Comme l'annonçait, en ce début mai 2023, le journal Globe and Mail ainsi que beaucoup d'autres médias nord-américains, il serait dorénavant recommandé pour les femmes à risque moyen de cancer du sein de passer des mammographies de dépistage tous les deux ans à partir de 40 ans, et cela en vertu d'une proposition de mise à jour des lignes directrices de l'USPSTF, le groupe de travail américain sur les services préventifs. La nouvelle a fait grand bruit car il s'agit d'un abaissement des recommandations au dépistage de 10 années par rapport aux modalités de dépistage antérieures, qui préconisaient le dépistage du cancer du sein à 50 ans seulement, en raison de risques majorés pour les populations plus jeunes et pour un bénéfice trop restreint. C'est donc un changement conséquent.
Selon la présidente sortante de l'USPSTF, le Dr Carol Mangione, "les choses ont changé" : les taux de cancer du sein chez les jeunes femmes ont augmenté, les progrès de la mammographie numérique ont amélioré leur précision de détection et de meilleurs traitements se traduisent par une amélioration de la survie.
Déjà à ce stade nous relevons deux affirmations qui devraient faire poser la question de la pertinence d'un dépistage :
Si les cancers de la femme jeune augmentent, ne serait-ce pas le moment de s'interroger sur les causes et de traquer les facteurs favorisant ce "rajeunissement" des cancers du sein ?
Comme on pouvait s'y attendre " L'American Cancer Society (ACS) applaudit le retour des recommandations de l'USPSTF de commencer le dépistage à 40 ans" dans un communiqué. Les fournisseurs du secteur de l'imagerie de la femme, tels que Hologic et iCAD, ont vu le cours de leurs actions grimper en flèche à la suite de cette annonce, car les volumes de mammographies de dépistage vont significativement augmenter.
Et puis allez, pourquoi ne pas recommander que les femmes effectuent un dépistage par mammographie à partir de l'âge de 40 ans ET annuel, et même toute leur vie durant sans l'arrêt préconisé à 74 ans, donc sans limite supérieure ? Voilà un pas allègrement franchi par l'Américan Cancer Society "car l'âge ne devrait pas être un facteur déterminant pour l'arrêt du dépistage, mais plutôt l'état de santé général ...", comme l'a déclaré Stamatia V. Destounis, MD, présidente de la Commission du sein de l'ACR (American College of Radiology)et membre du Réseau des conseillers en information publique de la société nord-américaine de radiologie. (Pour les conflits d'intérêts de Mme Destounis avec iCAD, industriel de l'imagerie, voir ici : https://www.rsna.org/-/media/Files/RSNA/Annual%20meeting/2022-AMPPC-Planners-Disclosure)
JUSTIFICATION ET CONSEQUENCES DE CE CHANGEMENT
Judith Garber, journaliste scientifique et analyste politique du Lown Institute dans un article ainsi que John Horgan, également rédacteur scientifique dans un autre article essaient tous deux d'analyser les raisons invoquées par l'agence américaine, qui sont essentiellement de l'ordre de deux : -augmentation des cancers du sein chez des femmes plus jeunes, et -augmentation des cancers les plus agressifs chez les femmes noires.
Judith Garber relève avec justesse que "la modification des lignes directrices de l'USPSTF a surpris de nombreux experts de la santé, car il n'y a pas eu de nouveaux essais cliniques sur le dépistage du cancer du sein qui justifieraient un ajustement des lignes directrices."
A-le dépistage pourrait raccourcir plus de vies qu'il n'en "sauve"
"Le groupe de travail", explique Horgan,"justifie sa décision en citant l'augmentation récente du nombre de cancers du sein chez les femmes de 40 ans et les taux de mortalité plus élevés que la moyenne chez les femmes noires. Cette justification n'a aucun sens, car les mammographies n'aident pas les femmes à vivre plus longtemps - selon le groupe de travail lui-même ! En fait, il est prouvé que la mammographie raccourcit plus de vies qu'elle n'en sauve.*" selon ce travail de synthèse citée par Horgan, paru en 2021. De toute façon, expliquent aussi bien Garber que Horgan, même en ajustant les modèles prédictifs pour tenir compte des taux plus élevés de cancers chez les jeunes femmes, la balance bénéfice/risque n'est toujours pas très différente des résultats précédents de l'USPSTF de 2016, avec toujours une prépondérance des inconvénients par rapport au bénéfice escompté. * "L'examen de la tendance de la mortalité toutes causes confondues révèle que le compromis entre les inconvénients et les avantages de la mammographie s'est déplacé vers les inconvénients au fil du temps."
"Le changement se produit toujours au fil du temps, évidemment, au fur et à mesure que les preuves évoluent" déclare Ruth Etzioni, biostatisticienne travaillant au Fred Hutchinson Cancer Center, dans le media STAT. "En même temps, il doit y avoir une raison convaincante et dans les documents ici, je ne vois pas encore de raison convaincante. Lorsque je me suis penchée sur les études de modélisation de 2016, l'analyse des bénéfices et des risques était très similaire."
B-L'excès de cancers agressifs chez les femmes noires
"L'USPSTF a également voulu souligner que les femmes noires sont diagnostiquées avec un cancer du sein à un stade plus avancé et qu'elles sont confrontées à un taux de mortalité par cancer du sein plus élevé que les autres groupes raciaux", reprend J.Garber ; "par conséquent, une date de début de dépistage plus précoce pour ces patientes pourrait sauver des vies et réduire les disparités raciales dans les résultats du cancer du sein. Cependant, bien que l'USPSTF ait utilisé de nouveaux modèles explorant les bénéfices et les risques du dépistage chez les femmes noires, elle s'est abstenue de recommander un dépistage plus précoce pour les femmes noires en particulier." Pour Mme Garber : -l'abaissement de l'âge ne résoudra pas le problème de l'accès aux soins pour certaines populations. - pour réduire les disparités raciales, il ne suffit pas d'abaisser l'âge du dépistage. Les disparités dans la mortalité par cancer du sein sont la résultante, aux Etats Unis, souvent de disparité de nature structurelles, sociales et économiques, avec de moindres chances pour l'accès aux soins pour les populations noires.
C-bénéfice sur la mortalité, mais quelle contrepartie ?
L'agence étatsunienne de son côté affirme que les avantages de la mammographie, qui permet idéalement de détecter le cancer à un stade précoce où il est plus facile à traiter, l'emportent sur les inconvénients ( que sont les faux positifs et les surdiagnostics). Mais ces prétendus avantages du dépistage, très hypothétiques et de plus en plus remis en question, n'apparaissent que dans les études qui mesurent la mortalité due au cancer du sein, et ils ne tiennent pas compte des préjudices liés au surdiagnostic. Ils ne tiennent pas compte des cancers secondaires radio-induits, suite à la radiothérapie (cancers bronchiques secondaires, leucémies), des cardiopathies ayant significativement augmenté chez les survivantes du cancer, des suicides, des syndromes anxio-dépressifs, etc..
"Pour ces raisons," écrit Horgan," les chercheurs privilégient de plus en plus la "mortalité toutes causes confondues", c'est-à-dire le décès quelle qu'en soit la cause, comme mesure de l'efficacité du dépistage. La mort, point final, est un critère strict, qui ne laisse aucune marge de manœuvre subjective. Diverses études ont montré que la mammographie ne prolonge pas la vie lorsque la mortalité toutes causes confondues est mesurée. C'est pourquoi certains experts préconisent l'abandon du dépistage par mammographie."
J.Horgan cite Amanda Kowalski, économiste spécialisée dans les soins de santé, qui présente ces données dans "Mammograms and Mortality : How Has the Evidence Evolved ?", publié dans le Journal of Economic Perspectives en 2021. "Sur une période de vingt ans, les femmes ayant bénéficié d'un dépistage sont décédées à un rythme nettement plus rapide que les femmes du groupe témoin. Kowalski note que les femmes dépistées avaient un risque élevé de mourir d'un cancer du poumon ou de l'œsophage ; elle cite des preuves que la radiothérapie pour le cancer du sein augmente les risques de cancer mortel du poumon et de l'œsophage pour les patientes." Voici la mise en garde de J.Horgan : "les mammographies pourraient être bénéfiques aux femmes présentant un risque de cancer du sein supérieur à la moyenne, telles que celles dont des membres de la famille ont succombé à la maladie. Mais les conclusions du professeur Kowalski ont une conséquence dévastatrice : le dépistage des femmes en bonne santé et asymptomatiques finit par tuer plus de femmes qu'il n'en sauve." Ceci corrobore les conclusions de M.Baum, selon lesquelles, dans une publication du BMJ en 2013, les effets néfastes du dépistage du cancer du sein l'emportent sur ses bénéfices si les décès dus au traitement sont pris en compte.
DES SCENARIOS
Le rapport de modélisation de l'USPSTF pour ses nouvelles recommandations présente une multitude de scénarios qui estiment les taux auxquels le dépistage du cancer du sein entraînerait certains avantages et inconvénients, selon différents âges de début, de durée et selon différents rythmes de dépistage.
Mais à chaque fois, une personne sans sur-risque particulier, qui se fait dépister, a plus de chances d'être traitée pour un cancer qui ne lui aurait jamais fait de mal que d'éviter de mourir d'un cancer du sein. Elle a plus de deux fois plus de chances de mourir de toute façon d'un cancer du sein, dit J.Garber, que de se voir détecter et traiter avec succès un cancer agressif. Et les femmes dépistées sont bien plus susceptibles de subir une biopsie inutilement ou de recevoir un résultat faussement positif que d'éviter de mourir d'un cancer du sein.
Tout est une question de compromis, en intensifiant le dépistage, en le débutant plus tôt, en le poursuivant plus tard, on évite peut-être des décès, mais au prix de combien de faux positifs en contrepartie, de surdiagnostics et de surtraitements qui eux-même compromettent la santé et la survie ? Quels sont les compromis que nous acceptons ? Est-ce que tout individu est prêt à accepter le même compromis que son voisin ? Une décision prise dans l'intérêt de la santé de la population peut ne pas être acceptable pour tout individu. Quel est le prix que chaque femme est prête à payer pour qu'un décès par cancer du sein soit évité, sachant que dans le même temps d'autres femmes (dont elle-même) peuvent expérimenter la détection d'un cancer qui ne leur aurait pas été fatal, qui les expose à un surtraitement, à un possible cancer secondaire dû à la radiothérapie pour un cancer qu'on pouvait ignorer ?
Avec l'abaissement de l'âge de début du dépistage de 50 à 40 ans, l'USPSTF affirme concrètement que pour éviter un décès supplémentaire par cancer du sein sur 1 000 femmes dépistées, les femmes doivent accepter 519 faux positifs supplémentaires, 62 biopsies inutiles de plus et deux cas supplémentaires de surdiagnostic" par rapport aux faux positifs, biopsies inutiles et surdiagnostics déjà existants pour un dépistage débutant à 50 ans. Voilà exactement ce que signifie l'abaissement d'une décennie de l'âge de début du dépistage.
CONCLUSION, un retour en arrière
Selon Horgan, ces changements des recommandations de l'USPSTF ne sont pas justifiés, pour lui "l'appât du gain ne peut être écarté. La prise en charge du cancer du sein est une vaste entreprise rentable, alimentée par la peur que les femmes éprouvent à l'égard de cette maladie." Ce business du cancer est ce qu'il explique longuement dans cet article.
La modélisation utilisée pour apprécier concrètement ce qu'un dépistage va produire "ne tient toujours pas compte des implications négatives à long terme du dépistage du cancer (par exemple, le surdiagnostic) ou du fait que les tumeurs se développent parfois de façon inattendue, ou du fait que les tumeurs se développent et régressent parfois à des rythmes différents." comme l'explique V.Prasad, professeur d' oncologie et hématologie américain dans sa video de 2021".
D'autres réactions notent le caractère très rémunérateur de cette nouvelle recommandation : https://radiologybusiness.com/topics/medical-imaging/womens-imaging/uspstf-recommends-women-begin-breast-cancer-screening-40-boosting-stocks-mammo-related-firms Dans Radiology business on peut ainsi lire : " Le groupe de travail américain sur les services préventifs a publié mardi de nouvelles recommandations sur le dépistage du cancer du sein, invitant désormais toutes les femmes à se soumettre à un dépistage tous les deux ans à partir de l'âge de 40 ans. Ce projet de lignes directrices marque un changement par rapport aux normes précédentes de l'USPSTF, qui préconisait le dépistage à partir de 50 ans. Les fournisseurs du secteur de l'imagerie pour femmes, tels que Hologic et iCAD, ont vu le cours de leurs actions grimper en flèche mardi matin à la suite de cette nouvelle, car les volumes de dépistage devraient augmenter. L'influente USPSTF avait précédemment encouragé les femmes à "prendre une décision individuelle" quant au moment de commencer le dépistage avant 50 ans, mais elle fait maintenant marche arrière et s'aligne sur les lignes directrices énoncées par les sociétés médicales."
Onco'Zine titre : "La mise à jour des lignes directrices sur le dépistage du cancer du sein devrait stimuler la vente d'équipements de mammographie". Selon ce média, la projection de croissance à escompter est faramineuse : "Évalué à 1,9 milliard de dollars américains en 2021, le marché mondial des équipements de mammographie devrait atteindre un montant stupéfiant de 4,3 milliards de dollars américains en 2030. Cette projection est basée sur une prévision de GlobalData, une importante société de données et d'analyse."
On peut considérer cette mesure, qui, nous pouvons parier, sera sûrement adoptée dans d'autres pays occidentaux, comme une réelle régression, à une époque où la médecine moderne préconise plutôt une réflexion mesurée et pondérée, conjointe avec le patient, où on commençait à se poser plutôt la question de la désescalade des procédures de routine préjudiciables.
L'information des femmes est une fois de plus fortement mise en danger, le message donné étant que davantage de dépistages équivaut à sauver des vies, cela sans preuve aucune, alors qu'à la fois le Conseil de l'Europe appelle à la prudence et que même l'Institut du Cancer Américain encourage les concepteurs de lignes directrices à approfondir leurs recherches avant de mettre à jour leurs lignes directrices, afin de s'assurer que les meilleures données possibles sur les effets néfastes du dépistage sont utilisées pour formuler leurs recommandations.
On en est bien loin....
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Dans l'actualité de ce mois de mars 2023 nous apprenons que la HAS admet l'adjonction de la tomosynthèse* dans le dépistage du cancer du sein, à certaines conditions, après avoir pourtant fait preuve de prudence jusqu'à présent, cette technique posant plusieurs problèmes. L’analyse des données de la littérature disponible ne permet en effet pas de savoir si le fait d’intégrer la tomosynthèse dans le dépistage organisé permettrait d’améliorer le dépistage du cancer du sein, notamment en ce qui concerne le surdiagnostic et le surtraitement.
*La tomosynthèse est une technique d'imagerie qui permet d'obtenir un cliché numérique reconstitué en trois dimensions à partir d'images du sein obtenues par la réalisation de multiples coupes, ce qui jusqu'à présent conditionnait une irradiation importante supplémentaire. Parfois cette technique est effectuée dans les cabinets de radiologie sans que la patiente en soit informée.
Se pose aussi, encore et toujours en 2023, du fait de la diversité des dispositifs de mammographie numérique et de leurs fabricants, la question de la performance, de la fiabilité et de la sécurité de tous les dispositifs de tomosynthèse.
Après un deuxième volet d'analyse publié par la HAS, cette autorité valide finalement l'utilisation de la tomosynthèse (TDS) à la condition que ne soit réalisée qu'une acquisition en 3D permettant une reconstruction secondaire des images en 2D, épargnant à la patiente une double irradiation.
La HAS base donc son argumentation sur deux éléments : l'augmentation du taux de détection, et la non-augmentation de l'irradiation des femmes lors de cette procédure. "Cette procédure permet en effet d’améliorer les performances du dépistage organisé, notamment son taux de détection des cancers, sans pour autant augmenter le nombre d’actes d’imagerie et la dose d’exposition."
Hélas, le véritable problème du surdiagnostic, pourtant évoqué dans la feuille de route de 2018, disparaît complètement des préoccupations.
Les véritables problèmes du dépistage systématique du cancer du sein restent entiers.
Tout d'abord, en aucun cas la TDS ne pourra régler le problème des cancers occultes à la mammographie standard, qui peuvent être occultes même dans des seins graisseux, et elle ne règlera pas non plus tous les problèmes des cancers d'intervalle qui peuvent se produire en très peu de temps entre deux mammographies. Le véritable problème est que la découverte d'une image encore plus petite n'est qu'une image de l'instant T, et ne peut préjuger d'une maladie évolutive. C’est la leçon essentielle que nous donne le surdiagnostic.
En 2022 était paru un article de synthèse sur la TDS (lire ici), de tout ce que les études nous apprenaient :
Concernant les faux positifs, selon le résultat d'une étude de mars 2022 ici synthétisée, le dépistage répété du cancer du sein par mammographie 3D ne diminue que modestement le risque d'avoir un résultat faussement positif par rapport à la mammographie numérique standard.
Une enquête portant sur huit études menées entre 2016 et 2021 montrait que la tomosynthèse ne réduisait pas les taux de cancer d’intervalle.
Les mammographies 3D présentent donc de graves inconvénients qui doivent être clairement expliqués aux patientes, et compte tenu de l'absence totale d'information des femmes sur les risques du dépistage, ne le seront jamais. Aucune étude n'a été menée pour déterminer si l'utilisation de mammographies 3D améliore réellement la morbidité, la mortalité ou la qualité de vie. Cette technique peut détecter plus de cancers, mais rien ne prouve que les cancers détectés auraient réellement nui aux patientes et ne seraient pas des diagnostics inutiles, de sorte que les mammographies 3D peuvent également entraîner davantage de surdiagnostics et de surtraitements.
D'autres problèmes existent, plus techniques, notamment pour les logiciels de 3D il n'y a pas de 'contrôle qualité image' comme c'est le cas pour la mammographie numérique habituelle, uniquement une dosimétrie est effectuée qui contrôle l'irradiation émise. Le marché est de qualité inégale avec des constructeurs proposant des appareils moins onéreux mais dont on ne connaît pas la performance par rapport aux études du constructeur initial.
Derrière l'abdication de la HAS de toute prudence, on peut malheureusement y lire l’opportunité pour l’industrie de s’ouvrir de nouveaux marchés et pour les investisseurs d’accélérer l'émergence et la multiplication de méga-structures médicales pouvant investir dans un tel matériel, sur fond de bêtise médicale qui fait que les leçons des erreurs passées de "toujours plus de dépistage" ne seront jamais tirées. Le salut, pour les femmes, n'est pas dans l'amélioration des techniques de détection qui fait bondir les diagnostics de cancers, mais dans la compréhension de ce que nous faisons et dans le questionnement de la pertinence et de l'utilité de nos pratiques, et de nos "découvertes".
