Quelle est la fiabilité des modèles de calcul du risque de cancer du sein en fonction des résultats de la recherche de mutation de BRCA1 et BRCA2 ?

1 décembre 2019

Voilà la question que pose ici un article paru le 4 octobre 2019 dans le Journal of the National Cancer Institute.

Robert J. MacInnis et coll. Considerations when using breast cancer risk models for women with negative BRCA1/BRCA2 mutation results. J Natl Cancer Inst. 2019, 4 octobre (doi: 10.1093/jnci/djz194)

Contexte

Un de ces modèles est le modèle IBIS, utilisé pour MyPEBS.

Dans MyPEBS comme la présentation aux investigateurs le stipule, (voir document joint ci-dessous, page 9) on exclut de l'étude les participantes porteuses de mutation BCRA 1 ou 2. Cette mutation sera donc recherchée avec le modèle le modèle Tyrer-Cuzick ou outil IBIS qui a été largement décrit pour les femmes ayant des antécédents familiaux importants : sa précision est moyenne dans la population générale alors qu’elle serait très élevée dans les populations à risque familial. Ce modèle comprend des informations génétiques qui ajoutent les gènes BRCA et un gène hypothétique de susceptibilité au cancer.

MyPEBS Présentation investigateurs

Que dit l'article ?

 

Près de 15 000 femmes âgées de 20 à 70 ans d’une cohorte prospective nord-américaine et australienne (The Prospective Family Study Cohort) ont été suivies durant 10 ans, indemnes de cancer du sein ou de l’ovaire avec des antécédents familiaux de cancer du sein au premier ou au deuxième degré (96,1 %) ; soit elles n’avaient pas fait la recherche d’une mutation de BRCA1 ou BRCA2, soit celle-ci était négative.

Pour chaque femme, le risque à 10 ans de développer un cancer invasif du sein a été calculé en utilisant trois modèles : BOADICEA, BRCAPRO, et IBIS.

 

Résultats

 

Les auteurs relatent les résultats suivants :

  • Chez les femmes testées et négatives pour la recherche d’une mutation de BRCA1 ou BRCA2 (et dont les proches n’avaient pas été testés) les trois modèles sous-estimaient le risque, d’un quart à plus de 50 %.
  • Les modèles BOADICEA et IBIS, celui utilisé dans MyPEBS, surestimaient le risque, d’un facteur 2 à 4, chez les femmes testées et négatives pour la mutation spécifique de BRCA1 ou BRCA2 retrouvée chez leurs proches.
  • Les modèles BOADICEA et IBIS étaient performants pour estimer le risque des femmes qui n’avaient pas fait la recherche d’une mutation de BRCA1 ou de BRCA2.

 

Conclusion

 

Les auteurs concluent sur le constat que bien que ces modèles soient généralement performants, ils semblent inadéquats pour estimer le risque de cancer invasif du sein chez les femmes non porteuses d’une mutation de BRCA1 ou de BRCA2.

Déjà, une revue systématique des modèles de prédiction posait la question de leur incertitude, voir : https://cancer-rose.fr/my-pebs/2019/04/27/une-revue-systematique-et-une-evaluation-qualite-des-modeles-individualises-de-prediction-du-risque-de-cancer-du-sein/

 

LIRE AUSSI : https://jnccn.org/view/journals/jnccn/17/12/article-p1456.xml

 

De multiples tests prédictifs ont été mis en œuvre dans la pratique clinique pour aider à déterminer quelles femmes atteintes d'un cancer du sein hormono-sensible à un stade précoce pourraient bénéficier d'une chimiothérapie adjuvante et lesquelles ne le pourraient pas. Ces tests ont été développés à l'origine comme des outils pronostiques, et plus récemment ont été utilisés pour guider la désescalade du traitement.

Avis des auteurs :

La leçon de ces études est que les essais doivent tester la question cliniquement pertinente de savoir si la prédiction génomique améliore la prise de décision et la guidance thérapeutique au-delà de l' utilisation des meilleurs algorithmes cliniques disponibles. C'est une leçon qui devrait s'étendre au-delà du cancer du sein.

