HAS et tests génomiques prédictifs de récidive de cancer du sein

6 mars

Article dans EGORA du 4 au 10 mars 2019, 207-208 ; synthèse Dr C.Bour

https://www.egora.fr/actus-medicales/gynecologie-obstetrique/46227-cancer-du-sein-avis-defavorable-au-remboursement-des?page=0%2C1

 

Afin de déterminer si on doit prévoir une chimio-thérapie adjuvante après un cancer du sein, c'est à dire une chimiothérapie prescrite à la suite de la chirurgie d'un cancer du sein et destinée à prévenir les récidives, on se base sur certains critères dits anatomo-cliniques qui sont :

  • l'âge
  • l'existence de ganglions atteints
  • la taille tumorale
  • les caractéristiques biologiques de la tumeur

 

Développement de la génomique

 

Les techniques de génomique pour estimer un risque de récidive à partir d'un panel de gènes présents dans la tumeur se sont développées ces derniers temps, et en France on dispose de 4 systèmes (Mammaprint, Oncotype DX, EndoPredict, Prosigna).

Il s'agit donc d'évaluer l'utilité de ces tests afin de déterminer leur prise en charge ou pas.

 

Conclusions de la HAS

 

La HAS a constaté que l'utilité des tests concernerait seulement 5 à 10% des femmes, celles à risque intermédiaire de récidives.

Pour l'agence, le test est inutile en cas de cancer à faible risque de récidive pour lequel la chimiothérapie adjuvante n'est pas nécessaire ; le test est inutile également pour le cancer à fort potentiel de récidive, pour lequel la chimiothérapie adjuvante sera de toute façon recommandée.

Les tests ne présentent pas de valeur ajoutée par rapport aux critères anatomo-cliniques déjà existants et de plus, selon le test appliqué, il existe des variations pour la décision de la mise en oeuvre d'une chimiothérapie adjuvante chez une femme sur 4.

Déjà en 2014, dans un article de la revue Annales de Pathologie oct 2014 volume 34 n°5, intitulé "uPA/PAI-1, Oncotype DX, Mammaprint, valeurs pronostique et prédictive pour une utilité clinique dans la prise en charge du cancer du sein", les auteurs (dont JP Bellocq*, président de la société française d'assurance qualité en anatomie pathologique) concluaient à l'impossibilité de dégager une valeur ajoutée d' Oncotype DX et de Mammaprint par rapports aux outils prédictifs actuels. Cet article pointait déjà le manquement dans les données de la littérature pour apprécier le poids d'une éventuelle valeur ajoutée, l'utilité clinique dépendant de cette donnée. De plus les études coûts/efficacité étaient jugées de qualité insuffisante et entachées de mauvaise procédure pour décider d' employer ces outils dans une démarche de décision thérapeutique.

*https://www.afaqap.fr/lassociation/organisation/conseil-dadministration

 

Recommandations

 

La HAS recommande donc d'effectuer tout d'abord d'autres recherches cliniques, notamment une étude clinique prospective et comparative (avec test et sans test), et avec recueil exhaustif des données.

Pour l'instant, pas de remboursement systématique des tests génomiques prédictifs de récidive de cancer du sein.

 

 

 

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Les recommandations européennes

par Dr C.Bour, 9 février 2019

Nouvelles recommandations sur le dépistage du cancer du sein, de la Commission Initiative on Breast Cancer (ECIBC)

recos ECIBC

La "European Commission Initiative on Breast Cancer" (ECIBC), autrement dit l’initiative de la commission européenne sur le cancer du sein, publie ses nouvelles recommandations (ici : https://ecibc.jrc.ec.europa.eu/recommendations/)

Au total, 80  recommandations seront accessibles au public et classées en trois groupes, selon leurs destinataires :

  1. professionnels de la santé,
  2. patients / individus,
  3. créateurs de politiques.

Ces recommandations abordent : la fréquence des dépistages, les moyens d'invitation et d'information, les stratégies de communication envers les populations plus vulnérables psychologiquement, les stratégies d'organisation du dépistage, les types de tests, les méthodes de diagnostic, l'utilisation des technologies plus avancées comme la tomosynthèse, la communication des résultats et la formation des professionnels.

Cette initiative part des recommandations émises lors de Journée mondiale du cancer 2018 (journée mondiale cancer 2018) soutenue par Unicancer [1].

Qui sont les personnes composant l'équipe émettant les recommandations ?

Quelques scientifiques en particulier, qui font partie du groupe de développement des recommandations, que nous appellerons le GDR, retiennent notre attention : Stephen Duffy, Lennarth Nyström et Mireille Broeders.

Stephen Duffy a participé au tristement célèbre essai pionnier suédois sur le dépistage du cancer du sein dans deux comtés suédois, co-auteur de Tabar, et sur lequel se base le programme national de dépistage du cancer du sein au Royaume-Uni notamment. Cet essai a été mis en cause avec véhémence, tant en raison de ses biais majeurs que des conflits d'intérêts de Tabar. Voir l'article de P.Autier :

Autier "un enjeu majeur" , chapitre "bilan des premiers essais, les études".

Ces auteurs ont contribué à plusieurs publications mettant en avant les "extraordinaires bénéfices" du dépistage. La bibliographie du site de la Commission Européenne sur le cancer du sein[2]  fait la part belle aux travaux de Tabar, Pulliti, Duffy, Nyström etc, sous le titre de "preuves des effets", mais mentionne également les études de Miller, Harding, Cochrane, Autier, plus récentes et mettant en doute les bénéfices avancés.

Le libellé "preuve des effets" est très affirmatif car tout bon épidémiologiste et statisticien sait qu'en matière d'études scientifiques populationnelles il n'y a jamais de "preuves". Il y a des présomptions, les études qui suggèrent que, ou une conjonction d'études qui oriente vers telle ou telle conclusion...

Remettons les choses en lumière concernant ces premiers essais promoteurs du dépistage systématique.

En 2005 déjà, le statisticien norgévien Per-Henrik Zahl membre de la collaboration Cochrane, signale des différences entre ce qu’il constate dans le registre suédois et ce qui a été publié par Tabar en 1985 dans l’essai des Deux Comtés. « Par rapport aux statistiques officielles suédoises, nous avons constaté que 192 cas de cancer du sein et 43 décès par cancer du sein semblent ne pas figurer dans la publication principale de l’essai de Deux-Comtés ». Le Lancet avait à l'époque refusé de publier l'article de Zahl que celui-ci a dû proposer à d'autres revues scientifiques...[3] [4]

Outre les différences notées entre le registre suédois et la publication de Tabar, l’article de Zahl remarque également des discordances dans les résultats de l’essai suédois des Deux-Comtés. « Le nombre de femmes incluses dans l’étude donne un total de 133 065 femmes résidant dans les deux comtés lors de l’allocation aléatoire dans l’article de 2011, alors que celui de 1985 comptabilisait 134 867 femmes incluses dans l’étude, soit 1802 de plus. »

« En 1992, Tabar et ses collègues ont signalé 465 décès par cancer du sein dans le groupe d’âge des 40 à 74 ans, soit 16 de moins que le nombre indiqué dans l’aperçu des essais suédois »

PH Zahl, et all font remarquer en plus que les données sur les décès varient selon qu’elles proviennent des publications de Tabár ou Nyström co-auteur de l’étude : Tabár annonce moins de décès par cancer du sein dans le groupe dépisté que Nyström, et plus de décès par cancer du sein dans le groupe témoin que Nyström

Les recommandations pour les patientes selon les tranches d'âges :

Quatre tranches d'âge sont examinées : 40-44 ans, 45-49 ans, 50-69 ans, 70-74 ans.

Pour la première tranche d'âge, entre 40 et 44 ans, le groupe de scientifique du GDR recommande de ne pas recourir au dépistage pour les femmes asymptomatiques. Nous saluons ceci car dans beaucoup de départements en France les gynécologues le prescrivent assez systématiquement dès 40 ans. https://ecibc.jrc.ec.europa.eu/recommendations/details/Professional/screeningage/40-44

Concernant la tranche suivante, pas de dépistage annuel selon le groupe, mais le GDR suggère un dépistage mammographique triennal ou biennal dans le cadre d'un programme de dépistage organisé, en précisant l'existence d'un faible niveau de preuves.

La tranche des 50 à 69 ans se voit attribuer une recommandation forte de dépistage biennal.

Enfin, petit changement pour le groupe de femmes le plus âgé, un dépistage triennal est suggéré.

Nous nous posons la question de la légitimité de cette structure plutôt promotrice du dépistage sous le logo (rassurant ?) de l'UE.

La gouvernance est détaillée, avec les rapports de conflits d'intérêts des membres, mais dont les montants perçus ne sont pas tous mentionnés.

Néanmoins force est de constater qu'au-delà de la recommandation du maintien du dépistage systématique pour les femmes de 50 à 74 ans, le GDR fait preuve de prudence, mentionne le surdiagnostic en donnant, selon les tranches, une évaluation moyenne entre 12 et 22%, parle du risque des fausses alertes et de l'exposition au risque de mastectomies supplémentaires ainsi qu'à l'anxiété inutile.

Pour chaque tranche d'âge les recommandations sont argumentées, et vous trouverez pour chaque catégorie d'utilisateur 5 rubriques : la puissance de la recommandation, sa justification détaillée avec la mortalité réduite ou pas et les risques de surdiagnostic, fausses alertes et mastectomies, les considérations générales sur ce qu'il faudrait faire à l'avenir, une rubrique évaluation avec un questionnaire, et pour finir une bibliographie assez détaillée.

Pour les professionnels (https://ecibc.jrc.ec.europa.eu/recommendations/list/Professional) une incitation à la promotion du dépistage est donnée dans un chapitre (descendre avec le curseur) : ' Quel type de communication faut-il utiliser chez les femmes vulnérables pour accroître leur participation aux programmes de dépistage? '

"Pour que les programmes de dépistage du cancer du sein entraînent une réduction de la mortalité par cancer du sein, une proportion importante de la population doit y participer. Les programmes à faible taux d'utilisation peuvent être inefficaces et favoriser les inégalités dans les services de santé."

Or, on sait depuis l'étude d'Autier sur les Pays Bas que même les pays à forte participation ne connaissent pas de réduction significative de la mortalité imputable au dépistage et un taux stable des cancers avancés.[5] [6]

Autre ajout  (descendre un peu plus bas avec le curseur), le chapitre :

" Un outil d'aide à la décision expliquant les avantages et les inconvénients du dépistage par rapport à une lettre d'invitation "régulière" devrait-il être utilisé pour informer les femmes des avantages et des inconvénients du dépistage du cancer du sein?"

