Procédures inutiles et coûts excessifs

4 juin 2017

https://healthmanagement.org/c/imaging/news/early-stage-breast-cancer-patients-receive-inappropriate-testing

 

l'Institut Fred Hutchinson pour la Recherche sur le Cancer (Seattle, état de Washington) présentera les résultats de son étude lors des rencontres de la Société Américaine d'Oncologie Clinique annuelle à Chicago.

Il s'agit d'une observation régionale portant sur des femmes asymptomatiques ayant été traitées pour un cancer du sein au stade précoce, dont le suivi a comporté de façon routinière des tests sanguins (recherche de marqueurs tumoraux) et de l'imagerie lourde (imagerie par scanographie).

Plusieurs analyses ont démontré l'absence de bénéfice pour ces patientes de ces procédures finalement inutiles, qui amènent au contraire une exposition excessive aux radiations, à des faux positifs, et à un surtraitement.

Parmi 2193 patientes atteintes de cancer du sein au stade précoce, chez 37% ont été réalisées des recherches de marqueurs tumoraux pendant la période de surveillance après traitement, atteignant en moyenne 2,8 tests par patiente, et 17 % de ces patientes ont reçu de l'imagerie lourde complémentaire.

L'étude relie les cas enregistrés de cancers de la zone Washington ouest aux demandes de remboursement des assureurs Premera et Regence : les coûts pour ces patientes subissant ces procédures étaient considérablement plus hauts que la moyenne. Après traitement, dans le cadre de la surveillance immédiate, les patientes ont atteint une moyenne de 13,3 visites médicales auprès d'oncologistes essentiellement, et de fournisseurs de soins médicaux.

 

Dr Gary Lyman, directeur de l'étude, cancérologue, économiste de la santé et co-directeur de l'Institut Fred Huchinson, pointe le fardeau en particulier financier que cela représente, en l'absence de tout bénéfice.

 

 

 

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Conclusions des revues systématiques favorables au dépistage du cancer du sein et lien d’intérêt financier et professionnel : des preuves flagrantes.

 

Par Dr ANNETTE LEXA

25/05/2017

 

Les fidèles lecteurs et lectrices de Cancer Rose savent que nous présentons ici régulièrement un décryptage des plus récents articles parus dans les plus grandes revues internationales au sujet du dépistage du cancer du sein dont l’intérêt est débattu depuis des décennies, et que certains nomment encore « polémiques » (ici).

Etudes et revues

 

Nous  avons présenté sur ce site  plusieurs études épidémiologiques, anciennes ou récentes, faites sur des cohortes de femmes dans différents pays. Une étude se présente toujours de cette manière : on suit 2 groupes, un groupe de « dépistées » et un groupe de « non dépistées », et , si on a la chance d’avoir eu un bon financement pour mener à terme une étude longue et robuste, pour faire court, à la fin  on compte les points (les mortes et les seins coupés).

Mais toutes les études ne se valent pas. Ainsi certaines présentent des biais méthodologiques (de recrutement, de perdues de vue, de déclaration,…) qui les disqualifient. Ainsi Philippe Autier et son équipe ont démontré que l'étude sur laquelle s’étaient longtemps appuyés les 'prodépistages' était en fait invalidée par des biais méthodologiques. (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4672251/)

Parfois, simplement, le nombre de femmes recrutées dans ces études est tout simplement trop faible et cela diminue la puissance statistique lorsque qu’on veut étendre la conclusion à l’ensemble de la population. Aussi les épidémiologistes - qui sont des gens ayant généralement moins de conflits d’intérêts car travaillant dans des organisations financées par l’argent public - ont développé des méthodes qui leur permettent de reprendre l’ensemble des études. On parle de « méta-analyses ».

On comprend aisément qu’une méta-analyse est souvent plus intéressante qu’une étude, bien qu’elle soit aussi entachée de biais, car il est parfois difficile de réunir des groupes disparates.

Aussi, il y a encore mieux pour un scientifique (médecin, toxicologue, biologiste… ) : c’est la revue systématique. La revue systématique reprend tous les travaux sur le sujet, toutes les études, qu’elles soient faites par modélisation, sur animal, toutes les études faites sur l’Homme, et elle prend en compte aussi toutes les autres données (anatomopathologie, données théoriques sur les processus de cancérogenèse, modes de traitements, effets indésirables, surdiagnostics..). Elle tient compte aussi des articles d’experts ou des revues éditoriales écrites par des leaders d’opinions.

Aussi, il y a une grande pression et une grande tentation d’écrire des revues systématiques car c’est l’outil le plus robuste des décisionnaires en matière de santé et  pour la communauté biomédicale. Vous imaginez bien la suite. Les revues systématiques ont tendance à se multiplier, leurs conclusions  deviennent disparates et cela entretient d’autant le doute.

Systematic Review

 

Dans un récent article publié d’une revue en open access, Systematic Reviews (article Systematic Review), les auteurs ont repris les revues systématiques parues sur le sujet entre 2000 et 2015. Ils ont cherché à vérifier s’il y avait un lien entre conclusion favorable ou défavorable au dépistage et liens d’intérêts déclarés par les auteurs des revues systématiques.

Ils ont sélectionné 59 revues systématiques totalisant 42 auteurs.

D’une manière générale, les auteurs étaient pour 68% d’entre eux des biostatisticiens, des épidémiologistes, des spécialistes de santé publique et pour 32 % des oncologues, des radiologues ou d'autres spécialités médicales. Seules 14% des revues systématiques présentaient leurs liens d’intérêts financiers, ce qui signifie que les chercheurs ont forcément sous-évalué les liens d’intérêts financiers réels.

 

Résultats de l'étude

 

Parmi les revues écrites par des cliniciens, 63 % étaient favorables au dépistage. Elles n’étaient que 32% à être favorables quand elles ont été écrites par des professionnels de santé publique.

Parmi les études dont les auteurs ont déclaré avoir des conflits d’intérêts FINANCIERS, 75% étaient favorables au dépistage.

Parmi les revues systématiques dont les auteurs n’ont rien déclaré (certains ont forcément « omis » de déclarer des liens d’intérêts), 47% étaient favorables, alors que seulement 31% étaient favorables au dépistage dans les revues dont les auteurs ont affirmé qu’ils étaient sans conflit d’intérêt.

Enfin, en ce qui concerne les revues traitant des femmes de 50 à 69 ans (20 conclusions), seulement 27 % des conclusions écrites par des non-cliniciens étaient favorables au dépistage, contre 78% de conclusions favorables si elles étaient écrites par des cliniciens.

 

 

Conclusion

Ce travail a démontré que les revues systématiques sont d’autant plus favorables au dépistage qu’il existe des liens d’intérêts financiers ou professionnels.

 

Et dire qu’on continue d’appeler cela une « polémique »…

 

 

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Crise autour de la Strasbourgeoise, course rose alsacienne.

Nous vous avions déjà parlé du petit business des courses roses : courses roses

Qui est la Strasbourgeoise ?

La Strasbourgeoise, d'après son site intrnet, est le "rendez vous d’une vaste campagne d’information et de sensibilisation contre le cancer du sein. Parce qu’aujourd’hui en France 1 femme sur 8 risque de développer un cancer du sein et parce qu’ anticiper, prévenir, sensibiliser permet de mieux prendre en charge cette maladie… mobilisons nous !"

