My PEBS par Cancer Rose

MyPEBS le scandale

Ou comment relancer le dépistage du cancer du sein pour des raisons peu avouables alors qu’il est en train de mourir

Par Dr Alain RAUSS, médecin biostatisticien pharmaco-épidémiologiste, 10 décembre 2019

Protocole complet MyPebs

Un titre comme celui-ci peut sembler fort et nécessite assurément une explication.

 

Aujourd'hui, quand on parle du dépistage du cancer du sein, il est impossible de nier des résultats qui se complètent chaque jour où il ressort que, finalement, ce dépistage, pour un résultat hypothétique ou au mieux très minime, présente en contrepartie des inconvénients importants qui ont progressivement amené la communauté scientifique à se détourner de cette pratique. Même s'il peut exister des discussions, on voit bien qu'il existe des raisons peu avouables, indépendantes de la santé des femmes, pour maintenir à tout prix le dépistage.

Le scandale, dans lequel des médecins ne sortiront pas grandis, se trouve dans le fait qu'il était possible d'éteindre presque définitivement les débats. En effet, en utilisant les fonds envisagés pour la réalisation de MyPEBS dans une étude randomisée, à grande échelle, comparant dans un bras le dépistage à un bras SANS dépistage le débat aurait été clos rapidement. Or les auteurs de l'étude, qui ont tout à perdre (économiquement il faut le dire) à montrer que le dépistage ne sert à rien et est même dangereux, ont décidé de réaliser une étude randomisée avec 2 bras dépistage ce qui ne permettra que de conclure sur la différence éventuelle entre 2 formes de dépistage. Dans le contexte actuel, il est simplissime de se rendre compte que le choix d'une telle étude n'est là QUE pour promouvoir le dépistage, sous une forme ou sous une autre mais bien promouvoir le dépistage ; c'est là que se trouve le scandale. En effet, en décidant de mettre en place une étude comparant le dépistage actuel avec un dépistage soit disant "sélectif" dans un essai de non infériorité on ne pourra que conclure, si la non infériorité est établie, que le dépistage sélectif n'est pas inférieur au dépistage actuel et que les deux approches de dépistage sont envisageables. Eventuellement tester la supériorité d'une des approches permettra alors de mettre en valeur une approche de DEPISTAGE par rapport à l'autre mais rien par rapport à une approche sans dépistage. Ainsi, alors qu'une très grosse partie de la communauté scientifique dit maintenant que le dépistage du cancer du sein n'a pas d'intérêt et est même délétère, vous avez bien lu, la conclusion de l'étude envisagée ne peut être qu'un message pour continuer le dépistage.

Financement européen

cliquez :

Le scandale va plus loin car la Commission Européenne est mise dans la "boucle des décideurs" par son association au protocole afin de s'assurer que devant les résultats de l'étude, ce soit même l'Europe qui préconise le dépistage (sous une forme ou une autre, peu importe); c'est très bien fait!

Il est possible d'aller un peu plus loin pour mieux comprendre l'ampleur du scandale de cette étude. Que la Commission Européenne ne soit pas informée des données discutées peut s'envisager (bien qu'avant de donner sa caution nous aimerions bien que cette Commission analyse correctement les données) ; mais que le docteur Delaloge de l'Institut Gustave Roussy (excusez du peu) et qu'UNICANCER ne soient pas complètement informés de ces données n'est pas envisageable et relève alors assurément d'un objectif autre (comme énoncé plus haut) que de la volonté de faire avancer la science en proposant un tel protocole. Ainsi, c'est sciemment que l'IGR et UNICANCER ont manipulé la Commission Européenne pour arriver à leur fin en sachant que la Commission Européenne devant de telles sommités n'allait pas se poser de question. Comme je l'ai dit plus haut, il suffit de regarder les moyens disponibles pour réaliser une étude randomisée avec 85 000 femmes dans 5 pays suivies pendant 4 ans avec une suite pendant 10 voir 15 ans, pour facilement se rendre compte qu'une étude randomisée comparant dépistage versus non dépistage était facilement réalisable et aurait eu assurément la puissance nécessaire pour conclure.