Au-delà de la promotion du dépistage, à la lecture des nouveaux chapitres édités et de la formulation nuancée des recommandations on peut constater davantage de prudence avec plus d'honnêteté sur les risques, même si l'estimation retenue du surdiagnostic est comprise dans un intervalle bas (entre 10 et 17% pour les 50-69 ans), et au regard des efforts d'argumentation et de justification des directives énoncées.

La synthèse du NIH

 

La synthèse du National Institute of Health américain[7] nous semble résumer plus clairement et synthétiquement les tenants et aboutissants pour les professionnels de santé, à la fois sur le dépistage mammographique, mais aussi concernant l'examen clinique des seins ou l'auto-examen, et il nuance le bénéfice escompté des premiers essais.

" Des études de population réalisées plus récemment soulèvent des questions sur les avantages pour les populations dépistées qui participent au dépistage sur des périodes plus longues."

"La validité des méta-analyses d'ECR démontrant un bénéfice en termes de mortalité est limitée par les améliorations apportées à l'imagerie et au traitement médicaux au cours des décennies qui ont suivi leur achèvement. Les 25 années de suivi de l’Essai national canadienne sur le dépistage du cancer du sein (CNBSS) [ 4 ], achevée en 2014, n'ont montré aucun bénéfice en termes de survie associé aux mammographies de dépistage."

"Sur la base de preuves solides, la mammographie de dépistage peut avoir les effets nocifs suivants..."

Le surdiagnostic potentiel ici est annoncé entre 20 et 50%, le taux de rappel à 10%, le risque de cancer radio-induit est cité ("en théorie, les mammographies annuelles chez les femmes âgées de 40 à 80 ans peuvent provoquer jusqu'à un cancer du sein sur 1 000 femmes"), et, chose rare, l'effet faussement rassurant est également évoqué en cas de faux négatif.

Conclusion

On peut saluer un effort dans les nouvelles recommandations européennes avec plus d'argumentation et de nuances dans la relation de la balance bénéfice /risques, mais regretter que la grande majorité des membres de cette commission européenne soit composée des emblématiques promoteurs, très contestés, du dépistage organisé du cancer du sein, que la bibliographie énumérée fasse la part belle aux études favorables aux premiers essais cliniques, et enfin que le risque du surdiagnostic soit minimisé.

BIBLIO

[1] Unicancer, qu'est-ce que c'est ?

Unicancer est un réseau hospitalier composé de différents établissements, dédié à 100 % à la lutte contre le cancer, le groupe soutient Octobre rose.

http://www.unicancer.fr/actualites/groupe/octobre-rose-2018-reseau-unicancer-se-mobilise

Unicancer a touché plus de 15 millions d’euros des industriels, du moins de ceux dont on peut connaître le montant, selon la base de données Eurofordocs. C’est aussi Unicancer qui organise le très curieux essai MyPeBS http://mypebs.cancer-rose.fr/  sur le dépistage « personnalisé » du cancer du sein.

[2] Pour trouver la bibliographie, aller à https://ecibc.jrc.ec.europa.eu/recommendations/details/Patient/screeningage/40-44, voir "à quel âge...", puis cliquer sur le 5ème onglet, le plus à droite.

[3] Zahl Ph, Gøtzsche PC, Andersen JM, Maehlen J, Withdrawn Results of the Two-County trial of mammography screening are not compatible with contemporaneous official breast cancer statistics in Sweden. Eur J Cancer, 2006; mars.

[4] Zahl PH, Gotzsche PC, Andersen JM, Maehlen J. Results of the Two-County trial of
mammography screening are not compatible with contemporaneous official Swedish breast cancer statistics. Dan Med Bull. 2006 Nov ;53(4) :438-40.

[5] https://app.core-apps.com/sabcs2016/abstract/d65d1d601c44a12e649faed52440f92e

[6] https://www.cancer-rose.fr/efficacite-et-surdiagnostic-du-depistage-mamographique-aux-pays-bas-etude-populationnelle/

[7] https://www.cancer.gov/types/breast/hp/breast-screening-pdq#link/_13_toc

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Dépistage chez la femme âgée

Nouvelles technologies de dépistage du cancer du sein chez les femmes âgées — Est-il temps de freiner?

article JAMA

Synthèse Dr C.Bour, 6 février 2019

 

 

Ce point de vue publié dans le JAMA le 14 janvier pose la question de la pertinence du dépistage du cancer du sein dans la population âgée, au-delà de 74 ans.

A travers l'historique du remboursement de ce dépistage par le Medicare [1] au fil des évolutions technologiques successives depuis la mammographie analogique, puis numérique en passant par des systèmes de détection assistée par ordinateur jusqu'à l'acquisition tridimensionnelle (la tomosynthèse), l'article s'interroge sur la pertinence-même de la détection chez la personne âgée, et c'est ce qui nous intéresse.

En effet, les recommandations officielles de dépister s'arrêtent à l'âge de 74 ans mais il n'est pas rare de voir des patientes envoyées pour une mammographie systématique, sans aucun symptôme, à des âges plus canoniques.(NDLR)

 

Historique

 

Du début du dépistage aux Etats Unis, en 1970 et ce jusqu'en 1991, aucun essai clinique sur la mammographie n’avait inclu des femmes de plus de 74 ans, et il régnait un scepticisme quant à son efficacité dans ce groupe d'âge.[2]

Plus d’un quart de siècle plus tard, il y a encore peu de preuves directes en faveur du dépistage du cancer du sein chez les femmes de plus de 74 ans.

En 2008 un important essai clinique randomisé a laissé entendre que l’exactitude de la mammographie numérique n’était pas supérieure à la mammographie analogique pour les femmes de 65 ans et plus, et qui n’ont pas de seins denses.[3]

En sus de la mammographie numérique est arrivée la détection assistée par ordinateur, qui utilise un logiciel pour analyser les images numériques et signaler des zones suspectes pour un ré-examen par le radiologue. Le congrès américain à l'époque a mandaté la couverture par l’assurance-maladie pour ce procédé de détection assistée en dépit d’un manque de données probantes sur les bénéfices pour les femmes âgées, selon une étude faite sur le sujet.[4]

Cette vaste étude de 2013 sur les résultats à court terme de la mammographie avec détection assistée chez les femmes âgées de 65 à 84 ans donnait des résultats mitigés : la technologie a détecté certains cancers au stade précoce mais n’a pas augmenté la détection en général et a conduit à davantage de faux-positifs. Il n'est pas certain que la santé des femmes âgées se soit améliorée grâce à cette technologie.

La performance technologique a poursuivi son évolution et a donné naissance à la tomosynthèse, imagerie tridimensionnelle du tissu mammaire par acquisition de plans multiples. Des études ont démontré une augmentation des taux de détection du cancer mais aussi une réduction du taux de rappel. Actuellement, cependant, nous ne connaissons qu’une seule étude sur la tomosynthèse mammaire numérique qui ait rapporté des résultats chez les femmes de plus de 70 ans[5]. Cette étude n’a révélé aucune réduction significative de taux de rappel dans ce groupe d’âge avancé, et on ne démontre pas que la tomosynthèse mammaire permette d’améliorer les résultats du cancer du sein dans ce groupe d’âge.

 

Pistes proposées, que faire ?

 

L'article suggère que bien que les nouvelles technologies de dépistage du cancer du sein aient largement supplanté la mammographie analogique sur film, il est difficile de savoir si ces avancées ont réellement amélioré la santé des femmes, en particulier chez celles de 75 ans et plus. Il faut donc se garder, selon les auteurs, d'inciter des femmes (par des remboursements accordés de ces nouvelles technologies coûteuses) à faire l’objet d’un dépistage, alors qu'elles n’en profiteront pas, dépistage qui pourraient même leur être défavorable en raison du problème du surdiagnostic[6].

Les auteurs abordent plusieurs pistes pour éviter les écueils de la promotion et l'incitation pour ces nouvelles technologies, remboursées successivement lors de leur avènement au cours de l'histoire par le Medicare. Ils évoquent la prise en charge groupée de l'examen de dépistage par exemple, quelle que soit la ou les techniques employées, ou encore l'exigence de davantage de preuves avant de couvrir toute la population ciblée.

Une autre approche évoquée est celle d'élaborer des études de randomisation sur les nouvelles technologies. On continuerait l'usage en place avec collecte de données probantes sur ces bénéficiaires âgés.[7]

Selon l'article, cela permettrait à l’assurance-maladie de continuer à couvrir les nouvelles technologies avec possibilité d'études, les essais randomisés n'étant pas toujours facilement réalisables ou accusés d'être non-éthiques car soustrayant des populations à ces technologies. Par exemple, un "design quasi randomisé" pourrait tirer parti de l’implantation échelonnée de la tomosynthèse mammaire numérique, dernière technologie en date pour tenter de tirer des conclusions sur son efficacité chez les femmes de plus de 74 ans.

 

NDLR. Il faut être réellement prudent chez la personne âgée asymptomatique de la mammographie systématique sans bénéfice avéré, chez ces personnes vulnérables et exposées particulièrement aux effets morbides d'un surdiagnostic et surtout du surtraitement ,(complications thrombo-emboliques, cardiaques etc...)

 

[1]  Système d'assurance-santé géré par le gouvernement fédéral des États-Unis bénéficiant aux personnes de plus de 65 ans, financé par le fonds fiduciaire d'assurance-hospitalisation et le fonds fiduciaire d'assurance maladie complémentaire.

