Mammo ou pas mammo ?

PRESENTATION DU LIVRE "MAMMO OU PAS MAMMO?" VENDREDI 13 OCTOBRE à Ma P'TITE LIBRAIRE, à CLOUANGE (MOSELLE), à 18H30;

La présentation sera suivie d'une discussion avec les participant(e)s autour du dépistage du cancer du sein.

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De plus en plus d’arguments pour cesser d’en faire trop



The growing case for doing less: How harmless cancers are being overdiagnosed in America

https://fortune.com/2023/10/02/growing-case-for-doing-less-harmless-cancers-overdiagnosed-america-health-carolyn-barber/
Fortune est un magazine américain consacré à l'économie, le deuxième plus ancien en Amérique du Nord après Forbes (1917).

4/10/2023, traduction et restitution par Cancer Rose

Des arguments de plus en plus convaincants pour en faire moins : Comment des cancers inoffensifs sont surdiagnostiqués en Amérique.
Une étude portant sur 100 000 femmes suivies pendant vingt ans a montré que les patientes chez qui on avait diagnostiqué et traité un cancer du sein au stade zéro (les cancers dits in situ) avaient finalement à peu près les mêmes chances de mourir de la maladie que le reste de la population.
Voir article sur cette étude de Toronto ici : https://cancer-rose.fr/2016/11/20/cis-bernard-pabion/

Nous restituons cet article du média 'Fortune' car la situation est analogue en Europe, en tous cas dans les pays où des campagnes de dépistage sont en vigueur. On assiste à une incitation du public toujours renouvelée, à l'instar d'octobre rose pour le cancer du sein. et ce en dépit de beaucoup d'études récentes mettant fortement en doute la pertinence des dépistages et démontrant les effets indésirables sur lesquels très peu d'information est donnée à la population.

Article écrit par CAROLYN BARBER

En 2009, Laura Esserman, chirurgienne spécialiste du cancer du sein et de l'oncologie à San Francisco, a co-publié un article dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) suggérant qu'il était temps de repenser le dépistage systématique du cancer du sein et de la prostate. L'approche actuelle, écrit-elle, ne réduit pas autant qu'on l'espérait les maladies agressives ou à un stade avancé. Au contraire, elle conduit à un surdiagnostic.
......

Le problème

Dans une étude portant sur 100 000 femmes suivies pendant vingt ans, les patientes chez qui on avait diagnostiqué et traité un carcinome canalaire in situ (CCIS) avaient finalement à peu près les mêmes chances de mourir d'un cancer du sein que celles de la population générale.
Alors que Mme Esserman défendait déjà cette thèse il y a plusieurs années, elle fait aujourd'hui partie d'un nombre croissant de chercheurs et d'experts qui s'opposent à la tendance de l'industrie médicale à surévaluer, surdiagnostiquer et surtraiter les patients pour des affections qui, autrement, n'auraient jamais eu d'incidence sur leur vie.

"Il n'est pas agréable de faire une biopsie, et 75 % de toutes les biopsies que nous pratiquons ne donnent rien. Vous plantez une aiguille dans le sein et vous voyez parfois ces petites calcifications qui sont bénignes - mais incidemment, il y a une focalisation sur le CCIS, et la chose suivante est que quelqu'un subit une mastectomie bilatérale. Vous pensez que ce genre de choses n'arrive pas. Cela arrive tout le temps", affirme Esserman.

L'industrie du surdiagnostic

Une analyse publiée l'année dernière dans la revue Annals of Internal Medicine a estimé que chez les femmes âgées de 50 à 74 ans, environ 15 % des cancers du sein détectés par dépistage sont surdiagnostiqués, ce qui signifie qu'ils n'auraient jamais provoqué de symptômes ou de problèmes. L'étude des Annals estime qu'un nombre important de femmes de plus de 70 ans sont potentiellement surdiagnostiquées pour le cancer du sein, dont près de la moitié des femmes âgées de 75 à 84 ans. Ce chiffre est inférieur à celui d'un article publié en 2012 dans le NEJM, qui suggérait que le surdiagnostic concernait près d'un tiers de tous les cancers du sein nouvellement diagnostiqués.
NDL : une revue systématique récente évalue le surdiagnostic du cancer du sein à 30%)

Cette tendance s'étend à de nombreux cancers, notamment ceux du sein, de la prostate, du mélanome et de la thyroïde. Le point commun est qu'avec le développement des technologies de diagnostic, il est désormais possible de détecter ces cancers de manière plus fine et à des stades plus précoces, y compris, selon plusieurs experts, à des stades où les cancers ne présentent souvent que peu ou pas de risque pour les patients concernés.

En août, une méta-analyse de 18 essais cliniques randomisés portant sur 2,1 millions de personnes, publiée dans JAMA Internal Medicine, a conclu que "les preuves actuelles ne corroborent pas l'affirmation" selon laquelle les dépistages courants du cancer (mammographie, coloscopie, test de l'antigène prostatique spécifique (PSA), etc.) sauvent des vies en prolongeant la durée de vie, à l'exception peut-être de la sigmoïdoscopie, pour le cancer du côlon.
Lire notre synthèse : https://cancer-rose.fr/2023/08/29/pas-de-prolongement-de-la-duree-de-vie-grace-aux-depistages/

"Dans notre exubérance à trouver ces cancers, nous avons transformé en patients un grand nombre de personnes en bonne santé qui n'étaient pas destinées à mourir de ces cancers", déclare Ade Adamson, expert en dépistage du cancer et dermatologue à la Dell Medical School d'Austin. Adamson note que le dépistage du cancer du sein chez 1 000 femmes permet statistiquement d'éviter un décès lié au cancer. Cependant, "une grande partie" des 999 autres femmes dépistées finira par avoir de "fausses alertes" et devra peut-être subir d'autres examens, y compris des biopsies douloureuses, de l'anxiété et des nuits sans sommeil à l'idée d'avoir un cancer. En fin de compte, certaines personnes subiront des interventions chirurgicales et des traitements inutiles, et pourraient même souffrir de tous les traitements prescrits.
.....
Les diagnostics de cancer par dépistage aux États-Unis ont augmenté de façon exponentielle. Un article paru en 2021 dans le New England Journal of Medicine a révélé que l'incidence documentée du mélanome, "une tumeur autrefois rare", était aujourd'hui six fois plus élevée qu'il y a 40 ans. Toutefois, le taux de mortalité dû à ce cancer de la peau est resté généralement stable. Aucun essai contrôlé randomisé ni aucune étude au niveau de la population n'ont démontré les avantages du dépistage du mélanome en termes de réduction du nombre de décès dus à cette maladie.

"Je pense qu'en général, nous avons surinvesti dans le dépistage du cancer", déclare Gilbert Welch, interniste et auteur principal de l'article du NEJM. "Ses avantages ont été systématiquement exagérés, ses inconvénients largement ignorés... Le dépistage est devenu un gros business, tant pour les systèmes de santé que pour les sociétés de diagnostic."
......

Selon Rita Redberg, cardiologue à l'UC San Francisco Health et ancienne rédactrice en chef du JAMA Internal Medicine, la réalité est que nous sommes plus aptes à détecter les maladies qu'à en savoir plus sur elles.
Dans le cas du cancer du sein, il est difficile de prédire avec certitude si une masse minuscule deviendra maligne, s'agrandira considérablement ou même disparaîtra complètement. Néanmoins, ces détections incitent à une action quasi-immédiate.
"Cela déclenche des biopsies et des traitements", explique R. Redberg. "Nous avons tout un système médical qui, une fois que l'on achète l'équipement (et) on apprend à le manipuler, il est remboursé - c'est une sorte de train qui ne s'arrête jamais".

"Je ne pense pas que les gens se sentent mieux après tous ces tests de dépistage que nous effectuons, et ils entraînent de nombreuses complications", ajoute R. Redberg. "Je pense que nous aurions un impact beaucoup plus important si nous menions des campagnes de santé publique pour arrêter de fumer, arrêter de vaper, augmenter l'activité physique et améliorer notre alimentation. Cela réduirait vraiment le nombre de cancers et les gens se sentiraient mieux."

Concernant le dépistage du cancer de la prostate

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Pendant des décennies, le test sanguin PSA a été recommandé pour dépister le cancer de la prostate chez les hommes, malgré le peu de preuves qu'il contribuait réellement à réduire les taux de mortalité toutes causes confondues.
Une méta-analyse de cinq essais contrôlés randomisés a conclu que le dépistage du PSA avait, au mieux, un faible effet sur la mortalité spécifique à la prostate - un décès évité pour 1 000 hommes dépistés sur une période de 10 ans - et aucun effet sur la survie globale.

Jusqu'à il y a une dizaine d'années, la plupart des cancers de la prostate à faible risque détectés initialement par le dépistage basé sur le PSA (le cancer à faible risque est le type de cancer le plus fréquemment identifié) étaient traités par chirurgie ou radiothérapie, avec pour effets secondaires courants l'incontinence et les troubles de l'érection. Ces dernières années, la pratique clinique a évolué de telle sorte qu'un plus grand nombre d'hommes aux États-Unis (60 % selon une étude) optent pour la surveillance active, qui consiste à suivre de près le cancer sans traitement jusqu'à ce que celui-ci devienne nécessaire. Cependant, comme le soulignent les auteurs de l'étude, l'utilisation de la surveillance active varie considérablement d'un cabinet d'urologie à l'autre et existe à peine chez certains d'entre eux, ce que les auteurs qualifient de "sous-optimal".
Derrière tous ces chiffres se pose une question plus générale : Devons-nous trouver tous les cancers ? À l'autopsie, environ 40 % des hommes de plus de 80 ans ont un cancer de découverte fortuite de la prostate, explique Morris (oncologue au Centre anti-cancéreux Memorial Sloan Kettering NY), mais ils sont morts d'autres causes. "Et 10 à 30 % d'entre nous ont un cancer de la thyroïde (cliniquement insignifiant) lorsqu'on meurt".

Les carcinomes in situ

Dans le cas des lésions précancéreuses du sein, un essai prospectif randomisé actuellement en cours, COMET (nous parlons ici de la problématique des cancers in situ et des essais cliniques en cours, NDLR), comparera les résultats des femmes chez qui l'on a diagnostiqué un CCIS et qui subissent un traitement standard (chirurgie et/ou radiothérapie) à ceux des femmes qui restent sous surveillance active, avec des examens réguliers pour s'assurer que le CCIS ne s'est pas transformé en cancer invasif. Les patientes des deux groupes peuvent également opter pour un traitement hormonal bloquant qui, chez certaines femmes, empêche le CCIS de se propager.