Le scandale ne s'arrête pas là et nous pouvons citer:

 

Autres points

 

On pourra mentionner par ailleurs les éléments suivants:

Lire aussi :

 

Comme il y aurait encore beaucoup à dire, je renvoie le lecteur qui souhaite avoir des éléments plus détaillés et complémentaires au très beau site: https://cancer-rose.fr/my-pebs/ qui présente de très nombreux points sur la problématique de l'étude et plus généralement sur le problème du dépistage du cancer du sein. Dans ce cadre, j'invite le lecteur à vraiment consulter l'affiche d'information pour salle d'attente qui présente d'une manière très graphique et donc très parlante ce qui se passe sur 2000 femmes dépistées ou non https://cancer-rose.fr/wp-content/uploads/2019/07/affiche_depistage-mammographiqueA4-2.pdf

Autre analyse du protocole : https://cancer-rose.fr/my-pebs/2019/12/01/le-rationnel-de-letude-2/

Conclusion

Si le souci de mieux prendre en charge les femmes était le moteur de la mise en place de cette étude, nous aurions une autre étude [v]; il s'agit donc bien là d'un vrai scandale.

 

Références

[i] https://cancer-rose.fr/2017/01/03/mensonges-et-tromperies/

Qu'en est-il de la diminution de mortalité de 20%

Il s'agit de la réduction relative du risque.

La baisse du risque de mortalité depuis l'instauration du dépistage organisé est admise par tous les auteurs et experts. Elle varie, selon les études (observationnelles et randomisées), de 14 % à 48 % de diminution du risque de mortalité liée à ce cancer ; ce risque est environ de 5 % à l'âge de 50 ans; une diminution de 20 % fait donc passer ce risque à 4 %.

De fait, la synthèse de la Revue Prescrire, la synthèse de la Collaboration Cochante (groupe de chercheurs nordiques indépendants), la synthèse étasunienne (US TASK Force) donnent un aperçu en valeurs absolues.

Si sur 1 000 femmes dépistées 4 meurent d'un cancer du sein, et que sur un groupe de femmes non dépistées 5 meurent d'un cancer du sein, le passage de 5 à 4 constitue mathématiquement une réduction de 20% de mortalité, mais en chiffres absolus cela ne fait qu'une différence d'une seule femme... C'est pour cela qu'il convient de toujours exiger une présentation en données réelles, et non en pourcentage ce qui enjolive la situation.

A ce propos lire ici une excellente explication : http://hippocrate-et-pindare.fr/2017/01/01/resolution-2017-non-au-risque-relatif-oui-au-risque-absolu/

 

[ii] https://cancer-rose.fr/my-pebs/2019/10/27/quest-ce-quun-seuil-de-non-inferiorite/

[iii] NDLR, dans le protocole page 30 il est dit ceci : "Le modèle Tyrer-Cuzick (ou IBIS) a été largement décrit dans la population générale ainsi que dans les cliniques familiales à haut risque ou les populations d’essais cliniques (IBIS1). Il est particulièrement pertinent pour les femmes ayant des antécédents familiaux : son exactitude est moyenne dans la population générale (c-statistiques entre 0,57 et 0,60), tandis qu’il est très élevé dans les populations à risque familial (c-statistiques jusqu’à 0,70)." Or en effet le taux à obtenir pour une bonne concordance est de 0,8

au sujet des scores d'évaluation des risques, voir la page : https://cancer-rose.fr/my-pebs/conflits-dinterets/

[iv] "in press" signifie que cette étude n'a encore jamais été publiée...

[v] https://cancer-rose.fr/my-pebs/2019/03/09/letude-dont-on-re%CC%82vait/

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