[2] NattingerAB,GoodwinJS.Screening mammography for older women: a case of mixed messages. Arch Intern Med. 1992;152(5):922-925. doi:10.1001/archinte.1992.00400170012003

[3] PisanoED,HendrickRE,YaffeMJ,etal;DMIST Investigators Group. Diagnostic accuracy of digital versus film mammography: exploratory analysis of selected population subgroups in DMIST. Radiology. 2008;246(2):376-383. doi:10.1148/radiol. 2461070200

[4] FentonJJ,XingG,ElmoreJG,etal.Short-term outcomes of screening mammography using computer-aided detection: a population-based study of Medicare enrollees. Ann Intern Med. 2013; 158(8):580-587. doi:10.7326/0003-4819-158-8- 201304160-00002

[5] Sharpe RE Jr, Venkataraman S, Phillips J, et al. Increased cancer detection rate and variations in the recall rate resulting from implementation of 3D digital breast tomosynthesis into a population-based screening program. Radiology. 2016;278(3):698-706. doi:10.1148/radiol.2015142036

[6] WalterLC,SchonbergMA.Screening mammography in older women: a review. JAMA. 2014;311(13):1336-1347. doi:10.1001/jama.2014.2834

[7] Daniel GW, Rubens EK, McClellan M. Coverage with evidence development for Medicare beneficiaries: challenges and next steps. JAMA Intern Med. 2013;173(14):1281-1282. doi:10.1001/ jamainternmed.2013.6793

 

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De la pertinence des dépistages de nos jours, à propos de deux articles

23/01/2019

Synthèse Dr C.Bour

 

Il est temps d'abandonner la détection précoce

Le premier de ces deux articles que nous allons examiner est un éditorial paru en ce début d'année 2019, ici :

"Time to abandon early detection cancer screening"

Il pose la question de la pertinence de l'abandon en général des procédures de détection précoce, autrement dit des dépistages.

Dans les références de cette publication on trouve le deuxième article qui nous intéresse, de V.Prasad, paru dans le BMJ en 2015, ainsi que le colossal travail de synthèse de Pr P.Autier (voirdossier Autier/Boniol).

Les auteurs de "il est temps d'abandonner la détection précoce par dépistage" expliquent qu'après un demi-siècle de lutte contre les cancers, la bataille n'est pas remportée de façon significative ; les avancées sont davantage celles des thérapeutiques que des préventions.

L'espoir de guérir les cancers en les détectant plus tôt, avant l'arrivée des symptômes, a failli.

Actuellement, l'incitation aux dépistages demeure promotionnelle et présentée comme fondamentale pour le contrôle actuel et futur des cancers, malgré des preuves de plus en plus nombreuses de l'absence de bienfaits pour la plupart des tests couramment utilisés.

Les gens devraient être informés de façon non passionnée et objective, et la non-participation éclairée devrait être un choix admis. En conséquence, la participation des populations à ces dépistages doit être abandonnée en tant qu'indicateur d'efficacité.

Après une pratique généralisée durant trois décades, la preuve que les tests de dépistage comme la mammographie ou le dépistage du cancer de la prostate par le PSA (dont l'utilisation a été contestée et regrettée par le concepteur lui-même du test) comportent des effets nocifs (fausses alertes, surdiagnostic) n'a fait que s'accroître. Ceci a conduit par exemple le Conseil Médical Suisse à proposer l’abolition des programmes de mammographie.

 

Pourquoi pas d'efficacité ?

L'absence de succès du dépistage précoce du cancer n’est pas tout à fait surprenante. Avec une énorme variabilité du taux de croissance des cellules, le processus de transformation maligne peut prendre de nombreuses années ou décennies ; pour le cancer du sein, il peut commencer très tôt. Mais l'avancement du diagnostic par le dépistage d'une ou quelques années ne représente qu’une petite fraction de la période pendant laquelle la croissance et la progression tumorale ont lieu. La supposition qui fait croire en la détection salutaire de nombreux cancers durant la courte période entre un stade curable à un stade incurable est trop optimiste. (NDLR : L'évolution des cancers n'est pas linéaire, les cancers graves échappent au dépistage car véloces souvent, et nombre de petits cancers détectés alimentent le surdiagnostic).

Comme de récentes études le montrent la plupart des programmes de dépistage en population n’ont pas réussi à réduire la mortalité par cancer, et la question se pose de savoir s’ils ont causé des dommages, au-delà du gaspillage de ressources et des effets secondaires des traitements qui peuvent être fréquents et graves. La réponse, très courte, est oui.

Intervenir dans des populations saines et transmettre à une proportion d’individus l'idée qu’ils pourraient avoir un cancer mais qu’ils ont besoin d’une analyse diagnostique plus poussée pour confirmer ou exclure ce diagnostic, cela peut avoir de profondes implications. Il en ressort d'importantes conséquences psychologiques et de répercussions en terme d'angoisses existentielles indéniables, un diagnostic de cancer confirmé provoque des effets psychiatriques et somatiques sévères de stress pour les patients, cela est maintenant fermement établi, peu importe que le cancer soit surdiagnostiqué, curable ou déjà métastatique et létal. Cet aspect est largement abordé et souligné chez Prasad.

Les programmes de dépistage infligés à la population font qu’une proportion de la population est inutilement précipitée dans une cascade de processus diagnostiques avec les dangers qu'ils comportent, le surdiagnostic n'étant pas le dernier, avec un non recul de mortalité et des formes graves.

Les prédictions selon lesquelles des outils de dépistage plus performants pourraient fonctionner mieux à l'avenir que ceux existants actuellement abondent : des techniques d'imagerie fortement sensibles, la détection de cellules tumorales circulantes ou des biomarqueurs ..

Toutefois on peut craindre que ces outils qui s’ajoutent à l'arsenal du dépistage existant ne conduisent à d’autres surdiagnostics supplémentaires, à des traitements excessifs (n'apportant pas de bénéfices) et à l'amplification des analyses diagnostiques, des traitements, des procédures de surveillance ainsi qu'à l’escalade des coûts des programmes de dépistage sans bénéfice à l'échelle populationnelle. Et il n’y a pas de garantie que le surdiagnostic consécutif à cette augmentation d’intensité diagnostique soit réservé seulement à ces cancers pour lesquels la documentation sur ce problème est déjà écrasante : neuroblastome, mélanome malin et cancers de la thyroïde, du sein et de la prostate. Le surdiagnostic généralisé pourrait en effet être une conséquence inévitable consécutive à une intensité diagnostique accrue. (NDLR, programme australien de désescalade)

 

 

Et à l'avenir ?

Au cours d’un demi-siècle, le dépistage précoce du cancer a été fortement promu, presque glorifié, comme stratégie visant à améliorer la lutte contre le cancer.

Au fil du temps, la communauté scientifique et les prestataires des soins de santé ont été étonnamment réticents à accepter les preuves que le dépistage des cancers par détection territoriale à grande échelle sur les populations n’a pas répondu à nos attentes, et qu'il a en fait causé des dommages considérables à une grande population de personnes en bonne santé.

Il est nécessaire actuellement de relever le difficile défi de l'éducation du public à la santé.

Selon les auteurs cela devrait de préférence se faire de façon organisée, et en utilisant des études pour pouvoir en mesurer les effets.

Une deuxième option consisterait à modifier et à restreindre les intervalles d’âges concernés et à réduire la fréquence des dépistages, ce qui réduirait à terme l’utilisation totale de ces tests de dépistage.

Une troisième option consisterait à se concentrer davantage sur la prise de décision partagée, dans le cadre d'un examen préalable, ce qui semble plus respectueux du malade et plus réaliste plutôt que d'imposer des dépistages inopérants.

 

 

L'article de Prasad et col.,

paru dans le BMJ en 2015, soulevant lui aussi l'inefficacité des programmes de dépistage

https://pdfs.semanticscholar.org/a85e/a6882916c171564738b1c9db456c1e774b6d.pdf

Que constate-t on après ces décennies de dépistages ?

 

  • Pas de réduction de mortalité

Les auteurs énoncent 2 raisons majeures : les essais manquent de puissance à trouver une minime réduction de mortalité. Et les minimes bénéfices en terme de mortalité peuvent être contre-balancées par les décès imputables aux effets en aval du dépistage.

Les méta-analyses sur les analyses sanguines occultes fécales pour rechercher un cancer colo-rectal, ont montré, selon les auteurs, une légère augmentation des décès non liés au cancer colorectal mais associés au dépistage, ce qui impliquerait des effets en aval de ce test de dépistage, pouvant partiellement ou entièrement annuler les gains pour cette maladie spécifique.
Ces « décès hors cible » surviennent plus particulièrement dans les cas de tests de dépistage exposant à des résultats faussement positifs, à du surdiagnostic de cancers non nocifs et à la sur-détection de lésions fortuites ou incidentalomes. C'est le cas pour la thyroïde, le neuroblastome, la prostate, le sein..
Par exemple, les tests d’antigènes spécifiques de la prostate (PSA) donnent de nombreux résultats faussement positifs, qui contribuent à plus d’un million biopsies de la prostate par an. Sans parler des surdiagnostics...

Les auteurs rappellent que les hommes avec un diagnostic de cancer sont plus souvent enclins aux suicides ou attaques cardiaques dans l'année suivant le diagnostic, ou exposés à mourrir de complications dues aux traitements, et ce pour des cancers détectés qui n'auraient jamais causé de symptômes. Le même argument est valable pour d'autres détections, comme le cancer du poumon, le neuroblastome, le cancer thyroidien...

 

Le données de mortalité doivent être examinés avec minutie.

Les essais randomisés devraient rapporter la mortalité toutes causes dans les groupes dépistage et les groupes témoin (ce que les essais mammographie n’ont jamais fait). Ce paramètre est important ne serait-ce que pour détecter une surmortalité due aux effets secondaires du dépistage.

La mortalité toutes causes ne peut pas représenter un objectif principal pour les cancers conduisant au décès à un âge relativement jeune, ce qui est le cas du cancer col utérin. La mortalité spécifique par ce cancer est élevée et le dépistage par frottis du col contribue à  drastiquement baisser la mortalité par ce cancer. Pour le cancer du sein en revanche, le gain en mortalité spécifique par cancer du sein est faible et pourrait être contrebalancé par des décès dus à d’autres causes (y compris les effets létaux des thérapeutiques).

La mortalité toutes causes doit représenter l’objectif principal à examiner pour le dépistage concernant des personnes plus âgées (p.ex : le cancer prostate, où on peut ainsi intégrer les effets nocifs induits par les traitements ), ou pour des cancers causés par un agent affectant d’autres systèmes de l'organisme (par ex pour le cancer du poumon qui serait dépisté pour les gros fumeurs, la mortalité toutes causes intégrerait les décès par maladie cardio-vasculaire induite par le tabagisme, qui est aussi un facteur important de mortalité chez le fumeur en dehors du cancer du poumon).

Dans tous les cas, la mortalité globale est un argument si indiscutable, qui peut rapporter tant de renseignements pour quantifier les effets indésirables mortels inattendus, qu'elle devrait faire d'office partie des critères à inclure dans les essais en population.

 

  • La perception par le public

Prasad mentionne l'étude de Domenighetti G et col, emblématique de la perception très avantageuse par les femmes du dépistage du cancer du sein, très éloignée de la réalité, le schéma reproduit ici https://www.cancer-rose.fr/la-perception-et-la-realite/ est éloquent sur ce sujet.

