Culte du dépistage, une nouvelle religion

"La plupart des religions seraient heureuses de jouir de la foi que nous plaçons dans le dépistage du cancer."

David Ropeik dans "Psychology Today", texte publié le 30/08/2023,
traduction et restitution par Cancer Rose
"Can It Be True? Does Cancer Screening Provide No Net Benefit?
"

"Cela peut-il être vrai ? Le dépistage du cancer n'apporte-t-il aucun bénéfice net ?
Etude : Les bénéfices rallongeant la durée de vie ne sont pas supérieurs aux risques la raccourcissant."
Avis de l'auteur à propos d'une étude que nous avons relayée

David Ropeik : ancien professeur de l'université de Harvard, auteur, consultant et conférencier sur la perception des risques, la communication sur les risques et la gestion des risques.

Points clés

- Nous croyons profondément au dépistage du cancer, la seule chose que nous puissions faire pour lutter contre la maladie la plus redoutée.

- Les partisans du dépistage, comme les médecins, les hôpitaux et les entreprises technologiques, mettent en avant ses bénéfices, mais pas ses effets néfastes.

- Une nouvelle étude révèle qu'en termes d'années de vie nettes sauvées, le dépistage du cancer n'apporte aucun bénéfice.

"Ce n'est pas possible"

Cela semble presque impossible à croire, et même après avoir lu ce post, vous vous direz peut-être : "Ce n'est pas possible".
Pourtant, une importante étude publiée dans le JAMA Internal Medicine révèle que les formes les plus courantes de dépistage du cancer ne permettent pas de gagner des années de vie nettes pour l'ensemble de la population. Les mammographies, les tests PSA (dépistage du cancer de la prostate, NDLR), les coloscopies, les sigmoïdoscopies (qui n'examinent que la partie inférieure du tube colorectal) et les tests de recherche de sang occulte dans les selles (prélèvement à domicile que l'on envoie à un laboratoire) permettent de sauver quelques vies, selon l'étude.
Mais si l'on compare ces résultats à toutes les années de vie perdues en raison des effets secondaires néfastes du dépistage, auxquels la plupart des gens ne pensent jamais et que les partisans du dépistage ignorent presque tous, le résultat est sans appel.
En termes d'années de vie nettes sauvées pour l'ensemble de la population qui se soumet au dépistage, par rapport aux personnes qui ne se soumettent pas au dépistage, le dépistage du cancer ne présente aucun bénéfice.

Pas de bénéfice net ! Vous direz peut-être : "Mais mon médecin me dit que je devrais faire un dépistage. Tous les experts disent qu'il faut faire un dépistage. Ils affirment qu'il est préférable de détecter le cancer à un stade précoce, lorsqu'il est plus facile à traiter. Je connais tant de personnes qui ont fait un dépistage et qui ont découvert un cancer curable à un stade précoce. Le dépistage leur a sauvé la vie".

Les dégâts

En effet, j'ai des amis précieux pour qui c'est vrai.
Mais combien d'entre vous connaissent quelqu'un dont le cancer précoce a été détecté et traité, mais que le traitement a tué - une infection après une opération de la prostate ou une mastectomie, une crise cardiaque ou un accident vasculaire cérébral après une opération des poumons, ou une hémorragie qui n'a pas pu être arrêtée à la suite de l'ablation d'un polype au cours d'une coloscopie ? Cela arrive aussi, et bien que ces événements soient rares, il s'avère que les vies sauvées par le dépistage le sont aussi. La mammographie, par exemple, ne sauve que deux vies pour mille personnes dépistées, sur une période de dix ans. Les tests PSA pour le cancer de la prostate n'ont pas permis de sauver des vies par rapport à l'absence de dépistage.
Donc, si l'on fait le total, comme l'a fait cette étude, et que l'on compare les années de vie sauvées parce que le dépistage a permis de détecter un cancer qui a été guéri, aux années de vie perdues en raison de toutes les autres causes de décès dont souffrent les patients dépistés, on obtient un résultat nul.

Et puis il y a les dizaines de milliers de personnes qui ne meurent pas mais qui souffrent des graves effets secondaires des traitements pour des cancers surdiagnostiqués que des technologies de dépistage plus performantes peuvent désormais détecter, de minuscules formations qui répondent à la définition cellulaire du cancer mais qui ne causeront jamais de dommages à la personne : cancer du sein in situ de bas grade, cancer de la prostate à croissance lente, et minuscules microtumeurs de la thyroïde et du poumon.
Cette étude n'a pas même comptabilisé ces préjudices.

Croyances populaires

Tout cela va profondément à l'encontre des croyances populaires. La plupart des religions seraient heureuses de jouir de la foi que nous plaçons dans le dépistage du cancer. Après tout, c'est la seule chose que nous pensons pouvoir faire pour avoir au moins un certain contrôle sur la maladie que nous craignons plus que toute autre.
Une étude a montré que les gens souhaitent un dépistage du cancer même lorsqu'ils savent qu'il ne les aidera pas et qu'il pourrait même leur nuire.
Les participants ont été informés d'un test de dépistage du cancer (mammographie pour les femmes, test PSA (antigène prostatique spécifique) pour les hommes) et ont été avertis que "des années de recherche ont incontestablement montré que le test ne prolonge pas la vie ou ne réduit pas le risque de décès" et que le test pourrait "conduire à des traitements inutiles" ; 51 % d'entre eux ont tout de même voulu ce dépistage.

Il y a deux aspects du problème.
Premièrement, nous craignons tellement le cancer, plus que toute autre maladie, même les maladies cardiaques, qui tuent 10 % d'Américains en plus chaque année.
Deuxièmement, les partisans du dépistage, y compris les médecins, les hôpitaux et les entreprises technologiques qui tirent profit du dépistage et des soins onéreux qu'il entraîne, font appel à notre peur mais ne nous donnent qu'une partie de l'histoire du dépistage : la partie rose, "le dépistage sauve des vies".
Notre croyance aveugle dans les bénéfices du dépistage du cancer, due à l'ignorance de ses inconvénients potentiels, est dépassée. Ces croyances obsolètes nous causent de réels préjudices, parfois mortels. Des études comme celle-ci s'inscrivent dans le cadre d'un effort croissant pour réduire ce coût.

Au nom de la santé publique

Au nom de la santé publique, il faut aller beaucoup plus loin. Les militants de la lutte contre le cancer, aussi honorables soient-ils, doivent être plus honnêtes et plus ouverts sur les coûts et les bénéfices du dépistage. Peu d'entre eux le font actuellement.
Aussi difficile que cela puisse être, l'énorme industrie des soins de santé qui profite non seulement du dépistage du cancer, mais aussi des soins onéreux qu'il entraîne, doit faire de même. Dans le cas contraire, ils causent un réel préjudice.

Et nos médecins doivent être plus francs avec nous. Ils doivent nous donner non seulement ce que nous voulons - le dépistage - mais aussi toutes les informations dont nous avons besoin pour choisir en toute connaissance de cause de procéder ou non à un dépistage. C'est précisément ce que demandent les auteurs de cette étude : "...les organisations, les institutions et les décideurs politiques qui promeuvent les tests de dépistage du cancer pour leur capacité de sauver des vies peuvent trouver d'autres moyens d'encourager le dépistage. Il serait peut-être judicieux (...) d'informer objectivement les personnes intéressées sur les bénéfices absolus, les préjudices et le fardeau des tests de dépistage qu'elles envisagent d'entreprendre".

Toute l’histoire du dépistage du cancer nous aidera tous à faire les choix les plus sains. Nous n’avons pas encore toute l’histoire.

David Ropeik

David Ropeik est ancien professeur de l'université de Harvard, auteur, consultant et conférencier sur la perception des risques, la communication sur les risques et la gestion des risques.
Il est l'auteur de How Risky Is It, Really ? Why Our Fears Don't Always Match the Facts et co-auteur de RISK, a Practical Guide for Deciding What's Really Safe and What's Really Dangerous in the World Around You, publié par Houghton Mifflin en 2002. Il est le créateur et le directeur du programme "Improving Media Coverage of Risk", un programme de formation destiné aux journalistes.
David Ropeik a été journaliste de télévision pour WCVB-TV à Boston de 1978 à 2000, où il s'est spécialisé dans les reportages sur l'environnement et les questions scientifiques. Il a remporté à deux reprises le prix DuPont-Columbia, souvent cité comme l'équivalent télévisuel du prix Pulitzer, ainsi que sept prix EMMY régionaux.
Il a été Knight Science Journalism Fellow au MIT de 1994 à 1995, et membre du conseil d'administration de la Society of Environmental Journalists de 1991 à 2000. Il a enseigné le journalisme à l'université de Boston, à l'université de Tufts et au MIT.