Pour l'instant nous allons naviguer, avec la bénédiction de la HAS, vers toujours plus de diagnostics inutiles, d'interventions inutiles, de souffrances féminines inutiles.
Des oppositions
Des oppositions sur des arguments techniques de réalisation et de mise en pratique sont exprimées par l'association des centres régionaux de coordination des dépistages. Voici son communiqué de presse :
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Traduction par Cancer Rose, article publié par Judith Garber, scientifique en sciences politiques au Lown Institute, groupe de réflexion non partisan pour un système de santé plus juste et équitable.
Le critère radiologique de la "densité mammaire", c'est à dire la prédominance de tissu fibro-glandulaire par rapport au tissu graisseux dans le sein féminin, est maintenant considéré comme étant, à lui seul, un facteur de risque de cancer du sein, en dépit de l'absence d'études probantes. La densité mammaire est élevée généralement chez les femmes jeunes non ménopausées (mais peut persister après la ménopause), chez les femmes plus maigres à faible capital graisseux, chez les femmes sous traitement hormonal substitutif de la ménopause.
Une loi, adoptée en 2019 par le Congrès Américain, demandait à la FDA* (Food and Drug Administration) américaine, dans le cadre du processus réglementaire, de veiller à ce que tous les comptes rendus de mammographie et les résumés fournis aux patientes incluent l' information de la densité mammaire des femmes. Déjà auparavant cette autorité qui supervise la réglementation des installations et les normes de qualité de la mammographie, demandait la communication de la densité mammaire dans les comptes rendus des radiologues. *FDA : La Food and Drug Administration est l'administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments.
Pourquoi est-ce une préoccupation émergente également pour les populations féminines européennes ? Parce qu'avec l'avènement de logiciels dits prédictifs, le critère radiologique de la densité mammaire est intégré en tant que facteur de risque à part entière dans des études comme celle européenne MyPEBS pour un dépistage individualisé, alors qu'au vu d'études publiées (voir article) l'augmentation du risque de cancer du sein associé à la densité mammaire est modeste, et que pour les femmes chez lesquelles un cancer du sein a été diagnostiqué, l'augmentation de la densité mammaire n'était pas liée à un sur-risque de cancer de mauvais pronostic ou de décès du cancer du sein. La décision de la FDA est censée, selon la société Volpara qui commercialise des logiciels de mesure automatique de la densité mammaire, servir d'exemple "au reste du monde". (Voir le tout dernier chapitre de cet article, "commentaires Cancer Rose")
L'USPSTF (groupe groupe de travail indépendant examinant les services préventifs des États-Unis), soulevait déjà en 2016 plusieurs points de préoccupation de cette législation obligeant à notifier aux femmes l'information sur leur densité mammaire.
Variabilité importante et reproductibilité limitée dans la détermination des seins denses. Cette variabilité existe sur un examen qu'il soit lu par un radiologue ou par des radiologues différents. L'examen pour une patiente donnée peut avoir des classifications différentes et entraîner des incompréhensions conduisant à une réduction de la confiance d'une femme dans le dépistage en général, et une confusion quant à son propre risque de cancer du sein.
Incertitude sur les initiatives entreprises par les femmes auxquelles on a notifié une densité mammaire importante pour réduire leur risque de mourir du cancer du sein. Il s'agit de la demande d'examens complémentaires dont l'indication n'est pas étayée par des preuves, aucune donnée n'ayant prouvé que l'adjonction d'imageries autres que la mammographie chez les femmes à seins denses réduirait la mortalité par cancer ; en revanche ces adjonctions augmentent les faux positifs, les biopsies inutiles et le surdiagnostic. Le taux de rappel (pour faux positifs) est significativement augmenté par l'adjonction de l'échographie (de 14%), et par l'adjonction de l'IRM (de 9 à 23%) avec des VPP faibles[16] et un surcoût évident. Les auteurs rappellent que l'IRM, jugée souvent anodine, serait susceptible d'un (faible) sur-risque de fibrose systémique néphrogénique, et de risques incertains de dépôt de gadolinium dans le cerveau lorsque les examens sont répétés. La tomosynthèse (TS) est évoquée comme technique supplémentaire utilisée, mais les auteurs rappellent que des études à plus long terme sont nécessaires pour déterminer si l'utilisation systématique de la TS chez les femmes à seins denses entraînent une réelle amélioration des résultats du cancer du sein (mortalité, diminution du taux des cancers graves).
Difficulté de communiquer les informations sur la densité mammaire aux patientes. Les experts jugent cette communication difficile et dépendante du niveau d'alphabétisation des populations. Les résultats d'études montrent une médiocre compréhension et une source de confusion et de désinformation des patientes lors des informations données sur la densité mammaire.
La Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis a récemment mis à jour ses lignes directrices sur la mammographie afin d'exiger que les établissements de mammographie informent les patientes de leur densité mammaire. Ce changement, qui entrera en vigueur en septembre 2024, est la version finale d'une directive proposée en 2019 .
Les lignes directrices de la FDA contiennent des suggestions de formulation pour les notifications relatives à la densité mammaire : "Le tissu mammaire peut être dense ou non dense. Un tissu dense rend plus difficile la détection d'un cancer du sein lors d'une mammographie et augmente également le risque de développer un cancer du sein. Votre tissu mammaire est dense. Chez certaines personnes présentant des tissus denses, d'autres examens d'imagerie, en plus de la mammographie, peuvent aider à détecter les cancers. Parlez à votre médecin de la densité mammaire, des risques de cancer du sein et de votre situation personnelle".
Il y a beaucoup de problèmes ici. La densité mammaire est un facteur de risque de développer un cancer du sein, mais c'est l'un des nombreux facteurs de risque. Il peut y avoir des femmes qui présentent un risque de cancer beaucoup plus élevé en raison de leur âge, de leurs antécédents familiaux, de leur consommation d'alcool, etc. et qui n'ont pas de seins denses, alors que d'autres femmes qui ont des seins denses présentent un risque globalement plus faible.
Si la FDA se contente de dire que "le tissu mammaire peut être dense ou non dense", la situation n'est pas aussi tranchée.
L'American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG) a souligné dans un commentaire adressé à la FDA qu'"il n'existe pas de méthode normalisée pour évaluer la densité mammaire", et que la classification d'une patiente comme ayant des seins denses dépend donc de l'opinion du radiologue qui lit le test. La densité mammaire peut également changer avec le temps, ce qui signifie qu'une notification peut ne pas être vraie des années plus tard. La notification incite également les patientes à subir des examens d'imagerie supplémentaires en affirmant qu'ils "peuvent aider à trouver un cancer", mais ne mentionne pas que ces examens d'imagerie augmentent également le risque de faux positifs et d'autres événements en cascade. Aucun essai ne montre que le dépistage complémentaire du cancer par IRM ou échographie améliore la réduction de la mortalité ou de la morbidité chez les femmes ayant des seins denses. Des recherches antérieures sur les politiques de notification de la densité mammaire montrent un risque de surutilisation. Les études portant sur les politiques nationales de notification de la densité mammaire montrent qu'elles augmentent fortement la probabilité que les patientes abordent la question du dépistage complémentaire avec leur médecin et qu'elles augmentent modestement la probabilité d'un dépistage complémentaire et de biopsies mammaires. Si le dépistage complémentaire fonctionnait comme prévu et permettait de détecter les cancers dangereux à un stade précoce, on pourrait s'attendre à une réduction des taux de cancer à un stade avancé dans les États où la densité mammaire est notifiée. Cependant, une étude de 2017 sur ces politiques n'a pas montré de différence dans les taux de cancers localisés ou métastatiques entre les États avec et sans notification.
En raison de leur taux élevé de faux positifs et de l'absence de bénéfices avérés, l'ACOG ne recommande pas l'utilisation systématique d'autres examens tels que l'échographie ou l'IRM pour le dépistage du cancer du sein chez les femmes dont les seins denses constituent le seul facteur de risque. Le groupe de travail américain sur les services préventifs (US Preventive Services Task Force), un groupe indépendant qui émet des recommandations fondées sur des données probantes concernant les services préventifs, a conclu que les données probantes étaient insuffisantes pour recommander un dépistage supplémentaire chez les femmes ayant des seins denses.
Les médecins se trouvent donc dans une situation délicate, car lorsque les patientes les consulteront pour savoir ce qu'elles doivent faire, ils devront soit leur conseiller de ne rien faire (ce qui est probablement frustrant et insatisfaisant pour les patientes), soit leur dire de procéder à un dépistage supplémentaire (ce qui n'est pas universellement recommandé et pourrait les exposer à des risques d'événements en cascade). "Les médecins de premier recours dans les États qui ont adopté de telles lois se sentent souvent mal préparés à conseiller les femmes sur les mesures à prendre, le cas échéant, pour une femme ayant des seins denses et une mammographie normale”. Kenneth Lin, Medscape
Cette politique a également des répercussions importantes sur les coûts, tant au niveau individuel qu'au niveau du système. On estime que 40 à 50 % des femmes aux États-Unis ont des seins denses. Si toutes ces femmes subissaient un dépistage supplémentaire, cela pourrait avoir un impact important sur les dépenses de santé. Si les mammographies de dépistage sont couvertes par la plupart des assurances, les IRM supplémentaires peuvent augmenter les frais à la charge des patients et les biopsies encore davantage.
Nous connaissons au moins un groupe pour qui cette modification des lignes directrices est une aubaine : les fabricants d'appareils d'imagerie, qui financent depuis des années des groupes de défense des notifications de densité mammaire (le groupe Dense Breast Info).
Commentaires Cancer Rose
On peut voir ici les conflits d'intérêts des membres de Dense Breast info dans la liste en suivant ce lien : https://www.rsna.org/-/media/Files/RSNA/Annual%20meeting/2022-AMPPC-Planners-Disclosure RSNA : Radiological Society of North America, c'est une organisation à but non lucratif et une société internationale de radiologues, de physiciens médicaux et d'autres professionnels de l'imagerie médicale
Parmi les "supports éducatifs" nous trouvons la société Volpara. Volpara est une Société néo-zélandaise, société cotée en bourse, (Volpara Solutions Ltd), qui commercialise des logiciels permettant de générer automatiquement des mesures normalisées de la densité mammaire.
Volpara enregistre une forte croissance en ligne avec ses prévisions révisées à la hausse, entre 33,5 et 34,5 millions de dollars néo-zélandais. Nous poursuivons notre stratégie visant à équilibrer les objectifs et la croissance rentable en nous concentrant sur nos produits les plus rentables, nos marchés les plus lucratifs et en offrant la meilleure valeur aux " éléphants ", c'est-à-dire aux grandes entreprises.Nous attendons la publication de la législation de la FDA sur la densité mammaire, attendue d'ici début 2023 selon le dernier communiqué de la FDA
Attente du Mandat sur la densité mammaire par FDA
- fin 2022/début 2023 - Valide l'importance de la densité mammaire - Donne l'exemple au reste du monde - Décision fédérale = tout le monde doit être informé - La densité des seins est prise en compte dans l'évaluation des risques
Par exemple, une radiologue extrêmement médiatique au Canada, Dr Paula Gordon, militant pour un dépistage du cancer du sein dès le jeune âge et contestant les recommandations de prudence du CanTaskForce**, est actionnaire de cette société et y détient des actions. On peut ainsi lire ses prises de positions régulières dans la presse canadienne, qualifiant ni plus ni moins le groupe canadien CanTaskForce de "tueurs de femmes" :
** Le Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs a été mis sur pied par l'Agence de la santé publique du Canada (ASPC) pour élaborer des lignes directrices de pratique clinique qui appuient les fournisseurs de soins primaires dans la prestation de soins de santé préventifs.
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Il s'ait là d'une publication d'auteurs britanniques, parue dans le BMJ le 1er mars 2023 concernant les attentes qui ont été placées dans les scores polygéniques pour prédire la survenue de cancers chez un individu.
Qu'est un score polygénique ?
Les scores polygéniques examinent des milliers de variantes génétiques dans le génome d'une personne pour estimer son risque de développer une maladie spécifique. C'est une analyse effectuée dans un laboratoire de génétique, habituellement sur un prélèvement salivaire. Chaque variant génétique a un effet sur le risque de développer une maladie pour un individu, mais en examinant toutes les variantes ensemble on estime pouvoir dire quelque chose de significatif sur le risque global, pour le porteur, de développer une maladie.
Contrairement aux variantes monogéniques (comme par exemple les mutations BCRA impliquant clairement un sur-risque pour le cancer du sein, cette variation ayant un effet très marqué sur le risque de cancer), les scores polygéniques, eux, peuvent être établis pour toutes sortes de maladies ; les deux applications les plus importantes, disent les auteurs, concernent le risque de cancer et le risque de maladie coronarienne. Mais on trouve actuellement d'autres utilisations, par exemple la prédiction de la réponse aux médicaments antipsychotiques chez les patients atteints de schizophrénie.
Nous examinerons la problématique en cancérologie que les auteurs ont analysée. Leurs messages clés :
Les scores polygéniques seront toujours limités dans leur capacité à prédire la maladie, car une grande partie du risque de maladie d'une personne est déterminée par des facteurs que les scores polygéniques ne peuvent pas mesurer.
Il faut communiquer efficacement sur ces limitations.
L'enthousiasme suscité par les scores polygéniques ne doit pas détourner l'attention des efforts visant à lutter contre les facteurs de risque modifiables d'une maladie (par exemple la lutte sur des facteurs environnementaux, ou hygiéno-diététiques favorisant cette maladie)
Les auteurs écrivent :
"Dans l'espoir que les scores polygéniques "changeront tout le paradigme des soins de santé", nous devons reconnaître que ces scores sont limités dans leur capacité à prédire la maladie. Si nous ne définissons pas nos attentes en conséquence, elles pourraient nuire plutôt qu'aider."
Les scores polygéniques seront toujours limités dans leur capacité à prédire la maladie
En introduction de ce paragraphe les auteurs écrivent :
" Les scores polygéniques offrent la possibilité d'évaluer simultanément le risque génétique d'une personne pour plusieurs maladies, à tout moment de son parcours de vie. Mais ils ne tiennent pas compte des effets des facteurs environnementaux ou non-génétiques mal compris qui contribuent à la plupart des maladies courantes. Ainsi, les scores polygéniques resteront toujours l'un des nombreux facteurs de risque et n'atteindront jamais un point où ils pourront prédire avec précision qui développera et qui ne développera pas la maladie."
Pour évaluer l'utilité d'un test ou d'une procédure de dépistage on utilise deux paramètres, la sensibilité et la spécificité. Commençons par la spécificité : Elle mesure la capacité d'un test à donner un résultat négatif lorsque l'hypothèse de maladie n'est pas vérifiée. Mais le test peut-être dans certains cas positif alors que la personne n’est pas malade, c'est ce qu'on appelle un faux positif.
la sensibilité : Il s’agit de la probabilité que le test soit positif pour un sujet vraiment malade. Mais il arrive que le test soit négatif alors que la personne est réellement porteuse de cancer, c'est alors un faux négatif.
Les auteurs donnent un exemple concret pour comprendre la complexe relation entre ces deux paramètres, qui rend l'utilisation des scores imparfaite.
Il a été évalué que les scores polygéniques ont une capacité de prévenir des maladies avec une spécificité fixée à 95 % ; ceci signifie que pour 5 % des personnes il y aura un score élevé alors qu'il n'y aura pas de développement pas la maladie (5% de faux positifs). La sensibilité typique pour un score polygénique, selon cette évaluation, est de 10-15 % ; ce qui signifie que seulement 10 à 15 % des personnes qui développeront la maladie auront un score polygénique élevé. Lorsqu'on cherche à augmenter la sensibilité d'un score polygénique on en réduit la spécificité, et inversement. Pour exemple, un score polygénique développé pour détecter les femmes présentant un risque de cancer du sein au cours de leur vie supérieur à 17 % a une sensibilité de 39 % ; il identifiera donc 39 % des femmes qui développeront un cancer du sein, mais en ratera 61 % ; avec sa spécificité de 78 % , il y aura 22 % des femmes classées comme ayant un «score de risque élevé» alors qu'elles ne développeront pas de cancer du sein.
Dans le cas du cancer du sein, si on part sur une spécificité fixée à 95 %, la meilleure sensibilité atteignable serait de 19 %. Il aura une meilleure spécificité que dans l'exemple ci-dessus, on réduira les faux positifs, mais la capacité du score à identifier des femmes avec risque (sa sensibilité) sera plus faible. Les variantes polygéniques seront toujours limitées dans leur capacité à différencier les personnes qui développeront la maladie de celles qui ne la développeront pas.
Équilibrer les avantages et les inconvénients des scores polygéniques dans la pratique clinique
Dans ce deuxième paragraphe, les auteurs étudient la capacité des scores à améliorer la prédiction lorsqu'ils sont intégrés dans la prédiction avec d'autres facteurs de risque, dans le but de donner un aperçu plus holistique du risque de maladie.
Selon les auteurs : " En utilisant cette stratégie, les scores polygéniques améliorent légèrement la prédiction du risque."
Par exemple pour l'étude MyPebs cherchant à étudier la pertinence d'un dépistage individualisé du cancer du sein basé sur le risque individuel de chaque femme, le score polygénique est intégré parmi d'autres facteurs dits de risque de cancer du sein comme l'âge, les antécédents familiaux, la densité des seins.
Les auteurs de cette publication toutefois alertent : " Beaucoup espèrent que les scores polygéniques amélioreront les programmes de dépistage du cancer grâce à un dépistage précoce ou plus fréquent pour les personnes à risque polygénique plus élevé. Il a par exemple été proposé de proposer une mammographie annuelle aux femmes âgées de 40 à 50 ans présentant des scores polygéniques indiquant qu'elles présentent un risque modéré ou élevé de cancer du sein. Cela a le potentiel de détecter 1 700 cancers supplémentaires, mais au prix de 5 722 résultats faussement positifs et de 4 112 cancers encore manqués."
Les auteurs proposent une illustration parlante. Il s'agit d'une projection sur 100 personnes indiquant comment les scores polygéniques fonctionneraient pour la détection de cancers, pour trois types de cancers, le sein, la prostate, le cancer colo-rectal.
Colonne de gauche : projection pour le test polygénique seul (un score haut est un test positif)
Colonne du milieu : projection pour le test de dépistage habituel positif (pour le sein il s'agit de la mammographie montrant une image, pour la prostate c'est un taux de PSA sanguin élevé, pour le cancer colo-rectal, il s'agit de la présence de sang dans les selles).
Colonne de droite : score élevé et test de dépistage habituel positif (score élevé+mammographie avec image, score élevé+PSA élevés, score élevé+sang dans les selles)
Les points colorés représentent, pour les rouges, les vrais positifs, à savoir les personnes à test positif et réellement malades. Pour les jaunes, il s'agit des tests négatifs pour une personne pourtant malade, les faux négatifs donc. Les points bleus représentent les personnes à test positif mais non malades, les faux positifs. Enfin les points grisés correspondent aux tests négatifs pour des personnes qui ne seront pas malades, donc les vrais négatifs.
