Dr Pierre Biron nous éclaire

21/03/2017

Dr Pierre Biron, auteur de l'alter dictionnaire médico-pharmaceutique bilingue (*voir au bas de l'article), nous parle des radiations auxquelles nous sommes soumis, selon une échelle de risque graduelle, pour que nous puissions nous faire une idée de ce que nous subissons, notamment lors d'examens diagnostiques.

Article de Dr Biron : "Des dépistages aux accidents nucléaires", cliquez le lien ci-dessous

Des dépistages aux accidents nucléaires

L'unité mentionnée par Dr Pierre Biron est le Sievert.

Les trois unités de mesures du rayonnement ionisant les plus utilisées, que vous rencontrerez dans les articles sur le sujet sont :

le Becquerel, le Gray et le Sievert.

Le Becquerel (Bq) est l’unité de l’activité radioactive, celle qui sort de la source irradiante.

Le Gray (Gy) est l’unité de la dose de rayonnement absorbée par unité de masse : il représente l’énergie transmise à la matière par une source de rayonnements ionisants située à proximité.

Le Sievert (Sv) lui, va tenir compte de l'effet de ce rayonnement sur la matière qui l'a absorbé, c'est à dire qu'il montre l'effet spécifique provoqué selon le tissu exposé. (Une certaine dose n'a pas le même effet selon qu'elle traverse un cerveau ou une structure osseuse.)

Si on veut donner une explication imagée avec une balle qu'on aurait lancée, le Becquerel serait l'énergie de la balle propulsée par la source émettrice, le Gray mesurerait l'impact de la balle sur le corps qu'elle va frapper, le Sievert prend en compte l'effet sur la matière quand la balle a traversé le tissu, à la sortie. 

Cliquez sur l'image pour accéder au lien de l'article "la radioactivité pour les nuls"

Vous verrez qu'en effectuant une mammographie vous avez déjà atteint votre dose annuelle naturelle, en sus de la dose annuelle que vous recevrez vraiment ! Plus la dose d'autres examens diagnostiques irradiants qui s'y rajouteront (scanners, radios du thorax etc....)

Relire aussi : "mammograhie et radiosensibilité"

Dr Annette Lexa, notre toxicologue, s'est penchée sur la toxicité potentielle de ces rayonnements ionisants répétés, dans son article publié sur notre site : https://www.cancer-rose.fr/mammographies-et-radiosensiblite/

Donc, les radiographies, ce ne sont pas des photos de vacances !

*C'est un dictionnaire anglais-français médico-phamaceutique, mais aussi un manuel d'initiation à la méthodologie en pharmacovigilance et en pharmacologie clinique, également un ouvrage de documentation sur la surmédicalisation et la surmédicamentation. alerdictionnaire

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Le surdiagnostic, par Dr Bernard Duperray

2015

Le dépistage des cancers du sein et son objectif, un diagnostic plus précoce pour mieux guérir : un leurre pervers ?

Par Dr Bernard Duperray

Médecin radiologue retraité après 41 ans de pratique sénologique

à l’hôpital Saint Antoine, Paris.

Ancien président du comité scientifique pour la mise en place du dépistage du cancer du sein (à titre expérimental) dans l’Oise, a démissionné de ces fonctions en 1995, quand il s’est agi d’étendre le dépistage sur le plan national.

Pas de lien d’intérêt.

Abstract

The average tumor size at diagnosis has been declining but one cannot see any drastic drop in mortality. Where a decline in mortality is observed, it is the same among screened and unscreened women. There is no decline in advanced forms nor in the number of total mastectomy. Epidemiological studies generated by screening provided evidence of its failure far above clinical findings. Trying to obtain an early diagnosis by screening mammography is an illusion.

In addition, the setting up of mass screening revealed a significant pernicious effect : overdiagnosis and its corollary, overtreatment. Overdiagnosis is an explanation of the contradiction between the apparent success of the treatment on so called early diagnosed cancer thanks to screening and the absence of significant mortality reduction within the population.

The need for a new definition of the cancerous breast disease and its natural history becomes evident.

Voir aussi la présentation de Dr Duperray : présentation le surdiagnostic

Tout a commencé par une évidence à priori intuitivement inébranlable

Plus on détecte tôt un cancer du sein, plus la lésion est petite au moment du diagnostic, meilleur est le pronostic.

C’est l’impression que donne l’observation clinique superficielle en dehors de toute considération épidémiologique.

A partir de cette impression s’est élaborée l’hypothèse d’une histoire naturelle du cancer du sein qui a toujours cours aujourd’hui.

Selon cette conception, une lésion de petit volume signifie une lésion diagnostiquée précocément. Petit et précoce sont synonymes de curable.

Si l’on n’intervient pas, la progression de la maladie est inéluctable et linéaire dans le temps avec un enchaînement mécanique :

Cellule atypique > carcinome in situ > cancer invasif > métastases > décès par cancer.

Le cancer est perçu comme une maladie d’organe à extension progressive, loco régionale puis générale secondairement avec des métastases.

Ce schéma est validé par Halsted, un chirurgien nord américain qui annonce en 1894 qu’une chirurgie radicale enlevant le sein, le plan pectoral, les ganglions, etc… diminue les récidives et permet de guérir la maladie.

Dans le schéma « Halstedien» :

la dissémination tumorale se fait mécaniquement.
le type d’intervention détermine le devenir de la patiente.
tout retard de diagnostic est préjudiciable.
Le dépistage et, grâce à celui-ci, le diagnostic précoce devaient aboutir à une baisse drastique de la mortalité, à l’éradication des formes évoluées et à la diminution du nombre de mastectomies totales. Grâce au dépistage, on ne devait plus mourir prématurément d’un cancer du sein.

Cette hypothèse paraissait d’autant plus plausible que le cancer du sein constitue un modèle pur pour la cancérologie qui revendique ce schéma : il siège dans un organe externe, facile d’accès, non vital, susceptible d’une chirurgie radicale. Tous les ingrédients d’un succès du dépistage étaient réunis.

Quelles sont les constatations cliniques et épidémiologiques après 25 ans de pratique du dépistage à la recherche du fameux diagnostic précoce ?

La lutte contre le cancer du sein a eu pour priorité la recherche d’un diagnostic précoce. Ainsi, la taille des tumeurs au moment du diagnostic n’a cessé de se réduire : on se plait à dire qu’on est passé entre les années 50 et 80 “ de la prune au noyau” avec une diminution du nombre de creux axillaires envahis.

Aujourd’hui, la taille moyenne des tumeurs au moment du diagnostic est inférieure à 2 cm. Mais on n’observe pas la baisse drastique de mortalité attendue. Là où une baisse de mortalité est constatée, elle est identique chez les femmes dépistées et les femmes non dépistées. Il n’y a pas de recul des formes évoluées ni de recul du nombre de mastectomies totales. (1), (2), (3) (4)

Le cancer du sein reste une préoccupation majeure de santé publique.

La polémique sur les résultats des méta analyses des études randomisées est dépassée. Il faut inclure les études les plus biaisées pour montrer une baisse de mortalité, d’ailleurs constamment revue à la baisse. L’absence de résultat sur les études en population va dans le même sens pour affirmer que le dépistage et la recherche d’un diagnostic précoce sont un échec. (5) (6) (7)

De même, la mastectomie radicale mutilante de Halsted a été un échec.

