Mammographies et radiosensiblité

Mammographies et radiosensiblité

Annette LEXA, Docteur en Toxicologie, nov 2016

 La mammographie , un examen anodin ?

Le dépistage organisé du cancer du sein recommande 1 mammographie tous les 2 ans pour les femmes de 50 à 74 ans en l’absence de symptôme particulier, ce qui signifie 13 examens. Lorsque les médecins envoient leurs patients dès 40 ans, cela conduit une femme à faire 18 mammographies.

Pour une femme considérée comme à risque, cela peut la conduire à subir plus de 20 mammographies, sans compter les autres examens qu’elle subira au cours de sa vie (scanners, radiologie). De plus, au cours d’une mammographie , une femme peut subir plusieurs clichés, donc recevoir des doses répétées sur de courtes durées.

D’une manière générale, les examens radiologiques ont doublé en 10 ans, ainsi que les traitements radiothérapiques (du fait que l’on découvre de plus en plus de petits cancers qui sont systématiquement traités alors que potentiellement non mortels pour le porteur) sans pour autant que l’on ait remis en cause l’évaluation du risque lié à l’exposition aux radiations.

En effet, si les radiations ionisantes ont permis de sauver de nombreuses vies, on ne doit pas oublier qu’elles sont toxiques et cancérigènes et que leur emploi devrait répondre à une stricte balance bénéfice/risque. Selon les estimations actuelles le nombre de cancers du sein radio -induits serait faible, mais ce nombre est probablement sous-estimé du fait de la difficulté d’ estimer l’origine d’un cancer et aussi du fait du manque de marqueurs biologiques spécifiques .

Alors qu’une mammographie correspond à 1000 radiographies dentaires et 400 radiographies osseuses, alors que le sein est considéré comme un organe radiosensible, aucun suivi individuel de la dose de radiations ionisantes reçues n’est mis en place, pas plus que des tests préalables de prédiction de la radiosensibilité du fait de susceptibilités individuelles.

Sommes nous protégées par une dose autorisée de radiations ?

Dans le cadre de l’exposition médicale, on sait que la dose limite autorisée de 1 mSv(Sievert)/an est dépassée (aux USA, on est passé de 0.54 mSv/an en 1980 à 3 mSv/an en 2006).

Cette dose reçue à ne pas dépasser a été calculée sur de larges populations et ne tient pas compte des variations individuelles. Elle repose sur un modèle dit «  à seuil de dose » (c’est-à-dire qu’il existe une dose en dessous de laquelle il n’y a pas de risque de cancer). C’est ce modèle qui est utilisé pour calculer la dose limite autorisée. Or ce modèle ne tient pas compte des spécificités de chaque individu ni du type d’exposition. Pourtant , nous savons que des doses faibles, voire très faibles, peuvent conduire à des cancers radio-induits par défaut de réparation des cassures double brin de l’ADN , et que ceci conduit certains sujets prédisposés génétiquement à un risque de cancer 10 fois plus élevé que les radiorésistants. De plus l’accumulation de petites doses peut conduire à un risque d’effet d’amplification. Or ce risque n’est actuellement pas pris en compte par les médecins pour les patientes jeunes à risque familial de cancer du sein. Et on on ne sait pas à ce jour si la susceptibilité au cancer du seins chez les porteuses de mutations (de type BRCA1ou BRCA2 ou d’autres…) est ou non corrélée avec la radiosensibilité.

Enfin on ne connaît pas grand-chose sur l’effet de l’étalement dans le temps des doses reçues : les doses reçues par minute, heure, jour, année ont-elle les mêmes effets ?

Et pour finir, on connaît encore mal les mécanismes cellulaires de réparation cellulaire.

Non, nous ne sommes pas égaux devant les radiations

On a identifié 3 types de radiosensiblité parmi la population humaine :

  • les radio-résistants ( 75 à 85% )
  • les radio-sensibles intermédiaires, à risque significatif de cancers radio-induits (5 à 20 %)
  • les radio-sensibles prédisposés à des syndromes génétiques rares et généralement diagnostiqués très tôt dans leur vie.

Il est actuellement reconnu que 5 à 15 % des patients subissant une radiothérapie ont des réactions indésirables allant de la fibrose, la dermite, à un cancer secondaire voire au décès. Ce sont les personnes radiosensibles.

Les traitements radiothérapiques délivrent par séance des doses répétées plusieurs fois durant le traitement. Parfaitement ciblés, ils n’exposent pas les tissus sains. Parfois la zone voisine est irradiée et il y a un risque de cancer radio-induit au-delà de la zone ciblée pour ce type de patients.

Malgré la très grande variabilité individuelle, les thérapeutes continuent à délivrer les mêmes doses pour tous, sans qu’il existe actuellement de tests mis en place permettant de prédire la radiosensibilité des patients.

Au nom du principe de précaution

Si la mammographie reste l’examen de première intention en situation de diagnostic, le recours trop précoce ou à outrance à la mammographie de dépistage sur des femmes en bonne santé fait courir un risque de cancers radio-induits à des femmes qui ne se savent pas radiosensibles et avec lesquelles la plus grande prudence devrait être de mise au nom du principe de précaution .

Le recours de plus en plus fréquent à des traitements radiothérapiques pour des petits cancers peu évolutifs fait courir un risque de développer un cancer radio-induit chez les femmes radiosensibles.

Il serait temps que ce risque soit mieux pris en compte dans la course au dépistage forcené et aux sur-traitements qui en découlent.

Il serait temps qu’on s’interroge sur la sur-irradiation des femmes à risque de susceptibilité au cancer du sein qui sont possiblement radiosensibles.

Il serait temps qu’on cesse de brandir l’ « égalité des chances » pour recruter toujours plus de femmes radiosensibles dans le dépistage du cancer du sein avant que ne soit mis au point des tests prédictifs.

Il serait temps qu’on fasse une pause dans cette course effrénée et qu’on réfléchisse à tout cela.

Bibliographie

Perez A.F. et col, Les faibles doses de radiations : vers une nouvelle lecture de l’évaluation de risque, Bull.Cancer, 2015 .
Nicolas Foray, Catherine Colin et Michel Bourguignon , Radiosensibilité : L’évidence d’un facteur individuel, Médecine/sciences 2013 ; 29 : 397-403.

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Diagnostic de cancer : l’os de mort ou l’efficacité symbolique

Diagnostic de cancer : l’os de mort ou l’efficacité symbolique

Par Annette LEXA

Docteur en toxicologie (Eurotox)

Expert toxicologue réglementaire-évaluateur de risque en santé-environnement

22 février 2016

Dans le système de santé actuel, un diagnostic de cancer peut être l’annonce la plus traumatisante qu’un(e) patient(e) ait à vivre. Et pour certain(e)s l’annonce sera plus fatale encore que le cancer lui même ou que son traitement. C’est ce qu’a magistralement démontré une étude de cohorte parue en 2012 dans le New England Journal of Medicine. Le suivi de cette cohorte historique portant sur 6 millions de suédois entre 1991 et 2006 a permis d’examiner l’association entre le diagnostic de cancer et le risque immédiat de suicide ou de mort par accident cardiovasculaire. La première semaine qui suit l’annonce, le risque relatif de se suicider est de 12.6 , celui de mourir d’un accident cardiaque est de 5.6 comparé au groupe témoin sans diagnostic de cancer . Ce résultat sans appel s’observe de manière équitable chez les hommes et chez les femmes.

D’après les auteurs, une attitude négative du professionnel de santé, ses croyances entourant un diagnostic vont instiller un désespoir profond chez le patient, particulièrement pour les cancers de mauvais pronostic, conduisant à sa mort dans la semaine qui aura suivi le diagnostic.

Les grandes campagnes de santé publique, le système de santé et les professionnels de santé eux-mêmes, partie prenante de ce redoutable colloque singulier, devrait mieux connaître ce syndrome, dans leur processus de décision basée sur l’analyse bénéfice-risque, ce stress psycho-physiologique potentiellement fatal induit par le diagnostic lui-même.

Marcel Mauss et l’os de mort

Cette étude qui a suivi les standards de l’Evidence Bases Medicine, vient confirmer ce que les ethnologues comme Claude Levy-Strauss en 1946 ou Marcel Mauss en 1926 avaient déjà étudié au XXe siècle . Ce syndrome fatal est plus connu sous le terme de «  l’os de mort » (« bone pointing syndrome » en anglais) . Cette pratique ancestrale a été décrite chez les peuples premiers d’Australie, Nouvelle Zélande et Polynésie. Elle consiste à condamner une personne à mourir après avoir pointé à quelque mètres vers elle un os effilé (souvent un fémur de kangourou ou d’émeu d’environ 45 cm) . Ce rituel est encore à l’œuvre aujourd’hui en Australie où les professionnels de santé sont entraînés à faire face à ces redoutables situations où la force de la croyance l’emporte au point de faire mourir la victime de peur panique venant désorganiser l’instinct de conservation, la vie elle-même. Ce n’est pas une mort d’inanition où l’individu se serait laissé mourir de faim et de soif, non, c’est une peur panique qui entraîne une mort très rapide qui n’est pas un choix délibéré de l’individu ou une mort due à des troubles psychologiques pré-éxistants, ce que les chercheurs ont vérifié dans l’étude suédoise.

