Dire que :
- 9 cancers sur 10 guérissent
Oui, mais même non dépistées.
Voir l’étude Miller, étude réalisée d’après des essais canadiens, étude comparative randomisée, deux groupes de femmes sont comparés, un groupe non dépisté, un groupe dépisté, étude avec résultats donnés à 5, 10 puis à 25 ans de suivi :
http://www.bmj.com/content/348/bmj.g366
Réf : Miller AB, Wall C, Baines CJ, Sun P, To T, Narod SA. Twenty five years follow-up for breast cancer incidence and mortality of the Canadian National Breast Screening Study: randomised screening trial. The BMJ. 2014 Feb 11;348:g366
Quelles sont ses conclusions ?
1°-pas de différence de mortalité entre les deux groupes.
2° les taux de survie sont identiques, quel que soit le stade de la tumeur (survie = temps de vie après diagnostic de cancer)
3° 22% de surdiagnostics
4° pas de différence entre les deux groupes du taux des cancers fatals.
- une femme sur 8 sera atteinte de cancer du sein
Dire qu’une femme sur huit sera confrontée au cancer du sein est une présentation trompeuse, ce risque étant un risque cumulé tous âges confondus, calculé sur une population fictive en fonction des risques observés en 2012. Or il convient de considérer ce risque selon la tranche d’âge. Avec un suivi de 20 années, pour une femme de 40 ans ce risque est de 4%, pour une femme de 60 ans il est de 6%.
A savoir aussi que sur 100 décès de femmes, 4 sont attribuables au cancer du sein, 20 à d’autres cancers, 30 à des maladies cardio-vasculaires. (réf. : Hill C. Dépistage du cancer du sein. Presse med. 2014 mai;43(5):501–9.)
Voir aussi dossier Que Choisir d’octobre 2017 : Que Choisir
Selon Catherine Hill, épidémiologiste à l’Institut Gustave-Roussy, à Villejuif (94), il s’agit d’une surestimation basée sur un calcul portant sur une population fictive suivie de la naissance à cent ans et plus. « Ce qui est pertinent, c’est le calcul pour une femme d’un âge donné suivie sur une durée donnée. Ainsi, le risque de diagnostiquer un cancer du sein dans les dix années suivantes est de 1,9 % pour une femme de 40 ans, de 2,1 % pour une femme de 50 ans, de 3,2 % pour une femme de 60 ans. »
Si ce cancer tue plus que les autres, c’est parce qu’il est le plus fréquent. Mais cela ne veut pas dire que si l’on en est atteint, on a un risque important d’en mourir.
Par rapport au slogan « Cette femme a montré ses seins, elle a sauvé sa vie. », toujours selon Mme Catherine Hill :
« Le cas est rare, car le cancer du sein n’est pas une cause fréquente de décès. En 2013, 4,2 % des femmes en sont mortes ; à titre de comparaison, 27 % ont succombé à une maladie cardio-vasculaire. Si on estime que le dépistage organisé permet une baisse de 20 % de la mortalité par cancer du sein, c’est à peine une femme sur cent qu’il pourrait sauver (20 % de 4,2 %). »
- La majorité des cancers est détectée à stade précoce sans envahissement ganglionnaire
Les auteurs d’une étude récente, parue dans le NEJM *, ont mis en comparaison deux périodes : une avant les années 80, donc avant l’implantation du dépistage aux Etats Unis, l’autre période au début des années 2000, donc après l’implantation du dépistage.
Une fois de plus, il convient de s’intéresser aux valeurs absolues. Et à l’ampleur des variations.
Ainsi la baisse des tumeurs de grande taille est de 30 cas pour 100 000 femmes dépistées. Et de l’autre côté il y a une augmentation de 162 cas de tumeurs de petite taille sur 100 000 femmes dépistées, entre les deux périodes comparées.
On arrive à la conclusion que 132 cas pour 100.000 sont des surdiagnostics.
A noter aussi que la chute de mortalité est moindre dans les formes graves.
Les auteurs concluent : « L’importance du déséquilibre indique que les femmes ont considérablement plus de chances d’avoir un surdiagnostic que d’avoir une détection plus précoce d’une tumeur destinée à grossir ».
*http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1600249?af=R&rss=currentIssue
- il y a une diminution de mortalité de 20%
Il s’agit de la réduction relative du risque.
La baisse du risque de mortalité depuis l’instauration du dépistage organisé est admise par tous les auteurs et experts. Elle varie, selon les études (observationnelles et randomisées), de 14 % à 48 % de diminution du risque de mortalité liée à ce cancer ; ce risque est environ de 5 % à l’âge de 50 ans; une diminution de 20 % fait donc passer ce risque à 4 %.