La question qui se pose à un tel test génomique théorique est de savoir s'il améliore la classification pronostique au-delà de tous les marqueurs prédictifs cliniques utilisés dans la pratique. 

Le logiciel Mammorisk

Un logiciel dédié à MyPebs, appelé Mammorisk a été conçu spécialement pour l'étude MyPebs

 

document  MammoRisk_Briefpresentation_2018

 

Dans l'étude MyPEBS, pour "stratifier" le risque, celui-ci sera évalué selon un algorithme, défini par le comité directeur de l'étude (c'est à dire la coordinatrice de l'étude : Dr Suzette Delaloge, chef du comité de pathologie mammaire de Gustave Roussy ; et l'investigateur principal en France : Dr Corinne Balleyguier, chef du service d'imagerie diagnostique de Gustave Roussy ).

Page 12 du synopsis de l'étude MyPebs (MyPEBS SYNOPSIS . pdf ) :

 

 

Ce logiciel Mammorisk inclut donc comme facteurs de risque :

  • l'âge,
  • les antécédents familiaux,
  • les antécédents de biopsie bénigne antérieure,
  • la densité à la mammographie,
  • ainsi que les résultats génétiques.

 

Voici le schéma du logiciel :

 

1. Analyse des critères choisis

 

A- la densité mammaire

 

Plusieurs études sont disponibles, depuis l'étude de Wolfe[1] sur la relation entre densité mammaire et risque de cancer du sein. Cette étude ancienne a été fortement contestée à l'époque, même par les tenants du dépistage.

D'autres études ont vu le jour depuis, étudiant la pertinence de relier ce facteur de densité avec d'autres facteurs de risque, pour pouvoir élaborer des modèles de calculs du risque de contracter dans les 5 ans un cancer du sein.[2] [3] [4] [5] [6]

Aujourd’hui, aucun outil d’estimation du risque de cancer du sein utilisant la densité mammaire n’a, pour l’heure, fait la preuve de sa pertinence.

Une annonce sur le site de la société Predilife qui a conçu le logiciel attire notre attention [7]: "  MammoRisk mesure la densité mammaire qui est un facteur de risque important pour la femme de plus de 40 ans. "

Qu’en est-il d’une telle affirmation ?

La HAS, dans un travail sur l’identification des facteurs de risques, écrit :

 « La densité mammaire élevée avant la ménopause n’a pas été retenue comme un facteur de risque à l’issue des travaux du volet 1 ».

La société va donc clairement à l’encontre de l’HAS qui ne reconnaît pas la densité mammaire comme facteur de risque.

De plus, pour utiliser cet outil d’estimation du risque, il faut pratiquer une mammographie si aucune n’a été réalisée, et cela dès 40 ans.

Là aussi, cela va à l’encontre des recommandations de l’HAS qui ne reconnaît la mammographie comme utile qu’à partir de 50 ans. [8].

Enfin, la réalisation d’un examen radiologique irradiant, au seul prétexte de se conformer à un outil informatique, est-elle éthique ?

C’est une question que personne, ni parmi les investigateurs ni parmi les coordonnateurs de cette étude ne semble pas s’être posée, pas plus d’ailleurs que le autorités sanitaires qui ont autorisé cette étude.

 

B- l'âge

L'âge est reconnu depuis longtemps comme facteur de risque du cancer du sein avec un pic statistique entre 50 et 60 ans.

 

C- les antécédents

 

Les deux autres facteurs inclus dans le logiciel, antécédents de biopsie du sein même bénigne, et antécédents familiaux de cancer mammaire prêtent aussi à discussion.

Avec le surdiagnostic que les évaluations les plus récentes et fiables situent aux alentours de 40%,( jusqu'à même 50%), le dépistage a généré de la maladie, et a ainsi augmenté artificiellement le nombre des familles à risque.

