Rendre les gens malades dans la course à la santé

Samedi 20 avril 2024

Transcription, synthèse et commentaires à propos d'un webinaire, par Bjorn Hofmann, professeur au centre d'éthique médicale de l'Université d'Oslo.

Comment rend-on les gens malades dans la course à la santé ?

"La science médicale a fait tant de formidables progrès qu'il ne reste presque plus d'humains en bonne santé."

B.Hofmann énumère trois trois types génériques de diagnostic excessif sur lesquels il a déjà publié, qui font apparaître de nos jours des tendances à un excès de médicalisation. Le trop, le trop léger, le trop tôt https://cancer-rose.fr/2024/04/13/trop-trop-legerement-trop-tot/

  • Le trop : il s'agit de l'utilisation de biomarqueurs ou d'autres indicateurs de la santé qui sont sans intérêt pour les gens ; ou le fait de traiter des états courants de la vie comme étant des pathologies, à l'instar du chagrin, de la dépréciation de soi, ou en qualifiant un comportement humain comme étant une maladie ; et nous verrons des exemples.
  • Le trop légèrement : à savoir diminuer les seuils pathologiques, qui font qu'avec des taux biologiques ou des marqueurs plus bas la condition de santé, de mineure (ou légère) devient pathologie.
  • La détection trop précoce d'anomalies ou lésions qui n'impacteraient pas la vie, les gens mourant avec ces anomalies mais pas à cause d'elles.

Le trop

Détecter des phénomènes de santé en excès fait de beaucoup de choses des 'maladies.'

Toutes ces découvertes ne disent quand-même pas grand chose de l'état de santé de la personne. Ils sont souvent sans relation avec ce que vit la personne mais entraînent des conséquences, car on les identifie, on les nomme et on les traite comme maladies.

La médicalisation de l'état d'une personne (comme le chagrin) ou un comportement comme le TADH,

comporte des conséquences,

à savoir des traitements erronés, inutiles, dévient la responsabilité des personnes, aboutissent à une mal-et une surdétection.

Le trop léger

Il s'agit là de détecter des anomalies de santé légères, qui ne dérangeront pas la personne, en diminuant le seuil de définition de pathologie.

Deux exemples sont cités à savoir l'amoindrissement de seuils pathologiques dans les cas du diabète gestationnel et de l'insuffisance rénale chronique dont on a abaissé les seuils pour qualifier la personne de malade, et nécessiteuse d'un traitement.
L'état de santé est en réalité trop mineur pour réellement affecter la personne de façon significative. Mais en ayant abaissé ou modifié les normes de définition de la maladie,

on a donné l'illusion d'un succès en ayant traité des gens qui ne seraient pas tombés malades, illusion favorisée par une surdéfinition ou mal-classification de maladie, et entraînant là aussi des traitements inutiles eux mêmes potentiellement néfastes.

Le trop tôt

Il s'agit de la détection dite précoce de précurseurs de maladies qui ne vont pas forcément se transformer en maladie- les porteurs meurent avec ces altérations mais pas à cause d'elles, les meilleurs exemples sont le carcinome in situ (du sein (DCIS) ou d'autres organes), les polypes, lésions qui n'occasionneront pas de souffrance ou de décès chez leurs porteurs.

Le patient serait mort d'autres causes, cette catégorie de diagnostic excessif c'est le surdiagnostic (dépistages) et le surtraitement.

L'incertitude de progression

Il n'y a aucun bénéfice pour le patient puisque nous ne savons pas ce qu'il va advenir de ce que nous avons découvert.
L'expansion du diagnostic est une expansion temporelle parce que nous essayons mais ne pouvons pas prévoir ce qui se passera dans le futur. Elle est aussi ce qu'on peut qualifier, selon B.Hofmann, d'épistémique, car nous avons un manque de connaissance de ce qui adviendra, si le patient tomberait malade ou non s'il restait sans traitement.

Les trois effets peuvent se combiner, le trop avec le trop tôt, le trop léger avec le trop etc.. Même les trois ensemble amplifiant ainsi l'effet de la surmédicalisation à outrance.

D'autres erreurs

D'autres erreurs diagnostiques peuvent s'ajouter à ces trois facteurs de surmédicalisation déjà décrits. Il s'y ajoute la prescription de tests non nécessaires (p.ex. juste pour 'savoir', ou se 'rassurer').

On appelle ces tests inutiles "de faible valeur", car ils ne produiront pas de bienfait pour le sujet, cela n'induira pas que le patient se sente mieux ou en meilleure santé, ce sera peut-être même l'inverse.

La qualité de vie

Ce que ce graphique démontre est que si nous essayons de corriger la qualité de vie chez une personne saine (dans zone verte), il faut faire des efforts pour obtenir des bénéfices supplémentaires, mais nous lui faisons prendre pour cela des risques conséquents, qui peuvent être plus importants.

Pour une personne avec une qualité de vie plus réduite (en zone orange), on a bien un risque aussi, mais à ce moment là le bénéfice des tests peut l'emporter, contrairement à ce qui se passe pour la personne saine, c'est ce qui est illustré ci-dessous.

De plus, il convient d'avoir à l'esprit que si pour la personne saine le bénéfice peut advenir dans le futur, le risque, lui, survient immédiatement, dans le temps présent.

En cas de prescriptions, il faut toujours garder en tête que nos tests sont prescrits à des personnes à priori en bonne santé, et qui peuvent se transformer en malades à cause d'eux.

Pour en savoir davantage

Publication de l'auteur sur le sujet :

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