Les patients souffrent de trop de médecine

Août 2017

résumé Dr Cécile Bour

article the gardian

 

L'Autorité indépendante australienne du cancer, le Cancer Council, a  approuvé l'appel de la part de médecins et de chercheurs, à un plan visant à protéger les patients du surdiagnostic et du surtraitement des maladies.

 

Les médecins et les chercheurs australiens avancent l'accumulation des preuves concernant le problème de la surmédicalisation, même dans le domaine du cancer, et demandent un plan national pour le résoudre.

«L'expansion des définitions des maladies et l'abaissement des seuils de diagnostic (par les avancées techniques de détection et par les dépistages, NDLR) sont reconnus comme facteurs du problème, et les processus de changement de définitions nécessitent une réforme significative», déclare le communiqué, appuyé également par le Consumer Health Forum, le Royal Australasian College of Physicians, le Royal Australian College of General Practitioners, le Royal Australian et New Zealand College of Radiologists, et enfin par la commission australienne sur la sécurité et la qualité des soins de santé.

Notez la présence des radiologues parmi les professionnels australiens préoccupés par la question ...

Le Dr Ray Moynihan, chercheur senior de la faculté des sciences de la santé et de la médecine de l'Université Bond, qui a élaboré la déclaration en commun avec des experts de santé et les organismes de santé, souligne :

"Traditionnellement il était admis que le dépistage des cancers n'avait pas d'inconvénient".

"Mais les preuves suggèrent que le dépistage de personnes en bonne santé peut avoir des inconvénients incluant surdiagnostic et surtraitement. En raison de l'amélioration des tests médicaux et par notre désir, dans les meilleures intentions, de découvrir les premiers signes de la maladie, il semble que nous allons trop loin. Nous diagnostiquons des anomalies parfaitement bénignes dans de nombreuses spécialités, mais nous devons veiller à ne pas transformer en maladies des anomalies banales qui ne deviendraient pas nocives."

 

La surmédicalisation est donc bien réelle

 

L'approbation donnée à ce plan par le Cancer Council signifie manifestement que les preuves de la surmédicalisation sont maintenant si puissantes que les mêmes organisations qui mettaient en avant les bénéfices du dépistage s'inquiètent à présent de ses risques.

L'exemple le plus évident est celui du cancer de la prostate dont le dépistage est le dosage du PSA. Les études les plus fiables ont apporté la preuve que le dosage était plus délétère que bénéfique ; certains hommes ont été diagnostiqués porteurs d'un cancer qui ne risquait pas de menacer leur vie, mais le diagnostic entraînait dans certains cas un traitement inutile ou coûteux, causant des dommages physiques et une grande anxiété. cf article Dr P.Nicot

Le surdiagnostic fut évalué dans une étude de 2012 à environ 50%... Dans certains pays on s'oriente à présent vers une simple surveillance active pour les cancers dits "à faible risque". article Nejm

Concernant la thyroïde les faits, au bout de 30 longues années d'abus et d'excès, montrent que de nombreuses personnes ont été diagnostiquées et traitées inutilement pour des tumeurs très petites, et qui étaient en fait bénignes. Pour ce dépistage réalisé au moyen de l'échographie, on a complètement fait machine arrière.

Pour la Collaboration Cochrane, dans la remise à jour de sa revue, le surdiagnostic du cancer du sein imputable au dépistage est évalué à 30%

«Sur 2 000 femmes invitées à se faire dépister durant 10 ans, une seule verra sa vie prolongée. Dix femmes en bonne santé, qui n'auraient pas été diagnostiquées si elles n'avaient pas été dépistées, seront diagnostiquées atteintes de cancer du sein et traitées inutilement." Cochrane

Le taux de la mortalité par cancer du sein est immobile depuis des décennies, il apparaît donc évident que le fait de trouver des lésions de plus en plus petites diminue d'autant la probabilité que la lésion découverte chez une personne donnée soit mortelle. Autrement dit, plus la lésion détectée est de très petite taille, et plus il est vraisemblable qu'on a faire à un surdiagnostic.

