Conséquences psychologiques des fausses alertes

C.Bour, 28 mai 2023

Conséquences psychosociales à long terme de la mammographie de dépistage faussement positive

John Brodersen et Volkert Dirk Siersma
Annals of Family Medicine Mars 2013, 11 (2) 106-115; DOI : https://doi.org/10.1370/afm.1466
https://www.annfammed.org/content/11/2/106.full

Dans le cas de la mammographie de dépistage, le préjudice le plus fréquent est un résultat faussement positif.

C'est une suspicion de cancer sur une image mammographique mais qui ne se confirmera pas, cela après bien des examens complémentaires, avec une attente pour la patiente dans un contexte de stress avant de pouvoir être rassurée que l'image vue à sa mammographie n'est pas un cancer. C'est une situation extrêmement stressante que certaines femmes vivent plusieurs fois dans leur parcours de dépistée.

On connait globalement les effets de stress à court terme, mais cette étude de cohorte de 2013 se promettait de faire une étude à plus long terme, sur trois années exactement, en examinant 454 femmes ayant présenté des résultats anormaux à la mammographie de dépistage. Elles ont été invitées à remplir un questionnaire validé englobant 12 résultats psychosociaux, avec des résultats colligés au départ, puis à 1, puis à 6, 18 et enfin à 36 mois.
Nous en reparlons ici en 2023 parce que les conséquences psychologiques et du surdiagnostic et de la fausse alerte sont souvent négligées et sous-évaluées, et comme les fausses alertes sont un évènement en recrudescence en raison de la double lecture et des progrès croissants de la détection précoce, il est important de bien connaître cet effet adverse.
Les femmes ne l'expérimentent pas moins souvent mais au contraire bien davantage, en raison des progrès technologiques détectant de plus en plus petites anomalies et les exposant à la découverte d'images diverses parmi les trois grands signes majeurs que le radiologue recherche : masse, distorsion architecturale, microcalcifications..

C'est une réalité comptable que mentionnent tous les outils d'aide à la décision, avec des résultats variables selon le groupe d'âge qui est étudié et la durée d'observation.
https://cancer-rose.fr/2021/06/27/outils-daide-a-la-decision-internationaux/
https://cancer-rose.fr/wp-content/uploads/2019/07/affiche_depistage-mammographiqueA4-2.pdf
https://drive.google.com/file/d/1jh53ZZkVRTCsoK0J1DynH-gR1ugEYz8p/view

Des études déjà existantes

Des études sur l'effet psychologique des faux positifs à court terme existaient déjà.[1]
La conclusion est que les faux positifs ont des conséquences psychosociales, pour celles qui les subissent, négatives à court terme, mais les conséquences psychosociales à long terme sont plus ambiguës. Certaines études montrent des conséquences psychosociales négatives importantes, même 35 mois après un faux positif.
Mais d'autres, disent les auteurs, semblent suggérer que l'impact psychosocial négatif, au contraire, disparaît avec le temps. Ces enquêtes, cependant, ajoutent-ils, ont été réalisées en utilisant des mesures inadéquates.

Cette enquête-là sur les conséquences psychosociales à long terme des faux positifs se fait par une mesure en 2 parties : une première partie évalue les conséquences psychosociales associées à une menace directe de cancer (l'annonce d'une image considérée comme suspecte); et une deuxième partie étudie les changements psychosociaux à long terme vécus après le résultat final du diagnostic. 

Le questionnaire

Il y a 29 items dans la partie I et 13 items dans la partie II, mesurant les conséquences psychosociales d'une mammographie de dépistage anormale et faussement positive.

La partie I comprend 2 items uniques ("se sentir moins attirante" et "occupée à me changer les idées") et 6 échelles mesurant l'anxiété (6 items), le sentiment d'abattement (6 items), l'impact négatif sur le comportement (7 items), le sommeil (4 items), la sexualité (2 items) et le degré d'auto-examen des seins (2 items).  
On a 4 catégories de réponse : « pas du tout », « un peu », « assez » et « beaucoup ». 
Plus le score est élevé, plus les conséquences psychosociales négatives subies par la personne sont importantes. 

La partie II du formulaire comprend 4 échelles destinées à mesurer les changements perçus à la suite d'un dépistage mammographique :
-valeurs existentielles (6 items ; par exemple, « mes réflexions sur l'avenir sont plutôt pessimistes/optimistes » ; « mon sentiment de bien-être est moindre/mieux »); 
-impact sur les relations au sein du réseau social (3 items ; par exemple, « ma relation avec mes amis/ ma famille est moins/plus proche » ; « ma relation avec les autres est moins bonne/meilleure ») ;
-se sentir moins ou plus détendu/calme (2 items) ;
-être moins ou plus anxieux face au cancer du sein/« croire que je n'ai pas de cancer du sein » (2 items).  
A tous les éléments de ces échelles sont attribuées 5 catégories de réponse possible : « beaucoup moins », « moins », « comme avant », « plus » et « beaucoup plus ».

Résultats

Six mois après le diagnostic final, les femmes ayant des résultats faussement positifs ont signalé des changements dans les valeurs existentielles et le calme intérieur aussi importants que ceux rapportés par les femmes ayant reçu un diagnostic de cancer du sein. 
Trois ans après avoir été déclarées exemptes de cancer, les femmes avec des résultats initialement faussement positifs lors d'une mammographie ont systématiquement signalé des conséquences psychosociales négatives plus importantes que les femmes qui avaient eu des résultats normaux, et ce dans tous les 12 résultats psychosociaux. 

CONCLUSION 

Les résultats faussement positifs à la mammographie de dépistage causent des dommages psychosociaux à long terme.

Dans une période de 3 ans après avoir été déclarées indemnes de suspicion de cancer, les femmes présentant des expériences de faux positifs ont systématiquement signalé des conséquences psychosociales négatives plus importantes que les femmes présentant des résultats normaux.

Le premier semestre après le diagnostic final, les femmes avec des faux positifs ont signalé des changements tout aussi importants dans leurs valeurs existentielles et leur ressenti de calme intérieur que les femmes atteintes d'un cancer du sein.

 Trois ans après un résultat faussement positif, les femmes subissent des conséquences psychosociales qui varient entre celles subies par les femmes ayant une mammographie normale et celles ayant reçu un diagnostic de cancer du sein.


[1] Salz T , Méta-analyses de l'effet des mammographies faussement positives sur les résultats psychosociaux génériques et spécifiques . Psycho-oncologie . 2010 ; 19 (10) : 1026 – 1034 

PubMed

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Abaisser l’âge du début du dépistage, mais à quel prix ?

Synthèse Cancer Rose, 15 mai 2023

En fin d'article : réaction de la NBCC

Comme l'annonçait, en ce début mai 2023, le journal Globe and Mail ainsi que beaucoup d'autres médias nord-américains, il serait dorénavant recommandé pour les femmes à risque moyen de cancer du sein de passer des mammographies de dépistage tous les deux ans à partir de 40 ans, et cela en vertu d'une proposition de mise à jour des lignes directrices de l'USPSTF, le groupe de travail américain sur les services préventifs.
La nouvelle a fait grand bruit car il s'agit d'un abaissement des recommandations au dépistage de 10 années par rapport aux modalités de dépistage antérieures, qui préconisaient le dépistage du cancer du sein à 50 ans seulement, en raison de risques majorés pour les populations plus jeunes et pour un bénéfice trop restreint.
C'est donc un changement conséquent.

Selon la présidente sortante de l'USPSTF, le Dr Carol Mangione, "les choses ont changé" : les taux de cancer du sein chez les jeunes femmes ont augmenté, les progrès de la mammographie numérique ont amélioré leur précision de détection et de meilleurs traitements se traduisent par une amélioration de la survie.

Déjà à ce stade nous relevons deux affirmations qui devraient faire poser la question de la pertinence d'un dépistage :

Comme on pouvait s'y attendre " L'American Cancer Society (ACS) applaudit le retour des recommandations de l'USPSTF de commencer le dépistage à 40 ans" dans un communiqué.
Les fournisseurs du secteur de l'imagerie de la femme, tels que Hologic et iCAD, ont vu le cours de leurs actions grimper en flèche à la suite de cette annonce, car les volumes de mammographies de dépistage vont significativement augmenter. 

Et puis allez, pourquoi ne pas recommander que les femmes effectuent un dépistage par mammographie à partir de l'âge de 40 ans ET annuel, et même toute leur vie durant sans l'arrêt préconisé à 74 ans, donc sans limite supérieure ?
Voilà un pas allègrement franchi par l'Américan Cancer Society "car l'âge ne devrait pas être un facteur déterminant pour l'arrêt du dépistage, mais plutôt l'état de santé général ...", comme l'a déclaré Stamatia V. Destounis, MD, présidente de la Commission du sein de l'ACR (American College of Radiology)et membre du Réseau des conseillers en information publique de la société nord-américaine de radiologie.
(Pour les conflits d'intérêts de Mme Destounis avec iCAD, industriel de l'imagerie, voir ici : https://www.rsna.org/-/media/Files/RSNA/Annual%20meeting/2022-AMPPC-Planners-Disclosure)

JUSTIFICATION ET CONSEQUENCES DE CE CHANGEMENT

Judith Garber, journaliste scientifique et analyste politique du Lown Institute dans un article ainsi que John Horgan, également rédacteur scientifique dans un autre article essaient tous deux d'analyser les raisons invoquées par l'agence américaine, qui sont essentiellement de l'ordre de deux :
-augmentation des cancers du sein chez des femmes plus jeunes, et
-augmentation des cancers les plus agressifs chez les femmes noires.

Judith Garber relève avec justesse que "la modification des lignes directrices de l'USPSTF a surpris de nombreux experts de la santé, car il n'y a pas eu de nouveaux essais cliniques sur le dépistage du cancer du sein qui justifieraient un ajustement des lignes directrices."

A-le dépistage pourrait raccourcir plus de vies qu'il n'en "sauve"

"Le groupe de travail", explique Horgan,"justifie sa décision en citant l'augmentation récente du nombre de cancers du sein chez les femmes de 40 ans et les taux de mortalité plus élevés que la moyenne chez les femmes noires. Cette justification n'a aucun sens, car les mammographies n'aident pas les femmes à vivre plus longtemps - selon le groupe de travail lui-même ! En fait, il est prouvé que la mammographie raccourcit plus de vies qu'elle n'en sauve.*" selon ce travail de synthèse citée par Horgan, paru en 2021.
De toute façon, expliquent aussi bien Garber que Horgan, même en ajustant les modèles prédictifs pour tenir compte des taux plus élevés de cancers chez les jeunes femmes, la balance bénéfice/risque n'est toujours pas très différente des résultats précédents de l'USPSTF de 2016, avec toujours une prépondérance des inconvénients par rapport au bénéfice escompté.
* "L'examen de la tendance de la mortalité toutes causes confondues révèle que le compromis entre les inconvénients et les avantages de la mammographie s'est déplacé vers les inconvénients au fil du temps." 

"Le changement se produit toujours au fil du temps, évidemment, au fur et à mesure que les preuves évoluent" déclare Ruth Etzioni, biostatisticienne travaillant au Fred Hutchinson Cancer Center, dans le media STAT.
"En même temps, il doit y avoir une raison convaincante et dans les documents ici, je ne vois pas encore de raison convaincante. Lorsque je me suis penchée sur les études de modélisation de 2016, l'analyse des bénéfices et des risques était très similaire."

B-L'excès de cancers agressifs chez les femmes noires

"L'USPSTF a également voulu souligner que les femmes noires sont diagnostiquées avec un cancer du sein à un stade plus avancé et qu'elles sont confrontées à un taux de mortalité par cancer du sein plus élevé que les autres groupes raciaux", reprend J.Garber ; "par conséquent, une date de début de dépistage plus précoce pour ces patientes pourrait sauver des vies et réduire les disparités raciales dans les résultats du cancer du sein. Cependant, bien que l'USPSTF ait utilisé de nouveaux modèles explorant les bénéfices et les risques du dépistage chez les femmes noires, elle s'est abstenue de recommander un dépistage plus précoce pour les femmes noires en particulier."
Pour Mme Garber :
-l'abaissement de l'âge ne résoudra pas le problème de l'accès aux soins pour certaines populations.
- pour réduire les disparités raciales, il ne suffit pas d'abaisser l'âge du dépistage. Les disparités dans la mortalité par cancer du sein sont la résultante, aux Etats Unis, souvent de disparité de nature structurelles, sociales et économiques, avec de moindres chances pour l'accès aux soins pour les populations noires.

C-bénéfice sur la mortalité, mais quelle contrepartie ?


L'agence étatsunienne de son côté affirme que les avantages de la mammographie, qui permet idéalement de détecter le cancer à un stade précoce où il est plus facile à traiter, l'emportent sur les inconvénients ( que sont les faux positifs et les surdiagnostics). Mais ces prétendus avantages du dépistage, très hypothétiques et de plus en plus remis en question, n'apparaissent que dans les études qui mesurent la mortalité due au cancer du sein, et ils ne tiennent pas compte des préjudices liés au surdiagnostic. Ils ne tiennent pas compte des cancers secondaires radio-induits, suite à la radiothérapie (cancers bronchiques secondaires, leucémies), des cardiopathies ayant significativement augmenté chez les survivantes du cancer, des suicides, des syndromes anxio-dépressifs, etc..

"Pour ces raisons," écrit Horgan," les chercheurs privilégient de plus en plus la "mortalité toutes causes confondues", c'est-à-dire le décès quelle qu'en soit la cause, comme mesure de l'efficacité du dépistage. La mort, point final, est un critère strict, qui ne laisse aucune marge de manœuvre subjective. Diverses études ont montré que la mammographie ne prolonge pas la vie lorsque la mortalité toutes causes confondues est mesurée. C'est pourquoi certains experts préconisent l'abandon du dépistage par mammographie."

J.Horgan cite Amanda Kowalski, économiste spécialisée dans les soins de santé, qui présente ces données dans "Mammograms and Mortality : How Has the Evidence Evolved ?", publié dans le Journal of Economic Perspectives en 2021.
"Sur une période de vingt ans, les femmes ayant bénéficié d'un dépistage sont décédées à un rythme nettement plus rapide que les femmes du groupe témoin. Kowalski note que les femmes dépistées avaient un risque élevé de mourir d'un cancer du poumon ou de l'œsophage ; elle cite des preuves que la radiothérapie pour le cancer du sein augmente les risques de cancer mortel du poumon et de l'œsophage pour les patientes."
Voici la mise en garde de J.Horgan : "les mammographies pourraient être bénéfiques aux femmes présentant un risque de cancer du sein supérieur à la moyenne, telles que celles dont des membres de la famille ont succombé à la maladie. Mais les conclusions du professeur Kowalski ont une conséquence dévastatrice : le dépistage des femmes en bonne santé et asymptomatiques finit par tuer plus de femmes qu'il n'en sauve." Ceci corrobore les conclusions de M.Baum, selon lesquelles, dans une publication du BMJ en 2013, les effets néfastes du dépistage du cancer du sein l'emportent sur ses bénéfices si les décès dus au traitement sont pris en compte.

DES SCENARIOS

Le rapport de modélisation de l'USPSTF pour ses nouvelles recommandations présente une multitude de scénarios qui estiment les taux auxquels le dépistage du cancer du sein entraînerait certains avantages et inconvénients, selon différents âges de début, de durée et selon différents rythmes de dépistage.

Mais à chaque fois, une personne sans sur-risque particulier, qui se fait dépister, a plus de chances d'être traitée pour un cancer qui ne lui aurait jamais fait de mal que d'éviter de mourir d'un cancer du sein. Elle a plus de deux fois plus de chances de mourir de toute façon d'un cancer du sein, dit J.Garber, que de se voir détecter et traiter avec succès un cancer agressif. Et les femmes dépistées sont bien plus susceptibles de subir une biopsie inutilement ou de recevoir un résultat faussement positif que d'éviter de mourir d'un cancer du sein.

Tout est une question de compromis, en intensifiant le dépistage, en le débutant plus tôt, en le poursuivant plus tard, on évite peut-être des décès, mais au prix de combien de faux positifs en contrepartie, de surdiagnostics et de surtraitements qui eux-même compromettent la santé et la survie ?
Quels sont les compromis que nous acceptons ? Est-ce que tout individu est prêt à accepter le même compromis que son voisin ?
Une décision prise dans l'intérêt de la santé de la population peut ne pas être acceptable pour tout individu.
Quel est le prix que chaque femme est prête à payer pour qu'un décès par cancer du sein soit évité, sachant que dans le même temps d'autres femmes (dont elle-même) peuvent expérimenter la détection d'un cancer qui ne leur aurait pas été fatal, qui les expose à un surtraitement, à un possible cancer secondaire dû à la radiothérapie pour un cancer qu'on pouvait ignorer ?

Avec l'abaissement de l'âge de début du dépistage de 50 à 40 ans, l'USPSTF affirme concrètement que pour éviter un décès supplémentaire par cancer du sein sur 1 000 femmes dépistées, les femmes doivent accepter 519 faux positifs supplémentaires, 62 biopsies inutiles de plus et deux cas supplémentaires de surdiagnostic" par rapport aux faux positifs, biopsies inutiles et surdiagnostics déjà existants pour un dépistage débutant à 50 ans.
Voilà exactement ce que signifie l'abaissement d'une décennie de l'âge de début du dépistage.

CONCLUSION, un retour en arrière

Selon Horgan, ces changements des recommandations de l'USPSTF ne sont pas justifiés, pour lui "l'appât du gain ne peut être écarté. La prise en charge du cancer du sein est une vaste entreprise rentable, alimentée par la peur que les femmes éprouvent à l'égard de cette maladie." Ce business du cancer est ce qu'il explique longuement dans cet article.

La modélisation utilisée pour apprécier concrètement ce qu'un dépistage va produire "ne tient toujours pas compte des implications négatives à long terme du dépistage du cancer (par exemple, le surdiagnostic) ou du fait que les tumeurs se développent parfois de façon inattendue, ou du fait que les tumeurs se développent et régressent parfois à des rythmes différents." comme l'explique V.Prasad, professeur d' oncologie et hématologie américain dans sa video de 2021".

