Surdiagnostic, une préoccupation en médecine d’urgence aussi

Traduction et commentaires par Cancer Rose, 27 mars 2024

A propos d’un article de Justin Morgenstern
https://first10em.com/overdiagnosis-would-we-better-better-off-not-looking/

Le paradoxe de l’imagerie médicale et des avancées technologiques d’explorations modernes réside dans leur capacité d’imager et mesurer le corps humain de manière toujours plus détaillée, mais aboutissant à des détections biologiques et des images qui deviennent la source de l’un de nos plus grands défis en médecine, résumé dans le titre de cet article : Surdiagnostic : Serait-il préférable de ne pas chercher ?
Ce questionement se pose également en médecine d’urgence.

Justin Morgenstern est médecin d’urgence, il est aussi le créateur, le webmaster et le rédacteur en chef du media First10EM.
Passionné de médecine factuelle, il est également professeur adjoint à l’Université de Toronto.

Nous restituons sont point de vue publié le 25 mars dans First10EM sur les surdiagnostics en médecine d’urgence.
(Article connexe : https://first10em.com/overdiagnosis-in-the-emergency-department/)

Une augmentation du recours aux examens dans le cadre de la médecine d’urgence

Il ne fait aucun doute que le recours aux examens a considérablement augmenté en médecine d’urgence au cours de ma carrière.
Entre 2001 et 2010, l’utilisation du scanner dans les services d’urgence a été multipliée par 3 (et l’utilisation de l’IRM a été multipliée par 9, mais pour une raison quelconque, il m’est encore presque impossible d’en obtenir un) (Carpenter 2015)
La question est de savoir si tous ces tests aident réellement les patients. L’imagerie moderne est extraordinaire, et je suis heureux de travailler à une époque où le scanner est facilement accessible, mais il semble assez clair qu’au moins une partie des tests médicaux effectués chaque jour n’aide pas les patients. Par exemple, malgré l’augmentation massive de l’utilisation du scanner angiographique pulmonaire et de l’augmentation du taux de diagnostic de l’embolie pulmonaire, la mortalité due à l’embolie pulmonaire n’a pas du tout changé. (Carpenter 2015)

Ainsi, nous effectuons des tests, qualifions les patients de malades, les soumettons à une anticoagulation à long terme, mais sans aucun bénéfice en fin de compte. Une partie du problème réside dans le fait que les médecins n’ont pas compris l’importance de la probabilité pré-test, et la médecine est inondée de faux positifs. L’autre problème est le surdiagnostic.

(NDLR, l’importance de la compréhension des probabilités pré-tests de dépistage :
Imaginons un nouveau scanner qui ne rate jamais un cas de cancer du sein (sensibilité à 100 %), mais qui entraîne un faux positif chez 5 % des femmes en bonne santé (spécificité 95 %). Cet examen peut être considéré alors comme un test excellent et très précis que nous pourrions utiliser comme dépistage pour détecter le cancer du sein plus tôt. Chez les femmes de moins de 50 ans, le taux de cancer du sein est de 1 sur 1000.
Prenons le cas d’une femme de 45 ans qui aurait ce test positif, quelle est la probabilité qu’elle ait le cancer du sein réellement?
Calcul : dans un échantillon de 1 000 femmes, nous nous attendons à ce que 1 d’entre elles ait le cancer. La tomodensitométrie est parfaite et identifie la seule femme atteinte du cancer. Cependant, le taux de faux positifs de 5 % signifie que sur ce groupe de 1000 femmes, 50 recevront des résultats faux positifs. Il y a 51 tests positifs et seulement 1 cas réel de cancer. Par conséquent, le risque réel de cancer pour cette femme de 45 ans, malgré son scanner positif, est de 1/51, soit environ de 2 %.
Un résultat positif avec un test de dépistage extrêmement sensible ne procure encore que 2% de chances que le patient ait réellement et effectivement la maladie….
)

« Il y a surdiagnostic lorsqu’un test trouve une anomalie qui est techniquement « vraie positive », dans la mesure où l’individu présente la pathologie diagnostiquée, mais qui, dans ce cas particulier, n’aurait jamais causé de maladie réelle, même si elle n’avait pas été découverte et traitée. » (Hoffman 2017)