Rappelons que d'après les études d'autopsie de Nielsen, 39% des femmes entre 40 et 49 ans et 37% des femmes entre 40 et 54 ans étaient porteuses de micro-foyers cancéreux, la majorité étant des cancers in situ. (2% d'invasifs)

Nielsen M, Jensen J, Andersen J. Precancerous and Cancerous Breast Lesions During Lifetime and at Autopsy. A Study of 83 Women. Cancer 1984 ; 54 : 612-615.

Nielsen M, Thomsen JL, Primdahls et al. Breast cancer and atypia among young and middle-aged women : a study of 110 medicolegal autopsies. Br J Cancer 1987 ; 56 : 814-819.

 

Réagir !

 

C'est pour cela qu'il convient de délivrer aux patients, et pour le cancer du sein particulièrement aux femmes, une pleine information sur toutes les risques et avantages (balance bénéfice/risques) associés au dépistage du cancer du sein.

Pour éviter ces dérives de médicalisation abusive nos instituts de santé, ici en France, doivent aussi prendre la mesure du coût que cela représente pour la société, en terme pécuniaire, mais aussi en terme de souffrance physique et morale pour les personnes concernées.

Les chercheurs doivent également s'atteler à un vrai défi : celui de la re-définition du cancer. Qu'est-ce qu'un cancer ? La cellule malade ? La lésion infra-clinique vue au microscope ? La maladie métastasée ? A partir de quand traite-t-on ?

 

A partir de quand est-on malade ?

 

A partir de quand est-on malade ? Pour résoudre cette énigme, il faut s'employer à mieux connaître l'histoire naturelle de la maladie, condition élémentaire émise par l'OMS avant tout déclenchement de campagne de dépistage. Les campagnes de dépistage du cancer du sein ont été lancées sur la base d'études nulles, truquées, remplies de biais et de conflits d'intérêts en tout genre, sans jamais se préoccuper de la question pourtant essentielle de l'étude de l'histoire naturelle du cancer.

Quand on aura solutionné cette inconnue, on aura fait un grand pas vers la maîtrise des excès thérapeutiques et on appréhendera la problématique de façon raisonnée, indépendamment de débats émotionnels qui n'apportent pas d'avancée pour les femmes.

 

 

 

 

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Less is more

Sur le site médical de "less is more in medicine" (blog less is more ), qui pourrait se traduire par "moins c'est mieux", nous trouvons cette vidéo, à la fois explicative et amusante sur les mammographies systématiques. Avec Adam of course..

Enjoy !

La vérité sur les mammos

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Crise autour de la Strasbourgeoise, course rose alsacienne.

Nous vous avions déjà parlé du petit business des courses roses : courses roses

Qui est la Strasbourgeoise ?

La Strasbourgeoise, d'après son site intrnet, est le "rendez vous d’une vaste campagne d’information et de sensibilisation contre le cancer du sein. Parce qu’aujourd’hui en France 1 femme sur 8 risque de développer un cancer du sein et parce qu’ anticiper, prévenir, sensibiliser permet de mieux prendre en charge cette maladie… mobilisons nous !"

Question information ça commence mal puisque non, une femme sur 8 ne risque pas de développer un cancer du sein. Ce slogan éculé est déjà un mensonge, dont toutes ces structures promotrices du rose sont coutumières.*

http://lastrasbourgeoise.eu/les-epreuves/

Côté finances, il y a 15 000 places disponibles à 10 euros le dossard de la coureuse, ce qui rapportera 150 000 euros au total. Quatre euros par inscription sont reversés à la "cause", jusqu'à présent le bénéficiaire en était La Ligue contre le cancer, et 67 000 euros sur la collecte devaient lui être versés l'année dernière.