Il a fallu attendre les années 1970/80 pour que Fisher et Veronesi remettent en cause l’hypothèse « Halstédienne » par des études randomisées et avancent une hypothèse alternative, qui ouvrait la voie à la chirurgie conservatrice :

« Il n’y a pas d’ordre dans la dissémination de la tumeur. Les variations de traitement n’affectent pas la survie. »

Ces constatations n’ont abouti ni à une remise en question du schéma retenu de l’histoire naturelle des cancers du sein ni à un changement des pratiques. Pourtant, il est évident que petit ne signifie pas précoce, volumineux n’exclut pas un diagnostic précoce, petit ne signifie pas obligatoirement bon pronostic.

Deux constatations paraissent totalement contradictoires :

1) Plus petite est la lésion découverte, meilleur est le pronostic.
2) La diminution de la taille moyenne des lésions obtenue en population ne s’accompagne pas d’une baisse significative de la mortalité.
Par ailleurs, parallèlement à cette diminution de taille, on constate une augmentation considérable de l’incidence de la maladie, c'est-à-dire du nombre de nouveaux cas découverts chaque année. L’incidence des cancers du sein en France a été multipliée par 2,3 entre 1980 et 2000.

Deux hypothèses sont envisageables : une simple coïncidence entre la mise en place du dépistage et la survenue d’une épidémie de cancers du sein ou l’apparition de diagnostics de cancer du sein en excès liée au dépistage : le surdiagnostic. (8)

Si l’accroissement continu des nouveaux diagnostics annuels correspondait à une épidémie de cancers à évolution létale, il faudrait alors que la réduction de mortalité grâce au dépistage soit considérable : on aurait un cancer guéri pour un décès en 1980 et trois cancers guéris pour un décès en 2000. Or ni les résultats les plus optimistes des essais contrôlés concernant la réduction de mortalité ni les progrès thérapeutiques durant cette période ne peuvent soutenir cette hypothèse.

En outre, les études épidémiologiques et les résultats d’autopsies systématiques dans une population sans pathologie mammaire connue montrent un excès de cancers par rapport à ce qui est observé dans le même temps dans la population générale. (9) Plus on cherche, plus on trouve !

L’hypothèse d’une majoration du surdiagnostic liée au dépistage n’a pas de contre argument objectif. L’augmentation de l’incidence est essentiellement due au surdiagnostic même si des facteurs environnementaux interviennent également. Mais les facteurs environnementaux ne peuvent pas expliquer la brutalité de l’accélération. (10) (11)

Le surdiagnostic a une définition encore trop vague.

Le surdiagnostic est le diagnostic histologique d’une “maladie” qui, si elle était restée inconnue, n’aurait jamais entraîné d’inconvénients durant la vie de la patiente.

Dans le contexte de nos connaissances actuelles, ce n’est pas une erreur de diagnostic, c’est un diagnostic correct mais sans utilité pour la patiente. (12) (13)

Ce concept pose un problème, il est totalement contre intuitif. Le surdiagnostic n’est identifiable ni par le soignant ni par l’anatomopathologiste ni par la patiente. Pour eux, il n’y a que des diagnostics.

Sa réalité est mise en lumière par l’épidémiologie, en comparant des populations soumises à un dépistage d’intensité variable. Sans l’aide de l’épidémiologiste, la confusion entre taux de létalité et taux de mortalité est inévitable et elle masque la réalité du surdiagnostic.

Le taux de létalité est le nombre de décès rapporté au nombre de diagnostics de cancer du sein. L’augmentation de l’activité diagnostique (dépistage) induit une augmentation des cas prévalents et du surdiagnostic noyé dans la masse des diagnostics, elle contribue ainsi à la diminution du taux de létalité et à l’impression d’un succès.

C’est la perception qu’a le clinicien de la maladie chez un individu.

Le taux de mortalité est le nombre de décès rapporté à l’ensemble de la population. C’est ce qui mesure vraiment l’efficacité d’une opération de santé publique. C’est la perception qu’a l’épidémiologiste de la maladie en population.

Ce sont deux approches différentes de la maladie. En prendre conscience permet de comprendre la difficulté qu’éprouve le clinicien à ne pas se laisser égarer par le surdiagnostic.

Le surdiagnostic est une explication de la contradiction entre le succès apparent des traitements sur des cancers diagnostiqués soi-disant “précocément” grâce au dépistage et l’absence de réduction significative de la mortalité en population. (14)

Le surdiagnostic, plus fréquent parmi les petites tumeurs sans envahissement ganglionnaire, donne l’illusion de l’efficacité d’un diagnostic précoce, du dépistage et des traitements inutiles subis par les patientes surdiagnostiquées. (15)

Dans l’état actuel de nos connaissances, il nous est impossible de différencier un cancer évolutif létal d’un cancer surdiagnostiqué mais ce que nous pouvons dire, pour en finir avec des pratiques médicales qui détruisent la vie de femmes bien portantes, c’est qu’une femme asymptomatique n’a aucun intérêt à risquer un surdiagnostic par le dépistage, qu’il soit de masse ou individuel, dans l’espoir d’un diagnostic précoce car le dépistage n’a aucun résultat probant, qu’il s’agisse de la baisse de mortalité ou de la réduction des formes avancées.

La recherche d’un diagnostic précoce par le dépistage de masse organisé a été le catalyseur du surdiagnostic mais, en même temps, ce dépistage de masse a permis grâce aux études épidémiologiques qu’il a suscitées, d’apporter des éléments de preuve supérieurs à la simple observation clinique et il a mis en lumière la nécessité d’une nouvelle définition de la maladie cancéreuse du sein et de son histoire naturelle.

Une conception de la définition et de l’histoire naturelle de la maladie à réécrire.

Les pratiques diagnostiques et thérapeutiques actuelles sont liées à une définition de la maladie et à une hypothèse de son histoire naturelle erronées, qui perdurent depuis la fin du XIX siècle bien qu’elles soient contredites depuis des décennies par les faits et bien que leur bilan soit désastreux : la mortalité par cancer du sein a peu baissé, celui-ci reste un des cancers féminins les plus meurtriers, alors qu’on lui a consacré plus de moyens qu’à d’autres pathologies. (16)

Rien dans l’histoire naturelle de la maladie que l’on observe avec les outils d’aujourd’hui ne permet de caractériser la notion de précocité du diagnostic. On ne connait pas l’élément fondateur de la maladie.

Par ailleurs, il n’y a pas de lien de proportionnalité entre la taille tumorale et l’écoulement du temps. Du lien constaté entre la taille de la tumeur et le pronostic, on a déduit abusivement une corrélation entre petite taille tumorale et précocité du diagnostic, sous prétexte qu’une lésion a été petite avant d’être grosse.

Or l’évolution de la maladie n’est pas linéaire : des tumeurs peuvent rester stables, régresser, disparaître, devenir grosses en quelques jours, des tumeurs millimétriques être métastasées. L’augmentation considérable du nombre de cancers in situ diagnostiqués et traités ne s’est pas accompagnée d’une diminution du nombre des cancers invasifs.