Le nombre d'actes biopsiques chez des femmes jeunes pour des lésions bénignes telles que des fibro-adénomes, en vue d'une exérèse chirurgicale, a très nettement augmenté ces dernières années.

Il le sera d’autant plus, dans l’avenir, que la consultation systématique proposée aux femmes dès 25ans, vient d’être instaurée [9].

A 25 ans, les lésions cancéreuses sont rarissimes, mais les lésions bénignes (kystes, mastose, fibro-adénomes) sont fréquentes et facilement biopsiées sous échographie.

 

Tous ces éléments montrent une augmentation des examens des seins chez les femmes jeunes.

On peut donc sans risque s’inquiéter sur le fait que de très nombreuses femmes se verront attribuer un facteur de risque de cancer du sein au seul prétexte d’examens et de biopsies plus liés au « toujours plus médical » qu’à de réelles problématiques de santé.

 

2. La validation scientifique du logiciel Mammorisk

 

Sur le site de la société Predi-Life (ou Statlife) n'apparaît aucune source bibliographique.

En revanche à la page 13 du document de présentation du logiciel il y a sous le titre de "scientific papers" trois sources bibliographiques :

Seule la première référence a été publiée :

Laureen Dartois et al, A comparison between different prediction models for invasive breast cancer occurrence in the French E3N cohort, Breast Cancer Research and treatment, 2015. Les deux autres, pas encore.

A cette étude contribuent Mme Suzette Delaloge, coordonnatrice de l'étude MyPEBS ainsi que Mr Emilien Gauthier, qui  est le directeur de recherche et de développement pour Mammorisk de la société Predilife [10] .

La deuxième référence n’a pas été publiée dans une revue médicale. Le texte indique que l’étude est « in press » en 2017 dans le European Journal of Cancer. En réalité, comme le montre une recherche faite sur le site de ce journal au 16 avril 2019, aucune étude signée par Mr Ragusa n’a été publiée dans cette revue en 2017, ni 2018, ni 2019. Le plus probable est que la publication a été refusée à la suite de la revue par les pairs.

Son contenu correspond cependant à un poster présenté au Symposium de San Antonio de 2016, dont les auteurs principaux sont Mr Stéphane Ragusa, président et créateur de la société Predi-Life et Mr Emilien Gauthier, sus-cité.

Comme co-auteure nous retrouvons Mme Suzette Delaloge, oncologue de l’Institut Gustave Roussy et promoteure de l’étude MyPEBS. Il est important de noter que les communications dans les symposiums ne font pas l’objet d’une revue par les pairs et n’ont pas la même valeur qu’une publication dans une revue médicale.

(Sujet du poster

« Développement et validation d’un nouveau modèle non paramétrique d’évaluation des risques de cancer du sein sur les populations américaines et européennes de dépistage. »)

 

La troisième référence :  l'étude RIVIERA

« RIVIERA - Evaluation du niveau de risque de cancer du sein chez des femmes de la population générale par leur médecin de ville: faisabilité, ressenti, acceptabilité, satisfaction, adhésion aux programmes de suivi. »[11] [12] .

L'investigatrice principale est Mme Delaloge.

L'essai inclut 600 femmes et est effectuée en collaboration avec la société Statlife, et avec le partenariat de l'Institut Gustave Roussy.

Elle est censée analyser "l'acceptabilité et la faisabilité d'une consultation de prévention du cancer du sein par les médecins de "cabinets de ville" - radiologues, gynécologues, généralistes - en utilisant MammoRisk, une solution logicielle innovante de prédiction et de prévention du risque de cancer du sein".

Riviera est promue par l'IGR (Institut Gustave Roussy) comme cela est précisé dans le descriptif de l'étude (voir référence 11) et financée par l'ARC (Fondation pour la Recherche contre le Cancer).[13]

« Il s'agit d'une étude nommée de "soins courants", qui permettra, si l'étude est positive, de proposer une possible généralisation de ce logiciel chez les médecins de ville pour une "prévention personnalisée" du cancer du sein et une extension des ventes du logiciel ».