De fait, la synthèse de la Revue Prescrire, la synthèse de la Collaboration Cochante (groupe de chercheurs nordiques indépendants), la synthèse étasunienne (US TASK Force) donnent un aperçu en valeurs absolues.
Si sur 1 000 femmes dépistées 4 meurent d’un cancer du sein, et que sur un groupe de femmes non dépistées 5 meurent d’un cancer du sein, le passage de 5 à 4 constitue mathématiquement une réduction de 20% de mortalité, mais en chiffres absolus cela ne fait qu’une différence d’une seule femme… C’est pour cela qu’il convient de toujours exiger une présentation en données réelles, et non en pourcentage ce qui enjolive la situation.
Pour bien comprendre la différence entre risque relatif et absolu, lire ici : https://web.archive.org/web/20170623084247/http://hippocrate-et-pindare.fr/2017/01/01/resolution-2017-non-au-risque-relatif-oui-au-risque-absolu/
- Evolution de la mortalité par cancer favorable ces dernières décades : Oui, mais c’est un phénomène connu, attribuable aux traitements, à l’arrêt de la prescription systématique des traitements hormonaux substitutifs, à une meilleure vigilance des femmes qui consultent lors de l’apparition d’un signe d’appel, et on récolte peut-être enfin les fruits des campagnes relatives aux facteurs de risques. Plusieurs études d’impacts notent que :
- la diminution de mortalité, partout où elle est constatée, est plus forte chez femmes de tranches d’âges jeunes,
- elle existe autant chez les femmes non dépistées (étude Miller)
- elle est moindre que pour d’autres formes de cancers, alors que des moyens colossaux sont mis en oeuvre pour le dépistage du cancer du sein.
- d’autres formes de cancers sont aussi concernées dans cette baisse de mortalité, alors que ces cancers ne sont pas intégrés dans des campagnes de dépistage.
- les études d’impact démontrent que la réduction de mortalité est imputable aux thérapeutiques anti-cancéreuses, en développement depuis les années 90.
- La décroissance de mortalité n’est pas corrélée avec le temps d’instauration du DO, on la perçoit dès les années 90, alors qu’aux US et en Suède le dépistage intervient dans les années 80, en France seulement en 2004.
Références Biblio :
Int J Cancer. 2016 Apr 15;138(8):2003-12. doi: 10.1002/ijc.29925. Epub 2015 Dec 15.
Impact of screening mammography on breast cancer mortality.
Bleyer A1, Baines C2, Miller AB2. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26562826/
Autier P, Boniol m, Gavin A, Vatten LJ. Breast cancer mortality in neighbouring European countries with di erent levels of screening but similar access to treatment: trend analysis of WHO mortality database. BmJ. 2011 Jul 28;343:d4411./
Jørgensen KJ, Zahl P-H, Gøtzsche PC. Breast cancer mortality in organised mammography screening in Denmark: comparative study. BmJ. 2010 mar 24;340:c1241./
Junod B, Zahl P-H, Kaplan Rm, Olsen J, Greenland S. An investigation of the apparent breast cancer epidemic in France: screening and incidence trends in birth cohorts. BmC Cancer. 2011 Sep 21;11(1):401.
- Mortalité spécifique par cancer du sein qui diminue : Le problème est la fiabilité lors de la rédaction des certificats de décès ; en effet on peut savoir combien de personnes décédées étaient porteuses d’un cancer du sein, mais la cause du décès n’est pas toujours bien attribuée. Par exemple la personne décédée, porteuse d’un cancer du sein, a pu ne pas décéder directement de ce cancer, mais de tout autre chose, ou pire encore, d’une cause reliable aux effets adverses des traitements, ce qui ne sera pas forcément mentionné dans le certificat de décès. Cette donnée permet aux scientifiques de voir si les prises en charge sont efficaces, mais elle est un mauvais indicateur du dépistage. Elle n’a aucun intérêt tant qu’on ne peut pas savoir si le gain de mortalité n’est pas contrebalancé par autres causes de décès chez les porteurs de cancer. Décès dû au cancer ? Autre cause ? Ou carrément à cause du traitement ?
LE PLUS JUSTE SERAIT DE CONSIDERER LA MORTALITE TOUS CANCERS CONFONDUS OU MIEUX, LA MORTALITE TOTALE DES 50 à 74 ANS.
- Longévité et survie
La survie à 5 ans n’est pas la même chose que l’espérance de vie ou durée de vie. Admettons une espérance de vie chez une femme de 73 ans ; si elle a un diagnostic de cancer à 67 ans elle rentrera dans les statistiques de survie à 5 ans, mais pas si ce diagnostic est fait plus tard, vers 70 ans par exemple, la femme ne sera pas incluse dans les statistiques de survie à 5 ans.
