatoires, comme : aboutir à une moindre mortalité, une diminution des cas graves et une réduction des traitements lourds, tout ceci rendant les inconvénients des dépistages (fausses alertes, diagnostics inutiles) comme "acceptables".

4 grands mythes sont ainsi décortiqués.

Mythe 1 : le dépistage ne cause pas de préjudices

Les auteurs rappellent les préjudices du dépistage dont nous parlons souvent sur le site, fausses alertes et surdétections inutiles, et demandent à ce qu'ils soient discutés avec le patient, avant que celui-ci ne s'engage dans ces dispositifs de santé.

"Le surdiagnostic est une conséquence inhérente à toute forme de dépistage. Son occurrence, de même que d’autres préjudices potentiels comme les résultats faux positifs, devraient être estimés et discutés avec le patient au même titre que les bienfaits possibles pour déterminer si on procède ou non au dépistage. La compréhension par le patient et sa contribution à la prise de décision sont des composantes essentielles."

Il existe d'autres effets adverses du dépistage, comme l'anxiété liée à l'examen lui-même, ou encore à l'attente des résultats en cas de fausses alertes.
Il y a des effets adverses générés par le surdiagnostic aussi, que vous trouverez listés dans des documents téléchargeables de notre article sur le surdiagnostic.

Mythe 2 : la détection précoce se traduit par de meilleures issues cliniques

"L’une des croyances les plus courantes est qu’une détection précoce de la maladie produit toujours de meilleures issues cliniques chez les patients. Une détection précoce est nécessaire, mais elle n’est pas suffisante pour que le dépistage soit bénéfique."

En effet, une lésion petite est plus facile à traiter qu'une lésion de gros volume.
Cependant une première question est : le dépistage est-il apte à détecter les cancers les plus graves alors qu'ils sont encore petits ?
Une autre faille est que la taille des lésions n'est pas automatiquement corrélée au temps et n'est pas automatiquement corrélée non plus à la gravité de la lésion. Petit n'est pas "précoce", et surtout n'est pas toujours "à temps".

L'histoire naturelle du cancer nous apprend que les cancers n'ont pas tous la même vélocité, certains, agressifs, peuvent être d'emblée très rapides et ainsi ratés par le dépistage parce qu'ils se développent entre deux mammographies, en quelques semaines.
Et certains cancers même petits peuvent être d'emblée agressifs et métastatiques.

Les auteurs ajoutent l'exemple du mélanome
"Bell et Nijsten ont expliqué dans un commentaire comment le dépistage des mélanomes avait augmenté la détection précoce du problème sans avoir de répercussion sur le nombre de maladies à un stade plus avancé.
De même, l’histoire du dépistage des neuroblastomes au Japon (à partir de 1985) constitue une mise en garde. Ce cancer a un meilleur pronostic s’il est diagnostiqué avant l’âge de 1 an, et le programme avait pour but de détecter plus tôt les neuroblastomes, lorsque le pronostic est plus favorable. Le dépistage a fait croître l’incidence des neuroblastomes, mais n’a pas changé le nombre d’enfants diagnostiqués plus tard (après 1 an), et la mortalité est demeurée semblable"

Un autre exemple cité est celui du dépistage du cancer de la thyroïde où on a une même problématique de surdétection de cancers inoffensifs et lentement évolutifs sans menace pour les patients, en raison d'une multiplication de l'imagerie, échographique essentiellement :
".....des hausses remarquables de l’utilisation de l’imagerie durant les années 1990 et le début des années 2000, surtout chez les femmes d’âge moyen, ont été observées, une fois de plus sans qu’il y ait de changement dans la mortalité."

Le dépistage peut 'rattraper' des cancers qui ne se seraient jamais développés créant un surdiagnotic important et 'rater' des véritables cancers qui menacent la vie et la santé de la personne, parce que ces derniers se développent très vite, entre deux dépistages, comme les schémas reproduits dans cet article l'expliquent, ou la figure 1 issu de l'article canadien.

Comme on le voit dans le graphique ci-dessus, les cancers rapides se développent si vite que le dépistage les rate. Les cancers plus lents sont détectés par un dépistage, mais cette détection ne sert à rien car ces cancers n'auraient jamais nui, et leur détection alimente le surdiagnostic.

Figure 1 de l'article canadien (cliquez pour agrandir)

Lire à ce propos : https://cancer-rose.fr/2017/06/10/les-petits-cancers-du-sein-sont-ils-bons-parce-quils-sont-petits-ou-parce-quils-sont-bons/

Mythe 3 : les nouvelles technologies procurent plus de bienfaits

L'exemple pris est celui de la tomosynthèse en complément de la mammographie numérique dans le dépistage du cancer du sein.
Il s'agit d'une sorte de 'scanner' du sein, davantage irradiante, et sujette à controverse. D'abord non validée pour être intégrée dans le dépistage, la HAS l'admet finalement en 2023, sans que soient réglées les questions soulevées par cette technologie, notamment pourvoyeuse de davantage de surdiagnostics.

"Dans le dépistage, la mammographie numérique, combinée à la tomosynthèse mammaire, peut détecter plus de cancers du sein que la mammographie seule, mais cela ne devrait pas être considéré comme la garantie de meilleures issues cliniques pour les patientes. Cette nouvelle technologie pourrait être bénéfique, mais des renseignements sur la magnitude des bienfaits et des préjudices potentiels sont nécessaires pour informer nos patientes."

Les auteurs ont listé sous forme de tableau les approches qui sont utilisées pour augmenter les possiblités de détection précoce des maladies, avec les réserves qui s'imposent dans la colonne de droite.(Cliquez sur l'image pour agrandir)

Mythe 4 : le dépistage sauve des vies

 « le dépistage du cancer du sein sauve des vies », alors que le message entier devrait être que, pour chaque tranche de 1000 femmes dépistées à répétition, « le dépistage du cancer du sein peut réduire le nombre de décès dus au cancer du sein ». Le nombre varie selon l’âge, mais il se situe à environ 1 femme sur 1000 femmes dépistées durant leur cinquantaine ou leur soixantaine."

Il faut faire attention à la présentation des choses, 20% de réduction de mortalité comme souvent avancé cela ne signifie pas que 20 femmes sur 100 en moins mourront de cancer du sein. Ces 20% sont une réduction relative du risque lorsqu'on compare deux populations de femmes.
Comme l'affiche ci-dessous le montre, passer de 5 décès chez les femmes non dépistées à 4 décès chez les dépistées correspond bien à 20% de réduction du risque (5-4/5=0,2), mais dans la vraie vie, il ne s'agit que d'une vie "sauvée" à la condition d'avoir dépisté une grande cohorte de femmes et sur un long laps de temps (10 années) . Durant le même temps, surdiagnostics et fausses alertes s'accumulent aussi.

Plusieurs études et notamment une étude d'impact ont déjà montré le rôle prépondérant des avancées thérapeutiques pour réduire la mortalité par cancer du sein depuis les années 90, bien indépendamment du dépistage.

En effet depuis les années 90 la mortalité par cancer du sein décroit, avant même l'instauration des campagnes (seulement en 2004 en France) et cette réduction n'a pas vu d'amplification lors des déclenchement des campagnes de dépistage nationales.
Lire ici : https://cancer-rose.fr/2023/06/14/risque-de-deces-par-cancer-du-sein-en-baisse-depistage-ou-pas/

De plus on ne constate aucun impact sur la mortalité toutes causes confondues. Ce critère serait plus fiable pour révéler une efficacité d'un dépistage car il intègre les décès par la maladie, les décès pour autres causes survenues chez les porteurs de cancers et aussi les décès consécutifs aux traitements et à leurs conséquences. Il est donc un meilleur marqueur de l'impact du dépistage sur la mortalité dans la population.
Toutefois l'estimation de la réduction globale de mortalité est difficile à obtenir, comme l'expliquent les auteurs.

"La démonstration d’une réduction dans la mortalité toutes causes confondues est un défi global, mais en particulier pour les tests de dépistage pour lesquels la plupart des patients sont à risque très bas de décès. Il faudrait que les essais randomisés contrôlés soient très larges ou que la taille des effets soit considérable. Comme stratégie, nous pouvons combiner des essais multiples pour augmenter la puissance statistique.
Ce faisant, le seul test de dépistage du cancer pour lequel il a été démontré qu’il réduisait la mortalité toutes causes confondues de manière statistiquement significative est la sigmoïdoscopie flexible pour le cancer colorectal (risque relatif=0,97; IC à 95 % de 0,959 à 0,992, p=,004) avec une réduction du risque absolu de 3,0 décès par 1000 dépistages (IC à 95 % de 1,0 à 4,0) sur 11,5 ans de suivi. Puisque le dépistage du cancer du col réduit l’incidence de la maladie, il est probable que son dépistage réduise aussi la mortalité."

A ce propos lire ici : https://cancer-rose.fr/2023/10/17/pas-de-prolongement-de-la-duree-de-vie-grace-aux-depistages/

En conclusion :

"Avec les connaissances que nous avons acquises depuis, nous nous rendons compte que ce que nous pensions être relativement simple est bien plus compliqué." Ecrivent les auteurs à propos des dépistages.

Ceci nous amène à l'importance de communiquer ces incertitudes sur la réelle balance entre les bénéfices et les nuisances des dépistages au public.
Les principe du choix éclairé, de l'autonomie dans la décision de la personne à participer aux dépistages est simple et peu coûteuse à mettre en place, notamment par le biais de pictogrammes, d'outils d'aides à la décision et de visuels simples, comme nous vous en proposons en page d'accueil du site.
Celui de Cancer Rose
Les outils internationaux

Malgré quelques efforts consentis dans la communication, l'Institut national français du cancer enfreint l'éthique, rechignant à fournir une information sur le surdiagnostic et ses conséquences, sur le bénéfice très douteux et relatif du dépistage du cancer du sein, contrebalancé par des risques maintenant bien connus, en tordant les données, et ce malgré les demandes publiques comme celles de la concertation citoyenne sur le dépistage du cancer du sein de 2016.

Il est plus que temps d'accorder aux personnes cette information loyale avant qu'elles ne s'exposent aux dépistages qui leur sont recommandés sans transparence sur la balance bénéfices/risques, ou parfois qui leur sont même imposés.

*Les auteurs

Guylène Thériault, Directrice du volet Rôle du médecin et directrice du Centre de pédagogie au Campus Outaouais de la Faculté de médecine de l’Université McGill à Montréal (Québec).

Donna L. Reynolds, Professeure adjointe au Département de médecine familiale et communautaire et à l’École Dalla Lana de santé publique de l’Université de Toronto (Ontario).

Roland Grad, Professeur agrégé au Département de médecine familiale de l’Université McGill.

James A. Dickinson, Professeur au Département de médecine familiale et au Département des sciences de la santé communautaire de l’Université de Calgary (Alberta).

Harminder Singh, Professeur agrégé au Département de médecine interne et au Département des sciences de la santé communautaire de l’Université du Manitoba à Winnipeg, et au Département d’oncologie et d’hématologie médicale à Action Cancer Manitoba.

Olga Szafran, Directrice adjointe de recherche au Département de médecine familiale de l’Université de l’Alberta à Edmonton.

Viola Antao, Professeure agrégée au Département de médecine familiale et communautaire de l’Université de Toronto. 

Neil R. Bell, Professeur au Département de médecine familiale de l’Université de l’Alberta.

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Dépistage, détection fortuite et surdiagnostic du cancer, un travail de synthèse

Traduction, restitution par Cancer Rose, 29/10/2023

H Gilbert Welch, Regan Bergmark, Cancer Screening, Incidental Detection, and Overdiagnosis, Clinical Chemistry, 2023;, hvad127, https://doi.org/10.1093/clinchem/hvad127
G.Welsch est médecin universitaire américain et chercheur sur le cancer.

Résumé

Autrefois, le diagnostic de cancer n'était posé que lorsque les patients présentaient des symptômes. Aujourd'hui, grâce au dépistage et à la découverte fortuite, certains patients se voient diagnostiquer un cancer alors qu'ils sont asymptomatiques. Bien que cette évolution soit généralement considérée comme souhaitable, elle a eu un effet secondaire regrettable : il est désormais possible de se voir diagnostiqué d'un cancer qui n'est pas destiné à causer des symptômes ou conduire au décès - un phénomène appelé surdiagnostic. (NDLR, surdiagnostic)

Le surdiagnostic est une conséquence non intentionnelle du souhait de détecter le cancer à un stade précoce.
Étant donné les progrès réalisés dans la compréhension du fait que la biologie de la tumeur et la réponse de l'hôte sont plus pertinentes pour le pronostic que le moment du diagnostic, il est temps de remettre en question l'affirmation selon laquelle le diagnostic précoce est toujours la meilleure approche pour guérir le cancer.
(NDLR, biologie des tumeurs et valeur pronostique)

Introduction

Au milieu du 20e siècle, l'apparition d'une voie diagnostique alternative a entraîné de profonds changements dans la médecine.

 Auparavant, on ne se rendait chez le médecin que pour des symptômes gênants : douleur, fièvre, toux, indigestion, etc. Les médecins établissaient alors un diagnostic sur la base de ces symptômes, ainsi que des signes associés et des tests diagnostiques disponibles. Avec la reconnaissance de l'importance de l'hypertension, une autre voie de diagnostic a été établie : des diagnostics pouvaient être posés en l'absence de symptômes, sur la base d'anomalies détectées.1 L'idée était d'anticiper les problèmes et d'intervenir avant l'apparition des symptômes.

Cependant, le passage d'une médecine axée sur les symptômes à une médecine d'anticipation a eu un effet secondaire inattendu pour les patients : la possibilité d'avoir un diagnostic qui n'est pas destiné à provoquer des symptômes. La différence énorme entre une maladie diagnostiquée en raison de symptômes et la même maladie détectée en l'absence de symptômes est apparue très clairement dans le cas du cancer. À l'époque où les patients étaient diagnostiqués avec un cancer en raison de symptômes, la définition traditionnelle du cancer dans le dictionnaire était en grande partie correcte : "une maladie néoplasique dont l'évolution naturelle est fatale".2 Aujourd'hui, alors que le cancer est de plus en plus diagnostiqué sur la base de résultats subtils d'imagerie et/ou de résultats moléculaires, il est clair que l'histoire naturelle du cancer est beaucoup plus complexe. Certains se développent extrêmement rapidement, d'autres plus lentement, d'autres encore cessent complètement de se développer et certains même régressent. En 2021, la Bibliothèque nationale de médecine des États-Unis a mis en évidence un nouveau terme de rubrique médicale (le MeSH, Medical Subject Headings est un thésaurus de références médicales) : le surdiagnostic 3 :
(NDLR : surdiagnostic, c'est officiel)
""L'étiquetage d'une personne avec une maladie ou un état anormal qui n'aurait pas causé de préjudice à la personne s'il n'avait pas été découvert, la création de nouveaux diagnostics en médicalisant des expériences de vie ordinaires, ou l'extension de diagnostics existants en abaissant les seuils ou en élargissant les critères sans preuve d'une amélioration des résultats. Les personnes ne tirent aucun bénéfice clinique du surdiagnostic, alors qu'elles peuvent subir des préjudices physiques, psychologiques ou financiers".4

La définition du MeSH est claire : le phénomène du surdiagnostic englobe un large éventail de conditions : de l'étiquetage des jeunes enfants comme hyperactifs5 à l'annonce aux hommes âgés que leur testostérone est faible6.
Cette étude se concentre toutefois sur le surdiagnostic en rapport avec le cancer, en s'inspirant largement d'un travail antérieur7 .

Qu'est-ce que le surdiagnostic du cancer ?

Le surdiagnostic du cancer fait référence à la détection d'anomalies qui répondent aux critères pathologiques du cancer, mais qui ne sont pas destinées à évoluer vers des symptômes ou la mort. Ainsi, par définition, le surdiagnostic ne peut pas se produire chez un patient présentant des symptômes de son cancer.
Le surdiagnostic est plutôt un effet secondaire des efforts déployés pour détecter le cancer à un stade précoce, avant l'apparition des symptômes.

Deux mécanismes en sont principalement responsables : le dépistage du cancer et la découverte fortuite.

Le dépistage du cancer est l'effort délibéré pour détecter le cancer chez les personnes asymptomatiques.
L'objectif du dépistage est de réduire la mortalité due au cancer et il y a deux conditions fondamentales pour atteindre cet objectif. Premièrement, le dépistage doit permettre de détecter plus tôt les cancers destinés à conduire au décès. Deuxièmement, le traitement mis en œuvre plus tôt chez les patients atteints de ces cancers doit être plus efficace qu'un traitement mis en œuvre plus tard. Cependant, même un test de dépistage qui remplit ces deux conditions préalables peut aussi détecter par inadvertance des cancers qui ne sont pas destinés à provoquer des symptômes ou le décès.

La détection fortuite fait référence à un résultat inattendu d'une évaluation diagnostique, un résultat qui n'est pas lié au problème évalué.
La détection fortuite est le plus souvent associée à l'imagerie diagnostique ; par exemple, un scanner thoracique réalisé pour évaluer l'essoufflement (afin de déterminer si une embolie pulmonaire est responsable), identifie également une masse dans le rein.
La masse rénale n'a rien à voir avec l'essoufflement, mais fait néanmoins l'objet d'un examen plus approfondi car il pourrait s'agir d'un cancer précoce.

Il est important de souligner que le surdiagnostic n'est pas intentionnel, mais qu'il s'agit plutôt d'un effet secondaire non intentionnel de notre souhait de détecter le cancer à un stade précoce.

Le surdiagnostic est une énigme pour les cliniciens : nous ne savons pas qui est surdiagnostiqué au moment du diagnostic du cancer. Comme les cliniciens ne savent pas quels patients appartiennent à quel groupe, nous avons tendance à les traiter tous.

Bien qu'ils soient souvent confondus, les faux positifs et le surdiagnostic sont des phénomènes bien distincts. Les patients qui obtiennent un faux positif à un test de dépistage sont alarmés à tort, mais après des tests supplémentaires, on leur annonce finalement qu'ils n'ont pas de cancer. Les patients surdiagnostiqués apprennent qu'ils ont un cancer et sont généralement traités pour cette maladie.

Ces patients ne peuvent pas bénéficier d'un traitement inutile - puisqu'il n'y a rien à "réparer" - mais ils peuvent subir des préjudices.
Le surdiagnostic du cancer est mal connu de nombreux patients, prestataires de soins et décideurs politiques. Pour le comprendre pleinement, il faut d'abord comprendre le paradigme évolutif de la progression du cancer.

Progression du cancer : Paradigmes historiques et actuels

Le concept de surdiagnostic remet en question des hypothèses de longue date sur l'histoire naturelle du cancer, c'est-à-dire l'évolution naturelle de la maladie en l'absence de traitement. Alors que le diagnostic du cancer est généralement basé sur une observation statique (c'est-à-dire l'évaluation par un pathologiste de l'apparence des cellules individuelles et de leur architecture microscopique dans un échantillon de tissu), les déductions sur l'histoire naturelle nécessitent des observations sur un processus dynamique : la façon dont les cancers évoluent.
(NDLR : l'histoire naturelle du cancer)

Le paradigme historique de la progression du cancer était simple : tous les cancers suivaient une progression ordonnée du site primaire aux ganglions lymphatiques, puis aux sites métastatiques éloignés, pour finalement provoquer la mort (figure 1, panneau de gauche). Ce paradigme familier d'une progression inexorable était tout à fait exact à l'époque où les cancers étaient diagnostiqués sur la base de symptômes et que les pathologistes faisaient des observations histopathologiques sur les grosses tumeurs prélevées lors chirurgie. Selon ce paradigme, un cancer détecté à un stade précoce était toujours destiné à entraîner la mort s'il n'était pas traité.

L'avènement de la détection précoce du cancer - et les diagnostics basés sur des collections de cellules de petite taille, voire microscopiques - ont clairement montré que le paradigme historique était une simplification excessive.
Au début des années 1990, la généralisation du dépistage du cancer de la prostate aux États-Unis a démontré que certains cancers de la prostate localisés se développaient si lentement qu'ils n'étaient pas destinés à provoquer des symptômes avant que les patients, en particulier les hommes plus âgés, décèdent d’autres causes.8,9

Par ailleurs, certaines lésions répondant aux critères pathologiques du cancer peuvent ne pas évoluer du tout. Les mêmes phénomènes sont rapidement apparus dans les essais randomisés de dépistage du cancer du poumon par radiographie thoracique 10.
Les observations ultérieures suggérant que certains cancers précoces du sein11, de la thyroïde12 et du rein13 en fait régressent, sont venues ajouter à la complexité de la situation. Dans l'ensemble, la détection de ces cancers à croissance très lente, non progressifs et les cancers régressifs représente le surdiagnostic.

Le paradigme actuel de la progression du cancer englobe la grande hétérogénéité des trajectoires de progression dans le cancer (figure 1, panneau de droite). À une extrémité, certains cancers détectés précocement représentent un surdiagnostic ; à l'autre extrémité, certains cancers sont déjà systémiques et présentent des métastases distantes occultes au moment où ils sont détectables. Bien qu'ils ne soient pas pertinents pour le surdiagnostic, les cancers qui se propagent si rapidement qu'ils ne peuvent être détectés à un stade précoce limitent nécessairement l'efficacité du dépistage. (Cliquez sur l'image)

Le problème est mis en évidence dans le cas du cancer du sein : malgré des décennies de dépistage par mammographie, le taux de femmes présentant un cancer du sein métastatique n'a pas changé.14

Il est important de souligner qu'il ne s'agit pas d'un problème lié à la mammographie, mais d'un problème lié à certains cancers : ils sont nés pour être néfastes.
Il existe donc un large éventail d'histoires naturelles associées au diagnostic de cancer -mettant en évidence les limites de l'étalon-or pathologique. Alors que les pathologistes utilisent de plus en plus de marqueurs moléculaires pour mieux comprendre la biologie et le pronostic des tumeurs, l'approche sous-jacente présente des limites inhérentes.
En bref, il est difficile de faire des déductions fiables sur un processus dynamique - ce cancer est-il destiné à progresser ? - sur la base d'observations statiques.

Preuves que la détection précoce a conduit au surdiagnostic

Le surdiagnostic n'est confirmé chez un individu que si un patient atteint d'un cancer détecté par dépistage ou de manière fortuite n'est jamais traité, ne développe ensuite aucun symptôme de son cancer et meurt d'une autre cause. Il n'est pas surprenant que le surdiagnostic soit rarement observé directement de cette manière. Au contraire, son existence doit être indirectement déduite sur la base d'observations provenant de plusieurs individus. Le surdiagnostic peut être facilement confirmé soit par un suivi à long terme d'un essai de dépistage randomisé, soit par des signatures épidémiologiques basées d’une population.

1-SUIVI À LONG TERME D'UN ESSAI RANDOMISÉ DE DÉPISTAGE

Le suivi à long terme d'un essai de dépistage randomisé constitue sans doute la preuve la plus solide de l'existence d'un surdiagnostic. Cependant, il peut être difficile de comprendre les mécanismes de ces preuves. La vertu de la randomisation est simple : c'est le meilleur mécanisme pour produire des groupes fondamentalement identiques, de sorte que toute différence observée à la fin de l'essai puisse être attribuée en toute confiance à des différences d'exposition.

Un essai randomisé sur le dépistage du cancer, par exemple, repose sur l'hypothèse que le risque de développer un cancer est le même pour les deux groupes. S'il n'y a pas de surdiagnostic (c'est-à-dire que tous les cancers détectés lors du dépistage sont destinés à évoluer vers une maladie clinique), le même nombre de cancers devrait finalement apparaître dans les deux groupes.

Mais comme le dépistage vise à avancer les diagnostics dans le temps - c'est-à-dire à détecter les cancers à un stade précoce - on s'attend à ce qu'il y ait plus de cancers dans le groupe dépisté à la fin de l'essai (c'est-à-dire à la fin de la période d'intervention au cours de laquelle un groupe est dépisté et l'autre non).

Toutefois, au cours du temps suivant l'essai (au cours duquel les deux groupes sont traités de la même manière), le nombre de cancers dans le groupe de contrôle (ou témoin NDLR) devrait "rattraper" les cancers qui auraient été détectés par le dépistage et qui se manifestent cliniquement par des signes et des symptômes.

L'absence de "rattrapage" complet - c'est-à-dire un excès persistant de cancers dans le groupe dépisté - suggère que le dépistage a détecté certains cancers qui n'étaient pas destinés à se manifester cliniquement, et donc qu'il y a un surdiagnostic.

NDLR, nous proposons une explication imagée à ce qui est dit au-dessus, pour une meilleure compréhension :
À quoi s’attendait-on exactement en généralisant la mammo ?
Au début, il paraît logique qu’il y ait une envolée des taux de cancers, puisque le dépistage sert à débusquer des cancers avant que ceux-ci ne se manifestent et ne deviennent symptomatiques. Dans un premier temps donc, après l’instauration d’un dépistage dans la population, il fallait s’attendre à une augmentation des cas de cancers (les cancers existants plus les dépistés).
C’est ce qui apparaît sur la partie A de la courbe présentée ci-dessous.

Issu du livre "mammo ou pas mammo?" , page 29/30, de C.Bour aux éditions T.Souccar

Mais par la suite, cet excédent de cancers dans le groupe des femmes dépistées devrait s’amenuiser progressivement. En effet, la mammographie étant censée dépister des cancers précoces non symptomatiques et les traiter dès leur détection, l’incidence totale des cancers devrait logiquement diminuer – notamment celle des cancers les plus graves – et/ou se stabiliser au fil du temps à des valeurs inférieures à celles d’avant dépistage. La courbe représentant le taux des cancers devrait s’infléchir (voir figure 2, partie B). Ne resteraient théoriquement que des cancers non dépistés.

Ainsi, selon cette logique, l’efficacité du dépistage doit se traduire par sa capacité à réduire le taux des cancers avancés dans la population,...
Or, il n’en est rien. L’incidence des cancers du sein augmente inexorablement, de façon continue et ininterrompue, avec l’intensité du dépistage par mammographie, comme l’illustre le tracé en pointillé de la Figure 2 ..., et cela sans que l’on n’observe dans le même temps de diminution des formes les plus graves....

