Traduction et synthèse de deux publications, par Cancer Rose, 25/09/2023
Il est très rare qu'on observe directement des régressions cancéreuses, non pas parce qu’elles sont rares, mais parce que leur observation est difficile, car dès qu’on décèle un cancer, il est traité.
Et de fait, on ne peut pas parier sur la régression d'un cancer lorsqu'on en voit un. Une fois détecté, on ne prend aucun risque et on traite la lésion cancéreuse. La régression cancéreuse a pu être observée chez des femmes sur le point d’être opérées de leur cancer du sein, mais dont l’intervention chirurgicale a dû être différée en raison de la survenue d’une autre maladie grave (une hémopathie évolutive p.ex.) plus urgente à traiter. Ces cas de régression existent bel et bien, et pas seulement pour le cancer du sein d’ailleurs.[1]
Carcinomes mammaires non progressifs détectés lors du dépistage par mammographie : une étude de population
Heggland, T., Vatten, L.J., Opdahl, S. et al. Non-progressive breast carcinomas detected at mammography screening: a population study. Breast Cancer Res25, 80 (2023). https://doi.org/10.1186/s13058-023-01682-9
L'étude ici présentée rassemble des données norvégiennes et, à l'aide d'un modèle âge-période-cohorte, les auteurs évaluent la proportion de cancers non évolutifs parmi les cancers détectés.
Certains carcinomes mammaires détectés lors du dépistage, en particulier le carcinome canalaire in situ, pourraient ne jamais évoluer vers une maladie symptomatique. Il y a toujours plus de cancers détectés chez les femmes dépistées par rapport aux non-dépistées, cet excédent correspond au surdiagnostic (diagnostics non utiles), car si toutes les tumeurs avaient pour vocation d'évoluer vers des "vrais "cancers et s'exprimer en tant que tels, il y en aurait autant dans le groupe des non dépistées que des dépistées. Le fait qu'il y en ait davantage chez les dépistées sans différence de longévité ou des taux de mortalité entre les deux groupes montre qu'il y a un excédent de détection de cancers chez les dépistées, cancers dont bon nombre ne sont pas évolutifs, mais qui, détectés, seront néanmoins traités. La difficulté réside dans l'évaluation de la quantité des carcinomes invasifs non évolutifs et des carcinomes in situ, de plus en plus nombreux depuis l'instauration des dépistages mais dont la très grande majorité sont des lésions à très bon pronostic et non évolutives, à tel point que dans certains pays des programmes de simple surveillance active sont proposés.
Résultats de l'étude
Heggland et coll. veulent examiner si tous les carcinomes mammaires détectés lors d'un dépistage entre 50 et 69 ans évoluent vers des symptômes cliniques à 85 ans. Ils ont estimé la fréquence des tumeurs non progressives (ou non évolutives) parmi les cas détectés par le dépistage, sur la base du programme BreastScreen Norway de la population norvégienne avec 24 ans de suivi, en calculant la différence du taux cumulé de carcinomes mammaires entre les scénarios avec et sans dépistage à l'âge de 85 ans.
Les résultats suggèrent que près d'un carcinome mammaire sur six détectés lors du dépistage peut être non progressif. Les auteurs écrivent : "Nous avons constaté que les carcinomes mammaires qui n'évoluent pas vers des cancers cliniques à l'âge de 85 ans pourraient représenter une proportion substantielle des cas détectés lors du dépistage. Une meilleure connaissance de la progression tumorale est nécessaire pour optimiser le traitement des carcinomes mammaires détectés par dépistage."
Ils ajoutent que leur estimation plus faible des carcinomes mammaires non progressifs par rapport à d'autres études peut être attribuée à la modélisation utilisée ; en effet diverses méta-analyses et un travail de synthèse de grande envergure du Pr.P.Autier suggèrent qu'un tiers des cancers détectés pourraient être des cancers non évolutifs et de détection inutile.
Une vérification de ce modèle suggère une régression de 50 % des cancers du sein invasifs surdiagnostiqués.
Réaction du chercheur et épidémiologiste norvégien Per-Henrik Zahl
Les modèles sont souvent spéculatifs...Et il y a peut-être un autre phénomène en dehors du caractère non évolutif des cancers, à savoir celui de la régression cancéreuse.
Dans le modèle, constate H.Zahl, à l'âge de 69 ans, le taux d'incidence excédentaire estimé est de 1 614 pour 100 000 femmes. Si les femmes de cette cohorte n'ont pas participé au dépistage pendant 20 ans, ces tumeurs devraient s'accumuler en l'absence de dépistage et on devrait les détecter à 69 ans. Or, en supposant un taux de participation de 80%, on obtient un taux de détection spécifique à l'âge de 746 cancers du sein invasifs pour 100 000 femmes dépistées, plus environ 160 in situ détectés. Cela donne un taux de détection d'environ 900 pour 100 000 femmes dépistées. Par rapport aux 1614 attendues dans le modèle, il nous manque presque la moitié des cancers, et rien ne justifie de considérer que 45 % des tumeurs ne se développent pas avant l'âge de 69 ans, qu'on ne les détecte pas lors des dépistages successifs jusqu'à 69 ans, et puis qu'elles commenceraient à se développer après l'âge de 69 ans et deviendraient cliniques plus tard. Pour H.Zahl il s'agit bien de tumeurs, non seulement qui n'ont pas progressé mais qui ont même régressé et qu'il faut considérer dans le surdiagnostic. Il faut, dit-il, dans les discussions sur le surdiagnostic et lorsqu'un modèle d'évaluation des ne correspond pas aux données, prendre en compte le phénomène de régression cancéreuse. Il convient de noter que la régression du cancer a également été indirectement signalée dans un essai de dépistage randomisé par mammographie[2]- environ 50 % des tumeurs détectées par IRM ont très probablement régressé dans cette étude.
Zahl écrit : " Il existe des preuves biologiques très solides indiquant que les petites tumeurs peuvent régresser spontanément. Certains cancers existent en équilibre avec le système immunitaire. Le vaccin Bacillus Calmette-Guérin (BCG) contre la tuberculose est utilisé depuis plus de 50 ans pour traiter les tumeurs à haut risque de la vessie ainsi que le mélanome malin. En effet, la thérapie immunitaire moderne est basée sur l'interaction avec le système immunitaire. Plus récemment, le pembrolizumab (anticorps monoclonal) a été approuvé par la FDA pour le traitement du cancer du sein triple négatif à haut risque, qu'il soit non avancé ou avancé. "
En conclusion :
L'histoire naturelle du cancer est encore mal connue. Elle est certainement beaucoup plus complexe qu'imaginée, et très probablement sous l'influence du système immunitaire individuel. La régression cancéreuse existe, et est vraisemblablement sous-estimée.
Okunaga E, Okano S, Nakashima Y, Yamashita N, Tanaka K, Akiyoshi S, et al. Spontaneous regression of breast cancer with axillary lymph node metastasis: a case report and review of literature. Int J Clin Exp Pathol. 2014; 7(7): 4371-80.
Onuigbo WIB. Spontaneous regression of breast carcinoma: review of English publications from 1753 to 1897. Oncol Rev. Oct 2012; 6 (2): e22.
Ricci SB, Cerchiari U. Spontaneous regression of malignant tumors: Importance of the immune system and other factors (Review). Oncol Lett. Nov 2010; 1(6): 941-5.
[2] Welch HG, Zahl P-H. Cancer dynamics in the DENSE trial. N Engl J Med. 2020;382:1283–4.
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Traduction, restitution et commentaires par Cancer Rose, 17/09/2023
Les nouvelles recommandations de l'USPSTF sur la mammographie - Un point de vue divergent
Steven Woloshin, M.D.,
Karsten Juhl Jørgensen, M.D., D.Med.Sci.,
Shelley Hwang, M.D., M.P.H.,
and H. Gilbert Welch, M.D., M.P.H.
De : Dartmouth Institute and Dartmouth Cancer Center, Lebanon, NH (S.W.); the Lisa Schwartz Foundation for Truth in Medicine, Norwich, VT (S.W., K.J.J., S.H., H.G.W.); Cochrane Denmark and the Center for Evidence-Based Medicine Odense, Department of Clinical Research, University of Southern Denmark, Odense (K.J.J.); the Department of Surgery, Duke University, Durham, NC (S.H.); and the Center for Surgery and Public Health, Department of Surgery, Brigham and Women’s Hospital, Boston (H.G.W.).
Le groupe de travail américain (USPSTF) émettant les recommandations sur les dispositifs de santé publique a émis de nouvelles recommandations pour le dépistage mammographique au mois de mai 2023, préconisant le début des mammographies de routine à 40 ans. Il s'agit d'un abaissement des recommandations au dépistage de 10 années par rapport aux modalités antérieures, qui préconisaient le dépistage du cancer du sein à 50 ans seulement, en raison de risques majorés pour les populations plus jeunes et pour un bénéfice trop restreint. La décision a été motivée sur la base de deux arguments : -augmentation des cancers du sein chez des femmes plus jeunes, et -augmentation des cancers les plus agressifs chez les femmes noires. Nous avons synthétisé cette annonce ainsi que les réactions qu'elles ont suscité ici : https://cancer-rose.fr/2023/05/15/abaisser-lage-du-debut-du-depistage-mais-a-quel-prix/
Cette modification des recommandations d'âge a soulevé beaucoup de contestations, notamment sur l'argumentation avancée d'une meilleure 'égalité' de traitement pour les classes sociales les plus pauvres. Cette recommandation n'est pas anodine du tout et le tribut à payer pour les femmes risque d'être très lourd, c'est ce qui motive la mise en garde des auteurs, publiée hier.
Pourquoi cela doit nous concerner ?
Premièrement, plusieurs études toutes récentes, de cette années, mettent en cause de façon flagrante l'efficacité-même du dépistage mammographique. Non, il ne permet pas de 'sauver des vies', ce mythe a fait long feu, il n'y a pas de prolongement de la durée de vie par les dépistages en général. Non, ce n'est pas le dépistage mammographique qui est responsable d'une baisse de mortalité par cancer du sein ; le risque de décès par cancer du sein est en baisse, dépistage ou pas. Les traitements du cancer du sein s’améliorent de façon spectaculaire, ainsi la valeur de la détection primaire diminue, ce qui, à l’avenir, devrait le dépistage obsolète. Non, le dépistage mammographique n'est pas anodin, les risques surpassent le bénéfice qu'on pourrait en attendre et le surdiagnostic est pire dans les évaluations actuelles.
Deuxièmement les recommandations américaines, très favorables aux fournisseurs du secteur de l'imagerie de la femme, risquent de servir d'exemple et d'ouvrir une boîte de Pandore qu'il sera impossible ensuite de refermer ; déjà des voix s'élèvent ici ou là pour demander un dépistage mammographique même annuel... Il n'y a rien de 'complotiste' dans cet argument, en effet la prise en charge du cancer du sein est, il faut pouvoir le dire publiquement, une vaste entreprise rentable, alimentée par la peur que les femmes éprouvent à l'égard de cette maladie." Ce business du cancer est ce que le journaliste John Horgan explique longuement dans cet article.
Troisièmement, un essai européen, appelée MyPEBS, vient d'achever l'intégration des femmes réparties dans les différents groupes d'étude. Or cette étude, censée évaluer un dépistage individualisé basé sur le risque de chaque femme de faire un cancer est de toute évidence calibrée pour inciter à dépister plus et plus jeune, car elle recrute des femmes dès 40 ans, et elle comporte des biais flagrants que nous avons dénoncés dans une lettre ouverte en compagnie d'autres groupes de vigilance sanitaire. Les femmes n'auront pas à choisir entre dépistage ou pas dépistage, mais entre dépistage standard et ... davantage de dépistage si elles sont désignées 'à risque'. Cependant le sous-groupe de femmes dit 'à faible risque' comprendra très peu de femmes, et toutes les autres seront réparties dans des sous-groupes à plus haut risque très rapidement puisque le logiciel, non validé scientifiquement, admet des critères de risques très généreux et les femmes se verront davantage examinées par mammographies. Par exemple, le fait d'avoir eu une biopsie du sein pour lésion même bénigne représente un facteur de risque, or le nombre d'actes biopsiques chez des femmes jeunes pour des lésions bénignes telles que des fibro-adénomes a très considérablement augmenté ces dernières années, ce qui va rendre de facto beaucoup de femmes abusivement "à risque".
En bref, alors que le dépistage mammographique peine de plus en plus à démontrer une quelconque pertinence et que les preuves de sa nocivité s'accumulent, on s'achemine Outre-Atlantique comme en Europe vers plus de dépistages, chez plus de jeunes, au mépris des risques auxquels on expose la population, et bien sûr sans l'en informer. Il ne faudrait pas que ça se sache....
Le point de vue divergent
Nous restituons in extenso ci-dessous la publication du NEJM-
Récemment, la U.S. Preventive Services Task Force (USPSTF) a modifié sa recommandation concernant l'âge de début du dépistage par mammographie de 50 à 40 ans.1 Précédemment, la Task Force considérait que le dépistage chez les femmes de 40 à 50 ans relevait d'un choix personnel. Les recommandations de l'USPSTF étant très influentes, le dépistage par mammographie chez les femmes de 40 ans deviendra probablement une norme de performance des services de santé ; si c'est le cas, il s'agira d'un impératif de santé publique auquel les praticiens de soins primaires devront se conformer. Un tel changement affectera plus de 20 millions de femmes américaines et soulève des questions importantes.
Premièrement, existe-t-il de nouvelles preuves de l'augmentation de la mortalité due au cancer du sein ? Au contraire, la mortalité due au cancer du sein n'a cessé de diminuer aux États-Unis, ce qui constitue une réussite majeure de la médecine moderne. La réduction a été la plus prononcée chez les femmes de moins de 50 ans, dont la mortalité par cancer du sein a été réduite de moitié au cours des 30 dernières années, selon le système national des statistiques de l'état civil. Des tendances similaires sont observées dans d'autres pays à revenu élevé, y compris ceux où le dépistage chez les femmes de 40 ans est très rare (Danemark et Royaume-Uni) et ceux où le dépistage est rare dans tous les groupes d'âge (Suisse) - ce qui suggère que le déclin résulte en grande partie de l'amélioration des traitements, et non du dépistage (voir les graphiques).
Deuxièmement, existe-t-il de nouvelles preuves que les bénéfices de la mammographie augmentent ? Depuis la précédente recommandation de l'USPSTF, il n'y a pas eu de nouveaux essais randomisés sur le dépistage par mammographie chez les femmes de 40 ans. Huit essais randomisés portant sur cette tranche d'âge, dont le plus récent (l'essai britannique sur l'âge), n'ont révélé aucun effet significatif.2 Ce résultat reflète à la fois la rareté des décès liés au cancer du sein chez les femmes de 40 ans et le fait que le dépistage réduit moins la mortalité qu'on ne l'espérait - probablement parce que la maladie est plus agressive dans cette tranche d'âge. Les cancers à croissance rapide sont plus susceptibles de ne pas être détectés par le dépistage, car ils apparaissent souvent dans l'intervalle entre deux examens.
Sans nouvelles données issues d'essais cliniques, la nouvelle recommandation se fonde sur des modèles statistiques qui estiment ce qui pourrait se passer si l'âge de début du dépistage était abaissé. Les modèles partent du principe que le dépistage par mammographie réduit la mortalité par cancer du sein d'environ 25 % et concluent que le dépistage de 1 000 femmes âgées de 40 à 74 ans, au lieu de 50 à 74 ans, permettrait de réduire d’un à deux le nombre de décès par cancer du sein au cours de la vie.
