Etude Miller

L’étude de Miller sortie en 2014 est une étude comparative randomisée, ce qui correspond à un critère de qualité le plus élevé des études sur populations. On analyse les données de groupes dont les sujets sont tirés au sort et ensuite comparés.

Ici, l’étude porte sur 90 000 femmes, 45 000 avec dépistage, 45 000 sans dépistage. En fait les essais (NBSS 1 et 2 , National Breast screening studys ) avaient été réalisés au Canada dans les années 80 avec des femmes dépistées tous les ans pendant 5 ans avec mammographie et examen clinique annuels, et ensuite elles bénéficiaient d’un suivi de 10 ans. Ici Miller propose une réévaluation après 25 années de suivi de ces deux groupes.

Quelles sont les conclusions ?

1°-pas de différence de mortalité entre les deux groupes (mortalité= nombre de décès rapporté au rapporté au nombre total de personnes dépistées)

2° les taux de survie sont identiques, quel que soit le stade de la tumeur (survie = nombre de décès rapporté au nombre de cancers diagnostiqués)

3° 22% de surdiagnostics

4° pas de différence entre les deux groupes du taux des cancers fatals.

Plus précisément, Miller trouve 22 % de surdiagnostics  soit 1 surdiagnostic (et donc un surtraitement) pour 424 femmes détectées, et cela pour un bénéfice nul quant à la mortalité par cancer.

Les critiques qui ont été opposées à Miller ont été variées. On arguait tout d’abord qu’il y aurait pu avoir une contamination des deux groupes en raison de la longueur du suivi. En effet, certains suivis s’arrêtent au bout de 7 à 10 ans ce qui limite deux écueils : certaines femmes du groupe non dépistage ont pu entre temps quand-même se faire faire une mammographie une année ou l’autre, à l’inverse certaines femmes du groupe dépisté auront pu « rater » une année de mammographie. L’attente de 20 années supplémentaires diluerait ou brouillerait les résultats.

  • Premièrement, l’effet de non observance du groupe dépistage et de contamination du groupe non-dépistage entrainera plutôt une sous-estimation du surdiagnostic.
  • Deuxièmement, les détracteurs des études arguaient qu’il fallait attendre très longtemps pour apercevoir l’efficacité du dépistage, car ce ne serait que sur un très long terme que l’on verrait la dangerosité des cancers non détectés dans le groupe non dépisté. Mais voilà, même au bout de 25 ans on ne voit toujours pas ce fameux méchant « cancer dormant » se manifester enfin, et pas de surmortalité des femmes non dépistées, peut-être bien parce que le cancer dormant n’existe pas…

On a reproché aussi à Miller que son étude n’était pas représentative du système français qui dépiste tous les deux ans et débute à 50 ans (alors que lors des essais canadiens ciblaient des femmes de 40 à 59 ans). Mais aux Etats Unis existait le débat de commencer le dépistage dès 40 ans. De plus Miller a isolé deux sous-groupes, le groupe des 40-49 ans et le sous-groupe des 50- 59 ans, et à nouveau il n’y a pas de différence observée.

http://www.bmj.com/content/348/bmj.g366

Réf : Miller AB, Wall C, Baines CJ, Sun P, To T, Narod SA. Twenty five years follow-up for breast cancer incidence and mortality of the Canadian National Breast Screening Study: randomised screening trial. The BMJ. 2014 Feb 11;348:g366

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Cancer du sein : recommandations Suisses

Voici le rapport scientifique du Swiss Medical Board du 15 décembre 2013

Cet organe Suisse se définit comme « indépendant de l’administration, des fournisseurs de prestations et de l’industrie », et met en avant son travail dans l’intérêt des patients avant tout.

Voici ses recommandations :

1. Il n’est pas conseillé de lancer un programme de dépistage systématique par mammographie.

2. Les programmes de dépistage systématique par mammographie existants doivent être limités dans le temps.

3. Toutes les formes de dépistage par mammographie doivent être évaluées en termes de qualité.

4. En outre, pour toutes formes de dépistage par mammographie, une évaluation médicale approfondie ainsi qu'une explication claire avec la présentation des effets souhaités et des effets indésirables sont recommandées.

Sur la base de la littérature existante, on peut conclure que le dépistage systématique par mammographie peut contribuer à détecter les tumeurs plus précocement. Le dépistage permet de diminuer la mortalité par cancer du sein de façon de façon très faible: des résultats d’études menées entre 1963 et 1991 ont révélé que, sur 1'000 femmes dépistées régulièrement, on a évité 1 à 2 décès par cancer du sein par rapport aux 1'000 femmes non régulièrement dépistées. Cet effet souhaité est à comparer avec les effets indésirables: ainsi, chez une centaine des 1'000 femmes ayant été dépistées, on a obtenu des résultats faussement positifs qui ont conduit à des investigations complémentaires et parfois à des traitements inutiles. Globalement, on obtient un rapport coût-efficacité très défavorable. Les connaissances tirées de la présente analyse conduisent aux recommandations suivantes (voir ci-dessus).