La première preuve irréfutable de surdiagnostic a été apportée par un cancer généralement considéré comme agressif et mortel : le cancer du poumon.

 Le suivi à long terme de la Mayo Lung Study, un essai randomisé de dépistage par radiographie pulmonaire chez les gros fumeurs,...... il convient de noter que les cancers du poumon apparaissent cliniquement dans le groupe ayant fait l'objet d'un dépistage. En d'autres termes, malgré un dépistage régulier, certains cancers du poumon sont diagnostiqués à la suite de symptômes survenus entre deux examens de dépistage. Ces cancers dits d'intervalle sont les cancers les plus rapidement progressifs (nés pour être mauvais) et ont le pronostic le plus sombre. 15 Ce qui est révélateur du surdiagnostic, c'est l'excès persistant de cancers du poumon dans le groupe ayant fait l'objet d'un dépistage.
À la fin de la période d'intervention de 6 ans (radiographies pulmonaires de dépistage tous les 4 mois), 56 cancers du poumon supplémentaires ont été détectés dans le groupe dépisté (143 contre 87).

.................
Deux des neuf essais randomisés sur le dépistage par mammographie ont fourni des données de suivi à long terme sur le nombre de cancers du sein détectés.

 Le premier était l'essai de dépistage mammographique de Malmö (figure 2...)19 . Encore une fois, il convient de noter que, malgré le dépistage, certains cancers du sein apparaissent cliniquement pendant l'intervalle entre les examens de mammographie. Là encore, un excès persistant de cancers du sein apparait dans le groupe dépisté. A la fin de la période d'intervention de 10 ans, 150 cancers du sein supplémentaires ont été détectés dans le groupe dépisté (741 vs 591). Au cours des 15 années de suivi ultérieures, 35 cancers de rattrapage sont apparus dans le groupe de contrôle. Ainsi, l'excès persistant de 115 cancers représente des surdiagnostics.
NDLR : nombre de cancers dans le groupe de contrôle (ou témoin) qui auraient été détectés par le dépistage et qui se manifestent cliniquement par des signes et des symptômes.

......
Le carcinome canalaire in situ représente aujourd'hui 17 % à 34 % de tous les cancers du sein détectés par dépistage22 ; son inclusion (dans le calcul du surdiagnostic, NDLR) tendrait à augmenter l'estimation du surdiagnostic.
(NDLR : tout sur le carcinome in situ du sein)

2-PREMIÈRE SIGNATURE DE LA POPULATION POUR LE SURDIAGNOSTIC : INCIDENCE CROISSANTE/MORTALITÉ STABLE

La juxtaposition des tendances de l'incidence et de la mortalité d'un cancer peut facilement révéler un surdiagnostic.

L'incidence et la mortalité sont toutes les deux des taux basés sur la population : le nombre annuel de nouveaux cas de cancer pour 100 000 personnes et le nombre annuel de décès par cancer pour 100 000 personnes.  L'augmentation de l'incidence, associée à une stabilité de la mortalité, est très révélatrice d'un surdiagnostic.

Le phénomène du surdiagnostic amène à reconsidérer le mot "incidence".
Bien que l'incidence déclarée soit conventionnellement définie en termes d'occurrence de la maladie, il s'agit en fait du taux de diagnostic de la maladie dans une population définie. Les diagnostics de cancer sont une combinaison de 1) cancers cliniquement significatifs et 2) cancers surdiagnostiqués. Si l'augmentation de l'incidence correspondait à une augmentation des cancers cliniquement significatifs, on s'attendrait également à une augmentation de la mortalité. L'absence de changement dans la mortalité suggère que si le nombre de diagnostics augmente, il n'y a pas de changement dans la proportion sous-jacente de cancers destinés à évoluer pour provoquer des symptômes et la mort. Au lieu de cela, il doit y avoir un surdiagnostic.

Trois cancers illustrant la première signature de population pour le surdiagnostic sont présentés dans la figure 3. (Cliquez sur l'image)

..........

À notre connaissance, personne ne recommande le dépistage du cancer du rein dans la population générale.
l s'agit plutôt d'un cancer qui est régulièrement détecté de manière fortuite lors d'examens d'imagerie transversale (p. ex. tomodensitométrie/IRM).
Les masses rénales sont détectées de manière fortuite non seulement sur les images de l'abdomen, mais aussi sur celles du thorax - en raison de la courbure du diaphragme, une série complète d'images transversales du thorax inclut généralement les reins.23

Au cours des quatre dernières décennies, l'imagerie transversale est devenue plus courante et les découvertes fortuites se sont multipliées.
Les zones géographiques présentant des taux élevés d'imagerie thoraco-abdominale ont également des taux élevés de néphrectomie, reflétant probablement la détection fortuite de masses rénales.24
La croissance de l'incidence a ralenti ces dernières années, probablement en réponse à des directives plus conservatrices pour la prise en charge et à l'adoption plus large de la surveillance active pour les petites masses rénales (≤ 4 cm).25
Néanmoins, les preuves du surdiagnostic sont évidentes : l'incidence du cancer du rein a plus que doublé depuis 1975, alors que la mortalité due au cancer du rein est restée pratiquement inchangée.

L'augmentation rapide de l'incidence du mélanome est le résultat du dépistage. Depuis 1985, l'Académie américaine de dermatologie encourage les dermatologues à proposer des dépistages gratuits du cancer de la peau.26
La promotion du "Mois de la sensibilisation au mélanome" et des "Lundis du mélanome" ne fait qu'encourager les praticiens de soins primaires à effectuer également des examens cutanés de routine, même si la United States Preventive Services Task Force ne recommande pas cette pratique.27 L'effet net de ce dépistage a été l'augmentation la plus rapide de l'incidence de tous les cancers aux États-Unis : une multiplication par six depuis 1975. Comme il n'y a pas eu d'évolution concomitante de la mortalité, il doit y avoir un surdiagnostic massif.28
L'augmentation de l'incidence du cancer de la thyroïde reflète une combinaison de dépistage et de détection fortuite. La fondation Light of Life a fait la promotion du dépistage en encourageant les gens à demander à leur médecin "de vérifier leur cou"29,30 .

Mais le cancer de la thyroïde est également détecté de manière fortuite, à la fois par l'utilisation accrue de la tomodensitométrie thoracique et cervicale et de l'échographie carotidienne. Le dépistage et la détection fortuite ont entraîné une multiplication par 3 de l'incidence du cancer de la thyroïde, une augmentation qui touche de manière disproportionnée les femmes.31
(NDLR, dépistage thyroïde)

Pourtant, la mortalité due au cancer de la thyroïde est équivalente chez les deux sexes, extrêmement faible et (de tous les cancers américains) la plus stable dans le temps. Pour ces trois cancers, le tableau d'ensemble est le même : une augmentation substantielle de l'incidence, alors que la mortalité reste essentiellement inchangée.
Bien que cela suggère fortement un surdiagnostic, il est important d'envisager une autre possibilité : qu'il y ait une véritable augmentation des cancers cliniquement significatifs ET que l'amélioration des traitements ait coïncidé (et précisément) avec l'augmentation attendue du nombre de décès par cancer. Il convient de noter que le taux annuel d'amélioration des traitements devrait correspondre exactement à l'augmentation annuelle de l'incidence du cancer (pas trop rapide, sinon la mortalité diminuerait, pas trop lent, sinon la mortalité augmenterait).
Bien que possible, ce contrepoids parfait de forces opposées serait une coïncidence remarquable.

3-DEUXIÈME SIGNATURE DE LA POPULATION POUR LE SURDIAGNOSTIC : AUGMENTATION DE L'INCIDENCE DES STADES PRÉCOCES / STABILITÉ DE L'INCIDENCE DES STADES TARDIFS

Si l'objectif ultime du dépistage est de réduire la mortalité due au cancer, son objectif immédiat est souvent mal perçu. On croit généralement que l'objectif immédiat est simplement de détecter un plus grand nombre de personnes atteintes d'un cancer à un stade précoce. Or, il est plus important que le nombre de personnes atteintes d'un cancer avancé diminue. Ces deux objectifs ne sont pas identiques.

Un programme de dépistage efficace devrait non seulement augmenter l'incidence au stade précoce, mais aussi diminuer l'incidence au stade tardif, ce qui prouve que les cancers précoces détectés par le dépistage étaient autrement destinés à se manifester sous forme de cancers avancés. L'absence de diminution de l'incidence à un stade avancé suggère que les cancers précoces supplémentaires découverts ne sont pas ceux destinés à évoluer vers une présentation clinique à un stade avancé - et qu'il s'agit plutôt de surdiagnostic.

Deux cancers illustrant cette deuxième signature de population sont présentés dans la figure 4. Suite à l'introduction de la mammographie de dépistage aux États-Unis dans les années 1980,  l'incidence du cancer du sein au stade précoce a doublé chez les femmes en âge d'être dépistées (40 ans et plus). (Cliquez sur l'image)

Pourtant, l'avènement de la mammographie de dépistage n'a réduit que marginalement la proportion de ces femmes qui présentent un cancer du sein à un stade tardif.

Cette combinaison - une augmentation substantielle des cancers au stade précoce et peu de changements dans les cancers au stade tardif - suggère que le dépistage a mis en évidence un nouveau type de cancer du sein indolents et non progressifs.

Les critiques ont fait valoir que cette tendance pouvait s'expliquer par une augmentation de l'incidence sous-jacente des cancers du sein cliniquement significatifs et que la mammographie fonctionnait parce que l'incidence à un stade avancé était restée stable.33 Cependant, le taux stable auquel les femmes présentent initialement un cancer du sein métastatique plaide contre tout changement important dans l'incidence sous-jacente des cancers du sein cliniquement significatifs.14,34

La deuxième signature de la population a également été observée à la suite de la promotion du dépistage du cancer du poumon par tomodensitométrie thoracique dans les populations non fumeuses.
La figure 4 montre l'expérience des femmes taïwanaises, dont la majorité n'a jamais fumé. Le dépistage par tomodensitométrie a multiplié par 6 le nombre de cas de cancer du poumon au stade précoce. L'incidence du cancer du poumon à un stade précoce a été multipliée par 6, tandis que l'incidence du cancer du poumon à un stade avancé est restée stable.35 Des données remarquablement similaires ont été rapportées par la suite en Chine et en Corée.36,37
(NDLR, le projet de ce dépistage entraîne une grande controverse dans notre pays)

Là encore, il semble que le dépistage ait mis au jour un nouveau sous-ensemble de cancers du poumon indolents et non progressifs.
La figure 4 montre également que la mesure couramment utilisée de la distribution par stade peut être trompeuse.
La distribution par stade est une simple proportion, dans laquelle le dénominateur est le nombre de cancers diagnostiqués.
Avant le dépistage par mammographie, 45 % de tous les cancers du sein étaient diagnostiqués à un stade tardif, alors qu'après le dépistage, 25 % étaient diagnostiqués à un stade avancé.
Avant le dépistage par tomodensitométrie, 90 % des cancers du poumon étaient diagnostiqués à un stade tardif alors qu'après le dépistage, 58 % des cancers étaient diagnostiqués à un stade tardif.

Dans les deux cas, il est tentant de conclure que moins de femmes présentent un cancer avancé. Mais la stabilité de l'incidence des stades tardifs dément cette conclusion et démontre que la proportion de cancers à un stade avancé diminue simplement  parce que le nombre de cancers à un stade précoce augmente, et non pas parce que le nombre de cancers à un stade avancé diminue.

NDLR, il faut toujours utiliser les chiffres bruts ; les pourcentages indiquent des proportions ; la proportion des cancers graves sur le total cancers semble diminuer par le dépistage parce que la quantité de cancers de stades moins graves augmentent avec le dépistage, il y a donc un effet de dilution.

Issu de la page 124 du livre "mammo ou pas mammo", de C.Bour, aux éditions T.Souccar

Retour d'information trompeur suite à un surdiagnostic

L'exemple précédent de la distribution des stades n'est qu'une des façons dont le surdiagnostic produit un retour d'information trompeur - un retour d'information qui renforce apparemment la valeur de la détection précoce, encourage le dépistage et la détection accidentelle et, ironiquement, favorise le surdiagnostic.

 Mais un retour d'information trompeur encore plus puissant est fourni par le temps de survie, particulièrement de la survie à 5 ans.38,39 La survie à 5 ans est également une proportion simple, dans laquelle le dénominateur est le nombre de patients chez qui un cancer a été diagnostiqué et le numérateur est le nombre de patients qui sont encore en vie 5 ans plus tard.

NDLR, pour tout comprendre du critère "survie" et comment il est utilisé comme indicateur fallacieux d'efficacité du dépistage)

Le surdiagnostic augmente à la fois le dénominateur (nombre de personnes diagnostiquées) et le numérateur (nombre de personnes en vie 5 ans plus tard), ce qui entraîne une augmentation de la survie à 5 ans même si le nombre de décès reste inchangé.

La rétroaction trompeuse de la survie à 5 ans est mieux comprise en considérant une simple expérience de raisonnement.
Imaginons qu'avant le dépistage, un cancer du poumon soit diagnostiqué chez 100 femmes, et que 20 d'entre elles soient encore en vie cinq ans plus tard. La survie à 5 ans est donc de 20 % (= 20/100).
Après le dépistage, l'incidence du cancer du poumon passe à 125 femmes et supposons que les 25 femmes supplémentaires soient toutes surdiagnostiquées. Ces 25 femmes s'ajoutent à la fois au numérateur et au dénominateur de la statistique de survie. Ainsi, sans aucun changement dans l'efficacité du traitement, la survie à 5 ans est désormais de 36 % (= 45/125). Il convient de noter que le nombre de personnes décédées 5 ans après le diagnostic n'a pas changé : il est de 80 dans les deux statistiques (= 100-20 et = 125-45). Ces données ne sont pas hypothétiques Il s'agit d'approximations simplifiées de ce qui a été observé à Taïwan.35

L’augmentation de l'incidence (il y a plus de cancers !), répartition plus favorable des stades (une plus grande proportion de cancers sont désormais diagnostiqués à un stade précoce) et l'augmentation de la survie à 5 ans (les patients atteints de cancer vivent plus longtemps !) sont des preuves numériques manifestes pour les médecins et les décideurs politiques.

 Elles sont interprétées comme démontrant la valeur des efforts de détection précoce.
Pourtant, ces trois chiffres sont fortement impactés par le surdiagnostic.

Le retour d'information trompeur sur le surdiagnostic n'émane pas seulement des chiffres, mais aussi des récits des patients. Plus il y a de personnes dépistées, plus il y en a qui sont atteintes d'un cancer, plus sont surdiagnostiquées, plus de personnes sont traitées et plus de personnes "survivent". Ces survivants croient, et on peut comprendre, qu'ils doivent leur vie au dépistage et en deviennent les plus fervents défenseurs. Les survivants peuvent influencer les perceptions du grand public - car ils deviennent les témoignages de patients que les journalistes sont enseignés à intégrer dans les reportages médicaux, en particulier s'il s'agit de célébrités.40

Les survivants sont donc responsables de ce que l'on appelle le "paradoxe de la popularité" : plus le dépistage donne lieu à des surdiagnostics, plus les gens croient qu'ils doivent leur vie au dépistage et plus celui-ci devient populaire41.

NDLR, ce paradoxe est représenté ci-dessous, issu de la page 78 du livre "mammo ou pas mammo?" de C.Bour, éditions T.Souccar

Ces boucles de rétroaction quantitatives et qualitatives sont résumées dans la figure 5. Bien que ces boucles de rétroaction sont plus connues dans le contexte du dépistage du cancer, elles tendent également à renforcer la signification de la découverte fortuite. (Cliquez sur l'image)

Déterminants du surdiagnostic

Le surdiagnostic n'est pas apparent pour tous les cancers : malgré le dépistage généralisé du cancer du col de l'utérus et du cancer colorectal, par exemple, il y a peu de preuves de surdiagnostic. Cela peut refléter de la biologie de ces sites cancéreux particuliers ou des normes de la nomenclature pathologique qui leur est appliquée.  Si le cancer du col de l'utérus ou le cancer colorectal fait l'objet d'un surdiagnostic, c'est qu'il s'agit moins d'un surdiagnostic du cancer que d'un surdiagnostic de ses lésions précurseurs : dysplasie cervicale ou polypes adénomateux. 42

Le surdiagnostic n'est pas seulement déterminé par la biologie du site cancéreux, il l'est aussi par le degré d'examen diagnostique appliqué à ce site : en d'autres termes, l'intensité avec laquelle les médecins recherchent ce cancer en particulier.
Un examen diagnostique plus approfondi - en testant plus de personnes et/ou l'utilisation d'une technologie de test plus sensible - tend à augmenter le nombre de surdiagnostics.

Le dépistage du cancer du poumon est un exemple instructif. Alors que les radiographies du thorax ne détectent que les nodules de grande taille (> 1 cm de diamètre), le scanner thoracique, plus sensible, permet de détecter des nodules dix fois plus petits (> 1 mm de diamètre). Par conséquent, les préoccupations concernant le surdiagnostic du cancer du poumon sont devenues plus importantes avec l'avènement du dépistage par tomodensitométrie thoracique, en particulier après que des chercheurs japonais ont rapporté des taux similaires de détection du cancer du poumon chez les fumeurs et les non-fumeurs43.
Le dépistage opportuniste par radiographie thoracique des fumeurs à haut risque au cours des années 1970 n'a pas produit de signaux de surdiagnostic dans la population, contrairement au dépistage généralisé par tomodensitométrie des non-fumeurs à faible risque au cours de ce siècle. Le cancer du poumon peut donc être transformé par un examen diagnostique plus approfondi : d'un cancer autrefois considéré comme uniformément mortel à un cancer où l'on observe un surdiagnostic important.

Une transformation similaire est possible pour d'autres cancers actuellement considérés comme uniformément mortels, tels que le cancer du pancréas et du foie.

Les stratégies visant à limiter le surdiagnostic sont également illustrées par le dépistage du cancer du poumon. Les chercheurs qui ont conçu les principaux essais randomisés sur le dépistage par tomodensitométrie ont fait des efforts spécifiques pour réduire le surdiagnostic. Ils se sont concentrés sur la population la plus à risque (les gros fumeurs) ; ils n'ont pas dépisté les populations à faible risque.
Ils ont conçu des protocoles d'évaluation de la croissance afin d'utiliser la valeur diagnostique du temps. Au lieu de biopsier immédiatement tous les nodules pulmonaires, les petits nodules ont été observés au fil du temps et seuls ceux qui grossissaient ont été biopsiés.44. En bref, ils n'ont pas considéré que le meilleur test - ou la meilleure stratégie de test - était celui qui permettait de détecter le plus grand nombre de cancers.

Pour conclure

Résumé

Le surdiagnostic du cancer est un effet secondaire non intentionnel de l'effort de détection du cancer avant l'apparition des symptômes.

 Le surdiagnostic doit être considéré dans le contexte de l'arc de la découverte scientifique : le souhait bien intentionné de détecter le cancer à un stade précoce, suivi par les efforts visant à trouver davantage de petits cancers et la reconnaissance ultérieure du fait que le surdiagnostic est un sous-produit. En bref, il a fallu du temps pour reconnaître le problème. Et il faudra toujours du temps pour savoir dans quelle mesure un nouveau test (ou une nouvelle stratégie de test) peut entraîner un surdiagnostic.

Ces observations sont pertinentes pour les tests de détection multicancéreux discuté ailleurs dans ce numéro spécial de Clinical Chemistry.  Les partisans de ces tests ont peut-être raison de suggérer que l'ADN tumoral circulant (ADNct)  n'entraînera que peu de surdiagnostics, car les cancers de petite taille, inoffensifs et non évolutifs ne sont pas susceptibles de rejeter de l'ADNtc 45,46.
Mais si les résultats positifs à l'ADNc déclenchent un suivi par PET-CT, un certain surdiagnostic est susceptible de résulter d'une détection fortuite. En outre, si la faible sensibilité rapportée pour les cancers de stade I (dont beaucoup peuvent représenter un surdiagnostic) pousse les investigateurs à abaisser le seuil de détection de l'ADNct comme positif, le surdiagnostic est plus probable.

L'avenir nous le dira.
NDLR, nous avons consacré tout un dossier sur le sujet des biopsies liquides.

.........
Pour justifier ces inconvénients (du dépistage, NDLR), il faut démontrer que les personnes dépistées bénéficient d'un avantage substantiel. Cela nécessite une évaluation rigoureuse, et non la simple affirmation que "le diagnostic précoce sauve des vies". .....

Étant donné que l'on comprend de plus en plus que la biologie de la tumeur et la réponse de l'hôte sont plus pertinentes pour le pronostic que le moment du diagnostic, il est temps de remettre en question cette affirmation.

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Biologie immunitaire du cancer pour expliquer le « surdiagnostic » clinique

Traductions, restitution et synthèse par Cancer Rose, 4 mai 2023

Un diagnostic précoce accru du cancer : Révéler la biologie immunitaire du cancer pour expliquer le "surdiagnostic" clinique

Bruce A. Wauchope 1,2Brendon J. Coventry 2David M. Roder 3

1 Molechecks Australia, 1284 South Road, Clovelly Park 5042, Australia

2 Discipline of Surgery, Cancer Immunotherapy Laboratory, University of Adelaide, Royal Adelaide Hospital, Adelaide 5005, Australia

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Cancers 202315(4),1139; https://doi.org/10.3390/cancers15041139

La régulation immunitaire du cancer est prouvée et peut expliquer pourquoi certains cancers progressent alors que d'autres restent silencieux.

Les auteurs avancent "un modèle immunitaire fondé sur des preuves, qui mérite d'être approfondi et qui pourrait expliquer le "surdiagnostic" du cancer et la prédisposition à la récurrence, à la régression et à la létalité." C'est à dire, qui pourrait expliquer pourquoi certains cancers tuent, d'autres non et d'autres encore régressent.
Ils considèrent surtout " que les outils immunitaires devraient être intégrés dans les recherches futures", afin d'arriver à affiner la distinction entre cancers mortels et non-mortels, et ce afin d'éviter les traitements inutiles découlant du surdiagnostic qu'apporte tout dépistage.

Résumé des auteurs

"Même si les cancers "précoces" cliniquement petits représentent biologiquement plusieurs millions de cellules, lorsqu'ils sont enlevés chirurgicalement, souvent ils ne récidivent pas ou ne se développent pas à nouveau, et ne réduisent pas la durée de vie de l'individu.
Toutefois, certains cancers précoces restent quiescents et indolents, tandis que d'autres se développent et forment des métastases, menaçant la vie de l'individu. La distinction entre ces différents comportements cliniques à l'aide de critères cliniques/pathologiques est actuellement problématique. On rapporte que de nombreuses lésions suspectes et des cancers précoces sont retirés chirurgicalement alors qu'ils ne menaceraient pas la vie du patient. Ce phénomène a été qualifié de "surdiagnostic", en particulier dans le domaine du dépistage du cancer.
Bien qu'il s'agisse d'un sujet controversé et émotionnel, il pose des problèmes cliniques et de politique de santé publique. La différenciation diagnostique entre les formes de tumeurs "non létales" et "létales" (= mortelles ou non mortelles, NDLR) est généralement impossible.
Une perspective qui s'appuie sur des preuves est qu'il existe un équilibre dynamique entre la réponse immunitaire et les processus malins qui déterminent la "létalité", où beaucoup plus de cancers sont produits sans qu'ils ne deviennent cliniquement significatifs parce que le système immunitaire empêche leur progression.
Les taux de "diagnostic" plus élevés du dépistage médical peuvent refléter des effets de temps d'avance au diagnostic (c'est à dire une détection du cancer avant qu'il ne s'exprime cliniquement, NDLR), avec plus de cancers "non progressifs" détectés lorsqu'une interaction immunitaire-cancer précoce se produit.
Nous présentons un modèle de cette interaction entre le système immunitaire et le cancer et examinons les affirmations d'"excès" ou de "surdiagnostic" qui accompagnent des technologies de diagnostic et de dépistage de plus en plus sensibles.

Nous estimons que les outils immunitaires devraient être intégrés dans les recherches futures, avec un potentiel de modulation du système immunitaire pour certains cancers précoces."

Introduction, problématique des dépistages

"...Le manque de données probantes concernant certains cancers, pour lesquels un dépistage plus sensible et une détection précoce ne se traduisent pas nécessairement par une réduction de la morbidité et de la mortalité, constitue une énigme majeure.

Certains cancers précoces n'évoluent pas vers des métastases et la mort, et ne mettent donc pas le patient en danger durant sa vie, et ne nécessitent pas de traitement. Il peut exister des variantes biologiques non métastatiques et non mortelles. Il est fondamental de distinguer les cancers potentiellement "mortels" des cancers "non mortels" pour que le dépistage soit bénéfique de manière sélective, tout en évitant les traitements inutiles."...
L'ampleur de la modulation par le système immunitaire du processus de malignité pourrait influencer de manière décisive les suites du cancer, y compris la létalité."

On devrait s'attendre, rappellent les auteurs, à ce que le dépistage de lésions dites "précoces" entraîne, dans une population dépistée, une réduction des cancers graves. Or ce n'est pas ce que l'on observe, il y a toujours un excédant de diagnostics dans les groupes dépistés sans changement de la létalité (taux de décès par maladie dans un groupe de malades).

" Après un certain temps (de dépistage), le taux de diagnostic précoce devrait se traduire par une réduction du taux de mortalité."
Si les taux d'incidence cumulés, c'est à dire les taux de diagnostics de cancers, ne sont pas similaires dans les groupes dépistés par rapport à une population non dépistée, avec une augmentation dans le groupe dépisté sans différence de mortalité, on peut s'interroger sur le risque de surdiagnostic de cancers "non mortels", ce qui peut soulever des questions d'éthique, de coût et d'autres questions professionnelles.
Les auteurs rappellent :
"Par comparaison, un dépistage efficace du cancer impliquerait la détection précoce des cancers à potentiel létal ou de leurs précurseurs, ce qui entraînerait une réduction de la morbidité et de la mortalité. Un dépistage efficace devrait se traduire par une réduction de la mortalité spécifique au cancer et de l'incidence des cancers avancés ajustée à l'âge."

Cette inflation de cancers non mortels et de détection inutile est ce qu'on appelle le surdiagnostic,ce qui commence à poser un important problème de santé publique car on constate ce phénomène pour tous les dépistages, entraînant les personnes dans des "maladies" qu'elles n'auraient pas dû connaître.