Voici ce que Marcel Mauss (1872-1950) écrivait en 1926 : « Les australiens ne considèrent comme naturelles que les morts que nous appelons violentes. (…) Toutes les autres morts ont pour cause une origine magique ou bien religieuse(…). M. Mac Alpine employait un jeune Kurnai en 1856-57. Ce nègre* était fort sain. Un jour, il tomba malade. Il explique qu’il avait fait ce qu’il ne devait pas. Il avait volé une femelle d’opossum avant d’avoir la permission d’en manger. Les vieux l’avaient découvert. Il savait qu’il ne grandirait plus. Il se coucha, pour ainsi dire sous l’effet de cette croyance ; il ne se releva plus jamais et mourut en trois semaines.

(…) Deux observateurs récents, dont un médecin racontent comment on meurt de l’os de mort chez les Wonkanguru : on est très effrayé. Si cet os se retrouve, l’ensorcelé va mieux ; sinon, il va plus mal. Le médecine européenne n’inspire pas confiance. Elle ne peut rien(…) »

Mauss cite Sir Barry Tuke, médecin qui atteste avoir connu « un individu en bonne santé, de constitution herculéenne ». Il mourut en moins de trois jours de cette « mélancolie », un autre, « en excellente apparence, et sûrement sans aucune lésion des viscères thoracique, se chagrina de la vie  : il dit qu’il allait mourir et mourut en 10 jours. Dans la plupart des cas étudiés par le médecin, la période fut de deux ou trois jours.

Marcel Mauss nous rappelle que la sociologie comme la psychologie n’est qu’une partie de la biologie . Les idées qui hantent le corps social (la mort par cancer) ont une immense capacité de développement et de persistance dans les consciences individuelles . C’est au niveau de la biologie, de la psychophysiologie de l’individu que se cristallise la suggestion collective  ; La conscience est tout entière envahie par des idées et des sentiments qui associent le cancer et la mort inéluctable et qui sont entièrement d’origine collective. Les individus en meurent « par enchantement ». Nos société humaines sont des sociétés animales, hautement évoluées certes, mais des sociétés animales avant tout. Et l’homme n’est qu’un mammifère social symbolique pour qui le langage et les symboles sont des puissances qui soutiennent sa pulsion de vie et de mort.

Claude Lévy-Strauss et l’efficacité symbolique

Claude Levy Strauss (1908-2009) formula plus tard le concept d’efficacité symbolique , en s’appuyant sur les travaux du physiologiste américain Waler Bradford Cannon (1871-1935) . Cannon a théorisé le fameux principe de la réponse combat-fuite . Face à une menace, si le combat ou la fuite n’est plus possible, le stress physiologique met l’organisme en danger (maladie, mort) . « Un individu conscient d’être l’objet d’un maléfice est intimement persuadé, par les plus solennelles traditions de son groupe, qu’il est condamné : parents et amis partagent cette certitude. Dès lors la communauté se rétracte : on s’éloigne du maudit, on se conduit à son égard comme s’il était, non seulement déjà mort, mais source de danger pour tout son entourage… »

Bien sûr , il faut qu’il y ait croyance en la « magie ». Cette puissance symbolique implique un macabre ballet à trois : le sorcier, la victime et le groupe, tous doivent partager la même croyance, la même confiance et la même exigence. Le problème fondamental est le rapport d’un certain type d’individus que nous pourrions qualifier d’influençables avec certaines exigences et croyances du groupe (le cancer est une maladie affreuse inexorablement mortelle qui nous menace et nous terrorise tous).

La consultation d’annonce ou « l’os rose »

La patiente-victime passive et le médecin-chamane actif s’engagent alors dans cette danse macabre orchestrée par le système de santé autour de la peur panique du cancer : le médecin doit à tout prix combattre cette peste moderne qui vient menacer la collectivité toute entière. Sa fébrilité à engager les prises de rendez-vous pour des examens complémentaires et traitements renforcent l’idée d’imminence de la mort. Certaines patientes sont convaincues qu’elles sont déjà en quelque sorte bannies du monde des vivants. La société tout entière est menacée par le cancer (comment expliquer sinon cette obsession collective à « se battre contre le cancer » ?) et chaque nouvelle diagnostiquée se sait menacée d’expulsion du corps social (travail, famille, assurance, banque..). Son stress est tel que certaines d’entre elles peuvent perdre tout contrôle de leur vie, tout choix. Leur équilibre métabolique, psychophysiologique, voire leurs fonctions vitales sont en danger. La victime succombe sans avoir pu ni combattre ni fuir : elle meurt de crise cardiaque si sa constitution le lui permet, sinon elle se suicide sous l’effet de l’effondrement dramatique de son équilibre en neurotransmetteurs.

L’obsession du dépistage du cancer du sein, avec son lot de surdiagnostics, procède de cette danse macabre hystérisée, reliant la femme, le médecin et le corps social : terrorisées à l’idée d’être bannies socialement, combien d’estampillées pré-cancereuses ou cancéreuses ont-elles été déjà victimes de ce sort funeste par effondrement de leurs défenses vitales ? Nul ne le sait et personne ne veut le savoir, l’important est de combattre à tout prix le cancer, n’est ce pas ? Sans aller jusqu’à la mort, l’annonce de la présence d’une tumeur cancéreuse peut déclencher chez certaines femmes l’effondrement des défenses psycho-neuro-immunologiques, rendant encore plus difficile le combat médical à mener lors des lourds traitements engagés parfois en excès (chirurgie, radio- et chimiothérapie) et acceptés car ils semblent être le prix à payer pour continuer à garder sa place parmi les vivants.

La société tente bien de se disculper et sauver la face en multipliant les campagnes « empathiques » visant à donner des « trucs et astuces » pour « bien vivre son cancer tout en restant féminine et en gardant son moral, son énergie et son sourire », certaines victimes, elles, une fois pointées ACR4 , n’ont pas la chance de disposer d’un mental d’acier face à l’efficacité symbolique de l’os rose.

* terme à replacer dans le contexte de l’époque

Bibliographie

Cannon W.C., Voodoo death, American anthropologist, 1942, 44(2), 169-181.

Gaudard P.Y., Suggestion de l’idée de mort chez Marcel Mauss, catatonie mortelle aiguë, phobie et nmdalités symboliques, Journal français de psychiatrie, 2010/4 (n°39)

Marcel Mauss, Définition de la suggestion collective de l’idée de mort. Dans Sociologie et Anthropologie, 313-320

Suicide and Cardiovascular Death after a Cancer Diagnosis, Fang Fang et al, N Engl J Med 2012;366:1310-8.

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Participation au dépistage du cancer du sein chez les femmes de 50 à 74 ans en France : Situation actuelle et perspectives d’évolution

Compte rendu de lecture

Annette LEXA, Docteur en Toxicologie (EUROTOX)

a.lexa@rcma-expert.eu

RECOMMANDATION de la Haute Autorité de SANTÉ PUBLIQUE

(Novembre 2011) : La participation au dépistage du cancer du sein chez les femmes de 50 à 74 ans en France : Situation actuelle et perspectives d’évolution

Ce document publié par la Haute Autorité de Santé et dont les signataires sont Isabelle HIRTZLIN et Stéphane BARRE (assistés d’un groupe de travail de 22 médecins et professeurs pour la plupart, mais aussi une représentante d’ EUROPADONNA …), reconnaît les éléments de la controverse autour de l’intérêt du dépistage mais ferme le ban en affirmant que la controverse n’était pas tranchée au moment de la présente saisine dont l’objectif « n’est pas de remettre en cause l’intérêt du dépistage mais de d’évaluer l’opportunité de conserver ou supprimer la coexistence du Dépistage organisé (DO) et du dépistage individuel (DI) par les femmes pour les femmes de plus de 50 ans ».

Les auteurs ajoutent « Toutefois si cette controverse était largement diffusée dans la presse médicale, elle pourrait induire chez les professionnels et/ou les femmes un manque de confiance dans le dispositif en place, les amenant à se détourner du DO ». On entre de suite dans l’ambiance...

L’évaluation a consisté à faire une analyse de la situation actuelle et de ses perspectives d’évolution comme l’étude des freins à la non participation du DO.

Et c’est la que çà se complique :

1/ Nous apprenons au détour du rapport que les médecins sont vivement encouragés à recruter les patientes, qu’ils doivent développer une information positive sur le dépistage, afin de lever les éventuelles réticences de ses patientes, qu’ils s’engagent dans des objectifs chiffrés (idéalement 80% de patientes) et qu’il leur est versé une rémunération proportionnelle à la réalisation de leurs objectifs (par le dispositif CAPI)

2/ Le rapport affirme qu’il n’est pas possible de conclure quant à l’impact du dépistage organisé en France :

- sur l’incidence du cancer du sein du fait de la coïncidence avec l’arrêt de l’utilisation massive du Traitement Hormonal Substitutif et du vieillissement de la population

- sur la mortalité par cancer du sein (indicateur final de l’efficacité du dépistage, rappelons le …) compte tenu du faible recul en termes d’années (généralisation du dépistage en 2004), mais également en raison de la coexistence en France du dépistage organisé et du dépistage individuel, et de l’absence de recueil systématique de données pour ce dernier.

L’étude de l’InVS de 2010 a par ailleurs montré que la mesure de l’impact du dépistage organisé sur la mortalité pose des difficultés méthodologiques en raison de l’impact des traitements sur la survie et de l’existence de sur-diagnostics.