L'idée de simplement surveiller les modifications (des lésions CCIS détectées, NDLR) "est une remise en question totale de ce que nous pensons être la maladie", déclare Shelley Hwang, directrice du programme d'oncologie mammaire à Duke Health et investigatrice principale de l'essai. "Pour cette raison, il est très difficile de changer les cœurs et les esprits. Mais je pense que nous devons changer les deux".

Hwang m'a expliqué (dixit l'auteure) que si plus de 50 000 femmes sont diagnostiquées avec un CCIS chaque année (environ 65 millions d'Américaines subissent des mammographies chaque année), un pourcentage beaucoup plus faible de ce total se transforme en une forme quelconque de cancer invasif. Toutefois, à l'heure actuelle, presque toutes les femmes chez lesquelles on a diagnostiqué un CCIS doivent subir une mastectomie, une tumorectomie et/ou une radiothérapie, voire un traitement hormonal.
"Je pense que la stratégie actuelle consiste à traiter 100 % des patients, en espérant en avoir aidé quelques-unes", déclare Hwang. "L'autre stratégie consiste à laisser la biologie dicter ceux qui ont besoin d'un traitement et à ne pas nuire aux autres....."

Une étude appelée RECAST DCIS, qui devrait débuter cet automne, associera la surveillance active des patientes chez qui un CCIS a été diagnostiqué à un traitement endocrinien, et Mme Esserman, comme beaucoup d'autres, pense que le fait de mieux connaître l'histoire personnelle des patientes, y compris leur bagage génétique, peut et doit entrer en ligne de compte dans toute décision concernant les soins. "Je pense qu'il s'agit d'une façon très réfléchie et pragmatique de faire changer les choses", déclare M. Esserman.

Conclusion

Il apparaît de plus en plus clairement que le dépistage de masse n'a pas donné les résultats escomptés et que, pour un trop grand nombre d'Américains, il fait plus de mal que de bien lorsqu'il s'agit de cancers à un stade précoce.

Une approche plus équilibrée et nuancée, qui stratifie mieux les individus sur la base du risque et des préférences du patient, est certainement la bienvenue. Comme le dit Hwang, "dépistons les patients dont nous savons qu'ils présentent le risque le plus élevé, et laissons de côté les patients qui présentent les risques les plus faibles". Mais rien de tout cela ne sera facile dans un pays qui a depuis longtemps fait du dépistage - et des traitements qui en découlent - une norme de soins.

Carolyn Barber, M.D., est une rédactrice scientifique et médicale publiée à l'échelle internationale et a exercé la profession de médecin urgentiste pendant 25 ans. Elle est l'auteur du livre Runaway Medicine : What You Don't Know May Kill You, et cofondatrice du programme de travail pour les sans-abri Wheels of Change, basé en Californie.

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NOUVEAU, NOTRE OUTIL D’AIDE A LA DECISION INTERACTIF

1er octobre 2023

Communiqué de presse de Cancer Rose

1er octobre 2023

Le Collectif Cancer Rose propose un outil d'aide à la décision interactif et en trois langues (français, anglais, allemand) concernant le dépistage du cancer du sein, afin que chaque femme puisse évaluer sa propre balance bénéfices/risques. https://oad.cancer-rose.fr/
Cet outil peut facilement être utilisé seule ou avec l'aide d’un praticien lors d'une consultation médicale.

L’outil présente 2 balances bénéfices/risques :

  • une balance bénéfices/risques basée sur des hypothèses défavorables au dépistage
  • une balance bénéfices/risques basée sur des hypothèses favorables au dépistage.

Il est possible de renseigner l'âge de début et de fin de participation au dépistage pour avoir une estimation personnalisée des bénéfices escomptés (les décès évités) et des risques (les surdiagnostics et les fausses alertes) auxquels expose le dépistage.

COMMUNIQUES DE PRESSE, FRANçAIS, ANGLAIS, ALLEMAND

L'outil est également accessible directement à partir de la page d'accueil.

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Octobre rose, bis repetita mais pas placent

30/09/2023
Par Dr C.Bour

Durant l'année 2023, trois études sont venu bousculer, encore un peu plus, les certitudes roses que l'on vend aux femmes.
Il sera dorénavant impossible de prétendre encore que ce dépistage sauve des vies ; continuer à en faire des slogans simplistes tels que les associations et les médias les ont servis au public pendant des décennies relève de la propagande, purement et simplement.
Propagande rappelée dans l'excellent billet "octobre noir, c'est reparti" , où l'auteur, Dr Grange alias doc du 16 sur les réseaux a réalisé une compilation des campagnes des plus cocasses aux plus scandaleuses et sexistes.
Gouvernements et ministres de santé posent régulièrement pour les photos d'usage arborant l'inévitable petit ruban rose, y compris Mme Buzyn qui, en dépit des demandes de la concertation citoyenne de 2016 de cesser l'incitation rose des femmes promeut en image le dépistage et y incite littéralement dans ce tweet.

Celle qui actuellement explique dans les médias que des médecins inquiets concernant la désinformation lors de la pandémie Covid n'ont pas été entendus, n'a pas beaucoup écouté elle-même en son temps d'autres médecins inquiets de la désinformation sur le dépistage, et qui essaient de s'exprimer eux aussi depuis au moins deux décennies.

Malheureusement le fait que le dépistage pourrait comprendre plus de risques qu'il ne présente de bénéfices n'arrivera probablement que difficilement aux oreilles des concernées (les femmes) puisque très officiellement qualifié de fake-news.
Nous en avions parlé lors d'un congrès international à Calgary devant une communauté scientifique internationale plutôt médusée des tentatives de muselage françaises, si peu en accord avec le mythe de la liberté d'expression française. S'ils savaient...S'ils savaient combien d'interviews avortés, de tribunes refusées, d'articles jamais publiés notre collectif a essuyés, combien d'heures accordées en entretien à des journalistes parfois réellement motivés mais restées sans suite en raison d'une rédaction qui ne valide pas le sujet, ou pas les propos... Combien de déplacements inutiles pour parler dans des rédacs parisiennes pour apprendre ensuite que le sujet "ne passera finalement pas".

MMe Buzyn aborde "l'aspect genré" dans son nouveau livre, arguant que si elle n'avait pas été une femme et avait été dotée "d'une plus grosse voix" (sic) elle aurait été davantage écoutée.

...Mais combien de voix féminines alors, de femmes indûment traitées, surdiagnostiquées, amputées inutilement, avec des hémopathies ou des cardiopathies secondaires aux traitements faudra-t-il, combien de livres, de blogs, de publications de chercheurs indépendants faudra-t-il avant qu'un(e) ministre de la santé ait enfin l'honnêteté intellectuelle d'avouer que les campagnes de dépistage ont été lancées trop vite, avec trop de précipitation, trop d'engouement alors que déjà dans les années 2000 les preuves que ce dépistage était risqué et ne tenait pas ses promesses existaient ? Quelle ou quel ministre, au lieu de poser enrubanné sera assez fort(e), digne et droit(e) pour dire aux femmes de ce pays que ce dépistage doit rester LEUR choix, et uniquement LEUR choix, après les avoir honnêtement informées que non, se faire mammographier tous les deux ans ne les protègera pas d'un cancer du sein, ne leur sauvera pas la vie, mais leur fera même peut-être connaître une maladie que sans dépistage elle n'auraient jamais connue ?

Des études, toujours des études

Trois études disions-nous en préambule, que nous vous résumons à nouveau.

1°-Pour commencer une excellente nouvelle, le risque de décès par cancer du sein est en baisse, dépistage ou pas.
Bien que cette étude ne permette de tirer AUCUNE conclusion sur les avantages du dépistage, vu que le dépistage n'en était pas l'objet, et malgré les avertissements explicites dans la publication, les promoteurs du dépistage n'ont pas manqué de l'utiliser pour promouvoir ce dépistage, poussant des hourras et des cris de victoire.

Que dit l'étude : les améliorations en termes de mortalité par cancer du sein observées chez les femmes dont le cancer a été détecté par dépistage ont été parallèlement constatées chez les femmes dont le cancer n'a pas été détecté par dépistage.

 Le pronostic des cancers du sein s'améliore, sans qu'il soit possible de dire quelle est la part du dépistage, des progrès thérapeutiques et des facteurs de confusion que sont le biais d'avance au diagnostic, les surdiagnostics surtout, et aussi les facteurs sociaux et économiques.

Selon les études déjà disponibles (voir l'article) le rôle du dépistage est vraisemblablement marginal, et l'apparent succès dans les groupes dépistés est influencé par l'avance au diagnostic.

C'est tout, mais c'est déjà une EXCELLENTE nouvelle qu'il faut transmettre aux femmes.

2°- On ne peut espérer un prolongement de sa durée de vie en se faisant dépister.

Les résultats de cette méta-analyse ne corroborent pas l’affirmation selon laquelle les tests de dépistage du cancer sauvent des vies en prolongeant la durée de vie, sauf peut-être pour le dépistage du cancer colorectal par sigmoïdoscopie.

A droite "durée de vie gagnée", à gauche "durée de vie perdue"

Alors que des moyens colossaux sont mis dans des campagnes de promotion de dépistages, appelées fallacieusement "campagnes de prévention", on apprend que de véritables campagnes contre l'alcoolisme, pourtant plutôt efficaces, ont été retoquées.  
Eh bien c'est dommage...
L'alcool, le tabagisme font partie des facteurs de risque des cancers en général.
Le risque du cancer du sein augmente de 7 % par verre quotidien. Le risque est également augmenté par le tabagisme actif ou passif, et le dépistage 'précoce' est une ineptie si on ne lutte pas plus efficacement contre ces fléaux.

3°- le surdiagnostic, écueil majeur des dépistage et dont nous parlons énormément sur ce site, est sous-évalué, selon une revue systématique du début d'année.