D'autres réactions notent le caractère très rémunérateur de cette nouvelle recommandation :
https://radiologybusiness.com/topics/medical-imaging/womens-imaging/uspstf-recommends-women-begin-breast-cancer-screening-40-boosting-stocks-mammo-related-firms
Dans Radiology business on peut ainsi lire : " Le groupe de travail américain sur les services préventifs a publié mardi de nouvelles recommandations sur le dépistage du cancer du sein, invitant désormais toutes les femmes à se soumettre à un dépistage tous les deux ans à partir de l'âge de 40 ans.
Ce projet de lignes directrices marque un changement par rapport aux normes précédentes de l'USPSTF, qui préconisait le dépistage à partir de 50 ans. Les fournisseurs du secteur de l'imagerie pour femmes, tels que Hologic et iCAD, ont vu le cours de leurs actions grimper en flèche mardi matin à la suite de cette nouvelle, car les volumes de dépistage devraient augmenter. 
L'influente USPSTF avait précédemment encouragé les femmes à "prendre une décision individuelle" quant au moment de commencer le dépistage avant 50 ans, mais elle fait maintenant marche arrière et s'aligne sur les lignes directrices énoncées par les sociétés médicales."

Onco'Zine titre : "La mise à jour des lignes directrices sur le dépistage du cancer du sein devrait stimuler la vente d'équipements de mammographie".
Selon ce média, la projection de croissance à escompter est faramineuse : "Évalué à 1,9 milliard de dollars américains en 2021, le marché mondial des équipements de mammographie devrait atteindre un montant stupéfiant de 4,3 milliards de dollars américains en 2030. Cette projection est basée sur une prévision de GlobalData, une importante société de données et d'analyse."

On peut considérer cette mesure, qui, nous pouvons parier, sera sûrement adoptée dans d'autres pays occidentaux, comme une réelle régression, à une époque où la médecine moderne préconise plutôt une réflexion mesurée et pondérée, conjointe avec le patient, où on commençait à se poser plutôt la question de la désescalade des procédures de routine préjudiciables.

L'information des femmes est une fois de plus fortement mise en danger, le message donné étant que davantage de dépistages équivaut à sauver des vies, cela sans preuve aucune, alors qu'à la fois le Conseil de l'Europe appelle à la prudence et que même l'Institut du Cancer Américain encourage les concepteurs de lignes directrices à approfondir leurs recherches avant de mettre à jour leurs lignes directrices, afin de s'assurer que les meilleures données possibles sur les effets néfastes du dépistage sont utilisées pour formuler leurs recommandations.

On en est bien loin....

REACTION DE LA NBCC (National breast cancer coalition, USA)

Il n'y a pas de nouvelles preuves à l'appui des changements proposés par l'USPSTF pour les lignes directrices relatives au dépistage par mammographie

14 juin 2023

National Breast Cancer Coalition demande des stratégies fondées sur des données probantes pour répondre aux questions difficiles et sauver des vies.

"Fondée en 1991, la National Breast Cancer Coalition (NBCC) est une collaboration d'activistes, de survivantes, de chercheurs, de décideurs politiques, de groupes locaux et d'organisations nationales qui se sont rassemblés pour innover de manière radicale en vue d'un changement social. Nous mettons en relation des centaines d'organisations et des dizaines de milliers d'individus de tout le pays au sein d'une coalition dynamique et diversifiée qui donne au cancer du sein une voix significative à Washington, D.C., et dans les capitales des États, dans les laboratoires et les institutions de soins de santé, et dans les communautés locales partout présentes".

"Notre activisme a généré plus de 4 milliards de dollars supplémentaires pour la recherche sur le cancer du sein. Nos initiatives de recherche et notre plaidoyer ont contribué à l'émergence de nouveaux modèles de recherche".

Missions :
- Poser les questions difficiles.
- Interpeller les scientifiques.
- Dire la vérité.
- Faire campagne pour le financement de la recherche et l'accès aux soins.
- Faire avancer la cause pour sauver des vies.

Le dépistage par mammographie est, par définition, destiné aux femmes qui ne présentent aucun symptôme ou signe de cancer du sein. Lors du dépistage du cancer du sein chez les femmes asymptomatiques, les bénéfices doivent être clairs et les préjudices inexistants. Malheureusement, le projet de recommandations de l'United States Preventive Services Task Force (USPSTF) concernant le dépistage du cancer du sein chez les femmes présentant un risque moyen ne répond pas à ces critères.

Les dépistages devraient en fin de compte permettre de réduire le nombre de décès. Mais la question de savoir si le dépistage par mammographie réduit le nombre de décès, en particulier chez les jeunes femmes, est débattue depuis des décennies. Les chercheurs ont mené au moins sept essais cliniques prospectifs randomisés - l'étalon-or des preuves - et aucun n'a résolu la question. 

Aujourd'hui, des méthodes de preuve moins robustes et moins claires, connues sous le nom de modélisation statistique, sont utilisées pour trouver un avantage au dépistage précoce. Ces méthodes sont complexes et nécessitent de nombreuses hypothèses. Pourtant, l'USPSTF utilise les résultats de ces modèles pour recommander des dépistages bisannuels pour toutes les femmes de 40 ans et plus, plutôt que de laisser les femmes décider elles-mêmes. 

Lire notre déclaration officielle sur le projet de lignes directrices.

Position du NBCC sur le dépistage par mammographie
Le dépistage du cancer du sein par mammographie chez les femmes présentant un risque moyen et ne présentant aucun symptôme est un sujet extrêmement complexe et controversé. Parce qu'il a lieu dans une population en bonne santé, la National Breast Cancer Coalition (NBCC) estime depuis longtemps que les bénéfices du dépistage doivent être nettement supérieurs aux risques. 

Dans ses recommandations antérieures, que la NBCC a soutenues avec réticence, l'USPSTF préconisait un dépistage mammographique bisannuel pour les femmes âgées de 50 à 74 ans, avec l'option d'un dépistage bisannuel pour les femmes âgées de 40 à 49 ans à la suite d'une conversation avec leur médecin sur les risques et les bénéfices. Les femmes pouvaient choisir. Ces lignes directrices reconnaissaient les préjudices connus du dépistage et le fait que les données des essais contrôlés randomisés ont montré des bénéfices limités pour toutes les femmes, en particulier dans ce groupe d'âge.

Les preuves n'ont pas changé-
Aucune nouvelle donnée expérimentale n'est apparue concernant les bénéfices et les risques du dépistage par mammographie. Qu'est-ce qui a motivé ces nouvelles recommandations ?

La situation est complexe et les données scientifiques sont denses. L'USPSTF a fondé ses recommandations sur une analyse de modélisation collaborative utilisant les six modèles de cancer du sein du réseau CISNET (Cancer Intervention and Surveillance Modeling Network). 
Ces six modèles statistiques ont été utilisés pour estimer indépendamment les résultats du cancer du sein dans un groupe hypothétique de 1 000 femmes de 40 ans à risque moyen, avec ou sans dépistage du cancer du sein (soit par mammographie numérique, soit par tomosynthèse mammaire numérique). L'USPSTF a examiné les résultats pour les femmes de toutes races et les femmes noires, respectivement.
Les modèles ne concordent pas. Chaque approche de modélisation a donné lieu à des estimations différentes pour chaque résultat et préjudice. La valeur médiane de tous les modèles a été utilisée pour fournir les meilleures estimations des bénéfices et des dommages dans chaque scénario.

Un examen plus approfondi des chiffres

En 2016, en utilisant la même approche de modélisation statistique et les six mêmes modèles CISNET, l'USPSTF a donné au dépistage des personnes âgées de 40 à 49 ans une recommandation de niveau "C", laissant la décision aux femmes.  
En 2023, l'analyse du modèle collaboratif a fait passer la force de la recommandation de "C" (nécessitant une décision éclairée) à "B" (une pratique que le prestataire devrait fortement encourager et sur laquelle il sera noté). Quelle était la différence ? Ils ont constaté que 0,3 décès supplémentaire par cancer du sein était évité pour 1 000 femmes dépistées au cours de leur vie.

Quels sont les risques du dépistage ?

Les estimations du modèle de l'USPSTF comprennent
- Une augmentation d'environ 60 % des résultats faux positifs (de 873 à 1 376).
- Une augmentation d'environ 6 % des biopsies bénignes (environ 148 à 210).  
- Deux cas supplémentaires de surdiagnostic (de 12 à 14), bien qu'il y ait eu une grande variation entre les modèles, de seulement 4 à 37 cas.

Le surdiagnostic - et par conséquent le surtraitement - est l'un des principaux préjudices du dépistage. La détection, l'ablation et le traitement de cancers du sein qui, autrement, n'auraient jamais porté préjudice aux femmes ne sauvent pas des vies. En revanche, il soumet les femmes à des traitements toxiques qui pourraient entraîner des problèmes de santé importants tout au long de la vie, y compris d'autres cancers. 

Tant que les chercheurs ne pourront pas déterminer quels cancers du sein finiront par se propager, par réduire la qualité de vie ou par entraîner la mort, le surdiagnostic restera une conséquence des technologies de dépistage actuelles.

L'approche par modélisation ne reflète pas la réalité 

L'une des principales limites de l'approche par modélisation est que tous les modèles supposent une adhésion totale au dépistage, une évaluation rapide des résultats de dépistage anormaux et un accès approprié et rapide au traitement. Malheureusement, ce n'est pas ainsi que les choses se passent dans le monde réel, si bien que les bénéfices potentiels représentent une hypothèse optimiste et peu probable.

L'USPSTF a cité des données épidémiologiques qui montrent que le taux d'incidence (le nombre de nouveaux cas) du cancer du sein invasif chez les femmes âgées de 40 à 49 ans a augmenté de 2,0 % par an entre 2015 et 2019. Mais cette augmentation est probablement due, en grande partie, au dépistage intensif qui est déjà pratiqué chez les femmes de ce groupe d'âge. 

Selon les Centers for Disease Control and Prevention, entre 2008 et 2018, plus de 60 % de toutes les femmes âgées de 40 à 49 ans aux États-Unis ont subi une mammographie au cours des deux dernières années. Cela augmenterait bien sûr le nombre de cas diagnostiqués.

L'abaissement de l'âge du dépistage ne résoudra pas les disparités raciales

Il apparaît que l'USPSTF a modifié sa recommandation principalement pour combler l'écart de mortalité entre les femmes blanches et les femmes noires. Bien que l'objectif ne soit évidemment pas que les femmes noires décèdent au même rythme que les femmes blanches, mais que la mortalité par cancer du sein soit éliminée pour tous, nous devons nous pencher sur cet écart.  

Bien que l'incidence du cancer du sein soit comparable, le taux de mortalité par cancer du sein est 40 % plus élevé chez les femmes noires. Cependant, il n'est pas clair comment le fait de commencer le dépistage du cancer du sein à 40 ans aura un effet sur l'écart de mortalité, d'autant plus que, comme indiqué ci-dessus, environ 60 % des femmes de toutes les races dans cette tranche d'âge sont déjà soumises à un dépistage. L'écart persiste même si les femmes noires et blanches de cette tranche d'âge sont dépistées au même rythme. 

Le dépistage par mammographie n'éliminera pas les disparités de longue date en matière de cancer du sein, quel que soit l'âge de début et de fin du dépistage. Ces disparités sont le résultat d'un racisme structurel et des politiques de santé qui créent un accès inéquitable à des soins appropriés, opportuns et de qualité.

Que faudra-t-il vraiment pour mettre fin au cancer du sein et sauver des vies ?

Dépenser des milliards de dollars supplémentaires chaque année pour des interventions inefficaces - ou, au mieux, faiblement efficaces - détourne les ressources des questions difficiles, concernant par exemple sur la façon de prévenir le cancer du sein ou de l'empêcher de se métastaser et sur la façon de créer un système de soins de santé équitable. 

Le dépistage par mammographie n'est pas la solution pour mettre fin au cancer du sein et sauver des vies, et il est malvenu de continuer à le considérer comme une stratégie primordiale.

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Dépister la…cytoliose !

L'impact des influences dans les invitations envoyées dans le cadre d’un programme de dépistage médical : un essai contrôlé randomisé

Christian Patrick Jauernik 1,2,  Or Joseph Rahbek 1,2,  Thomas Ploug 3,  Volkert Siersma 1, John Brandt Brodersen 1,2
1  Department of Public Health, The Research Unit for General Practice and Section of General Practice, University of Copenhagen, Copenhagen, Denmark
2  The Primary Health Care Research Unit, Zealand Region, Sorø, Denmark
3  Centre for Applied Ethics and Philosophy of Science, Department of Communication and Psychology, Aalborg University Copenhagen, Copenhagen, Denmark
European Journal of Public Health, ckad067, https://doi.org/10.1093/eurpub/ckad067

Les auteurs de cette publication ont eu l'idée d'un dépistage de maladie fictive, la "cytoliose", non transmissible et potentiellement mortelle, et ont envoyé pour ce faire des invitations à un dépistage avec dépliants, dépistage tout aussi fictif.

Cet essai est randomisé avec sept bras, c'est à dire sept groupes de personnes dans un total de 600 personnes étudiées.
Chaque groupe recevait un dépliant, avec des messages qui différaient plus ou moins dans leur caractère incitatif à participer au dépistage.
Les objectifs de l'étude étaient :
1) évaluer si les différentes méthodes d'influences ont un effet significatif sur l'intention de participer à un programme de dépistage, et
2) si les participants étaient conscients de ces influences, et si il y avait une relation entre l'intention de participer et cette prise de conscience.

Introduction et contexte

Selon les auteurs :
"...Les programmes de dépistage du cancer s'accompagnent de nombreux préjudices involontaires tels que les faux positifs, le surdiagnostic et le surtraitement, qui peuvent entraîner des préjudices physiques, psychologiques ou sociaux. La qualité des programmes de dépistage est parfois évaluée en fonction d'un taux de participation important."

Du point de vue des autorités sanitaires il est pré-supposé qu'un programme de dépistage de maladies cancéreuses est plus bénéfique que nocif, et qu'un taux de participation élevé maximiserait les avantages escomptés de ce programme de dépistage.
En outre, on constate que les citoyens ayant un statut socio-économique plus bas ont une incidence plus élevée de maladies cancéreuses (à l'exception du cancer du sein), mais qu'ils sont moins enclins à participer aux programmes de dépistage.

"Cela incite encore plus les autorités sanitaires à rendre la participation au dépistage simple et sans obstacle afin de promouvoir l'égalité en matière de santé. Les autorités sanitaires peuvent influencer systématiquement les citoyens de manière subtile..." disent les auteurs.

"Tous les citoyens ne partagent pas la même appréciation des bénéfices et des risques que les autorités sanitaires. Et même s'ils sont d'accord avec les autorités sanitaires pour affirmer que les bénéfices l'emportent sur les risques au niveau de la population, il se peut qu'ils ne souhaitent pas participer parce qu'ils risquent, au niveau individuel, de subir plus de préjudices que de bénéfices - les données actuelles suggèrent que les citoyens les mieux informés sont moins susceptibles de participer au dépistage du cancer."

Les auteurs se réfèrent à une étude publiée en 2019 sur les méthodes d'influence qui sont utilisées par les autorités sanitaires pour pousser les populations à participer à divers programmes de dépistage : ces méthodes vont des messages anxiogènes à la minimisation des risques et des inconvénients du dépistage.
Notre Institut National du Cancer (INCa) était cité dans cette étude, dans la catégorie 1) Présentation trompeuse des statistiques et 2) Représentation déséquilibrée des dommages par rapport aux bénéfices.
Il est d'ailleurs amusant de constater que ledit INCa est très prompt à classer la controverse du dépistage dans les fake-news dans une page intitulée "éclairages" tout en étant lui-même pris en faute de manipulation du public par sa documentation orientée et fallacieuse.

L'auteur de cette étude de 2019 sur la manipulation du public est un des co-auteurs de cette étude actuelle ; en 2019 il distinguait dans sa publication 5 catégories d'influences des personnes :
1.      Présentation tendancieuse des statistiques,
2.     Omission des effets nocifs et accent mis sur les bénéfices,
3.     Recommandations à participation,
4.     Systèmes de non-participation (opt-out) -Cela consiste à attribuer aux citoyens un rendez-vous fixé à l'avance au moment de l'invitation. Si la personne ne souhaite pas participer elle doit se désengager activement. On considère de facto le non-refus du patient comme acceptation de participer.
5.     Appels à la peur.

Ces différents types d'influences affectent de manière significative la participation individuelle en contournant ou en contrecarrant la réflexion, et elles peuvent être incompatibles avec une prise de décision éclairée.

La cytoliose

Cette maladie totalement crée pour l'étude, soi-disant mortelle, a été inventée pour éviter un biais dû aux idées préconçues et aux craintes liées au cancer.

Les auteurs expliquent :
" La brochure (neutre, de base, NDLR) sur le dépistage de la cytoliose s'inspirait en partie de la brochure danoise sur le dépistage du cancer colorectal, et la cytoliose avait la même incidence et la même mortalité que le cancer colorectal.
Le programme de dépistage de la cytoliose présentait les mêmes bénéfices (par exemple, réduction de la mortalité) et les mêmes risques (par exemple, faux positifs, dommages physiques et surtraitement) que le dépistage du cancer colorectal chez un homme de 50 à 60 ans.
Les préjudices du programme de dépistage fictif ont été amplifiés par rapport au dépistage du cancer colorectal afin de mieux équilibrer les bénéfices et les préjudices liés à la participation."

Il y a eu donc sept brochures différentes qui ont été distribuées, une pour chacun des sept groupes de cette étude randomisée :
A- La brochure "neutre"
B- Une brochure avec des diminutions relatives de risque pour accentuer la réduction de la mortalité.
(A l'instar du procédé de l'INCa pour le cancer du sein, donnant des pourcentages de réduction de mortalité qui correspondent à des taux de comparaison entre des populations, mais pas du tout aux données réelles, absolues ; voir l'article : https://cancer-rose.fr/2017/01/03/mensonges-et-tromperies/
Cette technique de tromperie dans la présentation de la réduction de mortalité est constamment utilisée par l'INCa, alors même que les citoyennes l'ont reproché lors de la concertation sur le dépistage du cancer du sein en 2016 ; rien n'a changé dans la communication de l'INCa et on peut toujours lire dans les documents une "réduction de mortalité de 20%", ce qui correspond en vraie vie à une seule femme dont la vie est prolongée par le dépistage sur femmes 2000 dépistées et sur 10ans de dépistage, ce qui n'est plus la même chose....
C- La troisième brochure donnait une présentation erronée des inconvénients par rapport aux avantages, omettait les effets nocifs et mettait l'accent sur les bénéfices, là aussi très similaire aux méthodes de l'INCa avec omission volontaire des risques les plus importants, (lire https://cancer-rose.fr/2021/10/19/linca-toujours-scandaleusement-malhonnete-et-non-ethique/)
D- La quatrième brochure était basée sur les rendez-vous pris à l'avance (système opt-out, voir plus haut)
E- La cinquième brochure contenait une recommandation explicite de participation
F- La sixième brochure faisait appel à la peur
G- Et enfin, une dernière brochure contenait tous les systèmes d'influence à la fois.