On apprend par la voix des Dernières Nouvelles d'Alsace du 23/052017 que cette manifestation bénéficie d'une contribution (entre autres contributeurs) de 40 000 euros de la part du laboratoire pharmaceutique Lilly. La Strasbourgeoise reçoit donc (au bas mot) dans les 200 000 euros chaque année pour la course rose. On aurait bien été intéressés au passage de savoir ce que deviennent les 133 000 euros (au bas mot) restants, mais là n'est pas la question.

 

L'affaire

En 2016 la Ligue contre le Cancer a lancé une pétition contre la cherté des médicaments anti-cancéreux, dont la multinationale Lilly, commercialisant le Prozac et des médicaments anti-cancéreux, a semble-t-il pris ombrage, ce dont témoigne la directrice de communication chez Lilly France qui parle d'un "choc en interne".

pétition Ligue

Toujours d'après les DNA, le président de l'association la Strasbourgeoise, Mr Claude Schneider, a tranché dans ce "climat de tension entre la Ligue et un mécène (ici le laboratoire Lilly) associé à la fondation de la manifestation".

Et de fait, plutôt que de perdre un important contributeur, le choix philanthropique du reversement de la prochaine collecte 2017 s'est porté sur un autre bénéficiaire, l'IRC (Institut Régional du Cancer pour l'Alsace, Hautepierre), structure financée par le CHU de Strasbourg et du Centre de Lutte contre le Cancer Paul Strauss.

Le procédé punitif n'a pas plu à la Ligue Alsace dont le président, Mr Gilbert Schneider, explique que "la moitié du budget de prévention... est perdu".

Le laboratoire Lilly quant à lui précise qu'il continuera à être partenaire de la Stasbourgeoise".

Ouf, la Strasbourgeoise a visiblement fait le bon choix alors. Il s'en passe des choses dans le petit monde rose des courses de charité, toujours dans l'intérêt des patients bien entendu, qui feraient mieux d'être plus reconnaissants, ces ingrats, au lieu de râler sur le prix des médicaments...

 

* Dire qu’une femme sur huit sera confrontée au cancer du sein est une présentation trompeuse, ce risque étant un risque cumulé tous âges confondus, calculé sur une population fictive en fonction des risques observés en 2012. Or il convient de considérer ce risque selon la tranche d’âge. Avec un suivi de 20 années, pour une femme de 40 ans ce risque est de 4%, pour une femme de 60 ans il est de 6%.

 

 

On considère qu’une association est bien gérée lorsque plus de 70% de son budget est dévolu à ses œuvres.

En ce qui concerne la Strasbourgeoise, a priori, le montant reversé ne doit pas dépasser 30 à 33 %...

http://www.capital.fr/a-la-une/actualites/special-associations/la-gestion-de-80-associations-caritatives-passee-au-crible

 

 

 

 

 

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Malhonnêteté et zéro contrôle des autorités sanitaires, encore et toujours

En ce premier jour de la nommination de la nouvelle ministre de la santé, voilà ce que nous communique une patiente qui témoigne de ce que reçoivent les femmes en cadeau d'anniversaire pour leurs 40 ans, dans le département de l'Hérault de la part de l'A.M.H.D.C.S. Association Montpellier-Hérault pour le Dépistage du Cancer du Sein.

Pourtant, pas de recommandation de la HAS

L'invitation argue, au mépris le plus complet des recommandations de la HAS elle-même l'utilité du dépistage dès 40 ans. Aucune information n'accompagne ces flyers.

http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1741170/fr/depistage-du-cancer-du-sein-en-france-identification-des-femmes-a-haut-risque-et-modalites-de-depistage

"Recommandations préliminaires

La HAS rappelle qu’en l’absence des facteurs de risque pour lesquels un dépistage spécifique du cancer du sein est recommandé, il n’y a pas lieu de réaliser une mammographie ou une échogra- phie mammaire de dépistage en dehors de la tranche d’âge de participation au programme national de dépistage organisé, c’est-à-dire entre 50 et 74 ans."