Le problème du sur-dépistage et du surdiagnostic est que, bien que nous puissions facilement identifier ces patients dans les données statistiques globales, ils ne peuvent pas vraiment être identifiés cliniquement au stade du soin (NDLR :on peut identifier le surdiagnostic à l’échelle populationnelle, en comparant des populations soumises à des intensités différentes de dépistage, mais pas à l’échelle individuelle ; lors de la prise en charge d’une personne, il n’y a pour le clinicien, le biologiste et le radiologue seulement un diagnostic).
Contrairement aux faux positifs, qui peuvent potentiellement être identifiés (NDLR : le faux positif est une non-pathologie mise en évidence par des examens complémentaires) , le surdiagnostic se produit en présence d’une pathologie réelle, de sorte que les tests supplémentaires ne peuvent jamais remettre le « génie dans la boîte ». Ainsi, le surdiagnostic conduit nécessairement à un surtraitement, et les patients ne sont donc pas seulement exposés aux inconvénients des tests, mais aussi à ceux de nos traitements (inutiles).

(NDLR : en mammographie, la fausse alerte ou faux positif est la suspicion d’un cancer sur une image mammographique, mais qui ne se confirmera pas après d’autres examens complémentaires. C’est donc un non-cancer, ce que l’on sait après avoir réalisé d’autres examens que la mammographie.
Le surdiagnostic c’est l’identification en mammographie d’un réel cancer authentifié par la biopsie, mais qui n’aurait pas évolué en l’absence de dépistage et n’aurait pas mis en danger la vie de la femme s’il était resté ignoré).

Bien que cela puisse sembler trop philosophique pour les médecins urgentistes en exercice (sic), nous devons vraiment nous pencher sur la définition de la maladie. Le langage a le pouvoir de façonner la réalité. En appliquant un diagnostic à un patient, nous rendons les choses telles qu’elles sont. Or, d’un point de vue physiologique, de nombreuses affections se présentent sous la forme d’un spectre (ou éventail de pathologies, NDLR), et s’il est logique de parler de ‘maladie’ pour une partie de ce spectre, il n’est certainement pas judicieux de qualifier tout le monde de malade.
(NDLR, la terminologie d’une lésion a une grande importance car elle détermine l’attitude plus ou martiale que la médecine va employer pour la traiter. Lors d’une réunion du National Cancer Institute américain en 2012, un groupe d’experts a discuté des stratégies visant à atténuer les préjudices du surdiagnostic et du surtraitement. Le fait qu’une large proportion de carcinomes in situ du sein, par exemple, est peu susceptible d’évoluer vers un cancer invasif a conduit à la proposition de modifier la terminologie pour supprimer le mot « carcinome » (et le mot ‘cancer de stade 0’) afin que le nom corresponde mieux à la compréhension croissante de la biologie sous-jacente, en les désignant simplement comme des « néoplasies intraépithéliales ».
Les termes « cancer » et « carcinome » devaient être réservés aux lésions susceptibles de progresser. Lire ici : https://cancer-rose.fr/2023/04/25/ne-mappelez-plus-cancer/)

Par exemple, il existe certainement un niveau à partir duquel l’hypertension artérielle est nocive et à partir duquel les avantages d’une intervention dépassent les risques. Toutefois, le seuil exact fait l’objet d’un vif débat. Devrions-nous vraiment qualifier de malade une personne dont la pression artérielle systolique est de 142 ? Cela se traduit-il par un bienfait global ?
(NDLR : la question. de »quand est-on malade? » est posée dans le livre de Dr B.Duperray, « dépistage du cancer du sein, la grande illusion » aux éditions Souccar, extrait page 249
« Vouloir dépister sans savoir répondre à la question à partir de quand est-on malade ? conduit inévitablement au surdiagnostic. Si l’on ne peut pas encore se soustraire à tout coup à la mort par cancer du sein, on peut, en évitant le surdiagnostic, ne pas avoir à vivre l’agression médicale face à une maladie hypothétique fabriquée de toute pièce. »
)

En ce qui concerne la médecine d’urgence, nous savons que les petits caillots sanguins sont extrêmement fréquents dans le corps humain. Il existe un équilibre permanent entre la coagulation et la lyse qui est intrinsèquement normal (pas de maladie). Si une embolie pulmonaire sous-segmentaire (affectant une toute partie très minime d’un poumon, NDLR) est découverte fortuitement sur un scanner de traumatologie, ce patient doit-il être considéré comme malade ? Lorsque nous trouvons des nodules fortuits sur un scanner de traumatologie, à partir de quel seuil devons-nous les qualifier d’anormaux ? Plus nous demandons d’examens, plus ces questions deviennent pressantes.
(Article connexe à lire à partir de la partie B, incidentalomes et soins de faible valeur)