Mais en quoi l’acceptation par les femmes et la faisabilité d’une consultation de prévention qui utilise le Mammorisk donne des indications sur l’intérêt de ce logiciel ?

En d’autres terme, ce n’est pas parce que vous êtes d’accord avec quelque chose qui vous paraît "acceptable", que ce quelque chose est « valable » et valide son intérêt.

Au total il n’apparaît rien, sur les études scientifiques présentées par les promoteurs et concepteurs du Mammorisk, qui en valide l’intérêt.

Il n’y a de référence que celles des concepteurs de l’étude et quasiment aucune d’auteurs indépendants de ce Mammorisk.

Nouvelle étude publiée en 2022

Là aussi une étude de faisabilité.

Elle très peu de participantes (290), et qui consultent en raison d'un sur-risque supposé ce qui constitue déjà un biais.

Elle est réalisée par Saghatchian et 'coll'. Mme Saghatchian a reçu des honoraires de la société Predilife commercialisant Mammorisk. comme indiqué dans la déclaration d'intérêts.

Examinons quelques-uns des collaborateurs :
Mr Emilien Gauthier, co-auteur, n'est autre que le directeur de recherche et de développement pour Mammorisk de la société Predilife.
Une recherche nous apprend que Mme Valérie Hélin, également parmi les co-auteurs, est superviseur des affaires médicales et réglementaires chez Statlife, (marque semi-figurative de Predilife, Statlife est définie comme une société de medtech qui développe des logiciels médicaux de prédiction de risque).

Deux études de faisabilité donc, toutes les deux supportées par la société commercialisant le logiciel, pour "valider" Mammorisk....

3.un schéma pour mieux comprendre les intrications

 

MMe Suzette Delaloge est présidente du groupe French Breast Cancer Intergroup - UNICANCER (UCBG)[14]  qui est partenaire de l'étude MyPEBS dont Mme Delaloge est la coordinatrice principale ; elle est oncologue, chef du comité de pathologie mammaire à l'IGR, investigatrice principale de l'étude RIVIERA, faite en partenariat avec la société Statlife qui commercialise le logiciel Mammorisk intégré dans l'étude MyPEBS pour laquelle MMe Delaloge est la coordinatrice principale.

La société Statlife (ou Predilife) et l'IGR sont partenaires de l'étude Riviera qui valide l'acceptabilité du Mammorisk produit par la société Statlife (ou Predilife), cette étude ainsi que le logiciel sont financés par l'association ARC.[15]

L'IGR est membre d'Unicancer.[16]

Nous voyons assez facilement grâce au schéma comment des coordonnateurs d'études et des institut peuvent promouvoir des études permettant l’intégration de dispositifs médicaux avec une validation scientifique a minima et auto-promue, émanant d'une start-up privée, afin d'intégrer leur produit dans une étude européenne à grande échelle financée par les deniers de l'Union Européenne.

Ci-dessous d'autres renseignements utiles sur « la success story à venir » de la société Predilife, ainsi qu'une capture d'écran trouvée dans la revue "Le Revenu".

 

https://www.zonebourse.com/actualite-bourse/PrediLife-lance-son-introduction-en-bourse-sur-le-marche-Euronext-Growth-Paris--27707459/

 

https://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/entreprise-du-jour-predilife-specialiste-de-la-prediction-des-risques-de-maladies-graves-lance-son-introduction-en-bourse-0512-1122977.html

 

https://www.tradingsat.com/actualites/informations-societes/predilife-lancement-de-l-introduction-en-bourse-838677.html

 

4. Position de la Haute Autorité de Santé

 