Question information ça commence mal puisque non, une femme sur 8 ne risque pas de développer un cancer du sein. Ce slogan éculé est déjà un mensonge, dont toutes ces structures promotrices du rose sont coutumières.*

http://lastrasbourgeoise.eu/les-epreuves/

Côté finances, il y a 15 000 places disponibles à 10 euros le dossard de la coureuse, ce qui rapportera 150 000 euros au total. Quatre euros par inscription sont reversés à la "cause", jusqu'à présent le bénéficiaire en était La Ligue contre le cancer, et 67 000 euros sur la collecte devaient lui être versés l'année dernière.

On apprend par la voix des Dernières Nouvelles d'Alsace du 23/052017 que cette manifestation bénéficie d'une contribution (entre autres contributeurs) de 40 000 euros de la part du laboratoire pharmaceutique Lilly. La Strasbourgeoise reçoit donc (au bas mot) dans les 200 000 euros chaque année pour la course rose. On aurait bien été intéressés au passage de savoir ce que deviennent les 133 000 euros (au bas mot) restants, mais là n'est pas la question.

 

L'affaire

En 2016 la Ligue contre le Cancer a lancé une pétition contre la cherté des médicaments anti-cancéreux, dont la multinationale Lilly, commercialisant le Prozac et des médicaments anti-cancéreux, a semble-t-il pris ombrage, ce dont témoigne la directrice de communication chez Lilly France qui parle d'un "choc en interne".

pétition Ligue

Toujours d'après les DNA, le président de l'association la Strasbourgeoise, Mr Claude Schneider, a tranché dans ce "climat de tension entre la Ligue et un mécène (ici le laboratoire Lilly) associé à la fondation de la manifestation".

Et de fait, plutôt que de perdre un important contributeur, le choix philanthropique du reversement de la prochaine collecte 2017 s'est porté sur un autre bénéficiaire, l'IRC (Institut Régional du Cancer pour l'Alsace, Hautepierre), structure financée par le CHU de Strasbourg et du Centre de Lutte contre le Cancer Paul Strauss.

Le procédé punitif n'a pas plu à la Ligue Alsace dont le président, Mr Gilbert Schneider, explique que "la moitié du budget de prévention... est perdu".

Le laboratoire Lilly quant à lui précise qu'il continuera à être partenaire de la Stasbourgeoise".

Ouf, la Strasbourgeoise a visiblement fait le bon choix alors. Il s'en passe des choses dans le petit monde rose des courses de charité, toujours dans l'intérêt des patients bien entendu, qui feraient mieux d'être plus reconnaissants, ces ingrats, au lieu de râler sur le prix des médicaments...

 

* Dire qu’une femme sur huit sera confrontée au cancer du sein est une présentation trompeuse, ce risque étant un risque cumulé tous âges confondus, calculé sur une population fictive en fonction des risques observés en 2012. Or il convient de considérer ce risque selon la tranche d’âge. Avec un suivi de 20 années, pour une femme de 40 ans ce risque est de 4%, pour une femme de 60 ans il est de 6%.

 

 

On considère qu’une association est bien gérée lorsque plus de 70% de son budget est dévolu à ses œuvres.

En ce qui concerne la Strasbourgeoise, a priori, le montant reversé ne doit pas dépasser 30 à 33 %...

http://www.capital.fr/a-la-une/actualites/special-associations/la-gestion-de-80-associations-caritatives-passee-au-crible

 

 

 

 

 

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Quand le trop…. est l’ennemi du bien.

Cancer Rose vous offre une tribune citoyenne. Vous aussi, vous pouvez témoigner.

Cliquez ici : un cas clinique

 

Là c'est sûr, sans dépistage, la patiente se portait mieux.

Voir à l'échographie une « une distorsion de l’architecture non vascularisée, ce sur environ 12 mm » nous laisse déjà un peu pantois...

Au final pour la patiente de ce cas, il n'y avait donc pas de lésion carcinomateuse, on retrouvait de l'adénose inflammatoire et de la fibro-élastose.

Mais : "L’expert ajoute qu’il y avait nécessité de tumorectomie car cette lésion a un risque relatif de transformation maligne et qu’elle peut être associée à des foyers de carcinomes in situ ou infiltrant." On peut donc proposer des tumorectomies pour des lésions non cancéreuses mais qui pourraient peut-être être associées à un cancer, qui n'est pas là, mais peut-être ça pourrait.

En tous cas cela nous fait frémir à la vision d'un futur où la moindre micro-lésion ou distorsion architecturale sera de plus en plus visibles en raison d'appareillages de plus en plus sophistiqués où plus un sein ne sera normal. On frémit aussi à la pensée que beaucoup d'images mammographiques et de prélèvements anatomo-pathologiques sont sur-classés en malignité et ce de plus en plus fréquemment par les spécialistes ; de peur de sous-estimer on préfère finalement en faire trop. A force de surclassements abusifs, et à force de trop voir, de poser des diagnostics inutiles et exagérés, et a fortiori si des erreurs de coordination des spécialistes se surajoutent, les patientes auront à l'avenir de plus en plus de "chances" de connaître ce genre d'histoire.

Chirurgie abusive, radiothérapie inutile, cascade d'évènements malheureux.. La patiente est indemnisée certes, mais gardera ses séquelles à vie.

 

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Malhonnêteté et zéro contrôle des autorités sanitaires, encore et toujours

En ce premier jour de la nommination de la nouvelle ministre de la santé, voilà ce que nous communique une patiente qui témoigne de ce que reçoivent les femmes en cadeau d'anniversaire pour leurs 40 ans, dans le département de l'Hérault de la part de l'A.M.H.D.C.S. Association Montpellier-Hérault pour le Dépistage du Cancer du Sein.

Pourtant, pas de recommandation de la HAS

L'invitation argue, au mépris le plus complet des recommandations de la HAS elle-même l'utilité du dépistage dès 40 ans. Aucune information n'accompagne ces flyers.

http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1741170/fr/depistage-du-cancer-du-sein-en-france-identification-des-femmes-a-haut-risque-et-modalites-de-depistage

"Recommandations préliminaires

La HAS rappelle qu’en l’absence des facteurs de risque pour lesquels un dépistage spécifique du cancer du sein est recommandé, il n’y a pas lieu de réaliser une mammographie ou une échogra- phie mammaire de dépistage en dehors de la tranche d’âge de participation au programme national de dépistage organisé, c’est-à-dire entre 50 et 74 ans."

Citons encore une note de cadrage de l'HAS de 2013, sur la base d'une synthèse des rapports d’agences d’évaluation des technologies de santé (Health Technology Assessment) et de la revue Cochrane sur le dépistage du cancer du sein chez les femmes âgées de 40 à 49 ans et 70-79 ans, voir en page 18.

https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2013-10/note_de_cadrage_-_depistage_du_cancer_du_sein_chez_les_femmes_de_40-49_ans_et_70-79_ans.pdf

Les conclusions des 3 rapports sont concordantes, en défaveur du dépistage systématique du cancer du sein par mammographie chez les femmes âgées de 40 à 49 ans du fait de :

  • une réduction de la mortalité spécifique faible et mal établie ;
  • des effets négatifs importants mais également mal établis tels que les cancers induits par lesirradiations et le surdiagnostic / surtraitement ;
  • une réduction de la mortalité spécifique plus faible et des effets négatifs plus importants quepour les femmes de plus de 50 ans.Par ailleurs, l’efficience du dépistage systématique du cancer du sein par mammographie chez les femmes âgées de 40 à 49 ans est mal documentée.Les 3 rapports recommandent que le dépistage du cancer du sein, chez les femmes âgées de moins de 50 ans, soit fondé sur l’évaluation individuelle du risque et les préférences de la femme.