L’explosion des informations diagnostiques dont nous disposons souligne « l’importance de faire la distinction entre les données (une collection de faits isolés), l’information (la reconnaissance du modèle que ces données impliquent), la connaissance (une compréhension de ce que ces informations signifient) et la sagesse (savoir comment appliquer les connaissances d’une manière qui améliore les résultats) ». (Hoffman 2017)

Preuves de surdiagnostics

La plupart des preuves de surdiagnostic proviennent du domaine des soins primaires et du dépistage. Bien qu’ils ne relèvent pas de la médecine d’urgence, ces exemples permettent d’élucider les problèmes posés par le dépistage dans les populations à faible risque.

Le cancer de la thyroïde est un exemple classique.
(Article connexe : https://cancer-rose.fr/2020/06/05/le-surdiagnostic-du-cancer-de-la-thyroide-une-preoccupation-feminine-aussi/)
L’incidence du cancer de la thyroïde est restée relativement stable pendant des décennies, jusqu’à ce que le dépistage commence à devenir populaire dans les années 1990. L’incidence a ensuite triplé entre 1990 et 2009, mais la mortalité est restée totalement inchangée. « Nous avons constaté qu’il existe une épidémie de cancer de la thyroïde aux États-Unis. Cependant, il ne semble pas s’agir d’une épidémie de maladie. Nos résultats démontrent que le problème est dû au surdiagnostic du cancer papillaire de la thyroïde, une anomalie souvent présente chez des personnes qui n’en développent jamais les symptômes. » (Davies 2014)
La situation est encore pire en Corée du Sud, où un programme de dépistage financé par le gouvernement a entraîné une multiplication par 15 des diagnostics de cancer de la thyroïde, sans qu’il y ait de preuve d’une amélioration de l’état de santé des patients. (Lee 2014 ; Park 2016)

NDLR : nous voyons de ce schéma tiré de la référence Davies 2014 (voir réfs en bas d’article) qu’avec le sur-dépistage des cancers thyroïdiens nous avons un paradoxe entre l’inflation des diagnostics de cancers et une mortalité pourtant non améliorée.
On trouve des preuves similaires de surdiagnostic pour le cancer du sein, le cancer de la prostate et le cancer du poumon. (Draisma 2009 ; Welch 2010 ; Patz 2014)

(Lire aussi : https://cancer-rose.fr/2023/01/09/le-surdiagnostic-des-cancers-un-defi-a-lere-du-depistage/)

Surdiagnostic en médecine d’urgence

Dans un article précédent sur le surdiagnostic, j’ai parlé d’un document examinant des exemples de surdiagnostic dans les services d’urgence (Vigna 2022). (Vigna 2022)
Cet article présente des exemples de surdiagnostic d’embolie pulmonaire, de maladie coronarienne, d’hémorragie sous-arachnoïdienne et d’anaphylaxie. En d’autres termes, le surdiagnostic est probablement présent dans les affections les plus courantes que nous évaluons chaque jour.

En réponse à une étude de base de données suggérant que nous pourrions manquer des fractures cervicales dans la population gériatrique, Hoffman et ses collègues présentent des données suggérant que de nombreuses fractures vertébrales chez les personnes âgées sont asymptomatiques, et donc « non seulement une intervention de routine ne conduirait pas à un bénéfice, mais elle produirait presque certainement un préjudice substantiel (et évitable) pour beaucoup de ces personnes. »  (Hoffman 2017)
En d’autres termes, bien que la découverte d’une fracture cervicale semble toujours importante, les fractures cervicales pourraient représenter un autre exemple de surdiagnostic.

Une fracture du rachis cervical peut-elle faire l’objet d’un « surdiagnostic » ? À première vue, cette affirmation semble étrange. Les fractures du rachis cervical sont importantes à détecter, n’est-ce pas ? Cependant, je pense que Hoffman a tout à fait raison. Au cours de la dernière décennie, les radiographies du rachis cervical sont tombées en désuétude, remplacées presque entièrement par la tomodensitométrie. On nous a dit que c’était nécessaire, car la sensibilité des rayons X n’était tout simplement pas suffisante. Cela ne m’a jamais semblé correct. Il est évident que le scanner trouvera beaucoup plus de choses que la radiographie, mais était-ce vraiment un problème que nous devions résoudre ? Dans les années 1990, combien de patients ont été renvoyés de l’hôpital après une radiographie normale et sont devenus paralysés à cause d’une fracture de la colonne cervicale manquée ? Si le scanner était vraiment meilleur, nous devrions être en mesure de mettre en évidence les véritables préjudices subis par les patients à l’époque où il n’existait pas encore, mais le pouvons-nous ? Ou bien toutes les lésions supplémentaires détectées par le scanner sont-elles sans importance pour nos patients, sans qu’il soit nécessaire de modifier la prise en charge ? (Je ne demande pas d’imagerie pour les fractures nasales, parce que cela ne va pas changer la pratique. Peut-être que le scanner du rachis cervical est similaire).