"Des augmentations relativement plus importantes ont été constatées entre les différents types de lésions (par exemple, davantage pour les lésions in situ du sein féminin que pour les lésions invasives). Cela s'applique au carcinome canalaire in situ par rapport à la mammographie et à d'autres cancers in situ - cancer de la prostate, du côlon, des cellules squameuses du tractus gastro-intestinal, du tractus génital et de la peau, types de cancer basocellulaire et mélanomes cutanés"

L'exemple particulier du mélanome.

" Les sous-populations ayant fait l'objet d'un dépistage du mélanome ont présenté des taux de détection et des taux de passage d'in situ à invasif plus élevés que ceux attendus à partir des données des registres de population, sans que la mortalité liée au mélanome ne soit inférieure aux prévisions ", expliquent les auteurs.

"On s'interroge depuis longtemps sur l'augmentation de l'incidence du mélanome et sur le diagnostic des formes de mélanome non létales et "non métastasantes".
Ainsi, un vocabulaire comprenant le surdiagnostic, les réservoirs asymptomatiques d'affections "indolentes", les formes "dormantes" et "non métastasantes" de mélanomes est apparu.

"... le surdiagnostic pourrait être la conséquence des tests de dépistage courants. Il est encore plus probable qu'il se produise et qu'il augmente dans les environnements de diagnostic avec l'avènement de technologies de diagnostic de plus en plus sensibles.
Certains ont émis l'hypothèse d'un abaissement des seuils pour la réalisation des biopsies, les cliniciens et les pathologistes modifiant les seuils de diagnostic, l'ensemble conduisant à une augmentation des taux de détection des cas, ce qui donne une apparente impression de réussite. "Les pathologistes, lorsqu'on leur présente des lames datant d'il y a 20 ans, augmentent les taux de diagnostic des mélanomes : 14 % des lésions gravement dysplasiques sont converties en mélanomes ."

Les auteurs résument ainsi deux grandes causes de surdiagnostics : les capacités technologiques de détection de plus en plus affinées, détectant des lésions qu'on pouvait ignorer, et la tendance à sur-grader les lésions volontairement, de peur de laisser passer quelque chose, les anatomo-pathologistes préférant proposer une classification plus péjorative de ce qu'ils voient sous le microscope.
Il y a une troisième cause décrite par les rédacteurs de l'étude :
"Des incitations financières ont également été évoquées (qui rémunèrent les médecins lors de l'intégration de leurs patients dans certains dépistages, NDLR). Tous ces éléments peuvent favoriser une incitation au dépistage.

La pertinence clinique des cancers détectés lors du dépistage devient plus discutable s'il n'y a pas de réduction correspondante de la morbidité et de la mortalité."

Les auteurs proposent un modèle pour le surdiagnostic et le système immunitaire à travers le mélanome.

"En intégrant ces idées, nous présentons ici un modèle composite basé sur l'exemple du dépistage du mélanome, qui examine l'interaction entre la formation précoce de la tumeur et la réponse immunitaire," modèle que nous allons décrire un peu après.

Dynamique du cancer et taux de croissance

Le comportement biologique des cancers détectés lors d'un dépistage n'est pas constant. Les auteurs rappellent la figure que proposait le chercheur américain G.Welsch décrivant les différentes possibilités de croissance cancéreuses, que nous expliquons dans cette vidéo.

Certains cancers évoluent très vite, sont péjoratifs mais échappent au dépistage du fait de leur vélocité. D'autres évoluent lentement et n'auraient jamais nui à la personne, certains régressent, le surdiagnostic ou détection inutile se produit dans ces cas ; la personne sera traitée inutilement.

Le système immunitaire

Sur ce chapitre, beaucoup de questions sont posées, et restent en suspens, selon les auteurs : "Le cancer existe-t-il seul ou est-il en relation avec le reste de l'organisme et le système immunitaire ? Comment le système immunitaire est-il impliqué dans le microenvironnement du cancer et dans sa croissance ? Le système immunitaire peut-il influer sur la croissance des cancers ? En d'autres termes, le système immunitaire peut-il limiter la croissance du cancer, ou/et peut-il augmenter la croissance du cancer ? En outre, le système immunitaire est-il modulable ? En d'autres termes, dans quelle mesure peut-il modifier son profil, ou est-il fixe et statique ? Si le système immunitaire se modifie, peut-il affecter la croissance du cancer ? La modification du système immunitaire peut-elle entraîner un changement dans le comportement et l'issue du cancer ?"

"Il est bien établi que l'immunosuppression chez les personnes "saines" entraîne une augmentation d'au moins 3 fois du nombre de cancers" et on sait que "du côté des traitements, l'utilisation d'inhibiteurs de points de contrôle immunitaires a révolutionné la survie au cancer, mais seulement pour une partie des types de cancer (environ 1 à 50 %)".

"En outre, de nombreux cliniciens connaissent des cas rares mais frappants de régression tumorale spontanée, un processus par lequel certains cancers disparaissent spontanément, potentiellement en raison de processus immunologiques. Bien que l'explication de ce phénomène reste une énigme, il pourrait être plus fréquent qu'on ne le pense, peut-être davantage dans le cas des cancers "précoces". ..
En résumé, il est prouvé que le système immunitaire peut influer sur la formation, la progression et la mortalité du cancer. Il ne s'agit donc pas d'un simple taux de croissance des cellules cancéreuses, mais d'une interaction entre le cancer et le système immunitaire."

" Cette évolution de la pensée se poursuit, avec la reconnaissance clinique croissante du fait que le système immunitaire, en plus de gérer les infections, est au cœur de la croissance, de la réparation et de la cicatrisation des tissus normaux. ..
Dans le micro-environnement tumoral, le stroma, en particulier ses composants immunitaires, interagit avec la tumeur et affecte sa croissance et sa progression".

Les données issues de grandes études cliniques, expliquent les auteurs, démontrent en effet qu'une forte infiltration des lésions néoplasiques par des populations de cellules immunitaires spécifiques constitue un indicateur pronostique indépendant dans plusieurs types de cancer ; la présence de certaines cellules (macrophages, lymphocytes) peuvent avoir un effet bénéfique sur le pronostic, d'autres au contraire signent une évolution plus sombre.

"Le contrôle du système immunitaire peut être considéré comme l'arbitre influent des métastases, de la progression de la maladie et de la survie."
À la lumière des interactions immunitaires affectant la croissance dans le microenvironnement et les métastases, nous suggérons que l'interaction entre le système immunitaire et la tumeur affecte de manière critique les résultats de la croissance, les taux de croissance de la tumeur, sa capacité à être indolente ou pathogène et, dans certains cas, sa disparition et sa régression."

Un modèle est proposé sur l'intrication de l'immunité et du surdiagnostic dans la progression cancéreuse.

Un modèle intégrant surdiagnostic et rôle de l'immunité

Trois résultats sont observés dans le cadre du dépistage :

1. Augmentation des taux de diagnostic
2. Augmentation des ratios in situ/invasifs
3. Augmentation des allégations de surdiagnostic

La proposition des auteurs est que ces trois résultats peuvent logiquement être des manifestations biologiques de la relation immunité-cancer dans les premiers stades (ou peut-être les plus précoces) du développement du cancer.

Cliquez sur l'image pour agrandir
Figure 2

Il est pris comme modèle le mélanome. Voici l'explication de la figure 2 :

" La tumorigénèse du mélanome implique la prolifération de mélanocytes aberrants dont l'inhibition de contact est réduite et qui sont de plus en plus décohésifs dans un organisme multicellulaire. La surveillance du système immunitaire détecte la tumeur à (A). Si le système immunitaire favorise la tumeur, la partie supérieure grise du diagramme (B) devient opérationnelle. La tumeur est alors facilitée dans sa croissance, comme cela se produit dans la cicatrisation proliférative. Dans le microenvironnement tumoral, les cellules immunitaires innées telles que les macrophages peuvent être associées à la progression de la tumeur. Sur le plan clinique, les mélanomes nodulaires à croissance rapide en sont un exemple. Ils pénètrent profondément et se propagent moins latéralement. Bien qu'ils ne représentent qu'un faible pourcentage de l'ensemble des mélanomes, ils sont à l'origine de 30 % des décès."

Voilà décrite la situation dans le cas où le système immunitaire sera facilitateur pour le développement tumoral.
Que se passe-t il au contraire si le système immunitaire freine a progression tumorale ?
Dans ce profil immunitaire de "freination", on peut assister à trois modèles :
"Le mélanome entre dans une phase de régression, avec selon le diagramme (1) l'élimination, (2) l'équilibre, ou (3) la fuite, comme décrit :

(1) Élimination de la tumeur : La "régression" immunitaire associée aux lymphocytes peut éliminer toute trace histopathologique de mélanome. Sur le plan clinique, il s'agit d'une régression spontanée ou d'un mélanome primaire en régression.

(2)Équilibre : Le système immunitaire n'a pas éliminé la tumeur, mais l'a freinée. La tumeur et le système immunitaire peuvent atteindre un état d'équilibre. Sur le plan clinique, on retrouve ce phénomène dans les données post-mortem des personnes décédées avec un cancer, mais pas de cancer. C'est peut-être là que se trouve une grande partie du réservoir de surdiagnostic.

 (3)Échappée immunitaire : Le cancer peut d'abord être freiné par le système immunitaire, puis le vaincre. Si le système immunitaire élimine la tumeur primaire après la libération des métastases, des métastases secondaires sans primitif connu apparaissent. Cliniquement, on parle de "mélanome occulte" ou de "mélanome d'origine primaire inconnue", qui survient dans environ 3 %."

Que fait le dépistage dans ce modèle, comment intervient-il ? Il faut examiner à présent le champ D, correspondant à l'intervention d'un dépistage minutieux par dermatoscopie.

" Le dépistage à (D) permet d'obtenir
1. Un taux de détection des mélanomes plus élevé et une augmentation encore plus importante du taux de détection des mélanomes in situ par rapport à ce que l'on trouverait dans un registre du cancer basé sur la population. Cela donne,
2. Une augmentation du ratio mélanome in situ/Invasif. L'augmentation du taux de détection des mélanomes et des mélanomes in situ, malgré l'absence de réduction de la mortalité, donne :
3. Un surdiagnostic relatif."

On comprend ainsi que la détection précoce intervient alors que le système immunitaire ne s'est encore pas exprimé, ne laissant pas de 'chance' aux cancers qui ne se développeront pas de rester non découverts.
Ceci est d'un impact important lorsqu'on sait que le dépistage du mélanome n'a pas eu pour effet de diminuer la mortalité par ce cancer. Lire une réflexion du Lown institute : https://lowninstitute.org/balancing-prevention-and-overdiagnosis-in-skin-cancer-screening/

Conclusion des auteurs

"Si le système immunitaire contrôle le cancer dans tous les cas ou dans la plupart des cas, le surdiagnostic peut en fait être le reflet de l'étendue du contrôle immunitaire sur la capacité des cellules cancéreuses à se comporter de manière non métastatique (ou pas).

1.              Le surdiagnostic du cancer par le dépistage peut également avoir une base immunitaire, ce qui est confirmé par des preuves de plus en plus nombreuses.

2.              Le profilage cellulaire/immunitaire fait actuellement défaut pour identifier les lésions qui seront contenues par la défense immunologique, ou qui seront éliminées, ou qui évolueront vers des métastases.

3.              Il n'existe actuellement aucun moyen clinique ou pathologique de quantifier l'interaction entre le système immunitaire et la tumeur pour décider de la nécessité d'un traitement.

4.              L'interaction entre le système immunitaire et la tumeur devrait faire l'objet d'une recherche accrue afin de mieux comprendre et d'améliorer la lutte contre le cancer. La peau, en tant qu'organe externe, est idéalement accessible pour cette recherche."

"On considère que nous risquons de devenir de plus en plus performants dans la détection des cancers précoces qui ne menacent pas le patient au cours de sa vie - avec l'indécision clinique actuelle quant aux cancers qui deviendront invasifs ou métastatiques, et ceux qui ne le deviendront pas. L'arbitre pourrait en effet ne pas être uniquement les cellules cancéreuses elles-mêmes, qui ont fait l'objet de tant d'attention jusqu'à présent, mais plutôt le comportement dynamique et la force de la réponse du système immunitaire de l'hôte."

" Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour définir la distinction entre les cancers qui peuvent évoluer vers la fatalité et ceux qui ne le peuvent pas ou ne le font pas. De cette manière, un diagnostic plus précis pourrait bien être obtenu afin de réduire tout excès de diagnostic de cancer qui n'est pas associé à une signification clinique, y compris la mortalité."

Commentaires Cancer Rose

Tout d'abord il est salutaire qu'enfin une publication considère le problème du cancer non pas par le mauvais bout de la lorgnette, à savoir sa détection en aval, mais se préoccupe plutôt de la nécessité de revenir à la recherche fondamentale, en amont, et de poser la question de ce qui va faire d'un cancer une lésion mortelle ou pas.
Il nous faut, pour solutionner cette question, revenir absolument aux recherches fondamentales et approfondir les connaissances sur ce qu'on appelle 'histoire naturelle du cancer'.

Cependant, tout le raisonnement de l'étude tient sur une hypothèse, laquelle est toujours profondément ancrée dans nos esprits, à savoir la "précocité" de la détection. Or cette précocité est une notion arbitraire. La précocité suppose une croissance linéaire et continue du cancer. Or ce modèle de croissance tumorale est faux ; la question est : à partir de quand est-on malade ? Où commence la maladie ? Et la réponse n'est pas dans la taille tumorale. Certains cancers du sein peuvent être volumineux, de très bon pronostic et, non découverts, sans plainte du patient, et inversement.

D'autre part, s'il est certain que le système immunitaire a un rôle important dans le développement cancéreux, il n'est pas le seul acteur.
Le cancer est aussi le marqueur d’une souffrance cellulaire dont l’origine peut être métabolique et en lien avec le milieu extérieur ce qui ne doit pas être occulté.
Un gène d'expression d'un cancer peut grandement favoriser l'apparition d'un cancer, mais pas obligatoirement si l'environnement rencontré n'est pas suffisamment délétère pour déclencher ce cancer. Par exemple, toutes les femmes porteuse du gène muté BCRA ne développeront pas un cancer du sein, car malgré l'augmentation importante du risque de développer un cancer, il reste tout de même 30 à 60% de femmes portant le gène muté BCRA1 , et 50 à 60% des femmes porteuses du gène muté BCRA2 qui ne mourront pas de ce cancer et vivront jusqu'à un âge avancé pour décéder de tout à fait autre chose.

Pour finir, on ne connait pas précisément encore quel est le rôle réciproque des cellules spécifiques épithéliales d'un organe et de son tissu de soutien dans l’émergence de la malignité.
Nous citons l'ouvrage de Bernard Duperray, "dépistage du cancer du sein, la grande illusion, aux éditions Souccar :

"Des expériences sur l’animal suggèrent que la recombinaison de cellules mammaires altérées par des mutations avec un stroma normal aboutit rarement au développement d’une tumeur, alors que la recombinaison de cellules spécifiques du sein normales avec un stroma altéré entraîne la formation de tumeurs.

Les travaux de l’équipe de Maricel Maffini (faculté de médecine de l’université Tufts, Boston, États-Unis) montrent en effet le rôle crucial du stroma de la glande mammaire dans le processus de cancérisation. Les chercheurs ont greffé des cellules cancéreuses mammaires à des rates. Le stroma a empêché le développement de ces cellules cancéreuses et encouragé leur croissance normale. Cette capacité des cellules normales du stroma à reprogrammer des cellules épithéliales cancéreuses est dépendante de l’âge et de la parité (antécédents ou non de mise bas)."
Réf : maffini mv, calaBro Jm et al. Stromal regulation of neoplastic development: age-dependent normalization of neoplastic mammary cells by mammary stroma. The American Journal of Pathology. 2005 Nov;167(5):1405-10.

Cette étude de Maffini suggère qu’une interaction fondamentale a lieu entre deux milieux cellulaires, le cancer a donc une histoire extrêmement complexe que nous ne connaissons pas en totalité, elle est dépendante de la nature biologique intrinsèque même du cancer, mais certainement aussi de l'immunité comme le suggère l'étude que nous venons de synthétiser, mais aussi de l'environnement dans une grande mesure certainement, et pour finir de l'interaction de la cellule avec le milieu dans lequel elle baigne.

Rien n'est simple, et prétendre venir à bout du cancer par une détection précoce avec des dépistages intempestifs et inopérants, comme nous le voyons quotidiennement, est un non-sens arrogant.
De plus il n'est pas éthique de dissimuler cette complexité au public et de lui faire miroiter, dans un charlatanisme médical éhonté, de pourvoir à son bien alors que nous fabriquons du surdiagnostic en pagaille dans la très grande majorité des dépistages, et que nous continuons ces dispositifs médicaux à grand renfort de publicités, incitant les populations démunies en information lors de grands barnums médiatiques dont octobre rose est un désespérant avatar.

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Le surdiagnostic est sous-estimé dans les dépistages, une revue systématique

Synthèse et traduction par Cancer Rose, 2 avril 2023

Selon cette revue systématique les essais randomisés de dépistage du cancer sont rarement conçus pour estimer le surdiagnostic. De nombreux essais utilisés dans la conception des dépistages ont été biaisés vers une sous-estimation du degré de surdiagnostic.
Il s'agit de la première revue et de la première ré-analyse du surdiagnostic dans les essais de dépistage du cancer.
Plusieurs auteurs (danois, portugais, norvégiens) dont des chercheurs de la Collaboration Cochrane ont réalisé ce travail de synthèse.
Quantification of overdiagnosis in randomised trials of cancer screening: an overview and re-analysis of systematic reviews
Theis Voss, Mikela Krag, Frederik Martiny, Bruno Heleno, Karsten Juhl Jørgensen, John Brandt Brodersen 
https://doi.org/10.1016/j.canep.2023.102352

Le point fort de cet aperçu est qu'il a inclus des essais issus des revues systématiques Cochrane, reconnues pour leurs recherches exhaustives de la littérature et leur évaluation structurée du risque de biais, ainsi qu'une revue systématique de l'USPSTF* , dont les normes méthodologiques sont également élevées[54]. La stratégie de recherche est mise à jour et les auteurs ont vérifié la liste de référence des essais inclus, ce qui augmente les chances de présenter un aperçu complet et actualisé.
*Groupe de travail sur les services préventifs des États-Unis ; il s'agit d'un groupe indépendant d'experts en soins primaires et en prévention qui examine systématiquement les preuves d'efficacité et élabore des recommandations pour les services cliniques de prévention.

Le degré de surdiagnostic dans les essais courants de dépistage du cancer est incertain en raison d'une conception inadéquate des essais, d'une définition variable et des méthodes utilisées pour estimer le surdiagnostic.
Les auteurs ont cherché à quantifier le risque de surdiagnostic pour les programmes de dépistage du cancer les plus largement mis en œuvre et à évaluer les implications des problèmes de conception et des biais des essais utilisés pour divers dépistages sur les estimations du surdiagnostic, en effectuant une nouvelle analyse des revues systématiques sur le dépistage des cancers.
Des recherches ont été effectuées dans PubMed et dans la Cochrane Library depuis leur date de création jusqu'au 29 novembre 2021. Les auteurs ont évalué le risque de biais en utilisant l'outil « Cochrane Risk of Bias Tool »  de la Collaboration Cochrane.

Dix-neuf essais décrits dans trente articles ont été extraits pour examen, rapportant des résultats pour les types de dépistage suivants :
*mammographie pour le cancer du sein,
*radiographie du thorax ou tomodensitométrie à faibles doses pour le cancer du poumon,
*alpha-foetoprotéine et échographie pour le cancer du foie,
*toucher rectal, antigène prostatique spécifique et échographie transrectale pour le cancer de la prostate,
*test CA-125 et/ou échographie pour le cancer de l'ovaire.

Aucun essai sur le dépistage du mélanome n'était éligible.

L'ampleur du surdiagnostic variait de 17 % à 38 % dans les programmes de dépistage du cancer. En moyenne les auteurs ont constaté que :
-27 % des cancers du sein détectés par mammographie,
-31 % des cancers du poumon détectés par scanner faibles doses,
-27 % des cancers du foie détectés par dépistage
-38% des cancers prostatiques détectés par PSA et
-17 % des cancers de l'ovaire détectés par CA-125 avaient fait l'objet d'un surdiagnostic.

Les auteurs concluent qu'il existe un risque significatif de surdiagnostic dans les essais randomisés inclus sur le dépistage du cancer. Les essais n'étaient généralement pas conçus pour estimer le surdiagnostic et de nombreux essais présentaient un risque élevé de biais susceptibles d'orienter les estimations du surdiagnostic vers la valeur nulle.
En effet, l'ampleur réelle du surdiagnostic dû au dépistage du cancer est vraisemblablement sous-estimée.

Voici la traduction des majeures parties de l'article publié dans Cancer Epidemiology, avec les tableaux, suivie des commentaires Cancer Rose- (les figures additionnelles se trouvent en fin d'article).

1. Introduction

Le surdiagnostic du cancer est le diagnostic d'une pathologie néoplasique indolente qui n'évoluerait jamais au point de provoquer des symptômes et/ou la mort au cours de la vie d'un individu[1] et constitue le préjudice le plus grave du dépistage du cancer[2],[3],[4]
Si un cancer est détecté, les cliniciens ne peuvent pas savoir quelles sont les personnes surdiagnostiquées, car il est impossible de savoir comment le cancer aurait évolué en l'absence de dépistage. Par conséquent, tous les patients se voient proposer un traitement ou une surveillance de routine[5],[6]. Les personnes surdiagnostiquées sont donc inutilement diagnostiquées, puis surtraitées, ce qui leur porte préjudice.

C'est pour cette raison qu'il est essentiel de connaître l'ampleur du surdiagnostic dans le cadre du dépistage du cancer afin de pouvoir prendre des décisions éclairées en matière de dépistage, par exemple en ce qui concerne la participation individuelle ou la mise en place d'un programme de dépistage donné au niveau national, tel que le dépistage du cancer de la prostate[7],[8].

En théorie, la méthode la plus solide pour estimer le surdiagnostic consiste à utiliser des données provenant d'essais contrôlés randomisés avec un suivi à vie de tous les participants et sans contamination du groupe de contrôle ou du groupe d'intervention, c'est-à-dire sans dépistage des deux groupes d'essai pendant et après la fin de l'étude [5], [9]. [À la fin de la phase de dépistage actif, on s'attend à un excès de cancers dans la population dépistée, car le dépistage devrait avancer le moment du diagnostic (lead time)[5]. S'il n'y avait pas de surdiagnostic, cet excès de cancers devrait être compensé au fil du temps, car ils évolueraient tous vers un cancer qui serait détecté cliniquement après la phase de dépistage actif. Ainsi, un excès persistant dans l'incidence cumulée des cancers dans la population dépistée après une période de suivi suffisante pour tenir compte du délai d'anticipation constitue une preuve de haute qualité de surdiagnostic[5], [8], [10].

L'objectif de cette vue d'ensemble et de cette nouvelle analyse des revues systématiques des essais contrôlés randomisés sur le dépistage du cancer était d'évaluer l'étendue des limitations de la conception et des biais dans les essais contrôlés randomisés inclus pour quantifier le surdiagnostic et, si possible, d'estimer la probabilité que le cancer détecté par le dépistage ait été surdiagnostiqué pour les programmes de dépistage du cancer les plus répandus. De nombreux types de dépistage du cancer, si ce n'est tous, peuvent conduire à un surdiagnostic. À notre connaissance, nous sommes les premiers à compiler les données relatives au surdiagnostic dans le cadre du dépistage de différents cancers. Pour le présent document, nous avons choisi de nous concentrer sur les programmes de dépistage du cancer les plus répandus.

2. Méthodes utilisées

Cette vue d'ensemble et cette réanalyse des revues systématiques ont été réalisées sur la base d'un protocole publié avant la réalisation de la présente étude[11].

Critères d'éligibilité

Les revues systématiques d'essais randomisés étaient éligibles si elles :
1) étudiaient le dépistage visant à détecter le cancer plus tôt qu'il n'apparaîtrait cliniquement.
2) comparaient une intervention de dépistage du cancer à l'absence de dépistage.
3) rapportaient l'incidence du cancer chez les participants dépistés et non dépistés, ainsi que le nombre de cancers détectés par le dépistage.
4) ont été réalisées par la Collaboration Cochrane, c'est-à-dire des revues Cochrane, et n'ont inclus que des essais contrôlés randomisés. .....
.......

Stratégie de recherche

Nous avons effectué une recherche dans la Cochrane Library of Systematic Reviews (février 2016) en utilisant les termes de recherche "screening" et "cancer" dans le titre, le résumé ou les mots-clés.
........

Évaluation du risque de biais dans les essais inclus

Nous avons extrait les évaluations du risque de biais des revues systématiques Cochrane incluses. Nous avons utilisé le Cochrane Risk of Bias Tool version 1.0[14] qui comprend les six domaines suivants :
1. Biais de sélection : génération de séquences aléatoires et dissimulation de l'allocation
2. Biais de performance : aveuglement des participants et du personnel (non extrait)
3. Biais de détection : aveuglement de l'évaluation des résultats
4. Biais d'attrition : données incomplètes sur les résultats
5. Biais de déclaration : déclaration sélective des résultats
6. autres sources possibles de biais
............

Nous avons évalué deux autres biais susceptibles d'affecter l'estimation du surdiagnostic (tableau 1) :
1. La contamination du groupe de contrôle après la randomisation[15] La contamination a été définie comme le nombre déclaré de participants du groupe de contrôle qui ont été exposés à la même technologie de dépistage que le groupe dépisté. ......
2. Prise en compte inadéquate du délai (suivi post-intervention trop court ou dépistage proposé au groupe témoin à la fin de l'essai)
.....................

TABLEAU 1

Autres facteurs influençant les estimations du surdiagnostic.
1. Risque de cancer différent au départ entre les groupes d'intervention et les groupes témoins (équivalent au biais de sélection inclus dans l'outil Risk of Bias de Cochrane).
2. Le taux de participation aux cycles de dépistage. La participation n'a pas été considérée comme un biais dans le cadre de l'estimation du surdiagnostic, mais comme une composante du dépistage.
3. Nombre de cycles de dépistage et intervalle entre ces cycles.
4. Poursuite du dépistage, c'est-à-dire si les participants ont continué à bénéficier de la modalité de dépistage proposée de leur propre initiative après la fin du dépistage.
............