Tous les types d'influence étudiés ont été inspirés par des exemples réels de programmes de dépistage du cancer.(De type brochures 2 et 4 pour notre institut français)

Toutes les brochures sont à retrouver dans l'annexe PDF

 Les résultats

A- Résultat principal : mesure de l’intention de participer

"La proportion la plus faible de personnes ayant l'intention de participer (31,8 %) a été observée dans le groupe ayant reçu la brochure neutre (A), tandis que la proportion des personnes avec intention de participait se situait entre 39,2 % et 80,0 % lorsque les autres brochures, non neutres, avaient été distribuées.."
Voir tableau 2 (cliquez pour agrandir)

L'intention de participer (sans ajustement en fonction du statut socio-démographique) a augmenté de manière statistiquement significative dans les groupes ayant reçu des brochures contenant des réductions du risque relatif (B), une présentation erronée des inconvénients par rapport aux avantages (C), une recommandation explicite de participation (E), des appels à la peur (F) et toutes les influences combinées(G)

B- Résultat secondaire : connaissance des influences et effet de la connaissance des influences sur l'intention de participer

 Les participants étaient-ils conscients de ces influences auxquelles ils étaient soumises pour participer davantage, et y avait-il une relation entre l'intention de participer et cette prise de conscience des influences subies ?

"Une majorité variant entre 60,0 % et 78,3 % des participants", disent les auteurs "n'a pas indiqué avoir conscience que leur choix tentait d'être influencé (brochures B à G).
Il n'y avait pas de différence claire entre les réponses à la brochure neutre (A) et les brochures contenant une tentative délibérée d'influencer le choix des participants."

" Les participants qui ont reçu une brochure avec une influence (B-G) et qui n'ont pas indiqué être conscients que leur choix était influencé ont eu davantage l'intention de participer que ceux qui ont eu l'impression que la brochure essayait d'orienter leur choix et qui ont ensuite correctement localisé une influence."

Les auteurs disent aussi que les participants avec une brochure influente et non conscients de cela ont eu davantage d'intention de participer que ceux qui ont eu l'impression que la brochure essayait d'orienter leur choix mais qui, en revanche, ne parvenaient pas à localiser correctement cette influence.

Néanmoins, avertissent les auteurs " Les résultats secondaires doivent être interprétés avec prudence. Étant donné que les résultats secondaires sont mesurés après que les participants ont indiqué leur intention de participer, cela peut affecter leur réponse sur le fait que la brochure essayait ou non d'orienter leur choix. Nous émettons l'hypothèse que les participants qui avaient l'intention de participer pourraient être plus réticents à admettre qu'ils ont été potentiellement influencés."

En tout cas il est certain et démontré que les cinq catégories d'influences augmentent l'intention de participer lorsqu'elles sont utilisées dans les documents envoyés aux cibles des dépistages.
Moins de la moitié des participants reconnaissaient ces influences, et le fait de ne pas les connaître s'associait de facto à une augmentation de l'intention de participer.

Conclusion des auteurs

" Ces résultats appellent une réflexion et une discussion sur l'utilisation de différents types d'influence pour augmenter le taux de participation aux programmes de dépistage du cancer. Les risques potentiels de la participation à des programmes de dépistage du cancer peuvent être graves et substantiels, et l'effet escompté de l'augmentation du taux de participation par l'utilisation d'influences doit être soigneusement évalué par rapport à l'effet involontaire de contourner potentiellement le choix éclairé des participants. Il est donc nécessaire de trouver d'autres moyens d'évaluer les programmes de dépistage du cancer que le taux de participation.
L'une de ces alternatives pourrait être le taux de décisions éclairées prises par les participants potentiels au dépistage."
Et cela même si, comme le supposent les auteurs, les citoyens pourraient se sentir désemparés en prenant connaissance des multiples risques des dépistages.

D'autres aspects dans la prise de décision d'une personne de participer ou pas sont aussi à considérer :
" Le matériel d'information n'est pas le seul aspect de la prise de décision, et cette étude n'examine pas les raisons externes des choix des participants, par exemple la culture (de la santé) de la société, les attitudes propres et générales de la société à l'égard des interventions de santé, le sens du devoir, le comportement et les opinions des proches, les obstacles à l'intention et au comportement réel, les incitations financières des professionnels de la santé pour augmenter le recours au dépistage, etc. ...Les recherches portant sur les raisons externes peuvent quantifier l'importance de la prise de décision sur le matériel d'information."

"L'effet considérable des influences qui sont encore renforcées par la non-conscience (de ces influences) suggère que l'application de ces influences devrait être soigneusement examinée pour les interventions où la participation informée est prévue."

Les rédacteurs de cette publication suggèrent que des recherches supplémentaires sur les effets négatifs potentiels de ces influences soient envisagées, car les effets négatifs de ces techniques d'influence sur la population débouchent un affaiblissement de la confiance dans les autorités sanitaires.

ANNEXE-LES BROCHURES

Commentaire Cancer Rose

Cette publication, avec celle de Rahbek de 2019, rappellent une fois de plus les effets désastreux sur la santé des gens des influences néfastes que des documents d'information fallacieux et déséquilibrés peuvent entraîner.

Il faut toujours avoir à l'esprit que les documents pour des dépistages sont envoyés à des populations qui se portent bien et n'ont, a priori, aucune plainte clinique. L'influence utilisée pour les faire entrer dans des processus de dépistage potentiellement nocifs s'apparente à imposer un dispositif de santé potentiellement nuisible sans en informer les personnes et en les trompant. Ce qui est éthiquement indéfendable, et pourtant fait par les autorités sanitaires.

L'INCa français, est pointé du doigt dans l'étude de 2019, comme on peut le voir dans un tableau synthétique de létude (https://cancer-rose.fr/wp-content/uploads/2021/04/nouveau-tableau.pdf ; voir les parties surlignées) ; plutôt que de consacrer des ressources à pointer du doigt une controverse de plus en plus présente sur la pertinence du dépistage du cancer du sein, l'institut ferait bien de consacrer temps et moyens pour corriger ses graves défauts de communication qui trompent les citoyennes françaises sur le dépistage du cancer du sein.

Concernant le dépistage du cancer du sein, nous pouvons mettre cette étude en relation avec une autre, française celle-ci, parue en 2016, démontrant que lorsqu’on donne aux femmes une information un peu plus objective sur le dépistage du cancer du sein par mammographie, elles s’y soumettent moins.( https://cancer-rose.fr/2020/09/08/information-objective-et-moindre-soumission-des-femmes-au-depistage/)
Cette étude est passée relativement inaperçue, et pour cause, puisque pour les autorités sanitaires un seul critère compte, c'est le rendement de la participation, et que la tromperie des femmes est une thématique scientifique tout à fait assumée : https://cancer-rose.fr/2020/09/02/manipulation-de-linformation-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein-comme-thematique-scientifique/

Références

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2          Jorgensen KJ. Mammography screening. Benefits, harms, and informed choice. Dan Med J 2013;60:B4614.

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4          The Danish Health Agency. Screening for cervical cancer – recommendations. [Danish] 2012. Available at: http://www.sst.dk/~/media/B1211EAFEDFB47C5822E883205F99B79.ashx (15 January 2020, date last accessed).

5          The Danish Health Agency. Screening for colorectal cancer – recommendations. [Danish] 2012. Available at: https://www.sst.dk/~/media/1327A2433DDD454C86D031D50FE6D9D6.ashx (1 February 2020, date last accessed).

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7          Orsini M, Trétarre B, Daurès J-P, Bessaoud F. Individual socioeconomic status and breast cancer diagnostic stages: a French case–control study. Eur J Public Health 2016;26:445–50.

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11        Hestbech MS, Gyrd-Hansen D, Kragstrup J, et al.  Effects of numerical information on intention to participate in cervical screening among women offered HPV vaccination: a randomised study. Scand J Prim Health Care 2016;34:401–19.

12        Rahbek OJ, Jauernik CP, Ploug T, Brodersen J. Categories of systematic influences applied to increase cancer screening participation: a literature review and analysis. Eur J Public Health 2021;31:200–6.

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Biologie immunitaire du cancer pour expliquer le « surdiagnostic » clinique

Traductions, restitution et synthèse par Cancer Rose, 4 mai 2023

Un diagnostic précoce accru du cancer : Révéler la biologie immunitaire du cancer pour expliquer le "surdiagnostic" clinique

Bruce A. Wauchope 1,2Brendon J. Coventry 2David M. Roder 3

1 Molechecks Australia, 1284 South Road, Clovelly Park 5042, Australia

2 Discipline of Surgery, Cancer Immunotherapy Laboratory, University of Adelaide, Royal Adelaide Hospital, Adelaide 5005, Australia

3 Cancer Epidemiology and Population Health, Allied Health and Human Performance, University of South Australia, Adelaide 5000, Australia

Cancers 202315(4),1139; https://doi.org/10.3390/cancers15041139

La régulation immunitaire du cancer est prouvée et peut expliquer pourquoi certains cancers progressent alors que d'autres restent silencieux.

Les auteurs avancent "un modèle immunitaire fondé sur des preuves, qui mérite d'être approfondi et qui pourrait expliquer le "surdiagnostic" du cancer et la prédisposition à la récurrence, à la régression et à la létalité." C'est à dire, qui pourrait expliquer pourquoi certains cancers tuent, d'autres non et d'autres encore régressent.
Ils considèrent surtout " que les outils immunitaires devraient être intégrés dans les recherches futures", afin d'arriver à affiner la distinction entre cancers mortels et non-mortels, et ce afin d'éviter les traitements inutiles découlant du surdiagnostic qu'apporte tout dépistage.

Résumé des auteurs

"Même si les cancers "précoces" cliniquement petits représentent biologiquement plusieurs millions de cellules, lorsqu'ils sont enlevés chirurgicalement, souvent ils ne récidivent pas ou ne se développent pas à nouveau, et ne réduisent pas la durée de vie de l'individu.
Toutefois, certains cancers précoces restent quiescents et indolents, tandis que d'autres se développent et forment des métastases, menaçant la vie de l'individu. La distinction entre ces différents comportements cliniques à l'aide de critères cliniques/pathologiques est actuellement problématique. On rapporte que de nombreuses lésions suspectes et des cancers précoces sont retirés chirurgicalement alors qu'ils ne menaceraient pas la vie du patient. Ce phénomène a été qualifié de "surdiagnostic", en particulier dans le domaine du dépistage du cancer.
Bien qu'il s'agisse d'un sujet controversé et émotionnel, il pose des problèmes cliniques et de politique de santé publique. La différenciation diagnostique entre les formes de tumeurs "non létales" et "létales" (= mortelles ou non mortelles, NDLR) est généralement impossible.
Une perspective qui s'appuie sur des preuves est qu'il existe un équilibre dynamique entre la réponse immunitaire et les processus malins qui déterminent la "létalité", où beaucoup plus de cancers sont produits sans qu'ils ne deviennent cliniquement significatifs parce que le système immunitaire empêche leur progression.
Les taux de "diagnostic" plus élevés du dépistage médical peuvent refléter des effets de temps d'avance au diagnostic (c'est à dire une détection du cancer avant qu'il ne s'exprime cliniquement, NDLR), avec plus de cancers "non progressifs" détectés lorsqu'une interaction immunitaire-cancer précoce se produit.
Nous présentons un modèle de cette interaction entre le système immunitaire et le cancer et examinons les affirmations d'"excès" ou de "surdiagnostic" qui accompagnent des technologies de diagnostic et de dépistage de plus en plus sensibles.

Nous estimons que les outils immunitaires devraient être intégrés dans les recherches futures, avec un potentiel de modulation du système immunitaire pour certains cancers précoces."

Introduction, problématique des dépistages

"...Le manque de données probantes concernant certains cancers, pour lesquels un dépistage plus sensible et une détection précoce ne se traduisent pas nécessairement par une réduction de la morbidité et de la mortalité, constitue une énigme majeure.

Certains cancers précoces n'évoluent pas vers des métastases et la mort, et ne mettent donc pas le patient en danger durant sa vie, et ne nécessitent pas de traitement. Il peut exister des variantes biologiques non métastatiques et non mortelles. Il est fondamental de distinguer les cancers potentiellement "mortels" des cancers "non mortels" pour que le dépistage soit bénéfique de manière sélective, tout en évitant les traitements inutiles."...
L'ampleur de la modulation par le système immunitaire du processus de malignité pourrait influencer de manière décisive les suites du cancer, y compris la létalité."

On devrait s'attendre, rappellent les auteurs, à ce que le dépistage de lésions dites "précoces" entraîne, dans une population dépistée, une réduction des cancers graves. Or ce n'est pas ce que l'on observe, il y a toujours un excédant de diagnostics dans les groupes dépistés sans changement de la létalité (taux de décès par maladie dans un groupe de malades).

" Après un certain temps (de dépistage), le taux de diagnostic précoce devrait se traduire par une réduction du taux de mortalité."
Si les taux d'incidence cumulés, c'est à dire les taux de diagnostics de cancers, ne sont pas similaires dans les groupes dépistés par rapport à une population non dépistée, avec une augmentation dans le groupe dépisté sans différence de mortalité, on peut s'interroger sur le risque de surdiagnostic de cancers "non mortels", ce qui peut soulever des questions d'éthique, de coût et d'autres questions professionnelles.
Les auteurs rappellent :
"Par comparaison, un dépistage efficace du cancer impliquerait la détection précoce des cancers à potentiel létal ou de leurs précurseurs, ce qui entraînerait une réduction de la morbidité et de la mortalité. Un dépistage efficace devrait se traduire par une réduction de la mortalité spécifique au cancer et de l'incidence des cancers avancés ajustée à l'âge."

Cette inflation de cancers non mortels et de détection inutile est ce qu'on appelle le surdiagnostic,ce qui commence à poser un important problème de santé publique car on constate ce phénomène pour tous les dépistages, entraînant les personnes dans des "maladies" qu'elles n'auraient pas dû connaître.

"Des augmentations relativement plus importantes ont été constatées entre les différents types de lésions (par exemple, davantage pour les lésions in situ du sein féminin que pour les lésions invasives). Cela s'applique au carcinome canalaire in situ par rapport à la mammographie et à d'autres cancers in situ - cancer de la prostate, du côlon, des cellules squameuses du tractus gastro-intestinal, du tractus génital et de la peau, types de cancer basocellulaire et mélanomes cutanés"

L'exemple particulier du mélanome.

" Les sous-populations ayant fait l'objet d'un dépistage du mélanome ont présenté des taux de détection et des taux de passage d'in situ à invasif plus élevés que ceux attendus à partir des données des registres de population, sans que la mortalité liée au mélanome ne soit inférieure aux prévisions ", expliquent les auteurs.

"On s'interroge depuis longtemps sur l'augmentation de l'incidence du mélanome et sur le diagnostic des formes de mélanome non létales et "non métastasantes".
Ainsi, un vocabulaire comprenant le surdiagnostic, les réservoirs asymptomatiques d'affections "indolentes", les formes "dormantes" et "non métastasantes" de mélanomes est apparu.

"... le surdiagnostic pourrait être la conséquence des tests de dépistage courants. Il est encore plus probable qu'il se produise et qu'il augmente dans les environnements de diagnostic avec l'avènement de technologies de diagnostic de plus en plus sensibles.
Certains ont émis l'hypothèse d'un abaissement des seuils pour la réalisation des biopsies, les cliniciens et les pathologistes modifiant les seuils de diagnostic, l'ensemble conduisant à une augmentation des taux de détection des cas, ce qui donne une apparente impression de réussite. "Les pathologistes, lorsqu'on leur présente des lames datant d'il y a 20 ans, augmentent les taux de diagnostic des mélanomes : 14 % des lésions gravement dysplasiques sont converties en mélanomes ."

Les auteurs résument ainsi deux grandes causes de surdiagnostics : les capacités technologiques de détection de plus en plus affinées, détectant des lésions qu'on pouvait ignorer, et la tendance à sur-grader les lésions volontairement, de peur de laisser passer quelque chose, les anatomo-pathologistes préférant proposer une classification plus péjorative de ce qu'ils voient sous le microscope.
Il y a une troisième cause décrite par les rédacteurs de l'étude :
"Des incitations financières ont également été évoquées (qui rémunèrent les médecins lors de l'intégration de leurs patients dans certains dépistages, NDLR). Tous ces éléments peuvent favoriser une incitation au dépistage.

La pertinence clinique des cancers détectés lors du dépistage devient plus discutable s'il n'y a pas de réduction correspondante de la morbidité et de la mortalité."

Les auteurs proposent un modèle pour le surdiagnostic et le système immunitaire à travers le mélanome.

"En intégrant ces idées, nous présentons ici un modèle composite basé sur l'exemple du dépistage du mélanome, qui examine l'interaction entre la formation précoce de la tumeur et la réponse immunitaire," modèle que nous allons décrire un peu après.

Dynamique du cancer et taux de croissance

Le comportement biologique des cancers détectés lors d'un dépistage n'est pas constant. Les auteurs rappellent la figure que proposait le chercheur américain G.Welsch décrivant les différentes possibilités de croissance cancéreuses, que nous expliquons dans cette vidéo.

Certains cancers évoluent très vite, sont péjoratifs mais échappent au dépistage du fait de leur vélocité. D'autres évoluent lentement et n'auraient jamais nui à la personne, certains régressent, le surdiagnostic ou détection inutile se produit dans ces cas ; la personne sera traitée inutilement.

Le système immunitaire

Sur ce chapitre, beaucoup de questions sont posées, et restent en suspens, selon les auteurs : "Le cancer existe-t-il seul ou est-il en relation avec le reste de l'organisme et le système immunitaire ? Comment le système immunitaire est-il impliqué dans le microenvironnement du cancer et dans sa croissance ? Le système immunitaire peut-il influer sur la croissance des cancers ? En d'autres termes, le système immunitaire peut-il limiter la croissance du cancer, ou/et peut-il augmenter la croissance du cancer ? En outre, le système immunitaire est-il modulable ? En d'autres termes, dans quelle mesure peut-il modifier son profil, ou est-il fixe et statique ? Si le système immunitaire se modifie, peut-il affecter la croissance du cancer ? La modification du système immunitaire peut-elle entraîner un changement dans le comportement et l'issue du cancer ?"

"Il est bien établi que l'immunosuppression chez les personnes "saines" entraîne une augmentation d'au moins 3 fois du nombre de cancers" et on sait que "du côté des traitements, l'utilisation d'inhibiteurs de points de contrôle immunitaires a révolutionné la survie au cancer, mais seulement pour une partie des types de cancer (environ 1 à 50 %)".