 

  • La nocivité des dépistages

Les résultats faussement positifs du dépistage du cancer du sein ont été associés à une détresse psycho-sociale aussi grande qu’un réel cancer du sein diagnostiqué, 6 mois après ; le surdiagnostic affecte plus ou moins largement les populations dépistées, c'est le risque majeur des programmes de dépistage, largement explicité dans ce site.

 

Et maintenant ?

Les évolutions de la mortalité, basées sur des données populationnelles, en particulier pour la prostate et pour le cancer du sein ne sont pas liées aux dépistages. La détection accrue des cancers du sein et d'autres cancers n’a pas entraîné un déclin proportionnel des maladies.

Prasad pose la question : comment peut-on encore prétendre que les dépistages sauvent des vies ? Nous avons maintenant besoin d'essais cliniques de bien plus large ampleur que ceux réalisés jusqu'alors. Des chercheurs postulent que, concernant le dépistage colo-rectal par exemple, 4,1 millions de participants seraient nécessaires pour démontrer une réduction de la mortalité globale, comparée au 150 000 pour l'étude de la mortalité spécifique.

Des essais cliniques pourraient déterminer toutes les causes de décès chez tous les participants afin de surveiller toute augmentation des "décès hors cible".
Ce serait une amélioration par rapport aux normes actuelles, mais ne résoudrait pas la plupart des problèmes.
Les données des études primaires devraient être disponibles dans un format utilisable pour une ré-analyse.

Les auteurs encouragent les prestataires de soins de santé à être francs sur les limites des dépistages, les maléfices des dépistage sont avérés, mais le bénéfice en terme de réduction de la mortalité globale ne l'est pas. Faire baisser les procédures de dépistage peut être un choix raisonnable et prudent pour beaucoup.
Les autorités de santé devraient aussi encourager la participation à des études ouvertes.
Prasad et col. appellent à des normes de preuves plus élevées car il s'agit de permettre la prise de décisions raisonnables et partagées entre médecins et patients.

 

En conclusion :

Selon Otis Brawley, chef scientifique et médecin du travail de la Société de Cancer américaine :
"Nous devons être honnêtes sur ce que nous savons et sur ce que nous ne savons pas, mais que simplement nous croyons. "

 

Voir aussi un autre article publié deux mois plus tard :  https://cancer-rose.fr/2019/03/15/retours-et-considerations-sur-les-programmes-de-depistages/

 

 

 

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Qu’en est-il des recommandations de la Haute Autorité de Santé ?

C.Bour, 3 janvier 2019

Les modalités de dépistage mammographique ou de suivi mammographique des femmes alternent dans leurs fantaisies selon les spécialistes, et le consensus n'est pas là dès lors qu'il y a un antécédent familial quelque part dans la lignée. De ce fait des protocoles très différents et fort subjectifs sont appliqués selon les praticiens dans la fréquence et le début du dépistage pour les patientes, certains jugeant qu'un antécédent familial quel qu'il soit nécessite un dépistage annuel dès 30 ou 40 ans, au choix, d'autres estimant que deux cas de cancers chez de vagues cousines justifient un dépistage pour toute la parentèle, et ainsi chacun y va de sa propre "cuisine" personnelle. Les demandes formulées auprès des radiologues varient elles aussi tout autant dans la créativité, et il serait bon de nous référer, nous tous, praticiens, aux recommandations officielles disponibles pour l'instant sur le site de l'HAS (Haute Autorité de Santé) si la patiente souhaite poursuivre un dépistage régulier après avoir été bien informée des tenants et des aboutissants (et c'est là où le bât blesse...). Même si ces recommandations sont incitatives, sujettes à révision et pourraient changer à l'avenir, elles constituent un barème officiel de ce qui devrait se pratiquer selon cette autorité de santé pour la tranche d'âge 50/74 ans, et ont le mérite d'unifier les conduites à tenir.

Que dit la HAS pour l'instant ?

Vous trouverez ici une fiche synthétique sur les recommandations émises par la HAS  ainsi qu'un article plus complet ici  où la HAS explique bien les limites des recommandations.
En effet il est bien stipulé que la controverse scientifique existe ; les recommandations en général sont émises pour les décideurs politiques de proposer ou non un dispositif de dépistage. MAIS il est d'autant plus important que les femmes soient incluses dans les décisions (et c'est là ou l'information de l'INCa devrait jouer son rôle d'exhaustivité et de neutralité), parce que finalement la décision finale de participer ou non dépend directement du point de vue de la femme, à savoir du poids et de la valeur que chacune accorde aux bénéfices annoncés et aux éventuels risques auxquels elle s'expose. Les décisions et ses points de vue seront différents selon le vécu de chaque femme, son histoire familiale, ses craintes par rapport à un risque de décéder, ou davantage par rapport à un risque de connaître des biopsies et des diagnostics inutiles. Ainsi la HAS dit ceci :

  • La décision de dépister ou non est en partie déterminée par l’appréciation au niveau individuel et/ou collectif de la balance bénéfice-risque associée à la procédure. Cette décision a été prise, à l’échelle collective, sur la base de la baisse attendue des taux de mortalité par cancer du sein associée au dépistage par mammographie. Or, l’actualisation des méta-analyses et les données en population ont montré que l’impact des programmes sur la mortalité était plus faible qu’attendu dans plusieurs pays ayant mis en place précocement un programme de dépistage.
  • La balance bénéfice-risque est d’autant plus défavorable que le dépistage concerne des femmes jeunes et/ou sans facteur de risque. Ces résultats ont conduit certains auteurs à recommander une modification des messages adressés aux femmes, mais également des indicateurs de résultats associés au dépistage (avec notamment quantification du phénomène de sur-diagnostic).
  • La HAS reconnaît les incertitudes qui existent et recommande une information loyale des femmes.

Cliquez :

Femmes à haut risque

Même dans la partie consacrée aux femmes à haut risque, en préliminaire la HAS rappelle qu’en l’absence des facteurs de risque pour lesquels un dépistage spécifique du cancer du sein est recommandé, il n’y a pas lieu de réaliser une mammographie ou une échographie mammaire de dépistage en dehors de la tranche d’âge de participation au programme national de dépistage organisé, c’est-à-dire entre 50 et 74 ans :

Voir dans chapitre 'Recommandations préliminaires'

"La HAS rappelle qu’en l’absence des facteurs de risque pour lesquels un dépistage spécifique du cancer du sein est recommandé, il n’y a pas lieu de réaliser une mammographie ou une échogra- phie mammaire de dépistage en dehors de la tranche d’âge de participation au programme national de dépistage organisé, c’est-à-dire entre 50 et 74 ans."

La HAS rappelle également que la femme doit être en mesure de faire un choix libre et éclairé, cette phrase implique qu'elle pourrait tout aussi bien le refuser si tant est que des informations complètes lui ont été délivrées, bien sûr.

"Par ailleurs la femme doit être en mesure de faire un choix libre et éclairé, conformément aux recommandations sur le dépistage du cancer du sein publiées par la HAS en 2011."

A- Situations ne nécessitant pas un dépistage spécifique

"Situations ne nécessitant pas un dépistage spécifique

  • En cas de densité mammaire radiologique après la ménopause supérieure à 75 % (type 4 de la classification BIRADS de l’ACR)1

La HAS considère qu’aucun dépistage spécifique par imagerie ne doit être proposé en dehors de la participation au programme national de dépistage organisé. Seule une échographie mammaire peut être réalisée par le radiologue devant des difficultés d’interprétation de la mammographie en raison de l’effet masquant de la densité sur la détection des lésions.


1. La densité mammaire élevée avant la ménopause n’a pas été retenue comme un facteur de risque à l’issue des tra- vaux du volet 1."

(NDLR : volet 1 des travaux de la HAS : identification des facteurs de risque ; volet 2 : recherche des stratégies efficaces, sûres et efficientes pour les femmes ayant des facteurs de risque nécessitant un dépistage spécifique).

  • En cas de traitement hormonal substitutif ou traitement hormonal de la ménopause en cours

En cas de prescription avant 50 ans et en l’absence de données suffisantes pour déterminer la balance bénéfice-risque de la mammographie, aucune surveillance radiologique spécifique n’est recommandée.
En cas de prescription après 50 ans, aucune surveillance radiologique spécifique n’est recommandée.

B- Situations nécessitant un dépistage spécifique

  • En cas d’antécédent personnel de cancer du sein ou de carcinome canalaire in situ

La HAS recommande la réalisation d’un examen clinique tous les 6 mois pendant 2 ans puis annuellement.
Une mammographie annuelle, unilatérale ou bilatérale selon le type de chirurgie réalisé, doit être effectuée, en association avec une éventuelle échographie mammaire en fonction du résultat de la mammographie.
Dans l’attente d’études de niveau de preuve suffisant, ce suivi est recommandé sans limite de durée.

  • En cas d’antécédent d’irradiation thoracique médicale à haute dose (antécédent d’irradiation pour maladie de Hodgkin) 

La HAS recommande la réalisation d’un examen clinique annuel à partir de 8 ans après la fin de l’irradiation et au plus tôt à 20 ans.
Une IRM mammaire annuelle doit être effectuée à partir de 8 ans après la fin de l’irradiation et au plus tôt à 30 ans.
En complément de l’IRM réalisée en premier examen, la HAS recommande la réalisation d’une mammographie annuelle (une incidence oblique) en association avec une éventuelle échographie mammaire.
Dans l’attente d’études de niveau de preuve suffisant, ce suivi est recommandé sans limite de durée.

  • En cas d’antécédent familial de cancer du sein avec score d’Eisinger (score servant à poser l'indication de la consultation d’oncogénétique) qui soit supérieur ou égal à 3 ET à la condition supplémentaire que la recherche initiale de mutation des gènes BRCA1 et BRCA2 ne soit pas connue dans la famille OU que cette recherche initiale n'ait pas été réalisée (c’est-à-dire en l’absence d’identification d’une mutation prédisposante sur le gènes BRCA1 ou 2).

Analyse de l arbre généalogique selon le score d Eisinger : Additionner les scores pour chaque branche de la famille. Score > 3. Consultation d oncogénétique. Score < 3. Examen clinique annuel à partir de 25 ans. Dépistage à partir de 50 ans.

Quel est ce score et comment l'utiliser ?

