Le surdiagnostic, en un graphique et un tableau

Ci-contre, vous trouverez une représentation sur un poster (home-made, désolée…) des résultats des méta-analyses de la revue indépendante Prescrire, de la Collaboration Cochrane (collectif de chercheurs nordiques indépendants) et de l’US Préventive Task Force, organisme étasunien d’évaluation des programmes de santé publique.

Malgré les quelques variations des données, on remarque deux choses : d’une part les estimations sont assez proches toutes proportions gardées, d’autre part il y a pour chacune de ces trois études une proportion largement plus importante de surdiagnostics et de fausses alertes, ce qui constitue les désavantages du dépistage, par rapport aux décès ‘évités’. La balance bénéfice/risques est donc loin d’être aussi optimiste qu’on le présente aux femmes…

La Cochrane présente ses résultats sur 2000 femmes dépistées à partir de 40 ans sur 10 années,
Prescrire sur 1000 femmes dépistées dès 50ans sur 20 années,
US Task Force sur 1000 femmes également, dépistées de 50 ans à 74 ans, ce qui correspond le plus à la situation française.

Les points marron représentent le nombre de femmes dépistées, suivies. Les points rouges correspondent aux sur diagnostics, les points jaunes au nombre de cancers présumément évités. Les points bleu clair sont les fausses alertes, et les bleu foncé les biopsies inutiles.

Nous reproduisons ici un graphique très parlant démontrant comment se produit un sur diagnostic, sur une idée d'un chercheur américain, Gilbert Welch, adapté ici par le Dr Jean-Baptiste Blanc et avec son aimable autorisation de reproduire cette image.

Cliquez sur le lien pour lire l’article « déconstruction d’une manipulation » du Dr Blanc .

  • Le cancer d'évolution rapide évolue rapidement entre deux sessions de mammographies et sera "loupé" par le dépistage. Souvent ce cancer aura déjà essaimé d'emblée dans les ganglions et organes à distance, même si cela ne se voit pas.
  • Le cancer d'évolution lente sera certes anticipé par le dépistage, mais même sans dépistage il sera décelé un peu plus tard par l'apparition de symptômes cliniques qui conduiront la patiente à consulter en temps et en heure, le temps métastatique étant très long.
  • Pour les trois autres formes de cancer, le cancer très lent, le cancer stagnant et le cancer régressant, le dépistage les décèlera mais c'est une détection inutile, les personnes chez lesquelles ils ont été diagnostiqués seraient décédées avec leur cancer mais pas à cause de lui.

A ce propos voir la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=pbGZdyUCITc

Et la présentation : https://cancer-rose.fr/2020/02/04/cancer-et-cancer-cest-pas-pareil/

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Cancer du sein : un peu de technique

Un peu de technique, mais facile à comprendre.

Pour déterminer qu’un test de dépistage est bon, il doit posséder une valeur optimale dans quatre critères qui sont, la sensibilité, la spécificité, la valeur prédictive positive, la valeur prédictive négative.

Pas de panique, nous allons détailler ce que ces termes barbares signifient et comment les comprendre.

A-Commençons par la spécificité :

Qu’est-ce que c’est ?

Il s’agit de la probabilité que le test (ici la mammographie de dépistage) soit négatif quand le sujet (ici la femme dépistée) n’est pas malade.

Or, la spécificité de la mammographie de dépistage n’est pas suffisante, car le test (mammographie) peut-être dans certains cas positif alors que la femme n’est pas malade, ce sont les faux positifs. La spécificité de la mammographie de dépistage est entre 94 et 97%.

Petit exercice proposé par B.Junod

Junod B, Les dangers du dépistage du cancer du sein. Journées du collège de Gynécologie de Normandie, 16-17 mai 2009.

Que donnerait un défaut de spécificité de 1 % seulement ?

Supposons une sensibilité (NDLR : plus la sensibilité est grande plus on est performant dans la détection des cancers) où 90 % des cancers sont diagnostiqués et une spécificité de 99 %, où seulement 1 % des lésions diagnostiquées ne sont pas des cancers.

Voyons ce que cela donne en situation de dépistage où, sur 1000 femmes examinées, 4 ont une maladie cancéreuse et 996 n’en ont pas.

Avec une sensibilité à 90 % (plus la sensibilité est élevée plus on a de probabilité de détecter un maximum de cancers), on a bien des chances de ne rater aucun des 4 cancers.

Mais avec 99 % de succès en concluant à l’absence de cancer, on obtient 10 erreurs. En effet, si on se trompe une fois sur cent chez les personnes sans cancer, on reproduit 10 fois cette erreur pour 1000 femmes examinées.

