Octobre rose, bis repetita mais pas placent

30/09/2023
Par Dr C.Bour

Durant l'année 2023, trois études sont venu bousculer, encore un peu plus, les certitudes roses que l'on vend aux femmes.
Il sera dorénavant impossible de prétendre encore que ce dépistage sauve des vies ; continuer à en faire des slogans simplistes tels que les associations et les médias les ont servis au public pendant des décennies relève de la propagande, purement et simplement.
Propagande rappelée dans l'excellent billet "octobre noir, c'est reparti" , où l'auteur, Dr Grange alias doc du 16 sur les réseaux a réalisé une compilation des campagnes des plus cocasses aux plus scandaleuses et sexistes.
Gouvernements et ministres de santé posent régulièrement pour les photos d'usage arborant l'inévitable petit ruban rose, y compris Mme Buzyn qui, en dépit des demandes de la concertation citoyenne de 2016 de cesser l'incitation rose des femmes promeut en image le dépistage et y incite littéralement dans ce tweet.

Celle qui actuellement explique dans les médias que des médecins inquiets concernant la désinformation lors de la pandémie Covid n'ont pas été entendus, n'a pas beaucoup écouté elle-même en son temps d'autres médecins inquiets de la désinformation sur le dépistage, et qui essaient de s'exprimer eux aussi depuis au moins deux décennies.

Malheureusement le fait que le dépistage pourrait comprendre plus de risques qu'il ne présente de bénéfices n'arrivera probablement que difficilement aux oreilles des concernées (les femmes) puisque très officiellement qualifié de fake-news.
Nous en avions parlé lors d'un congrès international à Calgary devant une communauté scientifique internationale plutôt médusée des tentatives de muselage françaises, si peu en accord avec le mythe de la liberté d'expression française. S'ils savaient...S'ils savaient combien d'interviews avortés, de tribunes refusées, d'articles jamais publiés notre collectif a essuyés, combien d'heures accordées en entretien à des journalistes parfois réellement motivés mais restées sans suite en raison d'une rédaction qui ne valide pas le sujet, ou pas les propos... Combien de déplacements inutiles pour parler dans des rédacs parisiennes pour apprendre ensuite que le sujet "ne passera finalement pas".

MMe Buzyn aborde "l'aspect genré" dans son nouveau livre, arguant que si elle n'avait pas été une femme et avait été dotée "d'une plus grosse voix" (sic) elle aurait été davantage écoutée.

...Mais combien de voix féminines alors, de femmes indûment traitées, surdiagnostiquées, amputées inutilement, avec des hémopathies ou des cardiopathies secondaires aux traitements faudra-t-il, combien de livres, de blogs, de publications de chercheurs indépendants faudra-t-il avant qu'un(e) ministre de la santé ait enfin l'honnêteté intellectuelle d'avouer que les campagnes de dépistage ont été lancées trop vite, avec trop de précipitation, trop d'engouement alors que déjà dans les années 2000 les preuves que ce dépistage était risqué et ne tenait pas ses promesses existaient ? Quelle ou quel ministre, au lieu de poser enrubanné sera assez fort(e), digne et droit(e) pour dire aux femmes de ce pays que ce dépistage doit rester LEUR choix, et uniquement LEUR choix, après les avoir honnêtement informées que non, se faire mammographier tous les deux ans ne les protègera pas d'un cancer du sein, ne leur sauvera pas la vie, mais leur fera même peut-être connaître une maladie que sans dépistage elle n'auraient jamais connue ?

Des études, toujours des études

Trois études disions-nous en préambule, que nous vous résumons à nouveau.

1°-Pour commencer une excellente nouvelle, le risque de décès par cancer du sein est en baisse, dépistage ou pas.
Bien que cette étude ne permette de tirer AUCUNE conclusion sur les avantages du dépistage, vu que le dépistage n'en était pas l'objet, et malgré les avertissements explicites dans la publication, les promoteurs du dépistage n'ont pas manqué de l'utiliser pour promouvoir ce dépistage, poussant des hourras et des cris de victoire.