Si le surdiagnostic est possible pour les fractures du rachis cervical, il semble qu’il le soit pour tous les diagnostics que nous posons.

Aidons-nous vraiment nos patients en identifiant et en réalisant un plâtre pour une fracture /avulsion ? Une admission pour une petite augmentation de la troponine est-elle une bonne ou une mauvaise chose (NDLR le dosage de la troponine est utilisé dans le diagnostic d’infarctus)? Avions-nous besoin de trouver cette culture d’urine positive ? Pour presque tous les tests que nous demandons, il y a probablement des exemples de patients qui feraient mieux de ne pas en connaître les résultats.

Comment pouvons-nous nous améliorer ?

Les causes de surtesting sont complexes et variées, notamment le risque de faute professionnelle, les incitations financières, les préférences des praticiens, le manque de suivi disponible, les attentes des patients, la complexité croissante de la médecine d’urgence et la culture de la perfection qui prévaut en médecine. (Carpenter 2015)
Carpenter et ses collègues suggèrent également que le manque de connaissance des règles de décision pourrait entraîner un surtest, mais personnellement je pense que l’exact opposé est probablement vrai ; les règles de décision avec des preuves imparfaites, et l’accent mis sur une sensibilité parfaite, mais une spécificité médiocre, entraînent probablement un surtesting.
(NDLR : l’auteur fait allusion aux recommandations émises sur des conduites à tenir pour des situations cliniques précises, et fait référence aux protocoles et référentiels recommandés dans telle ou telle situation clinique, auxquels on incite les cliniciens à se référer pour la prise en charge des pathologies)

Nous avons besoin d’une meilleure recherche. De nombreux arguments concernant les tests sont fondés sur des opinions plutôt que sur des données. Par exemple, de nombreux médecins urgentistes pensent que la prescription de tests prend moins de temps que la prise de décision partagée, mais de bonnes données sur ce sujet pourraient prouver qu’ils ont tout à fait tort. (La prescription de tests nécessite au moins une rencontre supplémentaire avec le patient, sans parler du temps consacré à l’interprétation du test, à la documentation des résultats et à l’inefficacité souvent liée à la recherche de patients dans la salle d’attente une fois les tests terminés).

Nous devons également encourager les essais cliniques randomisés sur les tests. Trop souvent, les tests sont introduits sur la base de leurs seules caractéristiques, mais sans information sur les résultats pour les patients. (Ou pire encore, des essais contrôlés randomisés sont réalisés et ne montrent aucun avantage, mais nous ignorons ces essais parce que la sensibilité du test est assez bonne. …
En l’absence de recherches appropriées, il est impossible pour les cliniciens de savoir quand un test est approprié ou non.

Malheureusement, même avec une recherche correctement financée, nous risquons de nous retrouver avec d’importantes lacunes dans nos connaissances. « Les essais contrôlés randomisés (ECR), considérés à juste titre comme le critère de référence pour évaluer le bénéfice potentiel d’une intervention, sont notoirement médiocres pour évaluer les dommages potentiels. Les RCT ont presque toujours une puissance insuffisante pour rechercher les préjudices, ils recherchent rarement (et ne parviennent donc pas à identifier) les préjudices qui n’étaient pas prévisibles avant la réalisation de l’étude, ils ne durent presque jamais assez longtemps pour évaluer les préjudices qui se produisent au fil du temps, et (comme les gériatres le savent si bien) ils excluent généralement précisément les personnes qui sont les plus à risque. » (Hoffman 2017)