3. Les résultats

Sur les 19 essais examinés, le plus petit comptait 3206 participants (ITALUNG [22]), le plus grand 202 546 participants (UKCTOCS [23]) et la médiane des essais était de 26 602 participants (Stockholm [24]) (Tableau 2)

TABLEAU 2

........................
Estimations du surdiagnostic dans les études incluses

Pour tous les essais et tous les types de programmes de dépistage du cancer, les estimations du surdiagnostic variaient entre 6 et 67%
* Dans les essais de dépistage du cancer du sein par mammographie, les estimations variaient de 10 à 30 % .
* Dans le cas du cancer du poumon par scanner faibles doses, le surdiagnostic variait de 13 à 67 % .
* Dans le cas du cancer de la prostate, de 12 à 63 % .
* Dans le cas du cancer de l'ovaire par CA-125, de 6 à 42 %.
Seuls un essai sur le dépistage du cancer du foie et un essai sur le dépistage du cancer du poumon par radiographie du thorax ont été inclus et tous les deux ont montré que 27 % des cancers du poumon ou du foie détectés par le dépistage étaient surdiagnostiqués, respectivement (tableau 4 et figure 2 (à la fin de l'article)).
..........

TABLEAU 4

Dans notre méta-analyse primaire, nous avons estimé que 28 % (IC à 95 % : 4-52 %) des cancers du sein détectés par dépistage étaient surdiagnostiqués en utilisant les données de l'essai de Malmö sur le dépistage du cancer du sein.
Cet essai présentait un taux de surdiagnostic supérieur de trois points de pourcentage par rapport à la méta-analyse basée sur l'ensemble des essais inclus (tableau 4, figure 2, figure supplémentaire A1, voir fin d'article). [28], [29].
...........

Notre méta-analyse post hoc des essais les plus fiables, c'est-à-dire excluant les essais présentant un risque élevé de biais dans les domaines de la génération de séquences aléatoires, de la dissimulation de l'affectation, de la contamination ou du délai d'exécution, comprenait les données de 12 essais présentant des résultats pour six types de dépistage du cancer.
En moyenne, 27 % (IC à 95 % : 8-45 %) des cancers du sein détectés par mammographie et 30 % (IC à 95 % : 2-59 %) des cancers du poumon détectés par scanner faibles doses ont été surdiagnostiqués.
Pour les quatre autres types de dépistage, les résultats n'étaient pas significatifs. Nous avons estimé qu'en moyenne 27 % (IC 95 % -10 à 64 %) des cancers du poumon détectés par radiographie du thorax, 27 % (IC 95 % -4 % à 58 %) des cancers du foie détectés par dépistage et 17 % (IC 95 % -14 % à 48 %) des cancers de l'ovaire détectés par CA-125 sont surdiagnostiqués.
......

La méta-analyse de tous les essais inclus dans la synthèse, quel que soit le risque de biais, a montré qu'en moyenne, 25 % (IC 95 % 12-38 %) des cancers du sein détectés par mammographie, 27 % (IC 95 % -10 % à 64 %) des cancers du poumon détectés par radiographie du thorax, 29 % (IC 95 % 7-52 %) des cancers du poumon détectés par scanner faibles doses, 27 % (IC 95 % 4 % à 58 %) des cancers du foie détectés par échographie, 38 % (IC95% 14–62%) des cancers de la prostate détectés par PSA, 17 % (IC 95 % -14 % à 48 %) des cancers de l'ovaire détectés par CA-125 et 6 % (IC 95 % -27 % à 39 %) des cancers de l'ovaire détectés par échographie ont fait l'objet d'un surdiagnostic (Fig. 2, fin d'article).
............

4. Discussion

Principaux résultats


.....
Dans notre méta-analyse post-hoc des essais les plus fiables, c'est-à-dire, excluant les essais présentant un risque élevé de biais ......nous avons constaté que :
-27 % (IC à 95 % 8-45 %) des cancers du sein détectés par mammographie,
-31 % (IC à 95 % 2-59 %) des cancers du poumon détectés par scanner faibles doses,
- 27 % (IC à 95 % -4 % à 58 %) des cancers du foie détectés par dépistage et
-17 % (IC à 95 % -14 % à 48 %) des cancers de l'ovaire détectés par CA-125 avaient fait l'objet d'un surdiagnostic.

De nombreux essais risquaient d'être biaisés en raison d'une mauvaise randomisation, d'une contamination du groupe témoin ou d'une prise en compte inadéquate du délai d'attente, c'est-à-dire d'une durée de suivi insuffisante pour tenir compte des cancers à croissance lente. La confiance dans les estimations du surdiagnostic a encore diminué en raison de l'imprécision de l'estimation groupée et de l'incohérence (hétérogénéité) entre les essais (figure 2, tableau supplémentaire A1, fin d'article).
...............

Implications pour la pratique

Le surdiagnostic est l'inconvénient le plus grave du dépistage du cancer.
Pourtant, nous avons constaté que de nombreux essais de dépistage de divers types de cancer n'étaient pas conçus de manière adéquate pour en estimer l'ampleur.
De nombreux programmes de dépistage ont été mis en œuvre à la suite de résultats préliminaires bénéfiques. Cependant, les effets néfastes du dépistage, comme le surdiagnostic, prennent de nombreuses années avant d'être estimés de manière adéquate. Cet aperçu souligne la nécessité de poursuivre l'évaluation (par l'USPSTF, par exemple) des programmes de dépistage du cancer actuels et futurs, afin de prendre en compte les éventuels effets néfastes qui pourraient nécessiter des modifications, voire l'arrêt d'un programme de dépistage.

5. Conclusion

Les essais contrôlés randomisés constituent le modèle le plus fiable pour quantifier le surdiagnostic s'ils sont conçus à cet effet ; cependant, notre aperçu montre que la confiance dans les estimations du surdiagnostic dans les essais contrôlés randomisés de dépistage du cancer est modérée à très faible.
.................

Deux technologies de dépistage (le cancer du poumon par scanner faibles doses et le cancer du sein par mammographie) ont montré un surdiagnostic significatif de 30 % et 27 %, respectivement.

En outre, dans le cas du dépistage du cancer de la prostate par dosage du PSA, l'estimation suggère que 38 % des cancers de la prostate détectés par dépistage ont été surdiagnostiqués, même si les risques de biais sont élevés dans les essais cliniques randomisés inclus, ce qui favorise la sous-estimation.

Pour les programmes de dépistage du cancer de l'ovaire, nos meilleures estimations sont que 17 % des cancers de l'ovaire dépistés par le CA-125 et 6 % des cancers de l'ovaire dépistés par échographie transvaginale pourraient être surdiagnostiqués.

Figures additionnelles, cliquez pour agrandir :

Commentaires Cancer Rose

Trois problématiques doivent être soulevées :

-Tout d'abord l'information des femmes, les documents d'information de l'Institut National du Cancer restent insuffisants et défaillants dans l'exposition des données complètes, uniquement les fourchettes les plus basses sont exposées aux femmes et le surdiagnostic largement minimisé.
https://cancer-rose.fr/2022/10/15/le-nouveau-livret-de-linca/

-Les risques du dépistage du cancer du sein surpassent, lorsqu'on y additionne les fausses alertes, la morbidité et la mortalité secondaires aux surtraitements (hémopathies, cardiopathies et cancers secondaires aux traitements), les cancers radio-induits, l'hypothétique bénéfice de ce dépistage, les traitements étant reconnus pour être à l'origine de la relative baisse de mortalité depuis les années 90.
De ce fait il est scandaleux que la controverse scientifique sur ce dépistage figure, selon l'Institut National du Cancer français, dans les "fake-news".
https://cancer-rose.fr/2021/06/24/les-informations-independantes-en-sante-taxees-de-fake-news-cancer-rose-monte-au-creneau/

-Une étude sur un dépistage stratifié selon le risque est financée à hauteur de 12 millions d'euros qui sera incapable de chiffrer le surdiagnostic du dépistage du cancer du sein, donnant uniquement le choix aux femmes entre un dépistage (standard) et un autre dépistage (stratifié), partant du principe que le dépistage de ce cancer doit absolument être maintenu, et cela au mépris des demandes des citoyennes lors de la concertation citoyenne sur le dépistage du cancer du sein.
Pourtant la vraie question de base est bien : doit-on maintenir ces dépistages onéreux, dont la plupart sont des services de faible valeur à la population ?

Un autre dépistage n'a pas été abordé dans cette analyse car officiellement non existant, celui du cancer de la thyroïde énormément pratiqué par échographie cervicale systématique, en dépit d'un risque de surdiagnostic connu et affolant (jusqu'à 84% !!!) et dont essentiellement les femmes font les frais.
En dehors du coût sur le plan de la santé humaine, son coût économique en France a fait l'objet d'une étude parue dans 'Value in Health'.
En voici le résultat :
Entre 2011-2015, on estime que 33 911 femmes et 10 846 hommes en France ont été diagnostiqués porteurs d'un cancer de la thyroïde, avec un coût moyen par habitant de 6 248 €.
Parmi les personnes traitées, 8 114-14 925 femmes et 1 465-3 626 hommes l'ont été à la suite d'un surdiagnostic. Le coût total de la prise en charge des patients atteints d'un cancer de la thyroïde était de 203,5 millions d'euros (154,3 millions d'euros pour les femmes et 49,3 millions d'euros pour les hommes).

Le surdiagnostic représente non seulement un problème clinique pour la personne, et de santé publique pour la population non seulement française mais dans le monde occidental, mais il représente aussi un fardeau économique colossal.

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Article pour les usagers : Les tests de routine « juste pour se rassurer », c’est une mauvaise idée

26/01/2023

Par C.Bour-Synthèse à partir d'un article de Bjorn Hofmann
Professeur au Département des sciences de la santé, Norwegian University of Science and Technology, Gjøvik
Les tests de diagnostic, "juste pour être du côté sûr", ne sont pas recommandés
https://norwegianscitechnews.com/2023/01/diagnostic-tests-not-recommended-just-to-be-on-the-safe-side/

Dans cet article, l'auteur illustre la difficulté pour le médecin traitant de bien apprécier la pertinence d'un test de routine qui peut lui être demandé par un patient, et de la difficulté d'orienter de façon utile le patient demandeur.
Nous allons restituer ici les idées principales et les démonstrations de l'auteur.

L'exemple donné est celui d'un patient souffrant d'algies du dos.

Le cas clinique

Imaginez que vous contactiez votre médecin traitant parce que vous avez mal au dos. Vous souhaitez faire examiner votre dos et vous demandez une IRM. Le médecin sait que si la douleur a duré moins de quatre à six semaines et que vous ne ressentez pas certains symptômes d'alerte, il ne vous sera d'aucune utilité de vous envoyer passer une IRM.
Mais vous, vous estimez qu'il vaut mieux savoir que ne pas savoir et vous insistez pour passer l'IRM. Le médecin généraliste veut venir en aide et accepte de vous orienter vers l'IRM. 
Vous vous présentez à votre rendez-vous quelques semaines plus tard et après quelques jours, vous avez la réponse:
Les résultats de l'IRM montrent plusieurs hernies discales. On ne sait pas si elles sont en relation avec votre douleur actuelle, ou bien s'il s'agit d'anciennes hernies discales.

Pourtant, vous pensez toujours que cette découverte pourrait être une cause possible de la douleur, et vous vous renseignez sur les hernies discales. 
La chirurgie pourrait-elle aider? Vous demandez à votre médecin généraliste de vous orienter vers un chirurgien orthopédiste pour évaluation. Le médecin vous répond qu'il n'y a aucune bonne raison de le faire, mais vous êtes incertain sur la meilleure option à adopter- votre dos vous fait vraiment mal et vous êtes encore plus indécis à présent qu'avant l'IRM.
Faut-il se faire opérer ? Une opération réussirait-elle – et quels en sont les risques ?

Ce n'est là qu'un exemple de la façon dont nous pouvons devenir plus incertains en essayant de réduire l'incertitude. Dans le cas ci-dessus, l'IRM a généré un résultat (aléatoire) de signification ambiguë.

En d'autres termes, dit le Pr Hofmann, vous découvrez autre chose que ce que vous recherchez réellement, qui peut ou non être important pour votre santé. L'action que vous avez choisie augmente votre incertitude au lieu de la réduire. 
Dans ce cas, il aurait probablement été préférable d'écouter le médecin traitant et de tester d'autres mesures pour réduire votre douleur, avant de passer une IRM.

Je vous propose un deuxième cas clinique de mon expérience de radiologue.

Une jeune femme de 37 ans présente des douleurs thoraciques qui irradient vers son sein, après un faux mouvement. Le bilan radiologique (radiographies du dos, du gril costal..) est négatif. La patiente insiste pour passer une mammographie, le médecin traitant finit par céder pour pouvoir rassurer cette femme et demande un bilan sénologique. A l'hôpital où elle consulte la mammographie lui est pratiquée en dépit de son jeune âge. Cet examen n'est pas contributif en raison de la densité mammaire. Une échographie est réalisée mettant en évidence, du côté de la douleur, un petit kyste mammaire de 6 mm, non inquiétant mais pas complètement liquidien car vraisemblablement ancien. Il est absolument certain que cette découverte n'a aucun lien avec les doléances de la patiente. L'échographiste demande, dans le doute sur cette image, une biopsie mammaire. Celle-ci ne sera pas effectuée par le radiologue correspondant, car le kyste est très petit, et le geste est jugé trop invasif compte tenu de l'absence de signes échographiques alarmants. Une ponction à l'aiguille est réalisée (geste plus simple avec une aiguille plus fine) pour prélever un peu de liquide du kyste et l'envoyer en analyse, afin essentiellement de démontrer qu'il n'existe aucune malignité. Le prélèvement s'avère acellulaire (donc sans matériel à analyser pour l'anatomo-pathologiste) et malheureusement non contributif.

La patiente est de plus en plus anxieuse et nous la voyons (4ème cabinet de radiologie consulté) pour avis et pour une demande insistante d'une IRM mammaire complémentaire, examen très déroutant à ce jeune âge en raison de nombreuses fausses images, faisant croire à une anomalie, mais correspondant simplement à des vaisseaux ou des zones du sein très vascularisées et qui se "rehaussent" sur l'image lorsqu'on injecte le produit de contraste. Cela peut évoquer une image suspecte alors qu'il n'y a que du tissu normal.
Il est très difficile à ce moment-là de discuter avec la patiente et de la convaincre d'une simple abstention d'examen, et d'un simple recontrôle échographique dans quelques mois....
Voilà où nous en sommes dans cette escalade d'examens, là où un traitement relaxant aurait suffi...

Comme l'explique le Pr Hofmann, les médecins généralistes ont une tâche importante en anticipant si un test de dépistage sera utile à leur patient, ou les conduira simplement à plus d'incertitude. Ils doivent évaluer la probabilité que le patient ait réellement une maladie, et ils doivent apprécier la probabilité que le test fournisse une réponse à ce que le patient lui demande.

Ce qui augmente l'incertitude lors des pratiques routinières

L'incertitude, explique l'auteur, peut augmenter alors qu'on essaie de la réduire en pratiquant divers dépistages médicaux ou tests diagnostiques.

A- Les découvertes accidentelles,

Ce qu'on appelle les "incidentalomes" augmentent l'incertitude en trouvant autre chose que ce que nous recherchons, et dont la signification n'est pas claire.
Par exemple, on réalise des scanners abdominaux pour des douleurs abdominales vagues et mal étiquetées et on trouve un nodule de la surrénale, ceci est une situation fréquemment rencontrée. On ne sait souvent que faire de ces découvertes : intervention ? Surveillance ? Bilans ?
Le principal problème est de reconnaitre les tumeurs qui auront un impact délétère sur le patient et qui justifient donc d’être enlevées chirurgicalement. 

B- Des tests inexacts peuvent nous donner de mauvaises réponses,

et moins nous avons de raisons de passer le test - c'est-à-dire moins le test est ciblé - plus les erreurs sont importantes.
Aucun test n'est parfait ou 100% fiable.
Un test, dit Pr Hofmann, - qu'il s'agisse d'une imagerie ou d'un test sanguin - qui donne un résultat incorrect est un autre exemple d'augmentation de votre incertitude lorsque vous essayez de la réduire. Les tests ne sont pas parfaits. Ils peuvent se tromper. Le résultat du test peut indiquer que vous avez une maladie même si ce n'est pas le cas, générant ce qu'on appelle un résultat de test faussement positif.

Le test pourrait également indiquer que vous n'avez pas la maladie même si vous en avez une, donnant un résultat de test faussement négatif. Dans ce dernier cas, vous obtenez un faux sentiment de sécurité, perdre un temps précieux et potentiellement connaître un pronostic plus mauvais.

Dans le cas d'un résultat faussement positif, vous pourriez être reconvoqué pour d'autres nouveaux tests et/ou traitements, souvent inutiles qui peuvent être à la fois ennuyeux et nocifs.
Moins le test est précis, plus il est susceptible de générer de faux résultats de test. Des tests inexacts donnent des réponses peu claires. Cette incertitude augmente d'autant qu'il y a peu de raisons de passer un test, par exemple si le test est effectué "juste pour être plus sûr". 

Il faut également se poser la question de l'utilité du test de routine, selon Pr Hofmann. Pour les personnes qui présentent des « symptômes avant-coureurs », la probabilité est plus grande qu'elles aient effectivement une maladie identifiable, ce qui est très rare pour les personnes qui ne présentent pas de tels symptômes.
C'est le problème posé par la recherche de lésions dans des groupes de personnes parfaitement saines et qui ne se plaignent de rien.

Selon Pr Hofmann, chercher une aiguille dans une pile d'aiguilles donne plus de chances de trouver une aiguille que de chercher une aiguille dans une botte de foin, là où ce qui ressemble à une aiguille peut n'être qu'une paille....
Les professionnels diraient qu'une prévalence élevée donne une valeur prédictive positive. C'est à dire que la qualité d'un test dépend non seulement de sa précision, mais aussi de probabilité de la survenue (ou prévalence) d'une certaine condition ou maladie dans le groupe examiné. 

Encore en d'autres termes, chercher une maladie particulière dans la partie de la population qui y est exposée est plus utile et productif que la chercher systématiquement chez tout le monde.
Par exemple rechercher un cancer du poumon dans une population tabagique est plus pertinent que de faire une détection massive dans toute la population d'adultes à partir de 16 ans ; ou encore dépister un cancer du sein par examen clinique régulier, IRM et/ou échographie parmi des personnes porteuses d'une mutation particulière favorisant ce cancer serait plus utile que de faire un dépistage dans toute la population féminine dès 30 ans comme certains le réclament lors des campagnes roses, population qu'on exposera ainsi à un surdiagnostic massif.

Pr Hofman propose une illustration :

Les symptômes, dit-il, déterminent à quel groupe vous appartenez, comme illustré dans l'exemple suivant :

Illustration : Bjørn Hofmann : Trouvez la mite dans les images, elle est plus facile à trouver lorsqu'il y en a plusieurs.

Un test donné, démontre-t-il ainsi, n'est pas utile de façon égale pour tous les usagers. 
Si vous avez des symptômes d'alerte, le test peut réduire l'incertitude. Pour qu'un test réduise l'incertitude de la maladie, il doit y avoir des raisons de croire que vous êtes malade. 
L'importance capitale du médecin généraliste réside dans l'évaluation de la probabilité que vous ayez une maladie, souvent appelée probabilité pré-test.

Un test réduit l'incertitude avec une probabilité pré-test élevée, mais avec une faible probabilité pré-test, l'incertitude augmente. 

C- Le surdiagnostic

C'est une incertitude quant à ce qui pourrait arriver dans le futur, une incertitude portant sur le pronostic : nous ne savons pas si ce que nous découvrons est utile au patient, si cela se transformera en une réelle maladie symptomatique. 
Lorsque nous trouvons des lésions-précurseurs de la maladie, nous ne savons pas si le patient chez lequel on détecte cette lésion sera sauvé ou au contraire surdiagnostiqué et surtraité.

Cette situation expose à une peur inutile, à des traitements lourds. Des personnes tombent "malades" alors que, sans le test, elle n'auraient jamais connu de maladie. 
Nous avons tendance à penser qu'il est sage de détecter tôt afin d'intervenir rapidement et de prévenir les maladies graves. C'est vrai dans de nombreux cas, mais - et cela pas si rarement, dit l'auteur - nous découvrons des 'précurseurs' de maladie qui ne se développeront pas davantage si on les avait ignorés. 
Nous finissons alors par traiter des conditions détectées, mais complètement inutilement. Le surdiagnostic conduit au surtraitement.
A ce propos nous vous invitons à lire : https://cancer-rose.fr/2021/10/23/quest-ce-quun-surdiagnostic/

La "cascade du dépistage" présentée lors d'un webinaire récent sur le sujet illustre parfaitement la problématique de la découverte inutile d'incidentalomes, des faux positifs, des détections inutiles au patient, et du surdiagnostic (encart grisé en bas à droite du schéma).

Cliquez pour agrandir

Il est donc sage d'écouter votre médecin, insiste le Pr Hoffmann, et de réfléchir à deux fois avant de vous faire tester.

Comment réduire l'incertitude ?

Pr Hofmann écrit : On peut donc faire plusieurs choses pour éviter d'augmenter l'incertitude alors qu'on veut la réduire. L'action la plus importante est de discuter avec votre médecin pour savoir si vous avez vraiment besoin d'un certain test, quelles sont ses conséquences et qu'est-ce qui pourrait arriver si vous ne l'effectuez pas. Quelles options avez-vous ?

Vous devez garder trois choses à l'esprit :

  • Ne faites pas de tests "juste pour être du côté plus sûr".
  • Faites des tests lorsque vous avez de bonnes raisons de les faire pour votre santé, par exemple lorsque vous avez des raisons de croire que vous pourriez avoir une maladie - lorsque vous avez des symptômes clairs, c'est-à-dire lorsque la probabilité avant-test est élevée.
  • Soyez prudent lorsque vous vous faites tester pour des maladies qui se développent lentement et dont de nombreuses personnes meurent avec, mais pas à cause d'elles.

Tester "juste pour être du côté sûr" peut augmenter votre incertitude - et causer des dommages. Discutez avec votre médecin de ce qui VOUS convient.

Conclusion

Cette conclusion n'est que l'avis de la rédactrice de ce post.

L’accès pour le public aux informations médicales par l’intermédiaire des médias, d'articles dits "vulgarisants", de médecins médiatiques, de réseaux informatiques contribue à concurrencer l'autorité médicale fondée sur le savoir.
Le patient a facilement accès à des informations techniques concernant les maladies et les tests disponibles, informations "amalgamées" avec prévention, et cet amalgame est souvent fait par les autorités sanitaires elles-mêmes.

Le colloque singulier que constitue la consultation médicale est fragilisé par les 'certitudes' des données documentaires, parfois partielles, partiales, avec une communication médiatique vers le public plus sensationnaliste qu'objective.
Il n’est donc pas rare que les patients arrivent en consultation avec des exigences de prises en charge influencées par des modes médiatiques.
Il est très dommageable pour les deux partis que le patient et le médecin deviennent en quelque sorte des concurrents, la réponse médicale n’est pas l’apport d’un renseignement qui sera imposé au malade, mais davantage une écoute bienveillante et un échange en vue d’un soin. Si le médecin n’a plus l’aura du 'sachant' parlant un jargon excluant le patient, avec un savoir 'descendant', en revanche il reste le garant d'une « information », une vraie, neutre et objective, dont on a fait un droit du patient. Il faut qu'il soit le véhicule de cette information-là, mais il faut aussi que le patient manifeste de son côté la volonté de l'écoute, parfois de données contrevenant à ses convictions.
Cette écoute et cet échange permettent, dans la valorisation du « consentement éclairé », une préservation de la dignité du patient, un respect de ses choix et une possibilité d'éclairage de la part du médecin sur les tenants et les aboutissants d'une procédure, serait-ce même à l'encontre des injonctions d'autorités médicales et de leaders d'opinion. Éclairer le consentement n’est pas pour le médecin concevoir le patient comme un rival, et recevoir cet éclairage n'est pas non plus pour le patient concevoir le médecin comme un opposant ou un donneur de leçon, mais il s'agit au contraire d'une association active à des choix et des décisions dans un meilleur profit pour la santé du consultant.

Car le patient peut parfois être... un impatient. Cette impatience est contemporaine d’une société tournée vers l'action plutôt que l'attentisme. Elle est due à l'opposition de temporalités, celle de la technicité médicale qui semble rendre toute réponse immédiate, disponible et possible dans l'instant, et celle de la maladie qui peut être certes réelle et exprimée, mais qui peut être latente et jamais exprimée, et même inutile à être découverte.
C'est très contre-intuitif.
Nous devons accepter la probabilité de connaître telle ou telle situation de santé, mais jamais en termes de certitudes, aucune technologie, aucun test n'étant capable de nous prévoir avec une certitude absolue ce qu'il va advenir. Et parfois ce test peut même nous induire en erreur.
Evaluer un risque est difficile, et la précipitation peut conduire à des décisions délétères ; en cela le médecin traitant est un allié pour n'être pas piégé par des slogans, des poncifs tout prêts et simplistes, des campagnes médiatiques outrancières et bêtifiantes, et par des injonctions de leaders d'opinion dont les liens d'intérêts ne sont pas toujours bien annoncés.

Les efforts de bon nombre de confrères spécialistes en médecine générale se heurtent aux revendications de la société d'immédiateté, d' "action", ceci favorisé par un sensationnalisme et une désinformation médicale, là où de l'attente, de la patience seraient salutaires pour une prise de décision sereine et en plein consentement éclairé.

Il est parfois urgent d'attendre.... et de respecter le temps d'une réflexion.

A lire :

Gare aux torts causés par les surdiagnostics engendrés par le dépistage, l’abaissement des seuils de diagnostic et par la découverte d’incidentalomes

https://www.cfp.ca/content/69/2/e33

Excellente publication canadienne, à propos d'un cas clinique, des conséquences pratiques sur la vie d'un patient ne se plaignant de rien.