(Pas un mot sur le risque lié à une sur-irradiation due aux examens radiologiques)

2/ Il est rappelé quand même que « les médecins généralistes sont également tenus de délivrer une information loyale sur les risques associés à ce dépistage » et que « les informations délivrées (sur les bénéfices et risques) doivent être comprises des femmes afin qu’elles puissent confronter les avantages et les inconvénients liées à la décision de dépistage à leur propre système de valeurs ». (4 lignes en tout sur un rapport de 210 pages)

C’est que le rapport se doit tout de même de faire croire qu’il s’inscrit dans le paradigme de l’Evidence Based Médicine qu’il évoque car il est «utilisée par les gestionnaires, les cliniciens, et ce, pour des objectifs aussi divers que le renouvellement de la pédagogie médicale, l'aide au jugement clinique ou encore comme justification de programmes de rationalisation des ressources financières et matérielles dans l'organisation des soins».

Pour information, l’Evidence Based Médicine s’appuie sur les 3 piliers suivants :

-l’expertise du clinicien

- l’accès et l’évaluation critique des meilleurs données disponibles

- le respect des droits, valeurs et préférences du patient (ce dernier item ayant été très largement oublié en France, et plus particulièrement dans la course au DOCS) .

3/ le problème pour les auteurs du rapport est surtout les refus de certaines femmes à participer du DO. Pour cela, le rapport distingue 2 catégories de femmes  rétives au DO : les femmes « vulnérables » (en gros les abruties des campagnes) et les femmes de villes qui utilisent le DI (en gros les classes socio-professionnelles élevées) qui pensent que le DO, c’est fait pour les pauvres.

Nos experts - qui envisagent tous les scenarii possibles, certains relevant d’un état Stalinien comme celui de l’interdiction du DI ou l’application du protocole du DO au DI - ont calculé qu’un basculement de 100 % des DI vers le DO se traduirait par « un gain de 283 cas de cancers supplémentaire grâce à la 2ème lecture ». Chouette comme objectif, non ?

Mais le meilleur reste à venir  et nous entrons dans le cœur du sujet : comment recruter un maximum de femmes dans le DO et idéalement atteindre les objectifs de 80 % de recrutement (au passage, on appréciera la sémantique militaire)

Pour cela, plusieurs pistes sont étudiées :

Le 1er axe (rapidement évacué pour passer aux choses sérieuses par la suite) propose de permettre une décision libre et éclairée des femmes vis-à-vis du dépistage du cancer du sein. Ainsi les auteurs écrivent que « Le niveau de connaissance et d’information des femmes sur le dépistage du cancer du sein après 50 ans doit être complété afin de permettre une prise de décision libre et éclairée. » . « Les informations délivrées (sur les bénéfices et risques) doivent être comprises des femmes afin qu’elles puissent confronter les avantages et les inconvénients liées à la décision de dépistage à leur propre système de valeurs. »

Jusque là, pas de problème, on est pour .

« Afin de permettre des choix éclairés, il est nécessaire de développer une information adaptée afin de favoriser, son appropriation par les femmes ainsi que par les professionnels de santé (i.e. sensibilisation et incitation directes ou indirectes)."

Et là, patatra, ma rigueur scientifique est mise à mal . Les dés sont pipés car pour nos experts « donner de l’information » = « sensibiliser et inciter au DO ».

 

Le 2ème axe propose de « Maintenir le cap du dépistage organisé et renforcer le dispositif »

(quand on a lu le rapport et qu’on a compris que personne ne savait si le DO était efficace ou non, qu’on ne connaissait pas les résultats de la controverse et qu’il fallait « fournir une information adaptée aux femmes afin qu’elles puissent prendre une décision libre et éclairée », on reste sans voix )

L’axe 2 décrit toute une série d’actions de communication et d’information, mais « qui se révèlent insuffisantes lorsqu’il s’agit de modifier les comportements et les représentations » (dans le but de respecter le choix libre et éclairé et respecter le système de valeurs et préférences des femmes ?..j’ai du mal à suivre..).

De ce point de vue, des actions de promotion et d’éducation (par des « actions communautaires ») à la santé sont également nécessaires. Il est recommandé de dédramatiser le dépistage en le faisant sortir de l’univers de la maladie, du registre de l’inquiétude et en favorisant les messages positifs de valorisation de soi (pour convaincre les femmes des campagnes qui, c’est bien connu - on appréciera la finesse d’analyse sociologique et psychologique de nos 2 experts - ne vont pas au DO car elles ont une image dégradée de leur corps) .

Pour les femmes pratiquant le DI, il faudrait «  favoriser les messages permettant de rompre avec l’image sociale du DO en insistant sur son niveau de qualité supérieur ( la 2e lecture.. vous savez celle qu’on refait quand on a eu une 1ere lecture négative , parce que une 2e lecture en cas de 1ere lecture positive , çà fait pas partie du protocole).

Enfin, il faut emporter l’adhésion des professionnels de santé vis-à-vis du dépistage organisé, et clarifier les rôles des acteurs institutionnels ou associatifs du programme .Il ressort clairement de ce rapport que c’est la Haute Autorité de Santé qui a encouragé les actions de promotion des mouvements associatifs.

Enfin, vient le 3ème axe , digne d’une tract stalinien: Limiter le dépistage individuel (nos experts en économie de la santé auraient sans doute préféré l’interdire , car cela aurait permis de gagner 283 cancers en plus, rappelez vous, plus haut)

Mais, rassurez vous braves gens, l’Etat veille sur vous : on trouvera 2 lignes sur les 210 pages du rapport pour rappeler quand même que « Il est, de plus, rappelé la nécessité d’évaluer l’impact du programme en termes de réduction de la morbi-mortalité du cancer du sein en France ainsi que son efficience. »

Pour ce faire la HAS propose de s’interroger sur une possibilité de se documenter sur la question de la réduction de la mortalité par cancer du sein atrribuable au dépistage en France. (non, je ne plaisante pas du tout : on aurait pas pu commencer par là ? En gros, personne ne sait si c’est efficace pour réduire la mortalité - ce qui est toute même l’objectif intitial - mais il faut ENROLER les femmes)

A la fin du rapport, totalement irresponsable dans son processus incitatif à atteindre des objectifs ne reposant sur aucun socle de connaissance scientifique pertinent, réduisant le DO à un recrutement digne du service militaire, nos experts écrivent qu’ « il faudrait aussi améliorer les connaissances sur la balance bénéfice risque » (on appréciera au passage l’utilisation du conditionnel)

Trois ans et demi plus tard....

Nous sommes en Juillet 2015, la HAS peut se targuer d’avoir sans doute augmenté son recrutement de 10 % environ, donc d’avoir obtenu un gain de 25 % de petits cancers supplémentaires et de 7% de plus grands cancers et par voie de conséquences, aucune diminution des chirurgie invasives (mastestomies) censées diminuer, comme vient de le montrer Harding et coll.(2015). Et c’est sans compter sur l’incidence du surtraitement qui n’est absolument pas connue à ce jour (cancers radio-induits par mammographie, cancers radio-induits du fait des surtraitements radiothérapiques…).

Car, nous l’aurons compris en lisant ce rapport, l’objectif n’était pas de diminuer la mortalité par cancer du sein mais d’augmenter le nombre de diagnostics de cancers. 

 

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Article pour l’abrogation de l’arrêté de 2006

Plaidoyer pour l’abrogation de l’arrêté ministériel du 29 septembre 2006 encadrant le dépistage du cancer du sein

Annette LEXA, 5/11/2016

Docteur en Toxicologie EUROTOX

Le principe de connaissance , premier principe des politiques de santé publique

Les neuf grands piliers des politiques de santé publique sont définis à l’annexe de la Loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique1. Toutes les politiques découlant du Plan Cancer - notamment les programmes de dépistages - reposent sur ce socle.

- Principe de connaissance : principe selon lequel les objectifs sont définis et les actions sont choisies en tenant compte des meilleures connaissances disponibles ; réciproquement, la production de connaissances doit répondre aux besoins d'informations nécessaires pour éclairer les décisions.

- Principe de réduction des inégalités (avec la prise en compte les groupes les plus vulnérables)

- Principe de parité (prise en compte les spécificités de la santé des hommes et de la santé des femmes)

- Principe de protection de la jeunesse (santé des nourrissons, des enfants et des adolescents)

- Principe de précocité : principe selon lequel la définition des objectifs et l'élaboration des plans stratégiques doivent privilégier les actions les plus précoces possible sur les déterminants de la santé pour éviter la survenue ou l'aggravation de leurs conséquences.

- Principe d'efficacité économique - Principe d'intersectorialité (intervention de l'ensemble des secteurs concernés)

- Principe de concertation (avec les professionnels de santé, les acteurs économiques et le milieu associatif)

- Principe d'évaluation (des actions menées).

Un arrêté obsolète et désormais dangereux

L’Arrêté du 29 septembre 2006 relatif aux programmes de dépistage des cancers 2 a été écrit à une époque où on était persuadé que le dépistage du cancer du sein pouvait réellement « sauver des vies ». L’objectif était louable. Cet arrêté définit dans les moindres détails les objectifs et les plans stratégiques relatif à la politique publique de dépistage du cancer du sein. Les principes de réduction des inégalités, de précocité, de parité, d’intersectorialité, d’évaluation et de concertation3, tous ces grands principes sont appliqués avec un zèle scrupuleux et font l’objet de reports dans des tableaux de bords munis d’alertes verte/orange/rouge selon le degré de réussite de l’objectifs. Encore un petit effort et nous serons bientôt au recrutement de 80 % de femmes ! Les évaluations attestant que le recrutement des femmes plafonne, des initiatives territoriales n’ont pas hésité à permettre le recrutement en prison, chez les handicapées ou au fond de la forêt guyanaise5. On a même été jusqu’à évoquer la mauvaise image que les femmes défavorisées auraient d’elles mêmes pour expliquer leur réticence à se rendre à la convocation de dépistage4.