Citons encore une note de cadrage de l'HAS de 2013, sur la base d'une synthèse des rapports d’agences d’évaluation des technologies de santé (Health Technology Assessment) et de la revue Cochrane sur le dépistage du cancer du sein chez les femmes âgées de 40 à 49 ans et 70-79 ans, voir en page 18.

https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2013-10/note_de_cadrage_-_depistage_du_cancer_du_sein_chez_les_femmes_de_40-49_ans_et_70-79_ans.pdf

Les conclusions des 3 rapports sont concordantes, en défaveur du dépistage systématique du cancer du sein par mammographie chez les femmes âgées de 40 à 49 ans du fait de :

  • une réduction de la mortalité spécifique faible et mal établie ;
  • des effets négatifs importants mais également mal établis tels que les cancers induits par lesirradiations et le surdiagnostic / surtraitement ;
  • une réduction de la mortalité spécifique plus faible et des effets négatifs plus importants quepour les femmes de plus de 50 ans.Par ailleurs, l’efficience du dépistage systématique du cancer du sein par mammographie chez les femmes âgées de 40 à 49 ans est mal documentée.Les 3 rapports recommandent que le dépistage du cancer du sein, chez les femmes âgées de moins de 50 ans, soit fondé sur l’évaluation individuelle du risque et les préférences de la femme.

Les objectifs de l'association AMHDCS

On prend connaissance des objectifs de cette association de dépistage par mammobiles ici : http://www.mammobile.com/Qui%20sommes%20nous%20(site%20web).htm

"L’association a pour objectif et pour mission de prendre en charge les femmes dès
l’âge de 40 ans jusqu’à l’âge de 75 ans."
Où sont donc les autorités sanitaires qui mettront un jour un terme à cette malhonnèteté ?

Infliger un dispositif médical à une population sans information, l'exposant à des risques certains et supérieurs par rapport aux bénéfices comme cela est le cas dans cette tranche d'âge, et en dehors des recommandations mêmes de la HAS, cela s'appelle une conduite charlatane.

 

Nous n'avons malheureusement pas retrouvé la déclaration publique d'intérêts des médecins responsables de l'association, qui devrait normalement apparaître sur le site transparence.sante.gouv.fr

Entre temps un média indpendant "Dis-Leur" a médiatisé l'affaire, voici l'article reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur, Mr O.Schlama :

ARTICLE « DIS-LEUR »

La communication a été modifiée depuis, l'âge inscrit sur le mammobile est celui de 50 ans à présent, à la suite de la parution de cet article.

 

 

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Fake soutien-gorge

http://sante.lefigaro.fr/article/l-extravagante-histoire-du-soutien-gorge-qui-detectait-les-cancers-du-sein

 

Allez, encore une fumisterie de plus qui montre bien à quel point le cancer du sein est une maladie "porteuse".

Le cynisme des chercheurs de buz et "innovateurs" philanthropiques n'a pas de limite. Si l'innovation est utile aux femmes, c'est loin d'être vérifié, d'ailleurs on s'en fiche bien, mais la renommée et les retombées pour l'inventeur sont assurées.

Le Figaro Santé guette, et nous en parle, avec Cécile Thibert !

Et Dr Dupagne y consacre une chronique ici : Dr Dupagne

 

 

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Débat sur la pertinence des dépistages à l’Académie de Médecine

2/03/2017

Le premier mars 2017 l’Académie de Médecine organisait un débat public sur la pertinence des dépistages.

par Dr Cécile Bour

http://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2017/01/Programme-DEPISTAGES.pdf

Pour la partie abordant le dépistage du cancer du sein, les participants sont MMe Catherine Hill, Dr De Bels, Pr Jacques Rouëssé, Dr Serradour.

Mme Catherine Hill est épidémiologiste à l’Institut Gustave Roussy.

Mme Serradour a été nommée le 30 avril 2002 par la ministre de la santé de l’époque comme personnalité qualifiée pour le groupe technique du cancer du sein. A ce titre elle a participé à la mise en place et au développement du dépistage du cancer du sein par mammographie dans sa région. Elle est également fréquemment sollicitée par les médias nationaux où elle défend l’intérêt de la mammographie de dépistage depuis de nombreuses années.