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Webinaire « dépistages et risques de surdiagnostics »

Par Cancer Rose, 22 janvier 2023

Webinaire

Traduction de la déclaration d'EuroPrev

Position de Europrev sur les primes sur objectif pour le dépistage du cancer du sein

Un webinaire d'EuroPrev, "dépistage des cancers et risques de surdiagnostics"

Qu'est-ce qu'EuroPrev ?

EUROPREV est le Réseau Européen pour la Prévention et la Promotion de la Santé en Médecine de Famille et en Médecine Générale. EUROPREV est l'un des cinq réseaux de WONCA Europe.

WONCA Europe est la communauté académique et scientifique pour la médecine générale/ médecine de famille en Europe, qui représente 47 organisations membres et plus de 90.000 médecins de famille en Europe.

Wonca est l'acronyme de World Organization of National Colleges, Academies and Academic Associations of General Practitioners/Family Physicians, ou plus simplement World Organization of Family Doctors.

Le Collège de la Médecine Générale est le représentant de la France auprès des instances internationales œuvrant pour la promotion de la médecine générale. Il peut être consulté sur des questions professionnelles et politiques liées à la spécialité tant au plan national qu’international. Il est membre de l’Organisation mondiale des médecins généralistes, médecins de famille (Wonca Europe et Wonca Monde) et de l’Union Européenne des Médecins Omnipraticiens (UEMO) dont il assure une vice-présidence depuis 2017.

Pour EuropreV, concernant le dépistage, le moins est aussi le meilleur : less is more !

Webinaire-Extraits

Des webinaires sont régulièrement organisés, permettant une activité de formation médicale gratuite, avec des débats de sujets intéressants et liés à la médecine préventive, ceci d'un point de vue très pratique. 
Pendant les webinaires, les participants peuvent partager leurs commentaires ou questions via la plateforme de chat. Chaque module dure 90 minutes de formation médicale continue.

Nous avons assisté au webinaire : "dépistages des cancers et le risque de surdiagnostic".

Plusieurs dépistages sont passés en revue, mettant en lumière le phénomène de surdiagnostic.
La confusion est souvent faite entre dépistage et "prévention", ce que le dépistage n'est pas. Les dépistages ne garantissent pas de moins mourir de cancer, mais peuvent projeter des personnes saines dans une maladie qu'elles n'auraient pas connue sans eux.

Dr. Carlos Martins (Portugal, Médecin de famille, Président Europrev)  et Dr. John Brodersen (Médecin de famille, Professeur à l'Université de Copenhague, Danemark) proposent ce webinaire et, devant les velléités de la Commission Européenne d'étendre les dépistages existants et d'en créer de nouveaux, posent la question " seront-nous bientôt tous des patients?"
Cette inquiétude exprimée ici a donné lieu à la déclaration d'Europrev, voir notre article sur les recommandations du Conseil de l'EU.
(Voir au bas de cet article pour la déclaration d'EuroPrev en français.)

Avec la très aimable autorisation de l'auteur, Mr le Dr Brodersen, nous reproduisons quelques extraits qui nous semblent les plus pédagogiques et intéressants.

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Explication de quelques slides

Les pour et les contre du dépistage

Si l'on examine les arguments pour et contre le dépistage, les résultats bénéfiques sont la réduction de la mortalité, de la morbidité et de l'incidence, qui sont susceptibles de se produire dans le cadre de certains programmes de dépistage, ainsi qu'un traitement moins radical.

Les résultats néfastes sont une morbidité plus longue, le surdiagnostic et le surtraitement, les deux faux résultats (faux positifs, faux négatifs), la maladie induite, une peur accrue d'être malade et une morbidité et une mortalité accrues.

Dépistage et détection précoce

Le dépistage est effectué sur une population de personnes apparemment en bonne santé, qui ne présentent aucun symptôme de la maladie pour laquelle elles sont dépistées.
Alors que le diagnostic est défini comme quelque chose qui se passe chez les patients présentant des symptômes.
Bien entendu, il ne s'agit pas d'une dichotomie, ni d'une opposition entre le noir et le blanc, comme le montre ce schéma de l'OMS, mais plutôt d'un continuum de symptômes, ce qui rend évidemment les choses plus complexes, mais il suffit de définir les deux termes de diagnostic précoce et de dépistage pour comprendre en quoi ils sont différents.

Balance bénéfices/risques (slides 17 et 18)

L’influence du dépistage par mammographie sur la mortalité diminue avec l’efficacité croissante des thérapies contre le cancer. Plus une maladie est curable, plus la balance bénéfice-risques du dépistage est à prendre en compte, car les risques de son dépistage vont contre-balancer négativement le bénéfice à escompter.

Les méthodes d’évaluation de l’efficacité du dépistage du cancer reposent sur :

  • la surveillance des taux d’incidence ajustés selon l’âge des cancers avancés qui devraient diminuer après l’introduction du dépistage.
  • les taux de mortalité spécifiques au cancer devraient diminuer plus rapidement dans les zones où le dépistage est effectué que dans les zones où les niveaux de dépistage sont inférieurs, mais où la prise en charge des patients est similaire.

Or l’accumulation des données épidémiologiques montre que dans les populations où le dépistage par mammographie est largement répandu depuis longtemps, l’incidence des cancers avancés n’a connu que peu ou pas de diminution, et que les réductions de la mortalité par cancer du sein sont similaires dans les régions à introduction précoce et forte pénétration du dépistage comme dans les zones présentant une introduction tardive et une faible pénétration du dépistage. Les réductions des taux de mortalité par cancer devaient être proportionnelles aux réductions des taux des cancer avancés, ce qui n’est pas le cas, posant de façon plus aigüe le problème du surdiagnostic avec comme corollaire un surtraitement, 

La "cascade du dépistage" illustre la chaîne d'évènements possibles qui conduisent au final à un maigre bénéfice, envers la présence de situations sans bénéfice pour les patients à l'issue de leur dépistage.

Australie

Paul Glasziou, médecin généraliste et professeur à l'université de Bond en Australie, a rédigé un article sur le nombre de personnes surdiagnostiquées de cancer en Australie.

Vous pouvez voir ici que quatre cancers font l'objet de nombreux surdiagnostics chez les femmes : le cancer de la thyroïde, le cancer du rein, le cancer du sein et le mélanome. Lorsque vous regardez les cancers combinés en bas, la zone rouge représente 18% de tous les cancers, soit près d'un cancer sur cinq.

Et chez les hommes, les mêmes cancers et le cancer de la prostate au lieu du cancer du sein.
Ici le cancer de la prostate est plus surdiagnostiqué que le cancer du sein, le taux de cancer combiné est de 24% ; c'est un peu plus d'un cancer sur cinq.
"Quand je parle aux journalistes" explique Dr Brodersen, "je dis qu'une personne sur cinq avec un diagnostic de cancer est surdiagnostiquée et, désolé de le dire, ce sont des milliers de personnes dans vos pays et globalement, ce sont des millions de personnes que nous avons fait souffrir dans les soins de santé."
'Et nous pouvons dire que c'était l'une des raisons pour lesquelles nous étions si inquiets avec cette nouvelle proposition de l'Union européenne, parce qu'il ya l'intention d'étendre la cible, d'étendre (le dépistage) à de nouveaux cancers, il y aurait des millions et des millions de citoyens européens qui seraient encore plus surdiagnostiqués."
"Et vous pouvez voir ici pour le dépistage par PSA (dépistage du cancer prostatique), il n'y a pas de dépistage national de PSA en Australie et déjà vous avez plus de 40% de surdiagnostic pour le cancer de la prostate, donc si vous commencez à mettre en œuvre un dépistage de PSA ce taux va augmenter comme cela se passe pour le mélanome, donc c'est l'une de nos grandes préoccupations.
En ce qui concerne le dépistage du cancer du sein, si l'on commence à dépister les femmes âgées de plus de 70 ans, le risque de surdiagnostic augmente car la durée de vie est plus courte." (C'est à dire que les femmes à cette tranche d'âge ont bien plus de probabilité de décéder de tout à fait autre chose, notamment des maladies cardio-vasculaires, rendant le diagnostic d'une lésion cancéreuse du sein dont elles ne mourront pas plus problématique, et alimentant les surdiagnostics, NDLR)

Comtés américains (slide 22)

Le dépistage et le diagnostic précoce pourraient accroître les inégalités sociales dans les sociétés. Gilbert Welsh a rédigé un article intelligent dans lequel il a examiné les comtés à hauts revenus et les comtés à faibles revenus aux États-Unis pour quatre cancers : le cancer du sein, le cancer de la prostate, le cancer de la thyroïde et le mélanome.

En bas, vous avez la mortalité de ces quatre cancers. La mortalité est la même dans les deux régions. Cependant, il y a beaucoup plus de cancers dans les comtés à hauts revenus que dans les comtés à faibles revenus. C'est le signe d'un excès de médecine, d'un excès de dépistage, d'un excès de diagnostic précoce.

Conclusion

Dr Brodersen conclut ce webinaire :

"Nous devons réévaluer les trois programmes de dépistage existants qui sont recommandés par l'Union européenne.

Le cancer du sein doit être réévalué parce que le traitement s'est amélioré (rendant le dépistage de ce cancer moins utiles, NDLR), le cancer du col de l'utérus doit être réévalué parce que nous avons des cohortes vaccinées contre le VPH, le cancer colorectal doit être réévalué parce que nous pouvons voir que les tests fécaux ne fonctionnent peut-être pas dans les programmes de dépistage pragmatiques, mais nous pouvons voir que la sigmoïdocolonoscopie pourrait être la voie à emprunter si nous voulons un dépistage du cancer colorectal.

Nous manquons de preuves pour mettre en œuvre le dépistage du cancer prostatique par PSA et IRM car nous n'avons pas d'essais randomisés qui ont combiné les deux.
Si nous considérons uniquement le dépistage par PSA, la conclusion est qu'il ne faut pas le faire car il n'y a aucun bénéfice.

Pour le dépistage gastrique il n’y a pas de données probantes.

Si nous examinons le dépistage du cancer de poumon par scanner à faible dose, de nombreuses preuves font défaut, principalement en ce qui concerne les effets négatifs, et beaucoup d'autres questions restent sans réponse."

Lire aussi : https://cancer-rose.fr/2023/01/09/le-surdiagnostic-des-cancers-un-defi-a-lere-du-depistage/

Lire : la déclaration d'EuroPrev, traduction en français :

En matière de dépistage de cancer, souvent "moins, c'est PLUS!"

À la Commission européenne - Santé et sécurité alimentaire
A la Direction Générale Santé et Sécurité Alimentaire
Aux autorités sanitaires de l'Union européenne
Aux professionnels européens de la médecine familiale et de la santé publique

 Le 20 septembre dernier, la Commission européenne a annoncé : "Une nouvelle approche de l'UE en matière de détection du cancer - dépister plus et dépister mieux".(1)

Les nouvelles recommandations comprennent, entre autres, les points suivants

- L'extension du groupe cible pour le dépistage du cancer du sein aux femmes âgées de 45 à 74 ans (contre la tranche d'âge actuelle de 50 à 69 ans) ;
- Le dépistage du cancer du poumon pour les gros fumeurs actuels et les anciens fumeurs âgés de 50 à 75 ans.
- Dépistage du cancer de la prostate chez les hommes jusqu'à 70 ans sur la base d'un test d'antigène spécifique de la prostate, et d'une imagerie par résonance magnétique (IRM) pour le suivi.

Compte tenu des meilleures preuves scientifiques disponibles, nous attirons votre attention sur les faits suivants :

Dépistage du cancer du sein

- Pour 2000 femmes dépistées par mammographie annuelle pendant dix ans, un décès par cancer du sein sera évité. Mais, en même temps, 200 femmes souffriront des conséquences de longue durée d'un résultat faux positif, et dix femmes seront surdiagnostiquées et surtraitées, avec tous les préjudices que cela comporte, allant de l'étiquette de malade du cancer aux effets secondaires et tardifs du traitement contre le cancer. Par conséquent, l'équilibre entre les bénéfices et les risques est incertain, et chaque femme devrait recevoir cette information.(2)
- L'extension du groupe ciblé augmentera proportionnellement les risques et diminuera les bénéfices associés à ce dépistage. Augmentation des risques : les femmes plus jeunes ont un tissu mammaire plus dense, ce qui augmente le taux de faux positifs, et les femmes âgées ont un risque concomitant plus élevé de mourir d'une autre cause que le cancer du sein, ce qui augmente le risque de surdiagnostic. Diminution des bénéfices : l'incidence du cancer du sein est beaucoup plus faible chez les femmes âgées de 45 à 49 ans et, par conséquent, la réduction de la mortalité est beaucoup plus faible en chiffres absolus ; chez les femmes âgées, le bénéfice attendu d'une diminution de la mortalité est beaucoup moins probable en raison de leur espérance de vie plus courte.

Dépistage du cancer de la prostate

- Si on utilise les meilleures preuves disponibles provenant de deux instituts indépendants : la Collaboration Cochrane et l'USPSTF, alors il existe des preuves solides de l'absence de réduction de la mortalité due au dépistage du PSA. Si on sélectionne les preuves ("cherry picking"), alors dans le meilleur des cas, il a été démontré que pour 1000 hommes dépistés par le PSA, deux évitent la mort par cancer de la prostate. Mais, en même temps, 155 hommes connaîtront une fausse alerte. Généralement, cela est associé à une ablation inutile de tissus. Et 51 hommes seront surdiagnostiqués et traités inutilement, avec une détérioration significative de la qualité de vie (incontinence urinaire, dysfonctionnement érectile).(3)
- Les dommages potentiels associés à ce dépistage sont très préoccupants, et c'est pourquoi, jusqu'à présent, aucun programme de dépistage du cancer de la prostate en population n'a été mis en œuvre en Europe. 

Dépistage du cancer du poumon, de l'estomac et d'autres cancers

- Les données disponibles sur les bénéfices et les risques de ces dépistages sont encore rares. Ces programmes de dépistage suscitent également des inquiétudes quant aux faux positifs et au surdiagnostic. Aucun programme de dépistage de cancer dans une population ne devrait être mis en œuvre sans que des essais contrôlés randomisés correctement conçus sur des populations européennes n'évaluent l'équilibre entre les bénéfices et les risques liés à chaque dépistage.(4)

Le mythe du diagnostic précoce

Selon la Commission européenne, ces nouvelles recommandations visent à "augmenter le nombre de dépistages, en couvrant plus de groupes cibles et plus de cancers".

Bien que bien intentionné, cela se traduira, dans la pratique, par un plus grand nombre de personnes en bonne santé inutilement transformées en patients du fait du surdiagnostic.

En outre, et toujours malgré les bonnes intentions, cela se traduira, dans la pratique, par davantage de souffrances, de cancers et de coûts pour des systèmes de santé déjà surchargés et aux ressources limitées.

Enfin, et encore une fois, même si les intentions sont bonnes, dans la perspective de la crise climatique, les émissions de carbone des interventions de soins à faible valeur ajoutée, comme les programmes de dépistage proposés, ne sont pas durables. De plus, ces programmes vont accroître les inégalités sociales en matière de santé et promouvoir la loi inverse des soins.

La proposition de la Commission européenne repose sur un mythe médical. Selon la déclaration de la Commission européenne, "Plus le cancer est détecté tôt, plus cela peut faire une réelle différence en augmentant les options de traitement et en sauvant des vies". En matière de dépistage, il s'agit d'un mythe. Nous disposons aujourd'hui de données issues de programmes de dépistage en population qui montrent que le facteur essentiel de réduction de la mortalité par cancer n'est pas lié à un diagnostic précoce, mais à un bon accès aux soins de santé et aux nouveaux traitements du cancer.(5-7)

Dans le cas du cancer, très souvent, un diagnostic précoce ne signifie qu'un fardeau plus lourd pour la maladie, avec plus de souffrance.

NOTRE RECOMMANDATION

La proposition actuelle de la Commission européenne doit être révisée.

Si nous voulons vraiment améliorer la façon dont le cancer est traité en Europe, nous devons nous concentrer sur les points suivants :

- La prévention primaire : au niveau de la population, améliorer l'alimentation, augmenter l'activité physique, diminuer le tabagisme et la consommation d'alcool. L'efficacité des interventions sociétales structurelles a été démontrée par des preuves solides et de haute qualité, tandis que les interventions de prévention primaire au niveau individuel se sont avérées sans effet, ou seulement à court terme.

- Un bon accès aux soins de santé primaires. Chaque citoyen européen devrait avoir le droit d'avoir son médecin de famille, ce qui signifie avoir le droit d'être soigné par des médecins spécialisés en médecine de famille dans une relation de confiance et de continuité et où le médecin généraliste est formé à la médecine fondée sur les preuves.

- Prévention tertiaire : en cas de diagnostic de cancer, un accès rapide et de qualité aux centres oncologiques spécialisés (ou à d'autres spécialistes compétents) est essentiel pour améliorer les résultats. Cela inclut également un bon accès aux nouvelles thérapies anticancéreuses fondées sur des données probantes.

-Prévention quaternaire : de nouveaux programmes de dépistage devraient être mis en œuvre uniquement lorsque les bénéfices sont plus importants que les risques.

References

1. European Health Union: cancer screening [Internet]. European Commission - European Commission. [cited 2022 Nov 8]. Available from: https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_22_5562
2. Gøtzsche PC, Jørgensen KJ. Screening for breast cancer with mammography. Cochrane Database Syst Rev. 2013 Jun 4;(6):CD001877.
3. Harding Center for Risk Literacy. Early detection of prostate cancer with PSA testing [Internet]. Available from: https://www.hardingcenter.de/en/transfer-and-impact/fact-boxes/early-detection-of- cancer/early-detection-of-prostate-cancer-with-psa-testing
4. Heleno B, Thomsen MF, Rodrigues DS, Jorgensen KJ, Brodersen J. Quantification of harms in cancer screening trials: literature review. BMJ. 2013 Sep 16;347(sep16 1):f5334–f5334.
5. Miller AB, Wall C, Baines CJ, Sun P, To T, Narod SA. Twenty five year follow-up for breast cancer incidence and mortality of the Canadian National Breast Screening Study: randomised screening trial. BMJ. 2014 Feb 11;348:g366.
6. Bleyer A, Welch HG. Effect of three decades of screening mammography on breast-cancer incidence. N Engl J Med. 2012 Nov 22;367(21):1998–2005.
7. Autier P, Boniol M, Gavin A, Vatten LJ. Breast cancer mortality in neighbouring European countries with different levels of screening but similar access to treatment: trend analysis of WHO mortality database. BMJ. 2011 Jul 28;343:d4411.

Position de Europrev sur les primes sur objectif pour le dépistage du cancer du sein

Breast cancer screening in Europe

Le dépistage du cancer du sein de doit  pas être un indicateur de performance pour évaluer le travail des médecins généralistes.

Les incitations financières ne doivent pas exister pour le dépistage du cancer du sein.

Seulement trois pays de l'Europe pratiquent des incitations financières (primes sur objectifs de santé publique pour les médecins, liées au taux de participation au dépistage des femmes suivies et accordées selon la performance) pour effectuer le dépistage de cancer du sein , dont la France, le Portugal , la Croatie

Voici, en France, la communication d'Ameli sur la nouvelle ROSP du 25/11/22
Future convention médicale : « Un rendez-vous important pour les médecins et pour les assurés »

25 novembre 2022 "Nous proposerons par ailleurs de rénover la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp) en en limitant le nombre d’indicateurs et en les concentrant davantage sur les enjeux de santé publique, notamment autour du dépistage des cancers et de la vaccination. Nous discuterons aussi d’un élargissement de son champ".

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Le surdiagnostic des cancers : un défi à l’ère du dépistage

Publié décembre 2022 - Traduction Cancer Rose

https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S266700542200059X?via%3Dihub

Barbara K.Dunn12 , Steven Woloshin34 , Heng Xie5 Barnett S.Kramer26

1US National Cancer Institute, Division of Cancer Prevention, Bethesda, Maryland, USA
2 Member, The Lisa Schwartz Foundation for Truth in Medicine, Norwich, Vermont, USA
3 The Center for Medicine in the Media, Dartmouth Institute for Health Policy and Clinical Practice, Geisel School of Medicine at Dartmouth, Lebanon, New Hampshire, USA
4 Director, The Lisa Schwartz Foundation for Truth in Medicine, Norwich, Vermont, USA
5 Beijing Biostar Pharmaceuticals Co., Ltd, Beijing, China
6 Rockville, Maryland, USA

Résumé

"Le dépistage" consiste à rechercher des maladies précliniques, asymptomatiques, y compris le cancer. Le dépistage généralisé de cancers a conduit à une forte augmentation des cancers et des pré-cancers à un stade précoce. Les messages publics diffusés de manière omniprésente mettent en avant les bénéfices potentiels du dépistage de ces lésions, en se fondant sur l'hypothèse sous-jacente selon laquelle le fait de traiter le cancer à un stade précoce, avant qu'il ne se propage à d'autres organes, devrait permettre de le traiter et de le guérir plus facilement, par des interventions plus tolérables. L'intuition est si forte que parfois, des campagnes publiques sont parfois lancées sans mener d'essais probants comparant directement le dépistage aux traitements habituels.

Un test efficace de dépistage d’un cancer ne devrait pas uniquement augmenter l'incidence de la maladie préclinique à un stade précoce, mais aussi diminuer l'incidence des cancers avancés et métastatiques, et conduire ainsi à une diminution de la mortalité par cancer.
Autrement, les efforts de dépistage risquent de débusquer des réservoirs de lésions non progressives et à progression très lente qui n'étaient pas destinées à causer des symptômes, et des souffrances à la personne jusqu’à la fin de ses jours : un phénomène connu sous le nom de "surdiagnostic".
Nous présentons ici un bilan qualitatif du surdiagnostic de cancer et évoquons des exemples spécifiques dus à un dépistage généralisé dans la population, comprenant le neuroblastome, le cancer de la prostate, le cancer de la thyroïde, le cancer du poumon, le mélanome et le cancer du sein.

Les préjudices liés aux diagnostics de cancers et aux traitements inutiles appellent à une information équilibrée des personnes qui envisagent de se faire dépister, même dans le cas d'un test considéré bénéfique, afin de leur permettre de prendre une décision éclairée.

Nous présentons également des stratégies proposées pour atténuer les conséquences négatives du surdiagnostic.

1. Le dépistage, un bénéfice potentiel avec un sérieux inconvénient : le surdiagnostic

1.1. Définitions

Le dépistage de cancer consiste à rechercher un cancer avant l'apparition de tout symptôme. La présomption sous-jacente est que la découverte d'un cancer si petit qu'il ne se manifeste par aucun signe ou symptôme évident, devrait permettre de le traiter et de le guérir plus facilement grâce à des interventions plus tolérables. Dans le domaine de la santé publique, le dépistage de certains types de tumeurs, notamment celles dont l'incidence est la plus élevée, a été largement mis en avant et encouragé.

Au moins en théorie, tout test de dépistage permettant une détection plus précoce améliorerait vraisemblablement l'équilibre entre les bénéfices et les risques de la prise en charge du cancer.1, 2
En pratique, cela est vrai pour certains tests de dépistage du cancer, mais pas pour d'autres.  Compte tenu de l'importance accordée à des tests de dépistage de plus en plus sensibles, il est évident que ces tests sont capables de détecter des "cancers" à évolution très lente qui n'auraient jamais nui à la personne ou n'auraient jamais fait l'objet d'une attention clinique au cours de sa vie naturelle s'il n'y avait pas eu de test de dépistage.
Il s'agit d'un phénomène peu étudié et sous-estimé connu sous le nom de "surdiagnostic", qui fait l'objet du présent article.

Récemment, la National Library of Medicine (NLM) des États-Unis a ajouté le terme "surdiagnostic" à sa liste de rubriques médicales (MeSH), le définissant comme "l'étiquetage d'une personne par une maladie ou une condition anormale qui n'aurait pas causé de préjudice à la personne si elle n'avait pas été découverte, la création de nouveaux diagnostics en médicalisant des expériences de vie ordinaires, ou l'élargissement des diagnostics existants en abaissant les seuils ou en élargissant les critères sans preuve d'amélioration des résultats. Les individus ne tirent aucun bénéfice clinique du surdiagnostic, alors qu'ils peuvent subir un préjudice physique, psychologique ou financier".3
Cet ajout renforce la capacité à effectuer des recherches systématiques dans la littérature sur le surdiagnostic.

Il est bien évident que le surdiagnostic du cancer pourrait modifier l'équilibre entre les avantages et les inconvénients d'un test de dépistage réalisé sur des personnes asymptomatiques en bonne santé.

Il entraînerait une surmédicalisation conduisant à un surtraitement et à un "glissement" du diagnostic, c'est-à-dire à un déplacement des seuils conduisant à étiqueter les individus comme malades, même en l'absence de symptômes4, 5, 6.

En plus des désagréments physiques causés par des traitements inutiles, le fardeau psychologique lié au fait de savoir qu'on a un cancer, d'être étiqueté comme "patient", ainsi que les répercussions socio-économiques et le fardeau financier, tant au niveau personnel que sociétal, qui en découlent pour le patient, contribuent aux préjudices du surdiagnostic3.