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Ensuite, sous la vidéo vous trouverez une présentation ainsi que les modalités d'inscription détaillées.

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Alors, le dépistage sauve-t-il des vies ?

par Cancer Rose, 2 septembre 2023

Testing Whether Cancer Screening Saves Lives-Implications for Randomized Clinical Trials of Multicancer Screening

L'auteur principal de cet article, G.Welsch*, pose la question de savoir si le dépistage du cancer permet de sauver des vies, question de plus en plus pertinente étant donné l'enthousiasme croissant pour les tests sanguins de détection multicancers (c'est-à-dire les biopsies liquides) parallèlement à la difficulté croissante pour la plupart des dépistages à démontrer leur bénéfice en population.
Le dépistage du cancer est souvent présenté comme un moyen de sauver des vies, écrit l'auteur. Pourtant, dans ce même numéro du JAMA Internal Medicine, une méta-analyse des tests de dépistage courants réalisée par Bretthauer et al douche cet enthousiasme en démontrant l'absence de gain de survie pour la plupart des dépistages pourtant très promus.
Allons-nous refaire les mêmes erreurs avec les biopsies liquides**, les promouvoir en raison d'attentes irréalistes d'être sauvés par les dépistages, sans estimation prudente des effets adverses que nous connaissons maintenant pour bon nombre de dépistages en vigueur (notamment surdiagnostic), et exposer les populations à des effets délétères avant même d'avoir réalisé une réelle et solide évaluation par des essais cliniques d'envergure ?
C'est la question et surtout l'avertissement que le chercheur exprime ici.

*Chercheur sur le cancer, Center for Surgery & Public Health, Department of Surgery, Brigham and Women’s Hospital, Boston, Massachusetts

** Biopsies liquides : La biopsie liquide permet de détecter les cellules tumorales circulantes détachées d'une tumeur primaire voire de métastases et véhiculées dans le système vasculaire, ainsi que l'ADN circulant de ces cellules circulantes tumorales. L'espoir étant de pouvoir déceler un cancer avant son expression.

Nous avions déjà traité le sujet des biopsies liquides, pour lesquelles l'enthousiasme initial est contrebalancé par une prise de conscience des risques et effets adverses auxquelles ces techniques sont susceptibles d'exposer le public, comme la surmédicalisation par détections inutiles, les auteurs s'accordant quasi unanimement pour que soient réalisés des essais cliniques de grande envergure.

Que signifie 'sauver des vies' et pourquoi le dépistage pourrait bien ne pas sauver des vies ?

A cette question Welsch explique :
"...pour la plupart des gens, sauver des vies implique de vivre plus vieux qu'ils ne le feraient autrement. Pour ce faire, il faut réduire le taux de mortalité toutes causes confondues."

Une notion à comprendre : la mortalité 'toutes causes'

Les études de dépistage du cancer de meilleure qualité, à savoir les essais cliniques randomisés, se concentrent sur une seule mesure : la mortalité spécifique au cancer.
La mortalité spécifique au cancer ne compte que les décès dus au cancer ciblé par le dépistage (par exemple, la mortalité par cancer de la prostate serait le principal résultat d’un essai clinique randomisé de dépistage du cancer de la prostate).
Mais réduire la mortalité par un cancer n'implique pas forcément la réduction de la mortalité globale.

Est-ce possible de réduire la mortalité spécifique à un cancer sans abaisser le taux de mortalité en général, autrement questionné, comment le dépistage pourrait ne pas sauver des vies, demande l'auteur ?
Deux réponses à cela :
Soit la réduction de mortalité par le cancer étudié est simplement trop faible pour impacter de façon mesurable la mortalité globale.
Soit d'autres causes de décès, concomitamment au dépistage, peuvent augmenter, par exemple les cas de décès par les traitements contre le cancer qui peuvent contrebalancer négativement un éventuel bénéfice.

"Un plus grand nombre de personnes sont exposées à des interventions diagnostiques (par exemple, biopsies du poumon, du foie et du pancréas) et un plus grand nombre à des interventions thérapeutiques (par exemple, chimiothérapie, radiothérapie et chirurgie).
Les décès associés au traitement du cancer ne sont pourtant pas attribués de manière fiable au cancer (ces décès ne sont pas reliés au cancer étudié et non intégrés lors du comptage des décès imputables au cancer, NDLR) : environ 40 % des décès survenant au cours du mois suivant une chirurgie du cancer sont attribués à une autre cause. Les décès associés aux interventions diagnostiques (comme les complications des coloscopies ou des biopsies, NDLR) sont encore plus susceptibles d'être attribués à des causes autres que le cancer (en particulier si aucun cancer n'est détecté)."
Alors que ces décès 'non cancéreux' sont néanmoins la conséquences d'actes liés à la recherche d'un cancer.
Pour ces raisons le paramètre "mortalité toutes causes confondues" est plus robuste car il intègre toutes ces causes.

Comment un dépistage peut-il augmenter ces cas de décès 'non-cancéreux' ?


Selon G.Welsch, il y a 2 explications biologiques possibles pour lesquelles le dépistage peut augmenter d’autres causes de décès.

Premièrement, le dépistage, par les fausses alertes et les surdétections inutiles qu'il engendre, peut déclencher une cascade d’interventions diagnostiques et thérapeutiques, qui présentent toutes un certain risque de décès, comme expliqué plus haut. Les décès associés au dépistage d'un cancer peuvent donc être la conséquence d'autres causes.
Par exemple, cite Welsch, deux essais cliniques randomisés de premier plan inclus dans la méta-analyse de Bretthauer et coll. ont révélé une mortalité toutes causes confondues équivalente dans les groupes de dépistage et de contrôle, malgré un dépistage concluant à des réductions significatives de la mortalité spécifique au cancer.

Figure 1 (cliquez sur l'image)

Comme on le voit sur ces graphiques, chacun de ces deux dépistages semble démontrer un gain en termes de mortalité par cancer, mais lorsque on examine la mortalité par toutes les causes qui entourent les procédures de dépistage de ces deux cancers ainsi que la mortalité par leurs traitements, en incluant la mortalité par le cancer lui-même, on s'aperçoit qu'il s'agit d'un 'jeu à somme nulle', comme le suggérait déjà une étude du professeur M.Baum publiée dans le BMJ en 2013.
Lire aussi : https://cancer-rose.fr/2019/08/08/synthese-detudes-un-exces-de-mortalite-imputable-aux-traitements-lemportant-sur-le-benefice-du-depistage/

La seconde explication donnée par l'auteur est l'hypothèse du soma vieillissant (soma = ensemble des cellules qui composent le corps) :
"La fragilité n'augmente pas seulement la susceptibilité aux expansions clonales de cellules précancéreuses, mais aussi à d'autres maladies (par exemple, les maladies cardiovasculaires, les infections) et aux blessures (par exemple, les chutes). En d'autres termes, les personnes présentant un risque élevé de décès par cancer présentent également un risque élevé de décès pour d'autres causes. Si l'on peut s'attendre à ce que le dépistage réduise le premier risque, il n'en va pas de même pour le second. Bien que ces deux explications biologiques potentielles soient conceptuellement distinctes, elles peuvent être liées dans la pratique : un décès par infarctus du myocarde après une anesthésie générale et une chirurgie du cancer pourrait refléter un décès lié au traitement et un vieillissement du soma."

Taille de l'échantillon nécessaire pour tester la mortalité toutes causes confondues

L'auteur explique : "Les résultats présentés dans la figure 1 ont une explication statistique potentielle : l'association entre le dépistage et la mortalité toutes causes confondues est tout simplement trop faible pour être détectée de manière fiable."

Le tableau 1 ci-dessous met en évidence comment des échantillons de très grande taille sont nécessaires simplement pour détecter des changements dans la mortalité, aussi bien spécifique au cancer que globale.

Tableau 1

La taille des échantillons nécessaires pour tester de manière fiable la mortalité toutes causes confondues dans un essai clinique randomisé est encore plus grande, parce que l'effet attendu du dépistage d'un seul cancer sur la mortalité toutes causes confondues est faible.
Déjà pour parvenir à dégager un bénéfice pour une femme lors du dépistage du cancer du sein par exemple, il faut étudier une grande cohorte de femmes sur un long laps de temps afin de trouver une vie sauvée (avec en parallèle malheureusement un bien plus grand nombres de femmes exposées aux risques d'irradiation, fausses alertes, surdiagnostics inutiles.)