Les objectifs de l'association AMHDCS

On prend connaissance des objectifs de cette association de dépistage par mammobiles ici : http://www.mammobile.com/Qui%20sommes%20nous%20(site%20web).htm

"L’association a pour objectif et pour mission de prendre en charge les femmes dès
l’âge de 40 ans jusqu’à l’âge de 75 ans."
Où sont donc les autorités sanitaires qui mettront un jour un terme à cette malhonnèteté ?

Infliger un dispositif médical à une population sans information, l'exposant à des risques certains et supérieurs par rapport aux bénéfices comme cela est le cas dans cette tranche d'âge, et en dehors des recommandations mêmes de la HAS, cela s'appelle une conduite charlatane.

 

Nous n'avons malheureusement pas retrouvé la déclaration publique d'intérêts des médecins responsables de l'association, qui devrait normalement apparaître sur le site transparence.sante.gouv.fr

Entre temps un média indpendant "Dis-Leur" a médiatisé l'affaire, voici l'article reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur, Mr O.Schlama :

ARTICLE « DIS-LEUR »

La communication a été modifiée depuis, l'âge inscrit sur le mammobile est celui de 50 ans à présent, à la suite de la parution de cet article.

 

 

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Fake soutien-gorge

http://sante.lefigaro.fr/article/l-extravagante-histoire-du-soutien-gorge-qui-detectait-les-cancers-du-sein

 

Allez, encore une fumisterie de plus qui montre bien à quel point le cancer du sein est une maladie "porteuse".

Le cynisme des chercheurs de buz et "innovateurs" philanthropiques n'a pas de limite. Si l'innovation est utile aux femmes, c'est loin d'être vérifié, d'ailleurs on s'en fiche bien, mais la renommée et les retombées pour l'inventeur sont assurées.

Le Figaro Santé guette, et nous en parle, avec Cécile Thibert !

Et Dr Dupagne y consacre une chronique ici : Dr Dupagne

 

 

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Non mais allô! Quoi? T’es gynéco, tu comprends rien à l’épidémio ?

La trumpisation de l’information médicale en France

Dr ANNETTE LEXA

1er mai 2017

Sur le site de Allô Docteur- France 5, on peut actuellement voir une video (ici) sur le dépistage du cancer du sein, où le Docteur Cécile BOUR est interrogée.
Le reportage, se termine en affirmant que, pour les autorités et « la majorité des spécialistes », le dépistage doit continuer car il réduit le nombre de traitements lourds.
Nous assistons, ébahis, à la trumpisation de l’information médicale en France et c’est extrêmement grave. Le temps n’est plus très loin où ces « spécialistes » vont appeler « fake news » (faits alternatifs) les études internationales parues dans les plus grandes revues médicales et que nous relayons sur ce site. Ou vont les effacer… Le réel n’a pas eu lieu.

Cette vision du monde nous fait entrer tout droit dans le cauchemar de l’administration Trump, avec ses prises de positions négationnistes sur le réchauffement climatique.

Je propose d’ores et déjà quelques pistes complotistes aux surdiagnostico-sceptiques du Collège de Gynécologues :

« Les croyances dans le surdiagnostic et le surtraitement de cancers ont été inventées par des groupuscules alter-mondialistes afin de réduire la population mondiale. »

 

- « La peur des surdiagnostics est une ruse des Chinois/Américains/Russes (au choix) pour affaiblir l’industrie pharmaceutique. »

 

- « Derrière la polémique sur les surdiagnostics et les surtraitements de cancers, il y a la main invisible de Poutine. »

 

- « Les adeptes de la secte du surdiagnostic – alliés avec l’extrême-droite - veulent déclencher une pandémie de cancers dans le monde. »  

POURQUOI C’EST FAUX

Ce n’est pas le collectif qui a averti du risque de surdiagnostic de 10 ou20 %, c’est l’INCa lui-même (j’en parle ici).

Le Pr Carole MATHELIN du Collège de gynécologues et obstétriciens français appelle « polémique » les travaux scientifiques publiés depuis de nombreuses années dans les plus grandes revues biomédicales (Annals of Oncology, British Medical Journal, JAMA Intern.Med., New England Journal of Medicine), travaux dont nous nous faisons le relai ici à Cancer Rose (ici) .
Elle évoque des femmes arrivant avec de plus grosses tumeurs nécessitant des traitements plus lourds.

Le collège des gynécologues a-t-il un problème avec l’épidémiologie ?
Nous lui suggérons de lire attentivement l’étude de Harding et collaborateurs, parue en 2015, et portant sur 16 millions de femmes aux USA : cette étude n’a montré aucun bénéfice en terme de réduction de la mortalité, ni sur le nombre de cancers avancés ou le nombre d’ablations de seins. Une navrante « polémique » qui se répand sur les réseaux sociaux...

Le Collège des gynécologues peut aussi se pencher sur l'étude de Bernard Junod, publiée dans le BMJ en 2011 et portant sur trois cohortes de femmes en France, sur la méta-analyse Cochrane et sur celle de Prescrire qui montrent toutes que les mastectomies ont explosé. De malheureuses « fake news » venues d’on ne sait où...

Même la Caisse Nationale d’Assurance maladie, partant du principe qu’un dépistage précoce réduit les interventions lourdes, s’est étonnée que les ablations du sein ne baissent pas (ici) . Et que dire de l’avis de l’Académie de Médecine qui reconnaissait déjà en 2007 que le dépistage était à l’origine de surdiagnostics ? (nous en parlons ici). Un sombre « complot » organisé contre le Collège des Gynécologues.

Nous assistons à une trumpisation de l’information médicale « autorisée » en France.

- « Le surdiagnostic ? C'est quoi ? »

« Le réchauffement, quel réchauffement ? »

- « 10% de surdiagnostic : C’est le prix à payer pour sauver des vies, alors, on ne va pas en faire un drame. »

« C’est pas 3 ours polaires qui vont nous empêcher de continuer à brûler notre pétrole/charbon/gaz de schiste ! » 

- « Evaluer la réduction de mortalité due au dépistage ? Quelle drôle d’idée ! Les  gynécologues, les radiologues et surtout, les femmes sont satisfait(e)s du dispositif ! Alors pourquoi changer une équipe qui gagne et faire des statistiques qui embrouillent tout le monde? »

« Calculer les émissions de CO2, tout çà pour tenter de diminuer de 2 petits °C la température de la planète dans 50 ans quand on sera morts ? Quelle idée ! En plus, ça tue le commerce et l’emploi ! »

 - « Grâce au dépistage, les traitements sont moins lourds ! »

« De toute façon, le réchauffement climatique a commencé il y a 10 000 ans, alors vos mesures ne changeront rien ! et puis on va pouvoir aller extraire facilement le pétrole sous la calotte polaire ! »

- « A cause de gens comme vous, on va voir revenir des femmes avec des formes avancées de cancer du sein, vous êtes irresponsables ! »

« Les migrants climatiques ? Un drame ? Des opportunité de marché plutôt ! On va devoir reconstruire des villes, faire des grands travaux. Quand le bâtiment va, tout va ! »

Nous réfutons ces arguments irresponsables qui, sous couvert de l’argument d’autorité dont use et abuse le Collège des gynécologues français, sans la moindre preuve scientifique, entretient les femmes dans des peurs inutiles en manipulant les chiffres, et les désinforme sur les véritables enjeux que sont le surdiagnostic et le surtraitement de cancers.