Dr Jacques Rouëssé a été Chef de Service de Médecine cancérologique à l'Institut Gustave-Roussy de Villejuif, directeur du Centre anticancéreux René Huguenin de Saint-Cloud et depuis 2001 membre correspondant de l'Académie Nationale de Médecine responsable de la présidence de la Commission Cancer.

Mr De Bels est responsable-dépistage de l’Institut National du Cancer.

L’Académie elle-même avait déjà publié en 2007 le résumé d’un rapport international pour l’évaluation des causes du cancer

L’Académie elle-même avait déjà publié en 2007 le résumé d’un rapport international pour l’évaluation des causes du cancer (analyse de Dr Dupagne à retrouver ici http://www.atoute.org/n/article60.html), dont il ressort …que la médecine et l’activité intempestive de dépistage en sont les principaux responsables !

Le sujet du surdiagnostic, c’est-à-dire ces lésions dont le diagnostic est inutile pour la personne et qui constitue le principal effet délétère du dépistage, est évoqué.

Pages 3 et 8 :

L’accroissement de l’incidence globale des cancers depuis 1980 est, pour la plus grande part, dû au perfectionnement des méthodes diagnostiques et au dépistage qui décèlent des petits cancers très faiblement évolutifs qui auraient pu rester méconnus. Dans les cancers où ce phénomène a le plus joué, l’incidence a augmenté brutalement, tandis que la mortalité restait stable ou diminuait à cause des progrès thérapeutiques (c’est le cas des cancers du sein, de la prostate et de la thyroïde). Pour d’autres cancers, incidence et mortalité ont évolué parallèlement. En général, la mortalité est un indicateur plus fiable que l’incidence pour évaluer l’importance des cancers dans une population.

Les taux d’incidence, après standardisation, ont augmenté de 1980 à 2000 de 23% chez les hommes et de 20% chez les femmes. <….. >L’introduction de méthodes diagnostiques ultrasensibles augmente le nombre de cancers détectés et découvre des petits cancers dont le potentiel évolutif est faible, dont le volume aurait pu rester stable pendant de longues périodes et pour certains jusqu’à la mort du sujet. C’est notamment le cas de la mammographie pour le cancer du sein, du dosage du PSA pour celui de la prostate et de l’échographie pour le cancer de la thyroïde. Dans ces cas, l’incidence est augmentée mais pas la mortalité.

Il est louable que l’Académie nationale de médecine, vieille institution dont la mission est de donner son avis, de conseiller dans les domaines de la santé, dans les questions éthiques et de santé publique, prend le parti de s’emparer d’un sujet actuel et de plus en plus dans la controverse, celui de la pertinence des dépistages.

Y avait-il besoin d’un nouveau débat ?

En ce qui concerne le dépistage du cancer du sein, rappelons qu'un débat public citoyen ET scientifique a déjà eu lieu dont nous disposons des conclusions. Le rapport du comité d'orientation de la concertation citoyenne, initiée par Mme la Ministre en 2015 était en faveur de l’arrêt du dépistage, et ce dans ses deux scénarios.

rapport concertation

Malheureusement, assez peu de publicité en a été fait, à tel point que très peu de femmes connaissent ces conclusions et que même la plupart des professionnels de santé les ignorent.

Alors oui peut-être qu’à ce titre il était important que l’Académie reprenne le sujet publiquement, et essaie de retracer les grandes lignes de ce qu’on sait actuellement selon les données actuelles des connaissances. Voici ce qui ressort de ce colloque :

-Le cas du dépistage du cancer de la thyroïde :

il est l’exemple-type du dépistage inutile : le nombre de cancers est passé de 2000  en 1975 à 10000 par an actuellement, mais avec un taux de mortalité non diminué (400 morts tous les ans)

