14 mars 2019
Dr C.Bour
Sur les essais de non-infériorité
Dans un article le Dr Hervé Maisonneuve, auteur du blog Rédaction Médicale, se penche sur la valeur de deux essais dits de" non-infériorité" dans le cas d'antibiothérapie par tétracyclines.
Dr Maisonneuve souligne la difficulté d'analyse de ces études, les publications dans une revue prestigieuse comme le NEJM font croire aux lecteurs à un bénéfice ajouté des traitements dont il est question.
Selon l'auteur "faire des essais de non-infériorité comparant des médicaments parfois déjà non-inférieurs fait courir le risque d'avoir des médicaments inefficaces. Le choix du comparateur (et de sa dose) sont difficiles."
La limite du seuil de la non-infériorité est souvent choisie arbitrairement.
Comme un commentateur l'explique en dessous de l'article (le Dr Alain Sary), en citant une étude dans le domaine de la cardiologie : un produit inutile pour réduire le risque cardio-vasculaire peut être recommandé car il ne semble pas augmenter le risque cardio-vasculaire !
Pour le dépistage individualisé, ce dispositif peut s'avérer inutile pour réduire réellement le risque de cancers graves, mais être recommandé car il ne semble pas favoriser un taux de cancers graves au-delà d'un seuil arbitraire de 25% de cancers graves tolérés en plus...
Dans le cas de MyPebs
Dans le cas de l'étude MyPEBS, nous assistons en quelque sorte au même phénomène, à la même imposture et à la même supercherie vendue aux femmes qui y sont enrôlées :
Le protocole de l’étude consiste à comparer un groupe de femmes soumises à un dépistage hiérarchisé sur leur risque personnel de cancer du sein et un groupe de femmes soumises au dépistage standard ; il prévoit que si on observe une augmentation du nombre de nouveaux cas de cancers du sein de stade 2 et plus dans le nouveau dépistage basé sur le risque individuel de cancer du sein, mais que cette augmentation est inférieure à 25%, alors cette nouvelle modalité de dépistage basé sur le risque individuel sera considérée comme « équivalente » au dépistage standard actuel, autrement dit : aussi efficace. Donc, même si l'augmentation des cancers graves est de 18% ou de 22% p.ex., ce nouveau dépistage sera décrété tout à fait satisfaisant.
Même l’absence de tout dépistage n’entrainerait probablement pas une augmentation de plus de 25% des cancers de stade 2. Mais ça nous ne le vérifierons jamais puisque dans cet essai on évite soigneusement d'effectuer une comparaison entre les dépistées et un groupe "sans dépistage", ce n'est tout simplement pas prévu.
Faire "des essais de non-infériorité comparant des médicaments parfois déjà non-inférieurs fait courir le risque d'avoir des médicaments inefficaces" et correspond au phénomène du "bio-creep"(effet de glissade).
Explication du phénomène de bio-creep :
Après un essai clinique de non-infériorité, une nouvelle thérapie (ou une nouvelle procédure de santé) peut être acceptée comme efficace, même si son effet thérapeutique ou bénéfique est légèrement inférieur à la norme actuelle. Il est donc possible qu’après une série d’essais où la nouvelle thérapie (la nouvelle procédure) est légèrement plus mauvaise que les médicaments précédents (ou que le dispositif précédent), une thérapie (ou une procédure) inefficace ou nocive puisse être déclarée fallacieusement efficace; c’est ce qu’on appelle le « bio-creep ».
Conclusion
Le laxisme et l'arbitraire sur les seuils de non-infériorité dans ces essais reviennent à valoriser des médicaments ou des dispositifs (comme ici le dépistage hiérarchisé sur le risque) qui sont potentiellement moins efficaces que le traitement ou le dispositif de référence (le dépistage standard), ou qui sont peut-être même plus délétères, et les gens enrôlés dans ces essais n'en sont même pas conscients.
On peut suspecter, au-delà de la supercherie, qu'il y ait même une perte de chance substantielle pour les patients, ceux inclus dans les essais, et ceux qui en seront les futurs "bénéficiaires".