Parions que d’ici Octobre Rose 2017, le point Godwin* sera atteint. Mais le terrain sera glissant et je préfère l’annoncer d’emblée : Klara Hitler, la mère d’Adolf, suivie par le médecin juif Edouard Bloch, est morte d’un cancer du sein en 1907. Ce tragique évènement contribua selon certains historiens** à sa terreur du cancer et déclencha son antisémitisme. La lutte contre le cancer et l’antisémitisme devinrent des priorités pour Hitler et des médecins nazis.

*La loi Godwin énonce que plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d'y trouver une comparaison avec les nazis ou avec Hitler s'approche de 1 .

**The Nazi War on Cancer, Robert Proctor, Princeton University Press (November 15, 2000) ; http://www.nytimes.com/books/first/p/proctor-cancer.html

Allez, pour se détendre, je vous propose mon….

QUIZZ EPIDEMIO POUR LES NULS GYNECOLOGUES  

1/ Pour connaître l’efficacité du dépistage du cancer du sein

a/ Je me fie à ce que je vois à mon cabinet, comme les femmes qui ne se font pas dépister et qui arrivent avec des tumeurs plus grosses.

b/ Je me fie aux données de la science et particulièrement aux méta-analyses publiées dans des revues à comité de lecture et fort facteur d’impact.

c/ Je me fie à ce que j’entends tous les ans dans les colloques organisés par le collège de gynécologues financés par Roche/par la société française de radiologie/ financés par General Electrics.

c/ Je me fie au nombre de femmes qui courent tous les ans contre le cancer et ça réchauffe le cœur : yes, we can !

2/ Que signifie « Meta-analyses yielded lung cancer incidence ≥ 10 years after radiotherapy RR of 2.10 (95% CI, 1.48 to 2.98; P , .001) « 

a/ Je ne sais pas, je ne comprends pas l’anglais

b/ Le risque relatif d’apparition de cancer du poumon chez des patients, 10 ans après avoir été traités par radiothérapie, est de 2.10, avec un intervalle de confiance à 95% situé entre la fourchette de 1.48 à 2.98, avec une très forte présomption de rejet de l’hypothèse nulle. On rejette donc l’hypothèse nulle selon laquelle la radiothérapie n’a pas d’impact sur le risque de développer un cancer du poumon 10 ans après une radiothérapie

c/ Je ne sais pas, je ne comprends pas l’épidémiologie.

3/ Que signifie « le dépistage permet de réduire de 20% la mortalité par cancer du sein »

a/ 20 femmes sur 100 éviteront la mort pas cancer du sein grâce au dépistage.

b/ Dans le groupe non dépisté, 5 femmes mourront, dans le groupe dépisté, 4 femmes mourront (5-4/5=0,2).

 (Pour pouvoir donner une bonne réponse lire ici : https://web.archive.org/web/20170623084247/http://hippocrate-et-pindare.fr/2017/01/01/resolution-2017-non-au-risque-relatif-oui-au-risque-absolu/)

4/ Qu’est ce qu’une cohorte prospective

a/ Des personnes défilant pour manifester contre un projet de loi .

b/ Un ensemble de sujets partageant un certain nombre de caractéristiques communes, suivis dans le temps à l’échelle individuelle afin d’identifier la survenue d’évènements de santé d’intérêt.

c/ Un groupe de légionnaires romains qui recherchent des Gaulois cachés dans la forêt.

5/ Qu’est ce qu’un biais ?

a/ Le biais est une bande de tissu coupée à 45 degrés par rapport au droit-fil.

b/ Un biais est une erreur dans la méthode, le non-respect des règles de protocole, qui engendre des résultats erronés.

c/ Une étude présente un biais quand on a cherché à interpréter les résultats d’une certaine manière, en répondant à nos attentes implicites.

6/ Qu’est ce qu’une étude cas/témoin

a/ Une étude où on suit des personnes au départ non malades mais diversement exposées à un facteur de risque.

b/ Une étude où l’on détermine le degré d’association entre une exposition à un agent potentiellement nocif et la prévalence d’une maladie, dans 2 groupes, un groupe atteint de la maladie et un groupe non atteint ; on détermine dans chacun des groupes le nombre de personnes ayant été exposées par le passé à un agent potentiellement nocif.

c/ Une étude sur la population totale qui examine des personnes qui ne présentent pas de maladie mais présentent un certain risque de développer cette maladie.

7/ L’étude comprenait 1 000 hommes qui ont pris le nouveau médicament durant 5 ans, et 1 000 ont reçu le traitement standard. À la fin de l’essai, 6 % des hommes du groupe ayant suivi le traitement standard avaient eu un AVC, comparativement à seulement 2 % dans le groupe ayant pris le nouveau médicament.

Quelle est selon vous la meilleure façon de présenter l’efficacité d’un nouveau  traitement pour comprendre son efficacité :

a/ Par la réduction du risque relatif :  On obtient une réduction du risque de deux tiers avec ce traitement.

b/ Par le nombre de patients à traiter pendant une période donnée pour éviter l'apparition d'un évènement défavorable : 25 hommes ont dû recevoir le nouveau traitement durant cinq ans pour qu’un homme en bénéficie, pour qu’il y ait un AVC de moins.

c/ par la réduction du risque absolu : 4% des hommes bénéficieront du traitement.

8/ Qu’est ce qu’un biais de temps de devancement (lead time bias)

a/ Le biais qui consiste à détecter préférentiellement des cancers qui évoluent lentement et sont moins agressifs.

b/ ce biais, conditionné par l’utilisation du taux de survie à 5 ans comme critère d’efficacité, implique que les personnes diagnostiquées précocement ne vivront pas forcément plus longtemps que celles diagnostiquées tardivement.

c/  ce biais consiste à avoir inclus dans la cohorte des femmes dépistées, des femmes qui sont entrées trop tard dans le dépistage avec des cancers avancés : cela  fausse les bons résultats du dépistage et c’est pour cela qu’il faut commencer le dépistage à 50ans.

9/ Qu’est ce que le biais de surdiagnostic

a/ c’est le biais qui consiste à ne pas faire la différence entre les cas de cancers asymptomatiques et les cas de cancers symptomatiques.

b/ les individus surdiagnostiqués (à qui on a détecté un lésion infra-clinique, dormante et non évolutive) ont un pronostic vital nécessairement favorable.

c/ C’est le fait de prédire l’évolution de la maladie à partir du dépistage.

10/ Que signifie la phrase "une femme sur huit fera un cancer du sein" ?

a/ Que , autour de moi, une femme sur 8 a ou aura un cancer : c’est une maladie terrible qui peut atteindre tout le monde. D’ailleurs, c’est écrit partout dans les medias, donc c’est vrai et c’est ce qui fait courir les femmes !

b/ Le risque dont on parle est un risque cumulatif vie entière qui ne discrimine pas les femmes à haut risque. Il n’a de signification que pour des épidémiologistes chevronnés. Pour le grand public, il est plus honnête de parler d’incidence par décennie de vie et de s’exprimer en %

Age 30 . . . . . . 0.44 % (1/227)

Age 40 . . . . . . 1.47 % (1/ 68)

Age 50 . . . . . . 2.38 % (1/ 42)

Age 60 . . . . . . 3.56 % (1/ 28)

Age 70 . . . . . . 3.82 % (1/ 26)

c/Que toute femme a une chance sur 8 de faire un cancer du sein.