Pourquoi des essais cliniques randomisés sont-ils obligatoires ?

Comme beaucoup d'autres chercheurs avant lui, G.Welsch estime qu'avant de nous emballer à nouveau dans des dépistages multiples de cancers avec des techniques aussi coûteuses que les biopsies liquides, il convient d'évaluer ce que l'on fait, et cela passe par des études solides.
L'auteur écrit :
"Qu'il s'agisse d'un résultat spécifique au cancer ou d'une mortalité toutes causes confondues, les essais cliniques randomisés sur le dépistage prennent du temps : en général, une décennie ou plus.
En conséquence les partisans du dépistage multicancer plaident en faveur d'une approbation accélérée sur la base de résultats intermédiaires, d'avantages modélisés et/ou de l'idée reçue selon laquelle la détection précoce du cancer est manifestement efficace."...
"Des résultats apparemment favorables, tels que l'augmentation de la proportion de patients dont le cancer a été détecté à un stade précoce (ce que l'on appelle un "changement de stade favorable"), peuvent simplement refléter la détection d'un plus grand nombre de patients atteints d'une maladie à un stade précoce, mais pas d'un moins grand nombre de patients présentant une maladie à un stade avancé. La statistique la plus trompeuse est de loin la survie à 5 ans.
La survie spécifique au stade (c'est-à-dire l'observation que la survie à 5 ans est élevée chez les patients atteints d'un cancer à un stade précoce et faible chez ceux atteints d'un cancer à un stade avancé) est fréquemment utilisée comme preuve que le dépistage du cancer sauvera des vies."
.......

Une trompeuse survie

Être en vie 5 ans après le diagnostic ne veut pas dire être guéri.
La survie mesure la durée de vie du patient 'en connaissance de son cancer' par la détection au dépistage ; on anticipe la "date de naissance" du cancer qui se serait manifesté, sans dépistage, simplement plus tard. On allonge ainsi par effet d'optique la durée de vie du patient avec son cancer qui a été trouvé plus tôt, mais sans allongement réel de la longévité, sans réel gain d'années de vie, ce que démontre très bien la méta-analyse de Bretthauer et col sus-citée.
Une survie plus longue reflète essentiellement deux paramètres : l'efficacité des traitements et l'ampleur du surdiagnostic.
Plus on effectue des détections de cancers de bas stade et plus on a une impression d'efficacité des dépistages, alors qu'il s'agit simplement de personnes 'survivantes' d'un cancer qui de toute façon ne les aurait jamais tués.
Lire : https://cancer-rose.fr/2021/10/18/quest-ce-que-la-survie/

Il est vrai que les cancers trouvés à un stade plus bas et de petite taille garantissent à la personne une meilleure survie que des cancers de haut grade et agressifs, mais la question de base est : le dépistage est-il capable de détecter ces cancers agressifs suffisamment petits et suffisamment tôt, avant qu'ils aient déjà envahi l'organisme et métastasé ? Et c'est là où le bât blesse, ce que l'auteur explique en détail.

Des hypothèses fausses conduisant à un espoir déçu de l'efficacité des dépistages

"la survie observée à 5 ans est d'environ 90 % pour les cancers localisés, mais de seulement 20 % pour les cancers métastatiques. Bien que les données soient en grande partie exactes, la conclusion selon laquelle elles constituent une preuve que le dépistage sauve des vies est le produit de trois hypothèses erronées (tableau 2).

La première est l'hypothèse selon laquelle tous les cancers présentant actuellement des métastases pourraient être détectés à un stade précoce. Au contraire, certains de ces cancers peuvent ne pas être détectés à un stade localisé parce que leur biologie agressive signifie qu'ils sont déjà systémiques au moment où ils sont détectables."

Tableau 2 (cliquez sur l'image)

Deuxièmement, l'hypothèse selon laquelle la détection précoce des cancers destinés à présenter des métastases retardera nécessairement le moment du décès.
le traitement initié plus tôt peut ne conférer aucun avantage par rapport à un traitement initié plus tard."

Troisièmement, le surdiagnostic

"On suppose que le taux élevé de survie à 5 ans des patients atteints d'un cancer localisé reflète l'efficacité d'une intervention précoce.
Si le traitement peut être efficace pour certains, il peut aussi être inutile pour d'autres. Les patients ayant fait l'objet d'un surdiagnostic* ne sont pas destinés à mourir de leur maladie, ce qui gonfle le taux de survie à 5 ans. Le taux de survie de 90 % pour les cancers localisés aux États-Unis est fortement influencé par les cancers couramment surdiagnostiqués : le cancer du sein, le mélanome, le cancer de la prostate et le cancer de la thyroïde."
* Surdiagnostic : diagnostic d'un cancer de détection inutile, qui, s'il n'avait jamais été détecté, n'aurait jamais tué la personne.

Conclusions

L'article conclut ceci :

"Le dépistage a des effets négatifs sur beaucoup plus de personnes (plus de tests et de procédures, plus de fausses alertes et de surdiagnostics, et plus de chances de subir les effets toxiques financiers des paiements directs ou de l'augmentation des primes d'assurance maladie) qu'il ne pourrait en avoir de positifs.
La question cruciale est donc de savoir si les bénéfices pour quelques-uns sont suffisamment importants pour justifier les inconvénients qui en découlent pour le plus grand nombre. Il est tout à fait possible que les tests sanguins de détection multiple des cancers sauvent des vies et justifient les coûts et les inconvénients qui en découlent.
Mais nous ne le saurons jamais si nous ne posons pas la question."

Ne faisons donc pas les mêmes erreurs pour les biopsies liquides que pour bon nombre de dépistages pour lesquels les campagnes et les promotions ont démarré beaucoup trop vite, sans se donner le temps d'en évaluer les effets adverses, ou bien en dépit de la connaissance des effets adverses, comme ce fut le cas pour le cancer du sein ; des lanceurs d'alerte avaient déjà mis en garde sur les potentiels risques et n'ont pas été écoutés.
L'enthousiasme, l'idéologie de dépistages salvateurs, les attentes et les espoirs irréalistes, la foi en la détection précoce et l'appât du gain sont les pires avanies conduisant à la situation actuelle : l'ancrage dans nos pratiques de dépistages comportant de graves risques pour la population, plongeant des personnes dans des parcours de malades qu'elles n'auraient jamais connus sans dépistage, tellement promus par des thuriféraires du dépistage coupables de conflits d'intérêts, par des médias complices et par des décideurs politiques qu'on ne pourra jamais plus nous en défaire, alors que les preuves s'accumulent sur les risques encourus par le plus grand nombre, pour des bénéfices très maigres.

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Témoignage d’une dame anglaise

Nous avons reçu ce témoignage de Pauline A.

"Hello
Last March 2022 at 53 I was diagnosed with high grade DCIS and offered mastectomy with sentinel node biopsy . After realising the controversy around breast screening and DCIS after diagnosis and having a particularly bad time with health professionals I declined. This has been a particularly hard time and I cannot know for certain if it is the right decision. There was an easily missable link to information about the benefits and risks of screening on the letter of invitation that I did not notice and was never alerted to and as such I feel I did not give ‘informed consent, This completely avoidable event has been devastating and at times the pain is almost insurmountable . I do not know anyone who is living with the uncertainty of this, and would appreciate words of comfort or at least an appreciation of the dilemma I am faced with . How can it be ethical to diagnose someone with a disease where the natural history is unknown and pressure ( bully) them into treatment that they do not want . This needs to stop . If my experience can be helpful in that aim please let me know . . This process has left me feeling assaulted by the NHS .
Kind Regards
Pauline A."

"En mars 2022, à 53 ans, j’ai reçu un diagnostic de CIS (carcinome in situ) de haut grade et on m’a proposé une mastectomie avec biopsie du ganglion sentinelle. Après avoir pris conscience de la controverse entourant le dépistage du cancer du sein et le CIS, après le diagnostic et après avoir passé un moment particulièrement difficile avec les professionnels de la santé, j’ai refusé. Cela a été une période particulièrement difficile et je ne peux pas savoir avec certitude si c’est la bonne décision.
Dans la lettre d’invitation il y avait un lien qu'on pouvait facilement rater, vers des renseignements sur les bénéfices et les risques du dépistage, que je n’ai pas remarqué et dont je n’ai jamais été alertée.
J’ai donc l’impression de ne pas avoir donné un « consentement éclairé ». Cet événement tout à fait évitable a été dévastateur et, parfois, la douleur est presque insurmontable.
Je ne connais personne qui vive dans l’incertitude de cette situation et j'apprécierais des paroles de réconfort ou du moins une appréciation du dilemme auquel je suis confronté. Comment cela peut-il être éthique de diagnostiquer quelqu’un avec une maladie où l’histoire naturelle est inconnue et le forcer à subir un traitement dont il ne veut pas.
Si mon expérience peut être utile dans ce but, veuillez me le faire savoir [...]
Ce processus m’a laissée dans un sentiment d'être agressée par le NHS*."
*NHS : système de la santé publique du Royaume-Uni

La patiente britannique nous a fourni la lettre d'invitation envoyée aux patientes éligibles au dépistage du cancer du sein.