Or cet arrêté a 10 ans. 10 années, c’est beaucoup lorsqu’il s’agit de données scientifiques. 10 années durant lesquelles les preuves irréfutables se sont accumulées, attestant inéluctablement de la fin d’un mythe : le dépistage du cancer du sein par mammographie ne contribue pas à sauver des vies, pire il contribue à surdiagnostiquer donc inquiéter et traiter inutilement et donc à mettre en danger la vie d’autres femmes. Son bilan bénéfice-risque est négatif.

Le premier des grands principes qui gouvernent les politiques de dépistage de cancer du sein a été tout simplement «ignoré». Pourtant, nous pouvons supposer que nos fonctionnaires en charge de ces politiques ne sont pas sans ignorer ce corpus d‘études internationales d’envergure parus depuis 2006 (des organismes indépendants alertent depuis 2006 sur le risques liés au dépistage avec les travaux épidémiologiques de Bernard Junod, Peter Gøtzsche, l’étude du Harding Center, celle de Philippe Autier, etc.). Mais il semble qu’on préfère se taire. On ment et on continue de désinformer les femmes et ne pas les informer loyalement. On préfère demander l’avis aux citoyennes désinformées lors d’une mise en scène de démocratie de façade sur un site rose bonbon visant à « améliorer le dépistage ». Il est vrai qu’il y va de l’application dudit arrêté ministériel de 2006 et du principe d’efficacité économique car il faut bien rentabiliser les investissements consentis pour atteindre les objectifs. Le principe de connaissance attendra.

Pire, au principe de connaissance (et à la vraie prévention) qui remettrait en cause l’intérêt du dépistage systématique, le 3e plan cancer préfère le principe de réduction des inégalités : engager des sommes exorbitantes dédiées à des mesures de soutien financier pour pallier les conséquences sociales, familiales et professionnelles dramatiques des femmes diagnostiquées et traitées - à tort ou à raison - comme le remboursement des prothèses, des perruques, l’aide à domicile, aménagement du temps de travail, etc. L’étude Harding 6 a pourtant magistralement démontré que l’augmentation du dépistage n’a pas contribué à faire baisser le nombre de mastectomies totales qui ont explosé sans que le réduction de la mortalité par cancer du sein n’en soit améliorée. Il est certain que les femmes surdiagnostiquées, surtraitées et mastectomisées inutilement ont un coût pour la société.

Le monstre technocratique engendré tourne par et pour lui même : peu importe que pour atteindre l’objectif de sauver une vie il faille en sacrifier 5 au passage, tout doit être mis en œuvre pour augmenter le nombre de diagnostics de cancers du sein chez les femmes françaises métropolitaines et ultramarines. Oui, vous avez bien lu : augmenter le nombre de diagnostics de cancer du sein et non pas, comme le voudrait une approche réellement préventive et bienveillante, diminuer l’incidence de cancers du sein et sa mortalité.

 

Pour une abrogation pure et simple de l’arrêté ministériel

Cet arrêté a été construit pour mettre tout en œuvre afin de sensibiliser et inciter au dépistage. A chaque article, chaque ligne de cet arrêté, il s’agit de tout mettre en œuvre pour sensibiliser et inciter le plus de femmes possible au dépistage : tout le monde est investi dans cette haute mission salvatrice : les fonctionnaires des structures de gestion, les médecins du travail, les médecins libéraux, les pharmaciens, les kinésithérapeutes, les infirmières, les travailleurs sociaux, les sages-femmes…, c’est toute une armée sanitaire qui s’est organisée afin de sensibiliser et inciter les femmes coûte que coûte.

On cherche en vain dans cet arrêté le premier principe de connaissance et son corollaire, l’information nécessaire à la prise de décision.

Une rapide recherche avec le mot clé « information » fait ressortir 2 mentions d’information faite aux femmes :

1/ il s’agit de données relatives à la lettre d’invitation systématique que chaque femme reçoit dès 50 ans. On peut lire que « Ce document doit comporter une information sincère sur les avantages et les possibles inconvénients du dépistage, en cohérence avec les messages nationaux ». Depuis 10 ans, les possibles inconvénients présentés aux femmes se limitent à rassurer les pauvrettes qui vont se faire écraser les seins entre 2 plaques glaciales tous les 2 ans : « non, la mammographie, çà ne fait pas mal ! ».

2/ lors de la description minutieuse de la « réalisation pratique du dépistage », il est précisé que « La femme est accueillie et informée (éventuellement avec l'aide de documents d'information conformes aux messages nationaux). Lesdits messages nationaux étant eux même des outils de propagande visant à inciter les femmes à se faire dépister, c’est le serpent qui se mord la queue.

 

On cherchera en vain dans cet arrêté ministériel des termes relatifs au principe de connaissance, tels que« dans l’état actuel des connaissance scientifiques et épidémiologiques», « basées sur les données de la science », « mise à jour de connaissances», ou une phrase faisant référence à une revision des objectifs en fonction des données nouvelles de la science ce qui eut été pourtant honnête et prudent. De toute évidence, cette phraséologie ne fait partie du langage technoscientifique.

Pourtant les données de la science accumulées depuis 10 ans viennent quelque peu contrecarrer ce plan admirable.

Il est temps de reconnaître que les données de la science rendent cet arrêté obsolète et désormais dangereux s’il devrait être poursuivi en l’état. Il n’est plus possible de désinformer sciemment les femmes et les professionnels de santé afin de poursuivre la mise en oeuvre de cet arrêté ministériel. Au nom de l’éthique médicale, au nom du respect à l’intégrité physique et de la dignité des femmes7, le principe de connaissance doit prévaloir sur le caractère incitatif dudit arrêté qui doit être abrogé au plus vite .

Bibliographie

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000787078

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000460656

http://www.concertation-depistage.fr/

4 La participation au dépistage du cancer du sein chez les femmes de 50 à 74 ans en France : Situation actuelle et perspectives d’évolution, Haute Autorité de Santé, Novembre 2011

5 Plan 2014-2019, 152 p.

6 Comprendre l’étude Harding : https://www.cancer-rose.fr/analyse-etude-jama/

7 article R.4127-2 du code de la santé publique : Respect de la vie et de la dignité de la personne

 

 

 

 

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Life is rose

Imaginerait-on une marque de tabac qui sortirait une « cartouche spéciale » en édition limitée dont un euro serait reversé sur chaque vente à une association de lutte contre le cancer du poumon ? On crierait au cynisme et à la provocation .

Nous sommes habitués au pink-washing qui consiste à surfer sur une « cause » caritative pour légitimer un objectif commercial.

Nous demandions ici : http://cancer-rose.fr/qui-fait-quoi/partenairescommerciaux-marques/

que soit exigé des enseignes un cahier des charges « éthique », les obligeant à décliner les pourcentages des dons reversés à la « cause », leur budget marketing, les recherches financées, et aussi de répondre à la question de la toxicité du produit labellisé rose et de ses potentielles retombées sur la santé publique, et plus spécifiquement ici sur la santé des femmes.

Mais ce n’est pas près de voir le jour….

L’association « life is rose » http://www.lifeisrose.fr/ venant en aide aux malades du cancer précarisés par la maladie propose une cuvée spéciale de vin rosé en édition limitée, dont 1 euro de chaque vente sera reversé par la maison Osmin et Cie à cette association sponsorisée par les laboratoires Roche et Pfizer, mais par bien d’autres « mécènes » encore ….

Renseignement pris auprès de la maison Osmin et Cie, la cuvée n’est vendue qu’à des cavistes et non aux particuliers, la bouteille de rosé tourne autour de 10 euros mais les cavistes, selon les régions, peuvent pratiquer les tarifs qu’ils souhaitent comme on me l’a expliqué au téléphone.

Un mail a donc été envoyé à l’association Life is rose pour comprendre comment on peut imaginer, créer et vendre une bouteille d’alcool au profit d’une association aidant les malades précarisés à cause du cancer, sachant que l’alcool est lui–même un facteur de risque pour tous cancers y compris celui du sein, et que la précarité est un facteur incitatif à l’alcoolisme ?

Voici la réponse de Mme Nathalie Savariaud, à l’origine de l’association :

"Bonjour

Vous n'avez rien d'autre à faire ?
Je trouve cela assez dommage de ne pas comprendre que ce n'est pas une démarche de consommateur mais plus de collectionneur afin de récolter des fonds qui nous sont précieux afin de venir en aide à celles et ceux qui en ont besoin.
Vous faites fausse route et vous devriez conserver votre énergie pour mener des combats qui sont utiles.
Ou éventuellement envisager de porter plainte contre tous les viticulteurs de France et de Navarre, voir les grossistes en alcool.
Vous ne croyez pas qu'il est plus utile de choisir les bons combats au lieu de perdre son temps en propageant des messages négatifs et erronés ?
Je pense que l'ensemble des patients et patientes a qui nous avons permis de manger ou de garder un toit sur la tête ces 4 dernières années seront ravis de voir votre façon de mettre des battons dans les roues sur une simple récolte de fonds...
Si vous souhaitez apporter une contribution utile penchez vous sur des vrais sujets et je vous y aiderai avec grand plaisir... Car il y a de quoi faire ? Peut être des ravages de la mauvaise ou fausse communication faite sur le droit à l'oubli ? Cela serait utile aux patients qui sont en train de se mettre dans des situations qu'ils ne soupçonnent pas.
Cela est un sujet...
Et si nous n'avons pas répondu à votre mail c'est parce qu'il ne faut pas confondre les buts et les moyens. Et c'est malheureusement ce que vous faites.
Mais je me ferai un plaisir de répondre à vos interrogations. Si tant est qu'elles soient constructives.
Bien cordialement.