Réponses :

Vous avez un maximum de réponses a/ ou c/ ?  

Allez faire un tour sur le site de Cancer Rose ou retournez sur les bancs de la fac en cours d’épidémiologie. Et par pitié, ne vous exprimez pas dans les medias !

Vous avez un maximum de b/ ?

Vous pouvez parlez dans les medias, vous êtes un(e) médecin-expert éduqué(e) et vous ne risquez pas de raconter n’importe quoi !

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EN CAS D’ANOMALIE, DES SOINS VOUS SERONT PROPOSES !

Dr ANNETTE LEXA
25 avril 2017

Identifiée dans les fichiers nationaux du service local chargé d’appliquer le « programme national de dépistage du cancer du sein », j’ai reçu hier une lettre de relance.

La lettre est rose. Cela me permet de la distinguer, sur la pile des lettres en souffrance (impôts, assurance, gaz, électricité…) de la lettre de relance de ENGIE qui est bleuee.
Car pour le reste, c’est un peu les mêmes.

La lette bleue commence par « A ce jour, le règlement de votre dernière facture ENGIE ne nous est toujours pas parvenue, alors que la date limite de paiement est dépassée. Je vous invite à en effectuer le paiement, dans les meilleurs délais... En suivant les instructions  indiquées au verso.. »

La lettre rose commence par “Suite à un premier courrier envoyé en octobre 2016 et resté sans réponse à ce jour, nous vous rappelons que vous êtes invitée à réaliser une mammographie dans le cadre du DOCS. Prenez RV avec l’un des radiologues de votre choix figurant sur la liste au dos.”

S’en suit une longue diatribe que m’épargne ENGIE pour le coup : “Une femme sur 8 sera confrontée à ce cancer qui met en général plusieurs années à se développer. Il est donc ESSENTIEL dès 50 ans de participer REGULIEREMENT au Dépistage Organisé afin de pouvoir traiter au plus vite d’éventuelles anomalies. »

 Cette lettre, signée de 2 médecins, un homme et une femme – la parité est sauve en matière de dépistage - m’a immédiatement fait penser à l’une de ces relances insistantes restée longtemps sur mon bureau et qui a fini à la poubelle, de recyclage bien sûr. Une société d’assurance qui dans sa grande sagesse, m’avertissait du risque lié à d’éventuelles fuites de canalisations d’eau qui pourraient se passer sur ma propriété parce que les travaux ne seront alors pas pris en compte par mon fournisseur d’eau. Mon compteur est à l’intérieur de ma maison, mais passons.

Ah ! Principe de précaution, quand tu nous tiens ! Ma fille, comment continues-tu encore à vivre, à 50 ans passés, sans ces bouées de sauvetage qu’on te lance en permanence en préventif alors que tu n’aimes pas te baigner, que quand tu te baignes, tu sais nager et que d’ailleurs tu ne feras pas de procès si le maître nageur ne t’as pas sauvée de la noyade ni s’il t’a noyée en voulant te sauver, alors que tu n’étais pas en train de te noyer ?

Mais, chouette, il y a une nouveauté par rapport à la relance précédente ! On me propose de me rechercher des anomalies et non plus des cancers. 

C’est quoi une anomalie, me direz vous ?  Désolée, je n’en saurai pas plus, même en ayant lu le dépliant rose de l’INCa qui accompagnait la lettre et qui me promet de « TOUT COMPRENDRE EN 1 MIN ».  Pour info, min = minute : c’est bien connu, les femmes ne veulent pas perdre trop de temps pour se décider si oui ou non elles doivent faire une mammo, elles ont mieux à faire. C’est vrai d’un certain côté, personnellement,  je passe bien 1 ou 2 heures à comparer et essayer avant d’opter pour ma nouvelle paire de baskets.

Car j’ai lu le dépliant rose. Cela m’a pris plus d’une minute parce que je suis atteinte d’un sérieux biais cognitif : je cherche toujours à comprendre et je doute en permanence. De la déformation professionnelle. Je doute mais je sais choisir quand j’ai cessé de douter, comme pour mes baskets.

Le dépliant m’apprend que « 49 000 femmes sont touchées par le cancer du sein , c’est le cancer le plus fréquent, 11900 femmes en meurent chaque année »
- Ce nombre diminue-t-il avec le dépistage ? L’INCa ne me le dit pas. Je suis frustrée.

L’INCa ensuite me rassure « Dans la majorité des cas, aucune anomalie n’est détectée » et « si une anomalie est détectée, dans la plupart des cas, elle est bénigne.  « Sur 1000 femmes diagnostiquées, 7 cancers seront diagnostiqués ».
            - 7 femmes ou 7 cancers ? La différence compte parce que si on a diagnostiqué 2 mini-cancers sur 3 femmes – les femmes ayant 2 seins en moyenne, cela double les chances de détecter plusieurs mini-cancers de part et d’autre - ça ne fait plus que 4 femmes sur 1000. Oui, je sais, je chipote. Mais imaginez quand on passera à la détection de nano-cancers...
-  On détecte des méchants cancers ou des cancers in situ ? parce que, in fine, sur ces 7 cancers, il n’y en a peut-être qu’un qui sera très méchant, le genre qui vous laisse peu de chance de survie. Les autres n’évolueront pas, peu ou si lentement qu’une simple surveillance vous épargnerait bien des déboires. 

« Il est important de faire une mammographie tous les 2 ans. Dans l’intervalle, n' hésitez pas à consulter votre médecin si vous remarquez des changements inhabituels au niveau de vos seins. » 

- Des changements inhabituels ? Lesquels ? Voilà une information sanitaire qu’il serait salutaire de donner aux femmes : peut être que préciser ce qu’est un changement anormal permettrait, pour le coup, de vraiment sauver des vies ! Mais ce n’est pas l’objectif de l’AMODEMACES ni de l’INCa, qui est prioritairement de déployer le dépistage organisé par tous les moyens.

- L’INCa n’ose pas appeler un chat un chat. Il évoque ici les sinistres « cancers de l’intervalle », le genre de cancer qui se développe insidieusement entre 2 mammographies et qui a toutes les chances d’être méchant parce que, justement, il se développe très vite. Le dépistage organisé ne peut rien pour vous mais l’INCa ne vous le dit pas. D’ailleurs, y-a-t-il des statistiques qui comptabilisent les cancers de l’intervalle dans le dépistage organisé ? Si oui, ces cancers sont-ils comptabilisés dans les cancers dépistés par dépistage organisé ou en dehors ? Quelle est la mortalité associée à ces cancers ? L’INCa ne me répond pas. Je suis frustrée.

L’Inca m’apprend aussi que, malgré la haute technicité de l’appareillage et la haute compétence des radiologues, « certains petits cancers peuvent ne pas être détectés, d’où l’intérêt de répéter l’examen tous les 2 ans »  (c’est écrit en gras).

            - Bon sang, mais c’est bien sûr ! Pour arriver à ce chiffre de 7 cancers sur 1000 femmes, il est essentiel de ramener le cheptel (heu, pardon, le fichier…) de femmes qui ont 2 seins tous les 2 ans à l’examen. Pas étonnant que nombre d’associations environnementales crient « Il y a de plus en plus de cancers ! On nous empoisonne tous ! ». Les hommes ont une chance folle : il n’ont qu’une seule prostate et ils ne reçoivent pas, 2 fois par an, de dépliant à lire en 1 min.
           