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Cette lettre d'invitation a une particularité que les documents de convocation français n'ont pas, à savoir elle utilise une méthode d'influence appelée 'opt-out', qui consiste à attribuer aux citoyens un rendez-vous fixé à l'avance au moment de l'invitation. Si la personne ne souhaite pas participer elle doit se désengager activement. On considère de facto le non-refus du patient comme acceptation de participer. En France nous ne connaissons pas ce système de prise de rendez-vous imposé, en revanche le système de relance est largement utilisé si une patiente ne se présente pas au rendez-vous de mammographie de dépistage (relances par courriers et parfois sms).

Une étude universitaire a été consacrée aux méthodes d'influence utilisées sur les femmes et l'institut national du cancer français épinglé pour présentation trompeuse des statistiques et représentation déséquilibrée des dommages par rapport aux bénéfices.

Lire aussi : La manipulation des femmes est une thématique scientifique à part entière, ici : https://cancer-rose.fr/2020/09/02/manipulation-de-linformation-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein-comme-thematique-scientifique/

Concernant spécifiquement la thématique des carcinomes in situ, il y a un site dédié très instructif pour les femmes atteintes de CIS, tenu par Donna Pinto, accessible en français avec la traduction automatique.
https://dcis411.com/author/dp4peace/

 

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L’avenir des dépistages

Traduction et restitution par Cancer Rose, 31 août 2023

La distinction entre vraie prévention et détection précoce doit être faite pour que le public comprenne que la détection précoce ne diminue pas le risque de cancer mais au contraire l'augmente.
Les grands espoirs que le diagnostic précoce du cancer au moyen du dépistage prolonge l'espérance de vie sont de plus en plus controversés.
Les auteurs proposent que les conflits d'intérêts de toutes les parties prenantes soient divulgués de manière aussi rigoureuse au sein des groupes soutenant le dépistage du cancer que dans d'autres domaines de la recherche médicale et de la publication scientifique.

Des auteurs suédois et norvégiens publient un article concernant l'avenir du dépistage des cancers en recommandant que ce futur soit guidé par l'absence de conflits d'intérêts des parties prenantes.

The Future of Cancer Screening—Guided Without Conflicts of Interest

Hans-Olov Adami, MD, PhD1,2; Mette Kalager, MD, PhD1; Michael Bretthauer, MD, PhD1

  • 1Clinical Effectiveness Research Group, Institute of Health and Society, University of Oslo, Oslo, Norway
  • 2Department of Medical Epidemiology and Biostatistics, Karolinska Institutet, Stockholm, Sweden

"Les grands espoirs que le diagnostic précoce du cancer au moyen du dépistage prolonge l'espérance de vie sont de plus en plus controversés.1 Presque tous les essais n'incluent pas la mortalité toutes causes confondues comme critère d'évaluation, et encore moins comme critère d'évaluation principal, ce qui empêche de tirer des conclusions sur l'allongement de l'espérance de vie.2,3 Après l'enthousiasme suscité par le dépistage du cancer entre les années 1970 et le début des années 2000, la prise de conscience de l'incertitude des bénéfices, l'inquiétude croissante concernant le surdiagnostic et la reconnaissance des préjudices causés par les tests de dépistage faussement positifs et le poids des procédures diagnostiques et thérapeutiques en aval ont fait du dépistage du cancer un domaine polarisé de la médecine contemporaine.4 Il est difficile, voire impossible, de supprimer progressivement les programmes de dépistage, même lorsque la recherche n'a pas permis de mettre en évidence des bénéfices significatifs. Nous pensons que les discussions transparentes et fondées sur des données probantes concernant les tests de dépistage du cancer, avec un équilibre délicat entre les avantages et les inconvénients, sont devenues une menace pour les parties prenantes les plus puissantes."

Dépistage du cancer : Concepts et effets

.....
"Le dépistage par détection précoce ne peut pas réduire le risque d'être atteint d'un cancer, ce qui est une idée fausse très répandue. Ces dernières années, nous avons appris que le dépistage précoce augmentait en fait le risque de cancer. C'est ce qu'on appelle le surdiagnostic. Les personnes surdiagnostiquées sont traitées sans bénéfice, mais sont affectées par tous les préjudices potentiels."

Prévention et détection précoce, pas la même chose

Il faut différencier deux concepts distincts : la détection précoce et la prévention du cancer. Les tests de détection précoce (comme la mammographie pour le cancer du sein ou le dosage de l'antigène prostatique spécifique [PSA] pour le cancer de la prostate) détectent le cancer à un stade précoce avec l'objectif de réduire le nombre de décès dus au cancer. Ils augmentent donc le nombre de nouveau cas de cancers (l'incidence), mais pas le risque d'être atteint d'un cancer, et notamment pas le risque d'un cancer grave.
Parmi ces nouveaux cas diagnostiqués grâce à une détection régulièrement renouvelée, on sur-détecte aussi des lésions inutiles à détecter, qui n'auraient jamais tué.
Dans l'augmentation des nouveaux cas détectés (dans les taux d'incidence donc) se cache une importante partie de cas de surdiagnostics. C'est pour cela qu'avec ces dépistage fonctionnant sur la détection précoce on assiste non pas à moins de cas mais au contraire à une inflation de lésions découvertes, dont une grande partie de lésions surdiagnostiquées, sans obtenir toutefois de drastique diminution de la mortalité qu'on espérait, en grande partie parce que les formes graves des cancers échappent au dépistage et ne sont pas trouvées suffisamment tôt du fait de leur vélocité et agressivité.

A l'inverse la prévention, c'est à dire le fait d'empêcher, en amont, la survenue de cancers, diminuera l'incidence ainsi que la mortalité. Par exemple ne pas fumer correspond à une véritable prévention du cancer du poumon, à un moindre risque de cancer broncho-pulmonaire, ce qui conduira à produire moins de cancers dans la population et à voir un taux de mortalité moindre.
Pour le dépistage du cancer du col de l'utérus, on est en face d'un vrai dépistage préventif qui réduit lui aussi à la fois l'incidence du cancer (les nouveaux cas) et la mortalité spécifique par cancer du col, en détectant et éliminant des lésions qui sont précurseurs de ce cancer.

Les auteurs écrivent :

"À l'instar de la prévention primaire par des changements de mode de vie, tels que l'arrêt du tabac et une alimentation saine, les tests de 'dépistage préventif' présentent un attrait évident par rapport aux tests de détection précoce ; la plupart des gens choisiraient probablement un test de dépistage qui prévient le cancer dès le départ plutôt qu'un test où ils auront quand même le cancer sans toutefois mourir de ce cancer.
De nombreuses parties prenantes font la promotion des deux concepts sans expliquer les différences et leurs implications. Cela a pu conduire à des malentendus et à des attentes irréalistes chez les patients et les décideurs."

Les parties prenantes

Le corps médical

"Les personnes qui sont invitées à participer à des programmes de dépistage ou qui en voient la publicité supposent probablement que ces programmes bénéficient du soutien de la profession médicale, sur la base d'une évaluation approfondie qui a démontré que les bénéfices l'emportent indubitablement sur les préjudices et les inconvénients, et qu'ils "sauvent des vies". Cependant, cette hypothèse est malheureusement erronée. Étonnamment, sur les deux principaux programmes de dépistage précoce disponibles, seule la mise en œuvre du dépistage par mammographie a été précédée d'essais randomisés de soutien portant sur la mortalité par cancer du sein.5 En revanche, à la fin des années 1980, les professionnels de la santé ont commencé à promouvoir le test du PSA, avant que les conditions préalables fondamentales à l'évaluation du dépistage du cancer (déjà établies en 19686) n'aient été remplies pour le dépistage du PSA ; la performance du test de dépistage, l'histoire naturelle des lésions détectées et les avantages d'un traitement radical étaient largement inconnus.