Nathalie Savariaud, et l'ensemble des bénévoles et partenaires life is rose."

Etre utiles à des malades qui se mettent dans des situations qu’ils ne soupçonnent pas fait bien partie de nos objectifs, et même mieux, nous cherchons à faire en sorte que des femmes ne se mettent pas dans une situation de malades qu’elle ne soupçonnent pas faute d’information, incitées qu’elles sont par ce genre de marketing rose, désinformant, véhiculant des slogans pernicieux lors d’octobre rose précisément. On devrait se rejoindre sur nos objectifs donc…

Dans ce triumvirat gagnant association-enseigne commerciale-industrie pharmaceutique chacun des trois acteurs y trouve tellement bien son intérêt qui existe entre les « partenaires », qu’on arrive à justement à ne plus s’interroger sur l’absurdité de ses actions.

L’industrie pharmaceutique sponsorise volontiers ces associations ayant un certain poids médiatique et qui leur permettent une visibilité vertueuse. La marque, elle, pratique tout bonnement son commerce en vendant plus, sous couvert de favoriser une bonne cause avec un reversement assez ridicule n’impactant pas son budget, avec mise en scène glamour et publicité gratuite. L’association est sponsorisée ainsi par les enseignes et l’industrie pharmaceutique à la fois, tout se petit monde s’y retrouvant sur le mode gagnant-gagnant-gagnant.

Les problèmes habituels dans ces montages sont l’interdépendance des intérêts, de ce fait l’ouverture à la controverse et à la critique sont, comme on peut le voir dans l’échange, mis à mal.

L’information-santé au profit du malade souffre également, ce qui ne paraît malheureusement pas évident à l’association caritative.

Et de plus se referme sur les femmes à nouveau le sempiternel piège de leur corps, rosifié, dans des stéréotypes rosifiants, et même malade utilisé comme jouet commercial, les femmes elles-mêmes comme population « concernée- acheteuse » en puissance.

 

Bon, finalement, le collectif opte pour un dépôt de plainte auprès le l’ARRP (autorité de régulation professionnelle de publicité) ainsi qu’auprès de l’ANPAA d’Anglet ( Association Nationale Prévention Alcool Addictologie), ne serait-ce que pour avoir un avis sur la question, pouvant déboucher sur l’interrogation : les marques et les industriels peuvent-ils ainsi sans condition tirer profit d’une maladie pour améliorer leurs affaires en se donnant bonne conscience, développer un plan commercial en utilisant des produits notoirement toxiques, de plus sans aucune démarche d’information-santé ou d’information sur les mesures préventives potentielles des maladies ?

Ne serait-ce pas enfin temps d’introduire un peu de moralité dans le maladie-business ?

Affaire à suivre…..

 

P.S. : peu après notre plainte, cette publicité a été retirée du site Life is rose

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Cancer du sein, travail de nuit et inégalités professionnelles de genre

Cancer du sein, travail de nuit et inégalités professionnelles de genre

Annette LEXA

Docteur en Toxicologie EUROTOX

Le sujet du risque de cancer du sein au travail est un sujet négligé.

Alors que, selon les statistiques européennes, environ 7% des salariés de l’UE travaillent de nuit (7.2% en France en 2010), les études sur le risque de cancer du sein en milieu professionnel fait l’objet de peu d’attention. Il y a peu de littérature scientifique à ce sujet. Ce manque d’intérêt est d’autant plus paradoxal que le dépistage précoce du cancer du sein chez la femme fait l’objet d’une attention extrême - voire tatillonne - de la part des technocrates et leurs bataillons de fonctionnaires territoriaux de la santé depuis l’arrêté ministériel de 2006 .

En France, la prévention primaire sur le lieu de travail, l’amélioration des conditions de travail, le suivi par la médecine du travail des femmes à risques (travail de nuit, hôtesses de l’air) ne font pas partie du plan cancer ni de l’arrêté de 20063.

Pourtant, depuis 2008, le travail de nuit posté (avec alternance irrégulière de périodes de travail de jour et de nuit) a été classé par le Centre International de Rechercher sur le Cancer (CIRC) comme cancérogène probable pour l’être humain. Le CIRC s’est appuyé sur des modèles animaux et des études épidémiologiques réalisées auprès d’infirmières de nuit et d’hôtesses de l’air soumises au décalage horaire. Ces études mettent en évidence un risque accru de développer un cancer du sein parmi ces femmes par rapport à celles qui travaillent de manière classique . Le travail de nuit provoquerait de perturbations de l’horloge biologique interne qui régule l’alternance de veille et de sommeil . A long terme, l’exposition nocturne à la lumière bloque la synthèse de mélatonine (hormone du sommeil) et cela entraîne une baisse des défenses immunitaires. On pense également que cette exposition à la lumière pourrait altérer l’expression de certains gènes pouvant aboutir à la formation de cellules cancéreuses. Le rôle de la mélatonine sur les estrogènes expliquerait l’excès de risque de cancer du sein1 et 6. Par contre, le rôle des expositions professionnelles dans l’apparition de cancer du sein chez l’homme (l’individu de sexe masculin) est connu depuis longtemps (solvants, rayonnements ionisants) .

La sociologue Marie Ménoret va plus loin 4 : « Zeneca Pharmaceutical , le plus grand vendeur au monde de médicaments anticancéreux pour le cancer du sein, grâce à son brevet pour le Tamoxifène est également producteur de pesticides et autres produits délétères, connus pour être cancérigènes » .

Selon une étude réalisée par le Breast Cancer Fund en 2015, le risque de développer un cancer du sein est augmenté de 50% chez les infirmières. Il est multiplié par 5 chez les coiffeuses et les esthéticiennes ainsi que dans l’industrie alimentaire. Il est multiplié par 5 parmi les travailleuses du nettoyage à sec et de la blanchisserie et par 4 chez les ouvrières de l’industrie papetière et des arts graphiques ainsi que dans la production de produits en caoutchouc et plastique. Les facteurs de risque sont multiples et peuvent en outre s’ajouter les uns aux autres : le stress au travail est pointé du doigt, le travail de nuit et les décalages horaires fréquents, les rayonnements ionisants et les substances chimiques telles que le benzène, les solvants organiques, les hydrocarbures aromatiques polycycliques, les pesticides et de nombreux perturbateurs endocriniens peu ou pas identifiés par la réglementation.

Une prévention professionnelle féminine au rabais

En France 2, 61 % des salariés mentionnent connaître le CHSCT (Comité de Sécurité, d’Hygiène et Conditions de Travail) mais 62.7% des hommes contre seulement 59% des femmes. Les femmes sont donc moins bien informées. Seulement 35% des hommes salariés connaissent l’existence du document d’évaluation des risques contre 24% des travailleuses. Ce %age doit descendre beaucoup plus bas lorsqu’il s’agit de la connaissance de la fiche individuelle d’exposition pourtant obligatoire. Pire, être une femme multiplie par 2 la probabilité d’être oubliée par la médecine du travail (sans doute parce qu’elle considère que les femmes consultent plus facilement à titre privé). Et cette situation de déni rend encore plus compliqué - voire impossible - la reconnaissance en maladie professionnelle d’un cancer du sein.

« Penser politiquement le cancer du sein »

L’invisibilité des risques spécifiques de cancer du sein pour les femmes au travail démontre de manière criante l’inégalité de genre des politiques de prévention des risques professionnels, alors que des millions de femmes en Europe, souvent employées par de petites structures, mal informées et insuffisamment suivies, sont exposées à des produits chimiques, des horaires de nuit, des rayonnements ionisants (y compris dans le diagnostic médical) ainsi qu’au stress de la double journée5 d’autant plus pénible pour les femmes en situation de monoparentalité .

Pour paraphraser Marie Ménoret, le cancer du sein est décidément une affaire politique que les féministes ont totalement oublié de traiter. Il en va de la vie des femmes elles-mêmes. Il est urgent que les jeunes générations s’en emparent.

Bibliographie

1/ Travailleurs de nuit : des travailleurs en rupture, HESA Mag n°5 , 1er semestre 2012, 31-35

2/ « Chausser les lunettes du genre » pour comprendre les conditions de travail, Laurent Vigel, HESA mag,N°12, 2e semestre 2015, 12-17

3/ Arrêté du 29 septembre 2006 relatif aux programmes de dépistage des cancers

4/ Ménoret M., 2006, « Prévention du cancer du sein : cachez ce politique que je ne saurais voir », Nouvelles questions féministes, 25(2), 32-47.