Pour le dépistage du cancer du sein, quasiment un cancer sur 3 détectés serait une détection inutile, aux conséquences ravageuses pour la femme qui le subit.
Le surdiagnostic est l'inconvénient le plus grave du dépistage du cancer.
Pourtant, de nombreux programmes de dépistage ont été mis en œuvre à la suite de résultats préliminaires incomplets, mettant l'accent sur des bénéfices assez maigres, visibles en dépistant de très grosses cohortes de personnes et sur de longues années seulement, cependant que les effets néfastes du dépistage, comme le surdiagnostic, prennent aussi de nombreuses années avant d'être estimés de manière adéquate.

Il faut prendre en compte ces effets néfastes pour aboutir à des modifications, voire à l'arrêt de certains dépistages disent les auteurs, encore trop souvent mis en oeuvre en population malgré des non-recommandations parfois (prostate, thyroïde), et qui sont coûteux et inopérants.

En conclusion

Finalement un article trouvé ici propose une très bonne conclusion exprimée par l'épidémiologiste Catherine Hill :

" Le dépistage du cancer du sein ne prévient pas l’apparition de ce cancer. Tout ce que peut faire une mammographie c’est détecter un cancer plus précocement. Pour prévenir le cancer du sein, il faut réduire sa consommation de boisson alcoolisée autant que possible (et le vin est un alcool !) car le risque augmente de 7 % par verre quotidien, éviter le surpoids et l’obésité, et n’avoir recours au traitement hormonal de la ménopause, pour une durée aussi courte que possible, que si les symptômes sont très gênants, pour ne citer que les causes les plus importantes en France à l’heure actuelle.

Participer au programme national de dépistage du cancer du sein en continuant à fumer, à boire plus de dix verres de boisson alcoolisée par semaine ou en étant en surpoids ou obèse, c’est avoir une stratégie inadaptée de prévention des cancers. Ne pas réaliser de dépistage du cancer du sein en préférant éviter le tabac, l’alcool, le surpoids et l’obésité, en ayant une alimentation équilibrée, et en étant vaccinée contre les papillomavirus et l’hépatite B n’a vraiment rien de déraisonnable."

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Carcinomes non progressifs et régression cancéreuse

Traduction et synthèse de deux publications, par Cancer Rose, 25/09/2023

Il est très rare qu'on observe directement des régressions cancéreuses, non pas parce qu’elles sont rares, mais parce que leur observation est difficile, car dès qu’on décèle un cancer, il est traité.

Et de fait, on ne peut pas parier sur la régression d'un cancer lorsqu'on en voit un. Une fois détecté, on ne prend aucun risque et on traite la lésion cancéreuse.
La régression cancéreuse a pu être observée chez des femmes sur le point d’être opérées de leur cancer du sein, mais dont l’intervention chirurgicale a dû être différée en raison de la survenue d’une autre maladie grave (une hémopathie évolutive p.ex.) plus urgente à traiter. Ces cas de régression existent bel et bien, et pas seulement pour le cancer du sein d’ailleurs.[1]

Carcinomes mammaires non progressifs détectés lors du dépistage par mammographie : une étude de population

Heggland, T., Vatten, L.J., Opdahl, S. et al. Non-progressive breast carcinomas detected at mammography screening: a population study. Breast Cancer Res 25, 80 (2023). https://doi.org/10.1186/s13058-023-01682-9

L'étude ici présentée rassemble des données norvégiennes et, à l'aide d'un modèle âge-période-cohorte, les auteurs évaluent la proportion de cancers non évolutifs parmi les cancers détectés.

Certains carcinomes mammaires détectés lors du dépistage, en particulier le carcinome canalaire in situ, pourraient ne jamais évoluer vers une maladie symptomatique.
Il y a toujours plus de cancers détectés chez les femmes dépistées par rapport aux non-dépistées, cet excédent correspond au surdiagnostic (diagnostics non utiles), car si toutes les tumeurs avaient pour vocation d'évoluer vers des "vrais "cancers et s'exprimer en tant que tels, il y en aurait autant dans le groupe des non dépistées que des dépistées.
Le fait qu'il y en ait davantage chez les dépistées sans différence de longévité ou des taux de mortalité entre les deux groupes montre qu'il y a un excédent de détection de cancers chez les dépistées, cancers dont bon nombre ne sont pas évolutifs, mais qui, détectés, seront néanmoins traités.
La difficulté réside dans l'évaluation de la quantité des carcinomes invasifs non évolutifs et des carcinomes in situ, de plus en plus nombreux depuis l'instauration des dépistages mais dont la très grande majorité sont des lésions à très bon pronostic et non évolutives, à tel point que dans certains pays des programmes de simple surveillance active sont proposés.

Résultats de l'étude

Heggland et coll. veulent examiner si tous les carcinomes mammaires détectés lors d'un dépistage entre 50 et 69 ans évoluent vers des symptômes cliniques à 85 ans.
Ils ont estimé la fréquence des tumeurs non progressives (ou non évolutives) parmi les cas détectés par le dépistage, sur la base du programme BreastScreen Norway de la population norvégienne avec 24 ans de suivi, en calculant la différence du taux cumulé de carcinomes mammaires entre les scénarios avec et sans dépistage à l'âge de 85 ans.

Les résultats suggèrent que près d'un carcinome mammaire sur six détectés lors du dépistage peut être non progressif. Les auteurs écrivent : "Nous avons constaté que les carcinomes mammaires qui n'évoluent pas vers des cancers cliniques à l'âge de 85 ans pourraient représenter une proportion substantielle des cas détectés lors du dépistage. Une meilleure connaissance de la progression tumorale est nécessaire pour optimiser le traitement des carcinomes mammaires détectés par dépistage."

Ils ajoutent que leur estimation plus faible des carcinomes mammaires non progressifs par rapport à d'autres études peut être attribuée à la modélisation utilisée ; en effet diverses méta-analyses et un travail de synthèse de grande envergure du Pr.P.Autier suggèrent qu'un tiers des cancers détectés pourraient être des cancers non évolutifs et de détection inutile.

Une vérification de ce modèle suggère une régression de 50 % des cancers du sein invasifs surdiagnostiqués.

Réaction du chercheur et épidémiologiste norvégien Per-Henrik Zahl

https://breast-cancer-research.biomedcentral.com/articles/10.1186/s13058-023-01708-2

Les modèles sont souvent spéculatifs...Et il y a peut-être un autre phénomène en dehors du caractère non évolutif des cancers, à savoir celui de la régression cancéreuse.

Dans le modèle, constate H.Zahl, à l'âge de 69 ans, le taux d'incidence excédentaire estimé est de 1 614 pour 100 000 femmes.
Si les femmes de cette cohorte n'ont pas participé au dépistage pendant 20 ans, ces tumeurs devraient s'accumuler en l'absence de dépistage et on devrait les détecter à 69 ans. Or, en supposant un taux de participation de 80%, on obtient un taux de détection spécifique à l'âge de 746 cancers du sein invasifs pour 100 000 femmes dépistées, plus environ 160 in situ détectés. Cela donne un taux de détection d'environ 900 pour 100 000 femmes dépistées.
Par rapport aux 1614 attendues dans le modèle, il nous manque presque la moitié des cancers, et rien ne justifie de considérer que 45 % des tumeurs ne se développent pas avant l'âge de 69 ans, qu'on ne les détecte pas lors des dépistages successifs jusqu'à 69 ans, et puis qu'elles commenceraient à se développer après l'âge de 69 ans et deviendraient cliniques plus tard.
Pour H.Zahl il s'agit bien de tumeurs, non seulement qui n'ont pas progressé mais qui ont même régressé et qu'il faut considérer dans le surdiagnostic.  
Il faut, dit-il, dans les discussions sur le surdiagnostic et lorsqu'un modèle d'évaluation des ne correspond pas aux données, prendre en compte le phénomène de régression cancéreuse.
Il convient de noter que la régression du cancer a également été indirectement signalée dans un essai de dépistage randomisé par mammographie[2]- environ 50 % des tumeurs détectées par IRM ont très probablement régressé dans cette étude.

Voir ceci : https://cancer-rose.fr/2020/06/25/regression-cancereuse/

Zahl écrit : " Il existe des preuves biologiques très solides indiquant que les petites tumeurs peuvent régresser spontanément. Certains cancers existent en équilibre avec le système immunitaire. Le vaccin Bacillus Calmette-Guérin (BCG) contre la tuberculose est utilisé depuis plus de 50 ans pour traiter les tumeurs à haut risque de la vessie ainsi que le mélanome malin. En effet, la thérapie immunitaire moderne est basée sur l'interaction avec le système immunitaire. Plus récemment, le pembrolizumab (anticorps monoclonal) a été approuvé par la FDA pour le traitement du cancer du sein triple négatif à haut risque, qu'il soit non avancé ou avancé. "

En conclusion :

L'histoire naturelle du cancer est encore mal connue.
Elle est certainement beaucoup plus complexe qu'imaginée, et très probablement sous l'influence du système immunitaire individuel.
La régression cancéreuse existe, et est vraisemblablement sous-estimée.


[1] Etudes sur la régression cancéreuse

  • Okunaga E, Okano S, Nakashima Y, Yamashita N, Tanaka K, Akiyoshi S, et al. Spontaneous regression of breast cancer with axillary lymph node metastasis: a case report and review of literature. Int J Clin Exp Pathol. 2014; 7(7): 4371-80.
  • Onuigbo WIB. Spontaneous regression of breast carcinoma: review of English publications from 1753 to 1897. Oncol Rev. Oct 2012; 6 (2): e22.
  •  Ricci SB, Cerchiari U. Spontaneous regression of malignant tumors: Importance of the immune system and other factors (Review). Oncol Lett. Nov 2010; 1(6): 941-5.

[2] Welch HG, Zahl P-H. Cancer dynamics in the DENSE trial. N Engl J Med. 2020;382:1283–4.

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Abaisser l’âge du dépistage ? Une boîte de Pandore

Traduction, restitution et commentaires par Cancer Rose, 17/09/2023

Les nouvelles recommandations de l'USPSTF sur la mammographie - Un point de vue divergent

  • Steven Woloshin, M.D., 
  • Karsten Juhl Jørgensen, M.D., D.Med.Sci., 
  • Shelley Hwang, M.D., M.P.H., 
  • and H. Gilbert Welch, M.D., M.P.H.