On constate que l'adjonction des deux tests (test classique plus score polygénique) apporte essentiellement une amélioration sur les faux positifs.
Pour les auteurs, globalement les scores polygéniques apportent un bénéfice modeste. Une étude portant sur le dépistage du cancer colorectal dans la population a révélé que l'ajout d'un score polygénique aux tests immunochimiques fécaux n'améliorait pas la précision du diagnostic, avertissent-ils, mais augmentait la complexité et les coûts en santé.
D'autre part expliquent-ils, les scores polygéniques ne peuvent pas lutter contre le surdiagnostic, un préjudice majeur du dépistage (découvertes de cancers non évolutifs, d'aucune utilité pour le patient).
Il y a un autre aspect qu'ils évoquent, ce sont les tests faussement positifs qui peuvent entraîner des cascades d'examens inutiles. Explication : La plupart des scores polygéniques pour le cancer sont basés sur des variants associés à l'incidence( survenue de nouveaux cas dans la population), et non à la mortalité, ce qui compromet leur utilité pour des maladies comme le cancer de la prostate, dont de nombreux hommes meurent avec leur cancer plutôt qu'à cause de ce cancer. Le dépistage existant (taux de PSA sanguin) a déjà des limites, la probabilité que le sujet testé soit réellement malade avec un test positif est faible. Le test, parfois (que ce soit la mammo ou le taux de PSA), peut être positif avec une personne pourtant non malade. A la question « Docteur, j’ai une mammographie anormale, quel est le risque que j’aie vraiment un cancer du sein ? », la valeur (qu'on appelle valeur prédictive positive) du dépistage de base est déjà très faible (10% pour la mammo de dépistage, ce qui signifie signifie que pour une femme pour laquelle la mammographie est jugée positive et à laquelle on réalise une biopsie de l’image incriminée, il y a 90% de chances pour que la biopsie revienne négative et donc ait été proposée excessivement...).
Cette valeur prédictive positive pour les scores polygéniques est aussi très limitée et rajoute peu de précision diagnostique. Ce manque pourrait ainsi augmenter le nombre de personnes positives au test, mais qui ne développeront pas de cancer, mais qui néanmoins se verront proposer des investigations de confirmation invasives, puisque le test objectivement est positif. Cela occasionnerait des explorations sans fin : "L'ambition d'introduire un score polygénique généralisé pour le cancer de la prostate nécessiterait un investissement sans précédent dans l'imagerie diagnostique, telle que l'imagerie par résonance magnétique..." selon les auteurs.
Qu'est-ce que la population peut attendre des scores polygéniques ?
Dans ce paragraphe est pointée la vulnérabilité des scores polygéniques. La communication sur les risques des maladies envers la population est en général très complexe. La personne peut avoir certes un risque absolu autour d'un certain pourcentage pour une maladie, mais on doit tenir compte du risque relatif par rapport au risque sous-jacent de la maladie dans la population générale. Par exemple, les personnes dans les 5 % des scores polygéniques les plus élevés pour le cancer du sein ont un risque, au cours de leur vie, de 19 % , mais le risque de la population est de 11,8 %, ce dont il faut tenir compte.
Pour des affections moins courantes, expliquent les auteurs, " l'effet sur le risque absolu est souvent plus modeste. Les personnes dans les 5 % supérieurs des scores polygéniques pour le cancer de l'ovaire, par exemple, ont un risque durant leur vie de 2,1 %, contre un risque de 1,6 % dans la population." Même lorsqu'un risque absolu d'une personne est faible, cette personne pourrait être tentée de discuter de ce résultat avec un clinicien, demander des consultations occasionnant des coûts supplémentaires et mettant à rude épreuve les services de santé.
À l'inverse, on peut craindre que des personnes qui n'ont pas de scores polygéniques «à haut risque» pourraient être faussement rassurées et moins susceptibles de consulter un médecin pour des symptômes pourtant existants et préoccupants qu'elles négligeront.
Les auteurs mettent en garde :
Les résultats des scores polygéniques" peuvent être mal compris et causer de la détresse. Une enquête auprès de 227 personnes accédant aux scores polygéniques en ligne sans conseil, pour une grande variété de maladies (dont certaines sans options claires de prévention ou de traitement) a révélé que seulement 25,6 % ont répondu correctement à toutes les questions relatives à la compréhension et à l'interprétation des scores polygéniques, mais que 60,8 % vivaient l'expérience d'une réaction négative (sujet bouleversé, anxieux ou triste sur l'échelle des « sentiments à propos des résultats des tests génomiques »), après avoir reçu leurs résultats. Une compréhension plus faible des scores polygéniques était associée à une réaction psychologique négative."
De plus, si l'utilisation de ces tests étaient généralisée, on pourrait craindre que des assureurs cherchent à utiliser ces scores afin de déterminer l'éligibilité à l'assurance des personnes demandeuses.
Les facteurs de risque non génétiques nécessitent une plus grande attention
Dans cette ultime partie, les auteurs soulignent le fait que si les scores polygéniques apparaissent attractifs pour prédire un risque de maladie, ils ne doivent pas faire oublier des facteurs de risque "peu prestigieux" mais bien établis comme le tabagisme, l'obésité et la privation socio-économique, qui comptent plus que les antécédents génétiques d'une personne, certains de ces facteurs étant évitables. Il faut investir davantage dans la lutte contre les facteurs de risque de maladie liés au mode de vie avec des initiatives et des politiques d'arrêt du tabac p.ex., et donner aux populations les moyens de faire des choix sains en matière d'alimentation et d'exercice.
La plupart des maladies surviendront chez des personnes n'ayant pas de score polygénique élevé. De plus écrivent les rédacteurs de cette publication, autant les scores polygéniques n'améliorent au mieux que bien légèrement la prédiction du risque de chaque personne, l'utilisation de scores polygéniques profitent encore moins aux personnes d'ascendance non européenne, auxquelles ils n'ont pas été adaptés.
Pour les auteurs, " l'enthousiasme autour des scores polygéniques ne doit pas nuire aux efforts visant à lutter contre les grands facteurs de risque modifiables, qui ont une utilité généralisable à l'échelle de la population."
Résumé des auteurs
Les scores polygéniques présentent des avantages modestes et des inconvénients.
Ils ne doivent pas détourner les ressources en santé et l'attention mise sur d'autres facteurs de risques qui contribuent, eux, bien plus aux maladies.
Cliniciens et public doivent être conscients du fait que l'intérêt des scores est très limité et son impact décevant sur la prédiction des risques.
" Les scores polygéniques ont le potentiel d'améliorer légèrement la prédiction du risque pour les maladies courantes, mais les avantages de leur utilisation seront modestes. Une discussion plus large concernant les limites des scores polygéniques est essentielle, ainsi que des recherches solides qui examinent leur utilité clinique dans le monde réel. Cela est nécessaire pour garantir qu'une concentration excessive sur les risques génétiques ne détourne pas le temps, l'argent et l'attention portés à d'autres contributeurs de maladie beaucoup plus importants. Contrairement à ce à quoi de nombreuses personnes pourraient s'attendre compte tenu des discours déterministes habituels sur la génomique, un score polygénique élevé aura généralement un impact plutôt décevant sur le risque absolu, et les cliniciens et le public doivent le savoir."
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Une étude de cohorte rétrospective* publiée en février 2023 dans "Academic Radiology" compare les caractéristiques des cancers du sein d'intervalle, ceux qu'on appelle les faux négatifs, c'est à dire des cancers qui n'ont pas été détectés à la mammographie et se déclarent entre deux mammographies de dépistage, avec les cancers du sein détectés à la mammographie de dépistage.
Qu'est-ce qu'un cancer de l'intervalle, pourquoi est-il très frustrant pour les femmes participant au dépistage et quelles sont les constatations de l'étude sur leurs caractéristiques ?
* Type d'enquête qui consiste à examiner, sur la base de données présentes dans les dossiers médicaux ou dans des registres de données une population définie (la cohorte), et de comparer un critère ou un évènement (ici les caractéristiques des cancers du sein) observé avec un ou plusieurs autres groupes d'individus définis en fonction de critères (âge, conditions de vie, etc..)
1° le cancer existant déjà et réellement "loupé"- l’examen mammographique n’est pas infaillible. Les seins denses sont difficiles à explorer et la trame glandulaire très présente entraîne une sorte d'opacité à la mammographie empêchant de discerner un cancer. Certains cancers dits « infiltrants » se confondent avec le tissu mammaire. D’autres sont de forme atypique, d’autres encore sont carrément occultes : on ne les voit pas ; la femme ressent un beau jour une boule alors que le cancer n’est toujours pas identifiable en mammographie.
2° le cancerd'intervalle Le cancer d'intervalle à proprement parler est un cancer qui n’était effectivement pas là lors de l’examen mammographique, ou alors au simple stade de cellules. Mais son agressivité et sa croissance sont telles qu’il se développe très rapidement, en quelques jours, quelques semaines ou quelques mois, donc dans l’intervalle théorique entre deux mammographies de dépistage, d’où son nom. Cette situation est très frustrante pour la patiente à laquelle on a fait valoir le caractère protecteur et salvateur du dépistage, avec une impression pour elle d'avoir "tout bien fait", et d'être malgré tout mal récompensée de son assiduité.
illustration du livre de C.Bour "Mammo ou pas mammo ?", édition T.Souccar
Résultats de l'étude réalisée
Les conclusions majeures retirées par les auteurs sont que les cancers d'intervalle, en comparaison avec ceux détectés à la mammographie sont en moyenne :
Plus fréquents chez les femmes à seins denses (presque trois fois plus) Pour les auteurs, la densité mammaire est restée significativement associée au développement d'un cancer de l'intervalle. Lorsqu'elle est stratifiée par âge, la densité mammaire n'est significative que pour les femmes âgées de plus de 50 ans. Cela peut s'expliquer par le fait que le tissu mammaire dense est plus fréquent chez les femmes plus jeunes, puisqu'il est présent chez plus de 50 % des femmes de moins de 50 ans, mais seulement chez moins de 30 % des femmes de plus de 70 ans.
De stade plus avancé et à caractéristiques biologiques plus défavorables que les cancers détectés par mammographie. Autrement dit, le dépistage détecte surtout des cancers de stade peu agressif et des carcinomes in situ, dont bon nombre alimentent le réservoir des surdiagnostics. Par rapport aux cancers détectés par dépistage, les cancers d'intervalle étaient plus souvent des cancers invasifs que des carcinomes canalaires in situ (88 % contre 75 %, p = 0,007). En outre, 43 % (41/96) des cancers d'intervalle étaient des tumeurs primaires de stade 2 ou plus, contre seulement 12 % (139/1136) des cancers du sein détectés par dépistage (p < 0,001). Les cancers de l'intervalle étaient le plus souvent diagnostiqués en raison de symptômes et d'anomalies dans le sein.
Le fait de femmes avec des antécédents familiaux de cancer du sein, notamment au premier degré (mère, soeur, fille) par rapport aux femmes diagnostiquées avec un cancer détecté par dépistage, bien que les antécédents familiaux ne soient pas significatifs dans l'analyse multivariée (méthode statistique utilisée lorsque plusieurs facteurs influent potentiellement sur un résultat.)
Conclusion des auteurs
Le phénotype agressif des cancers d'intervalle permet d'expliquer pourquoi ils n'étaient pas visibles lors de l'examen de dépistage initial mais détectables moins d'un an plus tard. Ces cancers ont probablement une croissance rapide et sont soit nouveaux, soit trop petits pour être visibles au moment du dépistage. Les auteurs relèvent que ce point a été spécifiquement étudié par Gilliland et al.
Par ailleurs, lors de l'analyse des sous-ensembles, les cancers d'intervalle diagnostiqués lors d'une IRM de dépistage à haut risque étaient plus susceptibles d'être des carcinomes canalaires in situ et des tumeurs primaires de stade 0 ou 1, comparés aux cancers d'intervalle qui étaient symptomatiques.. Pour les auteurs, cela confirmerait l'utilité de l'IRM de dépistage pour les femmes à haut risque et présentant une densité mammaire élevée, car l'IRM s'avérait utile pour identifier certains cancers d'intervalle à un stade plus précoce que les cancers d'intervalle identifiés par les patientes à la suite d'un symptôme apparu dans le sein.
(Mais on peut objecter que la découverte d'un cancer de stade plus précoce chez les femmes à haut risque ne nous dit pas s'il s'agit d'un cancer d'intervalle détecté réellement plus tôt et qu'on empêchera ainsi d'évoluer ou s'il s'agit d'un cancer intrinsèquement à caractéristiques favorables qui n'aurait pas ou peu évolué. Pour en savoir plus sur la problématique des IRM supplémentaires (surdiagnostics, cascades d'examen, faux positifs) lire : Grosse déconvenue de l'IRM mammaire, 2022, et Dépistage supplémentaire par IRM pour les femmes avec seins denses, 2019)
Commentaire Cancer Rose
Nous reprenons le commentaire de l'excellent blog de notre confrère Dr Agibus -
Dans son billet Dragiwebdo n°386, chapitre 5, Dr Agibus résume très bien la conclusion de l'étude en rappelant le schéma dit de la "basse-cours" ; barnyard analogy breast cancer screening - Voici ce qu'il écrit :
" Un article s'intéresse à la mammographie et aux cancers d'intervalles. Les auteurs ont comparé les cancers diagnostiqués sur les mammographies par un dépistage et ceux diagnostiqués alors qu'une autre mammographie de dépistage avait été faite précédemment. Ils trouvent que les cancers d'intervalle sont de stades plus élevés et de moins bon pronostique (triple négatifs, adénopathies) que les cancers découverts lors du dépistage. Cette étude confirme (en tous cas apparait en faveur) du fait que la mammographie de dépistage dépiste des cancers peu agressifs (les lapins et tortues, parfois trop tortue d'ailleurs), alors que les cancers agressifs (les oiseaux) passent entre les mailles et sont dépistés sur des symptômes même en cas de mammographies régulières. Pour mémoire " :
Cliquez sur l'image
En d'autres termes, les cancers agressifs sont intrinsèquement agressifs et c'est pour cela qu'on ne les anticipe pas, ceux détectés par mammographies répétées correspondent à des cancers moins graves et curables, avec un temps de séjour suffisamment long dans le sein de telle sorte que le dépistage peut les déceler, mais dont une grande partie alimente les surdiagnostics (notamment les in situ). Pour comprendre, lire https://cancer-rose.fr/2017/06/10/les-petits-cancers-du-sein-sont-ils-bons-parce-quils-sont-petits-ou-parce-quils-sont-bons/
Ici les auteurs alertent sur les découvertes inutiles lors d'examen de routine, et qui débouchent sur ce qu'on appelle des "cascades d'examens".
L'un des paradoxes de l'imagerie médicale moderne, disent-ils, est que la source de notre plus grand accomplissement - la capacité d'imager le corps humain de manière toujours plus détaillée - est également la source de l'un de nos plus grands défis. Le succès de l'imagerie médicale comme outil de diagnostic a entraîné une augmentation considérable de son utilisation. Les progrès technologiques permettent d'acquérir des images à plus haute résolution et en plus grand nombre que jamais auparavant. Cela a conduit à une augmentation de la détection de découvertes qui ne semblent pas être liées à l'objectif principal de l'examen et qui ont été appelées " fortuites ", et c'est surtout le fait des scanners et de l'IRM. Beaucoup d'entre elles sont inoffensives, mais certaines ont des conséquences importantes pour la santé du patient.
Les radiologues, selon eux, doivent se familiariser avec les découvertes fortuites les plus courantes afin d'évaluer au mieux leur importance dans chaque cas, et de pouvoir recommander des examens complémentaires appropriés, lorsque cela est justifié, car ces découvertes fortuites ont des implications pour le patient et le service dans son ensemble et doit être mûrement réfléchie.
On qualifie de découvertes fortuites toutes les découvertes qui ne sont pas directement liées à l'objectif principal pour lequel l'examen d'imagerie a été effectué, par exemple la découverte d'un nodule surrénalien sans aucune plainte du patient, lors d'un scanner ou d'une échographie pour douleurs abdominales, symptôme répandu et pas toujours très spécifique. Ou la découverte d'un nodule rénal lors d'un scanner pour maladie pulmonaire. Le développement et l'introduction potentiellement généralisée dans la pratique clinique de tests sanguins pour détecter l'ADN tumoral circulant peuvent ajouter une autre couche de complexité. Lire ici : https://cancer-rose.fr/2022/09/15/biopsie-liquides-le-graal-2/
Cette augmentation du taux de détection s'accompagne d'un certain nombre de problèmes. Les auteurs expliquent : " Parfois, les images elles-mêmes peuvent inclure des caractéristiques qui nous permettent d'être raisonnablement sûrs qu'une découverte particulière est importante ou non - le site, la taille, la morphologie, l'atténuation ou les caractéristiques du signal peuvent tous être utiles. Dans de nombreux autres cas, il y aura un doute et une décision devra être prise sur la meilleure façon de gérer cette incertitude. S'il est décidé qu'une lésion particulière ne peut être considérée comme non pertinente, une imagerie supplémentaire ou d'autres tests plus invasifs peuvent être recommandés. L'impact sur le patient peut aller de l'anxiété et d'un désagrément mineur à un préjudice réel en cas de complication d'une procédure invasive telle qu'une biopsie ou une endoscopie. On a beaucoup écrit sur le concept de surdiagnostic - la détection et le traitement ultérieur d'une maladie qui, si elle n'était pas traitée, ne causerait pas de problèmes au cours de la vie du patient. Bien que ce terme soit le plus souvent utilisé en relation avec les programmes de dépistage, il s'applique également aux découvertes fortuites trouvées chez les patients symptomatiques.
La personne vit avec et mourra avec son cancer, pas à cause de lui. illustration du livre de C.Bour "mammo ou pas mammo?", édition T.Souccar
Le récit du diagnostic précoce est séduisant, mais le terme de cancer - tel qu'il est actuellement utilisé - couvre de nombreuses maladies très différentes, y compris certaines lésions indolentes qui seraient surtraitées par les stratégies thérapeutiques traditionnelles. (NDLR : une référence citée concerne le CCIS de bas grade). On espère que les développements de l'intelligence artificielle nous aideront à l'avenir à mieux stratifier ces patients en fonction de différentes stratégies de prise en charge, dont certaines pourraient impliquer une observation plutôt qu'une intervention. Pour l'instant, il existe toujours un risque important que la détection et le signalement d'une découverte fortuite entraînent un surtraitement. Outre l'impact sur le patient individuel, les implications pour les services de radiologie sont importantes, en particulier dans un système financé par l'impôt ... Le coût direct des examens de suivi est un élément à prendre en compte, mais un risque encore plus grand est que l'augmentation du nombre d'examens réalisés pour suivre des découvertes fortuites rende inévitablement les services plus difficiles d'accès pour d'autres patients, dont certains peuvent avoir des besoins plus importants."