"En outre, de nombreux cliniciens connaissent des cas rares mais frappants de régression tumorale spontanée, un processus par lequel certains cancers disparaissent spontanément, potentiellement en raison de processus immunologiques. Bien que l'explication de ce phénomène reste une énigme, il pourrait être plus fréquent qu'on ne le pense, peut-être davantage dans le cas des cancers "précoces". ..
En résumé, il est prouvé que le système immunitaire peut influer sur la formation, la progression et la mortalité du cancer. Il ne s'agit donc pas d'un simple taux de croissance des cellules cancéreuses, mais d'une interaction entre le cancer et le système immunitaire."

" Cette évolution de la pensée se poursuit, avec la reconnaissance clinique croissante du fait que le système immunitaire, en plus de gérer les infections, est au cœur de la croissance, de la réparation et de la cicatrisation des tissus normaux. ..
Dans le micro-environnement tumoral, le stroma, en particulier ses composants immunitaires, interagit avec la tumeur et affecte sa croissance et sa progression".

Les données issues de grandes études cliniques, expliquent les auteurs, démontrent en effet qu'une forte infiltration des lésions néoplasiques par des populations de cellules immunitaires spécifiques constitue un indicateur pronostique indépendant dans plusieurs types de cancer ; la présence de certaines cellules (macrophages, lymphocytes) peuvent avoir un effet bénéfique sur le pronostic, d'autres au contraire signent une évolution plus sombre.

"Le contrôle du système immunitaire peut être considéré comme l'arbitre influent des métastases, de la progression de la maladie et de la survie."
À la lumière des interactions immunitaires affectant la croissance dans le microenvironnement et les métastases, nous suggérons que l'interaction entre le système immunitaire et la tumeur affecte de manière critique les résultats de la croissance, les taux de croissance de la tumeur, sa capacité à être indolente ou pathogène et, dans certains cas, sa disparition et sa régression."

Un modèle est proposé sur l'intrication de l'immunité et du surdiagnostic dans la progression cancéreuse.

Un modèle intégrant surdiagnostic et rôle de l'immunité

Trois résultats sont observés dans le cadre du dépistage :

1. Augmentation des taux de diagnostic
2. Augmentation des ratios in situ/invasifs
3. Augmentation des allégations de surdiagnostic

La proposition des auteurs est que ces trois résultats peuvent logiquement être des manifestations biologiques de la relation immunité-cancer dans les premiers stades (ou peut-être les plus précoces) du développement du cancer.

Cliquez sur l'image pour agrandir
Figure 2

Il est pris comme modèle le mélanome. Voici l'explication de la figure 2 :

" La tumorigénèse du mélanome implique la prolifération de mélanocytes aberrants dont l'inhibition de contact est réduite et qui sont de plus en plus décohésifs dans un organisme multicellulaire. La surveillance du système immunitaire détecte la tumeur à (A). Si le système immunitaire favorise la tumeur, la partie supérieure grise du diagramme (B) devient opérationnelle. La tumeur est alors facilitée dans sa croissance, comme cela se produit dans la cicatrisation proliférative. Dans le microenvironnement tumoral, les cellules immunitaires innées telles que les macrophages peuvent être associées à la progression de la tumeur. Sur le plan clinique, les mélanomes nodulaires à croissance rapide en sont un exemple. Ils pénètrent profondément et se propagent moins latéralement. Bien qu'ils ne représentent qu'un faible pourcentage de l'ensemble des mélanomes, ils sont à l'origine de 30 % des décès."

Voilà décrite la situation dans le cas où le système immunitaire sera facilitateur pour le développement tumoral.
Que se passe-t il au contraire si le système immunitaire freine a progression tumorale ?
Dans ce profil immunitaire de "freination", on peut assister à trois modèles :
"Le mélanome entre dans une phase de régression, avec selon le diagramme (1) l'élimination, (2) l'équilibre, ou (3) la fuite, comme décrit :

(1) Élimination de la tumeur : La "régression" immunitaire associée aux lymphocytes peut éliminer toute trace histopathologique de mélanome. Sur le plan clinique, il s'agit d'une régression spontanée ou d'un mélanome primaire en régression.

(2)Équilibre : Le système immunitaire n'a pas éliminé la tumeur, mais l'a freinée. La tumeur et le système immunitaire peuvent atteindre un état d'équilibre. Sur le plan clinique, on retrouve ce phénomène dans les données post-mortem des personnes décédées avec un cancer, mais pas de cancer. C'est peut-être là que se trouve une grande partie du réservoir de surdiagnostic.

 (3)Échappée immunitaire : Le cancer peut d'abord être freiné par le système immunitaire, puis le vaincre. Si le système immunitaire élimine la tumeur primaire après la libération des métastases, des métastases secondaires sans primitif connu apparaissent. Cliniquement, on parle de "mélanome occulte" ou de "mélanome d'origine primaire inconnue", qui survient dans environ 3 %."

Que fait le dépistage dans ce modèle, comment intervient-il ? Il faut examiner à présent le champ D, correspondant à l'intervention d'un dépistage minutieux par dermatoscopie.

" Le dépistage à (D) permet d'obtenir
1. Un taux de détection des mélanomes plus élevé et une augmentation encore plus importante du taux de détection des mélanomes in situ par rapport à ce que l'on trouverait dans un registre du cancer basé sur la population. Cela donne,
2. Une augmentation du ratio mélanome in situ/Invasif. L'augmentation du taux de détection des mélanomes et des mélanomes in situ, malgré l'absence de réduction de la mortalité, donne :
3. Un surdiagnostic relatif."

On comprend ainsi que la détection précoce intervient alors que le système immunitaire ne s'est encore pas exprimé, ne laissant pas de 'chance' aux cancers qui ne se développeront pas de rester non découverts.
Ceci est d'un impact important lorsqu'on sait que le dépistage du mélanome n'a pas eu pour effet de diminuer la mortalité par ce cancer. Lire une réflexion du Lown institute : https://lowninstitute.org/balancing-prevention-and-overdiagnosis-in-skin-cancer-screening/

Conclusion des auteurs

"Si le système immunitaire contrôle le cancer dans tous les cas ou dans la plupart des cas, le surdiagnostic peut en fait être le reflet de l'étendue du contrôle immunitaire sur la capacité des cellules cancéreuses à se comporter de manière non métastatique (ou pas).

1.              Le surdiagnostic du cancer par le dépistage peut également avoir une base immunitaire, ce qui est confirmé par des preuves de plus en plus nombreuses.

2.              Le profilage cellulaire/immunitaire fait actuellement défaut pour identifier les lésions qui seront contenues par la défense immunologique, ou qui seront éliminées, ou qui évolueront vers des métastases.

3.              Il n'existe actuellement aucun moyen clinique ou pathologique de quantifier l'interaction entre le système immunitaire et la tumeur pour décider de la nécessité d'un traitement.

4.              L'interaction entre le système immunitaire et la tumeur devrait faire l'objet d'une recherche accrue afin de mieux comprendre et d'améliorer la lutte contre le cancer. La peau, en tant qu'organe externe, est idéalement accessible pour cette recherche."

"On considère que nous risquons de devenir de plus en plus performants dans la détection des cancers précoces qui ne menacent pas le patient au cours de sa vie - avec l'indécision clinique actuelle quant aux cancers qui deviendront invasifs ou métastatiques, et ceux qui ne le deviendront pas. L'arbitre pourrait en effet ne pas être uniquement les cellules cancéreuses elles-mêmes, qui ont fait l'objet de tant d'attention jusqu'à présent, mais plutôt le comportement dynamique et la force de la réponse du système immunitaire de l'hôte."

" Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour définir la distinction entre les cancers qui peuvent évoluer vers la fatalité et ceux qui ne le peuvent pas ou ne le font pas. De cette manière, un diagnostic plus précis pourrait bien être obtenu afin de réduire tout excès de diagnostic de cancer qui n'est pas associé à une signification clinique, y compris la mortalité."

Commentaires Cancer Rose

Tout d'abord il est salutaire qu'enfin une publication considère le problème du cancer non pas par le mauvais bout de la lorgnette, à savoir sa détection en aval, mais se préoccupe plutôt de la nécessité de revenir à la recherche fondamentale, en amont, et de poser la question de ce qui va faire d'un cancer une lésion mortelle ou pas.
Il nous faut, pour solutionner cette question, revenir absolument aux recherches fondamentales et approfondir les connaissances sur ce qu'on appelle 'histoire naturelle du cancer'.

Cependant, tout le raisonnement de l'étude tient sur une hypothèse, laquelle est toujours profondément ancrée dans nos esprits, à savoir la "précocité" de la détection. Or cette précocité est une notion arbitraire. La précocité suppose une croissance linéaire et continue du cancer. Or ce modèle de croissance tumorale est faux ; la question est : à partir de quand est-on malade ? Où commence la maladie ? Et la réponse n'est pas dans la taille tumorale. Certains cancers du sein peuvent être volumineux, de très bon pronostic et, non découverts, sans plainte du patient, et inversement.

D'autre part, s'il est certain que le système immunitaire a un rôle important dans le développement cancéreux, il n'est pas le seul acteur.
Le cancer est aussi le marqueur d’une souffrance cellulaire dont l’origine peut être métabolique et en lien avec le milieu extérieur ce qui ne doit pas être occulté.
Un gène d'expression d'un cancer peut grandement favoriser l'apparition d'un cancer, mais pas obligatoirement si l'environnement rencontré n'est pas suffisamment délétère pour déclencher ce cancer. Par exemple, toutes les femmes porteuse du gène muté BCRA ne développeront pas un cancer du sein, car malgré l'augmentation importante du risque de développer un cancer, il reste tout de même 30 à 60% de femmes portant le gène muté BCRA1 , et 50 à 60% des femmes porteuses du gène muté BCRA2 qui ne mourront pas de ce cancer et vivront jusqu'à un âge avancé pour décéder de tout à fait autre chose.

Pour finir, on ne connait pas précisément encore quel est le rôle réciproque des cellules spécifiques épithéliales d'un organe et de son tissu de soutien dans l’émergence de la malignité.
Nous citons l'ouvrage de Bernard Duperray, "dépistage du cancer du sein, la grande illusion, aux éditions Souccar :

"Des expériences sur l’animal suggèrent que la recombinaison de cellules mammaires altérées par des mutations avec un stroma normal aboutit rarement au développement d’une tumeur, alors que la recombinaison de cellules spécifiques du sein normales avec un stroma altéré entraîne la formation de tumeurs.

Les travaux de l’équipe de Maricel Maffini (faculté de médecine de l’université Tufts, Boston, États-Unis) montrent en effet le rôle crucial du stroma de la glande mammaire dans le processus de cancérisation. Les chercheurs ont greffé des cellules cancéreuses mammaires à des rates. Le stroma a empêché le développement de ces cellules cancéreuses et encouragé leur croissance normale. Cette capacité des cellules normales du stroma à reprogrammer des cellules épithéliales cancéreuses est dépendante de l’âge et de la parité (antécédents ou non de mise bas)."
Réf : maffini mv, calaBro Jm et al. Stromal regulation of neoplastic development: age-dependent normalization of neoplastic mammary cells by mammary stroma. The American Journal of Pathology. 2005 Nov;167(5):1405-10.

Cette étude de Maffini suggère qu’une interaction fondamentale a lieu entre deux milieux cellulaires, le cancer a donc une histoire extrêmement complexe que nous ne connaissons pas en totalité, elle est dépendante de la nature biologique intrinsèque même du cancer, mais certainement aussi de l'immunité comme le suggère l'étude que nous venons de synthétiser, mais aussi de l'environnement dans une grande mesure certainement, et pour finir de l'interaction de la cellule avec le milieu dans lequel elle baigne.

Rien n'est simple, et prétendre venir à bout du cancer par une détection précoce avec des dépistages intempestifs et inopérants, comme nous le voyons quotidiennement, est un non-sens arrogant.
De plus il n'est pas éthique de dissimuler cette complexité au public et de lui faire miroiter, dans un charlatanisme médical éhonté, de pourvoir à son bien alors que nous fabriquons du surdiagnostic en pagaille dans la très grande majorité des dépistages, et que nous continuons ces dispositifs médicaux à grand renfort de publicités, incitant les populations démunies en information lors de grands barnums médiatiques dont octobre rose est un désespérant avatar.

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Les non-maladies, un livre de Luc Perino

27 avril 2023

Luc Perino est médecin, écrivain, propriétaire du blog Le Monde "pour raisons de santé", et du blog https://www.lucperino.com/ et il vient de publier un essai "Les non-maladies : la médecine au défi" aux éditions du Seuil.

Situations de rencontres patient-médecin

A notre époque où on traite de plus en plus des personnes saines et ne se plaignant de rien, où on fait croire au public que même un bien-portant a besoin de soins et où la médecine fait la collusion entre diagnostic et maladie, L'auteur propose 4 situations bien distinctes de rencontres patient-médecin, qu'il détaille dans l'ouvrage.

  • La première catégorie de rencontre est la situation parfaite, où il y a adéquation entre les plaintes du malade et la labellisation médicale. Les symptômes vont bien correspondre à une maladie étiquetée et déboucher sur un traitement.
  • La deuxième catégorie, les MNO ou maladies non objectivables, est un trouble vécu par le malade mais pour lequel la médecine ne parvient pas à élaborer de diagnostic. La médecine tente néanmoins de regrouper ces symptômes et de labelliser certains syndromes, comme la fibromyalgie, le trouble du déficit de l'attention, phobie sociale, syndrome de l'intestin irritable, syndrome prémenstruel, troubles musculo-squelettiques etc....
    Selon l'auteur : "Lorsque les symptômes sont assez prévalents dans la population et similaires d'un patient à l'autre, le commerce médical créé un nouvel objet-maladie en rupture totale avec le précepte anatomo-clinique."
    "D'autres maladies non objectivables ont été secondairement acceptées par la médecine académique et intégrées dans les classifications officielles des objets-maladie sous la seule pression du marché, après la découverte d'un médicament. Le cas emblématique est celui de la DMLA (dégénérescence maculaire liée à l'âge)."
  • Les objets non-maladie, composant la troisième ligne, sont définis par l'auteur dans un interview accordé à La Nutrition :
    "C’est le cas, par exemple, où vous allez très bien. Vous n’avez ni plainte, ni souffrance, mais un beau matin, vous recevez une invitation pour un dépistage pour tel ou tel cancer. Vous n’y pensiez pas avant. Vous allez donc vous soumettre au dépistage, pensant qu’il est bon pour vous. Peut-être qu’on va vous trouver quelque chose, comme une minuscule image suspecte dans le sein. Cette maladie qui vous est « proposée » par la médecine elle-même, voilà ce que j’appelle les « non-maladies ». Cet objet ne vous concerne pas, mais la médecine vous propose un diagnostic. Cette intrusion peut être considérée comme abusive, et elle l’est assez souvent."
    Car ces objets non-maladie, comme l'hypercholestérolémie, le syndrome métabolique, et les surdiagnostics des dépistages systématiques ont un réel impact dans la vie d'une personne.
  • Enfin, dans la quatrième catégorie se trouvent les 'hors-sujets sanitaires'. Il s'agit par exemple du vieillissement, la calvitie, la demande de beauté, enfin ces rencontres patient-médecin qui ne relèvent pas du registre de la santé à proprement parler, qui ne sont, selon l'auteur, " des extensions de la pratique médicale, consistant non plus à réparer le corps mais à tenter de l'améliorer".
    "L'exigence démesurée des consommateurs, les contraintes juridiques et administratives, le niveau de compétition, la tyrannie du paraître et tant d'autres facteurs sociétaux conduisent les citoyens dans les cabinets médicaux."

La fabrication des ONM, objets non-maladies

Ce chapitre nous a intéressés en premier lieu, les découvertes de lésions par les dépistages avec leur lot de surdiagnostics s'insérant dans cette catégorie.

L'obsession diagnostique est déplacée en amont de la maladie et l'idée générale pour l'instauration des dépistages est, dit l'auteur, "de ralentir ou de stopper l'évolution du processus physio-pathologique avant l'apparition des symptômes, donc avant que la maladie ne devienne clinique".

Cet espoir repose sur deux dogmes :

  • Dogme de la continuité physiopathologique, selon lequel un cancer évoluerait de façon inexorable de la cellule aux métastases, que l'athérosclérose aboutirait immanquablement à l'obstruction d'une artère etc...
  • Dogme de l'équivalence du soin pré-symptomatique, qui part du principe que le traitement administré lors des symptômes se montrera aussi efficace administré en amont, avant l'apparition des signes. Comme fluidifier le sang avant l'accident vasculaire, traiter l'ostéoporose avant la fracture, donner des neuroleptiques avant l'apparition de délires, et ôter tout cancer solide non symptomatique avant sa manifestation clinique.
    "Malgré la multiplication des exemples prouvant l'inefficacité ou la dangerosité de certaines préventions pharmacologiques primaires", dit l'auteur, "celles-ci continuent à gagner du terrain sous l'influence des deux dogmes précités."

Nous devons nous considérer comme des porteurs sains, explique Luc Perino, de gènes de prédisposition et de facteurs de risque, dont on ne sait que faire puisque ne sachant pas si on a découvert alors des maladies réelles, virtuelles ou potentielles. En réalité ce ne sont que des objets non-maladie.

Lire les différents modèles de progression du cancer : https://cancer-rose.fr/2021/02/24/cancers-et-depistages/

Et notre vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=pbGZdyUCITc

Objets non-maladie, les surdiagnostics et les incidentalomes

1° Les incidentalomes, ce sont des découvertes fortuites, lors d'examens para-cliniques, d'anomalies inexprimées qui n'ont rien à voir avec les symptômes ou la maladie pour lesquels ces examens ont été prescrits, et souvent qui ne siègent même pas dans l'organe qui était l'objet des explorations.

Souvent, comme l'explique l'auteur, "ces incidentalomes conduisent à de nouvelles « vérifications ». Vous allez entrer dans une spirale d’examens et une chaîne ininterrompue entre commerce médical et angoisses."
En effet, "les incidentalomes sont trouvés dans près de 40% des examens d'imagerie médicale, ils suscitent des interrogations nécessitant de nouveaux examens de contrôle qui génèrent à leur tout un lot incompressible d'incidentalomes".

Ainsi on trouve des nodules surrénaliens silencieux, des nodules pulmonaires non spécifiques, très fréquemment, dont certains sont surveillés parfois pendant plusieurs années. Certaine de ces découvertes aboutissent à des faux positifs de cancers, et d'autres à des découvertes inutiles générant du surdiagnostic, objet du prochain paragraphe.