De : Dartmouth Institute and Dartmouth Cancer Center, Lebanon, NH (S.W.); the Lisa Schwartz Foundation for Truth in Medicine, Norwich, VT (S.W., K.J.J., S.H., H.G.W.); Cochrane Denmark and the Center for Evidence-Based Medicine Odense, Department of Clinical Research, University of Southern Denmark, Odense (K.J.J.); the Department of Surgery, Duke University, Durham, NC (S.H.); and the Center for Surgery and Public Health, Department of Surgery, Brigham and Women’s Hospital, Boston (H.G.W.).

https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMp2307229

September 16, 2023

Le groupe de travail américain (USPSTF) émettant les recommandations sur les dispositifs de santé publique a émis de nouvelles recommandations pour le dépistage mammographique au mois de mai 2023, préconisant le début des mammographies de routine à 40 ans.
Il s'agit d'un abaissement des recommandations au dépistage de 10 années par rapport aux modalités antérieures, qui préconisaient le dépistage du cancer du sein à 50 ans seulement, en raison de risques majorés pour les populations plus jeunes et pour un bénéfice trop restreint.
La décision a été motivée sur la base de deux arguments :
-augmentation des cancers du sein chez des femmes plus jeunes, et
-augmentation des cancers les plus agressifs chez les femmes noires.
Nous avons synthétisé cette annonce ainsi que les réactions qu'elles ont suscité ici : https://cancer-rose.fr/2023/05/15/abaisser-lage-du-debut-du-depistage-mais-a-quel-prix/

Cette modification des recommandations d'âge a soulevé beaucoup de contestations, notamment sur l'argumentation avancée d'une meilleure 'égalité' de traitement pour les classes sociales les plus pauvres.
Cette recommandation n'est pas anodine du tout et le tribut à payer pour les femmes risque d'être très lourd, c'est ce qui motive la mise en garde des auteurs, publiée hier.

Pourquoi cela doit nous concerner ?

Premièrement, plusieurs études toutes récentes, de cette années, mettent en cause de façon flagrante l'efficacité-même du dépistage mammographique.
Non, il ne permet pas de 'sauver des vies', ce mythe a fait long feu, il n'y a pas de prolongement de la durée de vie par les dépistages en général.
Non, ce n'est pas le dépistage mammographique qui est responsable d'une baisse de mortalité par cancer du sein ; le risque de décès par cancer du sein est en baisse, dépistage ou pas. Les traitements du cancer du sein s’améliorent de façon spectaculaire, ainsi la valeur de la détection primaire diminue, ce qui, à l’avenir, devrait le dépistage obsolète.
Non, le dépistage mammographique n'est pas anodin, les risques surpassent le bénéfice qu'on pourrait en attendre et le surdiagnostic est pire dans les évaluations actuelles.

Deuxièmement les recommandations américaines, très favorables aux fournisseurs du secteur de l'imagerie de la femme, risquent de servir d'exemple et d'ouvrir une boîte de Pandore qu'il sera impossible ensuite de refermer ; déjà des voix s'élèvent ici ou là pour demander un dépistage mammographique même annuel...
Il n'y a rien de 'complotiste' dans cet argument, en effet la prise en charge du cancer du sein est, il faut pouvoir le dire publiquement, une vaste entreprise rentable, alimentée par la peur que les femmes éprouvent à l'égard de cette maladie." Ce business du cancer est ce que le journaliste John Horgan explique longuement dans cet article.

Troisièmement, un essai européen, appelée MyPEBS, vient d'achever l'intégration des femmes réparties dans les différents groupes d'étude. Or cette étude, censée évaluer un dépistage individualisé basé sur le risque de chaque femme de faire un cancer est de toute évidence calibrée pour inciter à dépister plus et plus jeune, car elle recrute des femmes dès 40 ans, et elle comporte des biais flagrants que nous avons dénoncés dans une lettre ouverte en compagnie d'autres groupes de vigilance sanitaire.
Les femmes n'auront pas à choisir entre dépistage ou pas dépistage, mais entre dépistage standard et ... davantage de dépistage si elles sont désignées 'à risque'.
Cependant le sous-groupe de femmes dit 'à faible risque' comprendra très peu de femmes, et toutes les autres seront réparties dans des sous-groupes à plus haut risque très rapidement puisque le logiciel, non validé scientifiquement, admet des critères de risques très généreux et les femmes se verront davantage examinées par mammographies.
Par exemple, le fait d'avoir eu une biopsie du sein pour lésion même bénigne représente un facteur de risque, or le nombre d'actes biopsiques chez des femmes jeunes pour des lésions bénignes telles que des fibro-adénomes a très considérablement augmenté ces dernières années, ce qui va rendre de facto beaucoup de femmes abusivement "à risque".

En bref, alors que le dépistage mammographique peine de plus en plus à démontrer une quelconque pertinence et que les preuves de sa nocivité s'accumulent, on s'achemine Outre-Atlantique comme en Europe vers plus de dépistages, chez plus de jeunes, au mépris des risques auxquels on expose la population, et bien sûr sans l'en informer.
Il ne faudrait pas que ça se sache....

Le point de vue divergent

Nous restituons in extenso ci-dessous la publication du NEJM-

Récemment, la U.S. Preventive Services Task Force (USPSTF) a modifié sa recommandation concernant l'âge de début du dépistage par mammographie de 50 à 40 ans.1 Précédemment, la Task Force considérait que le dépistage chez les femmes de 40 à 50 ans relevait d'un choix personnel. Les recommandations de l'USPSTF étant très influentes, le dépistage par mammographie chez les femmes de 40 ans deviendra probablement une norme de performance des services de santé ; si c'est le cas, il s'agira d'un impératif de santé publique auquel les praticiens de soins primaires devront se conformer. Un tel changement affectera plus de 20 millions de femmes américaines et soulève des questions importantes.

Premièrement, existe-t-il de nouvelles preuves de l'augmentation de la mortalité due au cancer du sein ? Au contraire, la mortalité due au cancer du sein n'a cessé de diminuer aux États-Unis, ce qui constitue une réussite majeure de la médecine moderne. La réduction a été la plus prononcée chez les femmes de moins de 50 ans, dont la mortalité par cancer du sein a été réduite de moitié au cours des 30 dernières années, selon le système national des statistiques de l'état civil. Des tendances similaires sont observées dans d'autres pays à revenu élevé, y compris ceux où le dépistage chez les femmes de 40 ans est très rare (Danemark et Royaume-Uni) et ceux où le dépistage est rare dans tous les groupes d'âge (Suisse) - ce qui suggère que le déclin résulte en grande partie de l'amélioration des traitements, et non du dépistage (voir les graphiques).

Deuxièmement, existe-t-il de nouvelles preuves que les bénéfices de la mammographie augmentent ? Depuis la précédente recommandation de l'USPSTF, il n'y a pas eu de nouveaux essais randomisés sur le dépistage par mammographie chez les femmes de 40 ans.
Huit essais randomisés portant sur cette tranche d'âge, dont le plus récent (l'essai britannique sur l'âge), n'ont révélé aucun effet significatif.2 Ce résultat reflète à la fois la rareté des décès liés au cancer du sein chez les femmes de 40 ans et le fait que le dépistage réduit moins la mortalité qu'on ne l'espérait - probablement parce que la maladie est plus agressive dans cette tranche d'âge. Les cancers à croissance rapide sont plus susceptibles de ne pas être détectés par le dépistage, car ils apparaissent souvent dans l'intervalle entre deux examens.

Sans nouvelles données issues d'essais cliniques, la nouvelle recommandation se fonde sur des modèles statistiques qui estiment ce qui pourrait se passer si l'âge de début du dépistage était abaissé. Les modèles partent du principe que le dépistage par mammographie réduit la mortalité par cancer du sein d'environ 25 % et concluent que le dépistage de 1 000 femmes âgées de 40 à 74 ans, au lieu de 50 à 74 ans, permettrait de réduire d’un à deux le nombre de décès par cancer du sein au cours de la vie.

Le recours croissant de l'USPSTF à des modèles statistiques complexes est problématique. Les effets estimés peuvent être extrêmement sensibles aux hypothèses de modélisation, qui reflètent souvent la perception générale du moment.
Un modèle important, réalisé avant l'étude Women's Health Initiative, prévoyait que presque toutes les femmes ménopausées verraient leur espérance de vie augmenter grâce à un traitement hormonal substitutif. Les modèles peuvent paraître attrayants en raison de leur précision quantitative apparente, mais ils ne sont fiables que si les données d’entrée et les hypothèses utilisées le sont également. Comme d'autres l'ont souligné, les décideurs politiques ne devraient utiliser les modèles que s'ils comprennent les paramètres et les hypothèses sur lesquels ils reposent3.

Dans le cas présent, il est particulièrement problématique que la réduction modélisée de 25 % du risque relatif de mortalité par cancer du sein grâce au dépistage mammographique dépasse celle observée dans les méta-analyses des essais randomisés : une réduction de 16 % du risque relatif pour les huit essais combinés (intervalle de confiance [IC] de 95 %, 27 % à 4 % de réduction) et une réduction de 13 % du risque relatif dans les trois essais présentant un faible risque de biais (IC de 95 %, 27 % de réduction à 3 % d'augmentation).2

Ainsi, la balance des bénéfices et préjudices justifie-t-elle un nouvel impératif de santé publique ? Les réductions du risque relatif peuvent être trompeuses car elles ne contiennent aucune information sur le risque absolu, qui est déjà faible et en constante diminution pour ce groupe d'âge. Pour clarifier les effets potentiels de la recommandation actualisée en termes absolus, le tableau (ci-dessous) résume les bénéfices et préjudices.
Pour les femmes américaines à la quarantaine, le risque de décès, quelle qu'en soit la cause, au cours des dix prochaines années est d'environ 3 %, indépendamment du dépistage. Le bénéfice modélisé de la mammographie représente une réduction du risque de décès par cancer du sein sur 10 ans d'environ 0,3 % à environ 0,2 %, soit une différence de 0,1 point de pourcentage (un décès par cancer du sein pour 1 000 femmes dépistées pendant 10 ans). En d'autres termes, grâce au dépistage, la probabilité de ne pas mourir d'un cancer du sein au cours des dix prochaines années passe de 99,7 % à 99,8 %.