Et de conclure :
"Tout d'abord, nous devons accepter qu'étant donné les incertitudes inhérentes à la pratique de la radiologie et les limites des tests que nous utilisons, nous n'aurons pas toujours raison. Ensuite, nous devons veiller à être en mesure de faire la meilleure évaluation possible de la pertinence de chaque découverte. Nous devons nous familiariser avec les aspects de la découverte fortuite commune dans chaque organe, .... ainsi qu'avec les caractéristiques qui, dans chaque cas, donnent la meilleure orientation possible quant à leur importance probable. Enfin, nous devons reconnaître que le choix de mentionner un résultat particulier dans un rapport radiologique n'est pas un acte neutre - il a des conséquences pour le patient, pour le service et pour les autres patients. Pour le patient, nous l'engageons potentiellement à subir d'autres examens, dont certains peuvent être préoccupants, voire réellement préjudiciables. Pour le service, nous imposons un fardeau supplémentaire...."
Notre conclusion
Nous avons tous un devoir et une responsabilité dans les décisions médicales concernant les examens que nous demandons et réalisons pour l'intérêt du patient. Les prescripteurs mais aussi les radiologues doivent se poser la question sur la portée de ce qu'ils cherchent et ensuite, pour les radiologues, de ce qu'ils décrivent. Quel poids et quelle importance donner à ce qu'ils découvrent. Simplement énumérer des images et laisser au médecin traitant le soin de décider quoi faire de ces images fait peser la responsabilité des suites au seul prescripteur seul.
Les patients aussi doivent être dûment informés de ce que les examens systématiques, de routine, ou les examens, comme on peut le lire parfois sur des ordonnances, de "réassurance", peuvent impliquer pour leur santé.
Les examens de dépistage ne sont pas infaillibles ni anodins, ils ne sont pas des boucliers imparables contre les maladies, ils peuvent "rater" des lésions authentiques, ils peuvent faire découvrir des choses inutiles au patient, et aussi le faire basculer dans une maladie qu'il n'aurait jamais connue sans eux.
Traduction de l'article de M.Davenport, "Découvertes fortuites et soins de faible valeur"
Découvertes fortuites et soins de faible valeur
Perspective clinique sur invitation, Matthew S Davenport, MD, 2023 Jan 11. Départements de radiologie et d'urologie, Michigan Medicine, Ann Arbor MI 48108. doi : 10.2214/AJR.22.28926. Epub avant impression. PMID : 36629303. https://www.ajronline.org/doi/abs/10.2214/AJR.22.28926
Points clés :
La détection d’incidentalomes dans une population à faible risque entraîne généralement des soins de faible valeur et potentiellement nuisibles, y compris paradoxalement pour de nombreux cancers.
Introduction
Les découvertes fortuites en imagerie sont courantes [1-3]. Elles peuvent être définies comme des résultats d'imagerie non attendus et non liés à la raison de consultation principale du patient [1-3]. Environ 15 à 30 % de tous les examens d'imagerie diagnostique et 20 à 40 % des examens de scanner comportent au moins une découverte fortuite [1]. Des groupes comme par exemple l'American College of Radiology et d'autres ont déployé des efforts considérables pour fournir des algorithmes de gestion des découvertes fortuites, mais il manque de données sur les conséquences ou le ratio coût-efficacité pour justifier la plupart des algorithmes recommandés [3-7]. En général, la précision du diagnostic (c'est à dire, la découverte fortuite a-t-elle permis de diagnostiquer un cancer ?) et le taux de détection (c'est à dire, l'imagerie a-t-elle permis de mettre en évidence une découverte fortuite pour laquelle une prise en charge supplémentaire est recommandée dans une ligne directrice ?) sont utilisés pour valider les lignes directrices pour les incidentalomes. Cependant, on se rend de plus en plus compte que la détection d'un cancer à un stade précoce n'est pas toujours un résultat idéal [6,8-15].
La poursuite des examens d'imagerie et du suivi clinique, interventionnel ou chirurgical des découvertes fortuites a pour but la prévention des risques, grâce à un diagnostic précoce. Mais dans de nombreux cas, il s'est avéré que cela provoquait l'effet inverse, c'est-à-dire une augmentation des risques sans bénéfice pour le patient [6,8-15]. C'est paradoxalement vrai pour de nombreux patients pour lesquels on diagnostique un cancer incident à un stade précoce (par exemple, un cancer de la prostate de grade I, un cancer kystique du rein, un cancer micropapillaire de la thyroïde, autres) [8-15]. Outre les dommages physiques causés par les complications iatrogènes, les examens de suivi des incidentalomes entraînent des dommages émotionnels et une toxicité financière dus aux "cascades d’examens", où l’examen de référence engendre une série de tests et d'interventions supplémentaires coûteux, qui eux-mêmes déclenchent toujours plus de tests et d'interventions [14-23]. Il peut paraître étonnant que la détection précoce d'un cancer ou la collecte d'informations supplémentaires sur la santé d'un patient aient un impact négatif.
Pourtant, aussi déroutant que cela puisse être, ce phénomène s'est confirmé dans de nombreux contextes [6,8-15]. Il semble lié à de multiples facteurs, comme par exemple : les biais du dépistage, les estimations humaines inexactes du risque, une connaissance incomplète du risque, une médecine défensive, la peur du patient et du prestataire de soins, et la pression sociale et économique en faveur d'un diagnostic excessif.
Il est difficile de re-calibrer la perception humaine (par exemple, l'estimation du risque, la médecine défensive), ou de résoudre la question de la connaissance incomplète du risque sans des études pluriannuelles coûteuses (par exemple, la réalisation de tests biochimiques sur les nodules surrénaliens fortuits permet-elle d'améliorer la santé de manière efficace par rapport au coût ? [actuellement recommandé par [4-5]]).
Par la suite, nous verrons comment les biais connus du dépistage nous aident à prédire les conséquences observées liées aux incidentalomes - diagnostic préférentiel d'une maladie indolente et à faible risque, augmentation des coûts et de la morbidité, et mortalité inchangée. [29-30]. En d'autres termes, des soins à faible valeur ajoutée.
Découvertes fortuites et liens avec le dépistage
Les découvertes fortuites sont souvent le résultat d'un examen d'imagerie sensible, comme le scanner ou l'IRM, qui permet de visualiser des organes et d'autres parties du corps présentant un faible risque de maladie grave. Il existe de fortes similitudes entre les résultats cliniques de cette approche et les résultats du dépistage intentionnel des patients à faible risque par imagerie du corps entier, une pratique qui a été réfutée par l'American College of Radiology et contestée par la FDA américaine en raison de la faible probabilité d'identifier une maladie sérieuse et de la forte probabilité de soins en cascade à faible valeur ajoutée.[31-32].
Les découvertes fortuites ne sont pas liées au problème principal [1-3]. Par conséquent, le patient est considéré comme étant à faible risque du point de vue d'une découverte fortuite, à moins qu'il ne présente une comorbidité qui coïncide avec celle-ci (par exemple, antécédents de tabagisme à haut risque et nodule pulmonaire fortuit identifié chez un patient examiné pour une douleur du quadrant inférieur droit). Dans la plupart des cas, une découverte fortuite ne sera pas liée à un antécédent, un signe ou un symptôme à haut risque, car l'examen d'imagerie est, par définition, réalisé pour une autre indication.
Ces facteurs permettent de prédire la faible valeur des soins que nous observons après l'identification et la prise en charge des découvertes fortuites [1,6,8-15,31-32]. Si le patient présente un faible risque de maladie (c'est le cas de la plupart des découvertes fortuites qui, par définition, n'ont aucun rapport avec la maladie suspectée) et si l'examen est sensible (par exemple, le scanner ou l'IRM), les faux positifs seront fréquents, les maladies indolentes seront détectées plus souvent que les maladies agressives, et le surdiagnostic et le surtraitement domineront, tout en donnant l'illusion d'une amélioration des soins grâce à une identification précoce. Ce résultat est analogue à celui qui résulte du dépistage d'une population à faible risque. Bien que la plupart des découvertes fortuites résultent d'examens diagnostiques (et pas de dépistage) cliniquement indiqués, la probabilité qu'une découverte fortuite soit importante est fortement influencée par les biais analogues au dépistage. Considérons ceci. Le test de dépistage idéal est peu coûteux (coût faible pour le patient, coût faible pour le système), valide (peu de faux positifs, peu de faux négatifs), ciblé (destiné aux patients avec une prévalence de la maladie élevée) et utile (c'est-à-dire qu'il détecte une maladie préclinique qui, autrement, deviendrait cliniquement importante, dans des délais suffisants pour intervenir avec un traitement efficace qui conduit à un meilleur résultat ) [29-30]. Dans la section suivante, les biais courants du dépistage seront associés aux découvertes fortuites pour aider à expliquer pourquoi nous observons des soins de faible valeur en cascade à partir de leur détection [1,6,8-25,28,31-37].
Biais du dépistage
Le dépistage comporte plusieurs biais courants et bien connus [29-30]. Ces biais amplifient l'efficacité apparente du dépistage et donnent un aperçu de la gestion des découvertes fortuites. En effet, les découvertes fortuites résultent du dépistage par inadvertance de parties du corps, à faible risque de maladie.
Biais de longueur de temps (ou biais de sélection des cancers d’évolution lente)
Le biais de longueur de temps désigne la tendance d'un test de dépistage à identifier plus souvent une maladie indolente qu'une maladie agressive [29-30]. La maladie indolente se développe lentement ou pas du tout, tandis que la maladie agressive se développe ou progresse rapidement. Si l'on procède à des examens d'imagerie chez un patient à un intervalle aléatoire, il est beaucoup plus probable qu'une maladie indolente soit fortuitement trouvée plutôt qu'une maladie agressive.
L'indolence d'une découverte, c'est-à-dire la probabilité qu'elle ne cause aucun effet négatif ou symptôme pendant de nombreuses années, pondère proportionnellement sa prévalence par rapport à une découverte qui n'est présente que pendant une brève période avant de produire des symptômes (eg à partir du moment où elle n'est plus fortuite). Par exemple, prenons le cas d'un patient présentant une découverte indolente (eg un néoplasme papillaire brachial mucineux intraductal de 1,5 cm [BD-IPMN]) qui est examiné par imagerie à des intervalles aléatoires entre 50 et 69 ans. Au cours de ces vingt années, si à un moment donné le patient est examiné par un scanner ou une IRM de l'abdomen, la découverte sera probablement détectable et peu changée. Considérons maintenant un autre patient qui a une découverte agressive (eg un adénocarcinome pancréatique de 1,5 cm). Si le patient est soumis à des examens d'imagerie à des intervalles aléatoires entre 50 et 69 ans, la fenêtre pendant laquelle la découverte sera identifiable et résécable est brève, probablement moins d'un an. D'un point de vue probabiliste, indépendamment de la prévalence de la maladie, une maladie indolente a beaucoup plus de chances d'être visible qu'une maladie agressive lors d'un examen effectué à un intervalle aléatoire. Il s'agit d'un biais de longueur de temps, qui contribue à expliquer pourquoi la plupart des découvertes fortuites que nous observons ont une importance clinique faible ou négligeable, même si notre intuition nous dit le contraire (eg lorsque l'on parle d'un cancer).
Biais lié au temps d'avance
Le biais lié au temps d'avance se réfère à la détection précoce d'un cancer, avant qu'il ne soit cliniquement détectable, mais sans aucune possibilité d'influer sur l'évolution de la maladie [29-30]. Un test de dépistage idéal détectera un cancer avant qu'il ne soit symptomatique, mais aussi dans un délai où un traitement efficace pourra modifier l'évolution de la maladie. Pour éviter le biais lié au temps d'avance, il faut que le cancer soit détecté avant l'apparition des symptômes cliniques, qu'un traitement efficace soit disponible et que l'effet du traitement soit différentiel si ce dernier est appliqué avant l'apparition des symptômes. Si le traitement a la même efficacité s'il est administré avant ou après l'apparition des symptômes, la détection du cancer avant l'apparition des symptômes n'est pas bénéfique.
Prenons l'exemple d'un patient qui développe un cancer présentant les caractéristiques temporelles suivantes : 2 ans entre le début du cancer et la détectabilité par imagerie, 3 ans entre le début du cancer et les symptômes cliniques, 5 ans entre le début du cancer et le décès par cancer. Si aucune imagerie n'est réalisée, le patient aura une survie perçue de 2 ans (5-3 = 2), définie comme le délai entre les symptômes cliniques et le décès. Cependant, si l'imagerie est réalisée à l'année 2 après le début de la maladie, le patient aura une survie perçue de 3 ans (5-2 = 3), correspondant au délai entre la détection et le décès. Trois ans, c'est 50 % de plus que le cas de référence (2 ans), même si aucun traitement n'a été administré pour modifier l'évolution de la maladie. Il s'agit d'un biais lié au délai d'avance, qui contribue à expliquer pourquoi la prolongation de la survie apparente après la détection d'une découverte fortuite à un stade précoce n'implique pas nécessairement un bénéfice pour le patient.
Surdiagnostic
Le biais de surdiagnostic est la détection d'une maladie qui ne serait jamais dangereuse pour le patient [34]. Il peut être considéré comme un exemple hyperbolique du biais de longueur [29-30,34]. De nombreuses découvertes fortuites correspondent à des surdiagnostics. Lorsque les surdiagnostics sont associés à des diagnostics de cancer agressifs sans tenir compte de l'agressivité de la maladie, cela peut impliquer un effet bénéfique du dépistage (c'est-à-dire la détection des découvertes fortuites). Un groupe enrichi par le surdiagnostic semblera vivre plus longtemps et avoir une maladie moins avancée parce que la maladie dans le groupe dépisté sera moins agressive. Prenons l'exemple d'un patient présentant une masse rénale kystique accidentelle de type Bosniak IIF. Les masses Bosniak IIF sont fréquentes, mais rarement cancéreuses (environ 15 % des masses réséquées, moins de 5 % de toutes les masses identifiées) [6,35]. Celles qui sont cancéreuses sont très probablement indolentes et peu susceptibles de provoquer une morbidité ou une mortalité non liée aux effets du traitement [6,35].
Le carcinome rénal kystique indolent incident survenant dans une masse kystique Bosniak IIF n'est pas comparable à un carcinome rénal solide à cellules claires agressif de type Fuhrman 3 sur 4. Si l'on ne tient pas compte de l'agressivité de la maladie, l'inclusion de masses kystiques indolentes Bosniak IIF dans une population générale de carcinomes à cellules rénales biaisera les résultats et laissera supposer un effet bénéfique de la détection fortuite (c'est-à-dire un faible risque de récidive ou de métastase, une survie apparente plus longue). Il s'agit d'un biais de surdiagnostic, qui explique en partie pourquoi la prise en compte binaire du cancer par rapport à l'absence de cancer peut être trompeuse et entraîner des soins de faible valeur.
Bénéfices et risques des découvertes fortuites
La détection de certaines découvertes fortuites peut améliorer la morbidité ou la mortalité grâce à une détection précoce. Ceci est particulièrement vrai si le patient présente par coïncidence des facteurs de risque pour la maladie détectée (par exemple, une masse rénale solide accidentelle de 3,2 cm chez un patient atteint du syndrome de von Hippel-Lindau et examiné par tomodensitométrie pour une suspicion de diverticulite). En effet, les facteurs de risque coïncidents enrichissent la prévalence de la maladie significative et, par conséquent, la probabilité qu'une découverte fortuite soit significative. Dans ce contexte, le terme "significatif" fait référence au résultat idéal d'un test de dépistage : la détection préclinique, lorsqu'un traitement efficace donnerait un résultat supérieur s'il était administré avant l'apparition des symptômes. Cependant, les facteurs de risque coïncidents sont rares car, par définition, les découvertes fortuites n'ont aucun rapport avec le problème principal. Le manque de preuves et la compréhension incomplète de l'interaction complexe entre le risque diagnostique et le risque en aval font qu'il est très difficile de déterminer, dans la pratique clinique courante, si la recherche de la plupart des découvertes fortuites produira des soins de grande valeur. Cette incertitude conduit généralement les radiologues et les prestataires de soins à privilégier la sensibilité diagnostique et à négliger les risques de dommages collatéraux [2,9,16-19].
Dans ce contexte commun, le bénéfice attribué à la prise en charge d'une découverte fortuite est instinctif ou gestuel plutôt que fondé sur des preuves. Par exemple, on peut attribuer un bénéfice à la détection d'une masse rénale ou thyroïdienne qui a été enlevée et dont il a été confirmé qu'elle était cancéreuse - la détection du cancer semblant être une preuve suffisante qu'un bénéfice a été apporté.
Cependant, ce n'est pas si évident [1,6,8-25,28,31-37]. De nombreuses études ont montré que l'intervention sur des découvertes fortuites, y compris celles qui concernent le cancer, peut entraîner des soins de faible valeur et causer des dommages [11-12, 14-15, 33, 36-37]. Par exemple, la détection d'un cancer qui, s'il n'avait pas été identifié, n'aurait pas affecté la vie du patient ou la détection d'un cancer pour lequel l'intervention ne change pas la trajectoire de la maladie. Ces facteurs diminuent l'efficacité de la gestion des découvertes fortuites. Outre une efficacité douteuse, il existe également des inconvénients, notamment des faux positifs, la nécessité d'un test de confirmation ou d'un suivi, le coût, les complications du diagnostic et du traitement, ainsi que l'anxiété aiguë et chronique [1,6,8-25,28,31-33,37]. Le défi de la gestion des découvertes fortuites est de déterminer lesquelles nécessitent une prise en charge et lesquelles n'en nécessitent pas. De plus, si la prise en charge est nécessaire, comment le faire de manière à maximiser la valeur pour le patient. Ceci n'est pas intuitif, nécessite une étude détaillée et l'intégration de nombreux facteurs au-delà des caractéristiques d'imagerie : risque pour le patient, risque de la maladie, préférence du patient, thérapies disponibles, inconvénients d'un diagnostic de confirmation et inconvénients de la thérapie. Elle est compliquée. Il y a de fortes chances que la prise en charge d'une découverte fortuite cause un préjudice. Il existe de nombreux exemples regrettables dans la littérature. Dans la section suivante, trois exemples spécifiques sont présentés.
Études de cas spécifiques à une maladie
Des études en population ont mis en évidence les préjudices et les soins à faible valeur ajoutée résultant de la détection de découvertes fortuites. Ils suivent des thèmes prévisibles, communs et progressifs, tragiquement similaires pour de nombreuses découvertes fortuites courantes [1-3,16-19,21-32,35]. Au départ, on s'enthousiasme à l'idée d'un diagnostic précoce du cancer grâce à la détection d'une découverte fortuite.