Le recours croissant de l'USPSTF à des modèles statistiques complexes est problématique. Les effets estimés peuvent être extrêmement sensibles aux hypothèses de modélisation, qui reflètent souvent la perception générale du moment. Un modèle important, réalisé avant l'étude Women's Health Initiative, prévoyait que presque toutes les femmes ménopausées verraient leur espérance de vie augmenter grâce à un traitement hormonal substitutif. Les modèles peuvent paraître attrayants en raison de leur précision quantitative apparente, mais ils ne sont fiables que si les données d’entrée et les hypothèses utilisées le sont également. Comme d'autres l'ont souligné, les décideurs politiques ne devraient utiliser les modèles que s'ils comprennent les paramètres et les hypothèses sur lesquels ils reposent3.
Dans le cas présent, il est particulièrement problématique que la réduction modélisée de 25 % du risque relatif de mortalité par cancer du sein grâce au dépistage mammographique dépasse celle observée dans les méta-analyses des essais randomisés : une réduction de 16 % du risque relatif pour les huit essais combinés (intervalle de confiance [IC] de 95 %, 27 % à 4 % de réduction) et une réduction de 13 % du risque relatif dans les trois essais présentant un faible risque de biais (IC de 95 %, 27 % de réduction à 3 % d'augmentation).2
Ainsi, la balance des bénéfices et préjudices justifie-t-elle un nouvel impératif de santé publique ? Les réductions du risque relatif peuvent être trompeuses car elles ne contiennent aucune information sur le risque absolu, qui est déjà faible et en constante diminution pour ce groupe d'âge. Pour clarifier les effets potentiels de la recommandation actualisée en termes absolus, le tableau (ci-dessous) résume les bénéfices et préjudices. Pour les femmes américaines à la quarantaine, le risque de décès, quelle qu'en soit la cause, au cours des dix prochaines années est d'environ 3 %, indépendamment du dépistage. Le bénéfice modélisé de la mammographie représente une réduction du risque de décès par cancer du sein sur 10 ans d'environ 0,3 % à environ 0,2 %, soit une différence de 0,1 point de pourcentage (un décès par cancer du sein pour 1 000 femmes dépistées pendant 10 ans). En d'autres termes, grâce au dépistage, la probabilité de ne pas mourir d'un cancer du sein au cours des dix prochaines années passe de 99,7 % à 99,8 %.
Cet effet est faible, surtout si l'on tient compte des préjudices potentiels et de ce qui semble être des hypothèses trop optimistes en matière de bénéfices. Les fausses alertes sont manifestement les conséquences les plus fréquentes : le modèle de l'USPSTF estime que 36 % des femmes âgées de 40 à 49 ans en subiront au moins une dans le cadre d'un dépistage bisannuel sur 10 ans. Toutes devront subir des examens supplémentaires pour confirmer qu'elles n'ont pas de cancer ; certaines subiront des examens multiples et devront payer des frais substantiels. Et certaines éprouveront de la peur : environ un tiers des femmes décrivent l'expérience comme "très effrayante" ou "la période la plus effrayante de leur vie "4.
Environ 6,6 % des femmes dépistées auront une fausse alerte nécessitant une biopsie. En outre, le modèle de l'USPSTF estime que 0,2 % des femmes seront surdiagnostiquées et traitées pour un cancer qui n'est pas destiné à causer des préjudices. Ces préjudices peuvent être plus fréquents dans la pratique, étant donné que les données du modèle provenant du Consortium de surveillance du cancer du sein ne reflètent probablement que les taux des pratiques les plus performantes. Les préjudices seront plus fréquents si le dépistage a lieu tous les ans plutôt que tous les deux ans, comme c'est le cas actuellement pour la plupart des femmes américaines.
Le tableau illustre le compromis critique pour les femmes d'une quarantaine d'années : les bénéfices, qui profiteront à peu de femmes, l'emportent-ils sur les risques qui affecteront beaucoup plus de femmes ? La solution est un choix de valeur que les femmes devraient pouvoir faire elles-mêmes, plutôt que de se voir imposer un impératif de santé publique par des médecins recevant des incitations pour atteindre un niveau de "qualité". Compte tenu de la baisse constante de la mortalité au cours des 30 dernières années, attribuable à l'amélioration des traitements, il est probable que de moins en moins de femmes bénéficieront du dépistage au fil du temps, tandis qu'un dépistage plus poussé augmentera les risques.
La Task Force affirme également que la nouvelle recommandation constitue une première étape importante dans la réduction de la disparité entre les femmes noires et les femmes blanches en matière de mortalité due au cancer du sein. Bien que la mortalité chez les femmes dans la quarantaine ait diminué de moitié dans les deux groupes depuis 1990 (voir l'annexe supplémentaire, disponible sur le site NEJM.org), la disparité est inquiétante et persistante : Selon le système national des statistiques de l'état civil, les femmes noires sont beaucoup plus susceptibles de mourir d'un cancer du sein que les femmes blanches (23 contre 13 décès pour 100 000 femmes). Mais il est difficile d'imaginer comment le fait de recommander la même intervention aux deux groupes pourrait réduire la disparité, d'autant plus que les taux de dépistage sont déjà aussi élevés pour les femmes noires et blanches dans la quarantaine (environ 60 %, selon le National Center for Health Statistics).
L'augmentation du dépistage ne peut pas résoudre les différences sous-jacentes dans la biologie du cancer : l'incidence du cancer du sein triple négatif (qui n'exprime pas le récepteur des œstrogènes, le récepteur de la progestérone et le récepteur 2 du facteur de croissance épidermique humain) chez les femmes noires est deux fois plus élevée que chez les femmes blanches, selon l'Institut national du cancer. Ce sous-type est le plus agressif, son traitement est le moins efficace et il est le plus à risque de ne pas être détecté par le dépistage.5
Un dépistage précoce ne permettrait pas non plus de résoudre les problèmes auxquels sont confrontées les femmes pauvres, qui sont en général noires dans une mesure disproportionnée, tels que la moindre qualité des services médicaux disponibles, le suivi tardif des scanners anormaux, les retards de traitement et le plus faible recours aux thérapies adjuvantes. En fait, l'abaissement de l'âge du dépistage pourrait exacerber les problèmes contribuant à la disparité, en détournant les ressources vers un dépistage élargi. Nous devons faire davantage ce qui fonctionne vraiment : veiller à ce que les femmes pauvres atteintes d'un cancer du sein aient plus facilement accès à un traitement de haute qualité.
Une modification des recommandations relatives à la mammographie serait justifiée s'il était prouvé que les conséquences du cancer du sein s'aggravent ou s'il existait de nouvelles preuves que le dépistage chez les femmes plus jeunes présente des bénéfices clairs. En fait, aucune de ces deux conditions n'est remplie.
Nous espérons que les décideurs politiques reconsidéreront la décision d'abaisser l'âge de début du dépistage par mammographie. Les modèles de la Task Force sont insuffisants pour soutenir un nouvel impératif de santé publique, étant donné les bénéfices limités et les risques courants et importants pour les femmes en bonne santé. Il serait préférable de permettre aux femmes de prendre leurs propres décisions sur la base de leur propre évaluation des données et de leurs valeurs - et de réorienter les ressources pour garantir que toutes les femmes atteintes d'un cancer du sein reçoivent le meilleur et le plus équitable des traitements possibles.
2.Gøtzsche PC, Jørgensen KJ. Screening for breast cancer with mammography. Cochrane Database Syst Rev 2013;2013(6):CD001877-CD001877.
3.Kramer BS, Elmore JG. Projecting the benefits and harms of mammography using statistical models: proof or proofiness? J Natl Cancer Inst 2015;107(7):djv145-djv145.
4.Schwartz LM, Woloshin S, Fowler FJ Jr, Welch HG. Enthusiasm for cancer screening in the United States. JAMA 2004;291:71-78.
5.Hayse B, Hooley RJ, Killelea BK, Horowitz NR, Chagpar AB, Lannin DR. Breast cancer biology varies by method of detection and may contribute to overdiagnosis. Surgery 2016;160:454-462.
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"Hello Last March 2022 at 53 I was diagnosed with high grade DCIS and offered mastectomy with sentinel node biopsy . After realising the controversy around breast screening and DCIS after diagnosis and having a particularly bad time with health professionals I declined. This has been a particularly hard time and I cannot know for certain if it is the right decision. There was an easily missable link to information about the benefits and risks of screening on the letter of invitation that I did not notice and was never alerted to and as such I feel I did not give ‘informed consent, This completely avoidable event has been devastating and at times the pain is almost insurmountable . I do not know anyone who is living with the uncertainty of this, and would appreciate words of comfort or at least an appreciation of the dilemma I am faced with . How can it be ethical to diagnose someone with a disease where the natural history is unknown and pressure ( bully) them into treatment that they do not want . This needs to stop . If my experience can be helpful in that aim please let me know . . This process has left me feeling assaulted by the NHS . Kind Regards Pauline A."
"En mars 2022, à 53 ans, j’ai reçu un diagnostic de CIS (carcinome in situ) de haut grade et on m’a proposé une mastectomie avec biopsie du ganglion sentinelle. Après avoir pris conscience de la controverse entourant le dépistage du cancer du sein et le CIS, après le diagnostic et après avoir passé un moment particulièrement difficile avec les professionnels de la santé, j’ai refusé. Cela a été une période particulièrement difficile et je ne peux pas savoir avec certitude si c’est la bonne décision. Dans la lettre d’invitation il y avait un lien qu'on pouvait facilement rater, vers des renseignements sur les bénéfices et les risques du dépistage, que je n’ai pas remarqué et dont je n’ai jamais été alertée. J’ai donc l’impression de ne pas avoir donné un « consentement éclairé ». Cet événement tout à fait évitable a été dévastateur et, parfois, la douleur est presque insurmontable. Je ne connais personne qui vive dans l’incertitude de cette situation et j'apprécierais des paroles de réconfort ou du moins une appréciation du dilemme auquel je suis confronté. Comment cela peut-il être éthique de diagnostiquer quelqu’un avec une maladie où l’histoire naturelle est inconnue et le forcer à subir un traitement dont il ne veut pas. Si mon expérience peut être utile dans ce but, veuillez me le faire savoir [...] Ce processus m’a laissée dans un sentiment d'être agressée par le NHS*." *NHS : système de la santé publique du Royaume-Uni
La patiente britannique nous a fourni la lettre d'invitation envoyée aux patientes éligibles au dépistage du cancer du sein.
Cette lettre d'invitation a une particularité que les documents de convocation français n'ont pas, à savoir elle utilise une méthode d'influence appelée 'opt-out', qui consiste à attribuer aux citoyens un rendez-vous fixé à l'avance au moment de l'invitation. Si la personne ne souhaite pas participer elle doit se désengager activement. On considère de facto le non-refus du patient comme acceptation de participer.En France nous ne connaissons pas ce système de prise de rendez-vous imposé, en revanche le système de relance est largement utilisé si une patiente ne se présente pas au rendez-vous de mammographie de dépistage (relances par courriers et parfois sms).
Une étude universitaire a été consacrée aux méthodes d'influence utilisées sur les femmes et l'institut national du cancer français épinglé pour présentation trompeuse des statistiques et représentation déséquilibrée des dommages par rapport aux bénéfices.
Concernant spécifiquement la thématique des carcinomes in situ, il y a un site dédié très instructif pour les femmes atteintes de CIS, tenu par Donna Pinto, accessible en français avec la traduction automatique. https://dcis411.com/author/dp4peace/
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Traduction et restitution par Cancer Rose, 31 août 2023
La distinction entre vraie prévention et détection précoce doit être faite pour que le public comprenne que la détection précoce ne diminue pas le risque de cancer mais au contraire l'augmente. Les grands espoirs que le diagnostic précoce du cancer au moyen du dépistage prolonge l'espérance de vie sont de plus en plus controversés. Les auteurs proposent que les conflits d'intérêts de toutes les parties prenantes soient divulgués de manière aussi rigoureuse au sein des groupes soutenant le dépistage du cancer que dans d'autres domaines de la recherche médicale et de la publication scientifique.
Des auteurs suédois et norvégiens publient un article concernant l'avenir du dépistage des cancers en recommandant que ce futur soit guidé par l'absence de conflits d'intérêts des parties prenantes.
The Future of Cancer Screening—Guided Without Conflicts of Interest
1Clinical Effectiveness Research Group, Institute of Health and Society, University of Oslo, Oslo, Norway
2Department of Medical Epidemiology and Biostatistics, Karolinska Institutet, Stockholm, Sweden
"Les grands espoirs que le diagnostic précoce du cancer au moyen du dépistage prolonge l'espérance de vie sont de plus en plus controversés.1 Presque tous les essais n'incluent pas la mortalité toutes causes confondues comme critère d'évaluation, et encore moins comme critère d'évaluation principal, ce qui empêche de tirer des conclusions sur l'allongement de l'espérance de vie.2,3 Après l'enthousiasme suscité par le dépistage du cancer entre les années 1970 et le début des années 2000, la prise de conscience de l'incertitude des bénéfices, l'inquiétude croissante concernant le surdiagnostic et la reconnaissance des préjudices causés par les tests de dépistage faussement positifs et le poids des procédures diagnostiques et thérapeutiques en aval ont fait du dépistage du cancer un domaine polarisé de la médecine contemporaine.4 Il est difficile, voire impossible, de supprimer progressivement les programmes de dépistage, même lorsque la recherche n'a pas permis de mettre en évidence des bénéfices significatifs. Nous pensons que les discussions transparentes et fondées sur des données probantes concernant les tests de dépistage du cancer, avec un équilibre délicat entre les avantages et les inconvénients, sont devenues une menace pour les parties prenantes les plus puissantes."
Dépistage du cancer : Concepts et effets
..... "Le dépistage par détection précoce ne peut pas réduire le risque d'être atteint d'un cancer, ce qui est une idée fausse très répandue. Ces dernières années, nous avons appris que le dépistage précoce augmentait en fait le risque de cancer. C'est ce qu'on appelle le surdiagnostic. Les personnes surdiagnostiquées sont traitées sans bénéfice, mais sont affectées par tous les préjudices potentiels."
Prévention et détection précoce, pas la même chose
Il faut différencier deux concepts distincts : la détection précoce et la prévention du cancer. Les tests de détection précoce (comme la mammographie pour le cancer du sein ou le dosage de l'antigène prostatique spécifique [PSA] pour le cancer de la prostate) détectent le cancer à un stade précoce avec l'objectif de réduire le nombre de décès dus au cancer. Ils augmentent donc le nombre de nouveau cas de cancers (l'incidence), mais pas le risque d'être atteint d'un cancer, et notamment pas le risque d'un cancer grave. Parmi ces nouveaux cas diagnostiqués grâce à une détection régulièrement renouvelée, on sur-détecte aussi des lésions inutiles à détecter, qui n'auraient jamais tué. Dans l'augmentation des nouveaux cas détectés (dans les taux d'incidence donc) se cache une importante partie de cas de surdiagnostics. C'est pour cela qu'avec ces dépistage fonctionnant sur la détection précoce on assiste non pas à moins de cas mais au contraire à une inflation de lésions découvertes, dont une grande partie de lésions surdiagnostiquées, sans obtenir toutefois de drastique diminution de la mortalité qu'on espérait, en grande partie parce que les formes graves des cancers échappent au dépistage et ne sont pas trouvées suffisamment tôt du fait de leur vélocité et agressivité.
A l'inverse la prévention, c'est à dire le fait d'empêcher, en amont, la survenue de cancers, diminuera l'incidence ainsi que la mortalité. Par exemple ne pas fumer correspond à une véritable prévention du cancer du poumon, à un moindre risque de cancer broncho-pulmonaire, ce qui conduira à produire moins de cancers dans la population et à voir un taux de mortalité moindre. Pour le dépistage du cancer du col de l'utérus, on est en face d'un vrai dépistage préventif qui réduit lui aussi à la fois l'incidence du cancer (les nouveaux cas) et la mortalité spécifique par cancer du col, en détectant et éliminant des lésions qui sont précurseurs de ce cancer.