Cet effet est faible, surtout si l'on tient compte des préjudices potentiels et de ce qui semble être des hypothèses trop optimistes en matière de bénéfices. Les fausses alertes sont manifestement les conséquences les plus fréquentes : le modèle de l'USPSTF estime que 36 % des femmes âgées de 40 à 49 ans en subiront au moins une dans le cadre d'un dépistage bisannuel sur 10 ans. Toutes devront subir des examens supplémentaires pour confirmer qu'elles n'ont pas de cancer ; certaines subiront des examens multiples et devront payer des frais substantiels. Et certaines éprouveront de la peur : environ un tiers des femmes décrivent l'expérience comme "très effrayante" ou "la période la plus effrayante de leur vie "4.

Environ 6,6 % des femmes dépistées auront une fausse alerte nécessitant une biopsie. En outre, le modèle de l'USPSTF estime que 0,2 % des femmes seront surdiagnostiquées et traitées pour un cancer qui n'est pas destiné à causer des préjudices. Ces préjudices peuvent être plus fréquents dans la pratique, étant donné que les données du modèle provenant du Consortium de surveillance du cancer du sein ne reflètent probablement que les taux des pratiques les plus performantes. Les préjudices seront plus fréquents si le dépistage a lieu tous les ans plutôt que tous les deux ans, comme c'est le cas actuellement pour la plupart des femmes américaines.

Le tableau illustre le compromis critique pour les femmes d'une quarantaine d'années : les bénéfices, qui profiteront à peu de femmes, l'emportent-ils sur les risques qui affecteront beaucoup plus de femmes ? La solution est un choix de valeur que les femmes devraient pouvoir faire elles-mêmes, plutôt que de se voir imposer un impératif de santé publique par des médecins recevant des incitations pour atteindre un niveau de "qualité". Compte tenu de la baisse constante de la mortalité au cours des 30 dernières années, attribuable à l'amélioration des traitements, il est probable que de moins en moins de femmes bénéficieront du dépistage au fil du temps, tandis qu'un dépistage plus poussé augmentera les risques.

La Task Force affirme également que la nouvelle recommandation constitue une première étape importante dans la réduction de la disparité entre les femmes noires et les femmes blanches en matière de mortalité due au cancer du sein. Bien que la mortalité chez les femmes dans la quarantaine ait diminué de moitié dans les deux groupes depuis 1990 (voir l'annexe supplémentaire, disponible sur le site NEJM.org), la disparité est inquiétante et persistante : Selon le système national des statistiques de l'état civil, les femmes noires sont beaucoup plus susceptibles de mourir d'un cancer du sein que les femmes blanches (23 contre 13 décès pour 100 000 femmes). Mais il est difficile d'imaginer comment le fait de recommander la même intervention aux deux groupes pourrait réduire la disparité, d'autant plus que les taux de dépistage sont déjà aussi élevés pour les femmes noires et blanches dans la quarantaine (environ 60 %, selon le National Center for Health Statistics).

L'augmentation du dépistage ne peut pas résoudre les différences sous-jacentes dans la biologie du cancer : l'incidence du cancer du sein triple négatif (qui n'exprime pas le récepteur des œstrogènes, le récepteur de la progestérone et le récepteur 2 du facteur de croissance épidermique humain) chez les femmes noires est deux fois plus élevée que chez les femmes blanches, selon l'Institut national du cancer. Ce sous-type est le plus agressif, son traitement est le moins efficace et il est le plus à risque de ne pas être détecté par le dépistage.5

Un dépistage précoce ne permettrait pas non plus de résoudre les problèmes auxquels sont confrontées les femmes pauvres, souvent les femmes noires dans une mesure disproportionnée, problèmes tels que la moindre qualité des services médicaux disponibles, le suivi tardif des scanners anormaux, les retards de traitement et le plus faible recours aux thérapies adjuvantes. En fait, l'abaissement de l'âge du dépistage pourrait exacerber les problèmes contribuant à la disparité, en détournant les ressources vers un dépistage élargi. Nous devons faire davantage ce qui fonctionne vraiment : veiller à ce que les femmes pauvres atteintes d'un cancer du sein aient plus facilement accès à un traitement de haute qualité.

Une modification des recommandations relatives à la mammographie serait justifiée s'il était prouvé que les conséquences du cancer du sein s'aggravent ou s'il existait de nouvelles preuves que le dépistage chez les femmes plus jeunes présente des bénéfices clairs. En fait, aucune de ces deux conditions n'est remplie.

Nous espérons que les décideurs politiques reconsidéreront la décision d'abaisser l'âge de début du dépistage par mammographie. Les modèles de la Task Force sont insuffisants pour soutenir un nouvel impératif de santé publique, étant donné les bénéfices limités et les risques courants et importants pour les femmes en bonne santé.
Il serait préférable de permettre aux femmes de prendre leurs propres décisions sur la base de leur propre évaluation des données et de leurs valeurs - et de réorienter les ressources pour garantir que toutes les femmes atteintes d'un cancer du sein reçoivent le meilleur et le plus équitable des traitements possibles.

Références

  1. Preventive Services Task Force. Draft recommendation statement — breast cancer: screening. May 9, 2023 (https://www.uspreventiveservicestaskforce.org/uspstf/draft-recommendation/breast-cancer-screening-adults. opens in new tab).

2. Gøtzsche PC, Jørgensen KJ. Screening for breast cancer with mammography. Cochrane Database Syst Rev 2013;2013(6):CD001877-CD001877.

3. Kramer BS, Elmore JG. Projecting the benefits and harms of mammography using statistical models: proof or proofiness? J Natl Cancer Inst 2015;107(7):djv145-djv145.

4. Schwartz LM, Woloshin S, Fowler FJ Jr, Welch HG. Enthusiasm for cancer screening in the United States. JAMA 2004;291:71-78.

5. Hayse B, Hooley RJ, Killelea BK, Horowitz NR, Chagpar AB, Lannin DR. Breast cancer biology varies by method of detection and may contribute to overdiagnosis. Surgery 2016;160:454-462.

Articles et vidéos connexes

Point de vue de K.J.Jorgensen

Point de vue de S.Woloshin

Point de vue de Russell P. Harris, MD, MPH
du Centre Cecil G. Sheps pour la recherche sur les services de santé, Université de Caroline du Nord, Chapel Hill, Caroline du Nord (R.P.H.). https://doi.org/10.7326/M23-2908
Publication du 6 février 2024

L'auteur explique l'évolution des recommandations émises au fil des années par l'USPSTF, et revient sur la confusion que ces nouvelles directives engendrent :

La nouvelle proposition de recommandation de la U.S. Preventive Services Task Force sur le dépistage du cancer du sein chez les femmes dans la quarantaine : Le message doit-il changer ?

En mai 2023, l'U.S. Preventive Services Task Force (USPSTF) a publié un nouveau projet de recommandation pour le dépistage du cancer du sein, recommandant le dépistage par mammographie pour les femmes âgées de 40 à 74 ans (recommandation B) (voir ci-dessous les grades des recommandations, NDLR).
Il s'agit de la dernière d'une série de recommandations de l'USPSTF sur ce sujet, qui remonte à 1989. Bien que la recommandation concernant le dépistage des femmes âgées de 50 à 74 ans soit restée relativement constante au cours de ces années, la recommandation concernant les femmes âgées de 40 à 49 ans a été source de confusion pour de nombreuses personnes. Cette dernière recommandation peut contribuer à cette confusion. Comme j'ai participé à la fois à l'examen des données probantes (pendant 20 ans) et aux travaux de l'USPSTF (pendant 5 ans), je me propose de replacer la nouvelle recommandation dans son contexte en passant brièvement en revue l'évolution des données probantes et des recommandations.

A = forte recommandation, bénéfice substantiel ; B = recommandation, bénéfice net modéré ; C = recommandation sélective à discuter entre professionnel et patiente, bénéfice net faible ; D = non recommandation, bénéfice incertain et risques prédominants ;

.....la première recommandation de l'USPSTF (1989) sur le dépistage du cancer du sein faisait état de 3 essais contrôlés randomisés (ECR) fournissant des preuves de l'efficacité du dépistage du cancer du sein chez les femmes dans la quarantaine, puis de 6 essais lors de la deuxième recommandation en 1996 ; tous incluaient presque exclusivement des femmes blanches et comportaient de 2 à 5 cycles de dépistage. Une méta-analyse de 1995, citée en référence par l'USPSTF, de ces essais cliniques randomisés et de 4 études cas-témoins basées sur la population a révélé une réduction statistiquement significative du risque de décès par cancer du sein grâce au dépistage par mammographie chez les femmes âgées de 50 à 74 ans (rapport de risque, 0,74 [IC à 95 %, 0,66 à 0,83]) avec un suivi de 7 à 9 ans, mais aucune réduction statistiquement significative chez les femmes âgées de 40 à 49 ans (rapport de risque, 0,93 [IC, 0,76 à 1,13]). Ainsi, en 1989 et 1996, l'USPSTF n'était pas certain de l'efficacité du dépistage chez les femmes de 40 ans et n'a pas formulé de recommandation pour ce groupe, tout en recommandant la mammographie pour les femmes âgées de 50 à 69 ans.

Avec un suivi plus long des 6 essais, une méta-analyse de l'USPSTF de 2002 a constaté une légère réduction de la mortalité par cancer du sein chez les femmes de 40 ans et une réduction plus importante chez les femmes plus âgées : 1 décès par cancer du sein évité sur 14 ans de suivi pour 1792 femmes dépistées dans la quarantaine, mais seulement 838 femmes dépistées entre 50 et 69 ans.

L'USPSTF a également constaté les inconvénients du dépistage. Environ 1 femme sur 4 âgée de 50 à 69 ans et jusqu'à 1 femme sur 2 dans la quarantaine auraient au moins un résultat de mammographie faussement positif sur 10 ans de dépistage. Certaines de ces femmes subiraient des biopsies inutiles et la plupart d'entre elles souffriraient d'une anxiété au moins temporaire. Le risque de surdiagnostic et de surtraitement des cas de cancer du sein qui n'ont pas évolué - plus probable lorsque le dépistage commence plus tôt - constitue un autre préjudice. Bien que l'ampleur exacte de ce risque soit incertaine, même les estimations les plus prudentes indiquent qu'environ deux fois plus de femmes seraient surdiagnostiquées que celles qui éviteraient un décès dû au cancer du sein. Ainsi, le bénéfice était plus élevé pour les femmes plus âgées, mais les inconvénients étaient plus importants pour les femmes plus jeunes. Pour de nombreuses personnes, le bénéfice chez les femmes âgées de 50 à 69 ans semblait plus important que les inconvénients, ce qui était plus discutable pour les femmes dans la quarantaine.