Quelques décennies plus tard, des essais randomisés ont montré que le test du PSA n'avait qu'un faible effet bénéfique sur la réduction du nombre de décès dus au cancer de la prostate et que le surdiagnostic et le surtraitement du cancer de la prostate étaient importants.7 Pourtant, dans de nombreux pays, les médecins continuent de prescrire le dépistage du PSA.

Nous avons récemment publié les résultats du premier essai clinique randomisé (à notre connaissance) sur le dépistage du cancer colorectal par coloscopie.8 L'essai a indiqué une réduction de l'incidence du cancer colorectal d'environ 20 %, mais le dépistage n'a pas réduit la mortalité par cancer colorectal dans les analyses en intention de traiter. Ces résultats ont été moins remarquables que ce qu'attendaient certains leaders d'opinion. Leurs commentaires étaient émotionnels, reflétant peut-être le fait que les gastro-entérologues font partie des spécialités médicales les mieux payées aux États-Unis, principalement en raison de la mise en œuvre du dépistage par coloscopie."

Représentants des patients

"Les représentants des patients sont des lobbyistes convaincants qui apportent leur contribution aux décideurs, aux organismes de réglementation, aux cliniciens, aux journalistes et aux chercheurs. Ils s'opposent avec passion à l'abandon du dépistage du cancer et promeuvent des plans visant à étendre le dépistage à des groupes d'âge plus jeunes ou plus âgés, ou à augmenter la fréquence des dépistages. Bien que ces activités partent d'une bonne intention, elles peuvent s'avérer malavisées. La théorie selon laquelle la détection précoce du cancer est bénéfique est compliquée et n'est pas facile à comprendre pour les profanes. Bien que tout le monde connaisse les avantages d'un diagnostic précoce du cancer, cette expérience ne nous apprend pas grand-chose sur les bénéfices - et encore moins sur les préjudices - des tests de dépistage, tels qu'ils sont décrits ci-dessus.

Les défenseurs des patients se composent généralement d'un groupe sélectionné de survivants du cancer relativement sains - avec probablement une surreprésentation de patients surdiagnostiqués avec une maladie non mortelle qui se considèrent comme sauvés alors qu'ils ont en fait été lésés par le dépistage, un concept appelé le paradoxe de la popularité."

NDLR : le paradoxe du dépistage issu du livre "mammo ou pas mammo?" aux ed.T.Souccar, page 78

"Aux États-Unis, des estimations récentes indiquent que 1,5 à 1,9 million d'hommes ont été surdiagnostiqués avec un cancer de la prostate précoce - des patients qui ne peuvent tirer aucun bénéfice du dépistage mais qui pensent avoir évité la mort à cause du cancer de la prostate."

Organisations de lutte contre le cancer

"Les organismes de lutte contre le cancer et les organisations caritatives dépendent des campagnes pour obtenir des dons. Pour réussir, elles doivent rester visibles et apparaître pertinentes, positives et engagées. Dans cette optique, les sociétés de lutte contre le cancer promeuvent souvent le dépistage du cancer. Les préjudices dus à la stigmatisation psychologique du diagnostic, au surdiagnostic ou aux effets indésirables du traitement sont moins susceptibles d'être évoqués. Nous n'avons pas connaissance d'initiatives de la part des organisations de lutte contre le cancer visant à promouvoir la réduction ou l'abandon des programmes de dépistage du cancer qui se sont avérés peu ou pas bénéfiques. Les organisations de lutte contre le cancer contribuent donc à la poursuite du dépistage du cancer."

Les hommes politiques

"Les hommes politiques, les décideurs et les experts qui les conseillent doivent agir au milieu d'une tempête de lobbyistes. Ils doivent établir des priorités entre les innombrables possibilités d'améliorer la santé publique et un système de soins de santé surchargé. Ils doivent comparer les bénéfices à court terme et à long terme : le dépistage du cancer sauverait-il plus de vies à court terme que, par exemple, l'application de mesures antitabac ou la promotion d'un mode de vie sain ? Il est difficile d'imaginer qu'un homme politique s'attirerait davantage de voix lors des prochaines élections en proposant d'abandonner les programmes de dépistage du cancer en cours, perçus comme des services bénéfiques pour leurs électeurs ; il est plus intéressant de proposer de nouveaux programmes de dépistage. C'est pourquoi nous n'avons jamais entendu parler d'une campagne politique contre un test de dépistage du cancer."

Le personnel

"Les programmes de dépistage en cours consomment d'énormes ressources, financières et humaines. Aux États-Unis, les dépenses liées au dépistage du cancer s'élèvent à 40 à 80 milliards de dollars par an, employant des dizaines de milliers de professionnels de la santé et d'associés. Nous supposons qu'ils ne choisiraient guère cet emploi sans être optimistes quant aux avantages qu'ils en tireront. La menace de les mettre au chômage en abandonnant le programme susciterait probablement des protestations, notamment de la part de ceux qui participent au diagnostic, au traitement, à la réadaptation et à la surveillance à long terme après le dépistage."

Les solutions

"Un paradoxe fondamental prévaut dans la médecine du 21e siècle. Les traitements pharmaceutiques, les vaccins ou les dispositifs médicaux invasifs doivent généralement faire l'objet d'une évaluation des bénéfices et des risques dans le cadre d'essais cliniques randomisés avant de faire l'objet de recommandations et d'une mise en œuvre systématique. Même des preuves provisoires de nocivité peuvent entraîner le retrait du marché.
En revanche, le dépistage du cancer - qui inclut désormais de nouveaux tests de détection précoce des cancers multiples - peut être mis en œuvre sous la forme d'expériences humaines à grande échelle avant que l'on dispose d'informations de base sur les performances des tests, leurs avantages, leurs inconvénients et leur rapport coût-efficacité.9 Tous les acteurs mentionnés ci-dessus ont des conflits d'intérêts financiers et autres qui plaident en faveur de la poursuite du dépistage du cancer, malgré le peu d'éléments permettant de déterminer si les bénéfices l'emportent sur les risques. Nous proposons que les conflits d'intérêts soient divulgués de manière aussi rigoureuse au sein des groupes soutenant le dépistage du cancer que dans d'autres domaines de la recherche médicale et de la publication scientifique.

Pour éviter les dommages et augmenter les bénéfices, nous pensons que les représentants des soins de santé et les experts doivent être honnêtes, transparents et impartiaux sur les bénéfices et les risques du dépistage, exprimés d'une manière qui permette une réelle prise de décision partagée. Pour les décideurs et les payeurs qui décident si un test de dépistage doit être remboursé ou si un programme de dépistage doit être mis en place, les coûts marginaux comparés aux bénéfices et aux risques marginaux, en chiffres absolus, sont une condition préalable à une prise de décision éclairée.

Les lignes directrices relatives au dépistage du cancer sont souvent élaborées par des professionnels du dépistage, des organisations de dépistage et des représentants des patients, qui ont des intérêts particuliers. Nous proposons que les lignes directrices en matière de dépistage n'autorisent pas les personnes ou les organisations ayant des intérêts cliniques, financiers ou intellectuels à jouer un rôle de premier plan dans l'élaboration des lignes directrices. Cela permettrait d'améliorer la qualité et la fiabilité des recommandations. Une récente ligne directrice sur le dépistage du cancer colorectal respectant ces normes a donné lieu à des recommandations moins enthousiastes en matière de dépistage, mais a été ignorée par de nombreux professionnels de la santé impliqués dans les programmes de dépistage et par les sociétés de dépistage.10

Les taux de participation au dépistage* ne doivent plus être utilisés comme un indicateur de qualité ou pour contrôler les performances des médecins ou des programmes. Les professionnels de la santé, les représentants des patients et les sociétés de lutte contre le cancer devraient suivre cette voie en plaidant pour une information transparente sur les bénéfices et les risques plutôt que pour une promotion non critique du dépistage. Les décisions de reconsidérer les programmes en cours ou d'en lancer de nouveaux doivent être prises sans l'influence de parties prenantes ayant des intérêts particuliers."

NDLR : en France les taux de participation sont un indicateur largement utilisé pour évaluer les programmes, et les incitations financières par l'intermédiaire de la ROSP sont toujours en vigueur.
Lire : https://cancer-rose.fr/2020/04/20/la-nouvelle-rosp-quel-changement-pour-le-medecin-concernant-le-depistage-du-cancer-du-sein/

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Références

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Lutter contre le surdiagnostic

Lutter contre le surdiagnostic créera des soins de santé plus durables pour les populations et la planète

Il nous faut prendre conscience que l'usage de tests de diagnostics et de dépistages excessifs conduit à la surmédicalisation et au surtraitement dans de nombreuses maladies, ce qui peut nuire aux patients, épuiser les ressources de soins de santé et nuire également à la planète.