Je retourne le dépliant au verso et je m’attache à lire consciencieusement  le (dernier) chapitre “Quels sont les inconvénients?” 

J’y apprends que “Comme tout acte médical, le dépistage présente des inconvénients. Ainsi, dans l’état actuel des connaissances scientifiques, il n’est pas possible de distinguer les cancers qui vont évoluer, qui sont les plus fréquents, de ceux qui n’évolueront pas ou peu (de 10 à 20% des cancers détectés). C’est ce qu’on appelle le surdiagnostic. Par précaution, il est proposé de traiter l’ensemble des cancers diagnostiqués. ”

C’est un peu gênant tout çà. Je reconnais la franchise de l’INCa. Pas celle de l’AMODEMACES  qui laisse l’Inca dire que … tout n’est pas tout rose, sans jeu de mot :  côté recto du dépliant, j’avais pu lire qu’en cas d’anomalie, je me verrai proposer rapidement des soins pour augmenter mes chances de guérison. 

Si c’est une anomalie, pourquoi se presser?

C’est quoi des soins ? Un massage ayurvédique au beurre de cacao? Un masque à l’argile? Car qui ne s’est pas vu proposer « un soin » au bac chez le coiffeur ?

Mes activités professionnelles m’amènent actuellement à œuvrer, entre autres, dans le domaine des cosmétiques. Les allégations cosmétiques sont encadrées par un règlement (655/2013), même si elles ne sont pas expressément définies. Ainsi le terme de “soin" est autorisé sur les étiquettes de produits, parce qu’il n’y a pas de connotation strictement médicale : soin de beauté, soin apaisant aux plantes, masque soin qui nettoie votre peau en profondeur… Cependant, la réglementation est stricte, le cosmétique doit prouver son innocuité.

Et dites-moi, c’est comme au bac chez le coiffeur, lorsqu’on me trouve une anomalie » et qu’on me « propose un soin », je peux dire « non, merci, pas cette fois ci » ou « oui, c’est vrai, ils sont secs en ce moment » ?

Alors, Docteur INCa , dites-moi, une petite ablation mammaire, des examens au technetium-99 , un soin au radium - bio bien évidemment car extrait de nos réserves naturelles protégées, un cure de Tamoxifen et de Trastuzumab, c’est un « soin » d’après vous ? Vous n’avez pas mieux à me proposer pour mes petits cancers qui n’évolueront pas ?

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Dépistage du cancer du sein, influences et manipulations de masse

 Par Dr ANNETTE LEXA

21 avril 2017

Là où nous en sommes

De nombreux travaux, études, analyses convergent à peu près toutes pour démontrer que le dépistage de masse, que ce soit pour le cancer du sein, de la prostate, du colon ou de la thyroïde, chez des personnes en bonne santé, est un échec. Le dépistage n’a non seulement pas fourni la preuve de son efficacité mais il a généré de nombreux dégâts que l’on a longtemps sous-estimés, les considérant comme le prix à payer pour « combattre le cancer », socialement parlant.

Pourtant, en ce qui concerne le sujet qui nous préoccupe sur ce site, le cancer du sein, aucune étude de grande ampleur n’a jamais été entreprise en France afin de vérifier l’efficacité de ce programme de dépistage pour réduire la mortalité ou la lourdeur des traitements.  Cela peut sembler proprement ahurissant, mais c’est ainsi.

Cela n’a pas empêché journalistes, « leaders d’opinion »,  acteurs et personnalités des médias de baisser leur pantalon pour promouvoir le dépistage du cancer de la prostate. Cela n’empêche pas des entreprises de luxe ou des organisations, dans le but avoué de promouvoir le dépistage, de financer des expositions photographiques « sublimant  la beauté » de femmes (chauves ou non) à la poitrine balafrée par une ablation mammaire et « respirant la vie et le bonheur ».
Cela n’empêche pas des centaines de milliers de femmes de continuer à courir enthousiastes « contre le cancer » tous les ans à l’automne, habillées de rose, en criant « on se sent toutes concernées, c’est important de se faire dépister, cela sauve des vies »... Cela n’empêche pas des lobbys de continuer à réclamer encore plus de dépistage, mieux organisé et de vendre des appareils plus « performants ».
Face à ces terribles constats et face à l’inertie des pouvoirs publics qui pourtant savent mais se taisent, notre collectif Cancer Rose  - constitué de scientifiques indépendant (es), chevronnés(es) - s’est donné comme mission de vulgariser une lecture critique des études épidémiologiques existantes, misant - naïvement peut être - sur le 'cerveau gauche' des femmes. Ce collectif s’inscrit dans le paradigme rationnel dominant de la médecine actuelle, à savoir la médecine basée sur le niveau de preuve - Evidence based medicine en anglais -  ce qui ne fait pas de nous, loin s‘en faut, un sombre groupuscule obscurantiste. Nous ne sommes pas un collectif « militant », tout au plus un groupe de  citoyens convaincus qu’une meilleure éducation au risque permettrait aux femmes de prendre de meilleures décisions pour elles-mêmes, sans céder à l’opinion, si tant est qu’elles puissent disposer d’une information récente, transparente et non biaisée.

L’Etat, pris entre la volonté de contrôler (le paternalisme médical) et la volonté de faire moderne (le périlleux exercice de démocratie participative), a bien senti qu’il fallait faire quelque chose devant les preuves qui s’accumulaient et qu’il ne serait bientôt plus possible de continuer à mettre la poussière sous le tapis. Continuez ou ne pas continuer ? That is the question ! Organisons une concertation de femmes et de professionnels,  ils décideront.  Ce problème est que, stupeur et tremblements, la créature a échappé à son Maître : la concertation a mis à jour un réel besoin d’information de la part des femmes, et a proposé 2 scénario : l’arrêt du dépistage ou son profond remaniement.

Cela ne fut pas du goût de tous. Cela déplût à certains.

Nous assistons, ébahis, au « bal des faux culs », se traduisant par un pas en avant  (on fait un bel exercice de communication) et trois pas en arrière (on maintient le dépistage en l’état en lui offrant un lifting cosmétique). En lieu et place d’études, on réalise fébrilement des enquêtes de satisfaction des usagères du dépistage (les preuves de baisse de la mortalité ne servent à rien, les femmes ne sont pas en demande, elles sont satisfaites du dépistage-qui-sauve-des-vies). Tout en espérant bien que le développement-de-la-médecine-génomique- personnalisée permettra de réduire ces foutus surdiagnostics (et les dégâts des traitements et surtraitements en passant..) de ces maudits cancers. Ouf ! l’honneur est sauf. Business as usual.

Voilà où nous en sommes à ce jour.

Mais comment en est-on arrivés là ?

Arguments rationnels épuisés, appel à la psychologie sociale

Nous avons épuisé les arguments rationnels, ils pèsent bien peu dans la balance bénéfice/risque que nous nous évertuons à expliquer et qui pourtant est désormais  devenu l’alpha et l’oméga de toute évaluation de risque. C’est là que la psychologie sociale peut nous aider à comprendre autrement les dynamiques à l ‘œuvre dans ce vaste et mortifère jeu social .