Le score d’Eisinger est un score familial d’analyse de l’arbre généalogique, utilisé pour valider l’indication de la consultation d’oncogénétique. Il doit être réévalué dans une même famille si de nouveaux cas de cancers surviennent. Il peut permettre également de graduer le risque de prédisposition génétique au cancer du sein en l’absence de mutation familiale identifiée. La probabilité de prédisposition héréditaire est plus élevée pour les scores d’au moins 5 que pour les valences 3 ou 4.


En cas de score d’Eisinger < 3, la HAS ne préconise pas de dépistage spécifique.

Les recommandations pour une prise en charge onco-génétique et un suivi personnalisé concernent le cas des femmes ayant  un antécédent familial de cancer du sein avec score d’Eisinger  ≥ 3 ET recherche de mutation non connue ou non réalisée.

______________________________________

En conclusion

Toutes ces conduites à tenir sont détaillées sur les pages dédiées du site de la HAS (voir liens fournis dans l'article), se référer à des recommandations permettrait d'avoir déjà une conduite univoque de la part de tout le monde au lieu de multiples variations dissonantes. Mais enfin, ce qu'il faut intégrer avant tout pour aboutir à une décision éclairée et choisie librement par la femme, c'est la notion d'information neutre, que seuls les outils d'aide à la décision peuvent fournir, outils multiples et variés disponibles que vous trouverez en page d'accueil du site.

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2018 SYNTHESE PRESSE

Janvier 2018, scandale du mammobile dans l'Hérault : https://dis-leur.fr/cancer-sein-depister-masse-50-ans-heresie/

Février 2018, pour la journée internationale du cancer, tribune dans le Huff Post :

http://www.huffingtonpost.fr/cecile-bour/si-une-mammographie-normale-ne-vous-met-pas-a-labri-dun-vrai-cancer-une-anomalie-detectee-ne-signifie-pas-une-vraie-maladie_a_23329727/

Avril 2018, nous publions, avec le Groupe Princeps, le Formindep, UFC Que Choisir, Dr Dupagne, une lettre ouverte à l'INCa pour l'interpeller sur les manquements de ses supports d'information envers les femmes.

http://formindep.fr/lettre-ouverte-a-linstitut-national-du-cancer/

https://www.ladepeche.fr/article/2018/04/05/2774181-femmes-mal-informees-risques-engendres-depistage-cancer-sein.html

https://www.quechoisir.org/action-ufc-que-choisir-cancer-du-sein-l-inca-fournit-aux-femmes-une-information-incomplete-et-partiale-sur-les-avantages-et-les-inconvenients-a-suivre-le-depistage-organise-n53673/

https://www.pourquoidocteur.fr/Articles/Question-d-actu/25195-Depistage-cancer-du-sein-site-d-information-l-INCa-polemique

http://www.marieclaire.fr/depistage-cancer-sein-collectif-denonce-information-deficiente-inca,1258427.asp

Braillon, A., Nicot, P., & Bour, C. (2018). Principles for screening: Too few concerns for informed consent and shared decision-making?. CMAJ : Canadian Medical Association journal = journal de l'Association medicale canadienne190(37), E1115. https://doi.org/10.1503/cmaj.69766
(https://www.cmaj.ca/content/190/37/E1115)

6 avril 2018
Dépistage du cancer du sein : l’INCa continue d'exagérer les bénéfices et minimiser les effets néfastes (4 associations, France)
http://www.psychomedia.qc.ca/sante/2018-04-06/depistage-cancer-du-sein-lacunes-de-l-information-aux-patientes

Synthèse téléchargeable :

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De la classification ACR mammographique

Cancer Rose vous offre une tribune citoyenne. Vous aussi, vous pouvez témoigner.

Par Dr Bour Cécile,

11 novembre 2018

Témoignage de la radiologue....

J'ai été alertée par des confrères médecins généralistes s'interrogeant à juste titre sur la classification ACR dans les conclusions de nos comptes-rendus de mammographies, et qui avaient tendance à faire le parallèle entre ce barème et la gravité ou le mauvais pronostic qu'il y aurait pour leur patiente..

La question est tout à fait pertinente, nous radiologues classons joyeusement notre descriptif dans une sorte de verdict codé, sans vraiment expliquer le pourquoi du comment, et sans nous rendre compte que pour le correspondant il n'est pas intuitif de savoir à quoi ces ACR correspondent. Surtout le risque est grand de superposer cette classification uniquement d'imagerie à celle des stades de gravité de cancers.

Or, les deux n'ont rien à voir l'une avec l'autre.

La classification ACR [3]

C'est le besoin de systématiser les comptes- rendus pour harmoniser les pratiques qu'en 1990 a été mise au point la classification du ACR (American College of Radiology). Nous y trouvons 5 stades qui correspondent à la plus ou moins certitude d'avoir à faire, devant une image mammographique, à un cancer.

ACR 1 : normal, le sein est "rien à signaler".

ACR 2 : on a des images qui ne sont que des anomalies bénignes, cela comprend les petits ganglions axillaires, les microkystes, les images dont on ne sait pas ce que c'est mais qui sont strictement inchangées depuis des lustres, des fibro-adénomes ou kystes bien connus déjà et qui ont été identifiés en tant que bénins (par écho, IRM ou biopsie antérieures), les microcalcifications vasculaires, kystiques ou galactophoriques, des îlots glandulaires amorphes etc...

ACR 3 : ce stade désigne une image pas bien inquiétante mais dont on voudrait vérifier le devenir, qui n'était pas connue avant, ou connue mais s'étant légèrement modifiée par rapport à d'anciens bilans. La conduite proposée normalement pour cette classification est une seule surveillance à 6 mois , puis à un an, afin de s'assurer qu'elle ne prend pas de l'ampleur ou que les critères d'analyse ne deviennent pas plus caractéristiques en faveur de lésion maligne.

ACR 4 : Classer en ACR 4 veut dire qu'il y a une anomalie suspecte, qu’il faut vérifier. C’est parfois un cancer, mais pas forcément.  ACR4 implique donc d'office une biopsie, sous échographie (micro-biopsie) ou sous contrôle radiographique, par une procédure par mammotome (macro-biopsie), ou encore directement par biopsie-exérèse. On suspecte un cancer mais au final, on peut s'être trompé ; ou il peut s'agir d'un cancer faiblement évolutif, ou encore d'un cancer très agressif ; le type de l'image qui nous a amenés à classer en ACR4 ne dit rien sur l'agressivité ou non du cancer, si ce qu'on a biopsié en est bien un !
En raison d'ailleurs de ces incertitudes une sub-division de cette classification ACR4 a été effectuée, avec attribution d'une fourchette de probabilité de cancer à chacune des subdivisions.[4]

ACR 5 : l'anomalie est très fortement suspecte de malignité et les critères sémiologiques sont tout à fait évocateurs et typiques de malignité. Disons que là on est vraiment très très sûrs de la malignité.

L'ACR 0 est l’examen incomplet qu'il faudra adjoindre d'autres examens d'imagerie.

Cette description de l’image mammographique conditionne la décision.

Malheureusement, d'une part elle est très subjective. Des lecteurs « experts » ne tombent pas toujours tous d’accord pour classer en ACR 3ou en ACR4.

Le passage de la mammographie analogique à la mammographie numérique (procédé récent qui, je raccourcis et simplifie volontairement, fait voir mieux et des choses plus petites que le procédé de mammographie antérieur) rend la comparaison plus compliquée entre un examen ancien fait en analogique et une "meilleure" imagerie numérique. On aura l'impression d'une image à contours peut-être plus irréguliers qu'avant, ou qui serait plus dense, ou légèrement augmentée de volume, alors que c'est simplement le changement de technicité qui induit ce doute, les images de deux examens différents n'étant pas strictement superposables.

D'autre part, le médico-légal s'est vite imposé au fil du temps, ainsi que l'augmentation du niveau global d'angoisse à la fois des patientes et du corps médical. La classification ACR3 est de plus en plus abandonnée au profit de l'ACR4 qui devient un abominable puits sans fond dans lequel le radiologue jette à peu près toute image qui ne le laisse pas dormir.

Comme nous l'avons déjà vu sur ce site[1]ni la spécificité, ni la valeur prédictive positive de la mammographie ne sont bonnes.

La spécificité est  la probabilité que la mammographie de dépistage soit négative pour un sujet (ici la femme dépistée) non malade. Or, la spécificité de la mammographie de dépistage n’est pas suffisante, car le test peut-être dans certains cas positif alors que la femme n’est pas malade.

La double lecture, présentée comme gage améliorant le test de dépistage, malheureusement, ne fait que diminuer cette spécificité déjà défaillante de la mammographie, et au moindre doute le deuxième lecteur surclassera la mammographie par peur de « louper » un cancer. En d’autres termes, la spécificité, déjà mauvaise de la mammographie de dépistage, est affaiblie encore par la double lecture.

La valeur prédictive positive est la probabilité que le sujet (la femme dépistée) soit bien malade pour un test positif. La VPP de la mammographie de dépistage est très basse, entre 9 et 10%.

Ce qui signifie que pour une femme pour laquelle la mammographie est jugée positive et à laquelle on réalise une biopsie de l’image incriminée, il y a 90% de chances (100%-10%de VPP) pour que la biopsie revienne négative et donc ait été proposée excessivement..Comme la revue Prescrire l'a souligné, les biopsies mammaires ont littéralement explosé depuis qu'on dépiste. [2]

Conclusion

Ce qu'il convient de retenir, en pratique, est que la classification radiologique n'a rien à voir avec celle des stades cancéreux, et qu'une classification ACR4 n'est pas posée toujours en fonction d'une sémiologie radiologique très douteuse, mais dans une bonne proportion parce qu'on veut identifier par prélèvement très rapidement ce dont il s'agit, qu'une nouvelle image est apparue non visible avant, qu'une image a pu changer ou un peu grossir, qu'on ne veut pas se donner le temps de simplement surveiller, tout diagnostic devenant abusivement urgent et intolérable dans l'esprit des professionnels comme dans celui du public. Alors qu'il n'y a pas, contrairement à ce qu'on inculque au public, d'urgence ni de perte de chance d'attendre quelques semaines, quelques mois... Mais cette attitude raisonnable et attentiste n'est plus possible de nos jours, surtout après des apparitions publiques affolistes de responsables d'autorités de santé ou de leaders d'opinion qui alertent à tout va par voie de presse ou d'émissions de santé populaires qu'on " n'a pas de temps à perdre".