Les auteurs écrivent :
"À l'instar de la prévention primaire par des changements de mode de vie, tels que l'arrêt du tabac et une alimentation saine, les tests de 'dépistage préventif' présentent un attrait évident par rapport aux tests de détection précoce ; la plupart des gens choisiraient probablement un test de dépistage qui prévient le cancer dès le départ plutôt qu'un test où ils auront quand même le cancer sans toutefois mourir de ce cancer. De nombreuses parties prenantes font la promotion des deux concepts sans expliquer les différences et leurs implications. Cela a pu conduire à des malentendus et à des attentes irréalistes chez les patients et les décideurs."
Les parties prenantes
Le corps médical
"Les personnes qui sont invitées à participer à des programmes de dépistage ou qui en voient la publicité supposent probablement que ces programmes bénéficient du soutien de la profession médicale, sur la base d'une évaluation approfondie qui a démontré que les bénéfices l'emportent indubitablement sur les préjudices et les inconvénients, et qu'ils "sauvent des vies". Cependant, cette hypothèse est malheureusement erronée. Étonnamment, sur les deux principaux programmes de dépistage précoce disponibles, seule la mise en œuvre du dépistage par mammographie a été précédée d'essais randomisés de soutien portant sur la mortalité par cancer du sein.5 En revanche, à la fin des années 1980, les professionnels de la santé ont commencé à promouvoir le test du PSA, avant que les conditions préalables fondamentales à l'évaluation du dépistage du cancer (déjà établies en 19686) n'aient été remplies pour le dépistage du PSA ; la performance du test de dépistage, l'histoire naturelle des lésions détectées et les avantages d'un traitement radical étaient largement inconnus.
Quelques décennies plus tard, des essais randomisés ont montré que le test du PSA n'avait qu'un faible effet bénéfique sur la réduction du nombre de décès dus au cancer de la prostate et que le surdiagnostic et le surtraitement du cancer de la prostate étaient importants.7 Pourtant, dans de nombreux pays, les médecins continuent de prescrire le dépistage du PSA.
Nous avons récemment publié les résultats du premier essai clinique randomisé (à notre connaissance) sur le dépistage du cancer colorectal par coloscopie.8 L'essai a indiqué une réduction de l'incidence du cancer colorectal d'environ 20 %, mais le dépistage n'a pas réduit la mortalité par cancer colorectal dans les analyses en intention de traiter. Ces résultats ont été moins remarquables que ce qu'attendaient certains leaders d'opinion. Leurs commentaires étaient émotionnels, reflétant peut-être le fait que les gastro-entérologues font partie des spécialités médicales les mieux payées aux États-Unis, principalement en raison de la mise en œuvre du dépistage par coloscopie."
Représentants des patients
"Les représentants des patients sont des lobbyistes convaincants qui apportent leur contribution aux décideurs, aux organismes de réglementation, aux cliniciens, aux journalistes et aux chercheurs. Ils s'opposent avec passion à l'abandon du dépistage du cancer et promeuvent des plans visant à étendre le dépistage à des groupes d'âge plus jeunes ou plus âgés, ou à augmenter la fréquence des dépistages. Bien que ces activités partent d'une bonne intention, elles peuvent s'avérer malavisées. La théorie selon laquelle la détection précoce du cancer est bénéfique est compliquée et n'est pas facile à comprendre pour les profanes. Bien que tout le monde connaisse les avantages d'un diagnostic précoce du cancer, cette expérience ne nous apprend pas grand-chose sur les bénéfices - et encore moins sur les préjudices - des tests de dépistage, tels qu'ils sont décrits ci-dessus.
Les défenseurs des patients se composent généralement d'un groupe sélectionné de survivants du cancer relativement sains - avec probablement une surreprésentation de patients surdiagnostiqués avec une maladie non mortelle qui se considèrent comme sauvés alors qu'ils ont en fait été lésés par le dépistage, un concept appelé le paradoxe de la popularité."
NDLR : le paradoxe du dépistage issu du livre "mammo ou pas mammo?" aux ed.T.Souccar, page 78
"Aux États-Unis, des estimations récentes indiquent que 1,5 à 1,9 million d'hommes ont été surdiagnostiqués avec un cancer de la prostate précoce - des patients qui ne peuvent tirer aucun bénéfice du dépistage mais qui pensent avoir évité la mort à cause du cancer de la prostate."
Organisations de lutte contre le cancer
"Les organismes de lutte contre le cancer et les organisations caritatives dépendent des campagnes pour obtenir des dons. Pour réussir, elles doivent rester visibles et apparaître pertinentes, positives et engagées. Dans cette optique, les sociétés de lutte contre le cancer promeuvent souvent le dépistage du cancer. Les préjudices dus à la stigmatisation psychologique du diagnostic, au surdiagnostic ou aux effets indésirables du traitement sont moins susceptibles d'être évoqués. Nous n'avons pas connaissance d'initiatives de la part des organisations de lutte contre le cancer visant à promouvoir la réduction ou l'abandon des programmes de dépistage du cancer qui se sont avérés peu ou pas bénéfiques. Les organisations de lutte contre le cancer contribuent donc à la poursuite du dépistage du cancer."
Les hommes politiques
"Les hommes politiques, les décideurs et les experts qui les conseillent doivent agir au milieu d'une tempête de lobbyistes. Ils doivent établir des priorités entre les innombrables possibilités d'améliorer la santé publique et un système de soins de santé surchargé. Ils doivent comparer les bénéfices à court terme et à long terme : le dépistage du cancer sauverait-il plus de vies à court terme que, par exemple, l'application de mesures antitabac ou la promotion d'un mode de vie sain ? Il est difficile d'imaginer qu'un homme politique s'attirerait davantage de voix lors des prochaines élections en proposant d'abandonner les programmes de dépistage du cancer en cours, perçus comme des services bénéfiques pour leurs électeurs ; il est plus intéressant de proposer de nouveaux programmes de dépistage. C'est pourquoi nous n'avons jamais entendu parler d'une campagne politique contre un test de dépistage du cancer."
Le personnel
"Les programmes de dépistage en cours consomment d'énormes ressources, financières et humaines. Aux États-Unis, les dépenses liées au dépistage du cancer s'élèvent à 40 à 80 milliards de dollars par an, employant des dizaines de milliers de professionnels de la santé et d'associés. Nous supposons qu'ils ne choisiraient guère cet emploi sans être optimistes quant aux avantages qu'ils en tireront. La menace de les mettre au chômage en abandonnant le programme susciterait probablement des protestations, notamment de la part de ceux qui participent au diagnostic, au traitement, à la réadaptation et à la surveillance à long terme après le dépistage."
Les solutions
"Un paradoxe fondamental prévaut dans la médecine du 21e siècle. Les traitements pharmaceutiques, les vaccins ou les dispositifs médicaux invasifs doivent généralement faire l'objet d'une évaluation des bénéfices et des risques dans le cadre d'essais cliniques randomisés avant de faire l'objet de recommandations et d'une mise en œuvre systématique. Même des preuves provisoires de nocivité peuvent entraîner le retrait du marché. En revanche, le dépistage du cancer - qui inclut désormais de nouveaux tests de détection précoce des cancers multiples - peut être mis en œuvre sous la forme d'expériences humaines à grande échelle avant que l'on dispose d'informations de base sur les performances des tests, leurs avantages, leurs inconvénients et leur rapport coût-efficacité.9 Tous les acteurs mentionnés ci-dessus ont des conflits d'intérêts financiers et autres qui plaident en faveur de la poursuite du dépistage du cancer, malgré le peu d'éléments permettant de déterminer si les bénéfices l'emportent sur les risques. Nous proposons que les conflits d'intérêts soient divulgués de manière aussi rigoureuse au sein des groupes soutenant le dépistage du cancer que dans d'autres domaines de la recherche médicale et de la publication scientifique.
Pour éviter les dommages et augmenter les bénéfices, nous pensons que les représentants des soins de santé et les experts doivent être honnêtes, transparents et impartiaux sur les bénéfices et les risques du dépistage, exprimés d'une manière qui permette une réelle prise de décision partagée. Pour les décideurs et les payeurs qui décident si un test de dépistage doit être remboursé ou si un programme de dépistage doit être mis en place, les coûts marginaux comparés aux bénéfices et aux risques marginaux, en chiffres absolus, sont une condition préalable à une prise de décision éclairée.
Les lignes directrices relatives au dépistage du cancer sont souvent élaborées par des professionnels du dépistage, des organisations de dépistage et des représentants des patients, qui ont des intérêts particuliers. Nous proposons que les lignes directrices en matière de dépistage n'autorisent pas les personnes ou les organisations ayant des intérêts cliniques, financiers ou intellectuels à jouer un rôle de premier plan dans l'élaboration des lignes directrices. Cela permettrait d'améliorer la qualité et la fiabilité des recommandations. Une récente ligne directrice sur le dépistage du cancer colorectal respectant ces normes a donné lieu à des recommandations moins enthousiastes en matière de dépistage, mais a été ignorée par de nombreux professionnels de la santé impliqués dans les programmes de dépistage et par les sociétés de dépistage.10
Les taux de participation au dépistage* ne doivent plus être utilisés comme un indicateur de qualité ou pour contrôler les performances des médecins ou des programmes. Les professionnels de la santé, les représentants des patients et les sociétés de lutte contre le cancer devraient suivre cette voie en plaidant pour une information transparente sur les bénéfices et les risques plutôt que pour une promotion non critique du dépistage. Les décisions de reconsidérer les programmes en cours ou d'en lancer de nouveaux doivent être prises sans l'influence de parties prenantes ayant des intérêts particuliers."
Bretthauer M, Wieszczy P, Løberg M, et al. Estimated lifetime gained with cancer screening tests. JAMA Intern Med. Published online August 28, 2023. doi:10.1001/jamainternmed.2023.3798 ArticleGoogle Scholar
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Michael Bretthauer, MD, PhD; Paulina Wieszczy, MSc, PhD; Magnus Løberg, MD, PhDet alMichal F. Kaminski, MD, PhD; Tarjei Fiskergård Werner, MSc; Lise M. Helsingen, MD, PhD; Yuichi Mori, MD, PhD; Øyvind Holme, MD, PhD; Hans-Olov Adami, MD, PhD; Mette Kalager, MD, PhD Author Affiliations Article Information JAMA Intern Med. Published online August 28, 2023. doi:10.1001/jamainternmed.2023.3798
Il s'agit d'une revue systématique et méta-analyse publiée par des auteurs de l'Institute of Health and Society de l'University d'Oslo (Norvège), examinant 18 essais cliniques randomisés à long terme, cherchant à estimer la durée de vie 'gagnée' grâce au dépistage du cancer. Plusieurs tests de dépistage sont analysés : dépistage par mammographie du cancer du sein; coloscopie, sigmoïdoscopie, recherche de sang fécal pour le cancer colorectal; dépistage par tomodensitométrie du cancer du poumon chez les fumeurs et les anciens fumeurs; test d’antigène spécifique de la prostate (PSA) pour le cancer de la prostate.
L'étude implique 2,1 millions de personnes, plus exactement 721 718 hommes pour le dépistage par PSA, 614 431 hommes et femmes pour le dépistage par sigmoïdoscopie, 598 934 hommes et femmes pour la recherche de sang fécal tous les deux ans, 84 585 hommes et femmes pour le dépistage par coloscopie et 73 634 femmes pour le dépistage par mammographie ; un plus petit échantillon pour le dépistage annuel par recherche de sang fécal (30 964 hommes et femmes) et pour le dépistage par tomodensitométrie du cancer du poumon (20 505 hommes et femmes).
La revue porte sur des essais avec plus de 9 ans de suivi ( 10 à 15 de suivi en moyenne) rapportant la mortalité toutes causes confondues et l’espérance de vie acquise estimée pour 6 tests de dépistage du cancer couramment utilisés, en comparant 'dépistage' avec 'absence de dépistage'.
Le critère de jugement était la durée de vie dans les groupes 'dépistage' par rapport aux groupes 'sans dépistage' selon les données déclarées de la mortalité toutes causes confondues mais aussi de la mortalité spécifique par cancer. Autrement dit les années de vie "gagnées" par le dépistage ont été calculées comme étant la différence de durée de vie observée (en années/personnes) parmi les groupes 'dépistage' par rapport aux groupes 'sans dépistage'. L’analyse a porté sur la population générale. MEDLINE et les bases de données de la bibliothèque Cochrane ont constitué les bases de cette recherche. Il n'y a pas eu d'inclusion d'études observationnelles ni d'études de modélisation en raison des multiples biais possibles.
Points clés et résultats principaux :
Question : Les tests de dépistage du cancer sont promus pour sauver des vies, mais dans quelle mesure la vie est-elle réellement prolongée grâce aux tests de dépistage du cancer couramment utilisés?
Réponse : Les résultats de cette méta-analyse suggèrent que le dépistage du cancer colorectal par sigmoïdoscopie peut prolonger la vie d’environ 3 mois ; le gain de durée de vie pour les autres tests de dépistage semble peu probable ou incertain.
Figure 1
Dans cette figure 1, les flèches horizontales illustrent quatre personnes qui ont subi un dépistage. Flèches pointant vers la droite : 2 personnes qui ont bénéficié du dépistage vivent plus longtemps grâce à la détection précoce du cancer et à la guérison. Flèches pointant vers la gauche : 2 personnes qui ont subi un préjudice lié au dépistage et qui sont décédées plus tôt que celles qui n’ont pas subi de dépistage. Le cercle bleu indique l’effet du dépistage sur la longévité de la population, qui a été calculée comme étant la résultante de l'ensemble des bénéfices individuels moins l'ensemble des préjudices individuels. On voit que globalement il n'y a pas d'effet net de gain en durée de vie, ce que les dépistages promettaient lors de l'instauration des campagnes nationales.
Le gain de durée de vie
Les auteurs écrivent :
"Selon les risques relatifs observés pour la mortalité toutes causes confondues et le temps de suivi déclaré dans les essais, le seul test de dépistage qui a considérablement augmenté la longévité était la sigmoïdoscopie, de 110 jours (IC à 95 %, 0 à 274 jours) (tableau 2..)
Nous n’avons trouvé aucun résultat statistiquement significatif pour la longévité avec le dépistage par mammographie (0 jour; IC à 95 %, 190 à 237 jours) et le dépistage par recherche de sang fécal avec dépistage annuel ou bisannuel (0 jour; IC à 95 %, 70,7 à 70,7 jours). Le dépistage par coloscopie (37 jours de gain; IC à 95 %, 146 à 146 jours) et le dépistage par PSA (prostate) (37 jours; IC à 95 %, 37 à 73 jours) peuvent être associés à une longévité d’environ 5 semaines et le dépistage du cancer du poumon chez les fumeurs ou les anciens fumeurs à environ 3 mois (107 jours; IC à 95 %, 286 à 430 jours), mais ces estimations sont incertaines)."
Figure 2
A droite la durée de vie "gagnée" ; à gauche la durée de vie "perdue"
Figure 2 résume ces résultats- Les points en diamants indiquent des estimations ponctuelles des jours de vie gagnés ou perdus pour chaque test de dépistage. Les flèches gauche et droite indiquent l'intervalle de confiance de 95 %. CT signifie tomodensitométrie pour la recherche du cancer du poumon, FOBT (faecal occult blood test) correspond à la recherche de sang dans les selles, et le PSA est l'antigène prostatique spécifique.
Discussion
Les auteurs développent leurs constatations.