"Seuls les modèles intégrant les facteurs de risque individuels sont exploitables pour déterminer des populations à risque accru (ou diminué) de cancer du sein. La comparaison avec le risque en population générale permet de cibler des populations pouvant faire l’objet de recommandations spécifiques. Toutefois, la capacité des modèles à prédire la survenue de cancer du sein reste médiocre (indice de concordance autour de 0,65). Tous les facteurs de risque ne sont pas pris en compte, notamment les antécédents médicaux personnels, la contraception hormonale, la consommation d’alcool ne sont pas inclus dans les modèles. Enfin, les outils ne sont pas disponibles pour toutes les populations (femmes de moins de 35 ans, femmes américaines hispaniques, etc.). A notre connaissance, ces modèles n’ont pas fait l’objet de validation dans la population française, et l’article de de Pauw et al. (31) montre que, pour une même femme présentant trois antécédents familiaux de cancers du sein, les différents modèles estiment des risques de survenue de cancer du sein très différents, de 13 à 34 %. Ces modèles ne sont pas fournis avec des grilles de lecture et des algorithmes de décision pour le clinicien, permettant de choisir une stratégie de surveillance en fonction de l’estimation obtenue."

https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2014-05/depistage_du_cancer_du_sein_chez_les_femmes_a_haut_risque_volet_1_vf.pdf

Page 53

 

5.Conclusion

 

Dans toute cette analyse, une question essentielle se pose : où est l’intérêt des femmes, qui éblouies, sans doute, par les termes « innovation » « médecine personnalisée » etc ; « confieront» leurs seins à l’étude MyPeBS ?

Après avoir analysé en détail et critiqué le formulaire de consentement présenté aux femmes, le protocole de cette étude et la problématique de la non-infériorité, nous nous posons aujourd’hui la question du réel l’intérêt scientifique de l’étude MyPeBS par l’analyse du logiciel Mammorisk qui est la « pierre angulaire » de cette étude.

Cette étude n’a-t-elle pas un but marketing et de développement financier plutôt que scientifique comme présenté : « MyPeBS : mobilisation européenne pour proposer un dépistage personnalisé, plus efficace et plus sûr » [17] ?

 

 

BIBLIO

[1] Wolfe JN. Breast patterns as an index of risk for developing breast cancer. AJR 1976;126:1130-9.

 

[2] Annals of Internal Medicine Personalizing Mammography by Breast Density and Other Risk Factors

for Breast Cancer: Analysis of Health Benefits and Cost-Effectiveness

John T. Schousboe, MD, PhD; Karla Kerlikowske, MD, MS; Andrew Loh, BA; and Steven R. Cummings, MD

 

[3]                                                                                                                                            https://www.researchgate.net/publication/273154592_The_Contributions_of_Breast_Density_and_Common_Genetic_Variation_to_Breast_Cancer_Risk

The Contributions of Breast Density and Common Genetic Variation to Breast Cancer Risk

Article (PDF Available) in JNCI Journal of the National Cancer Institute 107(5) · May 2015 with 77 Reads

DOI: 10.1093/jnci/dju397 · Source: PubMed

Celine M Vachon

 

[4] McCormack VA, dos Santos Silva I. Breast density and parenchymal patterns as markers of breast cancer risk: a meta-analysis. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev. 2006;15(6):1159–1169

 

[5] KERlikowske K, Cook AJ, Buist DS, et al. Breast cancer risk by breast density, menopause, and postmenopausal hormone therapy use. J Clin Oncol. 2010;28(24):3830–3837.

 

[6]                                                                                                                                            https://link.springer.com/article/10.1007/s10549-011-1853-z

Breast Cancer Research and Treatment

May 2012, Volume 133, Issue 1, pp 1–10| Cite as

Risk prediction models of breast cancer: a systematic review of model performances Thunyarat Anothaisintawee, Yot Teerawattananon, Chollathip Wiratkapun

 

[7]                                                                                                                                               https://mammorisk.com/fr/documentation-mammorisk/#

[8] https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1741170/fr/depistage-du-cancer-du-sein-en-france-identification-des-femmes-a-haut-risque-et-modalites-de-depistage

La HAS rappelle qu’en l’absence des facteurs de risque pour lesquels un dépistage spécifique du cancer du sein est recommandé, il n’y a pas lieu de réaliser une mammographie ou une échogra- phie mammaire de dépistage en dehors de la tranche d’âge de participation au programme national de dépistage organisé, c’est-à-dire entre 50 et 74 ans.