La « survie » mesure plutôt la durée de vie du cancer
C’est une illusion d’optique : par l’anticipation de la date de survenue du cancer, on a l’impression d’un allongement de la vie alors que l’espérance n’a en rien changé. L’allongement de la survie est le résultat de deux phénomènes : l’efficacité des traitements qui rallongent la durée de vie du patient avec son cancer et le dépistage qui anticipe la date de naissance du cancer indépendamment de l’issue de la maladie.
La survie est majorée quand l’incidence est la plus forte et le surdiagnostic d’autant plus fort. En effet, par définition, tous les surdiagnostics guérissent ! On a donc une illusion de succès.
Un bon contre-exemple est le cancer du col de l’utérus : sa survie à 5 ans est très mauvaise, mais la mortalité par ce cancer a baissé spectaculairement.
La survie est donc un marqueur de l’efficacité des traitements, mais pas de l’efficacité du dépistage.
- La létalité,
C’est le nombre de décès rapporté au nombre de cas diagnostiqués. Ici il y a un biais de recrutement. Prenons un panier d’oeufs, si nous n’avons que 4 oeufs dans un panier et que nous en cassons deux, nous parlerons de 50% de mortalité. Si à présent, en raison d’un sur diagnostic massif nous avons 20 oeufs dans ce panier, et nous en cassons toujours 2, nous aurons l’illusion d’un succès car le pourcentage de mortalité ne sera plus que de 10%, alors que c’est simplement dû à un « ramassage » plus intensif de cancers, par un surdiagnosic massif, c’est à dire des diagnostics inutiles pour la femme de petites lésions qui n’auraient pas mis en danger leur vie. (voir explication dans notre brochure, et texte de Dr Duperray dans la rubrique « surdiagnosic » https://www.cancer-rose.fr/surdiagnostic-par-b-duperray/)
De fait, lorsqu’on considère les relevés INSEE depuis 1996, on constate qu’il y a invariablement, et malgré la poussée du dépistage organisé, toujours 11000 à 12000 décès par cancer du sein tous les ans…
- Il s’agirait une épidémie de cancers.
Si l’accroissement continu des nouveaux diagnostics annuels correspondait à une épidémie de cancers à évolution mortelle, il faudrait alors que la réduction de mortalité grâce au dépistage soit considérable.
On aurait un cancer guéri pour un décès en 1980 et trois cancers guéris pour un décès en 2000. Or ni les résultats les plus optimistes des essais contrôlés concernant la réduction de mortalité ni les progrès thérapeutiques durant cette période ne peuvent soutenir cette hypothèse. (B.Duperray, DIU de sénologie).
Deux arguments contredisent totalement cette hypothèse :
- Il existe une ascension massive de l’incidence (nombre de nouveaux cas) dès lors qu’on dépiste. Une épidémie entraînerait une progression exponentielle du nombre de cas, mais pas un pic avec une telle brutalité comme on le constate dès l’instauration des campagnes.
- Les études d’autopsie : bon nombre de sujets autopsiés, décédés d’autres causes, sont porteurs de lésions cancéreuses non manifestes, p.ex. de prostate chez l’homme et du sein chez la femme. Une « épidémie » aurait entraîné une maladie chez toutes ces personnes.
ALORS STOP AU BANANAGE DES FEMMES !
Les deux seuls critères d’efficacité d’un dépistage sont :
- une diminution de la mortalité par cancer, significative,
- une chute du taux des cancers graves.
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Qui sont les perdantes et les gagnantes du dépistage
LES PERDANTES LES GAGNANTES
- femmes surdiagnostiquées * la malade dont le traitement sera plus léger
- cancéreuse, diagnostiquée
plus tôt grâce mais qui perd sa qualité de vie * le décès évité
- la cancéreuse qui décède
à qui le dépistage n’a pas sauvé la vie
(cancer d’ intervalle, ou mortel )
- la femme avec un carcinome in situ,
traitée de façon multiple ou mastectomisée
(actuellement étude de protocoles de simple
surveillance active de ces lésions analogues à
des « précancers », dont le traitement n’empêche ni
la récidive, ni n’a permis de diminuer la mortalité
par cancer.)
- la fausse alerte
- femme non malade qui reste
angoissée à cause de l’examen
- le cas du cancer radio-induit
- patiente âgée,
susceptible de décéder d’autre chose,
et pour laquelle le traitement
sera plus dangereux que l’ignorance
de son cancer.
Visuellement comme ça, on n’a pas l’impression que ça balance du côté des gagnantes.
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