La tomosynthèse intégrée dans le dépistage

C.Bour, 24 mars 2023

Dans l'actualité de ce mois de mars 2023 nous apprenons que la HAS admet l'adjonction de la tomosynthèse* dans le dépistage du cancer du sein, à certaines conditions, après avoir pourtant fait preuve de prudence jusqu'à présent, cette technique posant plusieurs problèmes.
L’analyse des données de la littérature disponible ne permet en effet pas de savoir si le fait d’intégrer la tomosynthèse dans le dépistage organisé permettrait d’améliorer le dépistage du cancer du sein, notamment en ce qui concerne le surdiagnostic et le surtraitement.

*La tomosynthèse est une technique d'imagerie qui permet d'obtenir un cliché numérique reconstitué en trois dimensions à partir d'images du sein obtenues par la réalisation de multiples coupes, ce qui jusqu'à présent conditionnait une irradiation importante supplémentaire. Parfois cette technique est effectuée dans les cabinets de radiologie sans que la patiente en soit informée.

Se pose aussi, encore et toujours en 2023, du fait de la diversité des dispositifs de mammographie numérique et de leurs fabricants, la question de la performance, de la fiabilité et de la sécurité de tous les dispositifs de tomosynthèse.

Après un deuxième volet d'analyse publié par la HAS, cette autorité valide finalement l'utilisation de la tomosynthèse (TDS) à la condition que ne soit réalisée qu'une acquisition en 3D permettant une reconstruction secondaire des images en 2D, épargnant à la patiente une double irradiation.

La HAS base donc son argumentation sur deux éléments : l'augmentation du taux de détection, et la non-augmentation de l'irradiation des femmes lors de cette procédure.
"Cette procédure permet en effet d’améliorer les performances du dépistage organisé, notamment son taux de détection des cancers, sans pour autant augmenter le nombre d’actes d’imagerie et la dose d’exposition."

Hélas, le véritable problème du surdiagnostic, pourtant évoqué dans la feuille de route de 2018, disparaît complètement des préoccupations.

Les véritables problèmes du dépistage systématique du cancer du sein restent entiers.

Tout d'abord, en aucun cas la TDS ne pourra régler le problème des cancers occultes à la mammographie standard, qui peuvent être occultes même dans des seins graisseux, et elle ne règlera pas non plus tous les problèmes des cancers d'intervalle qui peuvent se produire en très peu de temps entre deux mammographies.
Le véritable problème est que la découverte d'une image encore plus petite n'est qu'une image de l'instant T, et ne peut préjuger d'une maladie évolutive. C’est la leçon essentielle que nous donne le surdiagnostic.

En 2022 était paru un article de synthèse sur la TDS (lire ici), de tout ce que les études nous apprenaient :

  • Concernant les faux positifs, selon le résultat d'une étude de mars 2022 ici synthétisée, le dépistage répété du cancer du sein par mammographie 3D ne diminue que modestement le risque d'avoir un résultat faussement positif par rapport à la mammographie numérique standard. 
  • Une enquête portant sur huit études menées entre 2016 et 2021 montrait  que la tomosynthèse ne réduisait pas les taux de cancer d’intervalle.

Les mammographies 3D présentent donc de graves inconvénients qui doivent être clairement expliqués aux patientes, et compte tenu de l'absence totale d'information des femmes sur les risques du dépistage, ne le seront jamais. 
Aucune étude n'a été menée pour déterminer si l'utilisation de mammographies 3D améliore réellement la morbidité, la mortalité ou la qualité de vie. Cette technique peut détecter plus de cancers, mais rien ne prouve que les cancers détectés auraient réellement nui aux patientes et ne seraient pas des diagnostics inutiles, de sorte que les mammographies 3D peuvent également entraîner davantage de surdiagnostics et de surtraitements. 

D'autres problèmes existent, plus techniques, notamment pour les logiciels de 3D il n'y a pas de 'contrôle qualité image' comme c'est le cas pour la mammographie numérique habituelle, uniquement une dosimétrie est effectuée qui contrôle l'irradiation émise.
Le marché est de qualité inégale avec des constructeurs proposant des appareils moins onéreux mais dont on ne connaît pas la performance par rapport aux études du constructeur initial.

Derrière l'abdication de la HAS de toute prudence, on peut malheureusement y lire l’opportunité pour l’industrie de s’ouvrir de nouveaux marchés et pour les investisseurs d’accélérer l'émergence et la multiplication de méga-structures médicales pouvant investir dans un tel matériel, sur fond de bêtise médicale qui fait que les leçons des erreurs passées de "toujours plus de dépistage" ne seront jamais tirées.
Le salut, pour les femmes, n'est pas dans l'amélioration des techniques de détection qui fait bondir les diagnostics de cancers, mais dans la compréhension de ce que nous faisons et dans le questionnement de la pertinence et de l'utilité de nos pratiques, et de nos "découvertes".

Pour l'instant nous allons naviguer, avec la bénédiction de la HAS, vers toujours plus de diagnostics inutiles, d'interventions inutiles, de souffrances féminines inutiles.

Des oppositions

Des oppositions sur des arguments techniques de réalisation et de mise en pratique sont exprimées par l'association des centres régionaux de coordination des dépistages.
Voici son communiqué de presse :

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