Le niveau d'angoisse dans la population est déjà très élevé, avec la multiplication de ces gestes invasifs, mal compris car mal justifiés, il ne pourra que le devenir encore plus.

Ce qui laisse songeur, c'est que dans la nouvelle étude européenne MyPEBS initiée pour étudier la pertinence d'un dépistage stratifié sur le risque, le fait d'avoir eu une biopsie, même bénigne, constitue pour les femmes un facteur de risque justifiant de la classer en femme à risque plus élevé que la normale...

Voir page 12/20 du synopsis : https://cancer-rose.fr/my-pebs/wp-content/uploads/2019/08/MyPEBS-SYNOPSIS-.pdf

Bibliographie

[1] https://www.cancer-rose.fr/cancer-du-sein-un-peu-de-technique/

[2] revue Prescrire, février 2015/Tome 35 N°376

[3] https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2015-04/refces_k_du_sein_vf.pdf

[4]http://www.depistagesein.ca/classification-bi-rads/#.YKDfh0UzZmB

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Le Pr IFRAH ou la médecine d’un temps que l’on croyait révolu.

Par Dr Marc Gourmelon

9 novembre 2018

 

Dans un article du journal Le Parisien du 6 novembre 2018 [1]intitulé : « Cancer du sein : «Les détracteurs du dépistage sont irresponsables» ; le Pr IFRAH exprime son indignation envers ceux qui ne pense pas comme lui.

 

« Irresponsable » ! Pourquoi une telle violence dans le propos ?

 

Je propose 2 pistes pour répondre à cette question.

 

1) La médecine du 21ème siècle n’est plus la médecine du siècle dernier.

 

Aujourd’hui et depuis toujours, la médecine s’apprend auprès de « maîtres » qui vous l’enseignent.

Ces « maîtres » sont aujourd’hui encore, les médecins, professeurs agrégés des universités et chef de service de grands hôpitaux universitaires.

Ces « maîtres » partagent leurs savoirs et leurs connaissances et vous disent ce que la médecine est, et ce qu’elle n’est pas pas. Ils vous expliquent l’intérêt de tel traitement ou de telle intervention médicale comme les dépistages.

 

Jusqu’à la fin du 20ème siècle et l’avènement d’internet, les professeurs de médecine étaient ceux qui détenaient de façon exclusive le savoir médical.

Ils tiraient ce savoir de la lecture des publications dont nombres d’entre eux étaient les auteurs. Ces publications, étaient disponibles dans des revues consultables uniquement par le monde médical, au sein des bibliothèques universitaires de médecine.

Ce savoir était donc « enfermé » et réservé à une élite.

Cette élite médicale faisait profiter le reste de la profession de ce savoir, dans des enseignements ou conférences post-universitaires.

Il y avait donc un filtre majeur sur l’ensemble des données des connaissances médicales actualisées : celui des professeurs.

Mais il était alors impossible d’échapper à ce filtre.

Il ne serait d’ailleurs venu à l’idée de personne, d’aucun médecin hors système des professeurs, de remettre en doute la parole professorale et encore moins de la contester.

Le professeur agrégé de médecine était donc une sorte de monarque de la profession médicale, ce que l’on nomme encore les « mandarins ».

 

Mais depuis l’avènement d’internet et son développement jusqu’à aujourd’hui, le savoir et les connaissances médicales se sont démocratisés au point même qu’aujourd’hui, tout un chacun, même non médecin, a accès aux informations médicales les plus poussées.

Il en ressort que la parole du professeur agrégé de médecine n’est plus sacralisée.

Elle est même analysée et critiquée à la lumière des savoirs aujourd’hui disponibles sur un simple clic.

Nombre de « pontes » de la médecine, de professeurs agrégés, se supportent pas cette remise en question et par là même la contestation de leur autorité.

Nombre de ces médecins s’emportent contre ce qu’ils considèrent souvent comme des « crimes de lèse-majesté ».

Ces professeurs s’emportent ainsi contre les réseaux sociaux, expression des nouvelles libertés dont internet a permis l’avènement.

Ils montrent alors qu’ils fonctionnent toujours comme dans l’ancien temps et n’arrivent pas à s’adapter aux nouvelles réalités du 21ème siècle.

 

Il semble bien que le Pr Norbert IFRAH fasse partie de ces médecins d’un ancien temps.

 

 

2) Les autorités sanitaires travaillent-elles au bénéfice des patients ou au bénéfice d’autres entités ?

 

C’est une question qui se pose de plus en plus quand on voit se développer certaines « polémiques » dans le domaine de la santé : Médiator, Dépakine, Lévothyrox, vaccinations obligatoires, dépistages etc

 

Le Pr Norbert IFRAH, président de l’Institut National du Cancer depuis 2016, s’insurge donc contre ceux qui remettent en doute le bénéfice du dépistage organisé du cancer du sein par mammographie.

« Mais on assiste en France à une campagne de dénigrement surréaliste, notamment sur les réseaux sociaux. Ses détracteurs, peu nombreux mais très actifs, sont irresponsables. »

 

Dénigrement, irresponsabilité, que d’agressivité dans le propos !

 

Je ne reviendrai pas sur les mensonges et approximations que ma consœur Cécile BOUR a soulevé dans son article en réponse au Pr IFRAH [2]

Je voudrais, pour essayer de comprendre un telle violence,  plutôt m’interroger sur les liens d’intérêt du Pr IFRAH.

 

Une rapide consultation de la base de données publique Transparence – Santé [3]montre pour le Pr IFRAH, de 2013 jusqu’en 2016 date de sa nomination comme président de l’INCA , 93 avantages, 23 conventions et 5 rémunérations, ce qui correspond à une proximité importante avec les industriels du médicament et des dispositifs médicaux, et par là même à plusieurs milliers d’euros versés.

Ce sont donc des liens d’intérêts forts, tissés au cours de nombreuses années.

 

Par ailleurs, en tant que président de l’INCA, le Pr IFRAH a des objectifs précis fixés par le ministère de la santé, sa tutelle.

Le premier point de son contrat d’objectif et de performance [4]est le suivant :

« consolider une approche intégrée de la lutte contre le cancer : conforter l’articulation des actions de recherche, de prévention, de dépistage et d’organisation des soins, et contribuer à la lutte contre les inégalités face à la maladie »

Il a donc pour mission de conforter les actions de dépistage comme la mammographie.

 

Les médias sociaux et bien d'autres s’interrogent sur le bien-fondé du dépistage du cancer du sein par mammographie.

L’association Cancer-Rose souhaite que toutes les femmes soient informées pour décider de participer ou non au dépistage, et cela conformément aux conclusions de la concertation citoyenne sur le sujet.

Poser ces questions, s’interroger sur le bénéfice de ce dépistage, vouloir une information la plus honnête possible sur le sujet,  n’est pas la priorité du Pr IFRAH.

Il considère même que le faire est « irresponsable ».

Cela est d’autant moins une priorité pour le Pr IFRAH que cela va empêcher  l’INCA et donc son président, de mener à bien la mission qui lui a été confié par sa « hiérarchie » de développer le dépistage. Que celui-ci n’ait aucun bénéfice et même soit délétère pour les femmes, n’est pas son problème.

 

On imagine donc facilement sa colère.

 

On l’imagine d’autant plus facilement que dès la parution du rapport final [5]de la concertation citoyenne sur le dépistage du cancer du sein, le Pr IFRAH avait écrit à la ministre de la santé, une lettre hallucinante dont nombre d’associations et médecins indépendants s’étaient indignés. [6]

Dans cette lettre dont l’intégralité est consultable [7]; le Pr IFRAH ne faisait, ni plus ni moins que nier les conclusions de la concertation citoyenne pour proposer sa propre lecture qui consistait à maintenir le dépistage du cancer du sein par mammographie.

 

Il est donc tout naturel, qu’aujourd’hui le Pr IFRAH soit en colère.

En colère car il est contesté, lui professeur agrégé président de l’INCA.

En colère car il ne peut remplir la mission que lui a confié sa tutelle, et que donc il peut craindre pour l’évolution de sa « carrière académique ».

 

 

 

[1] http://www.leparisien.fr/societe/sante/cancer-du-sein-les-detracteurs-du-depistage-sont-irresponsables-06-11-2018-7936614.php

 

 

[2] https://www.cancer-rose.fr/un-responsable-nest-peut-etre-quun-irresponsable-qui-a-perdu-son-ir/

 

 

[3] https://www.transparence.sante.gouv.fr/flow/main?execution=e1s1

 

[4] https://www.e-cancer.fr/Institut-national-du-cancer/Qui-sommes-nous/Missions

 

[5] http://formindep.fr/wp-content/uploads/2016/10/depistage-cancer-sein-rapport-concertation-sept-2016.pdf

 

[6] http://formindep.fr/cancer-du-sein-la-concertation-confisquee/

 

[7] https://www.atoute.org/n/IMG/pdf/Courrier-Ministre-concertation-depistage-cancer-sein---.pdf

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Un responsable n’est peut-être qu’un irresponsable qui a perdu son ir

Dr Bour Cécile, 8/11/2018

 

Mr le Pr Ifrah, responsable de l'Institut National du Cancer (INCa), interrogé par Le Parisien le 6 novembre et apparaissant dans le magazine de la santé sur France 5 le 7 novembre, affirme que 80% des tumeurs du sein vont évoluer vers un stade métastatique si non dépistées.

 

Nous essayons de comprendre ce nouveau slogan de communication, cette affirmation n'étant pas sourcée par Mr le Pr Ifrah, lequel se dispense d'une attitude qui nous est chère à Cancer Rose, à savoir toujours étayer ce qu'on avance, surtout publiquement (et décliner ses liens d'intérêts aussi, ce qui est une obligation légale même pour Mr le Pr Ifrah, mais le lecteur peut retrouver cela facilement sur la base transparence/santé  )

 

Explication (tentative du moins..)

 

Nous supposons que l'INCA continue à privilégier des données obsolètes et à estimer les surdiagnostics dans la fourchette la plus basse, à savoir entre 10 et 20%, alors que nous savons d'après les dernières études qu'il se situe bien au-delà, aux alentours de 40%, au bas mot.[1] [2]

Mr Ifrah estime que s'il y a 20% de surdiagnostic, il y a donc automatiquement 80% de diagnostics de cancers tous forcément mécaniquement évolutifs vers métastases et décès. Comme c'est simple la médecine... !

Si 2 cancers sur 10 sont des surdiagnostics alors 8 cancers sur 10 vont automatiquement nous conduire au décès, selon lui.