"Notre étude quantifie si l’utilisation de 6 tests de dépistage du cancer couramment utilisés est associée à la durée de vie. Un test (sigmoïdoscopie) a considérablement prolongé la vie et la longévité de 110 jours, bien que la limite inférieure de l’IC à 95 % s’étende à 0. Les tests fécaux et le dépistage par mammographie n’ont pas semblé prolonger la vie dans les essais, tandis que les estimations pour le dépistage du cancer de la prostate et du cancer du poumon sont incertaines.
Au cours des dernières décennies, des programmes organisés de dépistage du cancer ont été mis en place en Europe, au Canada, dans les îles du Pacifique et dans de nombreux pays d’Asie. Aux États-Unis, le dépistage du cancer est offert par de nombreux établissements et encouragé et remboursé par la plupart des payeurs de soins de santé. Plusieurs études se sont penchées sur l’association entre le dépistage et la mortalité toutes causes (6,28).Peu ont traduit leurs résultats en estimations pratiques et faciles à comprendre pour les professionnels de la santé et les particuliers sur la mesure dans laquelle le dépistage du cancer peut augmenter l’espérance de vie. Notre étude fournit ces estimations.
Même si nous n’avons pas observé de vie plus longue en général avec 5 des 6 tests de dépistage, certaines personnes prolongent leur vie en raison de ces tests de dépistage. Le cancer est prévenu ou détecté à un stade précoce, et les personnes survivent au dépistage et au traitement subséquent sans dommages ni complications. Sans dépistage, ces patients peuvent être morts du cancer parce qu’il aurait été détecté à un stade plus tardif et incurable. Ainsi, ces patients connaissent un gain dans la vie.
Cependant, d’autres personnes subissent une perte à vie en raison du dépistage.(35,36) Cette perte est causée par des préjudices associés au dépistage ou au traitement des cancers détectés par le dépistage, par exemple, en raison d’une perforation du côlon au cours d’une coloscopie ou d’un infarctus du myocarde après une prostatectomie radicale.(37,38)
Pour 5 des 6 tests de dépistage étudiés ici, les résultats suggèrent que la plupart des individus n’auront aucun gain de longévité. Pour ceux dont la longévité a été altérée à cause du dépistage, la perte cumulative pour ceux qui sont lésés doit être compensée en durée par le gain cumulatif pour ceux qui en ont bénéficié, et montrer une durée de vie inchangée chez les personnes qui subissent le dépistage par rapport à ceux qui ne le font pas. ........ ........ Notre étude pourrait fournir des estimations faciles à comprendre concernant la prolongation de la vie attribuable au dépistage, estimations qui pourraient être utilisées dans la prise de décision partagée avec les personnes qui envisagent de passer un test de dépistage. Nos estimations peuvent également servir à prioriser les initiatives de santé publique par rapport à d’autres mesures préventives, comme le traitement de l’obésité ou la prévention des maladies cardiovasculaires.(28)
Le manque de longévité accrue par dépistage peut également se produire en raison de causes concurrentes de décès. Bon nombre des cancers que nous dépistons partagent des facteurs de risque avec des causes de décès plus répandues, comme les maladies cardiovasculaires et métaboliques. L’absence d’une augmentation significative de la longévité par dépistage du cancer peut donc être due à la mort par causes concurrentes en même temps qu’un patient qui serait mort du cancer sans dépistage. Un déplacement de la mortalité du cancer vers d’autres causes de décès sans allongement de la durée de vie est donc plausible.
En raison de la stigmatisation et du fardeau psychologique, un diagnostic de cancer peut également causer des décès non spécifiques au cancer, dus au suicide, aux maladies cardiovasculaires et aux accidents.(41,42) De plus, une surveillance accrue après le dépistage du cancer peut augmenter le risque d’autres maladies accidentelles, qui n’auraient pas été détectés sans dépistage.(43)
L’adhésion à plus d’un seul test de dépistage peut potentiellement augmenter la longévité. La seule étude disponible ne suggère pas qu’il y ait un effet additif du dépistage de plus d’un cancer. ...."
Une autre préoccupation abordée par les auteurs est celle de la qualité de vie après cancer.
" En plus de la durée de vie acquise ou perdue avec le dépistage, la qualité de vie est importante. Les années de vie ajustées en fonction de la qualité (Quality-adjusted life-years ou QALYs) sont difficiles à mesurer et à interpréter, mais des analyses récentes des QALYs pour les estimations du dépistage par mammographie en Norvège suggèrent que le QALY net dans le dépistage par mammographie moderne en Norvège pourrait être négatif.(29)"
Conclusions et pertinence de l'étude :
Les résultats de cette méta-analyse suggèrent que les données actuelles ne corroborent pas l’affirmation selon laquelle les tests de dépistage du cancer sauvent des vies en prolongeant la durée de vie, sauf peut-être pour le dépistage du cancer colorectal par sigmoïdoscopie.
Tableau 2
Détail des essais randomisés inclus, comparaison 'dépistage/sans dépistage' des décès par le cancer spécifique et des décès toutes causes confondues, résultat illustré dans la figure 2-Cliquez sur l'image
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Lutter contre le surdiagnostic créera des soins de santé plus durables pour les populations et la planète
Il nous faut prendre conscience que l'usage de tests de diagnostics et de dépistages excessifs conduit à la surmédicalisation et au surtraitement dans de nombreuses maladies, ce qui peut nuire aux patients, épuiser les ressources de soins de santé et nuire également à la planète.
Les auteurs* de ce billet publié dans le BMJ alertent pour une prise de conscience par le public et les législateurs pour la lutte contre le surdiagnostic.
De nombreux systèmes de soins de santé dans plusieurs pays font face à des crises de demandes abusives, à une augmentation constante des maladies chroniques, à des coûts croissants et sont confrontés à un déficit de main-d’œuvre médicale qui menacent leur fonctionnement.
Une partie de l’augmentation de la prévalence (c'est à dire une augmentation du nombre de nouveaux cas et de cas existants) de « maladie » est due au surdiagnostic. Lire ici : https://cancer-rose.fr/2021/10/23/quest-ce-quun-surdiagnostic/ Et : https://cancer-rose.fr/2023/01/09/le-surdiagnostic-des-cancers-un-defi-a-lere-du-depistage/ On estime que 30 % des soins médicaux sont de faible valeur ou gaspillent des ressources de santé. On estime que le secteur de la santé est responsable de plus de 5 % des émissions de gaz à effet de serre dans les pays industrialisés, ce qui est une autre façon dont les soins de faible valeur menacent la santé.
La flambée des coûts des soins de santé et le fardeau des traitements déraisonnables pour les patients, liés à l ’épuisement professionnel du personnel de santé et les dommages pour la planète doivent nous conduire à plus de réflexion et de discussion sur les ressources financières, humaines, sociétales et planétaires limitées disponibles et sur une meilleure répartition des ressources existantes.
Les auteurs écrivent : "Les crises actuelles dans la prestation des soins de santé sont exacerbées par le vieillissement de la population et la multimorbidité associée. Les décideurs politiques, les politiciens et le public doivent comprendre comment même les efforts bien intentionnés pour fournir des soins de santé plus nombreux et de meilleure qualité amplifient et renforcent inévitablement ces crises par le surdiagnostic, la surmédicalisation et le surtraitement,"
L'enjeu d'une meilleure médecine se porte surtout sur la perinence des soins prodigués à la population.
Contrôle des soins de santé en excès
La réduction du surdiagnostic est une première étape essentielle pour contrôler l’excès de soins de santé. Pour ce faire, disent les auteurs, la santé publique est la mieux placée pour revoir les programmes de dépistages dont plusieurs ne fonctionnent pas, ne sont plus recommandés ou deviennent obsolète de par le fait que les traitements contre la maladie sont plus efficaces que de dépister tout une population saine au risque de l'exposer à de la surmédicalisation.
De plus, ajoutent-ils, le concept de surdiagnostic devrait être enseigné dans le cadre de soins de santé fondés sur des données probantes dès les premiers stades de la formation médicale. Des ressources éducatives sur le surdiagnostic, sur l'utilisation de données probantes et la pensée critique devraient également être offertes aux législateurs, aux décideurs politiques ainsi qu’aux patients et au public. Il faut communiquer plus largement sur l’ampleur du surdiagnostic, en illustrer le coût humain, par exemple, proposent les rédacteurs de cet article, en mettant des visages et des histoires individuels sur des concepts et des données abstraits.
Les programmes de dépistage établis devraient être réévalués à la suite du développement d'une prévention primaire efficace, et en raison, comme nous le disions plus haut, de la disponibilité de meilleurs traitements pour les maladies symptomatiques.
Par exemple, à mesure que la prévalence du tabagisme diminue, l’incidence du cancer du poumon diminue. Ceci a des répercussions sur la balance entre bénéfices et risques liés au programme de dépistage du cancer du poumon, dont la pertinence est à revoir, ou les populations ciblées.
En conclusion
"Notre culture médicale mondiale a conduit à des tests de diagnostic excessifs, à la surmédicalisation et au surtraitement dans de nombreuses maladies qui peuvent nuire aux patients, épuiser les ressources de soins de santé et nuire à la planète. Nous en appelons aux autorités locales, aux décideurs nationaux et internationaux pour prendre conscience de ces problèmes et prendre des mesures urgentes pour les résoudre. Ce n’est qu’alors que nous pourrons espérer créer des soins de santé plus durables à l’avenir."
for the Scientific Committee of the Preventing Overdiagnosis Conference
1Institute of General Practice, Universitätsklinikum Erlangen, Germany
. 2The BMJ, London, United Kingdom
3The Lisa Schwartz Foundation for Truth in Medicine Norwich, VT/USA
4Global Center for Sustainable Healthcare, Gothenburg, Sweden
. 5Dartmouth Institute for Health Policy and Clinical Practice, Lebanon, NH/USA
. 6Sydney Health Literacy Lab, Wiser Healthcare, Faculty of Medicine and Health, School of Public Health, The University of Sydney, Sydney, NSW, Australia
7Centre of Research & Education in General Practice, Department of Public Health, Faculty of Health Sciences, University of Copenhagen; Primary Health Care Research Unit, Region Zealand and Research Unit for General Practice, Department of Community Medicine, Faculty of Health Sciences, UiT The Arctic University of Norway, Tromsø Odense University Hospital Odense, Denmark and Cochrane Collaboration, Oxford, United Kingdom
. 8Wiser Healthcare, Faculty of Medicine and Health, School of Public Health, The University of Sydney, Sydney, NSW, Australia
9Herrestads Healthcare Centre, Närhälsan, Denmark; Global Center for Sustainable Healthcare, Gothenburg Denmark; University, FoUUI Fyrbodal, Cochrane Sweden
10Centre of Research & Education in General Practice, Department of Public Health, Faculty of Health Sciences, University of Copenhagen; Primary Health Care Research Unit, Region Zealand, Denmark
11Institut and Polyclinic of General Practice, Universitätsklinikum Hamburg Eppendorf, Hamburg, Germany
12Preventing Overdiagnosis Conference.
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Selon cette étude de cohorte réalisée sur 54 635 femmes âgées de 70 à 85 ans et plus, aucune réduction significative de mortalité par cancer du sein n'a pu être mise en évidence. En revanche le pourcentage estimé de surdiagnostic variait entre 31% et 54%, avec une augmentation de cette proportion l'âge avançant. D'autres études antérieures mettaient déjà fortement en doute l'intérêt du dépistage chez les femmes âgées, et l'effet délétère des traitements lourds sur ces organismes fragilisés et à prendre d'autant plus en compte.
Selon cette étude de cohorte réalisée sur 54 635 femmes de 70 ans à 74 ans, de 75 à 84 ans et de plus de 85 ans, aucune réduction significative de mortalité par cancer du sein n'a pu être mise en évidence. En revanche le pourcentage estimé de surdiagnostic varierait entre 31% et 54%, avec une augmentation de cette proportion plus l'âge avance.
Ces résultats rejoignent ceux d'une étude antérieure, de 2014, d'universitaires de Leyden, Pays Bas. Selon les auteurs, après 70 ans, le dépistage organisé du cancer du sein serait inutile. En effet, à cet âge, la pratique du dépistage n'améliore pas de façon significative la détection des cancers aux stades avancés mais fait en revanche bondir le nombre de surdiagnostics et donc de surtraitements.
Aux Pays-Bas, le dépistage du cancer du sein est proposé aux femmes jusqu'à 75 ans depuis la fin des années 1990. «Pourtant, rien ne prouve que le dépistage chez les femmes plus âgées est efficace », expliquent les auteurs de l'étude, mentionnant aussi le fait que peu d'essais aient été réalisés spécifiquement sur ces groupes d'âge. Pour les chercheurs néerlandais, le dépistage systématique après 70 ans entraînerait surtout la détection et donc les traitements de lésions qui n'auraient pas évolué en maladie durant la vie des patientes.
Ces traitements inutiles entraînent un impact sur la santé trop important, et une co-morbidité trop lourde chez ces personnes âgées, qui supportent moins bien les effets secondaires des traitements, chirurgicaux, des radiothérapies et des chimiothérapies.
Les auteurs de l'étude américaine ici posent également la question de savoir si les bénéfices sont vraiment suffisamment importants, et qui ils concernent réellement pour contrebalancer les effets néfastes des surdiagnostics. Cette question reste en suspens.
Les auteurs relatent les résultats d'une étude portant sur l'efficacité de techniques numériques assistées par ordinateur pour aider le radiologue à détecter des zones suspectes. Cette vaste étude de 2013, donnait, chez les femmes âgées de 65 à 84 ans, des résultats mitigés : la technologie a détecté certains cancers au stade précoce mais n’a pas augmenté la détection en général et a conduit à davantage de faux-positifs. Il n'est pas certain que la santé des femmes âgées se soit améliorée grâce à cette technologie. FentonJJ,XingG,ElmoreJG,etal.Short-term outcomes of screening mammography using computer-aided detection: a population-based study of Medicare enrollees. Ann Intern Med. 2013; 158(8):580-587. doi:10.7326/0003-4819-158-8- 201304160-00002
Des doutes d'efficacité existent aussi pour l'utilisation de la tomosynthèse chez les femmes âgées, et l'article suggère que bien que les nouvelles technologies de dépistage du cancer du sein aient largement supplanté la mammographie analogique sur film, il est difficile de savoir si ces avancées ont réellement amélioré la santé des femmes en particulier chez celles de 75 ans et plus.
En conclusion
Il est, une fois de plus, démontré que le dépistage du cancer du sein dans les tranches d'âge au-delà de 74 ans est associé à une plus grande incidence du cancer du sein, ce qui suggère un surdiagnostic augmentant en fréquence avec l'âge. Les méfaits du surdiagnostic ne semblent pas équilibrés par des bénéfices en termes de diminution des formes avancées de cancer.
Il convient de ce fait de rester très prudent et le moins intrusif possible chez ces patientes dont le système immunitaire est affaibli. Tous les organes s'épuisent et fonctionnent moins bien avec l'âge, les facultés de cicatrisation, de régénération tissulaire sont moindres, tout cela est en prendre en compte dans l'administration des traitements lourds, comportant eux-mêmes des risques et des complications, pouvant être fatals au grand âge..
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Asia Friedman est professeur agrégé de sociologie à l’Université du Delaware et auteur du livre « Mammography Wars : Analyzing Attention in Cultural and Medical Disputes » (Rutgers).
Les nouvelles lignes directrices sur le dépistage du cancer du sein émises par le groupe de travail américain sur les services préventifs (United States Preventive Services Task Force) paraissent mettre fin à un débat qui dure depuis des décennies sur la date à laquelle les femmes doivent commencer à passer des mammographies. L'agence recommande désormais de commencer à 40 ans*, annulant ainsi la recommandation de 50 ans qui était en vigueur depuis 2009. Ce changement l'aligne sur d'autres organisations d'experts telles que l'American College of Radiology (bien que les deux diffèrent encore sur la question de savoir si les femmes devraient subir une mammographie tous les ans ou tous les deux ans).