Je vous propose dans cette première partie de nous appuyer sur les travaux du célèbre  psychologue américain Robert Cialdini qui a longuement travaillé sur les techniques de persuasion. Que nous apprend Robet Cialdini *? Il nous apprend les techniques  de persuasion et comment se prémunir de ces comportements manipulateurs. Mais alors quoi ? Le dépistage organisé du cancer du sein fonctionnerait-il donc comme une vaste entreprise de manipulation sociale ?

Voyons cela de plus près, car c’est bien possible…

Il y a d’abord l’engagement : la technique du pied dans la porte : « A 40ans, on reçoit de la part de son gynécologue une petite ordonnance pour aller passer une mammographie avec un  « allez y, c’est important » dit sur un ton grave et paternaliste.  Et nous voilà parties pour des années d’examens, de relances, de pressions, de fausses alertes,  de peurs, d’angoisse.... Et nous ne savons plus comment dire « non, ça suffit, je ne veux plus y aller ».

Il y a aussi la preuve sociale . Difficile de dire « non » au dépistage quand tant de bonnes copines, tant de femmes autour de nous s’y soumettent. Si tant de femmes y vont, si tant de professionnels de la santé me disent que c’est important, ce doit être vrai. Je ne peux pas rester seule à douter, à dire non. Le problème est que cette étape peut conduire à tous les excès car il s’agit de continuer à « croire » à tout prix et de préserver la croyance. On n’a jamais vu autant de courses roses se déployer dans toutes les villes, mêmes les plus petites, depuis que les preuves de l’absence de l’efficacité du dépistage ne cessent de s’accumuler.

L’argument commercial de la rareté  se traduit dans ce cas par « la perte de chance ». Vous ne pouvez pas laisser passer cette chance que nous vous offrons gratuitement, à vous, femmes de 50 ans, de pouvoir être sauvées d’une mort certaine au moyen d’un petit examen. Pris à temps, un cancer se guérit !

Le levier de la réciprocité - ou de la règle du donnant-donnant - est sans doute le plus puissant. Comment refuser les relances par courrier, par sms, une fois qu’on a commencé sa première mammographie ? Nous avons votre dossier, nous vous suivons,  comment dire non encore une fois ? Vous en êtes à votre troisième mammographie, vous avez eu votre méchante alerte, votre première biopsie qui s’est avérée négative, mais la demande est insistante, vous devez revenir : après tout, vous n’avez rien , alors ne faites pas votre ingrate, ne doutez pas, nous sommes là pour vous, cela vaut bien un nouveau petit tour de manège, non ? D’ailleurs il y a de nouveaux appareils qui écrasent moins les seins. Vous faites la moue ? vous trainez des pieds pour y aller ? « Si vous ne faites plus vos mammographies, ne comptez plus sur moi pour vous suivre » répond le/la gynécologue furieux(se).

La persuasion marche formidablement bien sur les masses en utilisant le levier de la sympathie. Cet argument est très exploité par les courses roses. Comment résister à la proposition de courir toutes ensemble pour une si noble cause ? Après tous, ne sommes- nous pas toutes sœurs, filles, mères, grand-mères ? Nous devons nous épauler, nous soutenir pour combattre ce fléau du cancer ! En plus, les filles, le sport, çà fait du bien !  Au final, on a passé un moment tellement sympa ! Rendez vous l’année prochaine avec nos T-shirt !

Enfin, la classique soumission à l’autorité, encore abondamment utilisée dans le cadre du dépistage du cancer du sein, même si elle a du plomb dans l’aile : la docilité, devrais-je dire, des femmes est du pain béni pour le système médical. Cette soumission au dépistage sera renforcée par la complicité des organisations qui prennent l’apparence de l’autorité dans leur communication pour se donner un air persuasif. Combien de femmes se sont-elles aperçues que les publicités, dépliants et courses diverses étaient en fait organisés par des associations et non pas par des instances officielles ? Et n’oublions pas le recours à des figures médiatiques de médecins et autres experts en tout genre, qui ne portent plus la blouse blanche car c’est passé de mode, mais usent et abusent du prestige de la « parole d’expert » pour inciter les femmes à ne pas sortir de la route bien balisée du dépistage-qui-sauve-des-vies.

Tout ceci marche très bien parce que, in fine, un individu, qu’il soit homme ou femme est limité dans sa capacité à prendre une décision seul(e) : « Dois je me faire dépister ou non ? »  Nous sommes limités parce que nous ne disposons pas de l’information suffisante, parce que nous n’avons pas le temps, ou pas de temps à consacrer à ce choix, parce que nous sommes intellectuellement limités(es) pour comprendre la complexité des données médicales, parce que nous sommes influençables, parce que c’est rassurant de se sentir appartenir à un groupe qui pense pareil. Prendre une décision individuelle qui va à l’encontre du groupe est mentalement chose très coûteuse en énergie. Il est plus simple de suivre l’avis dominant que de se singulariser. Mais, prenez quelques personnes, deux ou trois, pas plus, et alors, vous constaterez qu’il est plus aisé de leur expliquer la balance bénéfice/risque du dépistage qu’à un groupe marqué par l’inertie et la dilution de la responsabilité.

Mais la psychologie sociale nous enseigne bien d’autres mécanismes qui sont à l’œuvre dans le cadre du dépistage de masse du cancer du sein et que nous allons aborder  prochainement … et il se peut que notre pire ennemi soit ... nous-même !

* Cialdini, Robert - Influence & manipulation , ici en format pdf

https://www.fichier-pdf.fr/2015/06/30/cialdini-robert-influence-manipulation/

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Plan d’action pour la refonte du dépistage, la dernière manche de la concertation

Le plan d'actions promis par Mme la Ministre de la Santé Marisol Touraine à la suite de la concertation citoyenne sur le dépistage du cancer du sein voit enfin le jour, en ce 6 avril 2017.

Objectif affiché de maximisation de la participation

Dans le communiqué de presse de la ministre nous lisons : "La meilleure chance pour guérir du cancer du sein, c’est le dépistage. Pourtant, encore trop peu de femmes ont recours au dépistage organisé."

Outre le fait que toutes les études d'impact démontrent que le dépistage n'a jamais permis de faire chuter la mortalité ou d'améliorer la guérison (reliable aux avancées thérapeutiques, mais pas au dépistage), l'objectif clairement mis en évidence dans cette phrase est bien que les femmes participent d'avantage au dépistage alors même que le groupe de citoyennes de la concertation s'est prononcé explicitement pour qu'on abandonne la course au recrutement des femmes.

Dès la deuxième page du plan d'actions les contre-vérités vont bon train : "Son dépistage (celui du cancer du sein) est donc un enjeu majeur de santé publique ; pour réduire la mortalité et la morbidité liées au cancer du sein, mais également pour améliorer la qualité des prises en charges des personnes concernées." Ni le premier objectif n'est atteint, le cancer du sein étant au hit-parade des cancers féminins mortels, ni le deuxième puisque la morbidité liée au dépistage n'est pas négligeable avec l'explosion des mastectomies, des radiothérapies et des chimiothérapies constatées depuis l'instauration du dépistage systématique, traitements lourds impactant la santé. On fait fi des dernières études internationales et des publications médicales basées sur les faits démontrant l'absence de gain en terme de mortalité.

L'information, enfin ?