5/ Le temps de travail hebdomadaire moyen des femmes s’élève à 64 heures contre 53.4% pour les hommes. Le différence provient du travail domestique non rémunéré (26.4h pour les femmes contre 8.8h pour les hommes)

6/ Document pdf « Travail posté de nuit et cancers » par  M. Druet-Cabanac, Y. Aubert, D. Dumont, Consultation de Pathologies Professionnelles, CHU de Limoges

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Le cancer et l’abîme effrayant de la mort

L’arbre qui cache la forêt

Par Annette Lexa, 2016

Il est aisé de voir dans la frénésie de dépistage et l’explosion du recrutement des patients dans les essais cliniques un jeu de dupes qui sert avant tout l’industrie. Cependant, il est à peu près certain que la réalité est plus complexe et que cet angle d’analyse n’est pas le seul qui puisse expliquer cette situation, il n’en est qu’une conséquence et non la cause première.

II apparaît de plus en plus certain que le dépistage précoce tant promu dépiste sans discrimination les cancers de bon et de mauvais pronostic. Le problème est juste que les traitements qui suivent ne discriminent pas non plus. (« Nous allons vous guérir d’une maladie que vous n’avez pas encore » ,dit un médecin dans le documentaire de France 5, Au nom de tous les seins). Cela conduit à surtraiter un certain nombre de patients avec des nouveaux médicaments anticancéreux censément « innovants » extrêmement coûteux et pas plus efficaces que ceux existant déjà sur le marché et dont les effets indésirables graves (morts, second cancer) sont largement méconnus du grand public.

En terme de politiques publiques le cancer bénéficie de toutes les attentions, avec un tropisme certain pour les cancers féminins en partie du fait d’une clientèle captive et docile (voir sur ce même site « Le dépistage du cancer du sein, dernier avatar de la misogynie médicale »). Il est des maladies mortelles tout aussi graves telles que la sclérose en plaque, les maladies cardiovasculaires, le SIDA, le diabète qui ne bénéficient pas de la même attention que le cancer avec ses grand plans nationaux . Et ne parlons pas des maladies nosocomiales et iatrogènes. Il ne s’agit pas ici d’un silence du corps mais d’un silence sociétal voire d’une indifférence ou une sorte de fatalité difficilement explicable si l’on suppose que la vocation de l’Etat dans le domaine de la santé est de réduire la mortalité prématurée et augmenter l’espérance de vie de ses concitoyens.

A la différence des autres pathologies, même les plus graves et les plus mortelles, le cancer est traité à part comme s’il était « le diable, le prédateur invincible » . Car le cancer est plus qu’une maladie, il est un symbole d’une puissance extraordinaire.
Il a remplacé la peste du moyen âge, la tuberculose et la syphilis de nos ancêtres. Il représente le mal sournois, le tueur silencieux, il semble surgir sans cause évidente (sauf les cas avérés de cancers du fumeur) . Pour les experts, il demeure extrêmement difficile de prouver le lien de causalité entre une exposition à une substance et l’apparition d’un cancer, tant l’environnement , la génétique, semblent se mêler pour créer un terrain propice à son développement jusqu’au stade métastasique et à la mort.

La médecine ne dispose que depuis quelque décennies d’outils d’imagerie médicale lui permettant de confirmer le diagnostic. Avant on mourrait sans trop savoir de quoi. Désormais nous mourrons toujours mais nous savons de quoi et on annonce même avec une froideur technoscientifique sidérante le pronostic (« il ne vous reste que 6 mois à vivre » ) .

La médecine a fait de gros progrès en cancérologie, là n’est pas la question. Ce qui importe ici est de reconnaître que ces progrès ont peu impacté ce qu’on appelle pudiquement les cancers de mauvais pronostic (cancers du poumon, gliomes, sarcomes, leucémie aiguës, certains cancer de la peau.. ) . Alors, pourquoi continuons- nous à focaliser autant sur le « combat contre le cancer » tout azimut ? Il existe pourtant de nombreuses pathologies toutes aussi mortelles sur lesquelles nous pourrions faire des progrès énormes rien que par la prévention ou simplement en nous y intéressant plus au niveau de la recherche et de grand plans nationaux.

L’effroi du néant de la mort

Le cancer cristallise collectivement toutes nos pensées et tabous sur la mort. Or nos sociétés ont « tué » la mort en tuant Dieu. L’existentialisme, l’athéisme (avec la laïcité , devenue religion d’État en France) sont devenues philosophies modernes, marqueurs de progrès et allant dans la sens de l’Histoire.

Dans une vision matérialiste, quand nous considérons qu’il n’y a rien après la mort, cette mort ayant perdu toute signification ; il ne nous reste que le combat contre cette « injustice » absolue. Et le combat contre le cancer est devenu le dernier combat eschatologique (concernant l’ultime destinée du genre humain) des croisés postmodernes dans une société ayant perdu tout projet et tout sens commun.

Il existe même des courants de pensées post-humanistes qui promettent la disparition de la mort (clonage, congélation, transfert de la pensée de cerveau à disque dur…).

La discussion autour de la mort se réduit donc désormais au « droit à » et non aux questions existentielles sur le sens de la mort, qu’il soit individuel ou collectif. L’individu, l’Homme nouveau, forcément émancipé, est censé être renvoyé à lui-même au nom de ses convictions personnelles sur la mort. Et l’individu n’a pas forcément acquis les outils psychiques lui permettant de relever ce défi personnel. Il est seul et il a peur, très peur et où qu’il se tourne, il ne trouve plus de réponse satisfaisante . S’il trouve une religion lui offrant une chemin de vie clé en main , il signe parfois sans hésiter. A-t-il raison ? A-t-il tort ? En tout cas, on ne peut pas trop lui en vouloir devant le vide sidéral.

Dans une toute autre vision, que nous appellerons « spirituelle » (et non pas religieuse) de l’existence, la mort est un passage et cette conviction profonde se vit de manière sereine, calme, avec beaucoup moins d’angoisse. Elle crée un autre rapport de confiance par rapport à la vie et la mort. On peut ressentir du chagrin de ne plus voir ceux que nous aimons bien sûr mais on a la conviction que quelque chose de nous même survit au-delà de la disparition de notre corps et de notre moi et l’on y attache une extrême importance morale par exemple. C’est une vision à 360° de la Vie de la naissance à la mort.

Aujourd’hui la terreur, l’effroi n’est plus devant le Jugement dernier, comme nos ancêtres depuis le Moyen Age jusqu’au XIXe siècle, mais devant le vide, le néant de la mort : les enterrements contemporains en sont le résultat (absence de rites, bricolage…). C’est une situation inédite lorsque l’on sait que les rituels d’inhumation, les premières sépultures remontent à 100 000 ans et sont les premiers marqueurs de civilisation (même Néanderthal enterrait ses morts).

Affirmer que la mort n’est rien comme Epicure n’est pas vrai collectivement. Individuellement et collectivement c’est la pierre d’achoppement de toute vie humaine sur Terre depuis que l’Homme a pris conscience de sa propre mort. Tant que nos sociétés n’auront pas transcendé ce drame qu’est devenu la mort dans les sociétés contemporaines, nous ne pourrons pas sortir de cette individualisme adolescent qui veut tout tout de suite et surtout ne pas mourir. Il n’y aura pas de retour en arrière (avec le retour des religions traditionnelles en l’état) mais il faudra que nos sociétés englobent et transcendent les grandes religions monothéistes et les autres visions du monde transmises par les peuples premiers.

Si nous sommes en mesure de poser ce constat, nous n’avons pas de réponse collective à ce jour, chacun étant renvoyé à lui même devant cette question existentielle vertigineuse. La mort est devenu une affaire personnelle à laquelle la société tente de répondre comme elle le peut. Et le dépistage frénétique des cancers est une réponse sociétale technocratique et économique pour calmer la peur de la mort.

La biomédecine est encore une médecine de combat qui fonctionne sur des prémisses guerrières, « masculines » . Le prix exorbitant des anticancéreux, les grands plans cancer et leur lots d’actions « innovantes » teintées de velléités totalitaires devenant parfois ridicules à force d’obstination dans la réalité de la mort, procèdent de cette vision du monde.

Les dérapages du dépistage obsessionnel visant à traquer chez tous et par tous les moyens de l’imagerie médicale la moindre cellule prétendument cancéreuse pour la « combattre » ; sont le résultat de la domination du petit moi de l’individu possessif, qui veut tout maîtriser, angoissé de la mort qu’il ne peut pas maîtriser. Pire, comme des adolescents immatures, nous avons enrobé ce « combat contre le cancer » trop guerrier, trop viril , dans une dégoulinante guimauve rose émotionnelle et régressive, visant à masquer le manque de préparation des individus face à la mort, leurs occupations quotidiennes les ayant totalement exemptés d’avoir à réfléchir sur le sens de leur vie et de leur mort.

Nos vies, notre lointaine filiation depuis nos ancêtres de Cro-Magnon, les défis qui attendent l’humanité de demain sur une planète qui atteindra bientôt 10 milliards d’individus, méritent mieux que cela. Si au lieu de se replier sur soi et se laisser prendre en charge par un État paternaliste et d’une économie monopolistique, ; chacun d’entre nous se met à retrouver le sens de sa vie , le courage de vivre, le bon sens face aux destins individuels et collectifs, nos sociétés occidentales sortiront grandies et sauront remettre du sens face à la mort. Sinon, ce sont des scenarios tels que Le meilleur des Monde qui nous attend. Nous avons encore le choix, à nous de choisir aujourd’hui et sans attendre.