-Le dépistage du cancer de la prostate

Aucune autorité sanitaire ou agence ne le recommande chez un homme asymptomatique, et il est malgré tout encore prescrit (cf article : https://www.cancer-rose.fr/en-parallele-au-depistage-du-sein-celui-de-la-prostate-du-surdiagnostic-aussi/ )

Il est clairement établi que le surdiagnostic se fait en masse sans diminution de la mortalité. A tel point que le découvreur lui-même du test par dosage des PSA en était arrivé à regretter sa propre découverte. En effet Richard Albin, s’inquiétait du « désastre de santé publique » provoqué par sa découverte. Dans une tribune publiée en 2010 dans le New York Times, il écrit : « Jamais je n’aurai pu imaginer, quatre décennies plus tôt, que ma découverte allait provoquer un tel désastre de santé publique, engendré par la recherche du profit. Il faut arrêter l’utilisation inappropriée de ce dosage. Cela permettrait d’économiser des milliards de dollars et de sauver des millions d’hommes de traitements inutiles et mutilants. »

Dans ce domaine et comme pour le cancer de la thyroïde, il faut se départir de l’idée qu’un cancer de petite taille serait forcément moins dangereux. Une toute petite lésion peut déjà être métastatique.

-Le dépistage du cancer du sein: la nature agressive ou pas du cancer compte plus que sa taille.

D’où il ressort qu’il va falloir enfin parler honnêtement aux femmes et faire table rase une bonne fois pour toutes des slogans fallacieux véhiculés par la campagne d’octobre rose en particulier, table rase de ce prêt-à-penser idiot et mensonger selon lequel plus un cancer est détecté petit et plus il est « pris à temps ». Ce qui ne veut rien dire. Il est temps de rectifier le tir après 30 années de désinformation des femmes, et temps de leur tenir un langage médical et précis.

MMe Catherine Hill expose les chiffres suivants :

  • 10 surdiagnostics pour 1 décès évité pour la tranche d’âge entre 40 et 49 ans. (Rappelons que la HAS ne recommande pas de dépistage avant 50 ans, ce qui semble évident au vu des données épidémiologiques de cette tranche plus jeune.)
  • 4 surdiagnostics pour 1 décès évité pour la tranche d’âge 50-69 ans
  • 2 surdiagnostics pour 1 décès évité pour les 70-74 ans. Notons que pour cette dernière tranche d’âge, l’importance du surdiagnostic potentiel est à reconsidérer à l'aune des faits suivants : les cancers de cette tranche d’âge sont moins agressifs et évoluent moins vite, la patiente a une probabilité plus importante de décéder d’une autre cause que de son cancer (8Xplus par une maladie cardio-vasculaire), et pour terminer il faut garder à l'esprit que des traitements lourds peuvent être plus préjudiciables et entraîner plus de morbidité que le cancer lui-même sur ce terrain plus fragile. (NDLR)

Voilà la façon dont il faudrait présenter la réalité aux femmes, la vraie question étant de savoir combien de femmes sont surdiagnostiquées pour en sauver une, cela par tranche d’âge, ce qui est une présentation plus parlante et objective que des données en pourcentages relatifs dont on n’a que faire. Il faut impérativement que les prochains documents d’information s’en inspirent.

Ce qui saute aux yeux néanmoins, c’est bien une balance bénéfice-risque du dépistage systématique du cancer du sein qui n’est pas en faveur du bénéfice, et ce pour chaque tranche d’âge. Ce déséquilibre désavantageux pour les femmes s’accentue plus encore lorsqu'on inclut dans les risques les nombreuses fausses alertes et biopsies inutiles qui découlent d'un dépistage de masse (NDLR).

Il s’avère lors de ce débat à quel point le problème du surdiagnostic, c’est-à-dire d’un diagnostic inutile, et du surtraitement qui en découle, est un problème épineux, contre-intuitif et de ce fait difficile à expliquer, d’autant qu’est toujours ancré dans les esprits après 30 années de propagande qu’un petit cancer serait plus favorable qu’un gros et que la détection d’une petite lésion signifierait automatiquement qu’on l’ait prise « à temps ».