Au total, on a obtenu 4 diagnostics de vrais cancers et 10 faux positifs.

Ainsi parmi les 14 diagnostics de cancers obtenus, seulement 4, soit 29 %, correspondent à un vrai cancer.

La double lecture, présentée comme gage améliorant du test de dépistage, malheureusement , ne fait que diminuer cette spécificité déjà défaillante de la mammographie de dépistage.

Pourquoi : parce que le deuxième lecteur, lequel ne relit que les mammographies classées négatives par le premier lecteur, ce deuxième lecteur au moindre doute classera la mammographie en positif par peur du risque de « louper » quelque chose, alors que la patiente n’est pas malade.

En d’autres termes, la spécificité, déjà insuffisante de la mammographie de dépistage, est affaiblie encore par la double lecture.

B- la sensibilité :

Qu’est-ce que c’est ?

Il s’agit de la probabilité que le test (la mammographie) soit positif pour un sujet (la femme dépistée) malade.

La sensibilité de la mammographie de dépistage est voisine de 90 %, elle dépasse 95 % lorsqu'elle est combinée à l'échographie.

Mais il arrive que le test soit négatif, donc que la mammographie soit jugée normale pour une femme réellement porteuse de cancer, ce sont des faux négatifs.

Cette sensibilité imparfaite a été l’objet d’améliorations constantes grâce aux avancées technologiques de l’imagerie.

Problème : on sélectionne une foule de petites lésions non dolentes, dormantes, peu agressives, parfois régressives, qui n’auraient jamais mis en danger la vie de la femme (c’est le surdiagnostic : voir catégorie de ce site dédiée au sujet, voir aussi la brochure). Mais toutes ces lésions vont toutes être traitées, indépendamment du fait qu’elles soient ou non potentiellement dangereuses puisque nous ne savons pas discerner le bon grain de l’ivraie. Nous découvrirons en poussant la sensibilité à son maximum de plus en plus petites images dont on ne sait que faire, et ce  concomitamment au fait que ni la survie, ni la longévité ne sont améliorées, ni ne sont réduits les cancers d’évolution rapide et mortels.

C-la valeur prédictive négative (VPN) :

Qu’est-ce que c’est ?

Il s’agit de la probabilité que le sujet (ici la femme dépistée) soit non malade avec un test négatif. Cela répond à la question « Docteur, j’ai une mammographie normale, est-ce que je peux me considérer à 100 % comme non atteinte ? »

La VPN de la mammo de dépistage est entre 90 et 99%, dans certains cas la femme est malade alors que le test (la mammographie) est jugée normale en raison entre autres de cancers indécelables, ce sont des patients faux négatifs.

L’IRM est un examen qui permet d’améliorer la VPN ; en effet lorsque l’IRM est négative, on a une très forte probabilité à ce la femme soit réellement non malade. Cela veut dire aussi que lorsqu’on veut vraiment être sûr qu’une petite image douteuse, qui ne nous inquiète pas vraiment, mais ne nous rassure pas complètement (par exemple en raison d’antécédents de cancer déjà présents chez cette patiente) , on demandera cet examen pour nous conforter l’absence de maladie.

Bien entendu, pour des raisons de logistique, des raisons pratiques , de coûts et de risque d’examens inutiles, cette imagerie lourde ne peut être proposée à tout le monde.

D-la valeur prédictive positive (VPP) :

Qu’est-ce que c’est ?

Il s’agit de la probabilité que le sujet (la femme dépistée) soit malade avec un test positif. Cela répond à la question « Docteur, j’ai une mammographie anormale, quel est le risque que j’aie vraiment un cancer du sein ? »

Or malheureusement assez souvent la femme n’est pas malade avec une mammographie pourtant positive.

La VPP de la mammographie de dépistage est très basse, entre 9 et 10%.

Qu’est-ce que cela signifie en pratique ?

Cela signifie que pour une femme pour laquelle la mammographie est jugée positive et à laquelle on réalise une biopsie de l’image incriminée, il y a 90% de chances (100%-10%de VPP) pour que la biopsie ne revienne négative et donc ait été proposée excessivement...

Voir la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=Mt6GOAyWNbI&list=UUWQn1EKsUCQ3SH61L5F6JHQ&index=4

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Présentation à la journée sur la surmédicalisation du 12 janvier 2016, organisée par le groupe Princeps

Accès à la présentation : https://cancer-rose.fr/2016/07/30/tribulations-dune-radiologue-en-depistoland/

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