NDLR, extrait du livre de C.Bour « mammo ou pas mammo ? » aux éditions Souccar, page 168 :
« De 1970 à 1980, dans divers pays (Norvège, Danemark, Canada, New York, Suède) des femmes ont été incluses dans des études expérimentales, ce qu’on appelle des essais. Ces essais consistaient à comparer tout simplement le devenir de femmes dépistées à celui de femmes non dépistées. À l’époque c’était possible, les femmes n’ayant jamais été radiographiées au niveau des seins. On disposait de ce qu’on peut appeler des « cohortes pures ». Ces études montraient une soi-disant formidable diminution de mortalité grâce au dépistage, jusqu’à 30 % de moins de risque de décéder d’un cancer du sein. Le résultat semblait enthousiasmant. Or ces premières expériences comportaient de bien nombreux biais, c’est-à-dire des irrégularités dans la méthode, dans la répartition des femmes entre les deux groupes et dans les analyses statistiques. La méthodologie n’obéissait pas aux critères de qualité actuels. Les résultats les meilleurs étaient obtenus avec les moins bonnes mammographies. D’ailleurs, aucun des appareils utilisés alors n’obtiendrait l’agrément pour être utilisé de nos jours. »

Nous avons besoin de systèmes financiers qui récompensent les médecins pour leurs bons soins, et pas seulement pour leur efficacité ou leur rapidité. Nous avons besoin de systèmes juridiques plus raisonnables, capables de reconnaître les avantages à long terme de l’évitement des tests, plutôt que de simplement sanctionner les médecins lorsque des tests ne sont pas demandés.

Nous avons besoin d’une culture médicale qui reconnaisse les seuils des tests et le taux d’échec…
Une bonne éducation ne peut se contenter de mettre l’accent sur la mentalité du « envisager le pire d’abord » ou sur les erreurs de diagnostics, sans insister sur les nombreux inconvénients des tests supplémentaires.

Pour que le service des urgences réduise le nombre de tests, nous avons besoin de systèmes de santé fonctionnels, avec un suivi fiable, afin de ne pas rester les seuls médecins auxquels les gens peuvent avoir accès. Nous devons reconnaître que les tests sont utiles lorsque nous choisissons le bon test. Nous devons avoir accès aux tests appropriés dans les services d’urgence. Je n’ai pas accès à l’IRM en temps voulu, si bien que mes patients souffrant d’une possible syndrome de la queue de cheval (compression des nerfs inférieurs de la moelle épinière dans le bas du dos, aux étages vertébraux S2, S3, S4 et S5) subissent souvent d’abord un scanner, puis une IRM, ce qui accroît les risques potentiels d’un test sans aucun bénéfice.

Bien que cela ne concerne pas vraiment la médecine d’urgence, toute la logique derrière le dépistage et la détection précoce doit être reconsidérée, et les programmes de dépistage ont besoin de preuves solides de l’amélioration des résultats réels orientés vers le patient (et non pas des résultats ridicules et artificiels comme la mortalité spécifique à la maladie).
Nous devons reconnaître que tous les tests peuvent être nocifs (par le biais de faux positifs et de surdiagnostics) et qu’aucun test ne devrait être effectué « systématiquement ». (Oui, j’en appelle à mes bons amis, les aficionados de l’échographie aux urgences).

Si des règles de décision doivent être utilisées, elles doivent être conçues avec des objectifs rationnels … elles doivent être testées de manière approfondie par le biais d’études de mise en œuvre qui démontrent réellement le bénéfice pour le patient, plutôt que de s’arrêter simplement lorsque nous constatons une sensibilité décente (tout en ignorant également la faible spécificité qui conduira à des tests excessifs).

Nous avons besoin d’une meilleure éducation. Les problèmes de surdiagnostic ne sont pas bien connus en médecine, et il est logique de commencer par là, mais nous ne progresserons pas sur cette question tant que les patients n’auront pas compris que les tests peuvent être nocifs.

Les médecins urgentistes reconnaissent le gaspillage des tests et acceptent que la prise de décision partagée soit nécessaire et réaliste. Nous voulons tous ce qu’il y a de mieux pour nos patients. Cependant, les solutions à ces problèmes ne seront pas trouvées au niveau individuel. L’éducation est une approche nécessaire, mais insuffisante. Les décisions actuelles en matière de tests diagnostiques sont largement motivées par des pressions sociétales ou culturelles. La résolution de ces problèmes nécessitera un changement sociétal ou culturel.
(Article connexe à lire : https://cancer-rose.fr/2023/01/26/article-pour-les-usagers-les-tests-de-routine-juste-pour-se-rassurer-cest-une-mauvaise-idee/

Pour l’instant, tout ce que vous pouvez faire en tant que médecin praticien, c’est de vous rappeler de vous poser la question suivante : mon patient pourrait-il se porter mieux si on ne cherchait pas ?

References

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