La présence du surdiagnostic est la preuve que la maladie évolutive ne débute pas obligatoirement avec la découverte de l’anomalie histologique qui fait porter le diagnostic de cancer du sein. Cela vaut aussi bien pour des cancers invasifs que des in situ. Comment dans ces conditions parler de diagnostic précoce qui améliorerait le pronostic ?

La quête d’un diagnostic précoce réalise simplement un biais de sélection, qui favorise le surdiagnostic. Cela explique que la mortalité ne soit pas influencée par le dépistage dans la population malgré la diminution de la taille tumorale observée en moyenne.

La spécificité du dépistage de masse organisé est le paradoxe suivant : plus il s’améliore techniquement (et on ne cesse de l’améliorer), plus il devient pervers.

En effet, la définition purement histologique du cancer du sein est insuffisante pour caractériser la maladie mortelle. Avec un même symptôme, la tumeur épithéliale, le cancer du sein apparaît comme une maladie hétérogène aux modalités évolutives multiples et opposées, allant de la régression à la mort, sans lien avec la précocité du diagnostic.

Conclusion :

Ces positions à contre courant découlent simplement de l’observation des résultats du dépistage. Le choix de celui-ci dans l’optique d’un diagnostic le plus précoce possible est un cul de sac.

Le diagnostic « précoce » obtenu par la mammographie de dépistage est un leurre qui catalyse l’effet pervers le plus grave du dépistage : le surdiagnostic avec son corollaire, le surtraitement, intolérable compte-tenu de la nature des soins prodigués.

Différer le diagnostic chez des femmes asymptomatiques est sans conséquence sur leur avenir, bien au contraire. L’heure est à la reconstruction d’une théorie de l’histoire naturelle du cancer du sein plus conforme aux faits et connaissances actuelles.

Il faut en premier lieu répondre aux questions suivantes :

- Qu’est – ce qu’un cancer ? Une maladie mortelle qui finit par tout envahir ou une anomalie cellulaire repérée au microscope à un moment t sans préjuger de son devenir ?

- A partir de quand est-on malade ?

- Pourquoi certains cancers ne se développent-ils pas ou régressent ?

- Quel est le rôle réel de la tumeur épithéliale dans la maladie cancéreuse ?

D’ores et déjà, la reconnaissance du surdiagnostic et de toutes ses conséquences devrait modifier les pratiques médicales, les résultats thérapeutiques étant actuellement mal interprétés du fait du surdiagnostic, dédramatiser l’urgence diagnostique, déculpabiliser les sceptiques, inciter le corps médical à être moins péremptoire dans ses propositions diagnostiques et thérapeutiques.

Biblio

(1) - BMJ 2014; 349 doi: http://dx.doi.org/10.1136/bmj.g6358 (Published 26 November 2014) Cite this as: BMJ 2014;349:g6358 Mammography screening Stable incidence of advanced breast cancer argues against screening effectiveness. Philippe Autier, Cécile Pizot, Mathieu Boniol, professor and senior statistician1

(2) - Autier P., Boniol M., Gavin A., Vatten L. J. « Breast cancer mortality in neighbouring European countries with different levels of screening but similar access to treatment: trend analysis of WHO mortality database » BMJ 2011;343:d4411

(3) - « Mammography screening. Truth, lies and controversy » ; P.C. Gotzsche ; Radcliffe Publishing, Londres, Prix Prescrire 2012

(4) - Nikola Biller-Andorno,MD. Ph.D, Peter Jüni,MD ; “Abolishing Mammography Screening Programs ? A View from the Swiss Medical Board. N Engl J Med 2014 ;370 :1967 ; May 22, 2014 ; DOI : 10.1056/ NEJM p 140 1875.

(5) - GOTZSCHE PC NIELSEN M Screening with mammography (Review) Cochrane 7 octobre 2009 issue 4

(6) - Commentary on: Does screening for disease save lives in asymptomatic adults? Systematic review of 5 meta-analyses and randomized trials ; Paul G. Shekelle. International Journal of Epidemiology, 2015, 1–2 doi: 10.1093/ije/dyu267

(7) - Revue Prescrire, (mars, avril, mai 2006, oct 2007)

(8) - Overdiagnosed: Making People Sick in the Pursuit of Health ; H. Gilbert Welch (Author), Lisa Schwartz (Author), Steve Woloshin (Author)

(9) - Nielsen M, Thomsen JL, Primdahls et al. Breast cancer and atypia among young and middle-aged women : a study of 110 medicolegal autopsies. Br J Cancer 1987 ; 56 : 814-819.

(10) - Jorgensen K J, Gotzsche P C Overdiagnosis in publicly organised mammography screening programmes: systematic review of incidence trends BMJ 2009 ; 339:b2587

(11) - Overdiagnosis and Overtreatment in Cancer An Opportunity for improvement. » Laura J. Esserman, MD, MBA, Ian M Thompson, Jr, MD, Brian Reid, JAMA. August 28, 2013; 310(8)

(12) - BMJ 2016 ; 352:h6080 doi: 10.1136/bmj.h6080 (Published 6 January 2016) Why cancer screening has never been shown to “save lives”—and what we can do about it

(13) - « Dois je me faire tester pour le cancer ? Peut-être pas et voici pourquoi. » G. Welch, Les presses de l’université de Laval. 2005

(14) - Médecine (vol 2 N° 8 2006) « Le dépistage : Une bonne intention, une mauvaise théorie de l’histoire naturelle de la maladie, un résultat absurde » Duperray B, Junod B.

(15) - "Twenty five year fellow-up for breast cancer incidence and mortality of Canadian National Breast Screening Study : randomised screening trial" Anthony B Miller, C Wall, C J Baines, P Sun, T To, BMJ / 2014, 348 g366 doi : 10.1136

(16) - Harding C et coll. et coll. Breast Cancer Screening, Incidence, and Mortality Across US Counties. JAMA Intern Med. Published online July 06, 2015. doi:10.1001/jamainternmed.2015.3043

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Un autre dépistage : celui du cancer colo-rectal, témoignages et avis divergents

Cancer Rose vous offre une tribune citoyenne. Vous aussi, vous pouvez témoigner.

14/03/2017

Les dépistages en général en question

Des scientifiques se sont penchés en 2015 sur la question de savoir si oui ou non les dépistages sauvaient nos vies ; résumé et analyse de cette réflexion conduite par le Dr Vinay Prasad ici:

http://www.clubdesmedecinsblogueurs.com/category/echec-du-depistage/

Et là : http://docteurdu16.blogspot.fr/2016/01/edition-speciale-pourquoi-le-depistage.html

Nous vous avons informés récemment sur le dépistage du cancer de la prostate au travers de l'article de Dr Philippe Nicot : https://www.cancer-rose.fr/en-parallele-au-depistage-du-sein-celui-de-la-prostate-du-surdiagnostic-aussi/

Dans ce cas, alors que ce dépistage est encore pratiqué par certains, on est pourtant au-delà de la controverse, son inutilité était actée par les autorités sanitaires elles-mêmes.

Le dépistage du cancer colo-rectal, avis du Dr Dupagne

Il fait l'objet d'une campagne promotionnelle de la part de l'Inca, avec à nouveau le genre de clip super-flippant qu'on adore, et qui permet à tout le monde de cauchemarder sans rien comprendre.