[9] https://solidarites-sante.gouv.fr/archives/archives-presse/archives-communiques-de-presse/article/marisol-touraine-modernise-le-depistage-organise-du-cancer-du-sein-et-annonce

 

[10] https://mammorisk.com/fr/societe-predilife/#

 

[11] https://www.gustaveroussy.fr/fr/riviera-resultats-positifs-mammoriskr-depistage-cancer-sein            

 

[12] https://mammorisk.com/fr/etude-riviera-mammorisk/#

 

[13] https://www.fondation-arc.org/actualites/gustave-roussy-presente-resultats-positifs-etude-clinique-riviera-mammorisk

 

[14] http://www.unicancer.fr/la-recherche-unicancer/french-breast-cancer-intergroup-unicancer-ucbg

 

[15]   https://mammorisk.com/fr/societe-predilife/

 

[16]                                                                                                                                          https://www.gustaveroussy.fr/fr/gouvernance-generalites

 

[17]     http://www.unicancer.fr/sites/default/files/MyPeBS-DP.pdf

 

 

 

Une revue systématique et une évaluation qualité des modèles individualisés de prédiction du risque de cancer du sein

British Journal of Cancer (2019) 121:76–85; https://doi.org/10.1038/s41416-019-0476-8

Javier Louro, Margarita Posso, Michele Hilton Boon, Marta Román, Laia Domingo, Xavier Castells  and María Sala

Synthèse Dr C.Bour, 27 août 2019

Les modèles individualisés de prédiction du risque au cancer du sein sont des éléments fondamentaux sur lesquels se basent les nouvelles approches de dépistage fondées sur le risque individuel de développer un cancer du sein, étant donné qu'ils sont conçus pour quantifier le risque individuel d'une femme à développer un cancer du sein au cours d’une période définie.

Deux de ces logiciels de prédiction du risque seront utilisés dans l'étude Mypebs, étude qui, rappelons-le, doit tester la pertinence d'un dépistage individualisé fondé sur le risque individuel de chaque femme de développer un cancer du sein. On va donc "classer" les femmes du groupe dépistage individuel en sous-groupes, des femmes à risque faible à celle à risque fort et très fort.

De quoi s'agit-il exactement dans Mypebs ?

Il s’agit de vérifier si un dépistage individualisé fondé sur le risque individuel de développer un cancer ne serait pas moins bon que le dépistage standard actuel pour réduire le taux des cancers graves. En effet un dépistage efficace conduit à ce qu'il y ait moins de cancers de stade 2 et + dans la population dépistée. Or, la conception de l'étude stipule que le but est de vérifier si un nouveau dépistage individuel ne conduit pas à une augmentation de plus de 25% du taux de cancers graves, par comparaison avec le dépistage standard. Ce seuil de 25% semble fixé arbitrairement. Donc si après l'étude on trouve 23% ou 24% de cancers graves en plus, les concepteurs de l'étude s'accorderont le droit de dire que les deux modes de dépistage sont équivalents..

Concrètement :

Selon le synopsis de l’étude, dans le groupe standard, on attend la survenue de 480 tumeurs de stade 2 ou plus pour 100 000 femmes au cours des 4 ans de l’essai.

Le synopsis explique que le seuil de non infériorité choisi  « correspond à une augmentation jusqu’à 120/100 000 cancers de stade 2 du taux de risque cumulé sur 4 ans dans le groupe basé sur le risque individuel »

Autrement dit, s’il apparaît 600 cancers avancés / 100 000 femmes (au lieu de 480), soit +25% dans le groupe dépistage individuel, alors il sera considéré comme « non inférieur » ou « équivalent » au dépistage standard.