2° Le surdiagnostic, c'est la découverte inutile d'une lésion contenant vraiment des cellules cancéreuses sous le microscope, mais qui n'aurait jamais mis en danger ni la santé ni la vie du patient si elle n'avait pas été découverte.

Voir ici pour définition et explication : https://cancer-rose.fr/2021/10/23/quest-ce-quun-surdiagnostic/

"Alors même que les autorités de santé de tous les pays déconseillent le dépistage par PSA(Antigène Prostatique Spécifique), même chez les patients avec facteurs de risque, la moitié des médecins ignorent cette recommandation ou se heurtent à des patients qui la réclament. Le problème est plus délicat pour le sein et la polémique continue, alors que 30% à 50% des diagnostics sont inutiles ou erronés."
"On a de bonnes raisons de supposer qu’il en sera de même pour le cancer du côlon. En France, nous n’en sommes pas encore là. En revanche, pour le cancer de la thyroïde, je suis très clair : 98% des interventions de la thyroïde pour cancer sont inutiles."

L'auteur s'exprime également sur un nouveau dépistage, à l'étude, celui du cancer broncho-pulmonaire par scanners faibles doses :
"Pour certains dépistages, comme celui du cancer du poumon que certains essaient activement de promouvoir, nous possédons déjà suffisamment de données pour savoir qu’il aura un effet délétère. Cela pourra diminuer les incitations à ne pas fumer ou à cesser de le faire. On sait aussi que le diagnostic de ce mauvais cancer élève sensiblement le taux de suicide. Un tel dépistage aura bien du mal à prouver un effet bénéfique en termes de santé publique, mais la machine est en marche et certains pays finiront par le proposer. Pour moi, ce énième dépistage relève d’un ensemble de commerces scandaleux qui jouent sur l’angoisse et l’idée mensongère qu’on peut supprimer ce fléau sans supprimer le tabac. Je trouve cela éthiquement honteux. "
A ce propos lire : https://cancer-rose.fr/2021/02/24/etre-femme-et-tabagique-des-rayons-en-perspective/

La confusion entre dépistage et prévention est totale et ainsi "de nombreux bien-portants se sentent malades. C'est un curieux paradoxe largement entretenu par les médias qui ne cessent de ressasser tous les risques qui nous guettent et contre lesquels on doit se protéger."
L'auteur cite Amartya Sen, un Indien prix Nobel d’économie, " plus la santé objective s’améliore, plus la santé subjective se dégrade. En France, de nombreux bien- portants se sentent malades"

Notion de porteur sain

Nous connaissons cette notion en infectiologie. Concernant la cancérologie, nous portons tous en nous des gènes de prédisposition et des facteurs de risque.
En infectiologie, un microbe ne suffit pas à développer la maladie, il faut d'autres facteurs inhérents au malade et aussi à son environnement. En cancérologie l'affaire est analogue. Sous la forte pression biomédicale que nous connaissons dans la médecine actuelle, ne pas être malade ne signifie pas la même chose qu'être un non-malade, mais la connaissance d'être porteur d'une non-maladie fait que la peur précède l'épidémie (ou la maladie), au lieu de la suivre, explique l'auteur.

Pour le cancer du sein, nous connaissons des variants pathogènes de gènes BCRA1 et BCRA2 qui impliquent une augmentation significative de la probabilité d'avoir un cancer du sein par rapport à la population générale. Bien sûr ces femmes doivent bénéficier d'un suivi particulier, mais il y a néanmoins 30 à60% des femmes avec mutation BCRA1, et jusqu'à 50/60% des femmes avec la mutation BCRA2 qui vivront jusqu'à 90 ans ou mourront de tout à fait autre chose qu'un cancer du sein.
L'environnement, l'exposition à d'autres facteurs supplémentaires ont une importance pour l'expression ou non de la maladie.

Comme le relate Luc Perino dans son ouvrage, la cellule cancéreuse a acquis des potentialités importantes de reproduction. Nous sommes tous porteurs de cellules cancéreuses, mutées, mais la plupart du temps d'une part le système immunitaire les considère comme étrangères et les éliminera, d'autre part les cellules mutées ont une telle instabilité génétique que les mutations de leur ADN finissent par les tuer.
Il faut donc beaucoup de temps, explique l'auteur, pour que la défaillance immunitaire permette aux cellules de migrer et coloniser des tissus. On estime que les cellules qui migrent échouent à coloniser un nouvel organe dans 99% des cas." "Le cancer est donc biologiquement inscrit dans l'évolution de toutes les lignées cellulaires."

On comprend ainsi qu'un cancer peut rester infra-clinique, ou pré-clinique pendant longtemps, voire durant la vie du patient, et même disparaître. (De nombreux cas de disparitions et guérisons spontanées, notamment de mélanomes ou de cancers de poumon sont décrits depuis les années 1970 ; mis on ne peut pas parier dessus bien évidemment, ainsi tout cancer détecté sera traité).
"Néanmoins, lorsqu'un anatomo-pathologiste détecte une cellule cancéreuse sous son microscope, il ne tient pas compte de cette savante biologie et il écrit au médecin ou au chirurgien que son patient est porteur d'un cancer. Lorsque le mot du diagnostic est prononcé, il n'est plus possible de revenir en arrière".

La symbolique du cancer est particulière, aucune autre maladie ne possède cette aura d'ennemi interne, d'alien dont chacun "est persuadé que cet ennemi poursuit inexorablement sa route dans l'organisme et qu'il faut constamment le traquer pour l'extraire avec un bistouri, le brûler avec des rayons, le tuer avec des produits chimiques."
Et il en sera de même pour les biopsies liquides, dont la recherche systématique est très controversée dans le domaine des dépistages, faisant planer sur le patient un syndrome de Damoclès. Voir ici : https://cancer-rose.fr/2022/09/15/biopsie-liquides-le-graal-2/

Selon Luc Perino, la question du temps zéro va se poser avec de plus en plus d'acuité, s'exprimant dans la question : 'à partir de quand est-on malade ?'
"...demain les puces de microréseaux d'ADN et les biopsies liquides, encore contestées, nous permettrons de détecter des cancers bien avant." "La question du temps zéro du cancer devient alors impérative, ne pas y répondre conduirait tôt ou tard la biomédecine à diagnostiquer des cancers chez tous les adultes."

Les abus des dépistages

On peut déterminer 4 groupes évolutifs de cancer, explique Luc Perino, ce sont ceux que vous trouverez figurés dans notre vidéo sus-citée, expliquant la mécanique des cancers.

1-Les cancers rapidement mortels.
2-Les cancers évolutifs entraînant une mort anticipée
3-Les cancers pas ou peu évolutifs, sans effet sur la durée de vie "programmée", "idéale" ou "prévisible"
4- Les cancers à régression ou guérison spontanée.

Le troisième groupe, dit l'auteur, "est incontestablement majoritaire. Les cancers accompagnant la vieillesse jusqu'à ce que la mort survienne par une autre cause sont innombrables. Les carcinomes baso-cellulaires de la peau, les cancers papillaires de la thyroïde, l'adénocarcinome de la prostate, les cancers du rein sont les plus connus de ceux dont on peut affirmer que l'incidence sur la durée de vie n'est pas plus importante que celle de tous les autres processus de vieillissement."

C'est pour cela d'ailleurs que les dépistages, notamment celui du sein, sont stoppés à un certain âge, et c'est cela qui rend l'appel du Collège des Gynécologues pour un dépistage du cancer du sein à un âge prolongé complètement insensé.

Le surdiagnostic des cancers est une problématique importante, car c'est la détection inutile de masses qui n'auraient jamais nui, mais qui seront traitées avec virulence. Mais, dit l'auteur, "cela risque aussi de nous dissimuler l'histoire naturelle des cancers, car presque tous les cancers dépistés sont traités." Ceci pour des raisons éthiques, politiques et économiques mais aussi, selon lui, pour des raisons émotionnelles qu'on peut regrouper sous le terme de "panique au cancer".
"L'autre abus de la communication en cancérologie est d'assimiler le dépistage à une façon d'éviter le cancer".

LE DEPISTAGE N'EST PAS UNE PREVENTION ! Ressasse avec justesse l'auteur. Classiquement, rappelle-t-il, "les mesures hygiéno-diététiques et comportementales sont les seules mesures de la prévention primaire."

D'autres objets-non maladie

C'est le façonnage de maladies, ou ce qu'on appelle le 'disease-mongering'.

Il s'agit de parler dans les médias d'une maladie en suggérant qu'elle est méconnue ou sous-reconnue, ou d'abaisser les seuils critiques pour qu'un plus grand nombre de personnes soit atteint (l'hypercholestérolémie en est un bon exemple), ou transformer des expériences humaines en pathologie (l'hyperactivité par exemple, ou la ménopause). D'autres 'fabrications' de maladies peuvent s'opérer en présentant des facteurs de risque comme des pathologies à part entière, en utilisant des statistiques en exploitant les biais pour exagérer un bénéfice d'un traitement, ou amplifier l'impact épidémiologique de symptômes rares.

Conséquences

L'auteur alerte sur cette multiplication d'objets non-maladie, mais aussi de maladies non objectivables et des demandes hors sujet sanitaire, car elle "entraîne une dissociation entre diagnostic et soin :
-L'augmentation de la précision diagnostique a de moins en moins de répercussions sur la qualité des soins.
-Les médecins ont une offre de diagnostics qui dépasse largement largement leur offre de soins.
-Les patients ont une demande de diagnostics devenue étrangement aussi importante que leur demande de soins.
-La demande de soins est de plus en plus dé-corrélée de l'exactitude diagnostique.
-Les choix de soins sont soumis à de multiples pressions médiatiques, médicales, commerciales et politiques qui contraignent le médecin.
-Les soins deviennent une cause de confusion, voire d'empêchement diagnostique.
-Les soins deviennent une cause majeure de morbidité.
-Les progrès de la recherche fondamentale n'ont presque plus de répercussion sur l'amélioration de la santé publique et sur le gain individuel de quantité-qualité de vie (QALY)."

Conclusion

Nous renouvellerons la conclusion d'un article que nous avions publié en janvier de cette année, en lien avec l'ouvrage "les non-maladies" de Luc Perino, à savoir que nous devons accepter la probabilité de connaître telle ou telle situation de santé, mais jamais en termes de certitudes, aucune technologie, aucun test n'étant capable de nous prévoir avec une certitude absolue ce qu'il va advenir. Et parfois ce test peut même nous induire en erreur. Il peut déboucher sur des procédures et des traitements inutiles.

Les tests systématiques peuvent induire des "objets non-maladie", dont parle Luc Perino, dont nous ne savons que faire et qui nous conduisent dans des parcours de "malades" que nous n'aurions pas connus sans eux.

Evaluer un risque est difficile, et la précipitation peut conduire à des décisions délétères ; en cela le médecin traitant est un allié pour n'être pas piégé par des slogans, des poncifs tout prêts et simplistes, des campagnes médiatiques outrancières et bêtifiantes, et par des injonctions de leaders d'opinion dont les liens d'intérêts ne sont pas toujours bien annoncés.

Dans l'interview accordé à La Nutrition, Luc Perino conclut en répondant à la question : et pour terminer, qu’est-ce qu’être en bonne santé ?
"En être convaincu ! Je connais plein de grands malades et de porteurs d’objets maladies en bonne santé !"

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Ne m’appelez plus cancer….

Doit-on abandonner le terme  "cancer" pour les CCIS à faible risque ? Une revue des données probantes.

https://link.springer.com/article/10.1007/s10549-023-06934-y

Synthèse et traduction d'extraits par Cancer Rose, le 24 avril 2023

Il s'agit d'une revue réalisée par des chercheurs de l'Université de Sydney (Australie) dans des bases de données (PubMed et EMBASE) des études sur les carcinomes canalaires in situ (CCIS) à faible risque.
Le carcinome canalaire est une entité particulière de lésion du sein qui reste dans le canal lactifère du sein, et qui n'est pas comptabilisé dans les taux des "vrais" cancers, mais qui est néanmoins traité avec la même agressivité et lourdeur que les cancers invasifs du sein.
Nous expliquons cette forme de lésion mammaire ici : https://cancer-rose.fr/2019/09/04/quest-ce-quun-carcinome-in-situ/

Pourquoi cette étude ?


"Le dépistage mammographique du cancer du sein dans la population a entraîné une forte augmentation du diagnostic et du traitement du carcinome canalaire in situ (CCIS). La surveillance active a été proposée comme stratégie de gestion pour les CCIS à faible risque afin d'atténuer les risques de surdiagnostic et de surtraitement. Cependant, les cliniciens et les patients restent réticents à choisir la surveillance active, même dans le cadre d'un essai. Un recalibrage du seuil diagnostique pour les CCIS à faible risque et/ou l'utilisation d'un label ne comportant pas le mot "cancer" pourraient encourager le recours à la surveillance active et à d'autres options de traitement conservateur. "
Les auteurs expliquent :
"Nous avons cherché à identifier et à rassembler des données épidémiologiques pertinentes afin d'alimenter la discussion sur ces idées."

En effet des études " ont rapporté que les femmes atteintes d'un CCIS à faible risque avaient des résultats comparables, qu'elles aient ou non subi une intervention chirurgicale. Le risque de cancer du sein invasif chez les patientes présentant un CCIS à faible risque variait de 6,5 % (7,5 ans) à 10,8 % (10 ans). Le risque de décès d'un cancer du sein chez les patientes présentant un CCIS à faible risque variait de 1,2 à 2,2 % (10 ans)."
"Il est possible que les lésions à faible risque soient un indicateur de risque de cancer invasif plutôt qu'une lésion précurseur directe.
Les études d'autopsie démontrent l'existence d'un réservoir de cancer du sein in situ subclinique qui n'a pas provoqué de symptômes ou contribué au décès des femmes."
"L'ampleur du surdiagnostic a été sous-estimée [15]. En particulier, bien que le CCIS ait été rarement diagnostiqué avant le dépistage, il est aujourd'hui systématiquement traité avec une thérapie agressive, malgré l'incertitude concernant son histoire naturelle [6], y compris le fait que certains cas sont déjà métastatiques au moment où ils sont détectables [53]."
"Au niveau de la population, le traitement agressif du CCIS n'a pas entraîné de baisse de l'incidence du cancer invasif [15, 17] ou du cancer métastatique."

Une initiative de changement de label déjà évoquée antérieurement

La terminologie d'une lésion a une grande importance car elle détermine l'attitude plus ou martiale que la médecine va employer pour la traiter.

Lors d'une réunion du National Cancer Institute américain en 2012, un groupe d'experts a discuté des stratégies visant à atténuer les préjudices du surdiagnostic et du surtraitement. Le fait qu'une large proportion de DCIS, par exemple, est peu susceptible d'évoluer vers un cancer invasif a conduit à la proposition de modifier la terminologie pour supprimer le mot "carcinome" (et le mot 'cancer de stade 0') afin que le nom corresponde mieux à la compréhension croissante de la biologie sous-jacente, en les désignant simplement comme des "néoplasies intraépithéliales".
Les termes "cancer" et "carcinome" seraient réservés aux lésions susceptibles de progresser.
Certains ont avancé le terme de "lésion indolente d'origine épithéliale (LIE)".
Une telle approche de modification de la terminologie pour mieux s'adapter à la biologie sous-jacente a déjà été utilisée dans le cas de la néoplasie intraépithéliale cervicale (du col utérin), qui était autrefois appelée carcinome in situ, et dans le cas des tumeurs épithéliales à faible potentiel malin pour les lésions ovariennes.
Voir bibliographie :
* Veronesi U, Zurrida S, Goldhirsch A, et al. Breast cancer classification: time for a change. J Clin Oncol. 2009;27(15):2427–2428.
* Ganz PA. Quality-of-life issues in patients with ductal carcinoma in situ. J Natl Cancer Inst Monogr. 2010;2010(41):218–222.
* NIH State-of-the-Science Conference: Diagnosis and Management of Ductal Carcinoma in Situ (DCIS), September 22-24. (Accessed August 21,2013) 2009 [Available from: http://consensus.nih.gov/2009/dcis.htm.
* Nickel B, Moynihan R, Barratt A, et al. Renaming low risk conditions labelled as cancer. BMJ. 2018;362:k3322.

Discussion, résultats

"La généralisation du dépistage mammographique du cancer du sein a considérablement augmenté la détection des cancers du sein au stade précoce et des lésions précurseurs, y compris le carcinome canalaire in situ (CCIS). Comme il est peu probable que certaines de ces lésions évoluent vers une maladie cliniquement significative au cours de la vie de la personne si elles ne sont pas détectées et traitées, les programmes de dépistage par mammographie entraînent un important préjudice, à savoir le surdiagnostic et le surtraitement qui en découle [1,2,3,4].
Les tendances épidémiologiques aux États-Unis montrent une augmentation des taux de diagnostic du cancer du sein, alors que les taux de maladie métastatique et de mortalité par cancer du sein restent largement stables [5], des observations qui vont dans le sens d'un surdiagnostic. Les personnes diagnostiquées avec un CCIS se voient généralement proposer une intervention chirurgicale sous la forme d'une chirurgie conservatrice du sein ou d'une mastectomie. Elles peuvent également subir une intervention au niveau du ganglion lymphatique axillaire (biopsie du ganglion lymphatique sentinelle et parfois curage du ganglion lymphatique axillaire), une radiothérapie et des thérapies endocriniennes [6]. Les risques d'effets indésirables et les inconvénients d'au moins certains de ces traitements peuvent être des compromis acceptables par rapport aux avantages potentiels en termes de prolongation de la vie pour les lésions à haut risque [3].
Cependant, dans le cas d'un CCIS à faible risque, les compromis ne sont peut-être plus acceptables, car les bénéfices potentiels sont bien moindres. Afin d'éviter les effets néfastes d'un surtraitement des lésions à faible risque, la surveillance active a été proposée comme stratégie alternative de prise en charge [7, 8]."

En effet plusieurs études cliniques (essais) sont en cours pour évaluer la pertinence d'une simple surveillance active des carcinomes in situ plutôt qu'un traitement d'emblée.
.......
"Si les résultats de ces essais montrent que la surveillance active est une option de prise en charge sûre et efficace, elle pourra être proposée dans la pratique clinique courante, comme c'est le cas aujourd'hui pour le cancer de la prostate à faible risque [11]. Le recrutement dans les essais a été lent, probablement en raison des préoccupations des cliniciens et des patients concernant la surveillance active en tant qu'option de prise en charge [12,13,14]. En outre, en dehors des essais, seuls 3 % des femmes diagnostiquées avec un CCIS aux États-Unis choisissent de renoncer à la chirurgie et à la radiothérapie [3, 4]. Pour encourager le recours à la surveillance active des CCIS à faible risque, on peut envisager d'utiliser d'autres termes pour décrire ces lésions, sans utiliser le terme "cancer" [15, 16]. Une autre solution consisterait à conserver l'appellation CCIS, mais en recalibrant les seuils diagnostiques de manière à ce que le terme CCIS ne soit appliqué qu'aux lésions présentant un risque plus élevé d'évolution défavorable [17], et que le CCIS à faible risque reçoive une autre appellation qui ne contienne pas le mot "cancer". Ces possibilités peuvent amener les cliniciens et les patientes à opter pour une surveillance active et d'autres options de prise en charge conservatrice lorsque cela est cliniquement approprié [18,19,20,21,22]."