Swiss Medical Board

 

Comme on peut le constater dans cette image ci-dessous, dans les cantons où a été instauré le dépistage avant l'avis du Swiss Medical Board (date d'introduction du dépistage mentionnée pour chaque canton) le dépistage y est poursuivi. En revanche dans les cantons où les campagnes de dépistage n'ont pas démarré, le dépistage n'y a pas été introduit.

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étude d’impact du dépistage par Bleyer/Miller, 2015

Décembre 2015

Impact of screening mammography on breast cancer mortality

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26562826

Archie Bleyer1,†,*, Cornelia Baines2 andAnthony B. Miller2
Version of Record online: 15 DEC 2015

DOI: 10.1002/ijc.29925

© 2015 UICC
Issue International Journal of Cancer
International Journal of Cancer
Volume 138, Issue 8, pages 2003–2012, 15 April 2016

Archie Bleyer, MD est président de l'Institutional Review Board pour le système de santé de Saint-Charles dans l'Oregon centrale et auteur / co-auteur de plus de100_original_reports sur reseach clinique qui exigeaient l'approbation de la CISR. Il est également professeur clinique de recherche.

Archie Bleyer, Professeur en recherche clinique de l’Université des Sciences et de la Santé de l’Oregon publiait avec G.Welch, chercheur américain en cancérologie en 2012 dans le NEJM une mise au point concernant les effets de trois décades de dépistage sur l’incidence du cancer du sein, de 1978 à 2008. Le constat qui se dégage de l’étude était que la minime réduction constatée des cancers avancés n’était pas proportionnelle à l’augmentation observée impressionnante (doublement) des cancers à un stade précoce.

Cette année Archie Bleyer et Tony Miller, professeur émérite de l’Université de Toronto qui avait réalisé une étude à 25 ans de suivi de femmes à partir d’essais canadiens*, étudient la question de savoir en quelle mesure la réduction de mortalité par cancer du sein serait attribuable à la mammographie de dépistage. Les auteurs étudient l’impact de la mammographie de dépistage selon trois axes :

1) étude temporelle, afin de vérifier si le déclin de mortalité par ce cancer concorderait avec l’instauration des campagnes de dépistage.
2) étude d’ampleur, afin d’examiner si ce déclin de mortalité serait proportionnel au taux des mammographies de dépistage.
3) Et puis un axe comparatif, en étudiant le modèle de réduction de mortalité pour d’autres formes de cancers, pour lesquels il n’y a pas de dépistage instauré.

Concernant les deux premiers axes d’étude, sur des données de huit pays d’Europe et d’Amérique du Nord, les auteurs ne constatent aucune corrélation entre la mise en oeuvre nationale du dépistage dans une population donnée, et la chronologie de la diminution de la mortalité par cancer observée.

( En effet depuis les années 90 la mortalité par cancer diminue, mais les raisons avancées par d'autres études (Autier, Jorgensen, Kalager) sont essentiellement les progrès thérapeutiques, et peut-être récolte-t-on aussi les effets de vraies campagnes de prévention contre les facteurs de risque. )

La diminution de mortalité concerne plus encore les femmes jeunes, donc non incluses dans le dépistage, ainsi que les groupes de femmes non dépistés, ceci constaté aux Etats Unis.

Il n'existe pas de corrélation entre l'ampleur du dépistage et l'ampleur de cette diminution de mortalité par cancer ces dernières années.

Pour finir, l’approche comparative avec 14 autres types de cancers fait ressortir un déclin similaire des taux de mortalité desdits cancers, alors même que ces autres cancers ne font pas l’objet de campagnes de dépistage.

*Twenty five year follow-up for breast cancer incidence and mortality of the Canadian National Breast Screening Study: randomised screening trial
BMJ 2014; 348 doi: http://dx.doi.org/10.1136/bmj.g366 (Published 11 February 2014)
Cite this as: BMJ 2014;348:g366

https://www.cancer-rose.fr/etude-miller/

__________________________________

CONCLUSION :

Les auteurs concluent que le lien entre mammographie de dépistage et le degré de réduction de mortalité par cancer du sein observée ces dernières années est de plus en plus sujet à controverse.

Une comparaison de huit pays d' Europe et en Amérique du Nord ne démontre pas de corrélation entre la pénétration du dépistage national et la chronologie ou même l'ampleur de réduction de mortalité par cancer du sein.

Les preuves issues des trois approches différentes et d'autres observations supplémentaires ne soutiennent pas l'hypothèse que le dépistage par mammographie serait la raison principale de la réduction de mortalité par cancer du sein observée en Europe et en Amérique du Nord.