Ces conséquences du surdiagnostic s'ajoutent aux risques, aux désagréments et aux inconvénients des tests de dépistage eux-mêmes. Il est important de noter que le surdiagnostic diffère du diagnostic erroné dans la mesure où le premier est considéré comme un vrai positif, révélant des lésions qu'un pathologiste qualifierait de cancer ou de pré-cancer.2, 7

1.2. Critères applicables au surdiagnostic

 1.2.1. Réservoir de maladie /cancer subclinique

L'absence de symptômes dans le contexte d'une maladie détectée par dépistage implique l'existence, dans le tissu examiné, de lésions subcliniques, c'est-à-dire occultes, qui répondent histologiquement à la définition de "cancer" ou de "malignité", ou de pré-cancer. Leur découverte déclenche généralement un traitement. Elles sont occultes parce qu'elles sont petites et confinées à un organe : il s’agit des caractéristiques mêmes qui rendent la résection chirurgicale si intéressante. Bien que de nombreux cancers détectés par le dépistage aient un potentiel létal, beaucoup d'autres progressent très lentement ou ne progressent pas du tout. L'histopathologie d'une biopsie fixée au formol n'est qu'un instantané dans le temps, sans révéler le comportement dynamique ou le potentiel de progression d'une lésion subclinique.1

Si leur découverte par le dépistage doit effectivement conférer un bénéfice clinique, leur élimination ou un autre traitement devrait faire basculer les cancers de stade avancé potentiellement mortels qui se produiraient dans le futur, vers le présent sous la forme de cancers de stade précoce plus faciles à traiter.8
Ce processus devrait se traduire à terme, au niveau de la population par une diminution de cancers de stade avancé et des décès par cancer dans une mesure équivalente à l'augmentation de l'incidence des cancers de stade précoce détectés par le dépistage. Néanmoins, une telle évolution peut être suffisante, mais elle n'est pas absolument nécessaire pour que le dépistage confère un bénéfice clinique.
Une diminution des cancers d'intervalle, qui se développent à une rapidité telle qu'ils échappent au dépistage et apparaissent entre deux dépistages, devrait également se produire lorsque des tests plus sensibles et plus efficaces sont introduits9.

Une intuition répandue est que toute lésion étiquetée par un pathologiste comme "cancer" ou "pré-cancer" aurait progressé si elle n'avait pas été découverte. Cela explique en partie pourquoi le cancer a été surnommé "l'empereur de toutes les maladies".10 Cependant, les essais cliniques ont montré que la progression des lésions subcliniques est très variable ; elle est influencée par le site du cancer et la biologie sous-jacente.11, 12
Hélas, il n'a pas été démontré que l'incidence des cancers à un stade avancé diminuait en lien avec un certain nombre de tests de dépistage couramment utilisés, ce qui rend difficile l'attribution des tendances observées en terme de mortalité au dépistage, en particulier dans le contexte des améliorations indéniables des thérapies systémiques pour les stades avancés de la maladie. Toutefois, les progrès techniques des modalités de dépistage peuvent contribuer au surdiagnostic en augmentant la sensibilité et en favorisant ainsi la découverte de lésions qui n'ont pas le potentiel de causer des préjudices13.

1.2.2. Un dépistage qui puise dans le réservoir de lésions subcliniques

Une condition essentielle du surdiagnostic est l'existence d'un réservoir substantiel de ces maladies subcliniques ou occultes, parfois appelées dans la littérature ancienne comme "pseudo-maladies".4, 11
En l'absence de toute recherche intentionnelle, ces lésions occultes échapperaient à la détection. La taille et l'histoire naturelle du réservoir latent de lésions subcliniques influencent l'équilibre entre les bénéfices et les risques d'un certain test de dépistage.
Les lésions à évolution plus lente sont présentes pendant une période plus longue et ont donc plus de chances d'être découvertes par le dépistage (Fig. 1A).
Ce phénomène contribue "à enrichir" les cancers dépistés par des tumeurs plus indolentes, tandis que les lésions apparaissant entre deux dépistages, les lésions "d'intervalle" manquées par le dépistage, ont tendance à être plus agressives et à se développer plus rapidement. Ce phénomène est connu sous le nom de "biais de sélection des meilleurs cas" ou "biais de lenteur d'évolution".
Une forme extrême de lenteur d'évolution est le surdiagnostic, qui se produit dans le cas de tumeurs à croissance très lente et non progressives (Fig. 1).8, 13, 14
Un autre facteur contribuant au surdiagnostic se produit si un test de dépistage introduit un long délai d’avance au diagnostic entre la détectabilité et la maladie clinique symptomatique. Dans ce cas, les patients peuvent mourir de causes non liées pendant ce délai en raison de causes concurrentes de décès, souvent liées à l'âge.

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Des preuves attestant de l'existence d'un important réservoir de maladies invasives et non invasives subcliniques dans la population générale proviennent d'études d'autopsie portant sur le cancer de la prostate, du sein et de la thyroïde.11 En outre, certains cancers évolutifs détectés par dépistage peuvent contribuer au surdiagnostic si le patient présente des comorbidités ou des conditions médicales qui entraîneraient son décès avant que tout bénéfice du dépistage ne se manifeste.15 Le cancer étant principalement une maladie associée au vieillissement, le risque de surdiagnostic du cancer peut donc augmenter au fur et à mesure que les patients accumulent des causes concomitantes de décès liés à l'âge.16 Pour toutes ces raisons, l'ampleur du surdiagnostic du cancer est susceptible de varier d'un pays à l'autre, en fonction de la prévalence du dépistage, de la pyramide des âges de la population et de la fréquence des autres pathologies. Au niveau de la population, le surdiagnostic entraîne une forte augmentation de l'incidence du cancer sans réduction concomitante de la mortalité, comme le montre la figure 2 .17.

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1.2.3. Autres situations de surdiagnostic

La découverte fortuite de tumeurs non ciblées lors d'un dépistage ou d'un bilan diagnostique pour d'autres pathologies peut être une source particulière de surdiagnostic. Ces tumeurs sont appelées incidentalomes. L'examen initial n'a aucun rapport avec la lésion découverte fortuitement.18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27
Une grande partie de la littérature sur les incidentalomes se concentre sur les organes endocriniens (par exemple, les glandes surrénales, parathyroïdes, hypophysaires, thyroïdiennes) mais aussi sur les lésions rénales et pulmonaires. En général, la technologie révélatrice implique l'imagerie, bien que même un simple examen physique puisse être en cause, comme la palpation de nodules thyroïdiens lors d'un examen de routine. L'anxiété et les préjudices liés aux incidentalomes peuvent être similaires à ceux d'un surdiagnostic classique.20, 21
Un individu en bonne santé a été transformé en patient subissant désormais toutes les toxicités psychologiques, physiques et financières associées à la maladie, souvent avec des bénéfices incertains.

2. Surdiagnostic détecté lors du dépistage de cancers spécifiques

2.1. Neuroblastome

L'exemple emblématique de surdiagnostic est le neuroblastome. Apparaissant généralement sous la forme d'une masse dans le cou, la poitrine, l'abdomen ou le bassin d'un nourrisson ou d'un jeune enfant, le neuroblastome peut être mortel.28 La peur associée à ce pronostic inquiétant chez un nourrisson a entraîné le recours au dépistage pour détecter les tumeurs à un stade précoce. Le dépistage était étonnamment simple : il consistait à recueillir des urines dans lesquelles les métabolites des catécholamines produites par le cancer (acide vanillylmandélique et homovanillique) étaient détectables.

La combinaison de ces caractéristiques a conduit à l'inclusion systématique du dépistage des catécholamines chez les nourrissons au Japon, et à une augmentation conséquente de l'incidence des neuroblastomes sans diminution concomitante de la mortalité (Fig. 3A).29 Les cancers détectés par le dépistage, même ceux qui ne sont pas à un stade avancé, sont traités de manière agressive par chirurgie et chimiothérapie.28 L'absence de réduction de la mortalité avec le dépistage a également été documentée dans des essais pilotes au Canada et en Allemagne.30, 31, 32 Ces observations suggèrent fortement un surdiagnostic dû au dépistage généralisé.7,29 Le dépistage en population a donc été arrêté au Japon, avec une réduction rapide de l'incidence des neuroblastomes et sans augmentation de la mortalité (Fig. 3B).33, 34

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2.2. Le cancer de la thyroïde

La palpation systématique de la thyroïde dans le cadre de l'examen physique standard révèle fréquemment des nodules : jusqu'à 21% des nodules thyroïdiens sont découverts par palpation,35 ce chiffre augmentant en outre avec le dépistage du cancer de la thyroïde par échographie cervicale.36, 37 Cette pratique a conduit à une épidémie de cancers de la thyroïde,38, 39 largement confinée à l'histotype papillaire à croissance la plus lente, qui représente jusqu'à 87% de l'augmentation.38 Dans un cas classique de surdiagnostic, la mortalité spécifique au cancer de la thyroïde est restée pratiquement inchangée (Fig. 2).17, 38, 40
Mais il existe des risques évidents, notamment une intervention chirurgicale inutile qui peut entraîner une ablation par inadvertance de la parathyroïde (hypoparathyroïdie) et une lésion du nerf laryngé récurrent (enrouement permanent).41, 42 L'imagerie entourant la région thyroïdienne, bien qu'elle soit réalisée pour d’autres pathologies non thyroïdiennes, peut également entraîner un surdiagnostic du cancer de la thyroïde, un cas classique d'incidentalomes.22

2.3. Le cancer de la prostate

Après l'introduction généralisée du dépistage par PSA dans les années 1980, l'incidence du cancer de la prostate a augmenté de façon spectaculaire aux États-Unis.1, 43
Cette augmentation est due à la détection par le dépistage d'un énorme réservoir de pathologie latente que les hommes hébergent en vieillissant. Des études autopsiques chez des hommes décédés de causes non liées au cancer de la prostate et des spécimens de cystoprostatectomie ont documenté la prévalence associée à l'âge d'un cancer de la prostate subclinique chez la plupart des hommes âgés.44, 45, 46
Ces observations, associées à l'incidence croissante des tumeurs à faible risque, suggèrent fortement qu'une grande partie des cancers de la prostate détectés par le dépistage sont indolents et n'auraient probablement jamais affecté la santé ou la longévité de l'individu.4

Parmi les 76 693 hommes de l'essai de dépistage du cancer de la prostate, du poumon, du côlon et de l'ovaire (PLCO), le suivi après 7 et 13 ans a montré une augmentation relative de 22 % et 12 % de l'incidence du cancer de la prostate, respectivement avec dépistage par rapport aux soins habituels47, 48 . Pourtant, la mortalité par cancer de la prostate ne différait pas d’un groupe à l’autre.
En revanche, l’étude européenne de dépistage du cancer de la prostate (ERSPC) randomisant 162387 hommes en 'dépistage tous les quatre ans' ou en 'soins habituels' a montré une réduction des décès par cancer de la prostate : RR = 0,80 (P = 0,04) et RR = 0,79 (P = 0,0001) à 9 et 11 ans, respectivement avec le dépistage par rapport au groupe contrôle.49, 50
En contrepartie de ces bénéfices, il y avait une incidence cumulative du cancer de la prostate environ 50 % plus élevée à 11 ans chez les hommes assignés au dépistage par rapport au contrôle.50 Cela suggère des préjudices associés au surdiagnostic qui devraient être mis en balance avec les bénéfices rapportés. Et cela démontre que le dépistage peut être associé à la fois au bénéfice de la réduction de la mortalité par cancer et au risque de surdiagnostic.

Sous l'influence des preuves de surdiagnostic du cancer de la prostate lié au dépistage, l'US Preventive Services Task Force (USPSTF) a recommandé en 2012 de ne pas procéder à un dépistage systématique du cancer de la prostate.51
Une recommandation modifiée en 2018 stipule que "les hommes âgés de 55 à 69 ans doivent prendre une décision individuelle sur l'opportunité de se faire dépister après une conversation avec leur clinicien sur les avantages et les inconvénients potentiels."
Pour les hommes ≥ 70 ans, les avantages ne sont pas supérieurs aux inconvénients (incontinence, impuissance, douleur liée à la chirurgie/radiation), en partie en raison des effets néfastes du surdiagnostic 52.

2.4. Le cancer du poumon

Les essais de dépistage du cancer du poumon ciblent généralement les personnes présentant un risque élevé de cancer en raison d'antécédents de tabagisme. Dans le cadre du Mayo Lung Project, la mortalité par cancer du poumon chez 9211 hommes fumeurs de cigarettes était similaire avec des radiographies thoraciques standard (CXR) et une cytologie des expectorations par rapport aux soins habituels.53
Un excès persistant de cas (exclusivement des tumeurs à un stade précoce) a été observé avec le dépistage par rapport aux soins habituels sans réduction de la maladie à un stade avancé : 583 contre 500, ce qui suggère un surdiagnostic. La technologie CXR, le dépistage du cancer du poumon dans la PLCO (Essai de dépistage de prostate, poumon, colorectal, and ovarien (PLCO Prostate, Lung, Colorectal, and Ovarian Cancer Screening Trial), n'a pas non plus montré de réduction de la mortalité due au cancer du poumon par rapport aux soins habituels.54, 55
Le National Lung Screening Trial (NLST) du National Cancer Institute (NCI) des États-Unis a randomisé 53 454 gros fumeurs pour trois dépistages annuels avec une tomographie par ordinateur à faible dose/hélicoïdale (LDCT)26,7,22 par rapport à une radiographie thoracique postéro-antérieure à image unique.26,7,32

Une réduction relative de 20% de la mortalité par cancer du poumon avec la LDCT (scanner faible dose) par rapport à la radiographie a été constatée initialement.56
Une analyse après 6,4 ans de suivi a suggéré que plus de 18% de tous les cancers du poumon détectés par LDCT étaient potentiellement surdiagnostiqués.57
Cependant, après 11,3 ans de suivi médian, 1701 cancers du poumon ont été diagnostiqués avec la LDCT(scanner faible dose) et 1681 avec la radiographie thoracique : RR = 1,01 (95% CI : 0,95, 1,09).
Ceci illustre l'importance d'un suivi suffisant. Les décès par cancer du poumon évalués lors d'un suivi médian de 12,3 ans étaient de 1 147 et 1 236 dans les groupes LDCT et radiographie thoracique respectivement (RR = 0,92, IC à 95 % : 0,85, 1,00).58
Les carcinomes broncho-alvéolaires (CCB) représentaient la plupart des cas de surdiagnostic associé à la détection par scanner faible dose,15 confirmant l'idée qu'il existe un sous-ensemble de lésions pulmonaires subcliniques contenant des cancers indolents, bien que d'apparence invasive, ainsi que des lésions in situ prémalignes.

Tous les programmes de dépistage du cancer du poumon ne sont pas réservés aux fumeurs de cigarettes, et le surdiagnostic pourrait être particulièrement fréquent chez les femmes asiatiques non fumeuses qui ne présentent pas de risque élevé de cancer.
Une étude de cohorte écologique basée sur la population et portant sur le dépistage par scanner faible dose chez les femmes à l'aide du registre du cancer de Taïwan (prévalence du tabagisme inférieure à 5 %) a montré que, de 2004 à 2013, l'incidence des cancers de stade précoce a été multipliée par plus de six (de 2,3 à 14,4/100 000 ; différence absolue, 12,1/100 000).
Cependant, l'incidence des cancers de stade avancé n'a pas diminué de manière concomitante (18,7 à 19,3/100 000 ; différence absolue, 0,6) avec l'augmentation des cancers de stade précoce au cours de cette période, et la mortalité est restée stable malgré une survie à 5 ans qui a doublé (18% à 40%), ce qui suggère que tous les cancers supplémentaires représentent un surdiagnostic du cancer du poumon.60
Les auteurs ont donc souligné la nécessité absolue de poursuivre les études sur le dépistage chez les femmes asiatiques. Un tel essai est en cours en Chine.

2.5. Le cancer du sein

Le dépistage par mammographie chez les femmes ≥ 40 ans a augmenté rapidement entre les années 1980 et le début des années 1990 (figure 4).11
Cela s'est accompagné d'une augmentation de l'incidence des cancers du sein à un stade précoce, avec une diminution beaucoup plus faible des cancers à un stade avancé et pratiquement aucun changement dans la maladie métastatique, ce qui suggère une tendance dominée par le surdiagnostic plutôt qu'un véritable changement de stade.61
Sur la base des données américaines Surveillance Epidemiology and End Results (SEER) 1976-2008, qui incluent la transition entre l'ère précédant et celle suivant l'institution du dépistage mammographique, chez les femmes ≥ 40 ans, un doublement des cas de cancer du sein à un stade précoce a été détecté chaque année (112 à 234 cas pour 100 000 femmes). La réduction concomitante du taux de cancer du sein à un stade avancé a été de 8 % seulement. Les auteurs ont ainsi estimé que le cancer du sein était surdiagnostiqué chez plus de 70 000 femmes, ce qui représente 31 % de tous les cancers du sein diagnostiqués61.

Une autre étude basée sur le SEER a montré qu'après l'introduction de la mammographie de dépistage, le pourcentage de petites tumeurs (< 2 cm invasives ou in situ) est passé de 36 % à 68 %. Il convient de noter que les taux de progression du carcinome canalaire in situ (DCIS) varient en fonction du grade histologique, les taux de progression les plus élevés étant associés aux DCIS de haut grade, bien que l'attribution du grade puisse être subjective. La mortalité liée au cancer du sein a diminué, mais cette baisse a été attribuée en grande partie à l'amélioration de la thérapie systémique.62 L'effet de l'introduction de la mammographie 3D, avec son remplacement partiel de la mammographie 2D, n'a pas encore été définitivement déterminé.

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Un rapport sur les préjudices associés au dépistage du cancer du sein dans 29 études a montré que le surdiagnostic variait largement, de 0 à 54 %, alors que dans les essais randomisés, la fourchette était de 11 à 22 %.61,63, 64, 65, 66
Cette grande variation dans la fourchette des estimations du surdiagnostic et la différence dans la taille de la fourchette entre les types d'études a été attribuée au type de données utilisées. Alors qu'aucune étude basée sur des données individuelles n'a donné une estimation supérieure à 17%, les études basées sur des données agrégées ont eu tendance à donner des estimations supérieures à 40%, une différence considérée comme trop systématique pour être une observation aléatoire. Il a été démontré que l'utilisation de données agrégées s'accompagne de biais qui peuvent conduire à un surdiagnostic65.

Les modèles statistiques dits "ajustés au délai d'avance au diagnostic" ont tendance à produire des estimations dans la limite inférieure de cette fourchette, tandis que les estimations dérivées des tendances de la population se situent dans la limite supérieure. Bien que la plupart des modèles statistiques publiés n'intègrent pas la possibilité d'un sous-ensemble de tumeurs non progressives, une publication récente l'a réalisé, estimant qu'un cas sur sept de cancer du sein détecté par dépistage est surdiagnostiqué67. Dans une population de femmes âgées de 50 à 74 ans (médiane 56 ; intervalle interquartile 52-64), parmi les 15,4% de cancers détectés par dépistage estimés être surdiagnostiqués, 6,1% étaient dus à la détection d'un cancer préclinique indolent, et 9,3% à la détection d'un cancer préclinique progressif chez des femmes qui seraient décédées d'une cause non liée, avant le diagnostic clinique du cancer du sein.

Les taux de surdiagnostic rapportés varient également en fonction du choix du dénominateur, chacun ayant des implications différentes. L'utilisation de l'ensemble de la population éligible au dépistage fournit des informations sur la lourdeur nationale du surdiagnostic. L'utilisation du nombre de femmes participant à un programme de dépistage comme dénominateur traduit la part supplémentaire de surdiagnostic associée à l'offre de dépistage dans un contexte organisé. La restriction du dénominateur aux femmes qui ont effectivement été dépistées fournit des informations sur la charge du surdiagnostic pour les femmes qui ont choisi de se faire dépister.

2.6. Mélanome

De fortes augmentations de l'incidence du mélanome cutané (mais pas des autres types de mélanome) ont eu lieu au cours des dernières décennies, triplant presque au cours des 30 années entre 1975 et 2005 selon les données du SEER.11, 68
Tout comme le cancer de la thyroïde, le dépistage du mélanome cutané ne dépend pas habituellement d'une intervention de haute technologie, reposant principalement sur un examen visuel à l'œil nu.69 Cependant, l'utilisation de la dermoscopie dans des mains expérimentées peut améliorer la spécificité du diagnostic, avec un effet inconnu sur le surdiagnostic. Les tendances au dépistage, reflétées par l'augmentation des taux de biopsie cutanée, ont été stimulées par des campagnes internationales de santé publique, en particulier dans les régions où l'exposition au soleil est importante, malgré l'absence de données probantes issues d'essais cliniques randomisés.70, 71

De plus, les critères pathologiques pour le diagnostic du mélanome ont été modifiés dans les années 1970 et 1980, et la migration des stades suite à l'introduction des biopsies du ganglion lymphatique sentinelle pourrait potentiellement être responsable d'une certaine dérive du stade.72 , 73
Les tendances démographiques montrent le schéma classique du surdiagnostic : prédominance des cancers de stade précoce et in situ parmi le nombre croissant de cas, avec peu ou pas de changement dans les maladies plus avancées ou dans la mortalité (Fig. 2).72, 74, 75, 76
Des études menées en Est Anglia (Angleterre de l'est), en Angleterre, et en Australie ont également documenté une augmentation de l'incidence du mélanome associée au surdiagnostic.77, 78, 79

3. Limiter le surdiagnostic : comment limiter ses effets néfastes ?

3.1. Moins de dépistage, et mettre un focus sur les populations à haut risque

L'identification d'une population présentant un risque élevé de cancers évolutifs peut atténuer la proportion de cancers détectés par dépistage qui sont surdiagnostiqués.1
La plupart des programmes de dépistage en population visent cet objectif, par exemple en utilisant des seuils d'âge pour le dépistage des cancers qui sont plus fréquents chez les personnes âgées (par exemple, le cancer du côlon, le cancer de la prostate, le cancer du sein, etc.)
D'autres critères d'éligibilité au dépistage peuvent inclure les expositions environnementales, professionnelles et iatrogènes. Les candidats au dépistage du cancer du poumon, par exemple, peuvent être des personnes ayant des habitudes de tabagisme actuelles et passées.
Mais dans l'ensemble, les outils actuels d'attribution du risque sont approximatifs. Il reste donc beaucoup de chemin à parcourir pour affiner cette stratégie.

3.2. Réagir face à l'enthousiasme excessif du public pour le dépistage

Les avantages potentiels du dépistage du cancer sont intuitifs pour les patients comme pour les professionnels de la santé. Aux États-Unis, les messages de santé publique encourageant la détection précoce remontent au début du XXe siècle et ont abouti à la création de l'organisation précurseur de l'American Cancer Society80 . De fait, une enquête nationale menée entre 2001 et 2002 a révélé que 87 % des adultes américains pensaient que le dépistage systématique du cancer était presque toujours une bonne idée et que 74% pensaient que la détection précoce du cancer permettait de sauver des vies la plupart du temps ou tout le temps.81 Une stratégie importante a été de créer un sentiment de vulnérabilité au cancer, suivi d'une offre d'espoir.82, 83 Il en résulte un système sans réactions négatives.

Le fait d'être rassuré par un dépistage négatif ou d'être satisfait par la découverte d'un cancer "précoce", vraisemblablement "guérissable", lors d'un dépistage positif, encourage l'acceptation sans lecture critique du dépistage.5, 84
En fait, les directives fondées sur des données probantes, telles que celles présentées par l'USPSTF sont largement contestées par les patients et les médecins, dont certains les considèrent comme contre-intuitives et les rejettent même, lorsque la possibilité de surdiagnostic et les inconvénients qui en découlent sont explicitement mentionnés.8
En réalité, bien que les femmes interrogées se disent généralement conscientes des faux positifs de la mammographie de dépistage, elles sont beaucoup moins nombreuses à être conscientes du surdiagnostic et du fait que le dépistage peut détecter des cancers qui n'évolueront peut-être jamais (Tableau 1).85, 86
Les femmes sont plus conscientes des bénéfices de la mammographie que de ses risques.

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Une approche plus nuancée et équilibrée des messages publics ainsi que de l'éducation sur l'existence du surdiagnostic est nécessaire. Les possibilités d'amélioration sont nombreuses. Dans une analyse de la couverture médiatique du dépistage du cancer, les gros titres mentionnaient rarement les concepts de "faible risque", de "surdiagnostic" ou de "surtraitement", même lorsque le texte intégral les mentionnait.87
Une enquête menée auprès de journalistes australiens (principalement spécialisés dans les questions de santé) a montré que, même s'ils connaissaient le terme "surdiagnostic", ils trouvaient le concept difficile à comprendre et à communiquer, étant donné les croyances dominantes sur les bénéfices de la détection précoce.88 Dans l'ensemble, leur connaissances des risques du surdiagnostic étaient limitées. Les premières données qualitatives suggèrent que les interventions visant à améliorer la compréhension de la recherche médicale par les journalistes à l'aide d'une fiche de conseils (tip sheet) sont réalisables.89

3.3. Révision de la terminologie

Lors d'une réunion du NCI américain en 2012, un groupe d'experts a discuté des stratégies visant à atténuer les préjudices du surdiagnostic et du surtraitement90. Le fait qu'une large proportion de DCIS, par exemple, est peu susceptible d'évoluer vers un cancer invasif a conduit à la proposition de modifier la terminologie pour supprimer le mot "carcinome" (et le cancer de stade 0) afin que le nom corresponde mieux à la compréhension croissante de la biologie sous-jacente, en les désignant simplement comme des "néoplasies intraépithéliales".91, 92, 93
Comme indiqué ci-dessus, les taux de progression sont substantiels pour les DCIS de haut grade.

Les termes "cancer" et "carcinome" seraient réservés aux lésions susceptibles de progresser.94, 95, 96
Certains ont avancé le terme de "lésion indolente d'origine épithéliale (LIE)".90
Une telle approche de modification de la terminologie pour mieux s'adapter à la biologie sous-jacente a déjà été utilisée dans le cas de la néoplasie intraépithéliale cervicale (CIN), qui était autrefois appelée carcinome in situ, et dans le cas des tumeurs épithéliales à faible potentiel malin pour les lésions ovariennes.
Une autre approche suggérée a été de relever le seuil à partir duquel un résultat radiologique est qualifié d'"anormal".4, 11, 97
En outre, une sommaire étude qualitative récente  suggère que les femmes atteintes d'un DCIS ou d'un cancer du sein invasif appréciaient et pouvaient bénéficier d'une discussion sur le surdiagnostic du cancer du sein allant au-delà des informations données par leurs soignants.98

3.4. De meilleurs outils de pronostic

Un domaine de recherche important est le développement d'outils qui pourraient théoriquement identifier les surdiagnostics au niveau moléculaire pour les tumeurs individuelles.2, 99, 100 Il serait alors possible d'informer les patients avec plus de confiance si une tumeur récemment diagnostiquée a été surdiagnostiquée ou si elle est susceptible de progresser sans traitement. Un modèle pour cette approche est le score génomique de la prostate (GPS) d'Oncotype DX, un réseau d'expression de 17 gènes dont on a signalé la corrélation avec l'amélioration du suivi par biopsie, pendant la surveillance active du cancer de la prostate.101
Les décisions standard pour le cancer du sein de stade précoce et à récepteurs d'œstrogènes positifs utilisent déjà une catégorisation pronostique basée sur des signatures moléculaires testées dans le " score de récurrence " d'Oncotype DX et d'autres évaluations génomiques, ce qui permet d'éviter les thérapies agressives pour les cancers à faible risque.102 Des évaluations moléculaires comparables des lésions détectées par le dépistage et qui sont à faible risque auraient le potentiel d'éviter la tendance à suivre un surtraitement invasif et nuisible.103

4. Conclusions

Nous soulignons que le fait d'encourager une meilleure compréhension du surdiagnostic n'a pas pour but de décourager le dépistage des personnes concernées dans des contextes qui ont prouvé une réduction de la mortalité grâce à des preuves de haut niveau issues d'essais cliniques.
L'objectif est de permettre aux individus de prendre des décisions en toute connaissance de cause sur le dépistage en utilisant des messages équilibrés qui incluent une discussion sur le surdiagnostic quand son existence a été démontrée pour un test de dépistage donné.103, 104
Seulement dans ce cas, les individus peuvent réellement faire correspondre l'information à leurs valeurs personnelles, en connaissant les compromis en jeu.