Estimant que le bénéfice net (bénéfices moins inconvénients) du dépistage par mammographie augmentait probablement de manière progressive avec l'âge plutôt que d'augmenter soudainement à l'âge de 50 ans, l'USPSTF de 2002 a émis une recommandation positive qualifiée (B) pour le dépistage des femmes âgées de 40 ans ou plus. Le groupe a nuancé sa recommandation en écrivant que "[l]'âge précis auquel les avantages du dépistage par mammographie justifient les inconvénients potentiels est un jugement subjectif qui doit tenir compte des préférences des patientes").

Dans sa mise à jour de 2009, l'USPSTF a examiné les six RCT précédents et un nouvel RCT. Une méta-analyse a révélé que l'ampleur des avantages et des inconvénients était similaire à celle constatée en 2002. L'USPSTF de 2009 a estimé que le message qu'elle avait tenté de faire passer en 2002 - à savoir que la décision de commencer le dépistage devait être individualisée plutôt qu'universelle - n'avait pas été entendu. Au contraire, de nombreuses organisations influentes faisaient passer le message selon lequel tout le monde devait commencer le dépistage à l'âge de 40 ans. Essayant à nouveau de faire passer le message qu'il souhaitait, l'USPSTF a décidé de donner aux femmes âgées de 40 à 49 ans une recommandation de dépistage de type C, indiquant la nécessité de discussions individuelles. Utilisant des termes presque identiques à ceux de 2002, le groupe a écrit que "la décision de commencer [...] la mammographie de dépistage avant l'âge de 50 ans doit être individuelle". N'ayant trouvé aucun nouvel essai contrôlé randomisé, l'USPSTF de 2016 a utilisé la même formulation pour formuler la même recommandation en faveur de décisions individualisées (recommandation C).

Le projet de revue systématique 2023 n'a pas trouvé de nouveaux RCTs pertinents pour la décision de commencer le dépistage, pourtant le projet de recommandation 2023 était que toutes les femmes âgées de 40 à 74 ans subissent un dépistage (recommandation B). Le raisonnement qui sous-tend cette recommandation émane d'un désir louable de réduire la disparité de la mortalité par cancer du sein, plus élevée chez les femmes noires que chez les femmes blanches ; il s'appuie fortement sur des modèles d'analyse de décision.

Les modèles, qui reposent sur plusieurs hypothèses discutables, ont révélé que le dépistage à partir de l'âge de 40 ans permettrait d'éviter davantage de décès chez les femmes noires que chez les femmes blanches (1,8 contre 1,3 pour 1 000 femmes dépistées, sur toute la durée de la vie). La question de savoir si l'efficacité de la mammographie diffère selon l'ethnie n'a toutefois jamais été testée dans le cadre d'un essai contrôlé randomisé. En outre, aucune explication n'a été donnée sur la manière dont un dépistage supplémentaire réduirait la disparité, car les taux de dépistage actuels sont plus élevés chez les femmes noires que chez les femmes blanches.
Le projet de recommandation ne dit rien sur l'individualisation de la décision de commencer le dépistage, comme l'avaient fait les recommandations de 2002, 2009 et 2016.

La confusion concernant les recommandations de l'USPSTF pour le dépistage des femmes dans la quarantaine sera peut-être réduite si l'on comprend la cohérence sous-jacente des recommandations de 2002 à 2016, et si l'on comprend la différence entre les preuves pour ces femmes et celles âgées de 50 à 69 ans.
Mais en ne reconnaissant pas la nécessité pour les femmes de prendre une décision personnelle, la nouvelle recommandation de 2023 risque d'aggraver la confusion.

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Thèse de psychopathologie-appel à témoignage

Je suis doctorante en psychopathologie au laboratoire CERPPS à l’Université Toulouse Jean Jaurès. Je réalise une étude sur les trajectoires des personnes ayant vécu un évènement traumatique (notamment cancer) et leurs proches, dont le protocole est validé par le Comité d’éthique de la recherche de Toulouse.
(Respect du le Règlement Général de Protection des Données)

Flyer PDF :

Description de l' étude avec le lien du questionnaire ci-dessous : 

🎓Dans le cadre de ma thèse en psychologie à l'Université Toulouse Jean Jaurès, je réalise une étude sur le vécu au cours du temps à la suite d’un évènement traumatique (attentat, catastrophe naturelle, accident de voiture, agression, décès soudain, cancer, AVC, etc.). Je recherche des participant(e)s ayant vécu ce type d’évènements, directement, en étant témoin, en apprenant que cela est arrivé à un proche ou dans le cadre de leur profession (militaire, etc.).
📝Vous pouvez répondre au questionnaire si vous avez minimum 18 ans et que vous n’avez pas de diagnostic de maladie neurodégénérative, retard mental ou trouble psychiatrique décompensé. Le questionnaire dure environ 25 minutes et les données sont rendues anonymes à partir d’un code participant. Pour y participer, cliquez sur le lien suivant : https://enquetes.univ-tlse2.fr/index.php/749687?lang=fr
🤝Votre participation permettra de mieux comprendre les différents vécus et processus associés suite à l’exposition à un évènement traumatique et ainsi mieux adapter les prises en charge. Merci d’avance pour votre participation qui sera précieuse pour la réalisation de cette recherche !

Merci pour votre retour.
Emma Gendre

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Culte du dépistage, une nouvelle religion

"La plupart des religions seraient heureuses de jouir de la foi que nous plaçons dans le dépistage du cancer."

David Ropeik dans "Psychology Today", texte publié le 30/08/2023,
traduction et restitution par Cancer Rose
"Can It Be True? Does Cancer Screening Provide No Net Benefit?
"

"Cela peut-il être vrai ? Le dépistage du cancer n'apporte-t-il aucun bénéfice net ?
Etude : Les bénéfices rallongeant la durée de vie ne sont pas supérieurs aux risques la raccourcissant."
Avis de l'auteur à propos d'une étude que nous avons relayée

David Ropeik : ancien professeur de l'université de Harvard, auteur, consultant et conférencier sur la perception des risques, la communication sur les risques et la gestion des risques.

Points clés

- Nous croyons profondément au dépistage du cancer, la seule chose que nous puissions faire pour lutter contre la maladie la plus redoutée.

- Les partisans du dépistage, comme les médecins, les hôpitaux et les entreprises technologiques, mettent en avant ses bénéfices, mais pas ses effets néfastes.

- Une nouvelle étude révèle qu'en termes d'années de vie nettes sauvées, le dépistage du cancer n'apporte aucun bénéfice.

"Ce n'est pas possible"

Cela semble presque impossible à croire, et même après avoir lu ce post, vous vous direz peut-être : "Ce n'est pas possible".
Pourtant, une importante étude publiée dans le JAMA Internal Medicine révèle que les formes les plus courantes de dépistage du cancer ne permettent pas de gagner des années de vie nettes pour l'ensemble de la population. Les mammographies, les tests PSA (dépistage du cancer de la prostate, NDLR), les coloscopies, les sigmoïdoscopies (qui n'examinent que la partie inférieure du tube colorectal) et les tests de recherche de sang occulte dans les selles (prélèvement à domicile que l'on envoie à un laboratoire) permettent de sauver quelques vies, selon l'étude.
Mais si l'on compare ces résultats à toutes les années de vie perdues en raison des effets secondaires néfastes du dépistage, auxquels la plupart des gens ne pensent jamais et que les partisans du dépistage ignorent presque tous, le résultat est sans appel.
En termes d'années de vie nettes sauvées pour l'ensemble de la population qui se soumet au dépistage, par rapport aux personnes qui ne se soumettent pas au dépistage, le dépistage du cancer ne présente aucun bénéfice.

Pas de bénéfice net ! Vous direz peut-être : "Mais mon médecin me dit que je devrais faire un dépistage. Tous les experts disent qu'il faut faire un dépistage. Ils affirment qu'il est préférable de détecter le cancer à un stade précoce, lorsqu'il est plus facile à traiter. Je connais tant de personnes qui ont fait un dépistage et qui ont découvert un cancer curable à un stade précoce. Le dépistage leur a sauvé la vie".

Les dégâts

En effet, j'ai des amis précieux pour qui c'est vrai.
Mais combien d'entre vous connaissent quelqu'un dont le cancer précoce a été détecté et traité, mais que le traitement a tué - une infection après une opération de la prostate ou une mastectomie, une crise cardiaque ou un accident vasculaire cérébral après une opération des poumons, ou une hémorragie qui n'a pas pu être arrêtée à la suite de l'ablation d'un polype au cours d'une coloscopie ? Cela arrive aussi, et bien que ces événements soient rares, il s'avère que les vies sauvées par le dépistage le sont aussi. La mammographie, par exemple, ne sauve que deux vies pour mille personnes dépistées, sur une période de dix ans. Les tests PSA pour le cancer de la prostate n'ont pas permis de sauver des vies par rapport à l'absence de dépistage.
Donc, si l'on fait le total, comme l'a fait cette étude, et que l'on compare les années de vie sauvées parce que le dépistage a permis de détecter un cancer qui a été guéri, aux années de vie perdues en raison de toutes les autres causes de décès dont souffrent les patients dépistés, on obtient un résultat nul.

Et puis il y a les dizaines de milliers de personnes qui ne meurent pas mais qui souffrent des graves effets secondaires des traitements pour des cancers surdiagnostiqués que des technologies de dépistage plus performantes peuvent désormais détecter, de minuscules formations qui répondent à la définition cellulaire du cancer mais qui ne causeront jamais de dommages à la personne : cancer du sein in situ de bas grade, cancer de la prostate à croissance lente, et minuscules microtumeurs de la thyroïde et du poumon.
Cette étude n'a pas même comptabilisé ces préjudices.