[1]

Les auteurs de l'article ici présenté évaluent ces outils prédictifs en analysant les études sélectionnées.

La méta-analyse, les logiciels examinés

 

Les études incluses dans la méta-analyse des auteurs peuvent être regroupées selon le modèle de risque qu’elles ont mentionné :

  • l’outil d’évaluation du risque de cancer du sein (Breast Cancer Risk Assessment Tool BCRAT),
  • le modèle du consortium de surveillance du cancer du sein (BCSC),
  • le modèle Rosner et Colditz,
  • l’International Breast Cancer Intervention Study (modèle de Tyrer-Cuzick, ou l' outil IBIS, utilisé pour calculer la probabilité qu'une personne soit porteuse des mutations BRCA1 ou BRCA2 )
  • Autres modèles originaux (4 études intégrées dans la méta-analyse utilisant d'autres modèles moins connus).

Les auteurs ont estimé la validité des modèles en évaluant deux scores, le pouvoir discriminant du modèle (femmes à risque ou non) et sa "précision de calibration" pour les femmes dans la population générale.

Explication de ces deux critères :

1) Discrimination, c'est le pouvoir de séparer les personnes, c'est une attribution dichotomique en malades/non malades, ou ici femmes à risque/non à risque.

2) Calibration adéquate (calibration accuracy)

La calibration fait référence à l’accord entre les résultats observés et les prévisions, ou dans quelle mesure le risque prédit est proche du risque réel.

Pour évaluer cette calibration, on compare le nombre d’événements prédits et le nombre d'évènements réellement observés.

 

Cette revue systématique se limite aux études publiées en anglais et ne comportait pas une recherche active de littérature "grise", c’est-à-dire non officiellement publiée dans des sources comme livres ou articles de revues. Par conséquent, certains modèles n’ont peut-être pas été identifiés.

Cependant les auteurs estiment avoir effectué une recherche documentaire exhaustive dans Medline, EMBASE et la Cochrane Library, et estiment que la perte d’information attribuable aux critères de sélection de l’étude est faible.

 

Les modèles pour Mypebs [2]

 

L'essai Mypebs allègue l'utilisation de deux modèles : Le modèle américain BCSC qui, selon les concepteurs de Mypebs, a été validé dans les populations françaises de dépistage général du cancer du sein (après ajustement sur l’incidence nationale). Le score du BCSC donnerait de bons résultats dans la cohorte PROCAS du Royaume-Uni, après ajustement sur l’incidence nationale, (mais ces données ne sont pas publiées).

Le modèle Tyrer-Cuzick ou outil IBIS a été largement décrit pour les femmes ayant des antécédents familiaux importants : sa précision est moyenne dans la population générale alors qu’elle serait très élevée dans les populations à risque familial. Ce modèle comprend des informations génétiques qui ajoutent les gènes BRCA et un gène hypothétique de susceptibilité au cancer.

Toutefois le papier original du modèle IBIS ne contient aucune mention de validation, il aurait été validé extérieurement (c'est à dire sur une autre échantillon de personnes que celui sur lequel il a été initialement conçu) avec une estimation de sa précision qui augmente un peu lors de l’ajout de la densité mammographique.[3]

 

Résultats généraux

 

Cette revue systématique comprenait 24 études visant à estimer le risque individuel de développer un cancer du sein chez les femmes de la population générale. Vingt études étaient fondées sur quatre modèles de risque spécifiques (le BCRAT, le BCSC, le modèle Rosner & Colditz et le modèle IBIS), tandis que quatre études utilisaient d’autres modèles originaux.

Le nombre de facteurs de risque inclus dans les modèles variait de 5 à 18. Autre que l’âge, qui était le seul facteur de risque présent dans tous les modèles, La densité mammaire, la maladie bénigne du sein et le score polygénétique étaient présents dans le modèle BCSC.