S'accorder sur les définitions

".....L'idée qu'un traitement agressif est nécessaire en cas de cancer persiste, et les patientes hésitent souvent à opter pour la surveillance active [16]. Cela a conduit à des propositions de changement de terminologie pour les CCIS de bas grade, sans le mot carcinome, afin de refléter leur nature indolente et d'encourager l'adoption d'options thérapeutiques moins agressives [15,16,17, 55]. Des termes tels que "lésions indolentes d'origine épithéliale" (LIE) [17] et "néoplasie intraépithéliale canalaire" (DIN) [56] ont été proposés. Il a été démontré que, dans un scénario hypothétique, davantage de femmes préféraient un traitement chirurgical lorsque le CCIS était décrit comme un cancer, plutôt que comme une "lésion mammaire" ou des "cellules anormales" [16].
"Si le CCIS à faible risque doit devenir une catégorie diagnostique distincte avec des recommandations de traitement différentes, il faudra s'accorder sur une définition de ce qui constitue une lésion à faible risque et améliorer la reproductibilité diagnostique de ces lésions."

"La modification de la terminologie utilisée pour décrire les lésions à faible risque peut faire partie de la stratégie globale, mais il est peu probable qu'elle résolve à elle seule ces problèmes. Si l'on estime qu'un changement de terminologie s'impose, il faudra d'abord s'entendre sur ce qui est considéré comme un risque faible pour le mettre en œuvre."

"Comme pour la détection d'autres affections asymptomatiques, le choix du seuil de dichotomie entre les catégories à faible risque et à haut risque est délicat. La disponibilité croissante d'indicateurs moléculaires [57,58,59,60,61] et la prédiction par l'intelligence artificielle d'un comportement cliniquement agressif [62, 63] peuvent aider à cette détermination."

Conclusion

"Les données épidémiologiques appuient l'idée d'un changement du libellé et/ou d'un recalibrage des seuils diagnostiques pour les CCIS à faible risque. De tels changements diagnostiques nécessiteraient un accord sur la définition du CCIS à faible risque et une amélioration de la reproductibilité du diagnostic."

"Les points forts de cette revue résident dans sa rigueur méthodologique, y compris une recherche exhaustive de la littérature, complétée par des articles suggérés par des experts dans le domaine, et une évaluation critique des études incluses. Nous présentons des données sur le CCIS dans son ensemble, ainsi que sur le CCIS à faible risque lorsqu'il a été signalé. Il s'agit également de la première analyse des données probantes visant à répondre à la question de savoir si le CCIS à faible risque devrait devenir une catégorie diagnostique distincte avec une appellation diagnostique non cancéreuse."

"Les essais randomisés actuellement en cours apporteront des preuves définitives de la sécurité de la surveillance active [1,2,3, 9, 10, 67], mais ces données ne seront pas disponibles avant plusieurs années. En attendant, les données résumées dans cette revue peuvent faciliter l'ouverture d'une discussion sur les avantages et les inconvénients de la suppression du terme "cancer" de l'étiquette diagnostique du CCIS à faible risque. Lorsque les données des essais seront disponibles, elles permettront d'éclairer davantage le débat, notamment en proposant une définition plus précise du CCIS à faible risque qui soit largement acceptée par les communautés cliniques et pathologiques."

Pour aller plus loin

L'excès des carcinomes in situ, un défi pour le dépistage

Un blog dédié, pour les femmes

Bibliographie et références de la publication

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Le surdiagnostic est sous-estimé dans les dépistages, une revue systématique

Synthèse et traduction par Cancer Rose, 2 avril 2023

Selon cette revue systématique les essais randomisés de dépistage du cancer sont rarement conçus pour estimer le surdiagnostic. De nombreux essais utilisés dans la conception des dépistages ont été biaisés vers une sous-estimation du degré de surdiagnostic.
Il s'agit de la première revue et de la première ré-analyse du surdiagnostic dans les essais de dépistage du cancer.
Plusieurs auteurs (danois, portugais, norvégiens) dont des chercheurs de la Collaboration Cochrane ont réalisé ce travail de synthèse.
Quantification of overdiagnosis in randomised trials of cancer screening: an overview and re-analysis of systematic reviews
Theis Voss, Mikela Krag, Frederik Martiny, Bruno Heleno, Karsten Juhl Jørgensen, John Brandt Brodersen 
https://doi.org/10.1016/j.canep.2023.102352

Le point fort de cet aperçu est qu'il a inclus des essais issus des revues systématiques Cochrane, reconnues pour leurs recherches exhaustives de la littérature et leur évaluation structurée du risque de biais, ainsi qu'une revue systématique de l'USPSTF* , dont les normes méthodologiques sont également élevées[54]. La stratégie de recherche est mise à jour et les auteurs ont vérifié la liste de référence des essais inclus, ce qui augmente les chances de présenter un aperçu complet et actualisé.
*Groupe de travail sur les services préventifs des États-Unis ; il s'agit d'un groupe indépendant d'experts en soins primaires et en prévention qui examine systématiquement les preuves d'efficacité et élabore des recommandations pour les services cliniques de prévention.

Le degré de surdiagnostic dans les essais courants de dépistage du cancer est incertain en raison d'une conception inadéquate des essais, d'une définition variable et des méthodes utilisées pour estimer le surdiagnostic.
Les auteurs ont cherché à quantifier le risque de surdiagnostic pour les programmes de dépistage du cancer les plus largement mis en œuvre et à évaluer les implications des problèmes de conception et des biais des essais utilisés pour divers dépistages sur les estimations du surdiagnostic, en effectuant une nouvelle analyse des revues systématiques sur le dépistage des cancers.
Des recherches ont été effectuées dans PubMed et dans la Cochrane Library depuis leur date de création jusqu'au 29 novembre 2021. Les auteurs ont évalué le risque de biais en utilisant l'outil « Cochrane Risk of Bias Tool »  de la Collaboration Cochrane.

Dix-neuf essais décrits dans trente articles ont été extraits pour examen, rapportant des résultats pour les types de dépistage suivants :
*mammographie pour le cancer du sein,
*radiographie du thorax ou tomodensitométrie à faibles doses pour le cancer du poumon,
*alpha-foetoprotéine et échographie pour le cancer du foie,
*toucher rectal, antigène prostatique spécifique et échographie transrectale pour le cancer de la prostate,
*test CA-125 et/ou échographie pour le cancer de l'ovaire.

Aucun essai sur le dépistage du mélanome n'était éligible.

L'ampleur du surdiagnostic variait de 17 % à 38 % dans les programmes de dépistage du cancer. En moyenne les auteurs ont constaté que :
-27 % des cancers du sein détectés par mammographie,
-31 % des cancers du poumon détectés par scanner faibles doses,
-27 % des cancers du foie détectés par dépistage
-38% des cancers prostatiques détectés par PSA et
-17 % des cancers de l'ovaire détectés par CA-125 avaient fait l'objet d'un surdiagnostic.

Les auteurs concluent qu'il existe un risque significatif de surdiagnostic dans les essais randomisés inclus sur le dépistage du cancer. Les essais n'étaient généralement pas conçus pour estimer le surdiagnostic et de nombreux essais présentaient un risque élevé de biais susceptibles d'orienter les estimations du surdiagnostic vers la valeur nulle.
En effet, l'ampleur réelle du surdiagnostic dû au dépistage du cancer est vraisemblablement sous-estimée.

Voici la traduction des majeures parties de l'article publié dans Cancer Epidemiology, avec les tableaux, suivie des commentaires Cancer Rose- (les figures additionnelles se trouvent en fin d'article).

1. Introduction

Le surdiagnostic du cancer est le diagnostic d'une pathologie néoplasique indolente qui n'évoluerait jamais au point de provoquer des symptômes et/ou la mort au cours de la vie d'un individu[1] et constitue le préjudice le plus grave du dépistage du cancer[2],[3],[4]
Si un cancer est détecté, les cliniciens ne peuvent pas savoir quelles sont les personnes surdiagnostiquées, car il est impossible de savoir comment le cancer aurait évolué en l'absence de dépistage. Par conséquent, tous les patients se voient proposer un traitement ou une surveillance de routine[5],[6]. Les personnes surdiagnostiquées sont donc inutilement diagnostiquées, puis surtraitées, ce qui leur porte préjudice.

C'est pour cette raison qu'il est essentiel de connaître l'ampleur du surdiagnostic dans le cadre du dépistage du cancer afin de pouvoir prendre des décisions éclairées en matière de dépistage, par exemple en ce qui concerne la participation individuelle ou la mise en place d'un programme de dépistage donné au niveau national, tel que le dépistage du cancer de la prostate[7],[8].

En théorie, la méthode la plus solide pour estimer le surdiagnostic consiste à utiliser des données provenant d'essais contrôlés randomisés avec un suivi à vie de tous les participants et sans contamination du groupe de contrôle ou du groupe d'intervention, c'est-à-dire sans dépistage des deux groupes d'essai pendant et après la fin de l'étude [5], [9]. [À la fin de la phase de dépistage actif, on s'attend à un excès de cancers dans la population dépistée, car le dépistage devrait avancer le moment du diagnostic (lead time)[5]. S'il n'y avait pas de surdiagnostic, cet excès de cancers devrait être compensé au fil du temps, car ils évolueraient tous vers un cancer qui serait détecté cliniquement après la phase de dépistage actif. Ainsi, un excès persistant dans l'incidence cumulée des cancers dans la population dépistée après une période de suivi suffisante pour tenir compte du délai d'anticipation constitue une preuve de haute qualité de surdiagnostic[5], [8], [10].

L'objectif de cette vue d'ensemble et de cette nouvelle analyse des revues systématiques des essais contrôlés randomisés sur le dépistage du cancer était d'évaluer l'étendue des limitations de la conception et des biais dans les essais contrôlés randomisés inclus pour quantifier le surdiagnostic et, si possible, d'estimer la probabilité que le cancer détecté par le dépistage ait été surdiagnostiqué pour les programmes de dépistage du cancer les plus répandus. De nombreux types de dépistage du cancer, si ce n'est tous, peuvent conduire à un surdiagnostic. À notre connaissance, nous sommes les premiers à compiler les données relatives au surdiagnostic dans le cadre du dépistage de différents cancers. Pour le présent document, nous avons choisi de nous concentrer sur les programmes de dépistage du cancer les plus répandus.

2. Méthodes utilisées

Cette vue d'ensemble et cette réanalyse des revues systématiques ont été réalisées sur la base d'un protocole publié avant la réalisation de la présente étude[11].

Critères d'éligibilité

Les revues systématiques d'essais randomisés étaient éligibles si elles :
1) étudiaient le dépistage visant à détecter le cancer plus tôt qu'il n'apparaîtrait cliniquement.
2) comparaient une intervention de dépistage du cancer à l'absence de dépistage.
3) rapportaient l'incidence du cancer chez les participants dépistés et non dépistés, ainsi que le nombre de cancers détectés par le dépistage.
4) ont été réalisées par la Collaboration Cochrane, c'est-à-dire des revues Cochrane, et n'ont inclus que des essais contrôlés randomisés. .....
.......

Stratégie de recherche

Nous avons effectué une recherche dans la Cochrane Library of Systematic Reviews (février 2016) en utilisant les termes de recherche "screening" et "cancer" dans le titre, le résumé ou les mots-clés.
........

Évaluation du risque de biais dans les essais inclus

Nous avons extrait les évaluations du risque de biais des revues systématiques Cochrane incluses. Nous avons utilisé le Cochrane Risk of Bias Tool version 1.0[14] qui comprend les six domaines suivants :
1. Biais de sélection : génération de séquences aléatoires et dissimulation de l'allocation
2. Biais de performance : aveuglement des participants et du personnel (non extrait)
3. Biais de détection : aveuglement de l'évaluation des résultats
4. Biais d'attrition : données incomplètes sur les résultats
5. Biais de déclaration : déclaration sélective des résultats
6. autres sources possibles de biais
............

Nous avons évalué deux autres biais susceptibles d'affecter l'estimation du surdiagnostic (tableau 1) :
1. La contamination du groupe de contrôle après la randomisation[15] La contamination a été définie comme le nombre déclaré de participants du groupe de contrôle qui ont été exposés à la même technologie de dépistage que le groupe dépisté. ......
2. Prise en compte inadéquate du délai (suivi post-intervention trop court ou dépistage proposé au groupe témoin à la fin de l'essai)
.....................

TABLEAU 1

Autres facteurs influençant les estimations du surdiagnostic.
1. Risque de cancer différent au départ entre les groupes d'intervention et les groupes témoins (équivalent au biais de sélection inclus dans l'outil Risk of Bias de Cochrane).
2. Le taux de participation aux cycles de dépistage. La participation n'a pas été considérée comme un biais dans le cadre de l'estimation du surdiagnostic, mais comme une composante du dépistage.
3. Nombre de cycles de dépistage et intervalle entre ces cycles.
4. Poursuite du dépistage, c'est-à-dire si les participants ont continué à bénéficier de la modalité de dépistage proposée de leur propre initiative après la fin du dépistage.
............

3. Les résultats

Sur les 19 essais examinés, le plus petit comptait 3206 participants (ITALUNG [22]), le plus grand 202 546 participants (UKCTOCS [23]) et la médiane des essais était de 26 602 participants (Stockholm [24]) (Tableau 2)

TABLEAU 2

........................
Estimations du surdiagnostic dans les études incluses

Pour tous les essais et tous les types de programmes de dépistage du cancer, les estimations du surdiagnostic variaient entre 6 et 67%
* Dans les essais de dépistage du cancer du sein par mammographie, les estimations variaient de 10 à 30 % .
* Dans le cas du cancer du poumon par scanner faibles doses, le surdiagnostic variait de 13 à 67 % .
* Dans le cas du cancer de la prostate, de 12 à 63 % .
* Dans le cas du cancer de l'ovaire par CA-125, de 6 à 42 %.
Seuls un essai sur le dépistage du cancer du foie et un essai sur le dépistage du cancer du poumon par radiographie du thorax ont été inclus et tous les deux ont montré que 27 % des cancers du poumon ou du foie détectés par le dépistage étaient surdiagnostiqués, respectivement (tableau 4 et figure 2 (à la fin de l'article)).
..........

TABLEAU 4

Dans notre méta-analyse primaire, nous avons estimé que 28 % (IC à 95 % : 4-52 %) des cancers du sein détectés par dépistage étaient surdiagnostiqués en utilisant les données de l'essai de Malmö sur le dépistage du cancer du sein.
Cet essai présentait un taux de surdiagnostic supérieur de trois points de pourcentage par rapport à la méta-analyse basée sur l'ensemble des essais inclus (tableau 4, figure 2, figure supplémentaire A1, voir fin d'article). [28], [29].
...........

Notre méta-analyse post hoc des essais les plus fiables, c'est-à-dire excluant les essais présentant un risque élevé de biais dans les domaines de la génération de séquences aléatoires, de la dissimulation de l'affectation, de la contamination ou du délai d'exécution, comprenait les données de 12 essais présentant des résultats pour six types de dépistage du cancer.
En moyenne, 27 % (IC à 95 % : 8-45 %) des cancers du sein détectés par mammographie et 30 % (IC à 95 % : 2-59 %) des cancers du poumon détectés par scanner faibles doses ont été surdiagnostiqués.
Pour les quatre autres types de dépistage, les résultats n'étaient pas significatifs. Nous avons estimé qu'en moyenne 27 % (IC 95 % -10 à 64 %) des cancers du poumon détectés par radiographie du thorax, 27 % (IC 95 % -4 % à 58 %) des cancers du foie détectés par dépistage et 17 % (IC 95 % -14 % à 48 %) des cancers de l'ovaire détectés par CA-125 sont surdiagnostiqués.
......

La méta-analyse de tous les essais inclus dans la synthèse, quel que soit le risque de biais, a montré qu'en moyenne, 25 % (IC 95 % 12-38 %) des cancers du sein détectés par mammographie, 27 % (IC 95 % -10 % à 64 %) des cancers du poumon détectés par radiographie du thorax, 29 % (IC 95 % 7-52 %) des cancers du poumon détectés par scanner faibles doses, 27 % (IC 95 % 4 % à 58 %) des cancers du foie détectés par échographie, 38 % (IC95% 14–62%) des cancers de la prostate détectés par PSA, 17 % (IC 95 % -14 % à 48 %) des cancers de l'ovaire détectés par CA-125 et 6 % (IC 95 % -27 % à 39 %) des cancers de l'ovaire détectés par échographie ont fait l'objet d'un surdiagnostic (Fig. 2, fin d'article).
............

4. Discussion

Principaux résultats


.....
Dans notre méta-analyse post-hoc des essais les plus fiables, c'est-à-dire, excluant les essais présentant un risque élevé de biais ......nous avons constaté que :
-27 % (IC à 95 % 8-45 %) des cancers du sein détectés par mammographie,
-31 % (IC à 95 % 2-59 %) des cancers du poumon détectés par scanner faibles doses,
- 27 % (IC à 95 % -4 % à 58 %) des cancers du foie détectés par dépistage et
-17 % (IC à 95 % -14 % à 48 %) des cancers de l'ovaire détectés par CA-125 avaient fait l'objet d'un surdiagnostic.

De nombreux essais risquaient d'être biaisés en raison d'une mauvaise randomisation, d'une contamination du groupe témoin ou d'une prise en compte inadéquate du délai d'attente, c'est-à-dire d'une durée de suivi insuffisante pour tenir compte des cancers à croissance lente. La confiance dans les estimations du surdiagnostic a encore diminué en raison de l'imprécision de l'estimation groupée et de l'incohérence (hétérogénéité) entre les essais (figure 2, tableau supplémentaire A1, fin d'article).
...............