Croyances populaires

Tout cela va profondément à l'encontre des croyances populaires. La plupart des religions seraient heureuses de jouir de la foi que nous plaçons dans le dépistage du cancer. Après tout, c'est la seule chose que nous pensons pouvoir faire pour avoir au moins un certain contrôle sur la maladie que nous craignons plus que toute autre.
Une étude a montré que les gens souhaitent un dépistage du cancer même lorsqu'ils savent qu'il ne les aidera pas et qu'il pourrait même leur nuire.
Les participants ont été informés d'un test de dépistage du cancer (mammographie pour les femmes, test PSA (antigène prostatique spécifique) pour les hommes) et ont été avertis que "des années de recherche ont incontestablement montré que le test ne prolonge pas la vie ou ne réduit pas le risque de décès" et que le test pourrait "conduire à des traitements inutiles" ; 51 % d'entre eux ont tout de même voulu ce dépistage.

Il y a deux aspects du problème.
Premièrement, nous craignons tellement le cancer, plus que toute autre maladie, même les maladies cardiaques, qui tuent 10 % d'Américains en plus chaque année.
Deuxièmement, les partisans du dépistage, y compris les médecins, les hôpitaux et les entreprises technologiques qui tirent profit du dépistage et des soins onéreux qu'il entraîne, font appel à notre peur mais ne nous donnent qu'une partie de l'histoire du dépistage : la partie rose, "le dépistage sauve des vies".
Notre croyance aveugle dans les bénéfices du dépistage du cancer, due à l'ignorance de ses inconvénients potentiels, est dépassée. Ces croyances obsolètes nous causent de réels préjudices, parfois mortels. Des études comme celle-ci s'inscrivent dans le cadre d'un effort croissant pour réduire ce coût.

Au nom de la santé publique

Au nom de la santé publique, il faut aller beaucoup plus loin. Les militants de la lutte contre le cancer, aussi honorables soient-ils, doivent être plus honnêtes et plus ouverts sur les coûts et les bénéfices du dépistage. Peu d'entre eux le font actuellement.
Aussi difficile que cela puisse être, l'énorme industrie des soins de santé qui profite non seulement du dépistage du cancer, mais aussi des soins onéreux qu'il entraîne, doit faire de même. Dans le cas contraire, ils causent un réel préjudice.

Et nos médecins doivent être plus francs avec nous. Ils doivent nous donner non seulement ce que nous voulons - le dépistage - mais aussi toutes les informations dont nous avons besoin pour choisir en toute connaissance de cause de procéder ou non à un dépistage. C'est précisément ce que demandent les auteurs de cette étude : "...les organisations, les institutions et les décideurs politiques qui promeuvent les tests de dépistage du cancer pour leur capacité de sauver des vies peuvent trouver d'autres moyens d'encourager le dépistage. Il serait peut-être judicieux (...) d'informer objectivement les personnes intéressées sur les bénéfices absolus, les préjudices et le fardeau des tests de dépistage qu'elles envisagent d'entreprendre".

Toute l’histoire du dépistage du cancer nous aidera tous à faire les choix les plus sains. Nous n’avons pas encore toute l’histoire.

David Ropeik

David Ropeik est ancien professeur de l'université de Harvard, auteur, consultant et conférencier sur la perception des risques, la communication sur les risques et la gestion des risques.
Il est l'auteur de How Risky Is It, Really ? Why Our Fears Don't Always Match the Facts et co-auteur de RISK, a Practical Guide for Deciding What's Really Safe and What's Really Dangerous in the World Around You, publié par Houghton Mifflin en 2002. Il est le créateur et le directeur du programme "Improving Media Coverage of Risk", un programme de formation destiné aux journalistes.
David Ropeik a été journaliste de télévision pour WCVB-TV à Boston de 1978 à 2000, où il s'est spécialisé dans les reportages sur l'environnement et les questions scientifiques. Il a remporté à deux reprises le prix DuPont-Columbia, souvent cité comme l'équivalent télévisuel du prix Pulitzer, ainsi que sept prix EMMY régionaux.
Il a été Knight Science Journalism Fellow au MIT de 1994 à 1995, et membre du conseil d'administration de la Society of Environmental Journalists de 1991 à 2000. Il a enseigné le journalisme à l'université de Boston, à l'université de Tufts et au MIT.

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Une formation en ligne interactive 2023-2025

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La formation est destinée aux médecins généralistes, sages-femmes, et infirmières mais aussi aux gynécologues, radiologues, médecins de santé publique et journalistes de santé, sans pré-requis particulier. Elle peut aussi concerner les assistantes médicales et les patient(e)s expert(e)s.

Nous vous la présentons dans le petit film ci-dessous.
Ensuite, sous la vidéo vous trouverez une présentation ainsi que les modalités d'inscription détaillées.

Présentation de la formation

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Inscription à la formation

a- Peuvent s'inscrire : les médecins généralistes, gynécologues, obstétriciens, radiologues, médecins de santé publique ; les sages-femmes ; les infirmier.e.s de santé publique et de pratique avancée. Les étudiants en 3e cycle de médecine (ou plus), en dernière année de sage-femme et en formation d'IPA peuvent aussi suivre la formation. Parmi les non professionnels de santé, peuvent s'inscrire les journalistes de santé.
b- Se rendre sur le site internet de l'ANDPC, cliquer sur "recherche action", puis cliquer sur « rechercher une action de DPC ». Sur l’écran suivant, dans le champ de recherche droit « Référence de la formation (11 chiffres) », indiquez 99DZ232500. Cliquez ensuite sur « voir les sessions » et choisissez les dates qui vous conviennent.Pour le moment, seules sont indiquées les sessions de 2023, mais Cancer rose s'est engagé à réaliser au moins une session par trimestre en 2024, afin que toutes les demandes soient satisfaites.
c- Pour demander son inscription directement, envoyer un mail à formation.depistage.cancerrose@gmail.com en indiquant son nom, son prénom, sa profession, son mail, et en précisant le mois au cours duquel vous souhaitez suivre la formation.

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Alors, le dépistage sauve-t-il des vies ?

par Cancer Rose, 2 septembre 2023

Testing Whether Cancer Screening Saves Lives-Implications for Randomized Clinical Trials of Multicancer Screening

L'auteur principal de cet article, G.Welsch*, pose la question de savoir si le dépistage du cancer permet de sauver des vies, question de plus en plus pertinente étant donné l'enthousiasme croissant pour les tests sanguins de détection multicancers (c'est-à-dire les biopsies liquides) parallèlement à la difficulté croissante pour la plupart des dépistages à démontrer leur bénéfice en population.
Le dépistage du cancer est souvent présenté comme un moyen de sauver des vies, écrit l'auteur. Pourtant, dans ce même numéro du JAMA Internal Medicine, une méta-analyse des tests de dépistage courants réalisée par Bretthauer et al douche cet enthousiasme en démontrant l'absence de gain de survie pour la plupart des dépistages pourtant très promus.
Allons-nous refaire les mêmes erreurs avec les biopsies liquides**, les promouvoir en raison d'attentes irréalistes d'être sauvés par les dépistages, sans estimation prudente des effets adverses que nous connaissons maintenant pour bon nombre de dépistages en vigueur (notamment surdiagnostic), et exposer les populations à des effets délétères avant même d'avoir réalisé une réelle et solide évaluation par des essais cliniques d'envergure ?
C'est la question et surtout l'avertissement que le chercheur exprime ici.

*Chercheur sur le cancer, Center for Surgery & Public Health, Department of Surgery, Brigham and Women’s Hospital, Boston, Massachusetts

** Biopsies liquides : La biopsie liquide permet de détecter les cellules tumorales circulantes détachées d'une tumeur primaire voire de métastases et véhiculées dans le système vasculaire, ainsi que l'ADN circulant de ces cellules circulantes tumorales. L'espoir étant de pouvoir déceler un cancer avant son expression.

Nous avions déjà traité le sujet des biopsies liquides, pour lesquelles l'enthousiasme initial est contrebalancé par une prise de conscience des risques et effets adverses auxquelles ces techniques sont susceptibles d'exposer le public, comme la surmédicalisation par détections inutiles, les auteurs s'accordant quasi unanimement pour que soient réalisés des essais cliniques de grande envergure.

Que signifie 'sauver des vies' et pourquoi le dépistage pourrait bien ne pas sauver des vies ?

A cette question Welsch explique :
"...pour la plupart des gens, sauver des vies implique de vivre plus vieux qu'ils ne le feraient autrement. Pour ce faire, il faut réduire le taux de mortalité toutes causes confondues."

Une notion à comprendre : la mortalité 'toutes causes'

Les études de dépistage du cancer de meilleure qualité, à savoir les essais cliniques randomisés, se concentrent sur une seule mesure : la mortalité spécifique au cancer.
La mortalité spécifique au cancer ne compte que les décès dus au cancer ciblé par le dépistage (par exemple, la mortalité par cancer de la prostate serait le principal résultat d’un essai clinique randomisé de dépistage du cancer de la prostate).
Mais réduire la mortalité par un cancer n'implique pas forcément la réduction de la mortalité globale.

Est-ce possible de réduire la mortalité spécifique à un cancer sans abaisser le taux de mortalité en général, autrement questionné, comment le dépistage pourrait ne pas sauver des vies, demande l'auteur ?
Deux réponses à cela :
Soit la réduction de mortalité par le cancer étudié est simplement trop faible pour impacter de façon mesurable la mortalité globale.
Soit d'autres causes de décès, concomitamment au dépistage, peuvent augmenter, par exemple les cas de décès par les traitements contre le cancer qui peuvent contrebalancer négativement un éventuel bénéfice.

"Un plus grand nombre de personnes sont exposées à des interventions diagnostiques (par exemple, biopsies du poumon, du foie et du pancréas) et un plus grand nombre à des interventions thérapeutiques (par exemple, chimiothérapie, radiothérapie et chirurgie).
Les décès associés au traitement du cancer ne sont pourtant pas attribués de manière fiable au cancer (ces décès ne sont pas reliés au cancer étudié et non intégrés lors du comptage des décès imputables au cancer, NDLR) : environ 40 % des décès survenant au cours du mois suivant une chirurgie du cancer sont attribués à une autre cause. Les décès associés aux interventions diagnostiques (comme les complications des coloscopies ou des biopsies, NDLR) sont encore plus susceptibles d'être attribués à des causes autres que le cancer (en particulier si aucun cancer n'est détecté)."
Alors que ces décès 'non cancéreux' sont néanmoins la conséquences d'actes liés à la recherche d'un cancer.
Pour ces raisons le paramètre "mortalité toutes causes confondues" est plus robuste car il intègre toutes ces causes.