La découverte fortuite est alors considérée comme un avantage secondaire de l'imagerie. Des lignes directrices et des recommandations pour la prise en charge sont élaborées afin que les patients tirent le maximum de bénéfices de la détection précoce. Des systèmes sont mis en place pour assurer une imagerie et un suivi clinique appropriés. Cependant, les grandes études de population qui ont suivi ont eu du mal à prouver les avantages du dépistage, surtout lorsqu'on les considère dans le contexte des biais de dépistage, et ont mis en évidence les préjudices subis par les populations qui étaient censées être aidées. La découverte fortuite est associée à une prépondérance de faux positifs, au diagnostic d'une maladie indolente ou cliniquement sans importance, et sans changement significatif de la mortalité liée à la maladie. Après un processus de plusieurs années et beaucoup de coûts et de dommages collatéraux, une représentation plus complète des soins à faible valeur ajoutée qui en découlent émerge. L'approche initialement agressive tend à diminuer et la découverte fortuite est désormais perçue comme un inconvénient de l'imagerie. En général, les lignes directrices régissant la prise en charge des découvertes fortuites ne disposent pas d'arguments en faveur d'un rapport coût-efficacité favorable à des soins de haute valeur. Si les découvertes fortuites chez les patients à faible risque sont courantes et importantes - comme l'indiquent les lignes directrices sur la prise en charge des découvertes fortuites - on pourrait alors argumenter qu'un dépistage à grande échelle devrait être effectué dans la population générale (c'est à dire étendre la prise en charge des découvertes fortuites aux efforts de détection au niveau de la population). Cela a été tenté et s'est révélé néfaste [10-11, 31-32]. On pourrait prétendre que la proposition de valeur s'améliore si l'incidentalome est déjà découvert (eg plutôt que d'essayer de le chercher). Voici trois exemples parmi tant d'autres où cette approche a également entraîné des dommages et des soins de faible valeur.
Le cancer de la thyroïde
L'échographie thyroïdienne à haute résolution identifie au moins un nodule thyroïdien chez 19 à 68 % des patients adultes sélectionnés au hasard, avec une probabilité plus élevée chez les femmes et les personnes âgées [38-39]. En outre, le cancer de la thyroïde est souvent détecté lors du prélèvement de nodules thyroïdiens [40-42]. Un résultat d'imagerie commun qui présente une forte association avec le cancer suggérerait superficiellement un fort avantage clinique pour l'imagerie de la thyroïde, le signalement fastidieux des nodules thyroïdiens lorsqu'ils sont découverts fortuitement et le prélèvement agressif de nodules thyroïdiens pour identifier les cancers prévalents. Cette logique est intuitive et reflète ce qui s'est passé au cours des 50 dernières années.
Aux États-Unis, entre 1975 et 2009, l'incidence du cancer de la thyroïde a presque triplé (de 4,9 à 14,3 pour 100 000 patients ; taux relatif : 2,9 [IC 95 % : 2,7-3,1]) et a été associée à un coût estimé à des dizaines de milliards de dollars [10,43]. Cette augmentation s'explique quasi entièrement par l'augmentation des diagnostics de cancer papillaire de la thyroïde, asymptomatique et indolent (l'incidence du cancer papillaire est passée de 3,4 à 12,5 pour 100 000) [10].
L'augmentation absolue a été environ 4 fois plus élevée chez les femmes malgré une prévalence plus faible du cancer de la thyroïde dans les études d'autopsie [10]. Pendant la même période, la mortalité due au cancer de la thyroïde est restée inchangée (0,5 pour 100 000) [10]. Une augmentation notable de l'incidence avec une mortalité inchangée implique fortement un surdiagnostic [10,34]. En Corée du Sud, de 1993 à 2011, ce même problème s'est produit [11]. Cependant, contrairement aux États-Unis, où une grande partie des nodules thyroïdiens sont détectés de manière fortuite, la Corée du Sud a mis en place un programme de dépistage financé par le gouvernement [11]. La logique, comme nous l'avons déjà noté, était apparemment sensée : les nodules thyroïdiens sont répandus et sont couramment porteurs de cancer ; le dépistage est donc intuitivement logique. Or, le taux de diagnostic du cancer de la thyroïde a été multiplié par 15 sans que le taux de mortalité ne change [11].
Des milliers de patients ont dû subir une thyroïdectomie avec le risque associé de lésion du nerf laryngé récurrent et la nécessité subséquente d'un remplacement à vie des hormones thyroïdiennes sans bénéfice apparent [11]. Malgré les meilleures intentions et la logique intuitive, des préjudices à la population, des coûts énormes et des soins de faible valeur ont suivi. Heureusement, l'épidémie de surdiagnostic en Corée du Sud a été reconnue [12]. Une campagne de messages publics a été entreprise en 2014 pour décourager les citoyens de se soumettre au dépistage. Cela mérite d'être répété. Les patients ont été activement avertis d'éviter de connaître le cancer qu'ils pourraient avoir, car le fait de le savoir était plus nuisible qu'utile. À la suite de cette campagne de messages, les thyroïdectomies ont diminué d'environ 35 % et l'incidence du cancer de la thyroïde a diminué d'environ 30 % (12).
Néoplasmes intracanalaires papillaires et mucineuses du pancréas (BD-IPMN)
Chez les patients adultes asymptomatiques âgés de plus de 40 ans, environ 5 à 25 % d'entre eux présentent une lésion pancréatique kystique uniloculaire qui est présumée être un BD-IPMN [44-48]. Ces lésions sont 2 à 3 fois plus fréquentes à l'IRM qu'au scanner (en raison de la meilleure résolution du contraste) et sont plus fréquentes chez les patients plus âgés [44-48]. La plupart sont subcentimétriques. Des études ont révélé une légère augmentation du risque de développement d'un adénocarcinome pancréatique chez les patients présentant des BD-IPMN plus larges [49].
Le risque de survenue d'un adénocarcinome pancréatique chez un patient atteint d'un BD-IPMN a été résumé dans une méta-analyse de 2016 à 0,007 par années-personnes de suivi [49]. Parmi les 13 études de cette méta-analyse qui incluaient la taille [49], le diamètre moyen ou médian était ≥20 mm dans 7 études et ≥10 mm dans 12 études. En d'autres termes, la méta-analyse était biaisée en faveur des BD-IPMN de plus grande taille, et a donc probablement amplifié le risque d'adénocarcinome (même si l'estimation du risque était malgré tout faible). Ceci est compréhensible car les séries histologiques sont généralement constitués de BD-IPMN de plus grande taille.
Dans une étude de modélisation utilisant ces données, l'avantage en termes d'espérance de vie de la surveillance des BD-IPMN de plus grande taille chez les patients de plus de 60 ans était en général inférieure à 6 mois, l'avantage calculé en termes d'espérance de vie diminuant à un peu plus d'un mois chez les patients d'âge avancé et présentant des comorbidités (50).
Étant donné la prévalence des BD-IPMN et leur association potentielle avec l'adénocarcinome pancréatique mortel, la surveillance et l'intervention pour prévenir les dommages ont suscité un intérêt fort et compréhensible. Pour qu'un programme de dépistage secondaire des BD-IPMN soit efficace et produise une valeur élevée, chacune des quatre considérations suivantes doit être vraie : la BD-IPMN observée doit augmenter le risque de cancer ; la cadence de surveillance doit permettre l'identification précise et fiable d'une découverte qui indique un adénocarcinome pancréatique à un stade précoce ; il doit exister une thérapie efficace qui permet de traiter l'adénocarcinome à un stade précoce avec de meilleurs résultats que si l'imagerie avait attendu l'apparition des symptômes ; et le programme doit être abordable. Chacun de ces éléments s'appuie sur la logique du dépistage [29-30]. Malheureusement, l'adénocarcinome pancréatique est agressif et se développe rapidement, et la cadence de surveillance recommandée dans la plupart des directives du BD-IPMN est annuelle.
Il est peu probable que l'imagerie de surveillance annuelle permette d'identifier un adénocarcinome asymptomatique dans une fenêtre où le traitement efficace serait différent de celui qui serait mis en place après l'apparition des symptômes.
De plus, l'imagerie est coûteuse pour les BD-IPMN car elle implique généralement une IRM ou une échographie endoscopique. En 2019, le groupe de travail américain sur les services préventifs a attribué la note " D : il y a une certitude modérée ou élevée que le dispositif ne présente aucun bénéfice net ou que les risques l'emportent sur les bénéfices " pour le dépistage du cancer du pancréas chez les adultes asymptomatiques dont on ne sait pas s'ils présentent un risque élevé de cancer du pancréas (c'est-à-dire les patients présentant un syndrome génétique héréditaire ou des antécédents de cancer du pancréas) [51].
Un commentaire spécifique a été fait sur le fait que les directives existantes pour les BD-IPMN sont à risque de surdiagnostic et de surtraitement [51]. Ces directives devraient continuer à évoluer. En attendant, il est probable que la poursuite de la surveillance agressive des petits BD-IPMN perpétue les soins à faible valeur ajoutée.
Cancer du rein
Des masses rénales incidentes sont présentes sur plus de 50 % des examens de tomodensitométrie et d'IRM [14-15,37,52-53]. Une proportion faible mais significative de ces masses est associée à un risque de carcinome des cellules rénales (par ex. masses solides sans graisse macroscopique ; et masses kystiques de Bosniak IIF, Bosniak III et Bosniak IV) [53-54]. Lorsqu'une masse rénale incidente indéterminée est identifiée, des algorithmes sont suivis pour déterminer la probabilité d'un cancer [3,5,53]. Ces algorithmes comprennent généralement une imagerie supplémentaire, et parfois une biopsie ou un traitement extirpateur [53]. La prévalence élevée des masses rénales incidentes, le potentiel cancéreux et l'incapacité à différencier de manière fiable les masses bénignes, indolentes et agressives ont conduit à une augmentation considérable du nombre de patients subissant une imagerie et une intervention rénale [6,8,14-15,36,53].
Les données SEER de 1975 à 2019 montrent une augmentation marquée de l'incidence du cancer du rein en raison de l'augmentation des détections incidentes (6,82 pour 100 000 en 1975 contre 15,85 pour 100 000 en 2019) mais malheureusement une mortalité inchangée (3,61 pour 100 000 en 1975 contre 3,44 pour 100 000 en 2020) [55]. L'augmentation de l'incidence est largement expliquée par la détection de masses incidentes ≤4 cm [15]. L'augmentation de la détection sans diminution de la mortalité implique fortement un surdiagnostic.
Les efforts déployés pour diagnostiquer et traiter les masses rénales à un stade précoce ont été associés à des coûts et des préjudices substantiels [6,8,36,50,56-57]. Entre 2000 et 2009, on estime que le nombre de masses rénales bénignes réséquées par chirurgie a augmenté de 82 % (de 3098 à 5624) aux États-Unis [36]. Dans une étude portant sur 15 millions de bénéficiaires de Medicare âgés de 65 à 85 ans entre 2010 et 2014, 43 % ont subi un examen tomodensitométrique du thorax ou de l'abdomen [8]. Dans cette population, l'imagerie de 1000 bénéficiaires supplémentaires a été associée à 4 néphrectomies supplémentaires (IC 95 % : 3-5 ; ce qui correspond à environ 25 000 néphrectomies supplémentaires au total). Le taux de mortalité associé à la néphrectomie était de 2,1 % à 30 jours et de 4,3 % à 90 jours [8]. Ces données impliquent que plus d'imagerie conduit à plus de détection, plus de chirurgie et plus de complications [8].
Pendant ce temps, la mortalité due au cancer du rein reste stable [14-15,55]. La reconnaissance du surdiagnostic et du surtraitement des petites masses rénales a conduit à l'émergence de la surveillance active comme stratégie de prise en charge acceptée [58].
Autres pathologies
Les trois études de cas mises en évidence (c'est-à-dire le cancer de la thyroïde, les BD-IPMN, le cancer du rein) ne sont que quelques exemples parmi tant d'autres de découvertes fortuites causant des soins de faible valeur et des préjudices potentiels (par exemple, des variantes normales à l'IRM de la colonne lombaire [33], le surdiagnostic d'un cancer de la prostate de grade I à faible risque détecté lors d'une biopsie systématique [59], la détection et la caractérisation fortuites de nodules bénins surrénaliens [avec pour conséquence des recommandations de tests biochimiques universels] [4-5,60-61], des découvertes fortuites bénignes à l'IRM du cerveau [62], et d'autres [63]). Dans chacun de ces cas, un raisonnement similaire s'applique. Le biais de longueur de temps, le biais de temps d'avance et le surdiagnostic chez les patients à faible risque nous aident à comprendre pourquoi les découvertes fortuites que nous observons et renons en charge produisent généralement des soins de faible valeur.
Alors, que devons-nous faire ?
Il est de plus en plus reconnu que les découvertes fortuites sont incomplètement comprises, coûteuses et étonnamment nuisibles. Plutôt que d'être un avantage de l'imagerie, ils constituent un facteur de risque pour les patients à faible risque. Elles ne sont pas recherchées, la probabilité qu'elle soient importantes est faible, et elles créent une grande incertitude et des soins de faible valeur. Le défi pragmatique est de savoir ce qu'il faut faire à ce sujet à court et à moyen terme.
Certains se sont demandé si certaines découvertes fortuites ne devraient pas être signalées du tout [64]. L'environnement médico-légal complique les choses [2,35,64]. Certaines découvertes fortuites sont des cancers. Il n'est pas raisonnable d'attendre de la part des patients ou du système juridique en 2022 une compréhension sophistiquée des biais qui prédisent des soins de faible valeur - à savoir que la détection précoce de certains cancers peut paradoxalement produire un pire résultat que si ces cancers n'avaient jamais été détectés - et il est difficile pour les praticiens médicaux de comprendre. Mais nous ne devons pas simplement maintenir le statu quo. Voici plusieurs recommandations.
Tout d'abord, nous devrions tenir compte de l'appel à l'action lancé par certains qui nous demandent d'être plus conscients des méfaits du surdiagnostic et du surtraitement découlant de la détection de résultats fortuits [16-19]. Les découvertes fortuites sont une complication de l'imagerie diagnostique - un préjudice involontaire malgré une intention positive - comme un saignement après une biopsie guidée par l'image. Les préjudices spécifiques de la prise en charge des découvertes fortuites sont plus opaques que les saignements et plus difficiles à comprendre. Mais cela signifie simplement que nous (les radiologues) devons jouer un rôle plus actif dans leur étude et leur prise en charge. C'est notre difficulté et notre défi à relever.
Deuxièmement, nous devons plaider pour que les lignes directrices sur les découvertes fortuites, en particulier les nôtres mais aussi celles des autres, intègrent et recommandent explicitement des études appropriées pour confirmer qu'elles fonctionnent comme prévu. Travailler comme on le souhaiterait signifie "produire des soins de grande valeur". Nous devrions nous attendre à ce que les directives sur les découvertes fortuites mettent l'accent sur la création de soins de grande valeur plutôt que de se concentrer exclusivement ou de manière excessive sur la maximisation de la sensibilité diagnostique. Il ne s'agit pas d'un dilemme propre à la radiologie. Des directives sur les découvertes fortuites existent dans de nombreuses spécialités médicales et chirurgicales, et nous devrions travailler en collaboration avec ces dernières pour promouvoir une approche de grande valeur.
Troisièmement, nous devons plaider auprès des organismes de financement pour qu'ils donnent la priorité à l'étude de la prise en charge des découvertes fortuites. Nous avons un argument convaincant. Les découvertes fortuites sont omniprésentes et représentent un énorme fardeau pour le système de soins de santé [1,3]. Des essais randomisés pourraient être menés dans lesquels le report d'un diagnostic agressif et de la prise en charge est un bras de traitement. L'émergence de la surveillance active comme stratégie valide pour de nombreux types de cancer est un précédent que nous pouvons suivre, appliquer et développer ici.
Quatrièmement, nous devons éviter d'être alarmistes dans nos rapports. Oui, à l'heure actuelle, nous devons suivre les directives que nous soutenons jusqu'à ce que des preuves plus solides apparaissent, mais nous devons également reconnaître que la plupart des découvertes fortuites ne sont pas dangereuses si elles sont ignorées chez les patients à faible risque. La faible prévalence de la maladie et les biais inhérents au dépistage contribuent à expliquer pourquoi il en est ainsi. En cas de doute sur l'importance d'une découverte fortuite, et si les lignes directrices ne sont pas claires ou laissent une certaine marge de manœuvre, il convient d'opter pour la minimisation.
Cinquièmement, comme l'importance clinique d'une découverte fortuite dépend fortement du risque pour le patient, nous devrions rechercher des solutions informatiques, en collaboration avec les prestataires de soins référents, afin de rendre les facteurs de risque pertinents plus visibles pour les radiologues (par exemple, hypertension non contrôlée par plusieurs médicaments [nodule surrénalien], cancer de la tête et du cou non signalé [lésion hépatique]). Dans l'état actuel des choses, les radiologues s'appuient souvent sur un bref rappel historique centré sur la préoccupation principale pour interpréter un examen. Les découvertes fortuites sont par définition sans rapport avec la préoccupation principale et ne sont donc pas toujours éclairées par celle-ci.
Sixièmement, dans nos rapports, nous devons essayer d'équilibrer la sensibilité diagnostique avec d'autres risques concurrents. Nous devons comprendre les dommages en cascade qui peuvent résulter de la prise en charge d'une découverte fortuite et permettre à ce potentiel de dommages d'influencer nos recommandations. Nous ignorons encore largement quelles découvertes fortuites sont importantes et comment les gérer (ou les ignorer) au mieux. Pendant les années à venir en attendant une véritable solution, nous devrions faire notre possible pour minimiser les dommages collatéraux aux patients que nous essayons d'aider.
Résumé
Les découvertes fortuites sont analogues aux résultats des tests de dépistage lorsque le dépistage est effectué sur des patients non sélectionnés et à faible risque. Ils entraînent généralement des soins de faible valeur et potentiellement dangereux. Les patients présentant des découvertes fortuites mais un faible risque de maladie sont susceptibles d'être victimes d'un biais de longueur de temps, d'un biais de temps d'avance au diagnostic, d'un surdiagnostic et d'un surtraitement qui créent une illusion de bénéfice tout en causant un préjudice. Il s'agit notamment de la détection fortuite de nombreux types de cancers qui, bien que de nature maligne, auraient été peu susceptibles d'affecter la santé du patient si le cancer n'avait pas été détecté. La détection de certaines incidentalomes peut donner lieu à des soins de grande valeur, mais ce n'est pas le cas pour la plupart d'entre elles, et la différenciation n'est souvent pas claire au moment de l'identification. Des risques plus élevés liés au patient et à la maladie augmentent la probabilité qu'une découverte fortuite soit importante. Les directives cliniques pour les découvertes fortuites devraient intégrer plus en détail les facteurs de risque du patient et l'agressivité de la maladie pour informer la prise en charge. Cependant, le manque de données sur les répercussions et le rapport coût-efficacité conduit à des stratégies de gestion réflexes qui créent des soins de faible valeur, coûteux et potentiellement dangereux. La radiologie a besoin de données sur les conséquences et le rapport coût-efficacité pour formuler ses recommandations de prise en charge des découvertes fortuites.