Implications pour la pratique

Le surdiagnostic est l'inconvénient le plus grave du dépistage du cancer.
Pourtant, nous avons constaté que de nombreux essais de dépistage de divers types de cancer n'étaient pas conçus de manière adéquate pour en estimer l'ampleur.
De nombreux programmes de dépistage ont été mis en œuvre à la suite de résultats préliminaires bénéfiques. Cependant, les effets néfastes du dépistage, comme le surdiagnostic, prennent de nombreuses années avant d'être estimés de manière adéquate. Cet aperçu souligne la nécessité de poursuivre l'évaluation (par l'USPSTF, par exemple) des programmes de dépistage du cancer actuels et futurs, afin de prendre en compte les éventuels effets néfastes qui pourraient nécessiter des modifications, voire l'arrêt d'un programme de dépistage.

5. Conclusion

Les essais contrôlés randomisés constituent le modèle le plus fiable pour quantifier le surdiagnostic s'ils sont conçus à cet effet ; cependant, notre aperçu montre que la confiance dans les estimations du surdiagnostic dans les essais contrôlés randomisés de dépistage du cancer est modérée à très faible.
.................

Deux technologies de dépistage (le cancer du poumon par scanner faibles doses et le cancer du sein par mammographie) ont montré un surdiagnostic significatif de 30 % et 27 %, respectivement.

En outre, dans le cas du dépistage du cancer de la prostate par dosage du PSA, l'estimation suggère que 38 % des cancers de la prostate détectés par dépistage ont été surdiagnostiqués, même si les risques de biais sont élevés dans les essais cliniques randomisés inclus, ce qui favorise la sous-estimation.

Pour les programmes de dépistage du cancer de l'ovaire, nos meilleures estimations sont que 17 % des cancers de l'ovaire dépistés par le CA-125 et 6 % des cancers de l'ovaire dépistés par échographie transvaginale pourraient être surdiagnostiqués.

Figures additionnelles, cliquez pour agrandir :

Commentaires Cancer Rose

Trois problématiques doivent être soulevées :

-Tout d'abord l'information des femmes, les documents d'information de l'Institut National du Cancer restent insuffisants et défaillants dans l'exposition des données complètes, uniquement les fourchettes les plus basses sont exposées aux femmes et le surdiagnostic largement minimisé.
https://cancer-rose.fr/2022/10/15/le-nouveau-livret-de-linca/

-Les risques du dépistage du cancer du sein surpassent, lorsqu'on y additionne les fausses alertes, la morbidité et la mortalité secondaires aux surtraitements (hémopathies, cardiopathies et cancers secondaires aux traitements), les cancers radio-induits, l'hypothétique bénéfice de ce dépistage, les traitements étant reconnus pour être à l'origine de la relative baisse de mortalité depuis les années 90.
De ce fait il est scandaleux que la controverse scientifique sur ce dépistage figure, selon l'Institut National du Cancer français, dans les "fake-news".
https://cancer-rose.fr/2021/06/24/les-informations-independantes-en-sante-taxees-de-fake-news-cancer-rose-monte-au-creneau/

-Une étude sur un dépistage stratifié selon le risque est financée à hauteur de 12 millions d'euros qui sera incapable de chiffrer le surdiagnostic du dépistage du cancer du sein, donnant uniquement le choix aux femmes entre un dépistage (standard) et un autre dépistage (stratifié), partant du principe que le dépistage de ce cancer doit absolument être maintenu, et cela au mépris des demandes des citoyennes lors de la concertation citoyenne sur le dépistage du cancer du sein.
Pourtant la vraie question de base est bien : doit-on maintenir ces dépistages onéreux, dont la plupart sont des services de faible valeur à la population ?

Un autre dépistage n'a pas été abordé dans cette analyse car officiellement non existant, celui du cancer de la thyroïde énormément pratiqué par échographie cervicale systématique, en dépit d'un risque de surdiagnostic connu et affolant (jusqu'à 84% !!!) et dont essentiellement les femmes font les frais.
En dehors du coût sur le plan de la santé humaine, son coût économique en France a fait l'objet d'une étude parue dans 'Value in Health'.
En voici le résultat :
Entre 2011-2015, on estime que 33 911 femmes et 10 846 hommes en France ont été diagnostiqués porteurs d'un cancer de la thyroïde, avec un coût moyen par habitant de 6 248 €.
Parmi les personnes traitées, 8 114-14 925 femmes et 1 465-3 626 hommes l'ont été à la suite d'un surdiagnostic. Le coût total de la prise en charge des patients atteints d'un cancer de la thyroïde était de 203,5 millions d'euros (154,3 millions d'euros pour les femmes et 49,3 millions d'euros pour les hommes).

Le surdiagnostic représente non seulement un problème clinique pour la personne, et de santé publique pour la population non seulement française mais dans le monde occidental, mais il représente aussi un fardeau économique colossal.

Bibliographie de l'étude

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La tomosynthèse intégrée dans le dépistage

C.Bour, 24 mars 2023

Dans l'actualité de ce mois de mars 2023 nous apprenons que la HAS admet l'adjonction de la tomosynthèse* dans le dépistage du cancer du sein, à certaines conditions, après avoir pourtant fait preuve de prudence jusqu'à présent, cette technique posant plusieurs problèmes.
L’analyse des données de la littérature disponible ne permet en effet pas de savoir si le fait d’intégrer la tomosynthèse dans le dépistage organisé permettrait d’améliorer le dépistage du cancer du sein, notamment en ce qui concerne le surdiagnostic et le surtraitement.

*La tomosynthèse est une technique d'imagerie qui permet d'obtenir un cliché numérique reconstitué en trois dimensions à partir d'images du sein obtenues par la réalisation de multiples coupes, ce qui jusqu'à présent conditionnait une irradiation importante supplémentaire. Parfois cette technique est effectuée dans les cabinets de radiologie sans que la patiente en soit informée.

Se pose aussi, encore et toujours en 2023, du fait de la diversité des dispositifs de mammographie numérique et de leurs fabricants, la question de la performance, de la fiabilité et de la sécurité de tous les dispositifs de tomosynthèse.

Après un deuxième volet d'analyse publié par la HAS, cette autorité valide finalement l'utilisation de la tomosynthèse (TDS) à la condition que ne soit réalisée qu'une acquisition en 3D permettant une reconstruction secondaire des images en 2D, épargnant à la patiente une double irradiation.

La HAS base donc son argumentation sur deux éléments : l'augmentation du taux de détection, et la non-augmentation de l'irradiation des femmes lors de cette procédure.
"Cette procédure permet en effet d’améliorer les performances du dépistage organisé, notamment son taux de détection des cancers, sans pour autant augmenter le nombre d’actes d’imagerie et la dose d’exposition."

Hélas, le véritable problème du surdiagnostic, pourtant évoqué dans la feuille de route de 2018, disparaît complètement des préoccupations.

Les véritables problèmes du dépistage systématique du cancer du sein restent entiers.

Tout d'abord, en aucun cas la TDS ne pourra régler le problème des cancers occultes à la mammographie standard, qui peuvent être occultes même dans des seins graisseux, et elle ne règlera pas non plus tous les problèmes des cancers d'intervalle qui peuvent se produire en très peu de temps entre deux mammographies.
Le véritable problème est que la découverte d'une image encore plus petite n'est qu'une image de l'instant T, et ne peut préjuger d'une maladie évolutive. C’est la leçon essentielle que nous donne le surdiagnostic.

En 2022 était paru un article de synthèse sur la TDS (lire ici), de tout ce que les études nous apprenaient :

  • Concernant les faux positifs, selon le résultat d'une étude de mars 2022 ici synthétisée, le dépistage répété du cancer du sein par mammographie 3D ne diminue que modestement le risque d'avoir un résultat faussement positif par rapport à la mammographie numérique standard. 
  • Une enquête portant sur huit études menées entre 2016 et 2021 montrait  que la tomosynthèse ne réduisait pas les taux de cancer d’intervalle.

Les mammographies 3D présentent donc de graves inconvénients qui doivent être clairement expliqués aux patientes, et compte tenu de l'absence totale d'information des femmes sur les risques du dépistage, ne le seront jamais. 
Aucune étude n'a été menée pour déterminer si l'utilisation de mammographies 3D améliore réellement la morbidité, la mortalité ou la qualité de vie. Cette technique peut détecter plus de cancers, mais rien ne prouve que les cancers détectés auraient réellement nui aux patientes et ne seraient pas des diagnostics inutiles, de sorte que les mammographies 3D peuvent également entraîner davantage de surdiagnostics et de surtraitements. 

D'autres problèmes existent, plus techniques, notamment pour les logiciels de 3D il n'y a pas de 'contrôle qualité image' comme c'est le cas pour la mammographie numérique habituelle, uniquement une dosimétrie est effectuée qui contrôle l'irradiation émise.
Le marché est de qualité inégale avec des constructeurs proposant des appareils moins onéreux mais dont on ne connaît pas la performance par rapport aux études du constructeur initial.

Derrière l'abdication de la HAS de toute prudence, on peut malheureusement y lire l’opportunité pour l’industrie de s’ouvrir de nouveaux marchés et pour les investisseurs d’accélérer l'émergence et la multiplication de méga-structures médicales pouvant investir dans un tel matériel, sur fond de bêtise médicale qui fait que les leçons des erreurs passées de "toujours plus de dépistage" ne seront jamais tirées.
Le salut, pour les femmes, n'est pas dans l'amélioration des techniques de détection qui fait bondir les diagnostics de cancers, mais dans la compréhension de ce que nous faisons et dans le questionnement de la pertinence et de l'utilité de nos pratiques, et de nos "découvertes".

Pour l'instant nous allons naviguer, avec la bénédiction de la HAS, vers toujours plus de diagnostics inutiles, d'interventions inutiles, de souffrances féminines inutiles.

Des oppositions

Des oppositions sur des arguments techniques de réalisation et de mise en pratique sont exprimées par l'association des centres régionaux de coordination des dépistages.
Voici son communiqué de presse :

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La densité mammaire, implications et sur-utilisation

Traduction par Cancer Rose, article publié par Judith Garber, scientifique en sciences politiques au Lown Institute, groupe de réflexion non partisan pour un système de santé plus juste et équitable.

18 mars 2023

DES SOINS DE FAIBLE VALEUR

Nouvelles lignes directrices de la FDA sur les notifications de densité mammaire et les implications d'une sur-utilisation - PAR Judith Garber | 10 mars 2023

Le contexte

Le critère radiologique de la "densité mammaire", c'est à dire la prédominance de tissu fibro-glandulaire par rapport au tissu graisseux dans le sein féminin, est maintenant considéré comme étant, à lui seul, un facteur de risque de cancer du sein, en dépit de l'absence d'études probantes.
La densité mammaire est élevée généralement chez les femmes jeunes non ménopausées (mais peut persister après la ménopause), chez les femmes plus maigres à faible capital graisseux, chez les femmes sous traitement hormonal substitutif de la ménopause.

Une loi, adoptée en 2019 par le Congrès Américain, demandait à la FDA* (Food and Drug Administration) américaine, dans le cadre du processus réglementaire, de veiller à ce que tous les comptes rendus de mammographie et les résumés fournis aux patientes incluent l' information de la densité mammaire des femmes. Déjà auparavant cette autorité qui supervise la réglementation des installations et les normes de qualité de la mammographie, demandait la communication de la densité mammaire dans les comptes rendus des radiologues.
*FDA : La Food and Drug Administration est l'administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments.

C'est chose faite, la FDA a récemment mis à jour ses lignes directrices sur la mammographie afin d'exiger que les établissements de mammographie informent les patientes de leur densité mammaire.

Pourquoi est-ce une préoccupation émergente également pour les populations féminines européennes ?
Parce qu'avec l'avènement de logiciels dits prédictifs, le critère radiologique de la densité mammaire est intégré en tant que facteur de risque à part entière dans des études comme celle européenne MyPEBS pour un dépistage individualisé, alors qu'au vu d'études publiées (voir article) l'augmentation du risque de cancer du sein associé à la densité mammaire est modeste, et que pour les femmes chez lesquelles un cancer du sein a été diagnostiqué, l'augmentation de la densité mammaire n'était pas liée à un sur-risque de cancer de mauvais pronostic ou de décès du cancer du sein.
La décision de la FDA est censée, selon la société Volpara qui commercialise des logiciels de mesure automatique de la densité mammaire, servir d'exemple "au reste du monde". (Voir le tout dernier chapitre de cet article, "commentaires Cancer Rose")

L'USPSTF (groupe groupe de travail indépendant examinant les services préventifs des États-Unis), soulevait déjà en 2016 plusieurs points de préoccupation de cette législation obligeant à notifier aux femmes l'information sur leur densité mammaire.

  • Variabilité importante et reproductibilité limitée dans la détermination des seins denses. Cette variabilité existe sur un examen qu'il soit lu par un radiologue ou par des radiologues différents. L'examen pour une patiente donnée peut avoir des classifications différentes et entraîner des incompréhensions conduisant à une réduction de la confiance d'une femme dans le dépistage en général, et une confusion quant à son propre risque de cancer du sein.
  • Incertitude sur les initiatives entreprises par les femmes auxquelles on a notifié une densité mammaire importante pour réduire leur risque de mourir du cancer du sein. Il s'agit de la demande d'examens complémentaires dont l'indication n'est pas étayée par des preuves, aucune donnée n'ayant prouvé que l'adjonction d'imageries autres que la mammographie chez les femmes à seins denses réduirait la mortalité par cancer ; en revanche ces adjonctions augmentent les faux positifs, les biopsies inutiles et le surdiagnostic. Le taux de rappel (pour faux positifs) est significativement augmenté par l'adjonction de l'échographie (de 14%), et par l'adjonction de l'IRM (de 9 à 23%) avec des VPP faibles[16] et un surcoût évident. Les auteurs rappellent que l'IRM, jugée souvent anodine, serait susceptible d'un (faible) sur-risque de fibrose systémique néphrogénique, et de risques incertains de dépôt de gadolinium dans le cerveau lorsque les examens sont répétés. La tomosynthèse (TS) est évoquée comme technique supplémentaire utilisée, mais les auteurs rappellent que des études à plus long terme sont nécessaires pour déterminer si l'utilisation systématique de la TS chez les femmes à seins denses entraînent une réelle amélioration des résultats du cancer du sein (mortalité, diminution du taux des cancers graves).
  • Difficulté de communiquer les informations sur la densité mammaire aux patientes. Les experts jugent cette communication difficile et dépendante du niveau d'alphabétisation des populations. Les résultats d'études montrent une médiocre compréhension et une source de confusion et de désinformation des patientes lors des informations données sur la densité mammaire.

Article de Judith Garber

La Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis a récemment mis à jour ses lignes directrices sur la mammographie afin d'exiger que les établissements de mammographie informent les patientes de leur densité mammaire. Ce changement, qui entrera en vigueur en septembre 2024, est la version finale d'une directive proposée en 2019 .

Les lignes directrices de la FDA contiennent des suggestions de formulation pour les notifications relatives à la densité mammaire :  "Le tissu mammaire peut être dense ou non dense. Un tissu dense rend plus difficile la détection d'un cancer du sein lors d'une mammographie et augmente également le risque de développer un cancer du sein. Votre tissu mammaire est dense. Chez certaines personnes présentant des tissus denses, d'autres examens d'imagerie, en plus de la mammographie, peuvent aider à détecter les cancers. Parlez à votre médecin de la densité mammaire, des risques de cancer du sein et de votre situation personnelle".

Il y a beaucoup de problèmes ici. La densité mammaire est un facteur de risque de développer un cancer du sein, mais c'est l'un des nombreux facteurs de risque. Il peut y avoir des femmes qui présentent un risque de cancer beaucoup plus élevé en raison de leur âge, de leurs antécédents familiaux, de leur consommation d'alcool, etc. et qui n'ont pas de seins denses, alors que d'autres femmes qui ont des seins denses présentent un risque globalement plus faible.

Si la FDA se contente de dire que "le tissu mammaire peut être dense ou non dense", la situation n'est pas aussi tranchée.

L'American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG) a souligné dans un commentaire adressé à la FDA qu'"il n'existe pas de méthode normalisée pour évaluer la densité mammaire", et que la classification d'une patiente comme ayant des seins denses dépend donc de l'opinion du radiologue qui lit le test. La densité mammaire peut également changer avec le temps, ce qui signifie qu'une notification peut ne pas être vraie des années plus tard. La notification incite également les patientes à subir des examens d'imagerie supplémentaires en affirmant qu'ils "peuvent aider à trouver un cancer", mais ne mentionne pas que ces examens d'imagerie augmentent également le risque de faux positifs et d'autres événements en cascade. Aucun essai ne montre que le dépistage complémentaire du cancer par IRM ou échographie améliore la réduction de la mortalité ou de la morbidité chez les femmes ayant des seins denses. Des recherches antérieures sur les politiques de notification de la densité mammaire montrent un risque de surutilisation. Les études portant sur les politiques nationales de notification de la densité mammaire montrent qu'elles augmentent fortement la probabilité que les patientes abordent la question du dépistage complémentaire avec leur médecin et qu'elles augmentent modestement la probabilité d'un dépistage complémentaire et de biopsies mammaires. Si le dépistage complémentaire fonctionnait comme prévu et permettait de détecter les cancers dangereux à un stade précoce, on pourrait s'attendre à une réduction des taux de cancer à un stade avancé dans les États où la densité mammaire est notifiée. Cependant, une étude de 2017 sur ces politiques n'a pas montré de différence dans les taux de cancers localisés ou métastatiques entre les États avec et sans notification.

En raison de leur taux élevé de faux positifs et de l'absence de bénéfices avérés, l'ACOG ne recommande pas l'utilisation systématique d'autres examens tels que l'échographie ou l'IRM pour le dépistage du cancer du sein chez les femmes dont les seins denses constituent le seul facteur de risque. Le groupe de travail américain sur les services préventifs (US Preventive Services Task Force), un groupe indépendant qui émet des recommandations fondées sur des données probantes concernant les services préventifs, a conclu que les données probantes étaient insuffisantes pour recommander un dépistage supplémentaire chez les femmes ayant des seins denses.

Les médecins se trouvent donc dans une situation délicate, car lorsque les patientes les consulteront pour savoir ce qu'elles doivent faire, ils devront soit leur conseiller de ne rien faire (ce qui est probablement frustrant et insatisfaisant pour les patientes), soit leur dire de procéder à un dépistage supplémentaire (ce qui n'est pas universellement recommandé et pourrait les exposer à des risques d'événements en cascade).
"Les médecins de premier recours dans les États qui ont adopté de telles lois se sentent souvent mal préparés à conseiller les femmes sur les mesures à prendre, le cas échéant, pour une femme ayant des seins denses et une mammographie normale”.
Kenneth Lin, Medscape

Cette politique a également des répercussions importantes sur les coûts, tant au niveau individuel qu'au niveau du système. On estime que 40 à 50 % des femmes aux États-Unis ont des seins denses. Si toutes ces femmes subissaient un dépistage supplémentaire, cela pourrait avoir un impact important sur les dépenses de santé. Si les mammographies de dépistage sont couvertes par la plupart des assurances, les IRM supplémentaires peuvent augmenter les frais à la charge des patients et les biopsies encore davantage.