Comment un dépistage peut-il augmenter ces cas de décès 'non-cancéreux' ?


Selon G.Welsch, il y a 2 explications biologiques possibles pour lesquelles le dépistage peut augmenter d’autres causes de décès.

Premièrement, le dépistage, par les fausses alertes et les surdétections inutiles qu'il engendre, peut déclencher une cascade d’interventions diagnostiques et thérapeutiques, qui présentent toutes un certain risque de décès, comme expliqué plus haut. Les décès associés au dépistage d'un cancer peuvent donc être la conséquence d'autres causes.
Par exemple, cite Welsch, deux essais cliniques randomisés de premier plan inclus dans la méta-analyse de Bretthauer et coll. ont révélé une mortalité toutes causes confondues équivalente dans les groupes de dépistage et de contrôle, malgré un dépistage concluant à des réductions significatives de la mortalité spécifique au cancer.

Figure 1 (cliquez sur l'image)

Comme on le voit sur ces graphiques, chacun de ces deux dépistages semble démontrer un gain en termes de mortalité par cancer, mais lorsque on examine la mortalité par toutes les causes qui entourent les procédures de dépistage de ces deux cancers ainsi que la mortalité par leurs traitements, en incluant la mortalité par le cancer lui-même, on s'aperçoit qu'il s'agit d'un 'jeu à somme nulle', comme le suggérait déjà une étude du professeur M.Baum publiée dans le BMJ en 2013.
Lire aussi : https://cancer-rose.fr/2019/08/08/synthese-detudes-un-exces-de-mortalite-imputable-aux-traitements-lemportant-sur-le-benefice-du-depistage/

La seconde explication donnée par l'auteur est l'hypothèse du soma vieillissant (soma = ensemble des cellules qui composent le corps) :
"La fragilité n'augmente pas seulement la susceptibilité aux expansions clonales de cellules précancéreuses, mais aussi à d'autres maladies (par exemple, les maladies cardiovasculaires, les infections) et aux blessures (par exemple, les chutes). En d'autres termes, les personnes présentant un risque élevé de décès par cancer présentent également un risque élevé de décès pour d'autres causes. Si l'on peut s'attendre à ce que le dépistage réduise le premier risque, il n'en va pas de même pour le second. Bien que ces deux explications biologiques potentielles soient conceptuellement distinctes, elles peuvent être liées dans la pratique : un décès par infarctus du myocarde après une anesthésie générale et une chirurgie du cancer pourrait refléter un décès lié au traitement et un vieillissement du soma."

Taille de l'échantillon nécessaire pour tester la mortalité toutes causes confondues

L'auteur explique : "Les résultats présentés dans la figure 1 ont une explication statistique potentielle : l'association entre le dépistage et la mortalité toutes causes confondues est tout simplement trop faible pour être détectée de manière fiable."

Le tableau 1 ci-dessous met en évidence comment des échantillons de très grande taille sont nécessaires simplement pour détecter des changements dans la mortalité, aussi bien spécifique au cancer que globale.

Tableau 1

La taille des échantillons nécessaires pour tester de manière fiable la mortalité toutes causes confondues dans un essai clinique randomisé est encore plus grande, parce que l'effet attendu du dépistage d'un seul cancer sur la mortalité toutes causes confondues est faible.
Déjà pour parvenir à dégager un bénéfice pour une femme lors du dépistage du cancer du sein par exemple, il faut étudier une grande cohorte de femmes sur un long laps de temps afin de trouver une vie sauvée (avec en parallèle malheureusement un bien plus grand nombres de femmes exposées aux risques d'irradiation, fausses alertes, surdiagnostics inutiles.)

Pourquoi des essais cliniques randomisés sont-ils obligatoires ?

Comme beaucoup d'autres chercheurs avant lui, G.Welsch estime qu'avant de nous emballer à nouveau dans des dépistages multiples de cancers avec des techniques aussi coûteuses que les biopsies liquides, il convient d'évaluer ce que l'on fait, et cela passe par des études solides.
L'auteur écrit :
"Qu'il s'agisse d'un résultat spécifique au cancer ou d'une mortalité toutes causes confondues, les essais cliniques randomisés sur le dépistage prennent du temps : en général, une décennie ou plus.
En conséquence les partisans du dépistage multicancer plaident en faveur d'une approbation accélérée sur la base de résultats intermédiaires, d'avantages modélisés et/ou de l'idée reçue selon laquelle la détection précoce du cancer est manifestement efficace."...
"Des résultats apparemment favorables, tels que l'augmentation de la proportion de patients dont le cancer a été détecté à un stade précoce (ce que l'on appelle un "changement de stade favorable"), peuvent simplement refléter la détection d'un plus grand nombre de patients atteints d'une maladie à un stade précoce, mais pas d'un moins grand nombre de patients présentant une maladie à un stade avancé. La statistique la plus trompeuse est de loin la survie à 5 ans.
La survie spécifique au stade (c'est-à-dire l'observation que la survie à 5 ans est élevée chez les patients atteints d'un cancer à un stade précoce et faible chez ceux atteints d'un cancer à un stade avancé) est fréquemment utilisée comme preuve que le dépistage du cancer sauvera des vies."
.......

Une trompeuse survie

Être en vie 5 ans après le diagnostic ne veut pas dire être guéri.
La survie mesure la durée de vie du patient 'en connaissance de son cancer' par la détection au dépistage ; on anticipe la "date de naissance" du cancer qui se serait manifesté, sans dépistage, simplement plus tard. On allonge ainsi par effet d'optique la durée de vie du patient avec son cancer qui a été trouvé plus tôt, mais sans allongement réel de la longévité, sans réel gain d'années de vie, ce que démontre très bien la méta-analyse de Bretthauer et col sus-citée.
Une survie plus longue reflète essentiellement deux paramètres : l'efficacité des traitements et l'ampleur du surdiagnostic.
Plus on effectue des détections de cancers de bas stade et plus on a une impression d'efficacité des dépistages, alors qu'il s'agit simplement de personnes 'survivantes' d'un cancer qui de toute façon ne les aurait jamais tués.
Lire : https://cancer-rose.fr/2021/10/18/quest-ce-que-la-survie/

Il est vrai que les cancers trouvés à un stade plus bas et de petite taille garantissent à la personne une meilleure survie que des cancers de haut grade et agressifs, mais la question de base est : le dépistage est-il capable de détecter ces cancers agressifs suffisamment petits et suffisamment tôt, avant qu'ils aient déjà envahi l'organisme et métastasé ? Et c'est là où le bât blesse, ce que l'auteur explique en détail.

Des hypothèses fausses conduisant à un espoir déçu de l'efficacité des dépistages

"la survie observée à 5 ans est d'environ 90 % pour les cancers localisés, mais de seulement 20 % pour les cancers métastatiques. Bien que les données soient en grande partie exactes, la conclusion selon laquelle elles constituent une preuve que le dépistage sauve des vies est le produit de trois hypothèses erronées (tableau 2).

La première est l'hypothèse selon laquelle tous les cancers présentant actuellement des métastases pourraient être détectés à un stade précoce. Au contraire, certains de ces cancers peuvent ne pas être détectés à un stade localisé parce que leur biologie agressive signifie qu'ils sont déjà systémiques au moment où ils sont détectables."

Tableau 2 (cliquez sur l'image)

Deuxièmement, l'hypothèse selon laquelle la détection précoce des cancers destinés à présenter des métastases retardera nécessairement le moment du décès.
le traitement initié plus tôt peut ne conférer aucun avantage par rapport à un traitement initié plus tard."

Troisièmement, le surdiagnostic

"On suppose que le taux élevé de survie à 5 ans des patients atteints d'un cancer localisé reflète l'efficacité d'une intervention précoce.
Si le traitement peut être efficace pour certains, il peut aussi être inutile pour d'autres. Les patients ayant fait l'objet d'un surdiagnostic* ne sont pas destinés à mourir de leur maladie, ce qui gonfle le taux de survie à 5 ans. Le taux de survie de 90 % pour les cancers localisés aux États-Unis est fortement influencé par les cancers couramment surdiagnostiqués : le cancer du sein, le mélanome, le cancer de la prostate et le cancer de la thyroïde."
* Surdiagnostic : diagnostic d'un cancer de détection inutile, qui, s'il n'avait jamais été détecté, n'aurait jamais tué la personne.

Conclusions

L'article conclut ceci :

"Le dépistage a des effets négatifs sur beaucoup plus de personnes (plus de tests et de procédures, plus de fausses alertes et de surdiagnostics, et plus de chances de subir les effets toxiques financiers des paiements directs ou de l'augmentation des primes d'assurance maladie) qu'il ne pourrait en avoir de positifs.
La question cruciale est donc de savoir si les bénéfices pour quelques-uns sont suffisamment importants pour justifier les inconvénients qui en découlent pour le plus grand nombre. Il est tout à fait possible que les tests sanguins de détection multiple des cancers sauvent des vies et justifient les coûts et les inconvénients qui en découlent.
Mais nous ne le saurons jamais si nous ne posons pas la question."

Ne faisons donc pas les mêmes erreurs pour les biopsies liquides que pour bon nombre de dépistages pour lesquels les campagnes et les promotions ont démarré beaucoup trop vite, sans se donner le temps d'en évaluer les effets adverses, ou bien en dépit de la connaissance des effets adverses, comme ce fut le cas pour le cancer du sein ; des lanceurs d'alerte avaient déjà mis en garde sur les potentiels risques et n'ont pas été écoutés.
L'enthousiasme, l'idéologie de dépistages salvateurs, les attentes et les espoirs irréalistes, la foi en la détection précoce et l'appât du gain sont les pires avanies conduisant à la situation actuelle : l'ancrage dans nos pratiques de dépistages comportant de graves risques pour la population, plongeant des personnes dans des parcours de malades qu'elles n'auraient jamais connus sans dépistage, tellement promus par des thuriféraires du dépistage coupables de conflits d'intérêts, par des médias complices et par des décideurs politiques qu'on ne pourra jamais plus nous en défaire, alors que les preuves s'accumulent sur les risques encourus par le plus grand nombre, pour des bénéfices très maigres.

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