Les auteurs* de ce billet publié dans le BMJ alertent pour une prise de conscience par le public et les législateurs pour la lutte contre le surdiagnostic.

De nombreux systèmes de soins de santé dans plusieurs pays font face à des crises de demandes abusives, à une augmentation constante des maladies chroniques, à des coûts croissants et sont confrontés à un déficit de main-d’œuvre médicale qui menacent leur fonctionnement.

Une partie de l’augmentation de la prévalence (c'est à dire une augmentation du nombre de nouveaux cas et de cas existants) de « maladie » est due au surdiagnostic.
Lire ici : https://cancer-rose.fr/2021/10/23/quest-ce-quun-surdiagnostic/
Et : https://cancer-rose.fr/2023/01/09/le-surdiagnostic-des-cancers-un-defi-a-lere-du-depistage/
On estime que 30 % des soins médicaux sont de faible valeur ou gaspillent des ressources de santé. On estime que le secteur de la santé est responsable de plus de 5 % des émissions de gaz à effet de serre dans les pays industrialisés, ce qui est une autre façon dont les soins de faible valeur menacent la santé.

La flambée des coûts des soins de santé et le fardeau des traitements déraisonnables pour les patients, liés à l ’épuisement professionnel du personnel de santé et les dommages pour la planète doivent nous conduire à plus de réflexion et de discussion sur les ressources financières, humaines, sociétales et planétaires limitées disponibles et sur une meilleure répartition des ressources existantes.

Les auteurs écrivent : "Les crises actuelles dans la prestation des soins de santé sont exacerbées par le vieillissement de la population et la multimorbidité associée. Les décideurs politiques, les politiciens et le public doivent comprendre comment même les efforts bien intentionnés pour fournir des soins de santé plus nombreux et de meilleure qualité amplifient et renforcent inévitablement ces crises par le surdiagnostic, la surmédicalisation et le surtraitement,"

L'enjeu d'une meilleure médecine se porte surtout sur la perinence des soins prodigués à la population.

Contrôle des soins de santé en excès

La réduction du surdiagnostic est une première étape essentielle pour contrôler l’excès de soins de santé.
Pour ce faire, disent les auteurs, la santé publique est la mieux placée pour revoir les programmes de dépistages dont plusieurs ne fonctionnent pas, ne sont plus recommandés ou deviennent obsolète de par le fait que les traitements contre la maladie sont plus efficaces que de dépister tout une population saine au risque de l'exposer à de la surmédicalisation.

De plus, ajoutent-ils, le concept de surdiagnostic devrait être enseigné dans le cadre de soins de santé fondés sur des données probantes dès les premiers stades de la formation médicale.
Des ressources éducatives sur le surdiagnostic, sur l'utilisation de données probantes et la pensée critique devraient également être offertes aux législateurs, aux décideurs politiques ainsi qu’aux patients et au public. Il faut communiquer plus largement sur l’ampleur du surdiagnostic, en illustrer le coût humain, par exemple, proposent les rédacteurs de cet article, en mettant des visages et des histoires individuels sur des concepts et des données abstraits.

Les programmes de dépistage établis devraient être réévalués à la suite du développement d'une prévention primaire efficace, et en raison, comme nous le disions plus haut, de la disponibilité de meilleurs traitements pour les maladies symptomatiques.

Par exemple, à mesure que la prévalence du tabagisme diminue, l’incidence du cancer du poumon diminue. Ceci a des répercussions sur la balance entre bénéfices et risques liés au programme de dépistage du cancer du poumon, dont la pertinence est à revoir, ou les populations ciblées.

En conclusion

"Notre culture médicale mondiale a conduit à des tests de diagnostic excessifs, à la surmédicalisation et au surtraitement dans de nombreuses maladies qui peuvent nuire aux patients, épuiser les ressources de soins de santé et nuire à la planète.
Nous en appelons aux autorités locales, aux décideurs nationaux et internationaux pour prendre conscience de ces problèmes et prendre des mesures urgentes pour les résoudre. Ce n’est qu’alors que nous pourrons espérer créer des soins de santé plus durables à l’avenir."

*Les auteurs

  1. Thomas Kühlein1,  
  2. Helen Macdonald2,  
  3. Barnett Kramer3,  
  4. Minna Johansson4,  
  5. Steven Woloshin45,  
  6. Kirsten McCaffery6,  
  7. John B. Brodersen7,  
  8. Tessa Copp8,  
  9. Karsten Juhl Jørgensen9,  
  10. Anne Møller10,  
  11. Martin Scherer11
  12. for the Scientific Committee of the Preventing Overdiagnosis Conference

  1.      1Institute of General Practice, Universitätsklinikum Erlangen, Germany
  2. 2The BMJ, London, United Kingdom
  3.     3The Lisa Schwartz Foundation for Truth in Medicine Norwich, VT/USA
  4.   4Global Center for Sustainable Healthcare, Gothenburg, Sweden
  5. .     5Dartmouth Institute for Health Policy and Clinical Practice, Lebanon, NH/USA
  6. .     6Sydney Health Literacy Lab, Wiser Healthcare, Faculty of Medicine and Health, School of Public Health, The University of Sydney, Sydney, NSW, Australia
  7.     7Centre of Research & Education in General Practice, Department of Public Health, Faculty of Health Sciences, University of Copenhagen; Primary Health Care Research Unit, Region Zealand and Research Unit for General Practice, Department of Community Medicine, Faculty of Health Sciences, UiT The Arctic University of Norway, Tromsø Odense University Hospital Odense, Denmark and Cochrane Collaboration, Oxford, United Kingdom
  8. .     8Wiser Healthcare, Faculty of Medicine and Health, School of Public Health, The University of Sydney, Sydney, NSW, Australia
  9.     9Herrestads Healthcare Centre, Närhälsan, Denmark; Global Center for Sustainable Healthcare, Gothenburg Denmark; University, FoUUI Fyrbodal, Cochrane Sweden
  10.    10Centre of Research & Education in General Practice, Department of Public Health, Faculty of Health Sciences, University of Copenhagen; Primary Health Care Research Unit, Region Zealand, Denmark
  11.   11Institut and Polyclinic of General Practice, Universitätsklinikum Hamburg Eppendorf, Hamburg, Germany
  12.    12Preventing Overdiagnosis Conference.

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Preventing Overdiagnosis Conference Copenhague 2023

Cancer Rose participe, grâce à l'intervention de Dr Jean Doubovetzky, au Congrès Preventing Overdiagnosis du 14 au 16 août 2023 qui a lieu à Copenhague.

Il présente notre MOOC, formation interactive en ligne ouverte aux professionnels(-les) de santé, infirmières et infirmiers, patient(e)s expert(e)s_

Présentation de Dr J.Doubovetzky du mardi 15 août

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Abstract dans le BMJ

Traduction de l'abstract BMJ

Doubovetzky J, Robert V, Bour C

12 Développement du MOOC " Dépistage du cancer du sein - informer les femmes " par l'association indépendante cancer rose pour la formation des professionnels de santé français.
BMJ Evidence-Based Medicine 2023;28:A5-A6.
https://ebm.bmj.com/content/28/Suppl_1/A5.2

Résumé

Les médecins, les sages-femmes, les infirmières et les spécialistes médicaux devraient fournir aux citoyens des informations complètes sur les préjudices possibles et les bénéfices du dépistage du cancer du sein. Les femmes doivent être correctement informées pour pouvoir décider de participer ou non au dépistage, en fonction de leurs préférences, de leurs valeurs et de leurs facteurs de risque, sans aucune coercition, persuasion ou incitation.

En 2016, à la demande de la Ministre de la Santé, un examen indépendant du programme de dépistage du cancer du sein en France a été réalisé, et le comité de pilotage a conclu que le programme devait être soit supprimé, soit réformé en profondeur. Ses principales recommandations sont les suivantes :
1) la mise à disposition d'une information neutre et complète pour les femmes, le public et les médecins ;
2) la reconnaissance de la controverse scientifique dans l'information destinée aux femmes et aux médecins ; et
3) la formation des médecins pour aider les femmes à prendre des décisions éclairées sur le dépistage du cancer du sein.