Affirmer ceci est en l'état actuel des connaissances est un postulat qui suppose que la "précocité" du diagnostic permise par le dépistage conduit à des tumeurs moins évoluées (1ère hypothèse non démontrée) et que cette moindre évolution est associée à un meilleur pronostic (2ème hypothèse non démontrée).

Tout d'abord on sait que 9 cancers du sein/10 guérissent mais même non dépistés, la survie étant identique pour un même stade de cancer au moment de son diagnostic quand on compare des groupes de femmes dépistées et non dépistées.[4]

Deuxièmement le cancer du sein, on le sait ça aussi, n'a pas d'évolution linéaire, petit ne signifie pas précoce, ni bénin. Une petite tumeur peut rester petite dans un sein pendant un long laps de temps sans jamais se manifester, ou au contraire être déjà métastatique même petite. Gros ne veut pas dire tardif, cela peut être une tumeur d'évolution rapide, et ne veut pas dire forcément mortel, des tumeurs très volumineuses peuvent avoir des conséquences locales importantes mais n'avoir aucun potentiel métastatique. Le réservoir des cancers du sein est multiple, le cancer du sein est protéiforme.

Beaucoup des petites tumeurs détectées de façon excessive par le dépistage ont un très bon pronostic en raison d'une croissance intrinsèquement lente, qui fait qu'elles n'ont pas vocation à devenir de grosses tumeurs et qu'elles sont de par nature favorables. Ce sont elles qui constituent un surdiagnostic résultant directement de l'activité de dépistage. Elles ne se développeront pas assez pour être dangereuses.

A l'inverse, les tumeurs de grande taille, responsables des décès et le plus souvent à pronostic défavorable le sont aussi d'emblée, elles échappent malheureusement à la détection mammographique en raison d'une cinétique de croissance trop rapide.[3]

Les faits démontrent que ces cancers mortels et ces tumeurs qui évoluent très vite entre deux mammographies échappent bel et bien au dépistage. Ce sont pourtant elles qu'il faudrait "rattraper", et le dépistage a échoué dans cette mission, puisque cancers graves et nombre de décès ne bougent pas depuis les années 90.

 

Irresponsable ? Vous avez dit irresponsable...

 

L'affirmation de Mr Ifrah est une affirmation d'autorité et un positionnement médiatique dans un débat scientifique encore ouvert, et loin d'une vérité scientifique dûment démontrée,.

Dans un contexte où on a prétendu que le dépistage allait :

- diminuer le nombre de morts [5]

- diminuer le nombre de cancers graves

- diminuer le poids des traitements, et en particulier le nombre d’ablations du sein,

et que dans le réel, aucune de ces trois promesses n’est tenue , qu'au contraire, le nombre d’ablations a augmenté sans amélioration de la santé des femmes [6], l'irresponsabilité dont accuse Mr Ifrah les lanceurs d'alerte (professionnels de santé comme lui, ou chercheurs) dans l'article Le Parisien se situe plutôt dans cette défense désespérée d'un dispositif inopérant, en le justifiant sans hésiter avec recours à des assertions péremptoires, dans une formulation catégorique et scientifiquement imprudente, pour ne pas dire mensongère.

Tronquer l’information pour obtenir un slogan accrocheur et effrayant est un moyen de manipuler l'opinion publique.

Il est dramatique de constater qu'une autorité sanitaire se permette de traiter d'irresponsables les observateurs et les messagers d'une vraie controverse scientifique mondiale, et s'émeuve si peu de ces millions de femmes dont la vie bascule irrémédiablement dans l'angoisse et la terreur après avoir reçu une affirmation péremptoire de cancer lors un dépistage inutile, lorsque près d'un cancer détecté sur deux est un surdiagnostic.

Proposer avec un cynisme confondant des traitements "moins lourds" à des femmes qui n'auraient jamais dû être inquiétées et n'auraient jamais dû recevoir quoi que ce soit apparaît à nos autorités sanitaires tout à fait tolérable, comme à Mr le Pr Ifrah dans l'article Le Parisien... Parlez donc de traitement "léger" à une patiente qui se retrouve avec un sein en moins et une coronarite radique 20 ans après irradiation thoracique pour un cancer in situ de bas grade qui aurait pu rester ignoré... Le médecin est seul dans sa consultation face à ces vrais cas, Mr le Pr Ifrah n'est pas à ses côtés pour expliquer à la patiente qu'elle doit s'estimer heureuse d'avoir eu un traitement "léger"..

 

Ayons peur

 

On a peut-être raison d'avoir peur, quand on comprend à quel point il est cher aux autorités sanitaires françaises, censées nous protéger, de nous envoyer joyeusement à un dispositif de santé comportant des dangers sans en informer les populations, et à des soins "légers" pour des diagnostics de cancers inutiles..

Avant de traiter les sceptiques d'irresponsables, souvenons-nous des scandales sanitaires passés (Mediator, sang contaminé, Dépakine) et à venir (Gardasil ?) où des alerteurs "irresponsables" ont permis vraisemblablement de sauver des populations et de limiter les dégâts que des "responsables" politiques et sanitaires avaient soigneusement celés.

 

Et parce qu'on est gentils, des images

Avec l'aimable autorisation du Dr Bernard Duperray dont vous trouverez le PPT Dépistage Et Surdiagnostic sur ce site, voici quelques images éloquentes, chaque photo correspondant à un cas clinique :

 

 

Bibliographie

[1] Etude populationnelle, P.Autier http://www.bmj.com/content/359/bmj.j5224

[2] Etude rétrospectige, G.Welch https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1600249?af=R&rss=currentIssue

[3] Lannin http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMsr1613680

[4] Miller http://www.bmj.com/content/348/bmj.g366

[5] Etude norvégienne https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/ijc.31832

[6] Etude mastectomies en France Mastectomies En France 

Lire aussi : https://www.cancer-rose.fr/le-pr-ifrah-ou-la-medecine-dun-temps-que-lon-croyait-revolu/

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MANGER BIO DIMINUE-T-IL REELLEMENT LE RISQUE DE CANCER DU SEIN ?

ANNETTE LEXA

PhD Toxicologie

6 Novembre 2018

 

 

Une récente étude[1] a tenté de relier la consommation d’aliments bio et le risque de développer un cancer . Elle part de l’hypothèse d’un lien de causalité entre cancers et résidus de pesticides dans les aliments, les aliments bio en contenant moins.

 

DESCRIPTION DE L’ETUDE

 

C’est un étude prospective (2009 -2016) de 68 946 volontaires français adultes qui remplissaient un auto-questionnaire en ligne.  La fréquence de consommation de 16 catégories d’aliments bio était enregistrée. Le volume ingéré a été pris en compte. La cohorte comptait 78% de femmes entre 30 et 58 ans environ, avec un âge moyen de 44 ans.

Les déterminants socio-économiques (le budget alimentaire), l’état de santé initial, l’activité physique, le poids, l’exposition au soleil, le tabac, la pilule et le traitement substitutif hormonal de la ménopause, ainsi que les antécédents familiaux de cancers ont été pris en compte.

Les volontaires ont été répartis en 4 quartiles selon le taux d’aliments bio inclus dans l’alimentation quotidienne (jamais, occasionnellement, souvent, la plupart du temps)

Les cas de cancers signalés ont été vérifiés à 90% au moyen des dossiers médicaux des volontaires, complétés par la base SNIIRAM et CEPIDC. Tous les cancers apparus durant cette période ont été considérés comme de vrais cancers, seuls ont été exclus les carcinomes cutanés baso-cellulaires (la plupart du temps bénins).

Le temps de suivi moyen des participants était de 4 ans ½ et le taux d’abandon de 6%.

Dans cette cohorte sans cancers initiaux, 1340 cas de nouveaux cancers ont été enregistrés dont 459 cas de cancers du sein (34%), 180 de la prostate (13%), 135 cancers de la peau (10%), 99 cancers colorectaux (7%), 47 Lymphomes non Hodgkiniens (3.5%) et 1 autre lymphome (1%) [2].

La réduction de cas de cancers est significative entre le groupe ne consommant pas du tout d’aliments bio et celui en consommant le plus.

Les auteurs concluent à une diminution significative mais uniquement pour le risque de cancer du sein post ménopausique (PM) et de lymphome non hodgkinien (LNH) pour une haute consommation d’aliments bio. Selon ces auteurs , l’exposition aux produits chimiques oestrogeno-mimétiques pourraient être impliquée dans la cancerogénèse du sein.

Les auteurs notent cependant que ces résultats n’étaient pas significatifs pour :

- les jeunes adultes

- les hommes,

- les plus diplômés

- ceux n’ayant pas d’antécédents familiaux de cancers,

- chez les non fumeurs actuels ou passés

- chez les participants ayant une qualité nutritionnelle globalement bonne.

Par contre l’association entre aliments bio et diminution de cas de cancers a été la plus significative avec les personnes obèses .

 

COMMENTAIRES

 

Chiffres en relatif ou en absolu ?

 

A Cancer Rose, nous aimons exprimer les chiffres en valeurs absolues plutôt qu’en valeurs relatives nettement plus honnêtes et parlantes. Dans cette étude, on obtient bien grosso modo une réduction sur la tranche d’âge PM du 4e quartile mangeant le plus de bio, avec environ 1.5% de cancers du sein contre 2.1% dans la population générale de cette tranche d’âge.[3] Chez les femmes PM ne mangeant pas bio du tout (Q1),  il y a eu 2.4% de cancers du sein dans la tranche PM, ce qui est plus élevé que la moyenne nationale de 2.1% . Il y a donc eu une réduction relative de 60% de cancer du sein chez les femmes PM mangeant du bio par rapport au PM n’en mangeant pas du tout.

 

Cependant, la prise d’aliments bio est bien souvent corrélée avec une meilleure alimentation générale,

 

ayant un rôle préventif contre le développement de certains cancers (plus de fruits et légumes, noix, légumineuses, soja, consommation inférieure de viandes et produits laitiers, de nourriture industrielle fortement transformée, meilleure balance omega3/6 ….) .  Par exemple l’étude de Gray de 2017 dans la bibliographie des auteurs, signale l’effet protecteur des lignanes (polyphenols) et de l’acide α linolénique (omega3) avec un risque de cancers moindre, moins agressifs, plus apoptotiques (apoptose=autolyse cellulaire) et avec une expression plus faible de HER2 . Ce type de produit est susceptible d’être plus consommé par des clientes de magasins bio.