Guide biblio : Bertrand VERGELY , Entretien au bord de la mort , 2015

ANNETTE LEXA , Docteur en Toxicologie
8 MARS 2016

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étude d’impact du dépistage par Bleyer/Miller, 2015

Décembre 2015

Impact of screening mammography on breast cancer mortality

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26562826

Archie Bleyer1,†,*, Cornelia Baines2 andAnthony B. Miller2
Version of Record online: 15 DEC 2015

DOI: 10.1002/ijc.29925

© 2015 UICC
Issue International Journal of Cancer
International Journal of Cancer
Volume 138, Issue 8, pages 2003–2012, 15 April 2016

Archie Bleyer, MD est président de l'Institutional Review Board pour le système de santé de Saint-Charles dans l'Oregon centrale et auteur / co-auteur de plus de100_original_reports sur reseach clinique qui exigeaient l'approbation de la CISR. Il est également professeur clinique de recherche.

Archie Bleyer, Professeur en recherche clinique de l’Université des Sciences et de la Santé de l’Oregon publiait avec G.Welch, chercheur américain en cancérologie en 2012 dans le NEJM une mise au point concernant les effets de trois décades de dépistage sur l’incidence du cancer du sein, de 1978 à 2008. Le constat qui se dégage de l’étude était que la minime réduction constatée des cancers avancés n’était pas proportionnelle à l’augmentation observée impressionnante (doublement) des cancers à un stade précoce.

Cette année Archie Bleyer et Tony Miller, professeur émérite de l’Université de Toronto qui avait réalisé une étude à 25 ans de suivi de femmes à partir d’essais canadiens*, étudient la question de savoir en quelle mesure la réduction de mortalité par cancer du sein serait attribuable à la mammographie de dépistage. Les auteurs étudient l’impact de la mammographie de dépistage selon trois axes :

1) étude temporelle, afin de vérifier si le déclin de mortalité par ce cancer concorderait avec l’instauration des campagnes de dépistage.
2) étude d’ampleur, afin d’examiner si ce déclin de mortalité serait proportionnel au taux des mammographies de dépistage.
3) Et puis un axe comparatif, en étudiant le modèle de réduction de mortalité pour d’autres formes de cancers, pour lesquels il n’y a pas de dépistage instauré.

Concernant les deux premiers axes d’étude, sur des données de huit pays d’Europe et d’Amérique du Nord, les auteurs ne constatent aucune corrélation entre la mise en oeuvre nationale du dépistage dans une population donnée, et la chronologie de la diminution de la mortalité par cancer observée.

( En effet depuis les années 90 la mortalité par cancer diminue, mais les raisons avancées par d'autres études (Autier, Jorgensen, Kalager) sont essentiellement les progrès thérapeutiques, et peut-être récolte-t-on aussi les effets de vraies campagnes de prévention contre les facteurs de risque. )

La diminution de mortalité concerne plus encore les femmes jeunes, donc non incluses dans le dépistage, ainsi que les groupes de femmes non dépistés, ceci constaté aux Etats Unis.

Il n'existe pas de corrélation entre l'ampleur du dépistage et l'ampleur de cette diminution de mortalité par cancer ces dernières années.

Pour finir, l’approche comparative avec 14 autres types de cancers fait ressortir un déclin similaire des taux de mortalité desdits cancers, alors même que ces autres cancers ne font pas l’objet de campagnes de dépistage.

*Twenty five year follow-up for breast cancer incidence and mortality of the Canadian National Breast Screening Study: randomised screening trial
BMJ 2014; 348 doi: http://dx.doi.org/10.1136/bmj.g366 (Published 11 February 2014)
Cite this as: BMJ 2014;348:g366

https://www.cancer-rose.fr/etude-miller/

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CONCLUSION :

Les auteurs concluent que le lien entre mammographie de dépistage et le degré de réduction de mortalité par cancer du sein observée ces dernières années est de plus en plus sujet à controverse.

Une comparaison de huit pays d' Europe et en Amérique du Nord ne démontre pas de corrélation entre la pénétration du dépistage national et la chronologie ou même l'ampleur de réduction de mortalité par cancer du sein.

Les preuves issues des trois approches différentes et d'autres observations supplémentaires ne soutiennent pas l'hypothèse que le dépistage par mammographie serait la raison principale de la réduction de mortalité par cancer du sein observée en Europe et en Amérique du Nord.

 

Lire aussi : https://cancer-rose.fr/2019/10/27/etude-des-trois-paires-de-pays-compares/

 

 

 

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Qu’est-ce que les microcalcifications ?

article actualisé le 5 novembre 2022

Ce sont de petits dépôts calciques dans le sein dont la découverte est de plus en plus fréquente avec l'amélioration des technologies de mammographie.

Lorsqu'on les découvre, on étudie leur forme, leur nombre, mais aussi leur groupement, leur topographie (où dans le sein se trouvent-elles), leur taille, leur morphologie et la morphologie de leur regroupement.

Les calcifications peuvent être intra-galactophoriques (dans les canaux lactifères du sein), vasculaires (dans les vaisseaux du sein), se situer dans l'épithélium qui borde le canal lactifère du sein, ou encore dans le tissu de soutien du sein.

En pratique mammographique, on peut distinguer trois grands cas de figures : les calcifications typiquement bénignes, les calcifications typiquement malignes, et les situations intermédiaires.
Le contexte clinique bien entendu doit être pris en compte pour juger de la malignité ou de la bénignité des images. Par exemple, un nodule typiquement malin cliniquement et échographiquement, avec quelques calcifications non inquiétantes en bordure ne doit pas faire ignorer les autres arguments de lésion suspecte. Inversement aussi, s'il n'y a rien cliniquement, mais qu'il existe des calcifications très inquiétantes, elles doivent amener à poursuivre le bilan et à prélever, le cas échéant.

La classification ACR de votre bilan sénologique sera conditionnée par la présence des microcalcifications et de leur morphologie.
ACR 2 signifie des calcifications typiquement et avec grande certitude bénignes.
Les classifications ACR 4 et 5 demandent une biopsie car très probablement (pour ACR4) et assurément (pour ACR 5) malignes.
ACR 3 correspond à une situation non typiquement maligne mais nécessitant un suivi et d'être recontrôlée, par exemple un foyer de calcifications sans argument inquiétant mais qui n'était pas présent antérieurement, ou un foyer existant qui s'est un peu modifié.
Nous verrons par la suite les difficultés et les pièges de ces situations.

Les calcifications en mammographie systématique :

► Elles sont présentes dans 30 % des mammographies !
► elles sont à l’origine de la découverte de :
- 70 % des petits cancers infiltrants de moins de 5 mm
- 90 % des in situ
Nous reviendrons sur le problème des lésions in situ plus bas dans l'article, et ce que sa découverte sur une mammographie signifie pour une patiente.

Les ACR 2- bénignité quasi certaine

► Elles épousent la morphologie d’une structure anatomique identifiable :
► Micro-ou macrocalcifications : un adénofibrome, une paroi de kyste (calcifications cupuliformes ou arciformes, sédimentées au fond du kyste), une ectasie canalaire sécrétante, une mastite à plasmocytes, un vaisseau, une cicatrice de chirurgie.
► Macro ou microcalcifications arciformes sédimentées (souvent dans des microkystes).
► Microcalcifications cutanées.

Les ACR 5-malignité quasi certaine

Anomalie très suspecte, nécessitant une exérèse chirurgicale
► Microcalcifications vermiculaires, arborescentes, comme des branches…
► Opacité avec des microcalcifications en son sein
► Microcalcifications groupées ayant augmenté en nombre d'un contrôle à l'autre
► Groupement de calcifications qui suivent un trajet galactophorique, ou disposés en triangle comme suivant un secteur de canaux galactophoriques.
► Le dégradé de taille et de densité du centre vers la périphérie d’un amas de calcifications avec un aspect sale délavé des calcifications les plus distales, est un signe très évocateur de malignité.

Les ACR 4, probablement malignes

Il s'agit d'anomalie considérée comme indéterminée ou suspecte nécessitant une vérification histologique :
* Microcalcifications punctiformes régulières nombreuses et ou groupées en amas ni ronds ni ovales
* Microcalcifications poussiéreuses nombreuses et groupées
* Microcalcifications irrégulières, polymorphes, peu nombreuses

Classer en ACR 4 veut dire qu'il y a une anomalie suspecte, qu’il faut vérifier. C’est parfois un cancer, mais pas forcément.  ACR4 implique donc d'office une biopsie, sous échographie (micro-biopsie) ; pour les microcalcifications, uniquement visibles en radiographie, ce sera sous contrôle radiographique, par une procédure appelée mammotome (macro-biopsie), ou parfois directement par biopsie-exérèse si le foyer est assez petit pour être retiré dans son ensemble sous mammotome.
On suspecte bien un cancer mais au final, on peut s'être trompé ; ou il peut s'agir d'un cancer faiblement évolutif, ou encore d'un cancer très agressif ; le type de l'image qui nous a amenés à classer en ACR4 ne dit rien sur l'agressivité ou non du cancer, si ce qu'on a biopsié en est bien un !
En raison d'ailleurs de ces incertitudes une sub-division de cette classification ACR4 a été effectuée, avec attribution d'une fourchette de probabilité de cancer à chacune des subdivisions.

Cliquez pour agrandir

voir tableau ici : https://cancer-rose.fr/2019/09/04/cancer-du-sein-acr3-acr4-acr5/

Mais en dehors des ACR 2 et des ACR 5, qu'en est-il des autres calcifications ?

C'est là où les choses se compliquent.

Aucun des caractères suivants :
-forme ronde ou ovalaire du foyer
- présence de foyers multiples à morphologie identique
- stabilité dans le temps
► ne sont suffisants pour assurer avec certitude absolue la bénignité.