En réponse à ces recommandations, l'association indépendante Cancer Rose a conçu un cours en ligne ouvert à tous (MOOC) intitulé "Dépistage du cancer de Brest - Informer les femmes". Ce MOOC vise à fournir aux professionnels de la santé les outils et les techniques nécessaires pour communiquer des informations complexes de manière simple et efficace afin de mieux aider leurs patientes à prendre des décisions éclairées. Cette formation peut également aider les journalistes intéressés par la communication de données de santé publique à éviter les pièges des données incorrectes et des préjugés trompeurs.

La formation a été accréditée par le Conseil supérieur de la formation médicale (DPC) et est accessible aux professionnels de santé français via la plateforme d'e-learning 360Learning. Il est construit de manière ludique, avec des films, des quiz, des visuels didactiques " à points ", ainsi que des animations courtes et variées.

Ce cours en ligne de 3 heures, complet, varié et divertissant, aide les professionnels de la santé à comprendre et à expliquer ce que l'on sait et ce qui reste sans réponse concernant les bénéfices et les risques potentiels du dépistage du cancer du sein, ainsi qu'à maîtriser les techniques de communication pour aider les femmes à prendre une décision en connaissance de cause. Il se compose de quatre sections : une introduction, une analyse des avantages du dépistage, une section sur ses inconvénients et une dernière section sur la manière de communiquer.

Dans l'introduction, certains concepts fondamentaux, tels que la théorie du dépistage du cancer du sein et l'histoire naturelle de ce cancer, sont abordés. Un bref aperçu de l'histoire du dépistage mammographique est décrit. Ensuite, plusieurs concepts théoriques tirés de l'EBM (Evidence-Based Medicine) sont introduits, notamment la pertinence comparative des différents types d'essais cliniques, leurs biais potentiels et les critères de jugement. Le cours aborde les résultats des études contrôlées randomisées qui ont servi de base à l'évaluation du dépistage par mammographie. Enfin, le cours propose un outil d'aide à la décision basé sur des données probantes applicables en France en deux versions, adaptées à différents niveaux de lecture : une version complète et détaillée et une version courte et ludique avec des visuels de bande dessinée pour faciliter la compréhension et la mémorisation de l'information.

Nous proposons de rendre le MOOC accessible aux étudiants et aux professionnels de santé au niveau international, et nous appelons à la collaboration pour créer un cours multilingue en français, en anglais, en espagnol et en allemand. Nous invitons les médecins, les chercheurs et les universitaires intéressés et capables de soutenir cette initiative à se joindre à nous.

Quizz pour les participants

Un quizz amusant a été distribué aux participants : "le Roi Charles III est-il responsable de l'augmentation des cancers du sein?"

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Dépistage et femme âgée

8 août 2023, par Cancer Rose

Selon cette étude de cohorte réalisée sur 54 635 femmes âgées de 70 à 85 ans et plus, aucune réduction significative de mortalité par cancer du sein n'a pu être mise en évidence.
En revanche le pourcentage estimé de surdiagnostic variait entre 31% et 54%, avec une augmentation de cette proportion l'âge avançant.
D'autres études antérieures mettaient déjà fortement en doute l'intérêt du dépistage chez les femmes âgées, et l'effet délétère des traitements lourds sur ces organismes fragilisés et à prendre d'autant plus en compte.

https://www.acpjournals.org/doi/abs/10.7326/M23-0133?af=R&journalCode=aim

 Selon cette étude de cohorte réalisée sur 54 635 femmes de 70 ans à 74 ans, de 75 à 84 ans et de plus de 85 ans, aucune réduction significative de mortalité par cancer du sein n'a pu être mise en évidence.
En revanche le pourcentage estimé de surdiagnostic varierait entre 31% et 54%, avec une augmentation de cette proportion plus l'âge avance.

Ces résultats rejoignent ceux d'une étude antérieure, de 2014, d'universitaires de Leyden, Pays Bas.
Selon les auteurs, après 70 ans, le dépistage organisé du cancer du sein serait inutile. En effet, à cet âge, la pratique du dépistage n'améliore pas de façon significative la détection des cancers aux stades avancés mais fait en revanche bondir le nombre de surdiagnostics et donc de surtraitements.

Aux Pays-Bas, le dépistage du cancer du sein est proposé aux femmes jusqu'à 75 ans depuis la fin des années 1990. «Pourtant, rien ne prouve que le dépistage chez les femmes plus âgées est efficace », expliquent les auteurs de l'étude, mentionnant aussi le fait que peu d'essais aient été réalisés spécifiquement sur ces groupes d'âge.
Pour les chercheurs néerlandais, le dépistage systématique après 70 ans entraînerait surtout la détection et donc les traitements de lésions qui n'auraient pas évolué en maladie durant la vie des patientes.

Ces traitements inutiles entraînent un impact sur la santé trop important, et une co-morbidité trop lourde chez ces personnes âgées, qui supportent moins bien les effets secondaires des traitements, chirurgicaux, des radiothérapies et des chimiothérapies.

Les auteurs de l'étude américaine ici posent également la question de savoir si les bénéfices sont vraiment suffisamment importants, et qui ils concernent réellement pour contrebalancer les effets néfastes des surdiagnostics. Cette question reste en suspens.

Lien connexe : https://cancer-rose.fr/2019/04/07/la-campagne-pour-le-depistage-de-la-femme-agee-par-le-college-national-des-gynecologues-et-obstetriciens-de-france-cngof/

Faut-il freiner chez la femme âgée ?

C'est une question que pose le JAMA, en 2019, et dont nous parlions ici : https://cancer-rose.fr/2019/02/06/depistage-chez-la-femme-agee/

Les auteurs relatent les résultats d'une étude portant sur l'efficacité de techniques numériques assistées par ordinateur pour aider le radiologue à détecter des zones suspectes.
Cette vaste étude de 2013, donnait, chez les femmes âgées de 65 à 84 ans, des résultats mitigés : la technologie a détecté certains cancers au stade précoce mais n’a pas augmenté la détection en général et a conduit à davantage de faux-positifs. Il n'est pas certain que la santé des femmes âgées se soit améliorée grâce à cette technologie.
FentonJJ,XingG,ElmoreJG,etal.Short-term outcomes of screening mammography using computer-aided detection: a population-based study of Medicare enrollees. Ann Intern Med. 2013; 158(8):580-587. doi:10.7326/0003-4819-158-8- 201304160-00002

Des doutes d'efficacité existent aussi pour l'utilisation de la tomosynthèse chez les femmes âgées, et l'article suggère que bien que les nouvelles technologies de dépistage du cancer du sein aient largement supplanté la mammographie analogique sur film, il est difficile de savoir si ces avancées ont réellement amélioré la santé des femmes en particulier chez celles de 75 ans et plus.

En conclusion

Il est, une fois de plus, démontré que le dépistage du cancer du sein dans les tranches d'âge au-delà de 74 ans est associé à une plus grande incidence du cancer du sein, ce qui suggère un surdiagnostic augmentant en fréquence avec l'âge.
Les méfaits du surdiagnostic ne semblent pas équilibrés par des bénéfices en termes de diminution des formes avancées de cancer.

Il convient de ce fait de rester très prudent et le moins intrusif possible chez ces patientes dont le système immunitaire est affaibli.
Tous les organes s'épuisent et fonctionnent moins bien avec l'âge, les facultés de cicatrisation, de régénération tissulaire sont moindres, tout cela est en prendre en compte dans l'administration des traitements lourds, comportant eux-mêmes des risques et des complications, pouvant être fatals au grand âge..

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Cancer du sein, le risque du travail de nuit

7 août 2023

Lorsqu'on parle des facteurs de risque des cancers, pour certains, ces facteurs de risque sont facilement identifiables : l'amiante pour le mésothéliome (un cancer de la plèvre), le tabac pour le cancer broncho-pulmonaire.

Dans le cadre du cancer du sein les choses sont plus complexes. Il y a les facteurs de risque connus, et ceux dits 'probables'.

Les facteurs de risque reconnus comme tels :

✹  l’âge (cancer statistiquement plus fréquent au-delà de 50 ans) ;
✹  le sexe (cancer très nettement plus fréquent chez la femme) ;
✹  les personnes ayant une prédisposition génétique (altération du gène BRCA1 ou BRCA2, dont la fonction est de réparer des lésions de l’ADN que la cellule du sein a pu subir) ;
✹  des examens irradiants répétés de la zone thoracique (radios, scanners).