Malgré ce nouveau consensus apparent, la "guerre des mammographies" n'est pas terminée.
La mammographie a beau être pratiquée 40 millions de fois par an aux États-Unis, elle reste l'un des sujets les plus controversés de la médecine. Hormis la récente convergence sur les lignes directrices relatives à l'âge, les experts restent divisés sur la meilleure façon de définir et de mesurer les bénéfices et les risques de la mammographie, et en plus sur la validité de l'idée même de détection précoce.
Ce n'est pas parce que nous ne disposons pas de suffisamment de données. Aucun dépistage médical - en fait, peut-être aucune autre condition médicale - n'a été plus examiné que la mammographie.
Deux schémas de pensée différents
Au contraire, comme le suggère ma recherche, deux partis interprètent les données existantes selon des critères de signification différents. Sur la base de dizaines d'entretiens avec des scientifiques, des médecins et des patientes, j'identifie deux schémas de pensée dominants au cœur des conflits sur la mammographie : l'interventionnisme et le scepticisme.
En bref, les interventionnistes croient fermement aux bénéfices de la détection précoce et minimisent tout préjudice possible du dépistage. Ils critiquent donc tout effort visant à retarder l'âge recommandé pour les mammographies ou à réduire la fréquence du dépistage.
Les sceptiques sont moins confiants dans l'efficacité du dépistage par mammographie et accordent plus d'importance aux préjudices du dépistage, qu'ils définissent d'ailleurs de manière plus large que les interventionnistes. Ils préconisent donc généralement de retarder l'initiation et de ralentir la fréquence des mammographies pour limiter ces risques.
Fondamentalement, les perspectives différentes des sceptiques et des interventionnistes dépendent de leur conviction que la détection précoce présente des bénéfices incontestables. La détection précoce est devenue une logique culturelle par défaut, en grande partie en raison des messages de santé publique de longue date qui insistent sur les bénéfices d'un diagnostic précoce pour de nombreuses maladies.
Les médecins sceptiques et les chercheurs en cancérologie remettent en question ce discours dominant sur les bénéfices de la détection précoce. Comme l'a déclaré un oncologue, "pendant des décennies, le message a été : 'L'outil le plus important est la mammographie', 'La mammographie sauve des vies', et il a donc été ... condensé en quelques mots ... qui ne laissent aucune place à l'incertitude quant aux bénéfices et ne mentionnent même pas les préjudices". Les sceptiques mettent en avant toute une série de préjudices potentiels liés au dépistage. Certains experts disent même que le dépistage déclenche une "cascade de préjudices".
Quels préjudices ?
Les préjudices les plus courants de la mammographie sont le stress et l'anxiété associés à des dépistages répétés en raison de résultats ambigus ou faussement positifs. "Nous essayons de trouver autant de cancers que possible", a déclaré un médecin de premier recours et chercheur en médecine, "et c'est la porte ouverte à un grand nombre de fausses alertes". On m'a également dit : "Je pense que nous avons pratiquement fait de la peur du cancer du sein un rite de passage pour les femmes américaines d'âge moyen".
Les estimations du taux de mammographies faussement positives varient, mais un article paru en 2020 dans Ethnicity & Health faisait état d'un risque de 20 à 65 % de recevoir un résultat faux-positif au cours de la vie, et un article paru en 2004 dans le Journal of the American Medical Association indiquait que 35 % des participantes avaient eu au moins une mammographie faussement positive. Parmi les patientes que j'ai interrogées, près des trois quarts avaient été rappelées au moins une fois pour un dépistage ou un test supplémentaire. Pour certaines, un nouveau dépistage a lieu à chaque fois qu'elles passent une mammographie, un processus qui peut prendre des mois.
Malgré cela, les interventionnistes ont tendance à rejeter l'idée que le dépistage peut être nuisible. Comme l'a expliqué le directeur d'un centre de lutte contre le cancer, "si vous aviez une balançoire à bascule et que d'un côté il y avait un bloc de béton de 100 livres, c'est le bénéfice. J'estime que les préjudices sont équivalents à une plume et c'est ce que j'empile de l'autre côté". Un radiologue m'a également dit que les critiques avaient "exagéré les aspects négatifs du dépistage". Il a qualifié les inconvénients du dépistage de minimes : "l'anxiété et le désagrément d'être rappelée" et : "ne sont certainement pas l'équivalent de mourir d'un cancer du sein".
Un inconvénient moins connu du dépistage qui préoccupe particulièrement les sceptiques de la mammographie est le surdiagnostic, c'est-à-dire les cancers révélés par le dépistage qui se développent lentement ou qui ne sont pas dangereux de manière imminente. Pourtant, lorsque de tels cancers sont détectés, ils sont presque toujours traités, ce qui, selon les sceptiques, est plus néfaste que bénéfique, compte tenu de leurs caractéristiques biologiques relativement bénignes.
Il est difficile de mesurer le surdiagnostic car les cancers surdiagnostiqués sont généralement traités et sont donc très rarement identifiables en tant qu'exemples de surdiagnostic au niveau du patient individuel. Néanmoins, de nombreux experts s'accordent à dire que le surdiagnostic est réel et démontrable au niveau de la population. "Il y a un consensus, au moins dans la communauté scientifique, sur le fait qu'il s'agit d'un problème et qu'il faut s'y intéresser", a déclaré un chercheur en médecine.
Du point de vue des sceptiques, le surdiagnostic représente un changement de paradigme actuellement en cours dans la façon de penser le cancer. Comme l'a décrit un chirurgien et spécialiste du cancer du sein, "il existe un mantra selon lequel l'un des meilleurs moyens d'améliorer la guérison du cancer est de le détecter à un stade précoce". La détection précoce est basée sur un "modèle conceptuel de la maladie qui est linéaire", a-t-il expliqué, et ne prend donc pas en compte le surdiagnostic.
Pourtant, s'inquiéter du surdiagnostic n'aide pas à traiter les patients individuellement, affirment les interventionnistes. Comme l'a dit un radiologue, "le problème avec le concept de surdiagnostic est que nous n'avons aucun moyen de savoir quel cancer diagnostiqué tuera ou non le patient". Par conséquent, ce concept est "juste théorique" et ne devrait pas être pris en compte dans la détection et le traitement du cancer. Les interventionnistes affirment également qu'il est plus urgent de se concentrer sur le risque de sous-diagnostic, ou de non-détection de la maladie d'un patient. Les faux positifs ne sont peut-être pas une expérience agréable, mais comme l'a dit un médecin de famille, "je pense que c'est une conséquence plus acceptable que la mort d'un plus grand nombre de femmes".
Désaccord inconciliable
Malgré des décennies de recherche, les interventionnistes et les sceptiques ne parviennent pas à se mettre d'accord sur la mammographie. La multiplication des données ne suffira pas à modifier les lignes de fracture fondamentales de ce désaccord, et les éternels débats sur l'opportunité de dépister les femmes d'une quarantaine d'années ne s'attaquent pas au cœur du conflit.
À moins d'une découverte scientifique révolutionnaire qui obligerait les deux partis à faire face aux limites de leurs opinions antérieures, notre meilleur espoir de sortir de cette impasse et de développer une nouvelle approche du dépistage réside dans un examen sociologique plus approfondi, sur la manière dont les croyances enracinées concernant la détection précoce et les bénéfices et préjudices du dépistage limitent la façon dont les experts, ainsi que nous-mêmes, sont capables de penser à propos de la mammographie.
Asia Friedman est professeur agrégé de sociologie à l'université du Delaware et auteur du livre "Mammography Wars : Analyzing Attention in Cultural and Medical Disputes" (Rutgers). (Les guerres de la mammographie/Analyser l'attention dans les conflits culturels et médicaux.)
A propos de ce livre
La mammographie est un examen médical de routine pratiqué quarante millions de fois chaque année aux États-Unis. Pourtant, elle reste l'un des sujets les plus controversés de la médecine, les organisations nationales de soins de santé soutenant des lignes directrices contradictoires. Dans Mammography Wars, la sociologue Asia Friedman examine les désaccords culturels et médicaux sur la mammographie. L'enjeu est de savoir s'il faut dépister les femmes de moins de cinquante ans, ce qui est enraciné dans des questions plus profondes sur la détection précoce et le développement supposé linéaire et progressif du cancer du sein. Sur la base d'entretiens avec des médecins et des scientifiques, d'entretiens avec des femmes âgées de 40 à 50 ans et de la couverture médiatique de la mammographie, Friedman utilise la sociologie de l'attention pour cartographier la structure cognitive des "guerres de la mammographie", offrant ainsi un aperçu de la nature enracinée des débats sur la mammographie, qui passe souvent inaperçue lorsque l'on applique un point de vue médical. L'analyse de Friedman suggère également le potentiel unique de la sociologie de l'attention pour analyser les conflits culturels au-delà de la mammographie, et même au-delà de la médecine.
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A partir d'un article du BMJ, paru le 16 juin 2023
Quel est mon risque, docteur ? Comment communiquer le risque de maladie et les effets du traitement
Michael Bretthauer, Mette Kalager, Clinical Effectiveness Research Group, Université d'Oslo, Norvège the bmj | BMJ 2023;381:e075289 | doi : 10.1136/bmj-2022-075289 https://www.bmj.com/content/381/bmj-2022-075289.full
Les auteurs introduisent l'article sur la base d'un exemple concret, qui servira pour illustrer leur propos :
Mme Olsen est une femme de 65 ans qui souffre d'hypercholestérolémie et d'hypertension. Son médecin lui dit qu'elle peut réduire son risque d'accident cardiovasculaire majeur de 50 % si elle prend une statine. "C'est génial", pense-t-elle, "50 % de réduction, c'est beaucoup !" Elle se sent alors contente et bien informée, et prévoit de prendre la statine.
Une fois rentrée chez elle, elle se souvient de sa récente conversation avec un concessionnaire automobile (elle avait vraiment besoin d'une nouvelle voiture). Il lui a dit que le prix d'une voiture qu'il avait en stock avait été réduit de 15 %. C'est peut-être une bonne affaire, pense-t-elle, et elle demande le prix de la voiture. Malheureusement, il était beaucoup trop élevé, même avec la réduction de 15 %. Elle a pensé que le concessionnaire n'avait pas été honnête puisqu'il ne lui avait pas annoncé le prix d'emblée, mais seulement la réduction.
Le risque de maladie et d'effets du traitement est exprimé de plusieurs manières : de façon relative ou absolue, en pourcentages, en risques ou en ratios de probabilité ("odds ratios"). Certaines sont plus informatives que d'autres, et les plus fréquemment utilisées sont souvent difficiles à comprendre. Cet article explique comment communiquer les bénéfices, les dommages et le fardeau des interventions aux patients et à la société de manière informative, et propose des conseils pour communiquer les risques absolus et relatifs en consultation avec les patients, les collègues et les décideurs politiques.
Ce qu'il faut savoir
- Les effets relatifs des traitements sont souvent évoqués dans les entretiens avec les patients, les revues scientifiques et les médias, mais, utilisés seuls pour guider la prise de décision, ils sont insuffisants et potentiellement trompeurs.
- Les effets absolus des traitements, associés au risque absolu de la maladie que l'on souhaite prévenir ou traiter, sont plus instructifs et doivent être utilisés dans ce cas.
- Les discussions concernant les seuils pour le risque absolu de maladie et les effets absolus du traitement sont importantes lors des rencontres avec les patients et ailleurs dans le système de soins de santé.
Mais quelle est la différence entre un risque absolu et un risque relatif ?
Nous ouvrons ici un chapitre afin de donner d'abord quelques définitions et un exemple concret pour comprendre la suite de l'exposé.
Risque absolu (RA) : nombre d’évènements survenus sur l'effectif global du groupe
Risque relatif (RR) : rapport entre le risque du groupe traité (intervention)/groupe de référence (ou témoin)
La réduction du risque relatif : se calcule par 1-RR
La réduction du risque relatif exprime le bénéfice, l’efficacité de l'intervention.
Appliquons cela dans un exemple concret :
On réalise un essai clinique sur un nouvel anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS), le groupe 1 est le groupe testé (ou groupe intervention) avec nouveau médicament. Le groupe 2 est le groupe de référence (ou témoin) avec l'ancien AINS.
Le risque absolu d'avoir un ulcère d'estomac avec le nouvel AINS est de 20 ulcères/300 personnes ; le risque absolu d’ulcère pour le groupe intervention (groupe 1) est donc de 6,6%.
Le risque absolu de connaître un ulcère avec l'ancien AINS est de 35 ulcères/300 personnes ; le risque absolu d'ulcère pour le groupe témoin (groupe 2) est donc de 11,6%
Le risque relatif est le rapport entre les deux groupes, le groupe testé/groupe référence : 6,6%/11,6% = 0,57
La réduction du risque relatif est, comme nous l'avons vu dans les définitions, 1-RR ; elle est ici donc de 1-0,57 = 0,43
Ce qui signifie que le traitement testé réduit de 43% l’évènement ulcère. Ce chiffre est une expression en termes de réduction de risque relatif, c'est à dire en comparant deux groupes. MAIS en valeurs absolues, il y a 7 évènements pour 100 personnes dans le groupe testé ; et environ 12 évènements dans le groupe de référence pour 100 pers. Le médicament réduit le risque ulcéreux pour 5 personnes/100
Vous voyez donc que les nombres absolus sont plus clairement représentatifs que les pourcentages, mais beaucoup moins spectaculaires et moins "média-géniques"...
Revenons à l'article :
Confiance et prise de décision partagée
La confiance dans les médecins et les professionnels de la santé est fondamentale pour des échanges informatifs avec les patients et l'adhésion ultérieure des patients au traitement et aux soins.1 La confiance des patients et du public dans les médecins est élevée, bien que des rapports aient indiqué un déclin ces dernières années, avec des variations entre les pays et les environnements de soins.2 Pourtant, dans le cas de nombreux échanges avec les patients en médecine, nous, médecins, ne fournissons pas les bénéfices et les dommages absolus des interventions que nous recommandons. Souvent, nous ne fournissons des informations que sur le gain (la réduction du risque relatif) pour la maladie, et nous attendons des patients qu'ils prennent des décisions en connaissance de cause, alors qu'en fait ils ne disposent pas de toutes les informations pertinentes pour le faire.1
En tant que médecins, nous visons une prise de décision partagée lors des consultations, alors pourquoi rendons-nous les choses si difficiles pour les patients3 ? En 2012, un stagiaire en première année de médecine a estimé dans The BMJ que "de nombreux médecins ne connaissent pas les bénéfices réels des médicaments qu'ils prescrivent ou ne comprennent pas les implications statistiques de base de la réduction du risque absolu par rapport au risque relatif "4 Nous pensons que la situation est similaire aujourd'hui.
Les idées fausses et le manque de connaissances des médecins et des décideurs politiques sur les risques absolus et relatifs entravent la prise de décision partagée et empêchent un consentement véritablement éclairé. D'après notre expérience, l'utilisation des risques et bénéfices relatifs domine encore les échanges des médecins avec les patients, ainsi que les discussions entre médecins dans les services et les cliniques sur les thérapies et les interventions. Le plus souvent, ce n'est pas intentionnel, mais plutôt inconscient, en raison des normes culturelles qui entourent le conseil aux patients et du manque de formation à l'interprétation et à la transmission des chiffres relatifs aux risques.
Alors....