Hormis le fait qu'on s'interroge pourquoi les communiquants angoissés de l'Inca optent toujours pour le même mode de "sensibilisation" des foules, il nous a paru bien plus intéressant de relayer un article du Dr Dominique Dupagne qui ouvre le débat avec une confrontation fictive entre deux professionnels d'avis divergents.

Pas toujours facile de comprendre pourquoi un dépistage serait bénéfique sur le plan collectif mais pas forcément sur le plan individuel, d'où nous arrivons toujours à la même conclusion, l'important est d'expliquer les choses le plus clairement et objectivement possible, et puis d'informer les populations. "Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire..." etc etc...

Nous vous conseillons donc également la lecture des commentaires en-dessous de l'article, au travers desquels s'est instaurée une discussion entre professionnels de santé sur le terrain, pas toujours du même avis.

http://www.atoute.org/n/article352.html#forum11147

 

Un avis contraire, celui de Doc du 16

Nous relayons l'avis contraire, paru jeudi 23 mars sur le blog du Docteur du 16 :

l'avis de Doc du 16

Le ton est un peu moqueur, mais pour Doc du 16 "il eût été beaucoup plus profitable pour tous qu'il (Dr Dupagne) prît l'exemple de CE dépistage pour donner la parole au citoyen (n'oublions pas le point fondamental : le dépistage concerne des gens non malades)."

Dans cet article vous trouverez aussi les représentations infographiques qui nous sont chères, et qui rendent l'enjeu plus visuel, comme pour les autres dépistages, dans l'article vous trouvez ces présentations pour trois tranches d'âge..

Nous vous conseillons ici aussi de lire les commentaires sous l'article.

En tous cas, le débat n'est pas tranché....

 

 

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Débat sur la pertinence des dépistages à l’Académie de Médecine

2/03/2017

Le premier mars 2017 l’Académie de Médecine organisait un débat public sur la pertinence des dépistages.

par Dr Cécile Bour

http://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2017/01/Programme-DEPISTAGES.pdf

Pour la partie abordant le dépistage du cancer du sein, les participants sont MMe Catherine Hill, Dr De Bels, Pr Jacques Rouëssé, Dr Serradour.

Mme Catherine Hill est épidémiologiste à l’Institut Gustave Roussy.

Mme Serradour a été nommée le 30 avril 2002 par la ministre de la santé de l’époque comme personnalité qualifiée pour le groupe technique du cancer du sein. A ce titre elle a participé à la mise en place et au développement du dépistage du cancer du sein par mammographie dans sa région. Elle est également fréquemment sollicitée par les médias nationaux où elle défend l’intérêt de la mammographie de dépistage depuis de nombreuses années.

Dr Jacques Rouëssé a été Chef de Service de Médecine cancérologique à l'Institut Gustave-Roussy de Villejuif, directeur du Centre anticancéreux René Huguenin de Saint-Cloud et depuis 2001 membre correspondant de l'Académie Nationale de Médecine responsable de la présidence de la Commission Cancer.

Mr De Bels est responsable-dépistage de l’Institut National du Cancer.

L’Académie elle-même avait déjà publié en 2007 le résumé d’un rapport international pour l’évaluation des causes du cancer

L’Académie elle-même avait déjà publié en 2007 le résumé d’un rapport international pour l’évaluation des causes du cancer (analyse de Dr Dupagne à retrouver ici http://www.atoute.org/n/article60.html), dont il ressort …que la médecine et l’activité intempestive de dépistage en sont les principaux responsables !

Le sujet du surdiagnostic, c’est-à-dire ces lésions dont le diagnostic est inutile pour la personne et qui constitue le principal effet délétère du dépistage, est évoqué.

Pages 3 et 8 :

L’accroissement de l’incidence globale des cancers depuis 1980 est, pour la plus grande part, dû au perfectionnement des méthodes diagnostiques et au dépistage qui décèlent des petits cancers très faiblement évolutifs qui auraient pu rester méconnus. Dans les cancers où ce phénomène a le plus joué, l’incidence a augmenté brutalement, tandis que la mortalité restait stable ou diminuait à cause des progrès thérapeutiques (c’est le cas des cancers du sein, de la prostate et de la thyroïde). Pour d’autres cancers, incidence et mortalité ont évolué parallèlement. En général, la mortalité est un indicateur plus fiable que l’incidence pour évaluer l’importance des cancers dans une population.

Les taux d’incidence, après standardisation, ont augmenté de 1980 à 2000 de 23% chez les hommes et de 20% chez les femmes. <….. >L’introduction de méthodes diagnostiques ultrasensibles augmente le nombre de cancers détectés et découvre des petits cancers dont le potentiel évolutif est faible, dont le volume aurait pu rester stable pendant de longues périodes et pour certains jusqu’à la mort du sujet. C’est notamment le cas de la mammographie pour le cancer du sein, du dosage du PSA pour celui de la prostate et de l’échographie pour le cancer de la thyroïde. Dans ces cas, l’incidence est augmentée mais pas la mortalité.

Il est louable que l’Académie nationale de médecine, vieille institution dont la mission est de donner son avis, de conseiller dans les domaines de la santé, dans les questions éthiques et de santé publique, prend le parti de s’emparer d’un sujet actuel et de plus en plus dans la controverse, celui de la pertinence des dépistages.

Y avait-il besoin d’un nouveau débat ?

En ce qui concerne le dépistage du cancer du sein, rappelons qu'un débat public citoyen ET scientifique a déjà eu lieu dont nous disposons des conclusions. Le rapport du comité d'orientation de la concertation citoyenne, initiée par Mme la Ministre en 2015 était en faveur de l’arrêt du dépistage, et ce dans ses deux scénarios.

rapport concertation

Malheureusement, assez peu de publicité en a été fait, à tel point que très peu de femmes connaissent ces conclusions et que même la plupart des professionnels de santé les ignorent.

Alors oui peut-être qu’à ce titre il était important que l’Académie reprenne le sujet publiquement, et essaie de retracer les grandes lignes de ce qu’on sait actuellement selon les données actuelles des connaissances. Voici ce qui ressort de ce colloque :

-Le cas du dépistage du cancer de la thyroïde :

il est l’exemple-type du dépistage inutile : le nombre de cancers est passé de 2000  en 1975 à 10000 par an actuellement, mais avec un taux de mortalité non diminué (400 morts tous les ans)

-Le dépistage du cancer de la prostate

Aucune autorité sanitaire ou agence ne le recommande chez un homme asymptomatique, et il est malgré tout encore prescrit (cf article : https://www.cancer-rose.fr/en-parallele-au-depistage-du-sein-celui-de-la-prostate-du-surdiagnostic-aussi/ )

Il est clairement établi que le surdiagnostic se fait en masse sans diminution de la mortalité. A tel point que le découvreur lui-même du test par dosage des PSA en était arrivé à regretter sa propre découverte. En effet Richard Albin, s’inquiétait du « désastre de santé publique » provoqué par sa découverte. Dans une tribune publiée en 2010 dans le New York Times, il écrit : « Jamais je n’aurai pu imaginer, quatre décennies plus tôt, que ma découverte allait provoquer un tel désastre de santé publique, engendré par la recherche du profit. Il faut arrêter l’utilisation inappropriée de ce dosage. Cela permettrait d’économiser des milliards de dollars et de sauver des millions d’hommes de traitements inutiles et mutilants. »

Dans ce domaine et comme pour le cancer de la thyroïde, il faut se départir de l’idée qu’un cancer de petite taille serait forcément moins dangereux. Une toute petite lésion peut déjà être métastatique.