Les facteurs de risque possibles :

✹ l’obésité ;
✹ l’activité physique insu sante ;
✹ la prise de contraceptifs œstroprogestatifs (la pilule)
✹ un environnement industriel ou agricole nocif ;
✹ le travail en horaires décalés et le travail de nuit ;
✹ le tabagisme, actif ou passif
✹ la consommation d’alcool ;
✹ une puberté précoce ;
✹ une première grossesse tardive ;
✹ le choix de l’allaitement artificiel
✹ une ménopause tardive ;
✹ la prise d’un traitement hormonal de la ménopause

Extrait du livre "Mammo ou pas mammo?", Ed. T.Souccar, pages 20/21

En 2012, des chercheurs de l’Inserm (Unité Inserm 1018 « centre de recherche en épidémiologie et santé des populations ») publient dans l’International Journal of Cancer une étude montrant que le risque de cancer du sein est augmenté chez les femmes travaillant de nuit.
L’étude réalisée en France et baptisée CECILE a comparé le parcours professionnel de 1200 femmes ayant développé un cancer du sein entre 2005 et 2008 à celui de 1300 autres femmes.

Déjà en 2010, le Centre International de Recherche contre le Cancer (CIRC) avait classé le travail entraînant des perturbations du rythme circadien comme « probablement cancérigène ».
Stevens RG, Hansen J, Costa G et al. Considerations of circadian impact for defining ‘shift work’ in cancer studies: IARC Working Group Report. Occup Environ Med. 2010; 68: 154-162. Rapport du groupe de travail du CIRC pour proposition sur la façon d’évaluer le travail posté dans le cadre des futures études épidémiologiques.

Les chercheurs de l'INSERM mettent en évidence un risque de cancer du sein augmenté d’environ 30% chez les femmes ayant travaillé de nuit par rapport aux autres femmes.
Cette augmentation du risque, disent encore les scientifiques, était particulièrement marquée chez les femmes ayant travaillé de nuit pendant plus de 4 ans, ou chez celles dont le rythme de travail était de moins de 3 nuits par semaine, entraînant ainsi des décalages de phase plus fréquents entre le rythme de jour et le rythme de la nuit.

Une autre conclusion était que cette association entre travail de nuit et cancer du sein semblait plus marquée lorsqu'il s'agissait de travail de nuit effectué avant la première grossesse, probablement en raison d'une plus grande vulnérabilité des cellules mammaires chez la femme avant le premier accouchement.

Les mécanismes de cet impact du travail de nuit sur le sein seraient les suivants :

  • l’exposition à la lumière durant la nuit qui supprime le pic nocturne de mélatonine, hormone ayant une action anti-cancérigène ;
  • la perturbation du fonctionnement des gènes de l’horloge biologique qui contrôlent la prolifération cellulaire ;
  • les troubles du sommeil pouvant affaiblir le système immunitaire luttant contre les cellules cancéreuses que l'organisme peut produire.

Un cas faisant jurisprudence

Un article dans Libération au mois de mars dernier nous apprend le cas d'une ancienne infirmière de 62 ans, ayant travaillé au Centre hospitalier de Sarreguemines (Moselle) au service de radiologie puis de gynécologie entre 1981 et 2009. Pendant 28 ans, elle a ainsi cumulé 873 nuits de travail - soit environ une par semaine, et elle a contracté un cancer du sein.
La pathologie de cette femme vient de lui être reconnue comme maladie professionnelle.

Un médecin-expert dans le dossier relate : «On peut affirmer qu’il existe un lien direct et essentiel entre le cancer du sein dont elle est victime et le travail effectué auparavant» 

Ce cas pourrait faire jurisprudence et si le cancer du sein est inscrit dans le tableau de reconnaissance de maladies professionnelles, ceci amènerait à d'autres reconnaissances de maladies professionnelles chez les travailleurs de nuit.
Et c'est important car ainsi les victimes n’auraient plus besoin de prouver le lien entre leur maladie et leur travail.

Mauvaise documentation de l'impact du travail de nuit et mauvaise reconnaissance chez la femme.

En 2016 nous avions déjà publié un article sur le sujet.

En Europe et aux États-Unis, le travail de nuit a augmenté ces dernières décennies et concerne 19 à 25 % de l’ensemble des travailleurs.
Pourtant les études sur le risque de cancer du sein en milieu professionnel fait l’objet de peu d’attention, et le manque d’intérêt est d’autant plus paradoxal que le dépistage précoce du cancer du sein chez la femme, lui, fait l’objet de campagnes et d'effort de stimulations extrêmes de la part des autorités sanitaires pour augmenter la participation des femmes, et ce en dépit de résultats bien décevants du dépistage.

Alors que la pathologie cancéreuse est identifiée comme première cause de décès par le travail en Europe et alors que cette maladie est en progression constante depuis le début du XXe siècle, les campagnes de prévention en santé publique ignorent la contribution de l’activité 'travail' à ce phénomène, comme le détaille très bien cet article dans The Conversation.

Il faut attendre 2023 pour voir menés des travaux sur l'impact du travail sur la santé des femmes, l'étude des risques au travail s'étant jusqu'à présent concentrée sur la population masculine.
"Le manque de reconnaissance de la charge physique et mentale du travail des femmes est à l’origine d’impensés féminins dans la conception et la mise en œuvre des politiques de santé au travail." dit le rapport.
Un des grands axes de ce travail est de "chausser les lunettes du genre" pour comprendre, mais aussi pour développer une vraie prévention du cancer à l'attention des femmes, le dépistage, rappelons-le, n'en étant pas une.

L'article dans The Conversation rapporte :
"La récente médiatisation autour de la reconnaissance d’un cancer du sein en maladie professionnelle chez une infirmière ayant travaillé de nuit permet par exemple de rappeler que loin d’être une fatalité pour les femmes, ce cancer peut aussi être le résultat de conditions de travail pathogènes, comme le travail de nuit, l’exposition aux rayonnements ionisants et, selon l’Anses, plusieurs dizaines de molécules chimiques présentes dans l’espace productif. Et qu’il est, à ce titre, lui aussi évitable, à condition de prévenir ces risques cancérogènes à leur source, au travail."

Vraie volonté politique ou affichage ?

C'est aussi la question que pose The conversation.

"Inscrite dans la feuille de route du gouvernement et des partenaires sociaux au sein du Plan santé travail 2021-2025, et dans la stratégie décennale de lutte contre les cancers, la prévention des cancérogènes en milieu de travail pourrait ne demeurer qu’un simple affichage.
La pénurie actuelle de médecins du travail et d’inspecteurs du travail en fait craindre l’hypothèse. Pour mettre un terme à cette épidémie silencieuse de cancers du travail, il y a urgence à remettre en cause les conditions de travail pathogènes et à revendiquer une intervention plus contraignante de l’État dans le monde du travail pour garantir le droit à ne pas y perdre sa vie."

Conclusion

Dans le dossier de l'infirmière mosellane, d’autres facteurs de risque probables ont été notés : rayonnements ionisants, perturbateurs endocriniens et produits chimiques pour stériliser du matériel médical.

En effet, très fréquemment, les causes de cancer sont multiples et intriquées, et des milliers de personnes sont exposées à des cancérogènes, en toute légalité dans l’exercice de leur profession. 

Mais, alors que le cancer est identifié comme la première cause de décès par le travail en Europe et en constante progression depuis le début du XXe siècle, les campagnes de prévention en santé publique occultent soigneusement l'impact du travail, et notamment celui du travail de nuit féminin sur un organe particulièrement sensible, le sein, préférant largement focaliser sur un dépistage du cancer du sein qui a failli à sa mission de diminution des formes graves et d'allègements thérapeutiques.
Les campagnes de prévention primaire, quand elles existent, mettent l'accent également très lourdement sur les facteurs comportementaux individuels, qui ne sont certainement pas à ignorer, mais qui ne sont pas exclusifs.

Seule bonne nouvelle, la mortalité par ce cancer diminue depuis les années 90, dépistage ou pas, concernant même les cancers avancés, en premier lieu imputable aux avancées thérapeutiques ce que suggère une étude parue récemment, malheureusement régulièrement citée comme victoire du dépistage dans la presse.

Mais ce serait quand-même tellement plus logique et plus intelligent de lutter en amont contre les facteurs de risques de la maladie plutôt qu'en aval, et notamment contre les facteurs de risque au travail, plutôt que de gaspiller tant de moyens logistiques, humains et financiers pour un dépistage décevant, dont la faillite est aggravée d'une désinformation des femmes inexcusable, non éthique, et de campagnes marketing outrancières à chaque mois d'octobre.

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