Comment communiquer les risques, les bénéfices et les dommages
Une prise de décision appropriée nécessite une discussion sur les résultats pertinents pour le patient et une communication réfléchie de quatre éléments, que nous décrivons ci-dessous à l'aide du cas de Mme Olsen :
1. Quel est le risque absolu de la maladie en l'absence de traitement ? Dans le cas de Mme Olsen, qui souffre d'hypertension et d'hypercholestérolémie et pour laquelle un traitement par statines est envisagé, quel est son risque (par exemple, dans les 10 ou 15 prochaines années) de subir un événement cardiovasculaire majeur (infarctus du myocarde ou accident vasculaire cérébral) en l'absence de statines ?
2. Quel est le bénéfice du traitement en question pour réduire ce risque ? Il peut s'agir d'une différence de risque absolue ou d'une réduction du risque relatif.
Quelle est la réduction du risque pour Mme Olsen de développer un événement cardiovasculaire majeur dans les 10 ou 15 prochaines années avec des statines, par rapport à l'absence de statines ?
3. Quel est le risque absolu de la maladie avec le traitement ? Quel est le risque pour Mme Olsen de développer un événement cardiovasculaire majeur dans les 10 ou 15 prochaines années avec les statines ?
4. Quels sont les risques absolus de dommages et quelle est la charge du traitement ? Quel est le risque absolu de dommages et d'effets secondaires (par exemple, diarrhée ou douleurs musculaires) liés à la prise d'une statine pour Mme Olsen au cours des 10 ou 15 prochaines années, et quelle est la contrainte que représente pour elle la prise du traitement (par exemple, les coûts, les rendez-vous de contrôle, les tests en aval, et la manière dont le traitement par statine peut affecter sa qualité de vie en raison de la crainte potentielle d'être exposée à un risque de maladie8) ?
Si on doit être brefs, il convient d'utiliser les chiffres absolus parce que les effets relatifs peuvent être calculés à partir de ces chiffres, mais pas l'inverse.
Rencontre avec la patiente, Mme Olsen
En appliquant les principes ci-dessus et en ajoutant des exemples numériques, une rencontre informative avec Mme Olsen comprendrait les éléments suivants :
- Premièrement, estimer son risque absolu d'événement cardiovasculaire, par exemple en utilisant un calculateur de risque sur 10 ans.11 Sur une période de 10 ans, son risque d'avoir une crise cardiaque ou un accident vasculaire cérébral est d'environ 6 %
- Deuxièmement, appliquer la réduction attendue au risque absolu estimé (6 %). Supposons que la réduction de 50 % suggérée par son médecin soit exacte (bien qu'elle soit plutôt de l'ordre de 20 à 25 %12), la réduction de son risque de moitié lui donnerait une différence de risque de 3 %.
- Troisièmement, lui dire que son risque d'avoir un événement cardiovasculaire majeur est de 3 % si elle choisit d'utiliser une statine.
- Quatrièmement, l'informer de la fréquence absolue des effets secondaires du traitement par statine, par exemple un risque de 5 % de douleurs musculaires et de 10 % de troubles digestifs, tels que constipation, diarrhée ou ballonnements.
Nous rouvrons ici une parenthèse pour parler de la présentation du risque de décéder dans le cadre du cancer du sein, et la présentation qui en est faite sur les sites officiels français et lors des campagnes de dépistage.
le dépistage du cancer du sein
Très fréquemment, notamment sur les sites officiels vous lirez que le dépistage réduit de 20% le risque de décéder du cancer du sein. Qu'en est-il ?
Reprenons la méta-analyse d'un collectif de chercheurs nordiques (Cochrane)- 2000 femmes ont effectué une mammographie de dépistage à partir de 50 ans et cela pendant 10 ans. Au terme de ces 10 ans, 4 femmes étaient mortes d’un cancer du sein. Pour pouvoir comparer, une projection est faite pour 2000 femmes à partir de 50 ans ne se soumettant pas au dépistage. Les deux groupes sont comparables car ont les mêmes caractéristiques (âge, profil physiologique etc..). Dans ce groupe non dépisté, 5 femmes sont mortes d’un cancer du sein. Appliquons nos calculs : Groupe testé/groupe témoin : 4 décès sur 2000/ 5décès sur 2000 = 0,8 ; La réduction du risque relatif est ici de 1-0,8 = 0,2 = 20% Voilà d'où vient cette valeur toujours mise en avant.
Mais quel est réellement le bénéfice pour une femme de se faire dépister? C’est le bénéfice absolu qui nous le donne. Sur les 2000 femmes qui se feront dépister, 1 seule verra son cancer dépisté plus tôt et donc sa vie sauvée ( 5 décès – 4 décès).
20% de bénéfice relatif, 0.05% de bénéfice absolu. Si on avait opté pour une présentation honnête nous aurions dû lire dans les documents d'information :
» Les programmes de dépistage permettent de réduire le nombre de décès par cancer du sein. Selon les chiffres issus d’études internationales, cette réduction est estimée aux alentours de 0,05 %. »
Quand bien même il y a 20% de réduction du risque relatif, il faut considérer cette donnée selon le risque absolu de décéder en fonction de l'âge des personnes. En France en 2010 par exemple, le risque absolu de mourir par cancer du sein était d'environ 4% dont 1,9% chez les femmes entre 50 et 79 ans. Réduire de 20% un risque de mourir déjà très faible n'est pas extraordinaire, et doit être mis en balance avec le risque de connaître un effet adverse du dépistage.
La présentation en fréquences absolues, de plus, permet la conception de pictogrammes visuels, et ce sont eux qui permettent une meilleure communication au public, et une bonne compréhension de la part des patients. Comme cet outil d'aide à la décision, ici, élaboré sur la base de la méta-analyse Cochrane.
Fermons cette parenthèse, les auteurs de l'article s'interrogent à présent sur la pertinence d'agir sur le risque et surtout sur le moment à partir du quel il serait pertinent d'agir sur le risque.
Quand agir sur le risque ?
Transmettre des risques absolus et des réductions de risque au lieu de chiffres relatifs moins informatifs nécessite une formation et une communication éclairée. La question la plus difficile reste cependant la suivante : à quel niveau doit se situer le risque d'une maladie ou d'une affection pour que l'on puisse agir, compte tenu d'une certaine réduction de ce risque grâce à une thérapie ou à un traitement ? Il est plus difficile d'établir des seuils pour savoir quand agir, car cela dépend des valeurs et des préférences individuelles et sociétales.
Au niveau du patient, il est important de comprendre les perceptions et les préférences personnelles concernant les bénéfices et les dommages des interventions visant à réduire un certain risque de maladie. Mme Olsen peut être intéressée par un risque de 6 % d'événement cardiovasculaire, mais elle ne se soucierait peut-être pas d'entreprendre un traitement si son risque était de 3 %. D'autres patients peuvent voir les choses différemment et seraient prêts à commencer à prendre des statines avec un risque plus faible que celui de Mme Olsen.
Bien que les calculateurs de risques de maladies futures s'améliorent et puissent prédire le risque individuel de manière assez précise pour certaines maladies, ils sont encore insuffisants pour beaucoup d'autres. Des collections de calculateurs de risques et d'aides à la décision sont disponibles en ligne pour les médecins et les patients, comme l'initiative "Care that fits" de la Mayo Clinic (http://carethatfits.org).
Toutefois, certains patients peuvent accepter ou refuser de suivre un traitement ou une action sans tenir compte du cadre et des faits relatifs aux risques et aux effets, et fonder leur décision sur d'autres facteurs, tels que l'expérience de membres de leur famille atteints de la maladie en question, ou les contraintes financières liées aux frais de prescription.13 14
La stratégie pour les patients individuels (comme Mme Olsen) utilisant les quatre caractéristiques décrites peut également être appliquée à la prise de décision au niveau de la société. De nombreux systèmes de santé proposent des interventions, des tests et des traitements remboursés. La plupart des systèmes de santé publique disposent également de lignes directrices prioritaires et de répertoires établis d'options thérapeutiques, qui sont proposés à la population. Ces priorités doivent tenir compte du risque absolu et de la réduction du risque.
Communiquer les risques et les effets des traitements
Nous pensons que les publications scientifiques ont leur part de responsabilité dans l'insuffisance de l'information fournie aux patients sur les risques liés aux maladies et les effets des traitements. Les estimations des effets relatifs, telles que les rapports de risque, les risques relatifs ou les ratios de probabilité, apparaissent couramment dans les rapports d'études d'observation et d'essais cliniques depuis des dizaines d'années. De nombreux rapports scientifiques mettent en évidence les effets relatifs,5 6 alors que les chiffres absolus sous-jacents sont difficiles à déterminer, car ils nécessitent souvent des compétences et du temps qui ne sont pas à la disposition de la plupart des cliniciens.
Dans un essai pivot sur le dépistage du cancer colorectal par sigmoïdoscopie au Royaume-Uni en 2017, le principal résultat a été rapporté comme "l'incidence du cancer colorectal a été réduite de 26 % (rapport de risque 0,74 ; intervalle de confiance à 95 % 0,70 à 0,80 ; P<0,0001)".7 L'essai a influencé la décision d'introduire le dépistage du cancer colorectal dans la population au Royaume-Uni. Bien que le rapport de l'essai ne soit pas incorrect, le rapport de risque ne suffit pas à lui seul à fonder une décision éclairée sur l'opportunité d'introduire le dépistage. Dans ce cas, la décision doit prendre en considération les risques absolus de cancer colorectal auxquels s'applique la réduction du risque relatif rapportée. (NDLR : en effet, il faut considérer le risque de base de la personne ; 25% de réduction du risque relatif par le dépistage reste une réduction faible chez les personnes présentant un risque de base déjà faible de faire un cancer colorectal. Les préjudices de ce dépistage sont susceptibles de l'emporter largement sur un maigre bénéfice)
La couverture médiatique des nouvelles interventions médicales suit rapidement la publication des résultats des essais et transmet généralement au public les effets relatifs présentés dans l'article scientifique. Cela peut être intéressant, car les effets relatifs semblent souvent plus impressionnants que les effets absolus et attirent davantage l'attention. Mais cela ne fournit pas d'informations impartiales et ne permet pas de prendre les bonnes décisions. Si les revues scientifiques occultent la réduction du risque absolu au profit d'effets relatifs apparemment plus importants et plus attrayants, il est compréhensible que les médias s'en emparent et présentent ce côté de l'histoire.
Conclusion des auteurs
De notre point de vue, aucune situation en médecine clinique ne tire bénéfice de l'utilisation de différences relatives au lieu de différences absolues pour la compréhension dans les conversations entre les médecins et les patients, ou entre les médecins lorsqu'ils discutent des options de traitement pour un patient. Dans les discussions sur ce qu'un système de soins de santé devrait offrir, l'utilisation de chiffres absolus est cruciale pour garantir des soins équitables. Les risques absolus et les réductions absolues de risques doivent être utilisés dans la communication avec les patients, les collègues, les décideurs et les médias. Les réductions relatives peuvent être utilisées en plus des réductions absolues pour illustrer ou exemplifier, mais seulement en plus et non à la place des effets et des risques absolus.
L'éducation dans la pratique
- Entraînez-vous à trouver et à transmettre les risques absolus de maladie pour votre patient, ainsi que les effets absolus de tout traitement que vous envisagez de recommander.
- Discutez avec vos patients de l'importance du risque pour qu'un certain traitement soit intéressant. Quels sont les facteurs susceptibles d'influencer leur décision ?
Bref, il s'agit bien de décision partagée avec le patient dont parlent ces auteurs.
Commentaire Cancer Rose
Le nouveau livret de l'Institut National du Cancer persiste dans ce travers que la concertation citoyenne lui avait déjà reproché, à savoir une présentation en valeurs relatives, mettant en avant les 20% de réduction de mortalité. Nous en parlons ici : https://cancer-rose.fr/2022/10/15/le-nouveau-livret-de-linca/
Or les femmes doivent maintenant être informées complètement et dûment, selon les exigences de la concertation citoyenne, et ce jusqu'au bout de leur vie de dépistée.
Pour les journalistes
Un site utile :
•site Winton Risk communication Center , avec outil de conversion du risque relatif en risque absolu, à destination des journalistes.
RealRisk est un outil en ligne destiné aux attachés de presse et aux journalistes qui travaillent à la communication de la recherche sur les risques dans le domaine de la santé et des sciences sociales.
Les titres des journaux regorgent des dernières recherches sur les risques : les aliments liés au cancer, les modes de vie qui favorisent les maladies cardiaques, les médicaments qui augmentent le risque de caillots sanguins, les habitudes associées à une mauvaise santé mentale. Les articles écrits sur ces questions sont souvent effrayants et les chiffres utilisés sont souvent trompeurs.
RealRisk convertit les statistiques spécialisées souvent utilisées pour rendre compte des conclusions de recherches - notamment les risques relatifs, les rapports de cotes et les rapports de dangerosité - en risques absolus, plus facilement compréhensibles par tous. Les risques absolus qui en résultent sont présentés sous forme de texte, de tableaux d'icônes et de diagrammes à barres dont l'utilisation est gratuite.
Nous voulons encourager les attachés de presse et les journalistes à rendre compte des "risques sanitaires" à l'aide de chiffres largement compréhensibles et qui ne provoquent pas d'anxiété inutile.
1 Rasiah S, Jaafar S, Yusof S, Ponnudurai G, Chung KPY, Amirthalingam SD. A study of the nature and level of trust between patients and healthcare providers, its dimensions and determinants: a scoping review protocol. BMJ Open 2020;10:e028061. doi: 10.1136/bmjopen-2018-028061 pmid: 31980505
2 Blendon RJ, Benson JM, Hero JO. Public trust in physicians-U.S. medicine in international perspective. N Engl J Med 2014;371:-2. doi: 10.1056/NEJMp1407373 pmid: 25337746
3 Prasad V. An unmeasured harm of screening. Arch Intern Med 2012;172:-3. doi: 10.1001/2013.jamainternmed.682 pmid: 22987011
4 Freudenthal B. Doctors need to understand absolute versus relative risk reduction with statins. BMJ 2012;345:e8357. doi: 10.1136/bmj.e8357 pmid: 23229286
5 Gigerenzer G, Wegwarth O, Feufel M. Misleading communication of risk. BMJ 2010;341:. doi: 10.1136/bmj.c4830 pmid: 20940219
6 Diamond DM, Leaverton PE. Historical review of the use of relative risk statistics in the portrayal of the purported hazards of high LDL cholesterol and the benefits of lipid-lowering therapy. Cureus 2023;15:e38391.pmid: 37143855
7 Atkin W, Wooldrage K, Parkin DM, etal. Long term effects of once-only flexible sigmoidoscopy screening after 17 years of follow-up: the UK Flexible Sigmoidoscopy Screening randomised controlled trial. Lancet 2017;389:-311. doi: 10.1016/S0140-6736(17)30396-3 pmid: 28236467
8 Heath I. Role of fear in overdiagnosis and overtreatment-an essay by Iona Heath. BMJ 2014;349:. doi: 10.1136/bmj.g6123 pmid: 25954986
9 Helsingen LM, Vandvik PO, Jodal HC, etal. Colorectal cancer screening with faecal immunochemical testing, sigmoidoscopy or colonoscopy: a clinical practice guideline. BMJ 2019;367:. doi: 10.1136/bmj.l5515 pmid: 31578196
10 Bielawska B, Dubé C. Colorectal cancer screening: it is not time for a radical shift. CMAJ 2020;192:-2. doi: 10.1503/cmaj.191566 pmid: 31971514
11 BMJ Best Practice. Evidence-based medical calculators. https://bestpractice.bmj.com/calculators
12 Cholesterol Treatment Trialists’ Collaboration. Efficacy and safety of statin therapy in older people: a meta-analysis of individual participant data from 28 randomised controlled trials. Lancet 2019;393:-15. doi: 10.1016/S0140-6736(18)31942-1 pmid: 30712900
13 Usher-Smith JA, Mills KM, Riedinger C, etal. The impact of information about different absolute benefits and harms on intention to participate in colorectal cancer screening: a think-aloud study and online randomised experiment. PLoS One 2021;16:e0246991. doi: 10.1371/journal.pone.0246991 pmid: 33592037
14 Rosenbaum L. Invisible risks, emotional choices-mammography and medical decision making. N Engl J Med 2014;371:-52. doi: 10.1056/NEJMms1409003 pmid: 25317876
15 Appleby J, Devlin N, Parkin D. NICE’s cost effectiveness threshold. BMJ 2007;335:-9. doi: 10.1136/bmj.39308.560069.BE pmid: 17717337
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Mortalité par cancer du sein pour 500 000 femmes atteintes d'un cancer du sein invasif précoce en Angleterre, 1993-2015 : étude de cohorte observationnelle basée sur la population.