-Le dépistage du cancer du sein: la nature agressive ou pas du cancer compte plus que sa taille.

D’où il ressort qu’il va falloir enfin parler honnêtement aux femmes et faire table rase une bonne fois pour toutes des slogans fallacieux véhiculés par la campagne d’octobre rose en particulier, table rase de ce prêt-à-penser idiot et mensonger selon lequel plus un cancer est détecté petit et plus il est « pris à temps ». Ce qui ne veut rien dire. Il est temps de rectifier le tir après 30 années de désinformation des femmes, et temps de leur tenir un langage médical et précis.

MMe Catherine Hill expose les chiffres suivants :

  • 10 surdiagnostics pour 1 décès évité pour la tranche d’âge entre 40 et 49 ans. (Rappelons que la HAS ne recommande pas de dépistage avant 50 ans, ce qui semble évident au vu des données épidémiologiques de cette tranche plus jeune.)
  • 4 surdiagnostics pour 1 décès évité pour la tranche d’âge 50-69 ans
  • 2 surdiagnostics pour 1 décès évité pour les 70-74 ans. Notons que pour cette dernière tranche d’âge, l’importance du surdiagnostic potentiel est à reconsidérer à l'aune des faits suivants : les cancers de cette tranche d’âge sont moins agressifs et évoluent moins vite, la patiente a une probabilité plus importante de décéder d’une autre cause que de son cancer (8Xplus par une maladie cardio-vasculaire), et pour terminer il faut garder à l'esprit que des traitements lourds peuvent être plus préjudiciables et entraîner plus de morbidité que le cancer lui-même sur ce terrain plus fragile. (NDLR)

Voilà la façon dont il faudrait présenter la réalité aux femmes, la vraie question étant de savoir combien de femmes sont surdiagnostiquées pour en sauver une, cela par tranche d’âge, ce qui est une présentation plus parlante et objective que des données en pourcentages relatifs dont on n’a que faire. Il faut impérativement que les prochains documents d’information s’en inspirent.

Ce qui saute aux yeux néanmoins, c’est bien une balance bénéfice-risque du dépistage systématique du cancer du sein qui n’est pas en faveur du bénéfice, et ce pour chaque tranche d’âge. Ce déséquilibre désavantageux pour les femmes s’accentue plus encore lorsqu'on inclut dans les risques les nombreuses fausses alertes et biopsies inutiles qui découlent d'un dépistage de masse (NDLR).

Il s’avère lors de ce débat à quel point le problème du surdiagnostic, c’est-à-dire d’un diagnostic inutile, et du surtraitement qui en découle, est un problème épineux, contre-intuitif et de ce fait difficile à expliquer, d’autant qu’est toujours ancré dans les esprits après 30 années de propagande qu’un petit cancer serait plus favorable qu’un gros et que la détection d’une petite lésion signifierait automatiquement qu’on l’ait prise « à temps ».

Nous renvoyons nos fidèles lecteurs à cet excellent article de Dr Duperray : https://www.cancer-rose.fr/le-sur-diagnostic-par-dr-bernard-duperray/

et aussi à cette présentation du Dr Thériault, avec l'aimable autorisation de l'auteure :

https://www.cancer-rose.fr/tout-comprendre-sur-le-surdiagnostic-en-medecine/

Selon la modératrice des débats, le Dr Hélène Sanchez-Garnier, il devient impératif de s’interroger en permanence sur le bénéfice par rapport au risque à chaque démarche. Il faut s’appuyer sur l’intelligence des femmes et leur expliquer les vrais risques et les réels bénéfices. En amont il apparaît nécessaire de former correctement les médecins pour les mettre en situation de pouvoir informer les femmes loyalement et efficacement.

Rappelons qu’une des nombreuses demandes de la concertation portait sur le besoin d’une information honnête évoquant le potentiel bénéfice mais tout autant les risques inhérents au dispositif.

Mme le Dr Serradour insiste sur le fait que lorsque la patiente se décide pour une mammographie, alors elle doive opter pour un dépistage organisé plutôt qu'un dépistage dit "individuel" en raison d’une meilleure garantie de qualité des appareillages lors du dépistage organisé. Cet argument nous semble vraiment tiré par les cheveux, les radiologues ont à cœur de garantir un appareillage moderne et surveillé, il en va de leur exercice professionnel, un contrôle de qualité peut être imposé à chaque cabinet même en dehors de toute campagne systématique.

Dr Jean-Philippe Rivière, un des rédacteurs du rapport final de la concertation citoyenne intervient dans l'entre-débat afin de rappeler très à propos l'incertitude sur les données, l'absence d'études de cohortes françaises et l'absence totale d'information objective des femmes. Le poids du marketing rose dans la presse prévaut largement par rapport au relai médiatique sur la controverse (et encore plus par rapport au relai médiatique sur la concertation citoyenne NDLR).

Dr Rivière pose la question sur l'exclusion du médecin généraliste du dépistage du cancer du sein, alors qu'il gère tous les autres dépistages, pourquoi ne peut-il pas s'occuper de celui du cancer du sein avec une adaptation au risque de ses patientes ?

La conclusion :

Mme Hill conclut en soulignant que défendre le dépistage sous prétexte « qu’il est recommandé par les autorités, ou qu’il est bien fait, ou que l’éthique est respectée, n’est pas une réponse adéquate aux questions qui continuent à se poser, les principales étant :

  • Quel est le bénéfice apporté par un dépistage réalisé ?
  • Quel est le risque de surdiagnostic ?

Le dépistage n’est pas une affaire de religion, il faut en examiner les données et les comprendre ».

Pour elle, une femme refusant le dépistage du cancer du sein est moins déraisonnable qu’une femme continuant à fumer.

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Tout comprendre sur le surdiagnostic en médecine

Présentation surdiagnostic

Ci-dessus, vous trouverez un PDF du Dr Guylaine Thériault (Canada), qui sert à des conférences pour les médecins de la province, sous l'égide de l'AMQ, l'Association Médicale du Québec.

Il est à destination des professionnels mais nous paraît suffisamment didactique et pédagogique pour un accès également aux profanes s'intéressant à ce sujet du surdiagnostic dans de multiples domaines, phénomème-apanage de la médecine dite préventive, axée sur le dépistage de masse.

A propos de l'auteure :  Dr Guylène Thériault, médecin de famille au Québec, diplômée en evidence-based healthcare, Oxford, certification en cours en value-based healthcare, Darmouth, membre du "Clinical leaders group" de Choosing Wisely Canada.

Site web : http://www.cassf.ca/

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

AMELI, ma Bonne Mère….

Par Dr Annette Lexa, 18 janvier 2017

AMELI s’est donné pour mission de veiller sur ma santé.