 

Lire aussi : https://cancer-rose.fr/2019/10/27/etude-des-trois-paires-de-pays-compares/

 

 

 

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Analyse étude américaine Harding, 2015

A propos de l'étude parue dans le JAMA juillet 2015

« Breast Cancer Screening, Incidencee, and Mortalily Acress US Countrie. »
Auteurs : Harding C, Pompei F., Burmistrov D., et al.
JAMA Intern Med. Published online July 06, 2015. doi:10.1001/jamainternmed.2015.3043

Objectif

L'objectif de cette étude est d'essayer de mesurer les bénéfices et dommages du dépistage du cancer du sein en 2000 avec un suivi de 10 ans, tel qu'il est effectué aux USA (femmes de plus de 40 ans), en comparant les données des différents comtés concernant l'intensité du dépistage, les diagnostics de cancers du sein, la mortalité par cancer du sein, les mastectomies. Elle a été réalisée sur 16 millions de femmes, et sur 60 000 malades.

Résultats

Dans les comtés où le dépistage est plus intensif, on constate :

  • une augmentation du nombre de diagnostics de cancers du sein (+16 % pour une augmentation du participation au dépistage de 10%), essentiellement par des tumeurs de moins de 2 cm.
  • une absence de réduction de la mortalité par cancer du sein
  • une absence de réduction du nombre de cancers du sein avancés
  • une absence de réduction des mastectomies.

Ces données sont difficilement compatibles avec un dépistage par mammographie efficace, dans le cadre duquel l'augmentation des petits cancers du sein doit s'accompagner d'une diminution des cancers avancés et de la mortalité par cancer du sein.

L'explication la plus vraisemblable est que les nombreux petits cancers dépistés par la mammographie systématique sont essentiellement des surdiagnostics c'est à dire des tumeurs non ou très lentement progressive, ou spontanément régressives, dont le diagnostic est inutile et néfaste, alors que le dépistage ne permettrait pas (ou rarement) un meilleur pronostic pour les cancer évolutifs.

Il s'agit d'une étude dont le niveau de preuve est limité par sa nature (les données individuelles ne sont pas connues), mais appuyé par sa vaste ampleur (16 millions de femmes), comme par les analyses complémentaires effectuées par les auteurs.

Les essais sur lesquels reposent le dépistage organisé du cancer du sein par la mammographie sont anciens, et leurs conclusions (fragiles par ailleurs du fait de certains biais et incohérences qui ont été mises en évidence depuis[1]) ne peuvent s'appliquer à la situation actuelle.

Conclusion

En conclusion, l’étude conforte l'absence d'efficacité du dépistage du cancer du sein retrouvée dans d'autres études, y compris en Europe. [2], [3], [4],[5],[6],[7]

Cliquez sur les images pour agrandir

A gauche, en bleu l'incidence du cancer du sein, en rouge la mortalité.

A droite, en bleu les taux des cancers de bas stade, en rouge les taux de cancers de stade élevé.

 

Ici les mastectomies, en bleu les partielles, en rouge les totales.

 

 

Biblio

[1] Gøtzsche PC, Jørgensen KJ « Screening for breast cancer with mammography (Review) » The Cochrane Library 2013, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23737396
[2] Autier P., Boniol M., Gavin A., Vatten L. J. « Breast cancer mortality in neighbouring European countries with different levels of screening but similar access to treatment: trend analysis of WHO mortality database » BMJ 2011;343:d4411 http://www.bmj.com/content/343/bmj.d4411
[3] Autier P., Boniol M., Middleton R., et al. « Advanced breast cancer incidence following poupulation-based mammographic screening » Annals of Oncology 22 : 1726-1735, 2011 http://annonc.oxfordjournals.org/content/22/8/1726.long
[4] Jørgensen K. J., Zahl P.-H., Gøtzsche P. C. « Breast cancer mortality in organised mammography screening in Denmark: comparative study » BMJ 2010;340:c1241 http://www.bmj.com/content/340/bmj.c1241
[5] Jørgensen K. J., Gøtzsche P. C. « Overdiagnosis in publicly organised mammography screening programmes: systematic review of incidence trends » BMJ 2009;339:b2587 http://www.bmj.com/content/339/bmj.b2587
[6] Junod B., Zahl P.-H., Kaplan R. M., et al. « An investigation of the apparent breast cancer epidemic in France: screening and incidence trends in birth cohorts » BMC Cancer 2011, 11:401 doi:10.1186/1471-2407-11-401, adaptation en français sur http://www.formindep.org/Investigation-de-l-epidemie,487.html
[7] Zahl P.-H., Moehlen J., Welch H.G. « The Natural History of Investive Breast Cancers Detected by Sreening Mammography » Arch Inten Med Vol 168 (n°21) Nov 24, 2008 http://archinte.jamanetwork.com/article.aspx?articleid=773446

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Dépistage organisé du cancer du sein : Information ou Communication ?

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