Le caractère multifactoriel des informations à synthétiser empêche tout classement rigide.
Il existe des variétés infinies de transition pour chaque description. La forme, la taille, le nombre dépendent de la technique, du support de l'information et de la densité hydrique du sein.
Les tentatives de codifications ont abouti à un échec, et nous sommes à présent devant un très gros problème de conduite à tenir devant ces images intermédiaires, dont on ne sait pas toujours quoi faire avec certitude.
Dans ces situations, les lecteurs et relecteurs "experts" ne sont d'accord que dans la moitié des cas.
Il arrive alors souvent que des femmes se retrouvent dans un parcours de "surveillance" plus rapprochée, de clichés supplémentaires, de consultation démultipliées, et elles témoignant toutes du stress engendré, du désagrément généré par ces examens répétés nécessitant leur mise en disponibilité et leur organisation dans leurs activités professionnelles, contraignantes.
Avec l'élévation du niveau d'angoisse des multiples campagnes dites de "sensibilisation", avec les slogans médiatisés selon lesquels "chaque minute compte", on délaisse de plus en plus l'attitude attentiste qui consiste à suivre et à recontrôler les foyers de microcalcifications, (selon ce qui est généralement préconisé, une fois dans 6 mois puis une troisième fois à un an*).
Actuellement ce qu'on constate sur le terrain, c'est que la classification ACR 3, (de surveillance), disparaît progressivement au profit d'une sur-classification "au cas où"
vers l' ACR 4,
qui est maintenant un véritable fourre-tout, qui conditionnera et justifiera pour la patiente une vérification histologique, donc une biopsie, avec la mise en place d'un clip de repérage pour le chirurgien, au cas où une intervention s'ensuivrait.
En effet, devant l'inquiétude accrue à la fois du médecin, alarmé d'une possible judiciarisation si jamais il n'alerte pas très tôt, et celle de la patiente, persuadée que la moindre attente pourrait lui coûter la vie, l'examen est volontiers surclassé d'ACR3 en un ACR 4, et c'est ainsi que le nombre de prélèvements par biopsies percutanées a augmenté de façon exponentielle.
Parallèlement, on observe une baisse du rendement biopsique ( nombre de cancers diagnostiqués / nombre de biopsies pratiquées), il s’établit autour de 30%. Il était, il y a moins de 10 ans, à plus de 50%.

* le référentiel (page 21) est le suivant :
Lésions classées ACR 3 => Pas d’indication à des prélèvements systématiques mais à une surveillance rapprochée: Surveillance à 6 mois pour les calcifications et à 4 mois pour les masses - En cas de stabilité lors de ce premier suivi => nouveau bilan rapproché à 1 an, puis à 2 ans du 1er examen :
o Une stabilité lésionnelle sur 2 ans permet de reclasser la lésion en bénigne ACR2
o La constatation d’une évolutivité en taille (>10%) ou d’apparition de critères morphologiques péjoratifs durant ce suivi fait classer la lésion au minimum en ACR4

Même, la mammographie ayant une sensibilité accrue aux calcifications il peut s'agir d’une primo-découverte de ces calcifications lors de la toute première radiographie. On a lors tendance d'emblée à réaliser une biopsie pour se rassurer, mais cela alimente les examens inutiles, les fausses alertes et un stress important chez les patientes.

Autrement dit, on biopsie de plus en plus des lésions bénignes, alors qu'un simple suivi et recontrôle aurait suffi pour infirmer la suspicion d'un cancer.

Récapitulatif de la classification ACR des calcifications.
VPP = valeur prédictive positive, ou probabilité que le la femme dépistée soit réellement malade quand le test de dépistage est positif. Cela répond à la question « Docteur, avec cette anomalie trouvée, quel est le risque que j’aie vraiment un cancer du sein ? »

Le cas du carcinome in situ

Il est essentiellement de découverte mammographique, en effet 90 % des femmes ayant un diagnostic de CCIS (carcinome canalaire in situ) présentaient des microcalcifications à la mammographie. Dans leur grande majorité ces lésions ne mettent pas en danger la vie des femmes si elles ne sont pas détectées, leur pronostic est très bon, la survie à 10 ans, paramètre très utilisé par les autorités sanitaires, est supérieure à 95%. Il existe la forme canalaire et la forme lobulaire considérée plutôt comme un facteur de risque de cancer du sein.
Les CIS alimentent largement les surdiagnostics. En France ils sont traités comme les "vrais" cancers avec chirurgie et radiothérapie. (Référentiel page 55)
Les essais et études montrent que la croissante détection des CIS n’a pas contribué à la réduction de la mortalité par cancer du sein. Avant l’ère des dépistages, le CIS représentait moins de 5% de tous les cancers du sein pour passer à 15 à 20% dans tous les pays où les campagnes de dépistage existent.


Et l'IRM ?
En raison de sa faible spécificité ( probabilité que la mammographie de dépistage reste négative quand la femme dépistée n’est effectivement pas malade), l'IRM, notamment chez des femmes jeunes, peut être positive sur des foyers de calcifications alors que la patiente n'est pas porteuse de cancer.
Cet examen peut alors générer des faux positifs qui liés à des anomalies bénignes du sein (mastopathies diverses), ou au contraire des faux négatifs en dépit de la présence d'un carcinome in situ.
L'IRM n'est pas adapté dans le cas des microcalcifications.

Des images

bénignes
bénignes

malignes
malignes
vasculaires et galactophoriques bénignes
malignes, avec le dégradé périphérique en taille et en densité
cupuliforme sédimentée au fond d'un kyste, typiquement bénigne

Un cours

Pour les intéressées, pour les sages-femmes, médecins, étudiants, le cours de Dr Bernard Duperray, ancien chef du service d'imagerie de l'hôpital Saint Antoine, Paris : https://cancer-rose.fr/2021/02/24/cours-calcifications-du-sein/

Et aussi : https://cancer-rose.fr/2021/02/24/fausses-microcalcifications/

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Qu’en est-il de l’autopalpation ?

Qu'en est-il de l'autopalpation ?

L'auto-examen des seins ne s'avère pas être une méthode efficace pour la détection précoce du cancer du sein et ne peut être retenue en tant que méthode de dépistage de routine, car on n'est pas parvenu à mettre en évidence si le dépistage par examen clinique des seins pouvait réduire réellement la mortalité par cancer du sein.

En revanche les faux positifs étaient augmentés par la pratique systématique, comme le montre une revue systématique, donnant lieu à des examens complémentaires et des biopsies avec résultats normaux, et ils occasionnaient aussi une augmentation de l'anxiété des femmes.

Les lignes directrices pour le dépistage du cancer du sein par examen clinique du sein sont divergentes. En effet l'examen clinique des seins est recommandé en France, alors qu’il ne l'est ni aux États-Unis ni au Canada, compte tenu du manque de bénéfices clairs et du risque de surmédicalisation.
Une étude de 2019 avait pour but de vérifier l'exactitude de la palpation clinique.
La trop faible exactitude de la palpation des seins ne plaide pas en faveur d’un examen clinique régulier en France, en tous cas pas comme méthode de dépistage de masse, car sa sensibilité (l'efficacité à trouver une réelle lésion), et sa spécificité (la probabilité que ce qu'on a trouvé soit réellement un cancer) sont toutes deux très faibles.

Trois essais randomisés comparatifs ont été menés, en Russie, Chine et au Royaume Uni réunissant presque 400 000 femmes au total, qui n'ont démontré ni diminution de mortalité par cancer du sein, ni diminution des mastectomies.

Enfin un essai indien de 2021 semblait montrer une diminution de la mortalité par cancer du sein dans le groupe autopalpation chez les femmes âgées de 50 ans et plus, mais pas chez les femmes plus jeunes. Ce résultat est cependant fragile, car en réalité, les femmes ont été tirées au sort non pas individuellement, mais en groupe et il n'y a eu que 20 groupes au total, pas strictement comparables. On ne peut donc pas affirmer que l'efficacité de l'autopalpation des seins soit correctement démontrée, et de plus Il n'y a eu aucun retentissement sur la mortalité globale des femmes.

En conclusion, on ne peut pas retenir l'autopalpation des seins comme examen systématique permettant une routine de dépistage de cancer du sein. Il n'y a pas d'efficacité avérée, et on augmente essentiellement les fausses alertes et des examens invasifs supplémentaires.

A titre individuel, une femme qui remarque un changement dans son sein doit être incitée à consulter, lorsqu'elle constate les signes suivants : modification de l’arrondi, de la forme générale du sein (irrégularités, déformations...),  rétraction du mamelon, lésion croûteuse du mamelon, bosse ou tuméfaction d’apparition récente (surtout si peu mobile à la palpation), un méplat (c’est-à-dire zone plus plane du sein, qui en rompt l’arrondi), ou même une zone de rétraction, un écoulement sanglant, une rougeur inexpliquée, une grosseur dans l’aisselle, persistante ou dont le volume augmente, un effet de « peau d’orange » avec apparition dans la zone concernée de petites boursoufflures, une plaie sur la peau due à un cancer ulcérant, un gonflement et durcissement du sein entier, une masse palpable en profondeur survenue sans déformation extérieure visible.

Certains de ces signes peuvent témoigner tout autant d'une lésion bénigne que maligne, mais il faut consulter car une mammographie individuelle à ce moment-là aura son utilité pour établir un diagnostic.

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