Carolyn Taylor, professor of oncology and honorary clinical oncologist1 2, Paul McGale, statistician1, Jake Probert, statistician1, John Broggio, cancer analytical lead3, Jackie Charman, senior cancer analyst3, Sarah C Darby, professor of medical statistics1, Amanda J Kerr, systematic reviewer1, Timothy Whelan, radiation oncologist4, David J Cutter, senior clinical research fellow and clinical oncologist1 2, Gurdeep Mannu, lecturer in general surgery1, David Dodwell, senior clinical research fellow and clinical oncologist1 2
1Nuffield Department of Population Health, University of Oxford, Oxford, UK 2Oxford University Hospitals, Oxford, UK 3National Disease Registration Service (NDRS), NHS England, Birmingham, UK 4Department of Oncology, McMaster University and Juravinski Cancer Centre, Hamilton, ON Canada
Il s'agit d'une étude de cohorte (un groupe de sujets suivis pendant la durée de l'étude), observationnelle, portant sur 512 447 femmes.
Il y a deux objectifs :
1°- Analyse des taux annuels de mortalité par cancer du sein et les risques de mortalité cumulés en fonction du temps écoulé depuis le diagnostic, pour les femmes dont le diagnostic a été posé au cours de chacune de ces périodes calendaires : 1993-99, 2000-04, 2005-09 et 2010-15
2°- Examen des variations de ces taux de mortalité en fonction de plusieurs critères : selon la période calendaire du diagnostic, selon le temps écoulé depuis le diagnostic, selon la détection ou non du cancer par dépistage, et selon les caractéristiques des patientes et des tumeurs qu'elles présentaient.
Dans l'ensemble, près de la moitié des cancers chez les femmes des groupes d'âge éligibles au dépistage ont été détectés par le dépistage.
Résultats principaux :
Les risques bruts de mortalité par cancer du sein diminuent avec l'augmentation de la période calendaire. En d'autres termes, les femmes des périodes calendaires plus proches de notre période contemporaine ont plus de chance de survivre longtemps après le diagnostic de cancer par rapport aux femmes diagnostiquées lors de périodes calendaires plus anciennes dans le temps, avec une ampleur significative.
Le risque de mortalité cumulé par cancer du sein sur cinq ans était :
de 14,4 % pour les femmes dont le diagnostic a été posé entre 1993 et 1999, et
de 4,9 % pour les femmes dont le diagnostic a été posé entre 2010 et 2015.
Ces résultats correspondent à la totalité d’une cohorte de 512 447 femmes entre 18-89 ans dont : -femmes éligibles au dépistage, avec cancer détecté dans le cadre du dépistage organisé : 128 240 femmes (soit environ un quart de la cohorte) -femmes éligibles au dépistage, mais non dépistées, avec cancer détecté en dehors du dépistage : 133 427 femmes (soit environ un quart de la cohorte) -femmes non éligibles au dépistage organisé : 250 780 femmes (soit environ la moitié de la cohorte)
Composition des groupes indiquée dans le tableau 1, extraction ci-après :
Les taux annuels de mortalité par cancer du sein, ajustés, ont également diminué de façon similaire avec l'avancée de la période calendaire dans presque tous les groupes de patientes, d'un facteur d'environ trois pour les cancers à récepteurs d'œstrogènes positifs, qui correspondent aux formes de cancers de meilleur pronostic, et d'environ deux pour les cancers à récepteurs d'œstrogènes négatifs, qui correspondent à des formes de cancers plus péjoratives. Le risque de mortalité s'améliore avec l'avancée des périodes calendaires étudiées vers les années proches de nous, par rapport aux années plus anciennes.
Le but de l'étude était principalement d'utiliser les risques de mortalité par cancer du sein à cinq ans pour les patientes ayant reçu un diagnostic récent. En effet, disent les auteurs, ces taux de mortalité qu'on connaît à présent peuvent être utilisés pour estimer les risques de mortalité par cancer du sein pour les patientes d'aujourd'hui. La finalité de l'étude étant d'informer les patients et les cliniciens des risques de mortalité absolus probables pour les patientes traitées aujourd'hui pour un cancer du sein, en tenant compte, entre autres, des caractéristiques de leur tumeur. L'étude montre que, pour les femmes chez qui un cancer du sein précoce a été diagnostiqué, le risque d'en mourir dans les cinq ans a considérablement diminué entre les années 1990 et 2010-2015. Pour la plupart des femmes diagnostiquées récemment, le risque de décès par cancer du sein dans les cinq ans était de 3 % ou moins. Cette information est d'utilité pour les femmes contemporaines.
Les auteurs concluent: "Il faut toutefois noter que les améliorations en termes de mortalité par cancer du sein observées chez les femmes dont le cancer a été détecté par dépistage ont été parallèlement constatées chez les femmes dont le cancer n'a pas été détecté par dépistage".
Conclusions détaillées :
Le pronostic des femmes atteintes d'un cancer du sein invasif précoce s'est considérablement amélioré depuis les années 1990. La plupart d'entre elles peuvent s'attendre à survivre à long terme au cancer, même si le risque reste appréciable pour quelques-unes d'entre elles.
Depuis les années 1990, le risque de décès cumulé à cinq ans dû au cancer du sein est passé de 14,4 % à 4,9 % dans l'ensemble, avec des réductions observées dans presque tous les groupes de patientes. En effet, le risque de mortalité cumulé sur cinq ans était de 14,4 % (intervalle de confiance à 95 % de 14,2 % à 14,6 %) pour les femmes dont le diagnostic a été posé entre 1993 et 1999 et a diminué progressivement avec l'augmentation de la période calendaire pour atteindre 4,9 % (de 4,8 % à 5,0 %) pour les femmes dont le diagnostic a été posé plus tard, entre 2010 et 2015.
Il est donc démontré que le taux de mortalité par cancer du sein a diminué avec la période calendaire du diagnostic au cours de la période couverte par l'étude. Mais bien que des diminutions se soient produites dans presque tous les groupes de patientes, l'ampleur de la diminution du taux de mortalité et le risque de décès par cancer à 5 ans variait considérablement entre les femmes selon qu'elles présentaient des caractéristiques différentes : - le risque de mortalité est inférieur à 3 % pour 62,8 % des femmes, - mais il est de 20 % ou plus pour 4,6 % d'entre elles, correspondant aux formes de cancers particulièrement agressives et difficilement curables.
Dans nos données, expliquent les auteurs, l'absence de diminution de la mortalité chez les femmes âgées de 80 à 89 ans atteintes d'un cancer du sein à récepteurs d'œstrogènes négatifs peut s'expliquer par le fait que ces femmes ne reçoivent généralement pas de traitement systématique adjuvant (traitement qui complète le traitement principal afin de prévenir un risque de récidive locale ou de métastases, comme une hormonothérapie ou une immunothérapie p.ex.), ou qui ne reçoivent pas de radiothérapie, de sorte que toute amélioration en soi de ces traitements n'aurait pas eu d'effet sur la mortalité dans ce groupe de patientes. Les patientes âgées de moins de 40 ans au moment du diagnostic présentaient un risque de mortalité par cancer du sein plus élevé que les patientes âgées de 40 diagnostiquées, cela s'expliquant par le fait que les cancers du sein chez les femmes plus jeunes sont intrinsèquement plus agressifs que ceux des femmes plus âgées.
Les auteurs ont constaté que la mortalité par cancer du sein diminuait toujours en fonction de la période calendaire du diagnostic, quels que soient les différences de caractéristiques des tumeurs et même, les améliorations de la mortalité par cancer du sein observées chez les femmes dont le cancer a été détecté par dépistage se sont accompagnées d'améliorations aussi chez celles dont le cancer n'a pas été détecté par dépistage. Ceci est résumé dans l'illustration ci-dessous, qui présente les résultats sur la totalité des femmes (dont un quart de femmes éligibles et dépistées, un quart sont des cas de cancers chez des femmes éligibles mais non dépistées, et la moitié de l'effectif sont des femmes non éligibles au dépistage) :
On peut arguer que le dépistage permet la détection de tumeurs de plus en plus petites au fil des années avec des améliorations technologiques de appareils de mammographie importantes, avec des tumeurs trouvées de grades toujours plus bas, mais, disent les auteurs, cette baisse de la mortalité ne peut être attribuée aux seuls changements de taille de la tumeur, au nombre de ganglions positifs ou au grade de la tumeur, car la mortalité par cancer du sein a continué de diminuer selon la période calendaire du diagnostic, même après ajustement tenant compte de ces facteurs.
Sans compter que le dépistage et les techniques d'imagerie mammaire plus sensibles sont également susceptibles de n'avoir conduit qu'à un diagnostic plus précoce et à une survie apparemment plus longue, sans pour autant modifier l'évolution clinique de la maladie. La survie, rappelons-le, correspond à la durée de vie avec le diagnostic de cancer, et augmente avec l'amélioration des traitements et avec le surdiagnostic. En effet, plus on détecte tôt dans la vie de l'individu des cancers qui de toute façon n'étaient pas destinés à tuer leur hôte, qui sont de très bas grade et le resteront, et plus les données de survie sont artificiellement améliorées, sans pour autant influer sur l'espérance de vie.
Relations avec le dépistage
Pour les patientes ayant reçu un diagnostic de cancer dépisté ou non dépisté, les taux annuels de mortalité par cancer du sein et les risques cumulés de mortalité par cancer du sein ont montré des tendances similaires de baisse à celles de l'ensemble des femmes en fonction de la période calendaire du diagnostic.
L'étude montre que les améliorations de la mortalité par cancer du sein observées chez les femmes dont le cancer a été détecté par dépistage se sont accompagnées d'améliorations aussi chez celles dont le cancer n'a pas été détecté par dépistage. L'augmentation du dépistage n'explique donc pas les améliorations de la mortalité,
L'apport de l'étude
D'autres études ont déjà montré le rôle très marginal du dépistage dans la décroissance de mortalité par cancer du sein depuis les années 90. On sait déjà que le risque de mortalité par cancer du sein après un diagnostic de cancer du sein invasif précoce a diminué au cours des dernières décennies.
L'étude d'impact de Bleyer et Miller concluait que le lien entre mammographie de dépistage et le degré de réduction de mortalité par cancer du sein observée ces dernières années était de plus en plus sujet à controverse. Leur comparaison de huit pays d' Europe et en Amérique du Nord ne démontrait pas de corrélation entre l'intensité du dépistage national et la chronologie ou même l'ampleur de réduction de mortalité par cancer du sein.
Les preuves issues des trois approches différentes (approche temporelle, approche d'ampleur et approche comparative avec d'autres pathologies ne faisant pas l'objet d'un dépistage), et d'autres observations supplémentaires ne soutenaient pas l'hypothèse que le dépistage par mammographie serait la raison principale de la réduction de mortalité par cancer du sein observée en Europe et en Amérique du Nord.
De même façon l'étude des trois paires de pays comparées de P.Autier suggérait que le dépistage n’avait pas joué de rôle direct dans la réduction de la mortalité par cancer du sein, au vu du contraste entre les différences temporelles dans la mise en œuvre du dépistage mammographique et la similitude dans les réductions de mortalité entre les paires de pays. C'est à dire que les pays ayant introduit le dépistage plus tôt que d'autres pays l'ayant fait plus tardivement connaissaient une réduction de mortalité par cancer du sein similaire, alors qu'on aurait dû constater un phénomène amplificateur dans la réduction de mortalité par le fait d'un instauration plus précoce des campagnes. Il n'y a donc pas de lien entre l'activité du dépistage et la baisse de la mortalité.
Et le cancer invasif métastatique reste toujours aux mêmes taux, le dépistage ne permettant pas d'appréhender cette forme agressive du fait de ses caractéristiques intrinsèques biologiques agressives et souvent du fait de sa grande vélocité.
Selon les auteurs, les améliorations apportées aux thérapies contre le cancer au cours des 30 dernières années ont réduit la mortalité, ce qui pourrait éroder la balance bénéfices-inconvénients du dépistage par mammographie. De plus les améliorations futures de la prise en charge des patientes atteintes d'un cancer du sein réduiront de plus en plus le rapport bénéfice-risque du dépistage. Le bénéfice de la mammographie en termes de réduction de la mortalité diminue alors que les inconvénients tels que le surdiagnostic ne sont , eux, constants. Le dépistage conduit à la fois au surdiagnostic et au surtraitement, ce qui a un coût à la fois humain et économique,
Ce que l'étude ici apporte, c'est une estimation de l'ampleur de la décroissance du taux de mortalité par cancer du sein constatée depuis les années 90, et que celle-ci n'est pas liée au dépistage ni à aucun autre facteur lié à la tumeur ou à la femme porteuse du cancer, puisqu'on ne constate pas de différence dans les variations des taux de mortalité quels que soient ces facteurs, que le cancer soit trouvé par dépistage ou non. La raison est très vraisemblablement à chercher parmi les améliorations thérapeutiques des dernières décennies.
Illustrations : taux de mortalité annuels et risques cumulés de mortalité
Le risque cumulatif est la somme des différents risques annuels, présents sur 5 ans. La fonction de risque de mortalité décrit l'évolution en fonction du temps et des facteurs cumulés du risque instantané de décès.
Synthèse par Cancer Rose
Il s'agit d'une étude d'épidémiologie descriptive. Son objectif est de quantifier la diminution de mortalité observée depuis les années 90. Cette diminution n'est pas un scoop loin de là, mais il était intéressant de la chiffrer globalement et par sous-groupes. Elle est de l'ordre de 14,4% à 4,9% à 5 ans entre les deux laps de périodes examinés. pour toutes les femmes, avec une réduction similaire selon les groupes (dépistées ou pas). Des études d'impact (voir notre article) ont déjà objectivé cette diminution de mortalité par cancer du sein depuis les années 90, l'impact du dépistage est très marginal voire inexistant, car cette diminution n'est pas en phase avec l'introduction des campagnes de dépistage.
Les auteurs concluent essentiellement que les données récentes montrent une amélioration des risques de mortalité par cancer du sein par rapport aux données plus anciennes, est ceci est confirmé par leurs résultats. Ils précisent plusieurs choses : "...l’augmentation du dépistage ne peut expliquer à elle seule la diminution de la mortalité par cancer du sein que nous avons observée." et un peu plus loin : "cette étude observationnelle ne peut déterminer les causes spécifiques de ces réductions de mortalité." Et encore, vraisemblablement le plus important : "...les améliorations en termes de mortalité par cancer du sein observées chez les femmes dont le cancer a été détecté par dépistage ont été parallèlement constatées chez les femmes dont le cancer n'a pas été détecté par dépistage".
Cette étude confirme (et surtout chiffre) l'évolution à la baisse de la mortalité par cancers du sein mais elle ne conclut pas (et ne permet pas de conclure) sur la ou les causes de cette baisse.