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Déclaration des conflits d'intérêts

Le Dr Kramer consacre 25 % de son temps à une subvention de la Fondation Arnold Ventures pour un projet consacré à la formation des journalistes à l'évaluation critique des publications de recherche médicale. L'affiliation du Dr Kramer à cette fondation et à la Fondation Lisa Schwartz n'a eu aucune influence sur le contenu ou les opinions exprimées dans cet article. Le Dr Woloshin reçoit également des fonds de la Fondation Arnold (même subvention que le Dr Kramer) et est le fondateur de la Fondation Lisa Schwartz - là encore, aucune des deux fondations n'a eu d'influence sur cet article. Le Dr Xie est affilié à Beijing Biostar Pharmaceuticals Co., Ltd. et n'a aucun intérêt personnel ou organisationnel à influencer les opinions de cet article.

Remerciements

Les auteurs remercient le Dr Worta McCaskill-Stevens pour sa révision et ses conseils sur le contenu et Mme Carrie Robinson pour son assistance technique.

Contributions des auteurs

B.D., S.W., H.X et B.K. ont rédigé le manuscrit original et l'ont révisé.

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L’excès des carcinomes in situ, un défi posé par le dépistage

Cancer Rose, 17/12/2022

A l'heure où la pratique de prescription est au rajeunissement du début des mammographies systématiques (les spécialistes gynécologues ont tendance à commencer à 40 ans, certaines femmes conseillées de débuter dès 35 ans), et où le Conseil de l'UE "suggère" (mais ne recommande pas) la possibilité de débuter le dépistage à 45 ans, les données de cet article devraient susciter prudence et réflexions par rapport aux pratiques étatsuniennes, où le dépistage débute dès 40 ans.

Ductal Carcinoma in Situ: State-of-the-Art Review
https://pubs.rsna.org/doi/10.1148/radiol.211839

Cette revue concernant le carcinome canalaire in situ proposée par Lars J. GrimmHabib Rahbar , Monica Abdelmalak , Allison H. Hall , Marc D. Ryser doit être connue des femmes, des prescripteurs, des radiologues.

Qu'est-ce qu'un CIS, et pourquoi sa surdétection est un problème?

Le CIS

Le carcinome in situ (CIS) du sein est défini par la prolifération de cellules cancéreuses à l’intérieur d’un canal galactophore sans que les cellules ne dépassent la paroi du canal pour envahir le reste du sein.

Il est essentiellement de découverte mammographique, en effet 90 % des femmes ayant un diagnostic de CCIS (carcinome canalaire in situ) présentaient des microcalcifications à la mammographie. Dans leur grande majorité ces lésions ne mettent pas en danger la vie des femmes si elles ne sont pas détectées, leur pronostic est très bon, la survie à 10 ans, paramètre très utilisé par les autorités sanitaires, est supérieure à 95%. Il existe la forme canalaire et la forme lobulaire considérée plutôt simplement comme un facteur de risque de cancer du sein.

Les CIS alimentent largement les surdiagnostics, c'est à dire les détections de lésions qui sont inutiles aux femmes, mais seront traitées comme des cancers "vrais".
Les essais et études montrent que la croissante détection des CIS n’a pas contribué à la réduction de la mortalité par cancer du sein. Avant l’ère des dépistages, le CIS représentait moins de 5% de tous les cancers du sein pour passer à 15 à 20% dans tous les pays où les campagnes de dépistage existent. Ils ne sont pas comptabilisés dans les chiffres d'incidence (taux des nouveaux cas) donnés par l'Institut National du Cancer, car considérés à part, et non en tant que cancers "vrais".

Actuellement, des essais de surveillance active plutôt que de traitement agressif d'emblée sont à l'essai, dont vous trouverez le détail dans l'article (lien ci-dessus).

Que doit-on retenir des caractéristiques épidémiologiques du CIS depuis l'introduction des dépistages ?

Il y a eu une augmentation spectaculaire de l’incidence du CIS à la suite de l’introduction de programmes organisés de dépistage du cancer du sein aux États-Unis dans les années 1980. Depuis que le programme étatsunien de surveillance, d’épidémiologie et de résultats finaux, (le SEER), a commencé à recueillir des données en 1975-1979 jusqu’en 2000, l’incidence du CIS a augmenté de 571 % (4,9 cas contre 32,9 cas pour 100 000 femmes)[1].
L’incidence du carcinome canalaire invasif n’a augmenté que de 31 % (56,7 cas contre 75,7 cas pour 100 000 femmes) au cours de la même période, même si elle représentait toujours les deux tiers des nouveaux diagnostics de cancer du sein (même réf.).

 De 2000 à 2014, l’incidence du CIS a augmenté chez les femmes âgées de 20 à 44 ans (1,3 %) est de 45 à 55 ans (0,6 %), tandis qu'elle a décru chez les femmes âgées de 55 à 69 ans (0,3 %)[2]

Avis de l'USTPSTF (groupe de travail étatsunien sur les soins préventifs)
11 janvier2016
https://www.uspreventiveservicestaskforce.org/uspstf/recommendation/breast-cancer-screening

Le carcinome canalaire in situ est un exemple de lésion mammaire susceptible d'entraîner des taux élevés de surdiagnostic et de surtraitement. Avant l'introduction de la mammographie de dépistage généralisée, 6 cas de CCIS pour 100 000 femmes américaines par an étaient identifiés, contre 37 cas de DCIS pour 100 000 femmes par an après son introduction. Lorsqu'il est classé comme cancer, le CCIS représente aujourd'hui environ 1 cas sur 4 de tous les cancers du sein diagnostiqués au cours d'une année donnée. Cependant, sa nomenclature a récemment fait l'objet d'un débat, car par définition, le DCIS est confiné au système canalaire-lobulaire mammaire et est incapable de métastases (c'est-à-dire qu'il est non invasif et n'a donc pas les caractéristiques classiques du cancer). Le carcinome canalaire in situ peut donc être classé de manière plus appropriée comme un facteur de risque de développement futur d'un cancer ....
Le taux de mortalité par cancer du sein à 20 ans après traitement d'un CCIS n'est que de 3 % .

Surdiagnostic et surtraitement -

Au cours des dernières décennies, il est devenu de plus en plus clair qu’une fraction substantielle des lésions de type CIS détectées par mammographie progressent lentement ou sont indolentes, conduisant à un surdiagnostic de tumeurs qui n’auraient pas causé de symptômes pendant le restant de la vie de la patiente en l’absence de dépistage[3] [4] [5].

Un examen des études d’autopsie a révélé que de 5,9 % à 18 % des femmes décédées d’autres causes avaient un CIS non détecté[6].
En 2009, une conférence nationale sur l’état de la science des instituts de santé a lancé un appel à l’action à la communauté de l’oncologie du sein pour réduire le surdiagnostic et le surtraitement du CIS, bien qu’aujourd’hui l’incidence du CIS et les modes de traitement demeurent essentiellement inchangés[7] . Les estimations du surdiagnostic du CIS sont principalement fondées sur des études de modélisation, qui font état de fourchettes incroyablement larges allant de 20 % à 91 % selon les différences dans les hypothèses du modèle. [8] [9] [10] [11]

Commentaire Cancer Rose, l'histologie n'est pas une science exacte.

Ce sont les anatomo-pathologistes qui, in fine, posent le diagnostic de carcinome.
Leur travail est d'examiner des cellules au microscope de se prononcer quant à leur malignité ou leur bénignité. Le problème c’est que si bon nombre de lésions sont indéniablement cancéreuses et d’autres indéniablement normales, certaines sont difficiles à classer et se situent « entre les deux ». On parle de "lésions frontières".

Il s’agit de lésions pour lesquelles on ne retrouve pas tous les critères de la bénignité qui permettraient de rassurer pleinement et où tous les critères de la malignité ne sont pas non plus réunis pour assurer un diagnostic de carcinome in situ. L'hyperplasie atypique est une de ces entités, parfois, et de peur de porter préjudice à la patiente, le verdict de l'anatomo-pathologiste est "upgradé", selon la perception de l'anatomopathologiste sur les critères qu'il retiendra pour surclasser une lésion intermédiaire en situ ou pas.

L'examen histologique est valide pour confirmer une maladie cancéreuse, qui est évoquée sur l'imagerie et sur sur la dynamique des symptômes de la patiente, il est valide aussi pour infirmer une lésion et assurer sa bénignité.
Mais il est mauvais quand il y a "suspicion", que cette suspicion résulte d'un examen de dépistage où le radiologue est dans le doute, l'anatomopathologie aura tendance à proposer abusivement une classification plus péjorative de peur de "louper" quelque chose, créant ainsi des faux positifs. [12]

Conclusion

Selon les auteurs de cette revue, la détection, le diagnostic et la prise en charge du carcinome canalaire in situ (CIS) demeurent un défi pour les radiologues du sein, les pathologistes et les chirurgiens, surtout actuellement dans un contexte enfin préoccupé par le surdiagnostic et le surtraitement.
Notre compréhension très limitée du CIS sur le spectre biologique, du cancer bénin au cancer invasif, et de l’histoire naturelle du CIS non traité constitue un défi majeur.
La génomique et l’imagerie fournissent des renseignements limités sur la progression du CIS vers le cancer invasif, expliquent les auteurs.
Les radiologues sont généralement familiers avec les présentations d’imagerie les plus courantes du CIS, mais notre compréhension de la relation entre les caractéristiques d’imagerie et les marqueurs pathologiques, les nouvelles techniques d’imagerie et l’analyse avancée des images continue d’évoluer.
Entre-temps, les essais de surveillance active fourniront bientôt une solide source de données sur le pronostic du CCIS pour les femmes diagnostiquées avec un CIS à faible risque, bien que ces attentes soient tempérées par un faible recrutement parmi les deux essais européens. Les radiologues peuvent jouer un rôle important en veillant à ce que l’inscription à la surveillance active soit plus sécuritaire pour les patients et en déterminant quand les patients peuvent être à risque de progression de la maladie.
De petites améliorations dans le diagnostic et la prise en charge du CIS peuvent avoir un impact positif majeur sur les patients étant donné l’incidence élevée du CIS.

Les radiologues sont donc bien placés pour jouer un rôle proactif dans l’exploration multidisciplinaire du DCIS.

Nous rajouterons, les anatomo-pathologistes aussi.


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Trop, trop légèrement, trop tôt : l’expansion excessive des diagnostics

Résumé de trois articles

DOI https://doi.org/10.2147/IJGM.S368541

ParBjørn Hofmann 1, 2

1 Institut des sciences de la santé, Université norvégienne des sciences et technologies, Gjøvik, Norvège ; 2 The Center of Medical Ethics, Faculty of Medicine, the University of Oslo, Oslo, Norway

Les progrès scientifiques et technologiques considérables ont considérablement amélioré les diagnostics. Dans le même temps, les fausses alertes, le surdiagnostic, la surmédicalisation et la surdétection sont apparus comme des corolaires compromettant la qualité des soins de santé et la pratique clinique durable.

L'article ici résumé identifie trois types génériques de diagnostic excessif : trop, trop légèrement et trop tôt.

En raison des progrès scientifiques et technologiques considérables, le nombre de diagnostics a considérablement augmenté. Davantage de personnes sont diagnostiquées avec plus de maladies que jamais auparavant, avec une expansion injustifiée des diagnostics.

Augmentation du nombre de diagnostics dans la Classification internationale des maladies (ICD, International Classification of Disease).

A-trop de diagnostics :

Cela consiste dans le fait d'étiqueter des phénomènes qui n'ont pas été diagnostiqués auparavant, et de l'inclusion de nouveaux phénomènes dans un cadre de pathologie.
Il peut s'agir a) d'expériences de vie ordinaires, telles que la solitude ou le chagrin, b) de phénomènes sociaux, tels que le comportement scolaire chez les enfants (TDAH) ou c) de phénomènes biomédicaux, tels que l'hypertension artérielle, l'obésité ou des facteurs de risque qui sont mesurables.
Mais cette tendance ne profite pas aux personnes et peut s'avérer nocive.

B-Diagnostics émis trop légèrement : réglage des seuils trop bas et inclusion trop facilitée en pathologie

Il s'agit d'un abaissement du seuil de détection d'une pathologie au-delà de ce qui profite à la personne, c'est-à-dire en acceptant des seuils de valeurs trop bas.
En incluant des cas moins graves dans la définition de la maladie ou dans ses critères de diagnostic, les personnes peuvent être diagnostiquées avec des maladies qui ne les dérangeraient peut-être pas.
Le diabète gestationnel et les maladies rénales chroniques peuvent servir d'exemples.

C- Diagnostics émis trop tôt :

Diagnostiquer trop tôt des affections qui n'impacteront jamais les personnes, détection de lésions précurseurs ou de lésions à faible développement, cela qui correspond au surdiagnostic qui entraîne le phénomène du surtraitement.

Pourquoi est-ce néfaste ?

Tout d'abord explique l'auteur, nos capacités de diagnostic dépassent de loin nos capacités d'aide. Non seulement nous manquons de mesures curatives pour tous les diagnostics établis, mais les nombreuses technologies de diagnostic s'accompagnent également d'erreurs, et nous en venons à diagnostiquer alors que cela n'aide pas les gens.
Bien que nous puissions détecter beaucoup plus de phénomènes que jamais auparavant, nous ne savons pas s'ils sont pertinents dans ce qu'ils représentent ou prédisent.

A- trop diagnostiquer...

....des phénomènes biomédicaux lorsqu'ils ne sont pas vécus en termes de douleur, de dysfonctionnement ou de souffrance conduit à mal faire en appliquant des étiquettes et des traitements inappropriés, en nous détournant de mesures plus efficaces et en nuisant par les traitements.
Une hypertension ou une hyperglycémie légère, ou divers facteurs de risque, tels que l'obésité, ne sont le plus souvent pas ressentis comme douloureux ou dysfonctionnels, mais leur traitement peut introduire des dommages potentiels liés au diagnostic et au traitement.
Par exemple l'utilisation accrue des statines de façon inappropriée chez des personnes ne se plaignant de rien entraîne des maux de tête, des étourdissements, de la constipation, des diarrhées, les douleurs musculaires, de la fatigue, des problèmes de sommeil et une diminution du nombre de plaquettes sanguines. Ici, l'obtention d'un diagnostic excessif peut réduire la qualité de vie, causer de l'anxiété et de la stigmatisation.

B-Dans le cas d' un diagnostic posé trop légèrement,

nous gonflons le diagnostic en incluant des phénomènes trop légers pour causer un symptôme, une douleur, un dysfonctionnement ou une souffrance, et le traitement entraîne plus de mal que de bien.
Dans de tels cas, nous fournissons un traitement inutile et introduisons un préjudice potentiel à la fois par le diagnostic et par le traitement.

C-Un diagnostic trop précoce,

(comme lors de nombreux dépistages) entraîne un surdiagnostic et un surtraitement et des dommages potentiels des deux. Les cas que nous détectons et traitons n'auraient alors jamais causé de problèmes à la personne si non découverts.
Par conséquent, nous violons les principes éthiques de non-malfaisance et de bienfaisance.
De plus, nous drainons les ressources des services de santé (enjeu de justice des soins) et les patients ne savent pas qu'ils sont surdiagnostiqués et surtraités (enjeu d'autonomie du patient).

Autres exemples cités dans l'article :

En changeant la définition de l'ostéoporose par modification du seuil T-score qui reflète la densité osseuse dans la directive 2008 de la National Osteoporosis Foundation, la prévalence (cas présents+cas nouveaux) est passée de 21 % à 72 % chez les femmes américaines de plus de 65 ans.
La modification de la définition du prédiabète par la glycémie à jeun dans les critères de l'American Diabetes Association 2010 a augmenté la prévalence de 26 % à 50 % chez les adultes chinois de plus de 18 ans.

Conclusion

En conséquence, l'auteur de l'article suggère trois façons de réduire les excès et de faire progresser les soins de plus grande valeur pour la population : a)nous devons cesser de diagnostiquer de nouveaux phénomènes, b)nous devons cesser de diagnostiquer des affections bénignes, notamment en abaissant des seuils diagnostiques, c) et nous devons cesser de rechercher des signes et des marqueurs précoces qui ne provoquent pas de douleur, de dysfonctionnement et de souffrance, et ne nuiront pas si non détectés..

Définition plus précise du surdiagnostic, le "trop tôt" de l'article précédent

Selon Jeffrey K Aronson, le concept de "Surdiagnostic" (le "trop tôt" de l'article précédent) comprends 2 catégories :
1°étiqueter les personnes d'une maladie qui, non découverte, ne leur aurait pas causé de tort ;
2° élargir la définition d'un trouble au plus grand nombre d'individus en modifiant le seuil d'un test diagnostique. (ce qui reprend le "trop légèrement")

L'auteur, pharmacologue clinicien britannique au Centre for Evidence Based Medicine, (Nuffield Department of Primary Care Health Sciences, University of Oxford, Oxford, UK), explique dans son article publié dans le BMJ la genèse de ce terme, maintenant inclus dans le Mesh, (Medical Subject Headings) qui est le thésaurus de référence dans le domaine biomédical.
Lire ici : https://cancer-rose.fr/2021/12/13/le-surdiagnostic-cest-officiel/

Ces dernières années dit l'auteur " les définitions (du surdiagnostic) qui ont été suggérées incluent :
• "… Des personnes …diagnostiquées avec des conditions qui ne causeront jamais de symptômes ou la mort."
• « Des diagnostics d'une affection qui, si elle n'était pas connue, ne causerait pas de symptômes ou n'entraînerait pas de dommage pour le patient au cours de sa vie ».
• "(Le fait de ) rendre les gens "patients" inutilement, en identifiant des problèmes qui n'auraient jamais causé de dommages ou en médicalisant des expériences de vie ordinaires grâce à des définitions élargies des maladies."
La dernière de ces définitions comprend les deux principaux facteurs qui constituent ensemble le surdiagnostic, bien qu'ils ne soient pas synonymes de celui-ci : la surdétection et la surdéfinition. "

L'auteur rappelle encore que surdiagnostic n'est pas synonyme de fausse alerte, bien que cette confusion soit souvent faite. (Surdiagnostic : vraie lésion mais dont la découverte n'apporte rien ; fausse alerte : suspicion de cancer mais qui ne se confirme pas).

En guise de réflexions finales, J.Aronson résume ainsi trois façons différentes de transformer les gens en "patients" ou en "malades" :

  1. En les étiquetant avec une condition quelconque qui ne leur aurait pas causé de tort si elle n'avait pas été découverte ; cela est lié à l'hétérogénéité de nombreuses conditions, résultant en un éventail de conditions au sein de la catégorie, dont toutes ne nécessitent pas d'attention ; c'est ce que l'on appelle le flou au sein de la catégorie de maladie ;
  2. En élargissant la définition d'un trouble pour englober plus d'individus ; cela a été attribué à ce qu'on a appelé le flou de la limite extérieure d'une définition de maladie ;
  3. En les étiquetant par une catégorie de maladie qui médicalise l'expérience ordinaire, comme la grossesse, ce phénomène est connu sous le nom de "mongering".

Un appel de scientifiques canadiens

Tout logiquement nous terminons cet article par la citation d'un appel de scientifiques canadiens à une action, afin d'améliorer l’enseignement des soins de santé.
Les auteurs écrivent :

"Depuis 10 ans, on reconnaît de plus en plus qu’il existe des bienfaits et des préjudices liés au dépistage. De nombreux médecins, étudiants en médecine et patients continuent toutefois de croire que, pour une grande proportion de la population, les dépistages recommandés permettent un diagnostic et un traitement précoces, et préviennent les décès prématurés. Bien que cette croyance persiste depuis longtemps parmi les médecins et les patients, les données probantes en matière de dépistage laissent maintenant penser que ces bienfaits seraient moins importants qu’on le croyait.
De plus, on comprend beaucoup mieux les préjudices liés au dépistage, notamment le surdiagnostic, les faux positifs et les examens excessifs.
Malgré cette reconnaissance, la connaissance du public est minimale, et les patients ne sont pas au courant de ces préjudices potentiels, même dans les populations qui sont soumises régulièrement au dépistage.
Les difficultés du dépistage sont amplifiées par des recommandations contradictoires dans les lignes directrices, par de puissants groupes de patients et de professionnels qui plaident en faveur d’interventions de dépistage spécifiques, et par la pléthore d’information de qualité variable provenant des médias sociaux."

De nombreux médecins, professionnels de santé et apprenants n’ont pas les connaissances et compétences nécessaires liées aux défis du dépistage. On note chez plusieurs un manque en matière de pensée critique, de compréhension des statistiques ou de capacités de communication.

Pour les auteurs, il est nécessaire d'améliorer la formation des médecins, des professionnels de santé en général et des apprenants en matière de dépistages, de compréhension des risques et de leur communication.

Conclusion de l'appel:

Deux défis sont à relever:

Le premier défi est l’élaboration du contenu éducatif en lien avec les concepts clés relatifs au dépistage.
Le deuxième défi est l’élaboration de stratégies éducatives visant à placer l’enseignement et l’adoption de ces concepts au cœur de la formation médicale chez les étudiants en médecine, les résidents et les cliniciens.

"Les enseignants cliniques, les apprenants, les sociétés professionnelles qui rédigent les lignes directrices, les agences de dépistage et les établissements universitaires doivent repenser l’approche optimale face au dépistage.
Ce changement doit être réalisé à partir du premier cycle en médecine jusqu’à la formation professionnelle continue, de même qu’auprès de tous les intervenants, patients et institutions. C’est le moment d’aller à contre-courant, et de repenser notre approche de l’enseignement et de la communication de l’information sur la prévention et le dépistage, et de veiller à ce que cette information comprenne une bonne compréhension de la complexité, des concepts fondamentaux et des pratiques exemplaires."

Références

  1. Hofmann B.
    Too Much, Too Mild, Too Early: Diagnosing the Excessive Expansion of Diagnoses. Int J Gen Med. 2022;15:6441-6450 https://doi.org/10.2147/IJGM.S368541

2. Viola Antao, Roland Grad, Guylène Thériault, James A. Dickinson, Olga Szafran, Harminder Singh, Raphael Rezkallah, Earle Waugh, Neil R. Bell 
À l’encontre du statu quo en matière de dépistage Canadian Family Physician May 2022, 68 (5) e140-e145; DOI: 10.46747/cfp.6805e140

3. Aronson J K. When I use a word . . . . Too much healthcare—overdiagnosis  BMJ  2022;  378 :o2062 doi:10.1136/BMJ.o2062

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Prise de conscience du surdiagnostic du cancer du sein chez les femmes atteintes de cancer du sein

Effects of awareness of breast cancer overdiagnosis among women with screen-detected or incidentally found breast cancer: a qualitative interview study

Synthèse et traduction par Sophie, patiente référente de Cancer Rose, 16 juin 2022

Cette recherche, menée par une équipe australienne de l'Université de Sydney (équipe de PrAlexandra Barratt) consiste en une étude qualitative par entretiens internationaux avec des femmes diagnostiquées d'un cancer du sein, et qui connaissent le concept de surdiagnostic.
En ce sens cette étude est originale, car c'est bien la première fois qu'on sollicite des personnes qui maîtrisent la connaissance du problème du surdiagnostic, concept ignoré et naturellement contre-intuitif pour le profane.

Le titre complet est le suivant : Effets de la prise de conscience du surdiagnostic du cancer du sein chez les femmes atteintes d'un cancer du sein détecté par dépistage, ou découvert de manière fortuite : une étude qualitative par entretiens.

Participantes : douze femmes âgées de 48 à 77 ans originaires du Royaume-Uni (6), des Etats-Unis (4), du Canada (1) et d'Australie (1),   atteintes d'un cancer du sein (carcinome canalaire in situ n=9, cancer du sein (invasif) n=3) diagnostiqué entre 2004 et 2019, et conscientes de la possibilité d'un surdiagnostic. Les participants ont été recrutés via des blogs en ligne et des réseaux cliniques professionnels.

Les entretiens ont duré de 50 à 123 minutes (moyenne de 73 minutes).

Résultats de l'étude

La plupart des femmes (10/12) ont pris conscience du surdiagnostic après leur propre diagnostic. Toutes se sont montrées préoccupées par l’éventualité d'un surdiagnostic ou d'un surtraitement, ou des deux.
La découverte du surdiagnostic ou du surtraitement a eu des répercussions psychosociales négatives sur l'image que les femmes ont d'elles-mêmes, sur la qualité de leurs interactions avec les professionnels de la santé et, pour certaines, a déclenché de profonds remords quant à leurs décisions et actions passées. Beaucoup étaient dans une situation inconfortable à l'idée d'être traitées comme des malades du cancer alors qu'elles ne se sentaient pas "malades". Pour la plupart, les traitements recommandés semblaient excessifs par rapport au diagnostic posé. La plupart ont trouvé que leurs équipes cliniques étaient peu ouvertes sur la possibilité d'un surdiagnostic et d'un surtraitement, et beaucoup ont trouvé que les protocoles de prise en charge établis étaient difficiles à supporter.