Nous connaissons au moins un groupe pour qui cette modification des lignes directrices est une aubaine : les fabricants d'appareils d'imagerie, qui financent depuis des années des groupes de défense des notifications de densité mammaire (le groupe Dense Breast Info).

Commentaires Cancer Rose

On peut voir ici les conflits d'intérêts des membres de Dense Breast info dans la liste en suivant ce lien : https://www.rsna.org/-/media/Files/RSNA/Annual%20meeting/2022-AMPPC-Planners-Disclosure
RSNA : Radiological Society of North America, c'est une organisation à but non lucratif et une société internationale de radiologues, de physiciens médicaux et d'autres professionnels de l'imagerie médicale

Parmi les "supports éducatifs" nous trouvons la société Volpara. Volpara est une Société néo-zélandaise, société cotée en bourse, (Volpara Solutions Ltd), qui commercialise des logiciels permettant de générer automatiquement des mesures normalisées de la densité mammaire.

Voici la Déclaration de Volpara à l’intention des  investisseurs le 30 sept 2022 :
https://wcsecure.weblink.com.au/pdf/VHT/02601721.pdf

Volpara enregistre une forte croissance en ligne avec ses prévisions révisées à la hausse, entre 33,5 et 34,5 millions de dollars néo-zélandais.
Nous poursuivons notre stratégie visant à équilibrer les objectifs et la croissance rentable en nous concentrant sur nos produits les plus rentables, nos marchés les plus lucratifs et en offrant la meilleure valeur aux " éléphants ", c'est-à-dire aux grandes entreprises. Nous attendons la publication de la législation de la FDA sur la densité mammaire, attendue d'ici début 2023 selon le dernier communiqué de la FDA

Attente du Mandat sur la densité mammaire par FDA

- fin 2022/début 2023
- Valide l'importance de la densité mammaire
- Donne l'exemple au reste du monde
- Décision fédérale = tout le monde doit être informé
- La densité des seins est prise en compte dans l'évaluation des risques

https://wcsecure.weblink.com.au/pdf/VHT/02601721.pdf

Par exemple, une radiologue extrêmement médiatique au Canada, Dr Paula Gordon, militant pour un dépistage du cancer du sein dès le jeune âge et contestant les recommandations de prudence du CanTaskForce**, est actionnaire de cette société et y détient des actions.
On peut ainsi lire ses prises de positions régulières dans la presse canadienne, qualifiant ni plus ni moins le groupe canadien CanTaskForce de "tueurs de femmes" :

1- https://theprovince.com/opinion/op-ed/dr-paula-gordon-new-breast-cancer-screening-guidelines-are-going-to-kill-many-women "Dre Paula Gordon : De nouvelles lignes directrices sur le dépistage du cancer du sein vont tuer de nombreuses femmes"
2-https://medicinematters.ca/breast-cancer-screening-mammogram-policies-are-based-on-flawed-research-dr-paula-gordon/
"Les politiques sur les mammographies de dépistage du cancer du sein sont fondées sur des recherches erronées / Dr Paula Gordon
3-https://globalnews.ca/news/8239335/breast-cancer-screening-canada-report/
"Des lignes directrices « dépassées » sur le dépistage du cancer du sein laissent tomber les femmes canadiennes."

** Le Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs a été mis sur pied par l'Agence de la santé publique du Canada (ASPC) pour élaborer des lignes directrices de pratique clinique qui appuient les fournisseurs de soins primaires dans la prestation de soins de santé préventifs.

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Scores polygéniques pour prédire les cancers ? Trop d’enthousiasme, beaucoup de limites

Synthèse d'une publication , par Cancer Rose, 9 mars 2023

https://www.bmj.com/content/380/bmj-2022-073149

Il s'ait là d'une publication d'auteurs britanniques, parue dans le BMJ le 1er mars 2023 concernant les attentes qui ont été placées dans les scores polygéniques pour prédire la survenue de cancers chez un individu.

Qu'est un score polygénique ?

Les scores polygéniques examinent des milliers de variantes génétiques dans le génome d'une personne pour estimer son risque de développer une maladie spécifique.
C'est une analyse effectuée dans un laboratoire de génétique, habituellement sur un prélèvement salivaire.
Chaque variant génétique a un effet sur le risque de développer une maladie pour un individu, mais en examinant toutes les variantes ensemble on estime pouvoir dire quelque chose de significatif sur le risque global, pour le porteur, de développer une maladie.

Contrairement aux variantes monogéniques (comme par exemple les mutations BCRA impliquant clairement un sur-risque pour le cancer du sein, cette variation ayant un effet très marqué sur le risque de cancer), les scores polygéniques, eux, peuvent être établis pour toutes sortes de maladies ; les deux applications les plus importantes, disent les auteurs, concernent le risque de cancer et le risque de maladie coronarienne.
Mais on trouve actuellement d'autres utilisations, par exemple la prédiction de la réponse aux médicaments antipsychotiques chez les patients atteints de schizophrénie.

Nous examinerons la problématique en cancérologie que les auteurs ont analysée.
Leurs messages clés :

  • Les scores polygéniques seront toujours limités dans leur capacité à prédire la maladie, car une grande partie du risque de maladie d'une personne est déterminée par des facteurs que les scores polygéniques ne peuvent pas mesurer.
  • Il faut communiquer efficacement sur ces limitations.
  • L'enthousiasme suscité par les scores polygéniques ne doit pas détourner l'attention des efforts visant à lutter contre les facteurs de risque modifiables d'une maladie (par exemple la lutte sur des facteurs environnementaux, ou hygiéno-diététiques favorisant cette maladie)

Les auteurs écrivent :

"Dans l'espoir que les scores polygéniques "changeront tout le paradigme des soins de santé", nous devons reconnaître que ces scores sont limités dans leur capacité à prédire la maladie. Si nous ne définissons pas nos attentes en conséquence, elles pourraient nuire plutôt qu'aider."

Les scores polygéniques seront toujours limités dans leur capacité à prédire la maladie

En introduction de ce paragraphe les auteurs écrivent :

" Les scores polygéniques offrent la possibilité d'évaluer simultanément le risque génétique d'une personne pour plusieurs maladies, à tout moment de son parcours de vie. Mais ils ne tiennent pas compte des effets des facteurs environnementaux ou non-génétiques mal compris qui contribuent à la plupart des maladies courantes. Ainsi, les scores polygéniques resteront toujours l'un des nombreux facteurs de risque et n'atteindront jamais un point où ils pourront prédire avec précision qui développera et qui ne développera pas la maladie."

Pour évaluer l'utilité d'un test ou d'une procédure de dépistage on utilise deux paramètres, la sensibilité et la spécificité.
Commençons par la spécificité :
Elle mesure la capacité d'un test à donner un résultat négatif lorsque l'hypothèse de maladie n'est pas vérifiée.
Mais le test peut-être dans certains cas positif alors que la personne n’est pas malade, c'est ce qu'on appelle un faux positif.

la sensibilité :
Il s’agit de la probabilité que le test soit positif pour un sujet vraiment malade.
Mais il arrive que le test soit négatif alors que la personne est réellement porteuse de cancer, c'est alors un faux négatif.

Les auteurs donnent un exemple concret pour comprendre la complexe relation entre ces deux paramètres, qui rend l'utilisation des scores imparfaite.

Il a été évalué que les scores polygéniques ont une capacité de prévenir des maladies avec une spécificité fixée à 95 % ; ceci signifie que pour 5 % des personnes il y aura un score élevé alors qu'il n'y aura pas de développement pas la maladie (5% de faux positifs).
La sensibilité typique pour un score polygénique, selon cette évaluation, est de 10-15 % ; ce qui signifie que seulement 10 à 15 % des personnes qui développeront la maladie auront un score polygénique élevé. 
Lorsqu'on cherche à augmenter la sensibilité d'un score polygénique on en réduit la spécificité, et inversement.
Pour exemple, un score polygénique développé pour détecter les femmes présentant un risque de cancer du sein au cours de leur vie supérieur à 17 % a une sensibilité de 39 % ; il identifiera donc 39 % des femmes qui développeront un cancer du sein, mais en ratera 61 % ; avec sa spécificité de 78 % , il y aura 22 % des femmes classées comme ayant un «score de risque élevé» alors qu'elles ne développeront pas de cancer du sein.

Dans le cas du cancer du sein, si on part sur une spécificité fixée à 95 %, la meilleure sensibilité atteignable serait de 19 %. Il aura une meilleure spécificité que dans l'exemple ci-dessus, on réduira les faux positifs, mais la capacité du score à identifier des femmes avec risque (sa sensibilité) sera plus faible.
Les variantes polygéniques seront toujours limitées dans leur capacité à différencier les personnes qui développeront la maladie de celles qui ne la développeront pas.

Équilibrer les avantages et les inconvénients des scores polygéniques dans la pratique clinique

Dans ce deuxième paragraphe, les auteurs étudient la capacité des scores à améliorer la prédiction lorsqu'ils sont intégrés dans la prédiction avec d'autres facteurs de risque, dans le but de donner un aperçu plus holistique du risque de maladie.

Selon les auteurs : " En utilisant cette stratégie, les scores polygéniques améliorent légèrement la prédiction du risque."

Par exemple pour l'étude MyPebs cherchant à étudier la pertinence d'un dépistage individualisé du cancer du sein basé sur le risque individuel de chaque femme, le score polygénique est intégré parmi d'autres facteurs dits de risque de cancer du sein comme l'âge, les antécédents familiaux, la densité des seins.

Les auteurs de cette publication toutefois alertent :
" Beaucoup espèrent que les scores polygéniques amélioreront les programmes de dépistage du cancer grâce à un dépistage précoce ou plus fréquent pour les personnes à risque polygénique plus élevé. Il a par exemple été proposé de proposer une mammographie annuelle aux femmes âgées de 40 à 50 ans présentant des scores polygéniques indiquant qu'elles présentent un risque modéré ou élevé de cancer du sein. Cela a le potentiel de détecter 1 700 cancers supplémentaires, mais au prix de 5 722 résultats faussement positifs et de 4 112 cancers encore manqués."

Les auteurs proposent une illustration parlante. Il s'agit d'une projection sur 100 personnes indiquant comment les scores polygéniques fonctionneraient pour la détection de cancers, pour trois types de cancers, le sein, la prostate, le cancer colo-rectal.

  • Colonne de gauche : projection pour le test polygénique seul (un score haut est un test positif)
  • Colonne du milieu : projection pour le test de dépistage habituel positif (pour le sein il s'agit de la mammographie montrant une image, pour la prostate c'est un taux de PSA sanguin élevé, pour le cancer colo-rectal, il s'agit de la présence de sang dans les selles).   
  • Colonne de droite : score élevé et test de dépistage habituel positif (score élevé+mammographie avec image, score élevé+PSA élevés, score élevé+sang dans les selles)

Les points colorés représentent, pour les rouges, les vrais positifs, à savoir les personnes à test positif et réellement malades.
Pour les jaunes, il s'agit des tests négatifs pour une personne pourtant malade, les faux négatifs donc.
Les points bleus représentent les personnes à test positif mais non malades, les faux positifs.
Enfin les points grisés correspondent aux tests négatifs pour des personnes qui ne seront pas malades, donc les vrais négatifs.

On constate que l'adjonction des deux tests (test classique plus score polygénique) apporte essentiellement une amélioration sur les faux positifs.

Pour les auteurs, globalement les scores polygéniques apportent un bénéfice modeste.
Une étude portant sur le dépistage du cancer colorectal dans la population a révélé que l'ajout d'un score polygénique aux tests immunochimiques fécaux n'améliorait pas la précision du diagnostic, avertissent-ils, mais augmentait la complexité et les coûts en santé.

D'autre part expliquent-ils, les scores polygéniques ne peuvent pas lutter contre le surdiagnostic, un préjudice majeur du dépistage (découvertes de cancers non évolutifs, d'aucune utilité pour le patient). 

Il y a un autre aspect qu'ils évoquent, ce sont les tests faussement positifs qui peuvent entraîner des cascades d'examens inutiles. Explication :
La plupart des scores polygéniques pour le cancer sont basés sur des variants associés à l'incidence( survenue de nouveaux cas dans la population), et non à la mortalité, ce qui compromet leur utilité pour des maladies comme le cancer de la prostate, dont de nombreux hommes meurent avec leur cancer plutôt qu'à cause de ce cancer.
Le dépistage existant (taux de PSA sanguin) a déjà des limites, la probabilité que le sujet testé soit réellement malade avec un test positif est faible.
Le test, parfois (que ce soit la mammo ou le taux de PSA), peut être positif avec une personne pourtant non malade. A la question « Docteur, j’ai une mammographie anormale, quel est le risque que j’aie vraiment un cancer du sein ? », la valeur (qu'on appelle valeur prédictive positive) du dépistage de base est déjà très faible (10% pour la mammo de dépistage, ce qui signifie signifie que pour une femme pour laquelle la mammographie est jugée positive et à laquelle on réalise une biopsie de l’image incriminée, il y a 90% de chances pour que la biopsie revienne négative et donc ait été proposée excessivement...).

Cette valeur prédictive positive pour les scores polygéniques est aussi très limitée et rajoute peu de précision diagnostique. Ce manque pourrait ainsi augmenter le nombre de personnes positives au test, mais qui ne développeront pas de cancer, mais qui néanmoins se verront proposer des investigations de confirmation invasives, puisque le test objectivement est positif. Cela occasionnerait des explorations sans fin :
"L'ambition d'introduire un score polygénique généralisé pour le cancer de la prostate nécessiterait un investissement sans précédent dans l'imagerie diagnostique, telle que l'imagerie par résonance magnétique..." selon les auteurs.

Qu'est-ce que la population peut attendre des scores polygéniques ?

Dans ce paragraphe est pointée la vulnérabilité des scores polygéniques. La communication sur les risques des maladies envers la population est en général très complexe.
La personne peut avoir certes un risque absolu autour d'un certain pourcentage pour une maladie, mais on doit tenir compte du risque relatif par rapport au risque sous-jacent de la maladie dans la population générale.
Par exemple, les personnes dans les 5 % des scores polygéniques les plus élevés pour le cancer du sein ont un risque, au cours de leur vie, de 19 % , mais le risque de la population est de 11,8 %, ce dont il faut tenir compte.

Pour des affections moins courantes, expliquent les auteurs, " l'effet sur le risque absolu est souvent plus modeste. Les personnes dans les 5 % supérieurs des scores polygéniques pour le cancer de l'ovaire, par exemple, ont un risque durant leur vie de 2,1 %, contre un risque de 1,6 % dans la population."
Même lorsqu'un risque absolu d'une personne est faible, cette personne pourrait être tentée de discuter de ce résultat avec un clinicien, demander des consultations occasionnant des coûts supplémentaires et mettant à rude épreuve les services de santé.

À l'inverse, on peut craindre que des personnes qui n'ont pas de scores polygéniques «à haut risque» pourraient être faussement rassurées et moins susceptibles de consulter un médecin pour des symptômes pourtant existants et préoccupants qu'elles négligeront.

Les auteurs mettent en garde :

Les résultats des scores polygéniques" peuvent être mal compris et causer de la détresse. Une enquête auprès de 227 personnes accédant aux scores polygéniques en ligne sans conseil, pour une grande variété de maladies (dont certaines sans options claires de prévention ou de traitement) a révélé que seulement 25,6 % ont répondu correctement à toutes les questions relatives à la compréhension et à l'interprétation des scores polygéniques, mais que 60,8 % vivaient l'expérience d'une réaction négative (sujet bouleversé, anxieux ou triste sur l'échelle des « sentiments à propos des résultats des tests génomiques »), après avoir reçu leurs résultats. 
Une compréhension plus faible des scores polygéniques était associée à une réaction psychologique négative."

De plus, si l'utilisation de ces tests étaient généralisée, on pourrait craindre que des assureurs cherchent à utiliser ces scores afin de déterminer l'éligibilité à l'assurance des personnes demandeuses. 

Les facteurs de risque non génétiques nécessitent une plus grande attention

Dans cette ultime partie, les auteurs soulignent le fait que si les scores polygéniques apparaissent attractifs pour prédire un risque de maladie, ils ne doivent pas faire oublier des facteurs de risque "peu prestigieux" mais bien établis comme le tabagisme, l'obésité et la privation socio-économique, qui comptent plus que les antécédents génétiques d'une personne, certains de ces facteurs étant évitables. 
Il faut investir davantage dans la lutte contre les facteurs de risque de maladie liés au mode de vie avec des initiatives et des politiques d'arrêt du tabac p.ex., et donner aux populations les moyens de faire des choix sains en matière d'alimentation et d'exercice. 

La plupart des maladies surviendront chez des personnes n'ayant pas de score polygénique élevé.
De plus écrivent les rédacteurs de cette publication, autant les scores polygéniques n'améliorent au mieux que bien légèrement la prédiction du risque de chaque personne, l'utilisation de scores polygéniques profitent encore moins aux personnes d'ascendance non européenne, auxquelles ils n'ont pas été adaptés.

Pour les auteurs, " l'enthousiasme autour des scores polygéniques ne doit pas nuire aux efforts visant à lutter contre les grands facteurs de risque modifiables, qui ont une utilité généralisable à l'échelle de la population."

Résumé des auteurs

  • Les scores polygéniques présentent des avantages modestes et des inconvénients.
  • Ils ne doivent pas détourner les ressources en santé et l'attention mise sur d'autres facteurs de risques qui contribuent, eux, bien plus aux maladies.
  • Cliniciens et public doivent être conscients du fait que l'intérêt des scores est très limité et son impact décevant sur la prédiction des risques.

" Les scores polygéniques ont le potentiel d'améliorer légèrement la prédiction du risque pour les maladies courantes, mais les avantages de leur utilisation seront modestes. 
Une discussion plus large concernant les limites des scores polygéniques est essentielle, ainsi que des recherches solides qui examinent leur utilité clinique dans le monde réel. 
Cela est nécessaire pour garantir qu'une concentration excessive sur les risques génétiques ne détourne pas le temps, l'argent et l'attention portés à d'autres contributeurs de maladie beaucoup plus importants. Contrairement à ce à quoi de nombreuses personnes pourraient s'attendre compte tenu des discours déterministes habituels sur la génomique, un score polygénique élevé aura généralement un impact plutôt décevant sur le risque absolu, et les cliniciens et le public doivent le savoir."

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