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Votre médecin traitant joue un rôle central dans les actions de prévention. En fonction de votre situation, il peut notamment vous informer et répondre à vos questions sur les dépistages organisés des cancers du sein, du col de l'utérus et colorectal qui permettent de sauver des vies. Plus ces cancers sont détectés tôt, meilleur est le pronostic.
Pour aider votre médecin traitant dans sa mission de conseil en santé auprès de sa patientèle, l'Assurance Maladie va mettre à sa disposition la liste de ses patients concernés par ces dépistages et ne les ayant pas réalisés (1).
Conformément aux dispositions relatives à la protection des données personnelles, vous avez jusqu'au 1er décembre inclus pour vous opposer à cette transmission via le lien suivant : https://www.demarches-simplifiees.fr/commencer/declarer-mon-opposition. Si vous faites votre demande d'opposition après le 1er décembre, votre demande ne sera pas prise en compte pour la 1ère liste mise à disposition mais le sera pour les prochaines.
Votre situation peut faire que certains de ces dépistages organisés ne vous concernent pas ; dans ce cas, veuillez ne pas tenir compte de ce message.
Soyez assuré(e) de notre attention et de notre disponibilité
Votre correspondant de l'Assurance Maladie
Voici le courrier que tout un chacun aura reçu de son Assurance Maladie-
Rappelons qu'au moment de la concertation citoyenne la communication simpliste de la caisse avait été dénoncée, voir les pages 95 et 96 du rapport de la concertation citoyenne sur le dépistage du cancer du sein. On ne peut pas dire que la communication soit davantage sophistiquée en 2022 et laisse la moindre place à toute réflexion ou doute.
Dans ce mail, il est affirmé que ces dépistages sauvent des vies, sans aucune référence scientifique, sans aucune étude citée, sans justification, sans référence aucune. La missive vous informe que votre médecin traitant sera informé des dépistages que vous n'avez pas encore réalisés...
Idéalement on pourrait espérer que cette démarche favorise la discussion avec le médecin traitant sur la pertinence des dépistages, aboutisse à une consultation débouchant sur une décision partagée et une information permettant un choix éclairé. Mais qu'en est-il dans la vie réelle, une de nos lectrices se demande à juste titre si cela ne donnera pas plutôt l'occasion de remettre un peu plus la pression sur les patientes et patients pour participer à des dépistages en perte de vitesse, plus probablement qu'une consultation de choix éclairé, si déjà la caisse elle-même part d'un pré-supposé que les dépistages sauvent des vies, très loin hélas des réalités. Il n'y a pas beaucoup de communication autour des contestations scientifiques qui se multiplient pourtant, concernant la réelle pertinence des dépistages et leurs risques [1][2][3][4][5] .
L'utilisateur qui reçoit ce courrier est obligé d'activer le refus ; donc son acceptation, s'il omet de se rendre sur le lien lui permettant de s'opposer, est actée par défaut.
Cette initiative semble s'inscrire dans le grand plan européen censé élargir la participation des populations européennes au maximum à divers dépistages, au mépris de nombreux scientifiques demandant une information accrue sur la balance bénéfice-risques de ces dispositifs de santé. L'objectif étant qu'à l'horizon 2025, 90% de la population de l'UE participe aux dépistages du cancer du sein, de la prostate, du col de l'utérus et du cancer colo-rectal.
L’amélioration de l’accès au dépistage sera renforcée.
"Il s’agira de mieux connaître les déterminants de la réticence aux dépistages et de simplifier l’accès au dépistage (commande directe, professionnels de santé diversifiés, équipes mobiles notamment). Des approches seront développées, proposant un dépistage après une intervention de prévention ou de soins non programmés. Des partenariats seront envisagés, par exemple avec des associations d’aide alimentaire, pour réaliser des opérations de sensibilisation, notamment auprès des plus précaires. Les professionnels de santé, médico-sociaux et sociaux seront dotés d’outils d’information de premier contact et des applications mobiles délivrant des informations et des rappels seront développées. Des incitatifs matériels seront expérimentés pour faciliter la participation des personnes au dépistage. Enfin, les bornes d’âge du dépistage seront requestionnées."
Les incitatifs pécuniers dont on parle dans le texte permettent de recruter notamment les plus faibles économiquement, là aussi au mépris de toute information médicale, ce qui a été dénoncé dans un article du BMJ, dont une des auteurs est une citoyenne française[6]. Les conséquences d'un dépistage abusif pour ces personnes plus fragiles peuvent être dramatiques, avec une paupérisation, une perte de revenus, des difficultés à retrouver un emploi. Le problème de ces personnes défavorisées étant bien davantage l'accès aux soins que de leur trouver inutilement des cancers qui ne leur aurait jamais nui, et c'est aussi celui d'une bonne information médicale et de lutte contre des facteurs de risques auxquels elles sont davantage exposées.
Mais parfois le trop étant l'ennemi du bien, avec les autres dépistages du plan européen qui vont se rajouter force nouvelles invitations, lettres de relance, applications mobiles de rappel, consultations médicales démultipliées, l'effet obtenu risque bien d'être l'inverse: une lassitude des populations, déjà de plus en plus méfiantes vis à vis des injonctions médicales à tout va, et qui vont se détourner, comme c'est déjà le cas, d'une médecine traditionnelle de plus en plus coercitive et traquante.
Le summum est atteint avec une missive du 23 novembre 2022 par laquelle l'assurance maladie demande clairement aux médecins cette fois d'inciter leurs patients aux dépistages. L'Assurance Maladie, en plus du système de la ROSP (rémunération sur objectifs de santé publique, déjà très contestable et contestée) souhaite renforcer le rôle des médecins traitants dans une incitation aux dépistages en se servant de listes de patients éligibles à des dépistages mais n'y ayant pas participé.
Selon la missive "L’efficacité de ces dépistages a été démontrée car plus les cancers sont détectés tôt, meilleurs sont les pronostics : ils permettent de sauver des vies." C'est inexact, incomplet, et non éthique dans la mise délibérée sous silence des inconvénients et risques des dépistages, pour lesquels la concertation citoyenne a demandé une claire information pour les femmes. Cette demande de claire information a été renouvelée et exprimée par le Conseil de l'UE tout récemment.
Le médecin est considéré par l'Assurance maladie comme un simple incitateur de patients listés, non compliants aux dépistages ; l'information compréhensible demandée par les citoyennes et qui est le rôle majeur du médecin traitant est donc bel et bien enterrée, le consentement éclairé une utopie....
Texte du courrier :
Dépistages organisés des cancers : envoi aux médecins traitants de listes de patients éligibles
23 novembre 2022
Début décembre, l’Assurance Maladie va envoyer par courrier aux médecins traitants la liste de leurs patients n’ayant pas réalisé leur dépistage du cancer (cancer du col de l’utérus, cancer du sein et cancer colorectal) dans les intervalles recommandés.
Partant du double constat du retard de la France par rapport à ses voisins européens en termes de taux de participation aux dépistages organisés et de la stagnation de ces derniers depuis 2018, l’Assurance Maladie souhaite renforcer le rôle des médecins traitants dans l’incitation aux dépistages en mettant à leur disposition la liste de leurs patients éligibles.
L’efficacité de ces dépistages a été démontrée car plus les cancers sont détectés tôt, meilleurs sont les pronostics : ils permettent de sauver des vies.
Le rôle déterminant que jouent les médecins généralistes dans la participation aux dépistages a été prouvé, à l’étranger et en France. Grâce à sa relation privilégiée avec ses patients, le médecin peut, lors d’une consultation, les inciter à effectuer ces dépistages et répondre à leurs interrogations.
Pour simplifier la réalisation de cette mission de santé publique, la liste mise à disposition des médecins traitants inclut leurs patients n'ayant pas participé aux dépistages auxquels ils sont éligibles, selon les intervalles recommandés, que ce soit dans le cadre des dépistages organisés ou d'une démarche individuelle. Il s’agit :
À noter : malgré toute l'attention portée par l'Assurance Maladie au ciblage des assurés présents sur cette liste, il est possible que certains d'entre eux ne soient finalement pas concernés (suivi spécifique, dépistage récent, etc.). Certains des patients ont également pu exprimer leur opposition à figurer sur ces listes.
Actualisation février et mars 2023
Sur le site, il n'y a toujours pas de chapitre dédié pour présenter les risques du dépistage, l'utilisateur doit faire la démarche de cliquer sur un lien qui l'envoie sur le site de INCA, puis de là cliquer sur un autre lien pour accéder au livret d'information, puis chercher volontairement la page sur les risques du dépistage parmi toutes les pages du livret. Il est évident que personne ne procèdera à ces démarches complexes. https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/cancer-sein/depistage-gratuit-50-74-ans
Sur le site patient il est dit que le dépistage est un choix personnel
"La décision de s’engager dans une démarche de dépistage est un choix personnel : il est important de prendre connaissance des avantages et des inconvénients de cette démarche avant de décider d’y prendre part." "Les informations fournies aux médecins traitants leur permettront d’identifier leurs patientes éligibles au dépistage organisé, afin d’échanger avec elles."
Sur le site pro en revanche l'incitation des patientes est toujours préconisée auprès des médecins
"l’Assurance Maladie souhaite renforcer le rôle des médecins traitants dans l’incitation aux dépistages en mettant à leur disposition la liste de leurs patients éligibles." "Grâce à sa relation privilégiée avec ses patients, le médecin peut, lors d’une consultation, les inciter à effectuer ces dépistages et répondre à leurs interrogations."
Rien ne change réellement, l'accès à l'information n'est pas facilité à la patiente et doit être une démarche volontairement accomplie de sa part, et le médecin est toujours poussé à opter pour une incitation des patientes à se soumettre au dépistage, incitation privilégiée par rapport à l'information.
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En grandes lignes, Le Conseil souligne qu'il est nécessaire d'obtenir des preuves supplémentaires de l'efficacité, du rapport coût-efficacité et de la faisabilité de certaines stratégies de dépistage en situation réelle, notamment pour de nouveaux dépistages comme pour le cancer de la prostate, celui du poumon et celui de l'estomac. Les États membres sont invités à envisager la mise en œuvre des dépistages des cancers sur la base de preuves scientifiques concluantes, en fonction aussi de l'équilibre entre les avantages et les inconvénients des dépistages dont le public doit être dûment informé.
(8) "Le dépistage est le processus consistant à rechercher des maladies dont aucun symptôme n’a été détecté chez une personne. Malgré son effet bénéfique sur la mortalité due à la maladie et sur l’incidence de cancers invasifs, le processus de dépistage présente aussi des limites inhérentes qui peuvent avoir des effets négatifs sur la population dépistée. Il s’agit, entre autres, des faux positifs, qui peuvent être source d’anxiété et nécessiter des tests supplémentaires pouvant présenter des risques potentiels, des faux négatifs, qui apportent une fausse réassurance et retardent le diagnostic, du surdiagnostic (c’est-à-dire la détection d’un cancer qui ne devrait pas entraîner de symptômes au cours de la vie du patient) et du surtraitement qui en découle. Les prestataires de soins de santé devraient être conscients de tous les bénéfices et risques potentiels du dépistage pour un type donné de cancer avant de s’engager dans de nouveaux programmes de dépistage du cancer. En outre, ces bénéfices et ces risques doivent être présentés de manière compréhensible afin de permettre aux citoyens de donner leur consentement éclairé à participer aux programmes de dépistage."
(24) "Il est indispensable, d’un point de vue éthique, juridique et social, que le dépistage du cancer ne soit proposé à des personnes parfaitement informées ne présentant aucun symptôme que si les bénéfices et les risques découlant de la participation au programme de dépistage sont bien connus et les bénéfices sont supérieurs aux risques, et si le rapport coût-efficacité du dépistage est acceptable. Cette évaluation devrait faire partie intégrante de la mise en œuvre au niveau national."
Le Conseil en outre recommande, dans le même texte, aux Etats membres :
4) "...de veiller à ce que les bénéfices et les risques, y compris les surdiagnostic et surtraitement éventuels, soient présentés d'une manière compréhensible aux personnes participant au dépistage, éventuellement dans le cadre d'un échange entre un professionnel de la santé et le participant, permettant aux personnes d'exprimer leur consentement éclairé lorsqu'elles décident de participer aux programmes de dépistage, et à ce que les principes de l'autodidaxie en matière de santé et de la prise de décision éclairée visant à accroître la participation et l'équité soient pris en considération."
Faire évoluer l'information des femmes, un impératif
Nous avions pointé l'insuffisance d'information du livret de l'INCa destiné aux femmes, qui, malgré quelques améliorations par rapport au précédent, ne fait toujours pas apparaître de pictogramme visuel permettant une compréhension facile de la balance bénéfices/risques, omet de parler de risques du dépistage mais utilise à la place le terme "limites" avec des explications pour les minimiser.
Ce livret ne répond pas aux recommandations du Conseil de l'UE. Il est envoyé une seule fois à la femme lorsqu'elle atteint l'âge de 50 ans ; ensuite il lui sera envoyé seulement un dépliant lors de chaque dépistage ultérieur, qui ne mentionne aucun des risques du dépistage et qui renvoie vers un site internet, lui aussi très sujet à critiques. Au cours de la vie de la femme, il est évident que le message qui restera ancré dans son esprit sera celui, enjoliveur, du dépliant, dans lequel les risques ne sont tout bonnement pas mentionnés.
Ce qu'on peut constater est que dans le texte émis par le Conseil de l'UE les différents inconvénients du dépistage comme fausse alerte et surdiagnostic sont bien définis (en partie 8), alors que dans le livret de l'INCa la définition de ces notions est parfois très imprécise, souvent minimisée, celle du surdiagnostic est incomplète, le surtraitement non explicité (voir notre analyse). Dans le dépliant, vous ne trouverez même pas du tout de mention du surdiagnostic.
Il est donc impératif, sur la base de l'exigence de l'UE concernant la présentation des risques du dépistage aux populations ciblées, de faire évoluer l'information des femmes invitées aux dépistages au-delà de 50 ans, dès 52 ans, aussi en respectant les exigences émises pour une bonne litératie, sans occulter les notions de fausse alerte et de surdiagnostic, les deux risques majeurs du dépistage du cancer du sein
En outre tant dans le livret que dans le dépliant, la survie à 5 ans est mise en avant comme "bénéfice", alors que ce n'est pas un indicateur d'efficacité du dépistage. Dans la recommandation du conseil, il est indiqué : 6) "Le principal indicateur de l'efficacité du dépistage est une diminution de la mortalité due à la maladie ou de l'incidence de cancers invasifs."
De plus, la présentation des bénéfices et risques n’est pas faite de manière compréhensible, comme recommandé par le Conseil UE. La baisse de mortalité par cancer du sein est exprimée en pourcentage de réduction relative (15-21%) alors que le pourcentage du surdiagnostic l'est en pourcentage absolu (10- 20%), ce n'est pas comparable. Ce travers est déjà présent dans le livret de 2017. 20% de diminution de mortalité par cancer ne signifie pas que 20 femmes dépistées sur 100 femmes, en moins, mourront du cancer. Il s'agit là de l'indication uniquement du risque relatif. Les 20% de décès en moins ne signifient en aucun cas que 20 femmes en moins sur 100 mourront de cancer du sein si elles se font dépister. Ces 20% ne correspondent qu'à une réduction de risque relatif entre deux groupes comparés de femmes. En fait, selon une projection faite par le Collectif Cochrane basée sur plusieurs études, sur 2 000 femmes dépistées pendant 10 ans, 4 meurent d’un cancer du sein ; sur un groupe de femmes non dépistées dans le même laps de temps 5 meurent d’un cancer du sein, le passage de 5 à 4 constitue mathématiquement une réduction de 20% de mortalité, mais en valeur absolue un seul décès de femme sera évité (risque absolu de 0.1% ou 0.05% ).
Il est temps que les autorités sanitaires répondent enfin de façon rigoureuse aux recommandations du Conseil publiées dans le Journal officiel, qu'elles respectent la population française en respectant ces recommandations. Celles-ci indiquent que les "bénéfices et ces risques doivent être présentés de manière compréhensible afin de permettre aux citoyens de donner leur consentement éclairé à participer aux programmes de dépistage".
8), page 13 de ce document :"Utilisation des nombres et présentation des risques Les bénéfices et les risques d'une intervention médicale sont mis en balance dans des encadrés factuels. La référence en nombre est toujours la même pour les groupes d'intervention et de contrôle. Les fréquences des événements sont communiquées en nombres absolus. Les risques relatifs ne sont pas communiqués. La valeur de référence choisie (100, 1 000 ou même 10 000) dépend des données de l'étude. Il faut s'assurer que l'indication des nombres entiers soit possible et que les différences statistiquement significatives existantes apparaissent clairement. Le changement du risque en termes absolus est indiqué à la fois dans le bref résumé de l'encadré et dans le texte d'accompagnement. On ne recourt pas à un format incohérent (présentation des avantages et des inconvénients sous des formats différents). "
"Les profanes aussi bien que les médecins cliniciens tendent à surestimer les bénéfices du dépistage et à sous-estimer ses effets nocifs (36). Former le personnel à la communication sur les risques et à des outils tels que les infographies, les vidéos et les aides à la décision peut faciliter la compréhension et promouvoir le consentement éclairé de même que les pratiques fondées sur des bases factuelles (cf. Figure 15)." Voir l'infographie en page 38
Le Conseil de l'UE a émis des recommandations en particulier sur l'information du public et sur la présentation de l'information qui recoupe les demandes citoyennes.
L'OMS demande le respect des principes de Wilson et Junger, (lire ici, milieu d'article) ;
la concertation citoyenne et scientifique française demande une amélioration de l'information avec présentation honnête et neutre des données,
le Conseil de l'UE recommande de façon appuyée une présentation compréhensible des risques du dépistage ; alors qu'elle est encore l'étape supplémentaire qu'il faudrait à nos autorités sanitaires françaises pour exposer loyalement et sincèrement aux femmes les bénéfices et les risques pour leur permettre de faire un vrai choix éclairé ?
Il faut cesser de camoufler les risques du dépistage auxquels sont honteusement soumises les citoyennes, et les informer que le dépistage peut exposer à des inconvénients et des risques, dont le surdiagnostic, qui les mènera inutilement à une maladie qu'elles n'auraient jamais connue sans lui.
Oui vraiment, il est plus que temps....
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L'objectif étant qu'à l'horizon 2025, 90% de la population de l'UE participe aux dépistages du cancer du sein, de la prostate, du col de l'utérus et du cancer colo-rectal. S'y rajouteraient les dépistages du cancer du poumon et celui de l'estomac, alors que pour ce dernier aucune étude probante n'existe.
On constate avec soulagement que le Conseil de l'Union Européenne n'a pas suivi ces recommandations, et a été prudent. En ce mois de décembre est publié ce qui a été finalement adopté, et ce que nous allons analyser.