 

Cancers du sein et pesticides

 

Pour appuyer l’hypothèse du lien entre exposition aux pesticides et risque de cancer du sein et LNH, les auteurs se réfèrent notamment  à un article de synthèse récent, très complet au demeurant, examinant le lien entre exposition aux produits chimiques et cancer[4]. Or dans cet article, le lien possible entre cancer du sein et pesticides a été retrouvé dans des petites études rétrospectives cas-témoins, parfois anciennes, chez les femmes travaillant dans le domaine agricole. Les pesticides suivant sont incriminés :

- l’herbicide 2,4,5-trichlorophenoxypropionic acid (2,4,5-TP) - qui est connu pour être un perturbateur endocrinien et carcinogène probable - est interdit aux USA depuis 1985 et en France depuis longtemps.

- l’atrazine est interdite en Europe depuis 2003.

- le DDT/DDD est interdit depuis longtemps en Europe . Cependant, on sait que l’exposition précoce au DDT dans la période prénatale et la petite enfance est associée avec un sur-risque de cancer du sein à l’âge adulte, cela concerne donc aujourd’hui des femmes nées dans les années 50-60 en France.

- le malathion est interdit en France mais possiblement autorisé en outre-mer.

- le pesticide chlordane est interdit depuis 1992.

- Il n’y a pas eu d’association significative avec la Dieldrine (interdite en France).

Les  résidus de ces pesticides ne sont dus aujourd’hui qu’à leur forte persistance possible dans l’environnement, à un usage illicite en France, ou à leur présence dans des aliments extra européens.

Comme aucun dosage urinaire de résidus de pesticides n’a été réalisé , il est impossible de corréler l’absence de tel ou tel résidu de pesticides avec la réduction de cancer du sein chez les femmes ayant consommé beaucoup d’aliments bio.

Le type métier, le lieu de résidence des volontaires n’ayant pas été pris en compte (milieu rural, proximité de champs ou de vignobles subissant des épandages , milieu urbain, type d’habitat …) , il est impossible de savoir si les volontaires de la cohorte ont été ou non exposés à des pesticides ou des polluants environnementaux spécifiques.

D’un autre côté, d’autres facteurs de risques de cancer du sein n’ont pas été retenus dans cette étude  comme l’exposition aux métaux lourds (Cadmium…), les rayonnements ionisants et notamment des passés d’imagerie médicale thoracique , le travail à horaire décalé, les traitements hormonaux d’induction ovarienne avant 24 ans( FIV) , les contraceptifs pris avant l’âge de 20 ans chez les utilisatrices depuis plus de 5 ans ou dans les 5 années qui ont précédé un diagnostic de cancer du sein (inversement, si les auteurs on retenu la prise de pilule, nous savons que chez les femmes ayant cessé la prise de pilule depuis plus de 8 ans et plus, il n’y a aucune augmentation significative de cancer du sein). Dans l’étude, le délai depuis l’arrêt de la pilule n’est pas précisé et la prise avant 20 ans non précisée. Il ne s’agit pas d’en faire le reproche aux auteurs qui ont déjà tenu compte de nombreux biais, mais de démontrer ici que d’autres facteurs de confusion n’ont pas pu être retenus.

 

Les différents cancers du sein

 

De plus, lorsqu’on veut étudier l’incidence du cancer du sein , il est prioritaire de considérer non seulement l’âge et le statut ménopausique, mais le sous-type de cancer du sein (localisé/régional/métastatique), le grade histologique, le profil d’expression génétique. Si les auteurs ont bien tenu compte des antécédents familiaux (donc des gènes BRCA, etc.) , l’hypothèse d’une action des pesticides possiblement cancérogènes (par différents mécanismes directs ou indirects) ou perturbateurs endocriniens implique le rôle des récepteurs aux oestrogènes, à la progestérone, ou de l’oncogène HER2 bien connus. Il existe en outre un cas de cancer du sein très agressif, dit « triple négatif », sans lien avec les récepteurs aux oestrogènes.

Or ces sous-types ne sont pas distribués au hasard dans la population :

- Les femmes jeunes sont plus susceptibles de développer des triples négatifs plus agressifs

- la prise de contraceptif hormonal est liée à des cancers de type lobulaire, ER- et triple négatifs (ER-/PR-/Her-2-R-)

- La prise de contraceptif oraux plus de 10 ans est corrélée avec la forme la plus agressive des cancers canalaires in situ (CCIS).

Enfin, on sait que 20% des cancers du sein détectés par imagerie médicale sont des cancers canalaires in situ (CCIS, touchant les canaux galactophores sans dissémination) et que parmi ces lésions précancereuses majoritairement détectées de manière asymptomatique par dépistage, seulement 20% évoluent en cancers envahissants, les autres soit régresseront, soit se stabiliseront ou évolueront si lentement qu’ils n’impacteront pas la vie de la femme atteinte.

Il est regrettable que ce type d’information sur la nature des cancers diagnostiqués n’ait pas été communiqué et utilisé, d’autant que les auteurs ont eu accès aux dossiers médicaux des femmes.

 

Biais de dépistage

 

Enfin le suivi des femmes d’âge moyen 44 ans, ayant été fait sur 4.6 ans , il est probable qu’elles aient été fortement incitées à participer au dépistage organisé du cancer du sein, ou à un suivi mammographique dans le cadre de consultations individuelles de gynécologie.

Or nous savons désormais que le dépistage augmente le surdiagnostic de cancer du sein dans des proportions allant de 20 à 50%, notamment pour les formes les moins agressives, les CCIS souvent à  l’état de pré-cancers asymptomatiques. Or dans le cas de cette étude , nous ne savons pas combien de CCIS sont apparus, et c’est d’autant dommage que les cancers baso-cellulaires ont été retirés, eux. On ne sait pas non plus si les cancers du sein déclarés ont été découverts de manière symptomatique par les femmes ou détectés par dépistage et donc avec une marge de sur-diagnostic inévitable. La participation nationale étant de 50% environ, une stratification selon la participation au dépistage aurait permis de savoir si un groupe de femmes (bio ou non bio) avait un sur-risque de diagnostic de cancer du sein. Il est légitime de se demander si les femmes consommant plus d’aliments bio ne participeraient pas moins au dépistage (crainte des rayonnements ionisants, privilégiant la prévention au dépistage, ayant des valeurs et un mode de vie plus « hédoniste » et moins enclines à succomber aux messages de peur) ce qui pourrait expliquer une part de l’incidence de cancer du sein diminuée dans ce groupe.

 

Biais statistique 

 

Enfin, et pour finir, notre statisticien préféré à Cancer Rose, le Docteur Vincent Robert, s’est penché sur cette étude. Il considère « regrettable que les auteurs ne donnent aucun élément permettant de juger la validité et la performance de leur modèle. Le modèle de Cox, comme tous les modèles, n'est valide que si certaines conditions sont remplies (dans le cas du modèle de Cox : constance des rapports de risque et log-linéarité de la relation entre variable à expliquer et variables explicatives quantitatives). Si ces conditions ne sont pas, au moins approximativement, remplies, le modèle de Cox est inadapté et les risques relatifs ainsi que leurs intervalles de confiance et les p.values sont faux. Dans le cas présent, on est réduit à espérer que le modèle est valide mais les auteurs ne fournissent aucun élément permettant de conforter la confiance à accorder à leur modèle. »

 

CONCLUSION

 

Cette étude n’amène pas la preuve que la consommation d’aliments bio diminue le risque de cancer du sein.  Tout au mieux conforte –t-elle la certitude qu’à partir d’un certain âge, après avoir mangé de manière déséquilibrée, fumé, pris la pilule et du poids, il n’est jamais trop tard pour adopter une alimentation saine afin de réduire son risque de cancer du sein. Manger bio, oui mais d’abord pour protéger l’environnement, encourager des filières agricoles plus respectueuses des eaux, des sols et de leurs habitants, pour les oiseaux, les insectes et les petits mammifères dont le nombre ne cesse de diminuer dramatiquement.

Donc manger bio oui, mais pour de bonnes raisons. Et manger mieux déjà, sans succomber à – et instrumentaliser la peur du cancer dont les causes sont multifactorielles et pour qui la seule réponse du gouvernement et des opportunismes commerciaux est la surenchère de diagnostics de plus en plus précoces risquant de transformer la population entière en hordes de cancéreux.

 

Quelques pistes proposées par les experts Cancer Rose pour de futures études plus utilisables en santé publique :

 

- Choisir les volontaires dans la population générale de manière plus aléatoire que par internet

- Limite l’étude aux cancers avancés en excluant les CCIS et les tumeurs de petite taille.

- Faire une recherche des résidus de pesticides sur les participant.es

- Tenir compte de la prise régulière d’aliments jouant un rôle connu dans la prévention du cancer du sein (polyphénols tels que les lignanes, acide α linolénique ω 3 …)

- Procéder à un recoupement des données avec la participation au dépistage organisé des volontaires femmes 50+ de l’étude

- Vérifier si le modèle de Cox est adapté (il existe des alternatives)

 

SOURCES

[1] Association of Frequency of Organic Food Consumption With Cancer Risk Findings From the NutriNet-Santé Prospective Cohort Study, JAMA Intern Med. October 22, 2018., Julia BAUDY et al. ,

[2] l’incidence du lymphome hodgkiniens(LNH) est de 2.2/100 000 . ils sont plus  fréquents avec  2.4 à 14 cas /100 000 surtout chez adulte jeune et chez les plus de 75 ans. L‘âge moyen chez la femme est de 66-70 ans (donc hors de la tranche d’âge considèrée dans cette cohorte). Avec un cumul sur 9 ans et une moyenne de suiv 4 ans 1/2, en imaginant le pire scenario, soit 14 cas / 100 000 hommes et femmes tous âges confondus, soit 140 cas sur 10 ans /100 000 par an, soit un taux de 0.14 % . Ce qui est 10X supérieur à la moyenne nationale de l’incidence pour ce cancer.

[3] Le risque de diagnostiquer un cancer du sein dans les dix années suivantes est de 1,9 % pour une femme de 40 ans, de 2,1 % pour une femme de 50 ans, de 3,2 % pour une femme de 60 ans. (C. HILL)

[4]                              State of the evidence 2017: an update on the connection between breast cancer and the environment Janet M. Gray1* , Sharima Rasanayagam2 , Connie Engel2 and Jeanne Rizzo, Gray et al. Environmental Health (2017) 16:94)

 

 

 

 

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