Nous renvoyons nos fidèles lecteurs à cet excellent article de Dr Duperray : https://www.cancer-rose.fr/le-sur-diagnostic-par-dr-bernard-duperray/

et aussi à cette présentation du Dr Thériault, avec l'aimable autorisation de l'auteure :

https://www.cancer-rose.fr/tout-comprendre-sur-le-surdiagnostic-en-medecine/

Selon la modératrice des débats, le Dr Hélène Sanchez-Garnier, il devient impératif de s’interroger en permanence sur le bénéfice par rapport au risque à chaque démarche. Il faut s’appuyer sur l’intelligence des femmes et leur expliquer les vrais risques et les réels bénéfices. En amont il apparaît nécessaire de former correctement les médecins pour les mettre en situation de pouvoir informer les femmes loyalement et efficacement.

Rappelons qu’une des nombreuses demandes de la concertation portait sur le besoin d’une information honnête évoquant le potentiel bénéfice mais tout autant les risques inhérents au dispositif.

Mme le Dr Serradour insiste sur le fait que lorsque la patiente se décide pour une mammographie, alors elle doive opter pour un dépistage organisé plutôt qu'un dépistage dit "individuel" en raison d’une meilleure garantie de qualité des appareillages lors du dépistage organisé. Cet argument nous semble vraiment tiré par les cheveux, les radiologues ont à cœur de garantir un appareillage moderne et surveillé, il en va de leur exercice professionnel, un contrôle de qualité peut être imposé à chaque cabinet même en dehors de toute campagne systématique.

Dr Jean-Philippe Rivière, un des rédacteurs du rapport final de la concertation citoyenne intervient dans l'entre-débat afin de rappeler très à propos l'incertitude sur les données, l'absence d'études de cohortes françaises et l'absence totale d'information objective des femmes. Le poids du marketing rose dans la presse prévaut largement par rapport au relai médiatique sur la controverse (et encore plus par rapport au relai médiatique sur la concertation citoyenne NDLR).

Dr Rivière pose la question sur l'exclusion du médecin généraliste du dépistage du cancer du sein, alors qu'il gère tous les autres dépistages, pourquoi ne peut-il pas s'occuper de celui du cancer du sein avec une adaptation au risque de ses patientes ?

La conclusion :

Mme Hill conclut en soulignant que défendre le dépistage sous prétexte « qu’il est recommandé par les autorités, ou qu’il est bien fait, ou que l’éthique est respectée, n’est pas une réponse adéquate aux questions qui continuent à se poser, les principales étant :

  • Quel est le bénéfice apporté par un dépistage réalisé ?
  • Quel est le risque de surdiagnostic ?

Le dépistage n’est pas une affaire de religion, il faut en examiner les données et les comprendre ».

Pour elle, une femme refusant le dépistage du cancer du sein est moins déraisonnable qu’une femme continuant à fumer.

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Les médecins généralistes réagissent à une publication de l’INCA

Cancer Rose avait communiqué sur le document-guide de l'INCa "outil pour la pratique" destiné aux médecins traitants concernant le dépistage du cancer du sein.

https://www.cancer-rose.fr/communique-a-la-suite-dune-publication-de-linca/

Un médecin réagit :

Comment l'INCa prend les MG pour des cons , excellent billet du Dr Blanc à lire.

 

 

 

 

 

 

 

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communiqué à la suite d’une publication de l’INCa