En surligné vous pouvez constater les différences entre le projet et ce qui a été retenu :
Pour le cancer cervical et colorectal, des termes plus modérés sont employés sur l'utilisation des tests, qualifiés d'outil "privilégié" pour le dépistage du cancer du col, ou de "dépistage préféré" concernant les tests immunochimiques pour le dépistage du cancer colo-rectal.
Pour les trois nouveaux dépistages (poumon, estomac, prostate), le Conseil de l'UE invite à faire des recherches au préalable pour étudier la faisabilité et l'efficacité de ces dépistages, et se garde donc de les introduire comme préconisé initialement.
Pour le cancer du sein la recommandation persiste entre 50 et 69, et le dépistage est uniquement suggéré entre 45-74 ( non "recommandé " comme voulu initialement par la Commission Européenne). A noter que le dépistage à 45 ans-50 ans était déjà initialement seulement "suggéré".
Comparaison des recommandations, entre le projet initial et l'adoption des recommandations finales par les états membres
Voici les principales améliorations notables dans le texte final, et les précautions retenues par les décisionnaires :
Les principes de Junger et Wilson* sont rappelés, principes qu'on doit appliquer ainsi que d'autres critères déterminés par l'OMS permettant d'évaluer la faisabilité du dépistage avant son implémentation
Les risques de surdiagnostic (avec la définition claire) et du surtraitement ont été rajoutés et la nécessité d'informer.
On évoque les aides à la décision, en tous cas la nécessité d'exposer les données de façon parfaitement compréhensible. **
La notion "d'efficacité de dépistage" est enfin définie en mentionnant qu'elle est définie par la diminution de la mortalité spécifique et la diminution de l'incidence des cancers invasifs.
On rappelle que pour le dépistage du cancer du poumon et de la prostate les preuves sont limitées
Est souligné le fait qu'on doit tenir compte des aspects de la capacité du système de santé à supporter les dépistage et de prendre en considération les ressources nécessaires.
Le "dépistage doit être offert quand il est prouvé que le dépistage améliore la mortalité spécifique" est remplacé par un "dépistage qui doit être offert quand les bénéfices et les risques sont bien connus et les bénéfices sont plus importants que les risques"
Pour l'efficacité par rapport au cout, celle ci doit être considérée au niveau national
Est rappelé que les tests de dépistage (pour les 3 dépistages actuels (colo-rectal, sein, col de l'utérus), et pour 3 nouveaux dépistages (poumon, prostate et estomac) à étudier), doivent être offerts seulement s'il est prouvé que les critères de Junger and Wilson repris par l'OMS sont satisfaits, et que information est fiable sur les bénéfices et les risques.
L'accent est mis sur la prise en compte des capacités et des priorités au niveau national lors de l'implémentation de nouveaux programmes de dépistage.
Le critère des 90% de la population européenne qui est censée se voir proposer les 3 dépistages (sein, colorectal et cervical) en 2025 est supprimé du texte (taux probablement irréaliste).
Dans l'information des populations, les bénéfices et les risques, incluant le surdiagnostic et le surtraitements doivent être présentés, potentiellement via un échange entre le patient et le professionnel de santé, pour une décision éclairée du patient.
Pour de nouveaux tests de dépistage, il convient d'envisager l'implémentation seulement après des tests randomisés avec des preuves scientifiques sur l'efficacité.
Il convient aussi de travailler et de coopérer sur les tests prédictifs, sur des algorithmes pour réduire le surdiagnostic et le surtraitement.
On rappelle le besoin de disposer de preuves scientifiques (evidences based), et on rajoute le terme "risques" à coté de "bénéfices" dans l'évaluation des programmes de dépistages,
Est rajouté enfin le support technique accordé aux pays, si demandé, pour des activités d'information des populations et des parties prenantes, sur les bénéfices et les risques, comme les aides à la décision tenant compte de la littératie en santé des populations.
*Principes de Junger et Wilson pour instaurer un dépistage: Quels sont ces critères déterminant le bien-fondé d'un dépistage retenus par l'OMS ?Les 10 critères retenus par L'OMS sont :
La maladie étudiée doit présenter un problème majeur de santé publique
L’histoire naturelle de la maladie doit être connue
Une technique diagnostique doit permettre de visualiser le stade précoce de la maladie
Les résultats du traitement à un stade précoce de la maladie doivent être supérieurs à ceux obtenus à un stade avancé
La sensibilité et la spécificité du test de dépistage doivent être optimales
Le test de dépistage doit être acceptable pour la population
Les moyens pour le diagnostic et le traitement des anomalies découvertes dans le cadre du dépistage doivent être acceptables
Le test de dépistage doit pouvoir être répété à intervalle régulier si nécessaire
Les nuisances physiques et psychologiques engendrées par le dépistage doivent être inférieures aux bénéfices attendus
Le coût économique d’un programme de dépistage doit être compensé par les bénéfices attendus
**Voici les chapitres consacrés à la litératie (compréhension de la population des données en santé)
Résumé concernant les recommandations sur le dépistage du cancer du sein
1)Directives européennes actuelles pour les 45-50 ans et 70-74 ans
Les directives actuelles, publiées sur le site de l’Europe, ne recommandent pas un dépistage pour les femmes de 45-50 ans et 70-74 ans, mais seulement le « suggère ».
Dans le supplément figure le tableau avec les recommandations actuelles qui "suggèrent", mais ne recommandent pas le dépistage entre 45-50 ans et 70-74 ans.
“Extending breast cancer screening from women aged 50 to 69 to include women between 45 and 74 years of age and to consider specific diagnostic measures for women with particularly dense breasts;
Etendre le dépistage du cancer du sein proposé aux femmes âgées de 50 à 69 ans afin d’y inclure les femmes âgées de 45 à 74 ans et envisager des mesures de diagnostic spécifiques pour les femmes dont la poitrine est particulièrement dense; »
Breast cancer: Breast cancer screening for women starting aged 45 to 74 with digital mammography or digital breast tomosynthesis 1 , and for women with particularly dense breasts consider magnetic resonance imaging (MRI), where medically appropriate.
Cancer du sein
Test de dépistage du cancer du sein chez les femmes âgées de 45 à 74 ans par mammographie numérique ou tomosynthèse numérique1; chez les femmes ayant des poitrines particulièrement denses, envisager l’imagerie par résonance magnétique (IRM), lorsque cela est approprié sur le plan médical »
3) Contre-proposition du conseil de l’Union Européenne : pas de changement des directives actuelles, pas d’extension pour inclure les 45-74 ans, dépistage non pas recommandé mais seulement suggéré pour les 45-50 ans et 70-74 ans
En réponse à cette proposition, le Conseil de l’Union Européenne, dans le texte publié le 9 décembre 2022, n’a pas adopté cette extension. Les directives pour la tranche d’âge 45-50 ans et 70-74 ans sont restées les mêmes (identiques aux directives actuelles)
Considering the evidence presented in the European guidelines9, breast cancer screening for women aged 50 to 69 with mammography is recommended. A lower age limit of 45 years and an upper age limit of 74 years is suggested. The use of either digital breast tomosynthesis or digital mammography is suggested. The use of magnetic resonance imaging (MRI) should be considered when medically appropriate
Cancer du sein :
Compte tenu des données présentées dans les lignes directrices européennes 9, le dépistage du cancer du sein par mammographie est recommandé pour les femmes âgées de 50 à 69 ans. Une limite d'âge inférieure de 45 ans et une limite d'âge supérieure de 74 ans sont suggérées. L'utilisation de la tomosynthèse mammaire numérique ou de la mammographie numérique est suggérée. L'utilisation de l'imagerie par résonance magnétique (IRM) devrait être envisagée lorsque cela est médicalement approprié.”
Rappel de la controverse sur le dépistage du cancer du poumon
Le Conseil souligne qu'il est nécessaire d'obtenir des preuves supplémentaires de l'efficacité, du rapport coût-efficacité et de la faisabilité de certaines stratégies de dépistage en situation réelle. Les États membres sont invités à envisager la mise en œuvre des dépistages des cancers cités, sur la base de preuves scientifiques concluantes, tout en évaluant et en prenant des décisions au niveau national ou régional en fonction de la charge de la maladie et des ressources disponibles en matière de soins de santé, en fonction aussi de l'équilibre entre les avantages et les inconvénients et du rapport coût-efficacité du dépistage du cancer, ainsi que de l'expérience tirée des essais scientifiques et des projets pilotes.
Pour le Cancer du sein : une limité basse de 45 ans et haute de 74 ans sont suggérées (et non pas recommandées comme dans la proposition initiale). On supprime la mention sur les seins denses.(L'inclusion de l'IRM pour les femmes à seins denses est très débattue ; voir https://cancer-rose.fr/2022/04/26/grosse-deconvenue-pour-lirm-mammaire/) Pour les trois nouveaux dépistages (poumon, prostate, estomac), le Conseil adopte une position modérée, on invite à poursuivre les recherches pour évaluer la faisabilité et on inclut aussi la notion d'efficacité. Pour le cancer du poumon, le programme doit inclure aussi des stratégie de prévention primaire (lutte contre le tabagisme) et secondaire. Pour le cancer gastrique la proposition d'une implémentation immédiate est supprimée, des tests de faisabilité sont demandés.
Réactions
Réaction de la commissaire européenne à l'origine du projet de nouvelles recommandations :
"L’adoption aujourd’hui par le Conseil de nouvelles recommandations de l’UE en matière de dépistage du cancer constitue une étape importante pour les soins contre le cancer, tant au niveau national qu’au niveau européen. 20 ans se sont écoulés depuis l’adoption des recommandations actuelles et la médecine a fait des progrès incroyables. Il est grand temps que de nouvelles recommandations actualisées soient mises en œuvre dans l’ensemble de l’UE et qu’il soit remédié aux disparités inacceptables en matière d’accès. Même si une approche encore plus ambitieuse aurait été souhaitable, cette journée n’en représente pas moins un moment charnière pour les citoyens de l’UE et une réalisation essentielle du plan européen pour vaincre le cancer." Stella Kyriakides, commissaire à la santé et à la sécurité alimentaire - 09/12/2022
La lettre de protestation de l' European Cancer Organisation (regroupant urologues, radiologues, gastro, oncologues etc...)
Des interventions tardives pour insérer une prudence excessive et une ambition réduite
......, à la suite d'une réunion à huis clos des représentants des États membres le lundi 24 octobre, nous comprenons qu'une réécriture significative de la proposition de la Commission a eu lieu pour : -Saper et contredire les conseils fournis par le groupe des conseillers scientifiques principaux de l'UE, notamment en ce qui concerne l'ajout de nouveaux programmes de dépistage du cancer et les domaines à mettre à jour en ce qui concerne les types de tumeurs actuellement couverts par les recommandations du Conseil de l'UE de 2003 ; -Supprimer du texte les objectifs du plan "vaincre le cancer" en matière de participation au dépistage ; -Insérer des sections entièrement nouvelles indiquant tous les risques potentiels et historiques cités du dépistage du cancer ;Imposer des critères spécifiques que chaque État membre de l'UE devrait utiliser pour prendre des décisions sur le dépistage du cancer, -Insister de manière exagérée sur les prérogatives nationales permettant aux pays de s'exempter des recommandations ; -Diluer des conseils relatifs à la satisfaction des besoins psychologiques des personnes chez qui un cancer a été diagnostiqué à la suite d'un dépistage ; et, -Affaiblir des sections relatives à la nécessité de disposer de systèmes adaptés pour l'enregistrement et la publication d'informations sur les résultats du dépistage.
27 novembre 2022 EUROPREV - c'est le Réseau Européen pour la Prévention et la Promotion de la Santé en Médecine de Famille et en Médecine Générale.EUROPREV est l'un des cinq réseaux de WONCA Europe.
WONCA Europe :
La branche régionale européenne, WONCA Europe, est la communauté académique et scientifique pour la médecine générale/ médecine de famille en Europe, qui représente 47 organisations membres et plus de 90.000 médecins de famille en Europe.
WONCA est un acronyme comprenant les cinq premières initiales de l'Organisation mondiale des collèges nationaux, académies et associations académiques de médecins généralistes/médecins de famille. Le nom court est l'Organisation mondiale des médecins de famille. WONCA a été créée par 18 membres en 1972. Elle compte actuellement 122 organisations membres dans 102 pays, avec un total de 500 000 médecins de famille. WONCA représente et défend les intérêts de ses membres au niveau international, où elle interagit avec des organismes mondiaux tels que l'Organisation mondiale de la santé (OMS). WONCA couvre sept régions : Afrique, Amérique du Nord, Asie-Pacifique, Europe, Asie du Sud, Iberoamericana-CIMF et WONCA East Mediterranean Region.
En matière de dépistage de cancer, souvent "moins, c'est PLUS!"
À la Commission européenne - Santé et sécurité alimentaire A la Direction Générale Santé et Sécurité Alimentaire Aux autorités sanitaires de l'Union européenne Aux professionnels européens de la médecine familiale et de la santé publique
Le 20 septembre dernier, la Commission européenne a annoncé : "Une nouvelle approche de l'UE en matière de détection du cancer - dépister plus et dépister mieux".(1)
Les nouvelles recommandations comprennent, entre autres, les points suivants
- L'extension du groupe cible pour le dépistage du cancer du sein aux femmes âgées de 45 à 74 ans (contre la tranche d'âge actuelle de 50 à 69 ans) ; - Le dépistage du cancer du poumon pour les gros fumeurs actuels et les anciens fumeurs âgés de 50 à 75 ans. - Dépistage du cancer de la prostate chez les hommes jusqu'à 70 ans sur la base d'un test d'antigène spécifique de la prostate, et d'une imagerie par résonance magnétique (IRM) pour le suivi.
Compte tenu des meilleures preuves scientifiques disponibles, nous attirons votre attention sur les faits suivants :
Dépistage du cancer du sein
- Pour 2000 femmes dépistées par mammographie annuelle pendant dix ans, un décès par cancer du sein sera évité. Mais, en même temps, 200 femmes souffriront des conséquences de longue durée d'un résultat faux positif, et dix femmes seront surdiagnostiquées et surtraitées, avec tous les préjudices que cela comporte, allant de l'étiquette de malade du cancer aux effets secondaires et tardifs du traitement contre le cancer. Par conséquent, l'équilibre entre les bénéfices et les risques est incertain, et chaque femme devrait recevoir cette information.(2) - L'extension du groupe ciblé augmentera proportionnellement les risques et diminuera les bénéfices associés à ce dépistage. Augmentation des risques : les femmes plus jeunes ont un tissu mammaire plus dense, ce qui augmente le taux de faux positifs, et les femmes âgées ont un risque concomitant plus élevé de mourir d'une autre cause que le cancer du sein, ce qui augmente le risque de surdiagnostic. Diminution des bénéfices : l'incidence du cancer du sein est beaucoup plus faible chez les femmes âgées de 45 à 49 ans et, par conséquent, la réduction de la mortalité est beaucoup plus faible en chiffres absolus ; chez les femmes âgées, le bénéfice attendu d'une diminution de la mortalité est beaucoup moins probable en raison de leur espérance de vie plus courte.
Dépistage du cancer de la prostate
- Si on utilise les meilleures preuves disponibles provenant de deux instituts indépendants : la Collaboration Cochrane et l'USPSTF, alors il existe des preuves solides de l'absence de réduction de la mortalité due au dépistage du PSA. Si on sélectionne les preuves ("cherry picking"), alors dans le meilleur des cas, il a été démontré que pour 1000 hommes dépistés par le PSA, deux évitent la mort par cancer de la prostate. Mais, en même temps, 155 hommes connaîtront une fausse alerte. Généralement, cela est associé à une ablation inutile de tissus. Et 51 hommes seront surdiagnostiqués et traités inutilement, avec une détérioration significative de la qualité de vie (incontinence urinaire, dysfonctionnement érectile).(3) - Les dommages potentiels associés à ce dépistage sont très préoccupants, et c'est pourquoi, jusqu'à présent, aucun programme de dépistage du cancer de la prostate en population n'a été mis en œuvre en Europe.
Dépistage du cancer du poumon, de l'estomac et d'autres cancers
- Les données disponibles sur les bénéfices et les risques de ces dépistages sont encore rares. Ces programmes de dépistage suscitent également des inquiétudes quant aux faux positifs et au surdiagnostic. Aucun programme de dépistage de cancer dans une population ne devrait être mis en œuvre sans que des essais contrôlés randomisés correctement conçus sur des populations européennes n'évaluent l'équilibre entre les bénéfices et les risques liés à chaque dépistage.(4)
Le mythe du diagnostic précoce
Selon la Commission européenne, ces nouvelles recommandations visent à "augmenter le nombre de dépistages, en couvrant plus de groupes cibles et plus de cancers".
Bien que bien intentionné, cela se traduira, dans la pratique, par un plus grand nombre de personnes en bonne santé inutilement transformées en patients du fait du surdiagnostic.
En outre, et toujours malgré les bonnes intentions, cela se traduira, dans la pratique, par davantage de souffrances, de cancers et de coûts pour des systèmes de santé déjà surchargés et aux ressources limitées.
Enfin, et encore une fois, même si les intentions sont bonnes, dans la perspective de la crise climatique, les émissions de carbone des interventions de soins à faible valeur ajoutée, comme les programmes de dépistage proposés, ne sont pas durables. De plus, ces programmes vont accroître les inégalités sociales en matière de santé et promouvoir la loi inverse des soins.
La proposition de la Commission européenne repose sur un mythe médical. Selon la déclaration de la Commission européenne, "Plus le cancer est détecté tôt, plus cela peut faire une réelle différence en augmentant les options de traitement et en sauvant des vies". En matière de dépistage, il s'agit d'un mythe. Nous disposons aujourd'hui de données issues de programmes de dépistage en population qui montrent que le facteur essentiel de réduction de la mortalité par cancer n'est pas lié à un diagnostic précoce, mais à un bon accès aux soins de santé et aux nouveaux traitements du cancer.(5-7)
Dans le cas du cancer, très souvent, un diagnostic précoce ne signifie qu'un fardeau plus lourd pour la maladie, avec plus de souffrance.
NOTRE RECOMMANDATION
La proposition actuelle de la Commission européenne doit être révisée.
Si nous voulons vraiment améliorer la façon dont le cancer est traité en Europe, nous devons nous concentrer sur les points suivants :
- La prévention primaire : au niveau de la population, améliorer l'alimentation, augmenter l'activité physique, diminuer le tabagisme et la consommation d'alcool. L'efficacité des interventions sociétales structurelles a été démontrée par des preuves solides et de haute qualité, tandis que les interventions de prévention primaire au niveau individuel se sont avérées sans effet, ou seulement à court terme.
- Un bon accès aux soins de santé primaires. Chaque citoyen européen devrait avoir le droit d'avoir son médecin de famille, ce qui signifie avoir le droit d'être soigné par des médecins spécialisés en médecine de famille dans une relation de confiance et de continuité et où le médecin généraliste est formé à la médecine fondée sur les preuves.