A l'item n°2 nous avons à peu près la seule branche à laquelle on peut se raccrocher, c'est à dire l'information délivrée aux femmes, celle-ci demandée instamment par les citoyennes : "une information claire sur les enjeux et les avantages sera livrée, mais aussi sur les risques et limites du dépistage, tels que les possibilités de faux positifs ou faux négatifs, les cancers diagnostiqués dans l’intervalle entre deux dépistages, le sur-diagnostic et sur-traitement, les cancers radio-induits." En effet, l'information était on ne peut plus succincte sur les inconvénients du dépistage, notamment sur surdiagnostic et surtraitement. Il faut évidemment que les brochures en préparation soient à la hauteur et ne délivrent pas une information ou bien biaisée, ou trop épuratoire de données gênantes. Il faudrait surtout que les documents fussent rédigés par des auteurs indépendants, comme la Collaboration Nordique Cochrane au Danemark, et non pas par des "experts" auto-proclamés, leaders d'opinion, toujours les mêmes personnes médiatiques au discours convenu dont on connaît à l'avance l'orientation. Mais espérons...

Malheureusement juste à la suite de cette excellente intention d'informer loyalement on peut lire : "Le risque lié à l’absence de dépistage sera aussi précisé."  Et ça c'est formidable, parce qu'aucune évaluation n'est faite dans notre pays, on n'arrive pas à dégager un quelconque bénéfice du dépistage organisé mais on peut parler du non-bénéfice de ne pas le suivre, ce à quoi les études internationales ne sont pas parvenues.

La ROSP, on persiste et signe

L'apothéose est atteinte dans l'annonce de l'antipode de ce que les citoyennes demandaient, à savoir la sortie du dépistage de la ROSP, c'est à dire de la rémunération aux objectifs de santé. Voilà ce qu'on peut lire : "afin d’inciter les médecins à proposer la bonne modalité de dépistage à leurs patientes, les mammographies réalisées à ce titre seront mieux valorisées dans la cadre de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP)" ; "Le suivi de la patientèle de femmes à partir de 50 ans, adapté en fonction du niveau de risque, donnera lieu à une valorisation de la ROSP." Donc non seulement la ROSP est maintenue mais valorisée sur le dépistage. La rémunération que reçoit le médecin pour obtempérer aux objectifs de santé à atteindre incite clairement le médecin...à inciter la femme à participer.

Le gynécologue ainsi que le radiologue peuvent eux aussi inciter et faire rentrer la patiente, après consultation de son "éligibilité" dans un fichier à sa disposition, directement dans le dépistage. Dans la mesure où les gynécologues dans leur grande majorité sont partisans d'un dépistage dès l'âge de 40 ans, on peut avoir quelques inquiétudes sur l'objectivité de l'information, et présumer que la tentation incitative risque de prédominer quelque peu. Ne parlons même pas de celle des radiologues ; pour l'instant, lors de la consultation en cabinet de radiologie, l'information est réduite à sa plus simple expression, c'est à dire à remplir la fiche de renseignements de la patiente.

Et de plus la ministre prévoit une consultation préalable à l'âge de 25 ans ! On va donc "sensibiliser" des femmes jeunes, sans symptômes, dont ce n'est pas le problème, qui présentent des seins beaucoup plus denses et difficilement examinables, et les apeurer 25 ans avant l'âge d'être seulement concernées. Surmédicalisation en perspective, de personnes ne se plaignant de rien, et de plus en plus tôt.

Quelques avancées

Notons quand-même dans ce plan une petite avancée sur l'interdiction pour les radiologues d'appliquer des dépassements sur l'échographie, admettant ainsi implicitement que la "gratuité" du dépistage ne s'applique pas sur toute la chaîne des investigations qui peuvent découler de la mammographie initiale.  En effet la biopsie, l'IRM ne sont pas gratuits.

96 % des femmes sont concernées par le remboursement via une mutuelle selon la ministre, alors tant pis pour les autres, et les futures qui ne pourront bientôt plus s'en permettre une.

Une autre avancée nous paraît être l'obligation (page 9) d'une formation spécifique pour les anatomo-pathologistes à la sénologie, avec l'aveu implicite là aussi de certains manquements de compétences jusqu'ici, d'un manque d'autocontrôle professionnel à l'instar de celui des radiologues qui ont opté pour une deuxième lecture des clichés (malheureusement, avec sa dérive vers des fausses alertes majorées).

Le diagnostic histologique n'est donc point infaillible, et il faut bien reconnaître qu'un travers des histo-pathologistes, comme des radiologues d'ailleurs, est de "sur-classer" un examen qui apparaît douteux ou "entre-deux". Ainsi un carcinome in situ pas totalement de bas grade mais quand-même pas franchement affolant sera facilement "upgradé" (confession d'un anatomo-pathologiste lui-même..) En radiologie le classement de la mammographie en stade ACR3, qui veut dire que la lésion vue à la mammographie mérite une surveillance, sera très souvent revue en ACR4, classification conditionnant d'emblée une biopsie. Cela permet au radiologue de mieux dormir, de procéder à un acte supplémentaire et à la femme de "bénéficier" d'une biopsie dont elle n'aurait pas eu besoin. C'est ainsi qu'on assiste à une quasi-disparition progressive de la classification de surveillance en mammographie et du fait que 90% des biopsies effectuées sont superflues (valeur prédictive positive de la mammographie n'est que de 9%)

 

En conclusion :

En bref, on demande donc à des médecins non formés, à des gynécologues et des radiologues fortement orientés pro-dépistage à informer les femmes sans avoir d'outil pour évaluer leur score de risque, ni les outils pour la formation des médecins et l'information des femmes.. Le tour est joué. On continue donc, en "sensibilisant" encore plus tôt, et en incitant la patientèle par tous les moyens (maintien de la ROSP et accès au fichier d'éligibilité des femmes pour recruter les non-obéissantes).

L'Inca, surpris et dépité par le rapport de concertation auquel, vu le communiqué envoyé à la ministre le lendemain de sa publication, il ne s'attendait pas, est en passe ici de "rectifier" les conclusions de la concertation et de remettre tout ça "dans le droit chemin"...

Pas un mot sur les demandes des citoyennes sur l'évaluation du dispositif, sur la publication d'études françaises.

On continuera donc de façon "améliorée" alors qu'on n'a toujours toujours pas intégré que la détection précoce est un non-sens, qu'elle ne sert à rien tant qu'on n'a pas compris l'histoire naturelle du cancer, tant qu'on ne saura pas déterminer à partir de quand on est malade. Tant qu'on ne saura isoler quelles sont les tumeurs à haut pouvoir de progression et qui évolueront, quelles sont celles qui n'entraîneront jamais de conséquences sur la vie de la femme. Et comme on ne comprend pas on "améliore", on effectue une course en avant avec un surdiagnostic croissant sans intervention sur les taux de mortalité, les femmes vont être encore plus apeurées, inquiétées, pour rien.

Le vernis passé sur un dépistage indigent et inopérant perpétue cette violence faite aux femmes, ne règle rien d'un surdiagnostic qui anéantit la santé et le bien-être de millions de femmes. Comment appelle-t-on une attitude où l'on inflige une conduite délétère à la population en lui tenant des promesses non tenues et intenables ? Ça s'appelle du charlatanisme.

Merci Mme la Ministre.

 

Tout sur la concertation : articles concertation

A lire aussi : Article Figaro/Santé

Et l'analyse du Dr Dupagne, avec une analogie à une concertation canadienne il y a 20 ans, sabordée un peu de la même façon :

Dupagne, conférence de consensus canadienne 1997

 

 

 

 

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