Ce qu'il faut bien comprendre est que dans cette étude, il ne s'agit pas du taux de mortalité mais du RISQUE cumulé de mortalité sur 5, 10 ou 15 ans. Ces risques de mortalité cumulés dépendent du temps T0 choisi. Ici ce temps T0 est la date du diagnostic du cancer. Les risques de mortalité présentés dans l'étude sont donc influencés par l'avance au diagnostic, (puisque le T0 sera plus précoce pour les cancers dépistés que pour les cancers non dépistés) et donnera un apparent meilleur succès dans les groupes dépstés. L'avance au diagnostic est un biais très bien connu inhérent au dépistage donnant une illusion de meilleure survie au cancer alors qu'on a juste anticipé sa 'date de naissance'.
Le pronostic des cancers du sein s'améliore, sans qu'il soit possible de dire quelle est la part du dépistage, des progrès thérapeutiques et des facteurs de confusion que sont le biais d'avance au diagnostic, les surdiagnostics surtout, et aussi les facteurs sociaux et économiques.
Selon les études déjà disponibles (voir article) le rôle du dépistage est vraisemblablement marginal, et l'apparent succès dans les groupes dépistés est influencé par l'avance au diagnostic.
"Taylor et ses collègues (1) ont publié une étude intéressante sur la mortalité par cancer du sein entre 1993 et 2015. L’étude a confirmé une diminution de la mortalité au fil du temps. Cette étude compare également la mortalité associée aux cancers dépistés avec la mortalité associée aux cancers non dépistés. Bien que cette étude ne permette pas de tirer de conclusions sur les avantages de l’examen préalable, et malgré les avertissements explicites dans la publication, les promoteurs du dépistage l’utilisent pour promouvoir ce dépistage.
1. Cancers d'intervalles
Les deux groupes de cancers diagnostiqués et non diagnostiqués par dépistage ne correspondent pas à la répartition entre femmes dépistées et femmes non dépistées. Les cancers non détectés par le dépistage comprennent les cancers d’intervalle découverts entre deux séries de dépistage chez les femmes qui participent au dépistage. Ces cancers d’intervalle sont des échecs de dépistage, et il n’est pas logique d’évaluer le rendement du dépistage en attribuant ces échecs et les décès qui en résultent aux femmes non traitées. Ce problème est loin d’être mineur : en Angleterre, les cancers d’intervalle représentent environ un tiers de tous les cancers chez les femmes dépistées (2). En outre, ces cancers d’intervalle ont un stade plus élevé avec des caractéristiques moléculaires défavorables (3).
2. Surdiagnostic.
Le surdiagnostic, qui correspond aux cancers découverts par le dépistage mais qui n’auraient jamais affecté la santé s’ils n’avaient pas été découverts, conduit à une augmentation artificielle des cancers sans augmentation des décès. Le surdiagnostic tend donc mathématiquement à abaisser le taux de mortalité et à créer l’illusion de l’efficacité du dépistage, alors qu’en réalité, le dépistage n’a pas amélioré le pronostic des cancers "réels" ("réels" au sens de cancers susceptibles de nuire à la santé). Encore une fois, il ne s’agit pas d’un problème mineur puisque le surdiagnostic peut représenter plus de 40 % des cancers diagnostiqués par dépistage (4).
3. Non-comparabilité entre les groupes.
Comme les deux groupes correspondant aux cancers diagnostiqués et non diagnostiqués par le dépistage n’ont pas été mis en place par randomisation, la répartition des facteurs de risque de décès n’est probablement pas équilibrée entre les groupes.
Dans de nombreux cas, le défaut de réponse aux invitations du dépistage reflète des problèmes psychosociaux ou des difficultés d’accès aux établissements de santé, dont les conséquences ne se limitent pas à ne pas accepter les invitations au dépistage, mais sont également susceptibles d’affecter la prise en charge et le pronostic du cancer.
4. Biais d'avance au diagnostic
Le biais d'avance ne devrait pas jouer un rôle important dans la mortalité tardive. En revanche, il est susceptible de réduire la mortalité précoce (mortalité sur 5 ans) des cancers dépistés.
Les préjudices liés au dépistage devraient également être pris en considération
Il ne suffit pas d’évaluer les avantages du dépistage.
Les préjudices liés au dépistage, tels que le stress dû aux fausses alarmes, le surdiagnostic avec répercussions psychologiques et sociales, les conséquences somatiques des traitements inutiles causés par le surdiagnostic et les cancers induits par les rayonnements par des mammographies répétées, doivent tous être pris en considération et soupesés.
L’étude ne fournit aucune information sur ces aspects (ce n’était pas non plus le but de l’étude). Toutefois, ce n’est qu’après avoir examiné tous ces facteurs - la diminution de la mortalité et le coût de cette diminution - qu’on peut porter un jugement sur la valeur du dépistage.
Et c’est à chaque femme de décider elle-même, sans coercition ni persuasion, si oui ou non elle veut être contrôlée.
La valeur du dépistage ne peut être évaluée qu'après avoir pris en compte tous ces aspects. Et chaque femme doit décider elle-même de se faire dépister ou non, sans aucune contrainte ni persuasion."
Références :
Taylor C, McGale P, Probert J, Broggio J, Charman J, et al. Breast cancer mortality in 500 000 women with early invasive breast cancer in England, 1993-2015: population based observational cohort study. BMJ 2023; 381 e074684.
Bennet RL, Sellars SJ, Moss SM. Interval cancers in the NHS breast cancer screening programme in England, Wales and Northern Ireland. Br J Cancer 2011;104(4):571-577 doi:10.1038/bjc.2011.3
Ambinder EB, Lee E, Nguyen DL, Gong AJ, Haken OJ, Visvanathan K. Interval Breast Cancers Versus Screen Detected Breast Cancers: A Retrospective Cohort Study. Acad Radiol. 2023 Feb 3:S1076-6332(23)00020-X. doi: 10.1016/j.acra.2023.01.007
Jørgensen KJ, Gøtzsche PC, Kalager M, Zahl PH. Breast Cancer Screening in Denmark: A Cohort Study of Tumor Size and Overdiagnosis. Ann Intern Med. 2017;166(5):313-323. doi:10.7326/M16-0270
Taylor et ses collègues [1] ont publié un article intéressant sur le pronostic du cancer du sein au stade précoce diagnostiqué en Angleterre entre 1993 et 2015 et ont conclu que "le pronostic des femmes atteintes d'un cancer du sein invasif au stade précoce s'est considérablement amélioré depuis les années 1990". Il n'est pas si évident que le pronostic se soit amélioré de manière substantielle, car le biais de surdiagnostic (qui comprend à la fois le biais de temps d'avance et le biais de lenteur d’évolution) n'a pas été correctement pris en compte, je pense.
Les auteurs utilisent le terme de mortalité pour décrire la survie après un diagnostic de cancer du sein. Habituellement, le terme de mortalité est utilisé pour désigner le nombre de décès pour 100 000 personnes exposées au risque de décès. Je ne trouve aucune référence aux années d'exposition au risque de la population dans cet article. Il semble donc que les auteurs étudient la mortalité (ou la survie) après un diagnostic plutôt que la mortalité telle qu'elle est normalement définie en épidémiologie. La survie après un diagnostic est une mesure valable pour comparer les thérapies anticancéreuses dans les essais randomisés ; cependant, les changements dans la survie à 5 ans après un diagnostic au fil du temps n'ont que peu de rapport avec les changements dans la mortalité par cancer pour 100 000 personnes à risque. Au contraire, l'évolution de la survie à 5 ans semble principalement liée à l'évolution des schémas de diagnostic [2]. L'évolution des schémas de diagnostic du cancer du sein est appelée surdiagnostic (défini comme la détection de tumeurs qui ne se transformeraient jamais en maladie clinique au cours de la vie de la patiente) [3].
Le niveau de surdiagnostic lors du dépistage du cancer du sein était typiquement d'environ 50 % il y a 20 ans [3]. Le surdiagnostic ne se limite pas au dépistage en tant que tel, mais il est également lié à l'introduction de méthodes de diagnostic plus sensibles, méthodes qui sont également utilisées en dehors des programmes publics de dépistage. La mammographie détecte également de nombreux carcinomes canalaires in situ (CCIS), que beaucoup considèrent comme des lésions précancéreuses. Si vrai, cela devrait permettre de détecter moins de cancers du sein invasifs, ce qui n'a jamais été observé. Le niveau de surdiagnostic augmente avec le temps en raison de l'introduction de nouvelles méthodes de diagnostic plus sensibles [4] et il en va de même pour le CCIS. Le cancer du sein invasif et le CCIS sont positivement corrélés et pas négativement corrélés.
Supposons que le niveau de surdiagnostic soit de 50 % sur une période donnée, qu'il n'y ait pas d'amélioration dans le traitement du cancer et que la survie à 5 ans soit de 80 % pour le cancer du sein à un stade précoce au début de la période. Le nombre de décès parmi les femmes ayant reçu un diagnostic de cancer du sein passerait alors de 20 pour 100 cas de cancer du sein à 20 pour 150 cas de cancer du sein, soit une réduction d'un tiers, même en l'absence d'amélioration du traitement du cancer du sein.
References 1. Taylor C, McGale P, Probert J, Broggio J, Charman J, et al. Breast cancer mortality in 500 000 women with early invasive breast cancer in England, 1993-2015: population based observational cohort study. BMJ 2023; 381 e074684. 2. Welch HG, Schwartz LM, Woloshin S. Are increasing 5-year survival rates evidence of success against cancer? JAMA 2000; 283: 2975-8. 3. Zahl P-H, Strand BH, Mæhlen J. Breast cancer incidence in Norway and Sweden during introduction of nation-wide screening: prospective cohort study. BMJ 2004; 328: 921-4. 4. Bakker MF, de Lange SV, Pijnappel RM, Mann RM, Peeters PHM, et al. Supplemental MRI Screening for Women with Extremely Dense Breast Tissue. NEJM 2019; 381: 2091-102
Réponse à notre courrier de l'auteure principale
Devant la récupération par une certaine presse grand public donnant l'occasion à des défenseurs du dépistage toute latitude à s'exprimer, sans contradiction, les laissant affirmer que l'étude prouverait la suprématie du dépistage pour diminuer la mortalité par cancer du sein ces dernières décennies, nous avons écrit (ainsi que beaucoup d'autres scientifiques, le problème de la distorsion par la presse se posant dans d'autres pays) à l'auteure principale, Mme la Pr. Carolyn Taylor, et avons reçu cette réponse :
"Many thanks for your message to Professor Carolyn Taylor regarding her recent paper published in The BMJ.
Professor Taylor has received a number of inquiries arising from the publication of her paper. She would like to point out that the paper does not provide any information as to the benefits or otherwise of breast screening and that she has nothing to add to what she has already said in the paper.
Thank you again for your interest, ... Oxford Population Health Communications"
"Un grand merci pour votre message au professeur Carolyn Taylor concernant son récent article publié dans The BMJ .
Le professeur Taylor a reçu un certain nombre de demandes de renseignements découlant de la publication de son article. Elle tient à souligner que le document ne fournit aucune information quant aux avantages ou non du dépistage du sein et qu'elle n'a rien à ajouter à ce qu'elle a déjà dit dans le document.
Merci encore pour votre intérêt .... Oxford Population Health Communications"
Mairead MacKenzie, patient advocate1, Hilary Stobart, patient advocate1, David Dodwell, senior clinical research fellow and clinical oncologist23, Carolyn Taylor, professor of oncology and honorary clinical oncologist23
1Independent Cancer Patients’ Voice
2Nuffield Department of Population Health, University of Oxford
3Oxford University Hospitals, Oxford, UK
Deux défenseures des droits des patientes racontent comment elles ont contribué à l'étude de recherche sur le cancer du sein.
"Mairead MacKenzie et Hilary Stobart ont reçu un diagnostic de cancer du sein il y a quelques années. Elles ne sont que deux parmi le demi-million de femmes qui ont transmis leurs données à notre étude sur les femmes ayant reçu un diagnostic de cancer du sein au stade précoce en Angleterre. En tant que défenseures des patientes, elles ont également contribué à l'élaboration de l'étude.
Hilary et Mairead estiment toutes les deux qu'il est nécessaire de disposer d'informations actualisées sur les suites d'un diagnostic de cancer du sein au stade précoce. Elles ont utilisé leur expertise en tant que patientes pour souligner comment les données des femmes ayant reçu un diagnostic de cancer du sein dans le passé pouvaient être utiles à la pratique clinique d'aujourd'hui. En outre, l'étude leur a également donné l'occasion de réfléchir à tout ce qui a changé depuis que le cancer a été diagnostiqué.
"On ne comprend pas vraiment ce qu'est un cancer tant qu'on ne l'a pas eu", explique Hilary. "Vous rejoignez soudain un groupe dont vous ne vouliez pas faire partie et vous vous rendez compte que vous avez énormément de choses en commun avec les autres membres de ce groupe. Vous avez une vision différente de ce qui est important". ......
L'étude fournit des estimations du risque pour chaque patient. Hilary et Mairead soulignent toutes les deux que les médecins doivent aider les patientes à comprendre que le cancer du sein "n'est pas une seule et même chose". Le pronostic varie considérablement en fonction de facteurs de risque tels que la taille de la tumeur, l'atteinte des ganglions lymphatiques et si la tumeur ait été détectée dans le cadre d'un dépistage.
"Lorsque j'ai été diagnostiquée il y a 20 ans, on ne m'a pas donné de pronostic, si ce n'est qu'il s'agissait d'une maladie grave et qu'il fallait la traiter rapidement", explique Mairead. "Mais je pense qu'une communication claire et de qualité sur le pronostic peut faire une grande différence sur la qualité de vie d'un patient et sur la façon dont il peut faire face à la situation.
"Lorsque l'on diagnostique un cancer du sein, on peut déjà connaître quelqu'un qui est décédé d'un cancer du sein", ajoute Hilary. "Elles peuvent penser que leur risque est le même, mais beaucoup d'entre elles n'ont que moins de 1 % de risque de mourir d'un cancer du sein après cinq ans.
"Pour la majorité des femmes, le pronostic est bon", reconnaît Mairead. "Cette étude le confirme et rassure, car au départ, tout le monde pense qu'il va mourir."
L'étude montre que, pour les femmes chez qui un cancer du sein précoce a été diagnostiqué, le risque d'en mourir dans les cinq ans a considérablement diminué entre les années 1990 et 2010-2015. Pour la plupart des femmes diagnostiquées récemment, le risque de décès par cancer du sein dans les cinq ans était de 3 % ou moins.
Les patientes atteintes d'un cancer du sein ont contribué à cette amélioration.
"Je n'ai encore jamais rencontré de patiente atteinte d'un cancer qui ne soit pas satisfaite de l'utilisation de ses données pour la recherche", déclare Mairead. "S'il y a une chance de faire quelque chose qui pourrait faciliter la vie de ceux qui suivront, les patients disent presque toujours oui.
"Et si les gens n'avaient pas dit oui, nous n'en serions pas là aujourd'hui, n'est-ce pas ? Nous savons que notre traitement actuel est bon grâce à tout le travail qui a été fait auparavant ... le grand nombre d'essais et les milliers de femmes qui étaient prêtes à y participer.
Nos résultats font partie de cet héritage. Ils quantifient des décennies d'améliorations et posent les bases de celles à venir. En attendant, ils peuvent éclairer la façon dont les médecins parlent aujourd'hui de leur pronostic aux patients.
"C'est une bonne nouvelle", conclut Hilary. "Elle montre ce que nous avons fait et que nous devons continuer à le faire. D'autres études comme celle-ci seront nécessaires à l'avenir. Le cancer du sein n'a pas disparu. Il reste encore beaucoup à faire."
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