AMELI est une bonne mère pour moi. Au-dessus d’AMELI , il y a le Père, l’Etat paternaliste et bienveillant qui a donné mission à ses bergers de veiller sur ses brebis, particulièrement sur les brebis égarées qu’il s’agit de faire rentrer dans le troupeau. Et AMELI s’y emploie, avec des communicants que rien n‘arrête.
Etre une femme est un rude parcours, à chaque âge de la vie. J’ai connu les humiliations paternalistes dans mes jeunes années, mais je ne pensais pas qu’à 50 ans passés, je ferais l’objet d’une telle attention infantilisante et manipulatrice. A moins que ce ne soient les impératifs d’une politique de relance keynesienne[1] du marché et donc de la croissance obligée des dépenses de santé auxquelles je suis sommée de participer en donnant de mon corps ? C’eut été moins immoral en ce cas, juste « amoral ».

Parce que, jusqu’à l’âge de 49 ans et 364 jours, je vivais plutôt bien, je me savais mortelle et, midlife crisis passée, j’entrais dans une sorte d’apogée existentielle. Mais, patatra ! Depuis mes 50 ans et un jour, voilà que la bonne mère AMELI, aidée de ses fonctionnaires statisticiens, a décidé de changer mon statut. J’ai donc rejoint le troupeau des 10 683 633 [2] femmes de 50 à 74 ans à risque de développer un cancer du sein.

Ma fille, finies les plaisanteries .

« Tu te crois en bonne santé ? » me demande AMELI en rentrant subrepticement dans ma vie par ma boite mail. Rien n’est moins sûr... Avant oui, désormais non.

« Tu penses que la prévention ne te concerne pas ? » Alors là, bonne mère AMELI, si je puis me permettre, tu brouilles les pistes. J’ai toujours pensé que la prévention[3] m’éviterait bien des tracas, bien des examens et bien des prises de médicaments peu recommandables. J’ai une vie ascétique, je ne fume pas, bois peu, je mange des graines et pratique l’art de la ballerine plusieurs fois par semaine. J’ai toujours veillé à éviter les viandes grillées, le nitrate de potassium dans les charcuteries, la pilule, le stress, le teflon, le bisphénol dans les conserves, les cosmétiques de l’Oréal, le Roundup, les champignons sauvages depuis Tchernobyl, le radon sous ma maison, etc., et en toxicologue avertie, j’ai toujours évité d’habiter près d’un incinérateur.

Si tu m’avais demandé : « Tu penses que la prévention secondaire ne te concerne pas ? », je t’aurais répondu que la première prévention qui compte est la prévention primaire dont tu ne dis pas un mot.

Ensuite, si tu m’avais expliqué que la prévention secondaire est l’ensemble des mesures destinées à diminuer la prévalence[4] d’une maladie dans une population – par le dépistage par exemple, on aurait pu discuter entre gens responsables. Bonne mère, tu es en train de me dire que tu cherches à faire diminuer le % de cancers dans ma tranche d’âge ? L’objectif est louable. Mais l’histoire de l’évolution d’un cancer est mal connue, multifactorielle, l’épigénétique joue un rôle essentiel dans le développement d’une tumeur et les génomes des femmes sont variés et variables dans le temps : mettre 10 683 633 femmes dans le même panier et espérer que les soumettre toutes à la mammographie tous les 2 ans réduira tes chiffres de prévalence relève de l’argument d’autorité et de la patascience. Le dépistage peut être une solution de prévention secondaire mais la mammographie que tu proposes est plus un outil de diagnostic de cancer utile en cas de symptôme inquiétant qu’un outil de « prévention » pour m’aider à augmenter mon espérance de vie en bonne santé et ma qualité de vie.

Rien ne t’arrête donc, ni les nombreuses études robustes qui paraissent dans la littérature scientifique, ni les conclusions de la concertation citoyenne récente, ni l’avis de l’Académie de Médecine qui affirmait déjà pourtant en 2007 que la médecine était une des principales causes de l’augmentation du nombre de cancers, du fait de la détection précoce[5].

Tu es malhonnête

Tu es malhonnête parce que tu sais très bien tout ceci, tu le sais et pourtant tu continues à me  mentir et à me manipuler comme les 10 683 632 femmes de ma classes d’âge. Tu évites de nous parler chiffres, preuves, raison, bénéfice/risque, alors tu nous parles comme à des enfants.

Tu me demandes, comme à une gamine à qui on va injecter un vaccin, si j’appréhende d’effectuer une mammographie de dépistage. « Voyons, ma grande, ça ne fait pas mal ! »

Avec ta photo d’illustration, tu me renvoies à l’image d’une femme aux cheveux blancs emmitouflée dans une laine polaire avec un type qui lui montre du doigt un truc qui la fait rire. La pleine vie quoi. « En couple », emmitouflée sur une plage, parce qu’elle doit prendre le soleil (à moins qu’elle ne prenne des antidépresseurs), pour éviter l’ostéoporose (à moins qu’elle ne soit sous traitement substitutif hormonal), emmitouflée parce qu’elle ne doit pas attraper froid (à moins qu’elle ne soit vaccinée contre la grippe). Le truc que je vais regretter quand je mourrai d’un cancer parce que je ne t’ai pas écoutée. Le summum de l’extase qu’une femme mûre peut espérer et qui va me passer sous le nez si je n‘écoutes pas AMELI.

Le hic, vilaine mère, est que tu sais que tu ne disposes d’aucune preuve que le dépistage fait reculer la mortalité par cancer du sein. Nous avons rassemblé sur notre site Cancer Rose les plus solides et récente études* qui disent exactement le contraire et que tu fais semblant d’ignorer. Pire, le dépistage n’évite pas la réduction du nombre d’ablations de seins - c’est toi même qui t’en étonnes pourtant[6] - ni le nombre de chimiothérapies qui explose puisque tu contribues au surdiagnostic de cancer chez des femmes que tu traites préventivement pour de petites tumeurs dont personne ne sait si elles vont évoluer vers la mort ou non. Tu ne parles pas des dégâts du surdiagnostic et du surtraitement qui peut faire basculer la vie d’une femme qui n’avait rien demandé, tu évites que je me prenne la tête avec la balance bénéfice/risque, tu refuses de faire des études épidémiologiques de grande ampleur sur ma classe d’âge pour valider ta croyance - le dépistage sauve des vies, pris à temps, on s’en sort - parce que tu crains par dessus tout le résultat d’une telle étude qui discréditerait ton autorité et l’écosystème économique qui s’est créé autour.

Tu me donnes l’impression que je vis under the dome, un peu comme en Corée du Nord, là où les dernières publications scientifiques ne pénètrent pas. A l’époque où nous n’avons jamais eu aussi facilement accès à la connaissance, tu pratiques une désinformation ahurissante.

Tu tiens cependant à me rassurer : je n’aurai rien à payer, puisque ton Père et ta bonne Mère AMELI s’occupent de tout (avec les impôts, taxes et charges qu’ils te prélèvent). Mais tu ne dis pas un mot de ce que je devrai payer en cas de biopsie ou en cas d’éventuel traitement.

Tu me donnes des ordres en utilisant des verbes à l’impératif, dans cette phrase mal construite : « Cet examen est pris en charge à 100% par l’assurance maladie, munissez-vous de votre courrier d’invitation et prenez RV ».

Et si j’hésite encore, tu m’ordonnes (recours à l’impératif une fois de plus), d’en parler avec mon médecin. Là, je te trouve imprudente car si le médecin n’est pas payé à la rémunération sur objectif (ROSP), s’il lit Prescrire, adhère à FORMINDEP, lit Cancer Rose, Grange, Dupagne, Jaddo, Winkler, etc., bref s’il est un dissident, il n’est pas certain qu’il m’y encourage.