Que dit l'étude : les améliorations en termes de mortalité par cancer du sein observées chez les femmes dont le cancer a été détecté par dépistage ont été parallèlement constatées chez les femmes dont le cancer n'a pas été détecté par dépistage.

 Le pronostic des cancers du sein s'améliore, sans qu'il soit possible de dire quelle est la part du dépistage, des progrès thérapeutiques et des facteurs de confusion que sont le biais d'avance au diagnostic, les surdiagnostics surtout, et aussi les facteurs sociaux et économiques.

Selon les études déjà disponibles (voir l'article) le rôle du dépistage est vraisemblablement marginal, et l'apparent succès dans les groupes dépistés est influencé par l'avance au diagnostic.

C'est tout, mais c'est déjà une EXCELLENTE nouvelle qu'il faut transmettre aux femmes.

2°- On ne peut espérer un prolongement de sa durée de vie en se faisant dépister.

Les résultats de cette méta-analyse ne corroborent pas l’affirmation selon laquelle les tests de dépistage du cancer sauvent des vies en prolongeant la durée de vie, sauf peut-être pour le dépistage du cancer colorectal par sigmoïdoscopie.

A droite "durée de vie gagnée", à gauche "durée de vie perdue"

Alors que des moyens colossaux sont mis dans des campagnes de promotion de dépistages, appelées fallacieusement "campagnes de prévention", on apprend que de véritables campagnes contre l'alcoolisme, pourtant plutôt efficaces, ont été retoquées.  
Eh bien c'est dommage...
L'alcool, le tabagisme font partie des facteurs de risque des cancers en général.
Le risque du cancer du sein augmente de 7 % par verre quotidien. Le risque est également augmenté par le tabagisme actif ou passif, et le dépistage 'précoce' est une ineptie si on ne lutte pas plus efficacement contre ces fléaux.

3°- le surdiagnostic, écueil majeur des dépistage et dont nous parlons énormément sur ce site, est sous-évalué, selon une revue systématique du début d'année.

Pour le dépistage du cancer du sein, quasiment un cancer sur 3 détectés serait une détection inutile, aux conséquences ravageuses pour la femme qui le subit.
Le surdiagnostic est l'inconvénient le plus grave du dépistage du cancer.
Pourtant, de nombreux programmes de dépistage ont été mis en œuvre à la suite de résultats préliminaires incomplets, mettant l'accent sur des bénéfices assez maigres, visibles en dépistant de très grosses cohortes de personnes et sur de longues années seulement, cependant que les effets néfastes du dépistage, comme le surdiagnostic, prennent aussi de nombreuses années avant d'être estimés de manière adéquate.

Il faut prendre en compte ces effets néfastes pour aboutir à des modifications, voire à l'arrêt de certains dépistages disent les auteurs, encore trop souvent mis en oeuvre en population malgré des non-recommandations parfois (prostate, thyroïde), et qui sont coûteux et inopérants.

En conclusion

Finalement un article trouvé ici propose une très bonne conclusion exprimée par l'épidémiologiste Catherine Hill :

" Le dépistage du cancer du sein ne prévient pas l’apparition de ce cancer. Tout ce que peut faire une mammographie c’est détecter un cancer plus précocement. Pour prévenir le cancer du sein, il faut réduire sa consommation de boisson alcoolisée autant que possible (et le vin est un alcool !) car le risque augmente de 7 % par verre quotidien, éviter le surpoids et l’obésité, et n’avoir recours au traitement hormonal de la ménopause, pour une durée aussi courte que possible, que si les symptômes sont très gênants, pour ne citer que les causes les plus importantes en France à l’heure actuelle.

Participer au programme national de dépistage du cancer du sein en continuant à fumer, à boire plus de dix verres de boisson alcoolisée par semaine ou en étant en surpoids ou obèse, c’est avoir une stratégie inadaptée de prévention des cancers. Ne pas réaliser de dépistage du cancer du sein en préférant éviter le tabac, l’alcool, le surpoids et l’obésité, en ayant une alimentation équilibrée, et en étant vaccinée contre les papillomavirus et l’hépatite B n’a vraiment rien de déraisonnable."

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.