- Prévention tertiaire : en cas de diagnostic de cancer, un accès rapide et de qualité aux centres oncologiques spécialisés (ou à d'autres spécialistes compétents) est essentiel pour améliorer les résultats. Cela inclut également un bon accès aux nouvelles thérapies anticancéreuses fondées sur des données probantes.
-Prévention quaternaire : de nouveaux programmes de dépistage devraient être mis en œuvre uniquement lorsque les bénéfices sont plus importants que les risques.
References
1. European Health Union: cancer screening [Internet]. European Commission - European Commission. [cited 2022 Nov 8]. Available from: https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_22_5562 2. Gøtzsche PC, Jørgensen KJ. Screening for breast cancer with mammography. Cochrane Database Syst Rev. 2013 Jun 4;(6):CD001877. 3. Harding Center for Risk Literacy. Early detection of prostate cancer with PSA testing [Internet]. Available from: https://www.hardingcenter.de/en/transfer-and-impact/fact-boxes/early-detection-of- cancer/early-detection-of-prostate-cancer-with-psa-testing 4. Heleno B, Thomsen MF, Rodrigues DS, Jorgensen KJ, Brodersen J. Quantification of harms in cancer screening trials: literature review. BMJ. 2013 Sep 16;347(sep16 1):f5334–f5334. 5. Miller AB, Wall C, Baines CJ, Sun P, To T, Narod SA. Twenty five year follow-up for breast cancer incidence and mortality of the Canadian National Breast Screening Study: randomised screening trial. BMJ. 2014 Feb 11;348:g366. 6. Bleyer A, Welch HG. Effect of three decades of screening mammography on breast-cancer incidence. N Engl J Med. 2012 Nov 22;367(21):1998–2005. 7. Autier P, Boniol M, Gavin A, Vatten LJ. Breast cancer mortality in neighbouring European countries with different levels of screening but similar access to treatment: trend analysis of WHO mortality database. BMJ. 2011 Jul 28;343:d4411.
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Bishal Gyawali, MD, PhD, est professeur associé en oncologie médicale et en sciences de la santé publique et scientifique à la Division des soins du cancer et épidémiologie de l'Université Queen's, à Kingston, au Canada.
L'époque du "Docteur, faites ce que vous pensez être le mieux pour moi" disparaît peu à peu en oncologie. Les décisions de traitement deviennent plus variées et plus complexes, et les patients sont invités à prendre une part plus active à la prise de décision concernant leur propre santé.
En tant qu'oncologue médical, je vois tous les jours des patients qui se retrouvent face à une myriade de choix - allant des plans de traitement aux effets secondaires, en passant par la qualité de vie et le pronostic - qu'on leur demande d'envisager alors qu'ils sont confrontés au cancer.
Je décris ci-dessous dix principes de littératie* en matière de santé qui, je l'espère, permettront aux patients et à leurs porte-parole d'être informés et de participer activement à ces importantes décisions concernant leur vie.
* littéracie en santé : capacité d’un individu à trouver de l’information sur la santé, à la comprendre et à l’utiliser dans le but d’améliorer sa propre santé ou de développer son autonomie dans le système de santé.
Le critère d'évaluation est-il important pour vous ?
De nombreuses recommandations de traitement sont formulées sur la base des résultats d'essais cliniques. Cependant, les essais cliniques peuvent mesurer des choses qui n'ont pas d'importance pour vous. Par exemple, pour un patient atteint d'un cancer avancé, le plus important peut être de savoir si l'intervention améliore la longévité ou la qualité de vie. Cependant, les essais peuvent se contenter de mesurer si le médicament réduit la tumeur. Une réduction de la tumeur n'est pas toujours synonyme d'une vie plus longue ou meilleure. Il est important de bien comprendre quels sont les avantages et les risques du traitement qui sont démontrés et ceux qui ne sont que supposés.
2. Mourir avec un cancer n'est pas la même chose que mourir du cancer.
Être diagnostiqué avec un cancer ne signifie pas nécessairement que le cancer sera la cause du décès. Certains cancers progressent si lentement que d'autres causes - par exemple un accident vasculaire cérébral - peuvent entraîner la mort avant que le cancer ne devienne fatal. C'est également la raison pour laquelle de nombreux tests de dépistage du cancer peuvent ne pas être utiles. Par exemple, le dépistage du cancer de la thyroïde n'est pas recommandé car, bien que certaines masses thyroïdiennes puissent être détectées lors du dépistage, elles ne sont pas forcément suffisamment agressives pour causer des problèmes au cours de la vie. Ces tests inutiles sont pourvoyeurs de surdiagnotics
Pour les patients déjà atteints d'un cancer métastatique, il est également inutile de subir des tests de dépistage d'autres cancers, car tout nouveau cancer diagnostiqué sera vraisemblablement moins agressif que le cancer métastatique déjà existant. Voir comment se développe un cancer
3. Des valeurs différentes selon les personnes
Même lorsque la survie est le critère d'évaluation des essais, chaque personne y attache une valeur différente. Le degré d'importance accordé à l'amélioration de la survie de 3 mois versus les répercussions des traitements toxiques varie d'un patient à l'autre. Certains patients peuvent préférer faire un compromis sur la survie s'ils ont la possibilité de passer leur fin de vie avec les membres de leur famille et leurs amis. Les coûts cachés du traitement (déplacements vers les centres anticancéreux, temps, coûts financiers, etc.) doivent tous être pris en compte dans la prise de décision.
4. Il y a toujours des incertitudes en médecine
En médecine, il est impossible de garantir les résultats individuels. Combien de temps allez-vous vivre ? Ce traitement va-t-il vous être bénéfique ? Il n'y aura jamais de réponses catégoriques à ces questions. Cependant, vous pouvez demander une plage de résultats probables, comme le meilleur et le pire des scénarios et le scénario le plus courant. Cela vous aidera à prendre votre propre décision quant aux différents choix possibles.
5. La somme des anecdotes ne signifie pas des données probantes
Les gros titres sensationnels tels que "un nouveau médicament miracle guérit le cancer" sont généralement basés sur une étude de cas portant sur une poignée de patients. Parfois, des personnalités font la promotion de certains tests ou traitements parce qu'elles pensent que ces interventions leur ont sauvé la vie. Cependant, le problème avec de telles histoires est qu'il y a un biais de sélection - plusieurs centaines et milliers d'autres personnes qui subissent un test ou un traitement similaire n'en tireront aucun bénéfice et pourraient en fait subir des préjudices. Or, ces personnes n'ont pas la motivation nécessaire pour apparaître dans les médias afin d'exposer la futilité ou les inconvénients de ces interventions.
Il est important de se demander ce qui se passerait en l'absence d'intervention. Que se passerait-il si vous ne subissiez pas le test de dépistage ou si vous ne subissiez pas l'opération ou ne preniez pas le médicament ? Ces questions de type "et si" sont importantes pour prendre des décisions et les réponses à ces questions de type "et si" proviennent d'essais randomisés.
7. Il est difficile d'établir la causalité sans un essai randomisé.
Seul un essai randomisé** permettrait de connaître au mieux le scénario alternatif. Les essais randomisés attribuent de manière aléatoire la moitié des patients à l'intervention et l'autre moitié aux soins standard (le groupe témoin) et comparent les résultats. Cette randomisation garantit que les patients du groupe d'intervention ne sont pas systématiquement différents de ceux du groupe témoin, de sorte que la différence dans les résultats peut être présumée due à l’intervention, qui peut être évaluée statistiquement. Sans ces essais randomisés, il est difficile de se prononcer sur le fait de savoir si un résultat observé est dû à l'intervention ou au seul hasard. Ainsi, lorsqu'une intervention est recommandée, vous devez demander si elle a été évaluée dans le cadre d'un essai randomisé.
**L’essai randomisé contrôlé est une technique qui consiste à sélectionner de façon aléatoire, à partir d’une population admissible, le groupe "expérimental" qui bénéficiera de l'intervention (par exemple le dépistage), et le groupe "contrôle" qui servira de témoin, ou de point de comparaison, afin d’évaluer l’effet de cette intervention. Les populations des deux groupes sont composées d'individus tirés au sort, mais on a fait en sorte que tous les individus admissibles à l'essai soientproches dans leurs caractéristiques de base dont les caractéristiques démographiques comme l'âge ou le sexe p.ex. afin qu'on ne puisse pas attribuer les différences constatées entre les deux groupes à d'autres facteurssociauxouphysologiques. NDLR
8. Statistiquement significatif n'est pas la même chose que cliniquement pertinent
On lit souvent à la une des journaux : "Le médicament X a amélioré de manière significative la survie par rapport au traitement standard". Ici, le terme "significativement" signifie généralement "statistiquement significatif". Cela signifie simplement que la différence de survie est probablement due au médicament plutôt qu'au hasard. Cependant, l'amélioration de la survie pourrait n'être que de quelques jours. Elle peut être statistiquement significative et réelle, mais elle peut ne pas être pertinente du tout. Il est arrivé que des médicaments contre le cancer soient approuvés en raison de résultats statistiquement significatifs qui n'ont aucune pertinence clinique, comme le retardement de la progression de seulement trois jours !
9. Attention aux risques relatifs et absolus
Un nouveau traitement contre le cancer peut prétendre améliorer la survie de 50 %. Cette amélioration peut sembler être un avantage énorme à première vue, mais il pourrait s'agir simplement d'une prolongation de la survie de deux à trois mois. De même, une déclaration peut affirmer que "seuls deux patients de l'essai ont souffert d'effets secondaires graves". Cependant, il pourrait s'agir de deux patients sur 100, soit un risque de deux pour cent, ce qui peut être considérable lorsque le traitement est proposé à plusieurs milliers de patients.
10. Les décisions au niveau individuel et au niveau de la population peuvent ne pas être alignées
Les décisions politiques doivent être prises au niveau de la population sur la base de données. Cela diffère des décisions prises au niveau individuel, qui peuvent être fondées sur des valeurs. Un individu peut penser que cela vaut la peine de suivre une thérapie toxique pendant un an pour réduire de 5 % le risque de rechute du cancer, mais pour d'autres, cela peut sembler trop risqué pour un bénéfice trop faible. Un pays peut décider que payer 100 000 dollars pour un mois de vie supplémentaire ne vaut pas la peine, alors qu'un individu peut penser que la vie humaine n'a pas de prix. Il est important de séparer les données des jugements de valeur, en particulier pour les décisions prises au niveau de la population.
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1°-Nous commençons par un article dans Medscape, rédigé par Ryan Syrek directeur éditorial, de Medscape US, sur les troubles sexuels et l'image de soi dégradée chez les femmes traitées pour cancer du sein, et souvent celles par hormonothérapie.
C'est un sujet quasi tabou et bien évidemment insuffisamment traité. La préoccupation de l'auteur concerne l'engouement pour certaines thérapeutiques au bénéfice douteux voire inexistant. Il souligne aussi le surtraitement chez des femmes atteintes de CCIS (carcinome in situ) qui "sont généralement mal informées de leur diagnostic et prennent des décisions de traitement non éclairées." L'information insuffisante des femmes saines (en rapport avec le dépistage) ainsi que des femmes atteintes (sur leurs possibilités thérapeutiques), ne peut qu'être encore une fois déplorée.
Mais quels sont les freins à informer dûment les femmes ; paresse ? Manque de temps ? Ou bien aussi une considération persistante patriarcale selon laquelle les femmes sont insuffisamment armées pour comprendre ou décider, et qu'il faut leur éviter toute surcharge cognitive ? On caricature en disant cela ? Pas du tout, l'art de la manipulation des femmes a même donné lieu à une véritable étude : https://cancer-rose.fr/2020/09/02/manipulation-de-linformation-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein-comme-thematique-scientifique/
Nous rajouterons également que l'information doit déjà au préalable être axée sur les risques du dépistage en général, et en particulier sur le surdiagnostic, celui-ci étant très largement alimenté par la découverte de très nombreux carcinomes "in situ" (voir article FAQ) qui dans leur très grande majorité n'impactent pas les femmes, mais qui sont malheureusement majoritairement détectés par les mammos répétées.
2°-Dans le BMJ, des auteurs posent la question sur la connaissance du surdiagnostic par les médecins, ce qui devrait être un pré-requis pour pouvoir l'expliquer aux patiente.... Une étude est en cours, présentée ici : https://bmjopen.bmj.com/content/12/10/e054267.info
Le titre est "Les médecins et autres professionnels de la santé connaissent-ils le surdiagnostic dans les examens de dépistage et quelle attitude adoptent-ils à cet égard ? Un protocole pour une revue systématique à méthodes mixtes" PAr Piessens V, Heytens S, Van Den Bruel A, et al : "Do doctors and other healthcare professionals know overdiagnosis in screening and how are they dealing with it? A protocol for a mixed methods systematic review" BMJ Open 2022;12:e054267. doi:10.1136/bmjopen-2021-054267
Les médecins et autres professionnels de la santé connaissent-ils le surdiagnostic dans les examens de dépistage et quelle attitude adoptent-ils à cet égard ? Introduction : Le surdiagnostic est le diagnostic d'une maladie qui n'aurait jamais causé aucun symptôme ou problème. Il s'agit d'un effet secondaire néfaste du dépistage, qui peut entraîner des traitements, des coûts et des inconvénients émotionnels inutiles. Les médecins et autres professionnels de la santé (PSS) ont la possibilité de limiter ces conséquences, non seulement en informant leurs patients ou le public, mais aussi en adaptant les méthodes de dépistage, voire en évitant le dépistage. Cependant, il n'est pas clair dans quelle mesure les professionnels de santé sont conscients du surdiagnostic et si cela affecte leurs décisions de dépistage. Cette revue systématique a pour but de synthétiser toutes les recherches disponibles sur ce que les professionnels de santé savent et pensent du surdiagnostic, comment cela affecte leur attitude vis-à-vis de la politique de dépistage et s'ils pensent que les patients et le public devraient être informés à ce sujet.
Méthodes et analyse Nous rechercherons systématiquement dans plusieurs bases de données (MEDLINE, Embase, Web of Science, Scopus, CINAHL et PsycArticles) les études qui examinent directement les connaissances et les perceptions subjectives des HCP sur le surdiagnostic dû au dépistage dans le domaine de la santé, de manière qualitative et quantitative. Nous optimiserons notre recherche en examinant les listes de références et de citations, en contactant des experts dans le domaine et en recherchant manuellement les résumés de la conférence annuelle Preventing Overdiagnosis.
Après sélection et évaluation de la qualité, les auteurs se proposent d'analyser les résultats qualitatifs et quantitatifs, les données seront examinées et présentées de manière descriptive.
Pour les auteurs, Aruna Kamineni, V. Paul Doria-Rose, Jessica Chubak, et al, le dépistage du cancer ne devrait être recommandé que lorsque la balance entre les bénéfices et les risques est favorable. La revue ici présentée évalue comment les lignes directrices américaines sur le dépistage du cancer rapportent les risques. Objectif : Décrire les pratiques actuelles de communication et identifier les possibilités d'amélioration. Conception : Examen des lignes directrices. Contexte :États-Unis, étude financée par l'Institut du Cancer américain. Patients : Patients éligibles pour le dépistage du cancer du sein, du col de l'utérus, du cancer colorectal, du poumon ou de la prostate selon les directives américaines.
En voici les résultats : La déclaration des risques n'est pas uniforme pour tous les types d'organes et à chaque étape du processus de dépistage du cancer. Les lignes directrices ne signalent pas tous les risques pour un type d'organe spécifique ou pour une catégorie de risques dans tous les types d'organes. Les lignes directrices sur le dépistage du cancer de la prostate sont les plus complètes et celles sur le dépistage du cancer colorectal sont les moins complètes. La conceptualisation des risques et l'utilisation de données probantes quantitatives diffèrent également selon le type d'organe.
Les auteurs concluent : Cette étude a permis d'identifier des possibilités d'améliorer la conceptualisation, l'évaluation et la communication des risques liés au processus de dépistage dans les lignes directrices. Les travaux futurs devraient tenir compte des nuances associées à chaque processus de dépistage du cancer propre à un organe,y compris les risques les plus importants et les lacunes en matière de données probantes, et explorer explicitement la façon de pondérer de manière optimale les données probantes disponibles pour déterminer les bénéfices nets du dépistage. L'amélioration de la communication des risques pourrait faciliter la prise de décisions éclairées et, en fin de compte, améliorer la pratique du dépistage du cancer.
4°-Pour finir, citons encore deux publications, une "lettre pour l'éditeur" par Rani Marx (Medical Decision MakingVolume 42, Issue 8, November 2022, Pages 1041-1044) et un editorial récent, par Marilyn M. Schapira, professeure de médecine en Pennsylvanie and Katharine A. Rendle, professeure adjointe de médecine familiale et santé communautaire à l'école de médecine Perelman (Pennsylvanie), plaidant tous les deux pour une prise de conscience de la nécessité d'une désescalade des dépistages et du changement nécessaire, pour le bénéfice des femmes.
Dans sa lettre « Overscreening for Women's Cancer: Time for Change » ( "sur-dépistage des cancers féminin : il est temps de changer"), Dr Marx, épidémiologiste et patiente, relate : "Le dépistage inutile et potentiellement dangereux du cancer chez les femmes est un fardeau pour les soins de santé et nuit probablement aux patientes." L'auteure dénonce "des tests abondants, malgré des preuves rares sur l'amélioration de la santé de la population ou la réduction de la mortalité..."
Dans son commentaire « Overscreening for Women's Cancer: Time for Change », le Dr Rani Marx aborde le problème complexe de la prise de décision éclairée et fondée sur des valeurs en matière de santé des femmes. Forte de son expérience en recherche sur les services de santé et en épidémiologie, mais aussi de sa propre expérience de 'patiente', la Dre Marx relate ses tentatives frustrantes au cours de sa vie de dépistage pour engager les cliniciens dans la prise en considération des risques, de la balance bénéfices- risques. Elle expose les compromis impliqués dans les prises de décisions lors des tests de dépistage du cancer. Lorsqu'on leur demande, explique Dr Marx, de nombreux patients et cliniciens acceptent et reconnaissent la nécessité de désamorcer les soins lorsqu'ils sont soutenus par des preuves scientifiques, et d'entamer un processus de prise de décision éclairée et partagée.
L'éditorial de Schapira et Rendle lui, plaide pour relever le défi de la désescalade : un changement à plusieurs niveaux est nécessaire pour améliorer la pratique clinique. Ces améliorations doivent porter sur les lignes directrices, sur des efforts de consensus de ces directives, et sur des processus de prises de décision partagées entre une femme et son clinicien, pour aboutir à des décisions de dépistage individualisées qui reflètent les valeurs et les préférences de la femme.
C'est ce que la concertation citoyenne demandait, mais le chemin est bien long, et la prise de décision partagée apparaît un mirage lorsqu'on voit les spots télévisés incitatifs de l'INCa pour les femmes ou les documents d'information de l'institut encore insuffisamment pondérés et peu diserts sur le descriptif des risques du dépistage.
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