Et, comme rien ne t’arrête, mauvaise marâtre, tu demandes aux femmes atteintes de cancer du sein (celles qui se croient sauvées par la mammo , j’imagine ? Pas celles qui ont déclaré un cancer de l’intervalle…) d’en parler autour d’elles. Là, on se croirait dans une secte avec des méthodes dignes de la scientologie (l’exercice de dissémination)[7].

Mais, je garde le meilleur pour la fin, tu me convies à un moment précieux pour ma santé, comme dans une pub pour un spa avec massage aux huiles. Bientôt tu m’offriras un after : avec mon rendez-vous mammo, tu m’offriras un massage bien-être des seins aux huiles essentielles.

Elle est pas belle la vie avec AMELI ?

*https://www.cancer-rose.fr/liste-etudes-de-references/

[1] Théorie de la relance économique par le gouvernement

[2] INED https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/france/structure-population/population-ages/

[3] Selon la Haute Autorité de Santé, la prévention consiste à éviter l'apparition, le développement ou l'aggravation de maladies ou d'incapacités; Sont classiquement distinguées la prévention primaire qui agit en amont de la maladie (ex : vaccination et action sur les facteurs de risque), la prévention secondaire qui agit à un stade précoce de son évolution (dépistages), et la prévention tertiaire qui agit sur les complications et les risques de récidive.

[4] La prévalence est une mesure de l'état de santé d'une population à un instant donné. (Somme des cas de maladie présents plus les nouveaux cas)

[5] Rapport sur les causes du cancer, Dominique Dupagne http://www.atoute.org/n/article60.html

[6] Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses, Propositions de l’Assurance Maladie pour 2015

[7] Les techniques de l'Eglise de Scientologie, http://www.prevensectes.com/techniqu.htm#test

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Vidéo d’information

Notre film d'information de 8 minutes sur le dépistage du cancer du sein. Joueriez-vous vos seins à la loterie ?

Vous disposez d'un sous-titrage français adpaté aux malentendants, et aussi en Espéranto.

Cliquez sur l'icône sous-titres :

puis sur paramètres (petite roue)  et choisissez la version de votre choix.

 

 

 

 

Les versions sous-titrées en 10 autres langues ici : https://www.cancer-rose.fr/videos-sous-titrees-versions/

 

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Video d’information : liste des liens d’accès vers les versions sous-titrées multi-langues

Récapitulatif des différents liens d'accès vers notre video "mammo de dépistage, oui ou non ?".

 

 

Pour accéder aux sous-titres de votre choix, vous devez cliquer les icones suivants en bas à droite de votre vidéo :

 puis  et ensuite vous sélectionnez la langue de votre choix.

Pour les versions grecque et japonaise, sur Dailymotion, vous cliquer ici : 

 

Lien version française avec sous-titres adaptés aux malentendants, ainsi qu'en Espéranto :

Lien Youtube : https://youtu.be/HWYU9LBn2IA

 

Lien allemand : https://youtu.be/JnNbdvT0PY0

Lien italien, espagnol, portugais : https://youtu.be/XIT-EcrerGA

Lien anglais : https://youtu.be/WokeeihfCnw

Lien arabe : https://youtu.be/DMlvyoJHCtw

Lien japonais: http://www.dailymotion.com/video/x4s41ek

Lien grec : http://www.dailymotion.com/video/x58l8mr_film-mammo-oui-ou-non_school

 

 

 

 

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

vidéos sous-titrées, versions anglaise, allemande, italienne, espagnole, portugaise, arabe, grecque, japonaise et hongroise

Chers utilisateurs,

Vous trouverez ci-dessous, en déroulant l'article, notre vidéo pédagogique sur le dépistage du cancer du sein sous-titrée en plusieurs langues.

Elle est disponible déjà sur le site avec des sous-titrages adaptés aux mal-entendants ici : https://www.cancer-rose.fr/film-dinformation/ en cliquant sur l'icône : 

Ensuite paramètres (petite roue), puis choisissez votre langage

Dear users,

You will find below our pedagogical video on the breast cancer screening subtitled in several languages.

To access to the subtitles of your choice, please click at the bottom right of the video on the following icon:

Youtube : 

clic 1° subtitles, 2° parameters (little wheel),

And choose your language.

 

VERSION ANGLAISE 

All our thanks to Alexandra Barratt and Karsten Jorgensen for their invaluable assistance.

VERSION ALLEMANDE

Liebe Zuschauer,

Um zum Untertitel Ihrer Video zu gelangen, klicken Sie bitte rechts unten vom Film auf dem Symbol für Untertitel :

Dann auf Parameter (kleines Rad), und wählen Sie Ihre Sprache :

 

 

VERSIONS ITALIENNE, ESPAGNOLE, PORTUGAISE

Cari utenti

Queridos usuarios

Queridos usuários

Per accedere al sottotitolo, volete cliccate la seguente icona, in basso a destra del vostro video :

1)

2) Parameters (ruota)

 

Para acceder a la lengua de su elección, haga clic sobre este icono y seleccione su lengua :

1)

2) Parameters (rueda)

 

Alcançar o língua de sua escolha, clique em o ícone abaixo em doite do vídeo :

1)

2)Parameters (roda)

 

Mille grazie a Guido Ceccoli per la traduzione !

Gracias a Purification !

VERSION ARABE

عزيزى مستخدم

قراءة الترجمة, انقر ادناه على يمين الفيديو الصورة التالية:

1)

2) Parameters

https://youtu.be/DMlvyoJHCtw

Merci, Hager Ben Ammar Boutarfa !

Merci Adel, pour la relecture !

VERSION GRECQUE

For subtitles clic on the symbole at the top right of the video, than subtitle

http://www.dailymotion.com/video/x58l8mr_film-mammo-oui-ou-non_school

Grand merci à Mme Marie-Catherine Hadzidiakos, avec toute notre reconnaissance !

VERSION JAPONAISE

 

For subtitles clic on the symbol at the top right of the video, than subtitle

http://www.dailymotion.com/video/x4s41ek

Merci infiniment à Claire Collins !

 

VERSION HONGROISE

For subtitles clic on the symbol at the top right of the video, than subtitle

https://www.dailymotion.com/video/kbwUscat0C3NJdqAB1N

Merci beaucoup à Zsofia Nemeth pour ce travail de traduction !

 

Tous nos plus chaleureux remerciements à tous les contributeurs, confrères français et étrangers, amis, familles et connaissances, qui ont tous donné de leur temps et de leur patience pour nous aider à réaliser ce travail de sous-titrages multiples.

 

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

De Illich à Sackett : la soumission d’Homo medicus à l’Ordre médical

Par Dr Annette Lexa

Relecture et correction, Marc Gourmelon

 

 

Illich dénonçait déjà en 1975 l’emprise de l’Ordre médical sur la prévention des maladies chez les bien-portants, la confusion entre l’individu unique et l’individu statistique et le rôle de sorcier que joue désormais le médecin contemporain avec la complicité de la société toute entière.