L’Institut National du Cancer a communiqué, le 20 décembre 2016, sur sa publication d’un guide sur le cancer du sein intitulé « du diagnostic au suivi ».
Ce document se veut un « outil pour la pratique » destiné aux médecins généralistes.
Le collectif Cancer Rose, ayant collaboré à la concertation citoyenne sur le cancer du sein et ayant lui-même produit une brochure d’information, note :
En occultant délibérément la problématique du dépistage de masse sur lequel, pendant des années, l’INCa a désinformé les femmes, l’institut se fait là l’économie d’une explication loyale et équilibrée des épineux sujets que sont le surdiagnostic et le surtraitement, effets pervers maintenant connus du dépistage.
Cette attitude est en contradiction criante avec les demandes du rapport de la concertation citoyenne, où formation et information des professionnels de santé sont revendiquées.
Les chiffres sont présentés sans discernement. La projection de 54 000 nouveaux cas en 2015, faisant penser à une explosion de cancers, est principalement et majoritairement imputable au phénomène du surdiagnostic. La survie si favorable à 5 ans est le corollaire inévitable d’un dépistage massif, qui ne fait qu’anticiper la date de découverte d’un cancer sans retentissement aucun sur la mortalité des femmes par cancer du sein, parce que précisément les vrais cancers les plus agressifs y échappent. La survie donne l’illusion d’une réussite du dépistage, alors que la longévité des femmes en France n’est en rien changée. A titre de comparaison, le cancer du col à une mauvaise survie à 5 ans et pourtant son taux de mortalité a drastiquement baissé… La survie n’est donc PAS un marqueur d’efficacité d’un dépistage. La mortalité globale en est un, donnée manquant cruellement dans cet « outil », comme dans toute information délivrée par l’institut.
• La mise en avant du pourcentage de 90% de cancers découverts par dépistage est également une présentation fallacieuse, puisque nous savons actuellement que ces 90% représentent en majeure partie le surdiagnostic massif, que ce pourcentage englobe des lésions facilement guérissables et des diagnostics souvent inutiles pour les femmes, sans diminution des cancers mortels.
Une ultime preuve de l’efficacité plus que douteuse du dépistage est la dernière publication, ce mois-ci, d’une étude populationnelle présentée lors d’un symposium à San Antonio, par les auteurs suivants : *Professeur Autier, Boniol, Pizot, Boyle

(https://app.core-apps.com/sabcs2016/abstract/d65d1d601c44a12e649faed52440f92e)

Voilà les résultats de cette étude mondiale :
1° Dans tous les pays comparables entre eux, la réduction de mortalité par cancer du sein entre 1989 et 2012 est la même, que le pays ait engagé un dépistage généralisé depuis 1990 ou seulement depuis 2005. En France d’ailleurs, la réduction de mortalité spécifique par cancer du sein, (attribuable aux traitements selon les études d’impact), est moindre que celle en Espagne, par exemple.
2° La plus forte baisse de mortalité est constatée dans les tranches d’âge des moins de 50 ans (sauf Nouvelle Zélande et Hong Kong).
3° La baisse de mortalité par cancer du sein chez les femmes de moins de 50 ans est la même que le pays ait une politique de dépistage dans cette tranche d’âge (USA par exemple) ou non.
Conclusion de la publication : "There seems to be no discernible influence of screening on mortality trends." Ce qui signifie qu’il ne semble pas y avoir d’influence du dépistage organisé sur la tendance à la baisse de la mortalité, laquelle est certainement plus imputable aux avancées thérapeutiques depuis les années 90 qu’au dépistage.
Nous sommes stupéfaits que l’INCa persiste dans ses erreurs qui lui ont été pourtant clairement notifiées et reprochées lors de la concertation. Comme si rien ne s’était passé, l’INCa ignore les constats et les propositions concrètes sur l’information due aux femmes et aux professionnels. L’INCa confisque aux médecins généralistes les données mettant en cause l’efficacité du dépistage de masse, pourtant essentielles, et fait fi des résultats d’études modernes et indépendantes, et retombe dans ses vieux démons : distorsion des réalités, manipulation des chiffres, occultation de vérités dérangeantes.
Nous sommes assez préoccupés si à l’avenir l’information des femmes et des médecins continue à être confiée à cette instance incapable de communiquer sainement, et déjà mise fortement en cause sur sa façon d’informer.

D'ailleurs, un médecin généraliste a réagi à cette publication : https://cancer-rose.fr/2017/01/05/les-mg-reagissent-a-une-publication-de-linca/

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