Bien qu’au cours de la dernière décennie, les modèles aient montré des améliorations dans leur exactitude discriminatoire, ils demeurent au mieux modérés. La précision de calibration était très hétérogène. De plus, la qualité des études n’était pas élevée en raison des limites de l’exactitude discriminante, du plan d’étude et des entrées des données.

Les auteurs ont identifié deux nouvelles tendances en ce qui concerne l’utilisation et le développement des modèles, à savoir l’utilisation accrue du modèle BCSC et l’inclusion de variations génétiques communes dans les modèles de prédiction. Le modèle BCSC a concentré l’attention de plusieurs auteurs au cours des cinq dernières années, bien que son exactitude discriminatoire n’ait pas exceptionnellement augmenté.

Les auteurs de l'article pensent que les modèles inclus dans les études examinées ont une précision discriminatoire et une précision d’étalonnage modérées lorsqu’ils sont appliqués aux femmes de la population générale.
Toutefois les modèles sont cliniquement utiles car ils  peuvent re-classifier des personnes à risques extrêmes. Ainsi le verdict sur les modèles de risque ne devrait pas être fondé uniquement sur ces deux estimateurs, mais les modèles doivent plutôt être évalués, selon les auteurs, prospectivement dans le cadre d’essais cliniques, dont Mypebs...

 

Conclusion

La conclusion est un peu mitigée.

Le développement de modèles individualisés de prédiction du risque de cancer du sein s’est accru au cours des trois dernières décennies, mais les améliorations à la fois de la puissance discriminatoire et de la précision de calibration sont encore limitées.

Actuellement, il est toujours difficile de recommander n’importe lequel des modèles comme norme pour prédire le risque individuel dans le contexte du dépistage.

Les études peuvent aider à comprendre le rendement d’un modèle dans un contexte particulier, mais certains modèles n’ont pas été validés suffisamment en externe (sur d'autres échantillons) ce qui accroît l’incertitude quant à son applicabilité.

En effet la validité externe témoigne de la reproductibilité et la transposabilité du score, et correspond en fait à la vérification de la discrimination et de la calibration sur d'autres populations que celle pour laquelle le modèle a été conçu.

Les modèles ont certes été remis à jour en ajoutant de nouvelles variables, telles que les variations génétiques communes ou les variables radiologiques, et auraient montré des améliorations dans leur qualité ainsi que dans leur précision discriminante.

Mais ces nouvelles variables doivent encore faire l’objet d’une évaluation plus approfondie afin de confirmer leur impact prometteur sur la capacité prédictive de proposer des stratégies personnalisées pour le dépistage du cancer du sein.

De fait, il existe actuellement deux très grands essais randomisés qui évaluent les stratégies de dépistage fondées sur le risque. Les deux utilisent des modèles individualisés, les modèles IBIS et BCSC qui sont testés dans l’essai européen Mypebs (My Personalised Breast Screening).

Le modèle BCSC est aussi mis à l’essai dans le cadre de l’essai US WISDOM (Women Informed to Screen Depending On Measures of risk)).

 

__________

 

Reste la question : l'essai est-il éthique et le résultat ensuite fiable lorsqu'il trie les femmes selon leur risque dans une étude visant à diminuer officiellement le nombre de cancers graves, avec des réajustements possibles du risque en cours d'étude comme le mentionne le protocole détaillé, sur la base de logiciels d'évaluation du risque incertains, aléatoires et encore à l'essai ?

 

 

Références

[1] https://cancer-rose.fr/my-pebs/2019/03/15/presentation-analyse-methodologique/

[2] 

https://cancer-rose.fr/my-pebs/wp-content/uploads/2019/08/MyPEBS-SYNOPSIS-.pdf

[3] Brentnall, A. R., Harkness, E. F., Astley, S. M., Donnelly, L. S., Stavrinos, P., Sampson, S. et al. Mammographic density adds accuracy to both the Tyrer-Cuzick and Gail breast cancer risk models in a prospective UK screening cohort. Breast Cancer Res. 17, 147 (2015).