 

Le contrôle social par le diagnostic

 

A chaque âge ses menaces de maladies toutes plus mortelles les unes que les autres, réduisant le corps de notre pauvre Homo medicus à l’état d’objet, abandonné aux mains des spécialistes (pédiatre, gynécologue, gériatre..). L’Ordre médical traque sans relâche et soigne même si la maladie ne s’est pas encore manifestée par des symptômes, mais parce qu’elle pourrait statistiquement se manifester.

L’existence d’Homo medicus n’est qu’une succession de menaces qu’il s’agit d’enrayer par des examens poussés, des ablations ou des traitements préventifs. L’individu est dressé à soumettre son corps au rituel médical : prise de rendez-vous,  présentation de sa carte d’assuré, salle d’attente, colloque singulier. Puis  face au « sachant » en blouse blanche, examen corporel, scanner-IRM-radio, attente des résultats, lecture de compte-rendu au vocabulaire abscons et effrayant, passage par la pharmacie, l’hôpital … et ceci en boucle jusqu’à la mort. Ainsi la féminité est une catégorie que le corps médical s’est appropriée très tôt dans l’histoire de la médecine, en médicalisant et contrôlant tous les stades de la vie des femmes : puberté, conception, accouchement, allaitement, sexualité, ménopause.

Comme le rappelait Illich, ce sont toujours les classes aisées qui expérimentent les progrès et l’inventivité médicale particulièrement dans le domaine de la prévention, du check up des années 70 aux dépistages de cancers de ces 25 dernières années. Réservées jusqu’alors aux femmes des classes sociales les plus aisées, habitantes des grandes villes, les politiques de santé ont étendu le dépistage du cancer du sein à l’ensemble de la population féminine. Progressivement, au nom de  la lutte contre les inégalités, les plus pauvres et les plus éloignées des villes ont-elles aussi pu bénéficier du dépistage du cancer du sein, mais aussi de ses excès que sont le sur-diagnostic et le sur-traitement jusque là réservés à celles qui pouvaient payer pour. En outre, les femmes, que l’Ordre médical a convaincues que leur corps était une machine défaillante par nature, ont accepté de devenir cobayes et de payer le prix pour que le marché développe des thérapies « innovantes » et augmente ses bénéfices grâce à un marketing féroce et manipulateur, jouant sur les émotions et les affects les plus primaires.
Illich écrivait déjà cette prophétie en 1975 :

« L’individu est subordonné aux besoins supérieurs de la collectivité (ici le PIB, Produit Intérieur Brut, ndlr). Les soins préventifs deviennent obligatoires, et le droit du patient à donner son consentement aux traitements qui lui sont infligés est progressivement bafoué. »

Combien de femmes pensent-elles encore que le dépistage du cancer du sein est obligatoire ? Car nos sociétés libérales-libertaires utilisent des méthodes de soft power : les femmes reçoivent des « convocations », certains médecins vont jusqu’à les menacer de ne plus les recevoir si elles ne se font pas dépister, des officines aux conflits d’intérêt troubles émettent des messages publicitaires manipulateurs - messages de peur et de culpabilité, impliquant les proches (maris, enfants et petits enfants) - tout ceci sous la houlette d’une armée de fonctionnaires rivés à leurs courbes  tendancielles et leur taux de participation comme seul horizon missionnaire.

Nous avons  volontairement remis nos corps et nos organes tels des objets dans les mains d’une classe de « sachants » et d’« experts » comme nous déposons nos voitures dans les mains de garagistes, sous le contrôle d’un système assurantiel et juridique indirectement devenu coercitif.

 

L’enrôlement dans la liturgie macabre

 

Pour Illich, le médecin est le guerrier saint par excellence. Il prête serment, il fait allégeance à son ordre semi-divin et promet de mener une lutte sans relâche contre la mort.

Une fois les grandes épidémies vaincues (grâce à la découverte des microbes et grâce à l’hygiène, plus efficace que les antibiotiques et antiviraux apparus tardivement), et face aux nouveaux modes de vies d’Homo economicus,  il s’est agi de se centrer sur la prévention des maladies dites de civilisation (malbouffe, sédentarité, tabac, alcool…).

Nos sorciers contemporains en blouse blanche procèdent selon le même rituel appelé désormais « parcours de soins » qui impressionne tant notre rationnel Homo medicus. Car notre Homo medicus est  en quête d’une vie saine et si possible immortelle. Pour cela, la femme Homo medicus a été dressée dès le plus jeune âge à s’engager régulièrement (modernité oblige, elle bénéficie maintenant de rappels par sms sur son smartphone pour sa prise de pilule, son RV gyneco, ou pour sa mammo…) dans son  « parcours de soin » proposé et remboursé par l’Etat bienveillant : médecin en blouse blanche, ambiance aseptisée, appareils d’imagerie et de soins sophistiqués, annonce de la découverte d’une pré-maladie… C’est alors l’espoir, les promesses de guérison miraculeuse d’une maladie qui ne s’est pas encore déclarée grâce à des essais thérapeutiques « innovants » (la refuser serait une perte de chance). Un soutien psychologique, des anxiolytiques ou des médecines complémentaires visant à améliorer son bien-être lui sont aussi proposés dans son parcours (car il s’agit de ne pas défaillir et troubler l’officiant affolé par son incapacité à empêcher la mort malgré tout son savoir).

Homo medicus se regroupe même en association pour soutenir le progrès médical. Il organise des courses pour recueillir des fonds destinés à la recherche en médecine préventive dont le dernier avatar en date est la prometteuse médecine génomique. Célébré par le Mage préventif, le rituel impressionne le fidèle croyant qui respecte scrupuleusement les règles de vie de sa religion. Mais il est privé « de la jouissance du présent » comme écrivait Illich, car il vit toujours sur le fil du rasoir, les résultats de ses examens risquant à tout moment de le faire basculer du côté des mal-portants. Il en oublie de vivre.

La pensée d’Ivan Illich peut être perçue comme radicale. En effet, on doit reconnaître à la médecine des progrès certains (chirurgicaux notamment). Mais on doit aussi honnêtement reconnaître que, dans nos société dites évoluées, la capacité à soulager les VRAIS malades en danger de mort s’est accompagnée du développement d’une surmédicalisation des populations créant plus de maladies et d’effets indésirables (les externalités chères à nos économistes, 3eme cause de mortalité mondiale), rendant le bilan global plus mitigé qu’il n’apparaît de premier abord.

La pensée prophétique de Ivan Illich se prolonge par celle, plus scientifiquement construite de David Sackett, pionnier de l’Evidence Based Medicine (EBM) sur laquelle repose pourtant le fonctionnement  et la gestion de la médecine contemporaine :

« La médecine préventive est trois fois arrogante : Premièrement, elle est agressivement affirmative traquant les individus sans symptômes et leur disant ce qu'ils doivent faire pour rester en bonne santé ;  Deuxièmement elle est présomptueuse, persuadée que les actions qu'elle préconise feront, en moyenne, plus de bien que de mal à ceux qui les acceptent et qui y adhèrent ; Finalement, la médecine préventive est autoritaire, attaquant ceux qui questionnent la validité de ses recommandations."

Cette phrase est à méditer sans relâche par tous les médecins dont les plus jeunes afin qu’ils construisent les bases d’une médecine moins agressive, moins présomptueuse et moins autoritaire, une médecine plus humaine renouant avec son essence même :  (« primum non nocere ») .

Nous appelons cette médecine de tous nos voeux.

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.