Conclusion globale de l'étude

Les expériences de ce petit groupe particulier de femmes donnent un éclairage inédit sur l'impact négatif majeur de la découverte du surdiagnostic après le diagnostic du cancer du sein.
Des études antérieures ont montré que les femmes attachaient de l'importance à l'information sur le surdiagnostic avant le dépistage et que cette connaissance ne réduisait pas le recours ultérieur au dépistage.
Les décideurs politiques et les cliniciens devraient reconnaître, affirment les auteurs, la diversité des points de vue des femmes et veiller à ce qu'elles soient correctement informées de la possibilité d'un surdiagnostic avant le dépistage.
(Paragraphe 'principales conclusions' en fin d'article)

Points forts et limites de cette étude

- Les entretiens qualitatifs ont permis d'explorer en profondeur cette expérience unique du cancer au niveau de chaque patiente.

- L'étude a été menée dans quatre pays dotés de programmes de dépistage du cancer du sein et a fait appel à un comité consultatif de patients composé de trois membres ayant une expérience du cancer du sein.

- La compréhension par les femmes du surdiagnostic et du surtraitement a été vérifiée dans le cadre du processus d'éligibilité à l'étude en leur demandant ce qu'elles comprenaient par ces termes.

- Le nombre de participantes est faible et l'étude est constituée d'un échantillon soigneusement sélectionné, instruit et compétent en matière de santé.

- Les diagnostics et les traitements rapportés n'ont pas été vérifiés, et ils reflètent les perceptions des participants.

Rappels


Les auteurs rappellent que le surdiagnostic est le diagnostic ou la détection d'un cancer qui, sans dépistage, n'aurait jamais entraîné de symptômes cliniques ou de décès au cours de la vie d'une personne. Les estimations du surdiagnostic provenant d'études d'observation et de modélisation varient de 10 % à 30 %, selon les méthodes d'étude, mais le panel britannique indépendant* a conclu que pour 10 000 femmes invitées au dépistage à partir de 50 ans pendant 20 ans, environ 681 cancers seront découverts, dont 129 représenteront un surdiagnostic, et 43 décès par cancer du sein seront évités.
* Rapport Marmot : Marmot MG, Altman DG, Cameron DA, Dewar JA, Thompson SG, Wilcox M. The benefits and harms of breast cancer screening: an independent review. Br J Cancer 2013;108:2205-40. doi: 10.1038/bjc.2013.177 pmid: 23744281

Ils ont estimé qu'au Royaume-Uni, environ 3000 femmes sont surdiagnostiquées pour un cancer du sein chaque année, et qu'environ 1000 décès dus au cancer du sein sont évités. Le panel a recommandé que ces informations soient clairement communiquées aux femmes. Le surdiagnostic est un concept difficile à communiquer et à comprendre, notamment parce que les femmes atteintes de cancers surdiagnostiqués ne peuvent pas être identifiées individuellement. Au Royaume-Uni, des informations sur le surdiagnostic sont incluses depuis 2013 dans un dépliant envoyé avec les invitations des femmes à se faire dépister, mais des inquiétudes subsistent quant au fait que le risque de surdiagnostic n'est pas suffisamment pris en compte dans les informations fournies au public par le National Health Service (NHS).
Aux États-Unis, au Canada et en Australie, les femmes sont généralement invitées au dépistage sans recevoir d'informations claires sur le surdiagnostic.
Les données suggèrent que la plupart des femmes ne sont toujours pas conscientes de la possibilité d'un surdiagnostic, les avantages du dépistage dominant largement l'opinion publique.
Cette situation pourrait changer avec le temps, à mesure que les connaissances de la communauté augmentent et que davantage de femmes participent à des essais de désescalade de traitement pour les cancers du sein à faible risque.
Cependant, le fait d'être conscient du surdiagnostic peut accroître la détresse et l'incertitude des femmes diagnostiquées avec un cancer du sein asymptomatique, par rapport aux femmes qui ne sont pas conscientes de cette possibilité.
En effet, ni la femme ni son médecin ne peuvent savoir si ce cancer particulier se serait manifesté sans dépistage et aurait pu entraîner la mort ou s'il serait resté non détecté pendant le reste de la vie de la femme.

Ainsi, les femmes qui ont connaissance d'un surdiagnostic peuvent se demander si le cancer détecté par le dépistage nécessite vraiment un traitement ou si elles subissent un traitement et ses effets secondaires sans aucun bénéfice.
Deux études récentes, l'une portant sur des patientes atteintes d'un cancer de la thyroïde et l'autre sur des hommes atteints d'un cancer de la prostate, ont montré que les patients chez qui un cancer a été diagnostiqué et qui ont choisi de ne pas suivre le traitement recommandé parce qu'ils pensaient avoir été surdiagnostiqués se sentaient extrêmement isolés et anxieuses, certaines participantes se retirant complètement du système de santé.
Réf : Davies L, Hendrickson CD, Hanson GS. Experience of US patients who self-identify as having an overdiagnosed thyroid cancer: a qualitative analysis. JAMA Otolaryngol Head Neck Surg 2017;143:6639.doi:10.1001/jamaoto.2016.4749
Et :
McCaffery K, Nickel B, Pickles K, et al. Resisting recommended treatment for prostate cancer: a qualitative analysis of the lived experience of possible overdiagnosis. BMJ Open 2019;9:e026960.doi:10.1136/bmjopen2018026960


Originalité de l'étude

Les auteurs écrivent : Nous n'avons pas connaissance d'études comparables explorant cette question chez les patientes atteintes d'un cancer du sein, disent les auteurs.
Par conséquent, dans la présente étude, nous avons cherché à comprendre les perceptions et les expériences des femmes qui vivent avec ce qu'elles perçoivent comme un cancer du sein détecté par dépistage possiblement surdiagnostiqué.
Cette étude s'est appuyée sur des entretiens approfondis pour explorer la manière dont les femmes vivent la perception d'un possible surdiagnostic ou surtraitement du cancer du sein.
Dans ce document, le terme "cancer du sein" inclut à la fois le carcinome canalaire in situ (CCIS) et le cancer du sein invasif.

Recrutement des participantes

Des femmes ont été recrutées pour l'étude par le biais d'annonces sur des blogs où le surdiagnostic est discuté ("DCIS411" : http://DCIS411.com et "Even Stars Explode" : https://evenstarsexplode.wordpress.com/) (n=6).
Des patientes ont contacté Pr.Alexandra Barratt par le biais de ses publications sur le thème du surdiagnostic du cancer du sein (n=4).
Enfin un recrutement a eu lieu par le biais des réseaux professionnels des chercheurs (n=2).

Cette approche était nécessaire pour permettre la participation des femmes qui auraient pu être admissibles sans risque de détresse pour les femmes qui n’étaient pas au courant du surdiagnostic du cancer du sein et l'auraient découvert.
Les femmes étaient éligibles lorsqu'elles avaient reçu un diagnostic de cancer du sein détecté par dépistage (défini comme un cancer détecté chez une femme asymptomatique) au moins 6 mois auparavant, et alors qu'elles étaient déjà conscientes de l'idée de surdiagnostic ou de surdétection en relation avec le cancer du sein détecté par dépistage.
Elles devaient avoir 40 ans ou plus au moment du diagnostic et parler couramment l'anglais.
Les femmes chez qui un cancer du sein a été diagnostiqué après une présentation symptomatique, ou qui avaient un cancer avancé au moment du diagnostic, ou encore qui présentaient un risque élevé de cancer, par exemple en raison d'antécédents familiaux importants de cancer du sein, n'étaient pas admissibles.

La compréhension du surdiagnostic par les participants a été vérifiée avant leur entrée dans l'étude afin de confirmer leurs connaissances préalables. Toutes les participantes ont donné leur consentement éclairé pour être interrogées.
Les participantes ont été recrutées dans quatre pays anglophones : Australie, Canada, États-Unis et Royaume-Uni. Cet échantillonnage dans différents pays a permis aux chercheurs de comprendre comment les variations dans la politique et la pratique du dépistage du cancer du sein peuvent affecter les expériences des femmes et leurs réponses à leurs connaissances sur le surdiagnostic.
Par exemple, des informations sur le surdiagnostic sont incluses dans les invitations au dépistage du cancer du sein au Royaume-Uni, mais pas dans d'autres pays, et des programmes universels de dépistage par mammographie financés par le gouvernement existent au Royaume-Uni, mais pas aux États-Unis.

Les femmes ont reçu une fiche d'information sur l'étude et ont répondu à une courte enquête en ligne avant l'entretien. Elles ont fourni des données démographiques, des détails sur leur diagnostic et leur traitement et ont rempli un formulaire de vérification de l'éligibilité comprenant la définition du surdiagnostic et du surtraitement dans leurs propres mots.

Synthèse des résultats, vécu et ressenti des participantes

Les femmes ont décrit diverses expériences personnelles liées à leur diagnostic et aux processus de prise de décision, mais leurs récits présentaient également de nombreux points communs, notamment en ce qui concerne l'identité, les interactions avec les professionnels de la santé, l'incertitude quant aux décisions prises...

Toutes les participantes ont expliqué qu'elles avaient le sentiment que l'approche "standard" du traitement proposée par leurs équipes initiales était inflexible et qu'elles subissaient une pression pour agir de la manière recommandée et attendue.

Lorsqu'on a demandé aux femmes de réfléchir à leur expérience de connaissance du surdiagnostic et du surtraitement et de l'application de ces connaissances à leur situation personnelle, la plupart des participantes ont reconnu que des éléments de leur situation personnelle leur avaient permis de remettre en question leur diagnostic et la prise en charge recommandée et, dans certains cas, d'éviter le surtraitement.

Par exemple, un certain nombre de femmes exerçaient une profession qui les incitait à poser des questions, disposaient de réseaux et de contacts personnels ou professionnels pertinents, d'une assurance maladie privée, ou se décrivaient comme ayant un type de personnalité particulier (c'est-à-dire qu'elles n'étaient pas timides, qu'elles avaient du caractère, qu'elles étaient plus susceptibles de contester l'opinion d'un médecin que la grande majorité des patients), ce qui leur a permis de poser des questions, de trouver des réponses et, en fin de compte, de changer la façon dont elles auraient été traitées.

Dix des 12 femmes ont pris conscience du surdiagnostic après leur diagnostic, dont deux qui l'ont découvert après avoir reçu un traitement. L'une d'entre elles en était consciente avant la mammographie de dépistage, et une autre n'était pas sûre du moment où elle l'a découvert. Plusieurs participantes ont précisé que, bien qu'elles aient entendu parler de la possibilité que les mammographies puissent détecter des cancers non létaux, elles ont acquis une "bien meilleure compréhension" (participante 1) en effectuant des recherches personnelles après leur diagnostic. La plupart des récits des femmes indiquent qu'elles ont commencé leurs propres recherches parce qu'elles avaient le sentiment d'avoir reçu des avis médicaux différents et souvent contradictoires et des informations confuses concernant leur diagnostic. Nombre d'entre elles ont estimé que les informations qu'elles avaient obtenues de leurs équipes cliniques initiales n'étaient pas suffisantes pour répondre à leurs besoins personnels, ce qui les a incitées à poursuivre leur exploration et leurs recherches de manière indépendante.

Une participante s'est sentie "soulagée" parce que cela a confirmé que sa préférence de ne pas subir une mastectomie n'était pas nécessairement une réaction excessive. Les femmes qui se situent à cette extrémité du spectre ont déclaré que le fait d'avoir découvert la vérité a atténué une partie de l'incertitude qu'elles ressentaient, a validé les raisons pour lesquelles elles se sentaient comme elles se sentaient, ont posé les questions qu'elles se posaient et ont vérifié qu'elles n'étaient pas les femmes folles, irrationnelles et en colère comme certains l'avaient indiqué. La participante 7 a eu l'impression qu'on lui avait "lancé une bouée de sauvetage" lorsqu'elle a découvert un blog où les gens discutaient du surdiagnostic.

En revanche, un certain nombre de femmes se sont senties choquées et tristes en apprenant l'existence du surdiagnostic après leur diagnostic et/ou leur traitement, en réalisant qu'elles avaient peut-être enduré ce qu'elles avaient subi inutilement.

Plusieurs des femmes de la cohorte que nous avons étudiée ont exprimé une profonde colère en découvrant qu'elles n'avaient pas été informées de la possibilité de surdiagnostic et de surtraitement avant le dépistage du cancer du sein. Une participante n'a complètement saisi le concept de surdiagnostic et ce que cela pouvait signifier pour sa situation personnelle que 3 ans après son diagnostic et a décrit cette découverte, et l'identification avec celle-ci, comme l'une des expériences les plus douloureuses de sa vie.

Deux des six participantes britanniques avaient été invitées au dépistage avant que l'information sur le surdiagnostic soit incluse dans les brochures de dépistage qui accompagnent les invitations adressées aux femmes britanniques dans le cadre du programme de dépistage du NHS ; pour elles, la prise de conscience du surdiagnostic a été particulièrement douloureuse, car il leur manquait quelques mois pour recevoir la mise à jour de l'information destinée aux patientes, qui mentionnait le surdiagnostic comme un préjudice possible de la mammographie.
"Cela a été particulièrement douloureux... J'avais l'impression d'avoir été prise au dépourvu par un changement de système et qu'en fait le service de dépistage... m'avait envoyé un dépliant qu'il savait ne pas être adapté à l'objectif... ce qui m'a mise encore plus en colère (participante 5)."

La plupart des témoignages des femmes suggèrent qu'elles ont rapidement pris conscience - dès qu'elles ont commencé à poser des questions et à en apprendre davantage sur leur diagnostic, le surdiagnostic et le surtraitement - que leur situation et leur expérience du cancer du sein étaient inhabituelles.
Plusieurs femmes ont décrit les défis que leur diagnostic leur a posé par rapport à leur sentiment d'identité, car elles se sentaient bien et n'avaient pas de symptômes avant de se présenter au dépistage. Certaines ont été surprises de la rapidité avec laquelle elles ont été traitées comme des "malades" du cancer après leur diagnostic.

Beaucoup ont dit avoir eu de la difficulté à s'adapter au fait d'être une "bonne patiente docile" (participante 2) et ont été consternées par les attentes à l'égard de cette identité, surtout les femmes qui, à ce moment-là, se demandaient si le traitement recommandé constituait un surtraitement.

Enfin, plusieurs femmes qui ont découvert le surdiagnostic après le diagnostic ou le traitement se sont entièrement identifiées à la possibilité d'avoir été surdiagnostiquées, et non au fait d'être une patiente ou une survivante du cancer.
Ces participantes ont déclaré qu'elles se sentaient en conflit avec le fait d'être une patiente du cancer, qu'elles luttaient contre l'identité de "patiente du cancer", mais qu'elles étaient incapables d'y échapper ou de nier le fait d'avoir été significativement affectées par un diagnostic de cancer. Cela restait inchangé dans le temps, deux des participants s'identifiant plutôt comme des victimes du système médical.

"N'appelons pas ça une maladie. Je ne suis pas, je ne me sens pas malade... Je ne m'identifie pas à la maladie ou au cancer... survivant, aucun de ces termes. Ils sont juste comme... c'est presque insultant, surtout quand vous vous sentez victime d'un surdiagnostic. Alors vous êtes, c'est une double peine. Parce que maintenant vous êtes une victime dans un sens du système médical... ce problème est un problème créé par la médecine (Participante 6)."

Elles avaient l'impression de ne pas pouvoir s'engager dans des groupes de soutien pour le cancer du sein parce qu'elles ne s'identifiaient pas comme des patientes du cancer.

Résister à la perception d'un surtraitement

Toutes les femmes ont décrit leur stupéfaction lorsqu'elles ont pris connaissance du parcours de traitement recommandé après avoir appris qu'elles avaient un cancer du sein détecté par dépistage (ou détecté de façon fortuite, dans un cas).
Elles ont perçu l'ampleur de la chirurgie recommandée comme étant disproportionnée par rapport à leur compréhension du diagnostic qu'elles avaient reçu et qui "pourrait ne jamais progresser" (participante 11), surtout lorsqu'elles ne ressentaient aucun symptôme.

Une participante, diagnostiquée avec un carcinome in situ (stade dit 0 du cancer), a déclaré qu'elle ne se considérait pas à l'époque comme ayant un "vrai cancer" et qu'il était "absolument ridicule" de lui recommander une mastectomie (participante 6).
........
"Ils me disaient que j'avais besoin d'une chirurgie pour quelque chose qui pourrait ne jamais progresser... J'ai été mise devant ce dilemme... La chirurgie proposée à ce moment-là était une quadrantectomie, ce qui me semblait être une grosse affaire, une chirurgie mutilante pour quelque chose qui pourrait ne jamais progresser, alors j'ai dit non (participante 11)."

La plupart des participantes avaient rencontré des critiques en réponse à leur curiosité et à leurs demandes d'informations supplémentaires pour pouvoir prendre une décision éclairée sur leur plan de traitement.
Elles ont décrit des échanges "inconfortables" (participant 5) lorsqu'elles posaient des questions à leurs cliniciens sur leur diagnostic ou leur surdiagnostic, ou lorsqu'elles remettaient en question les traitements conseillés.
Elles ont également décrit le sentiment grandissant qu'elles prenaient leur vie en main (participante 6), les médecins se montrant "totalement mal à l'aise avec le fait que je choisissais maintenant de ne rien faire", selon ses propres termes (participante 3).
Une participante - qui avait étudié la biochimie - a déclaré qu'elle posait des questions informées et intelligentes à ses médecins et au radiologue, mais qu'elle avait l'impression de ne pas obtenir de réponses, car "ils n'aimaient pas que je pose des questions" (participante 12).

Les femmes ont parlé de la pression qu'elles subissaient pour agir de la manière spécifiée et recommandée, notamment de la part de leur partenaire, de leurs amis et des membres de leur famille. Certaines femmes ont rapporté que leurs demandes pour une approche thérapeutique plus conservatrice n'ont pas été facilement acceptées par les praticiens : une femme a raconté qu'on lui avait dit "vous prenez une très mauvaise décision" lorsqu'elle a choisi de ne pas subir une mastectomie (participante 8). Par conséquent, certaines femmes ont demandé un deuxième avis et, dans certains cas, ont déclaré être heureuses de trouver une autre approche, avec un médecin qui, selon elles, était plus ouvert à la discussion de différentes options et disposé à prendre en compte les données sur le surdiagnostic ou les soins plus conservateurs.

Nos participantes, expliquent les auteurs, ont décrit des situations où elles avaient l'impression qu'on se moquait d'elles, qu'on les traitait comme "une folle" (participante 12), "négligentes... téméraires et arrogantes" (participante 1).
Une participante a rapporté s'être entendu dire qu'elle avait des "problèmes de gestion de la colère" par des personnes sur des forums Internet sur le cancer du sein, qui estimaient qu'il valait mieux "faire confiance au chirurgien, pas à Google" (participante 5).
"Au début, tout le monde me traitait comme une femme difficile parce que je disais que je ne voulais pas de mastectomie, que je voulais un suivi, s'il vous plaît, et qu'il fallait surveiller et voir si ça se développait ou non, parce que j'étais consciente du surdiagnostic et que je ne voulais pas de mastectomie si ce n'était pas absolument nécessaire" (participante 12).
"La clinicienne... était absolument furieuse que j'aie décidé de ne pas subir une mastectomie... elle m'a dit... quel genre d'absurdités avez-vous lues? Que faites-vous ?" (Participante 1)

Plusieurs participantes ont rencontré des réponses similaires lorsqu'elles se sont tournées vers des forums en ligne et des groupes de soutien pour le cancer du sein après s'être trouvées incapables d'avoir les conversations qu'elles souhaitaient avec des professionnels de la santé. Cependant, plutôt que de trouver du soutien, elles ont rapporté s'être senties incomprises et isolées lorsqu'elles ont exprimé leurs préoccupations concernant le surdiagnostic et le surtraitement.
Il est clair que la plupart des femmes se sont senties, à un moment ou à un autre, seules et isolées à cause de la remise en question de leur diagnostic et de leur traitement, et de leurs efforts pour informer d'autres femmes de la possibilité de surdiagnostic et de surtraitement.

Vivre dans l'inconnu

Il est apparu au cours des entretiens qu'un certain nombre de femmes avaient des sentiments de culpabilité et de regret plusieurs années après avoir reçu leur diagnostic et/ou leur traitement, en raison de leur connaissance du surdiagnostic et du surtraitement. Certaines participantes ont exprimé le regret de ne pas avoir été plus conscientes ou de ne pas avoir prêté plus d'attention à ce moment-là.
Elles ont exprimé des regrets pour des décisions prises antérieurement, comme le fait d'avoir passé une mammographie dès le départ.

Toutes les femmes ont mentionné une étape de leur parcours de diagnostic et de traitement au cours de laquelle elles ont eu le sentiment de ne pas avoir donné leur consentement éclairé ; certaines ont dit qu'elles ont réalisé rétrospectivement qu'elles avaient peut-être été effrayées et amenées à prendre des décisions qu'elles n'étaient pas prêtes à prendre. Certaines femmes pensent qu'on leur a refusé des informations cruciales pour permettre un consentement éclairé.
Tout au long des entretiens, les réflexions des femmes sur leurs expériences ont mis en évidence la nature épuisante et solitaire du travail à accomplir pour justifier les choix et les actions qu'elles avaient faits.
Certaines ont dit que, même si elles avaient subi l'intervention chirurgicale recommandée, rien ne les avait convaincues qu'elles en avaient eu vraiment besoin.
Plusieurs autres ont indiqué qu'elles étaient convaincues d'avoir pris les bonnes décisions en matière de gestion en choisissant de ne pas subir une mastectomie.
Beaucoup ont dit qu'elles se demanderont toujours si elles ont pris la bonne décision.

Effets ultérieurs sur la qualité de vie

Un certain nombre de femmes vivent avec des rappels physiques de leur expérience, tels que des douleurs "vraiment pénibles" (participante 4) au niveau des seins, des mutilations, des cicatrices, une anxiété exacerbée, des cordons lymphatiques ou les effets secondaires des médicaments et une "ménopause super chargée" précoce (participante 8) ; des impacts prolongés de cette situation sur leur qualité de vie.
Certaines ont mentionné le stress et le fardeau financier des factures et des rendez-vous médicaux, sans savoir si le cancer devait vraiment être découvert.

Suggestions pour les autres femmes

Il a été demandé à toutes les participantes, lorsqu'elles réfléchissaient à leur expérience personnelle, de donner des conseils sur la manière d'améliorer l'expérience pour d'autres femmes envisageant un dépistage du cancer du sein.

Les réponses se sont portées sur des facteurs individuels tels que la responsabilité du clinicien d'obtenir les préférences de la patiente et de leur donner la priorité, sur des facteurs liés au système de santé, notamment la création d'une opportunité de discussion adéquate sur les avantages et les inconvénients du dépistage avant le rendez-vous de dépistage, et sur des facteurs liés à la société, notamment l'influence d'un changement sociétal dans la façon de penser et d'étiqueter le cancer.

Principales conclusions

Cette étude internationale unique documente l'expérience d'un groupe soigneusement sélectionné de femmes ayant reçu un diagnostic de carcinome in situ ou de cancer du sein invasif.
Ces femmes ont toutes envisagé la possibilité qu'elles aient pu être victimes d'un surdiagnostic de cancer du sein.
Certaines ont estimé avoir été victimes d'un surtraitement et d'autres ont pris des mesures pour éviter le surtraitement.
Notre étude, concluent les auteurs, montre comment le fait d'apprendre l'existence d'un surdiagnostic après un diagnostic de cancer du sein a un impact profond sur l'image que ces femmes ont d'elles-mêmes, sur leurs interactions avec les professionnels de la santé et, pour certaines, sur les profonds remords qu'elles éprouvent à l'égard de leurs décisions et actions passées.
Beaucoup étaient mal à l'aise à l'idée d'être traitées comme des malades du cancer alors qu'elles ne se sentaient pas "malades" et de se voir recommander des traitements qui semblaient excessifs par rapport au diagnostic posé.
Certaines ont éprouvé de la colère à l'idée que des informations essentielles n'étaient pas facilement accessibles et ont eu le sentiment de ne pas avoir reçu un tableau complet du surdiagnostic avant de passer une mammographie de dépistage.
Les résultats soulignent la solitude de cette expérience, les femmes interrogées dans le cadre de cette étude ne disposant que de peu de soutien ou de réconfort.
En décrivant l'expérience de femmes qui s'identifient comme ayant un cancer potentiellement surdiagnostiqué, cette étude - qui illustre les préjudices psychosociaux de l'apprentissage du surdiagnostic après un diagnostic de cancer du sein - apporte une contribution importante à la littérature et à la pratique clinique.

Points forts et limites par rapport à d'autres études

Les auteurs expliquent : Nous savons, grâce à un ensemble substantiel de preuves épidémiologiques, qu'un grand nombre de femmes pourraient être lésées par le surdiagnostic au niveau de la population, mais il s'agit, à notre connaissance, de la première étude à documenter la manière dont les femmes sont personnellement affectées par la possibilité que leur diagnostic détecté par dépistage puisse représenter un surdiagnostic et/ou un surtraitement.
Les récits des femmes montrent l'impact psychosocial négatif significatif de la conscience du surdiagnostic dans le contexte du cancer du sein détecté par dépistage, en particulier lorsqu'elles n'ont pas été prévenues du risque.
Les résultats sont pertinents pour toutes les femmes qui envisagent de participer ou participent à des programmes de dépistage du cancer du sein, leurs cliniciens et les décideurs politiques.

Avec le temps, il est probable que ces questions deviendront saillantes pour un plus grand nombre de femmes, à mesure que la communauté se familiarisera avec le risque de surdiagnostic dans le dépistage du cancer du sein.
Les recherches biologiques futures permettront peut-être de déterminer avec plus de précision le pronostic des cancers du sein détectés par dépistage.
Il est important de réfléchir à la meilleure façon d'informer les individus sur le risque de surdiagnostic lors de la mise en place de programmes de dépistage.

En attendant, répètent les auteurs, nous recommandons de réfléchir à la manière de mieux informer les femmes sur la possibilité de surdiagnostic avant qu'elles ne subissent une mammographie de dépistage, afin d'éviter la détresse des femmes qui sont surdiagnostiquées et le découvrent plus tard.


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