MANGER BIO DIMINUE-T-IL REELLEMENT LE RISQUE DE CANCER DU SEIN ?

ANNETTE LEXA

PhD Toxicologie

6 Novembre 2018

 

 

Une récente étude[1] a tenté de relier la consommation d’aliments bio et le risque de développer un cancer . Elle part de l’hypothèse d’un lien de causalité entre cancers et résidus de pesticides dans les aliments, les aliments bio en contenant moins.

 

DESCRIPTION DE L’ETUDE

 

C’est un étude prospective (2009 -2016) de 68 946 volontaires français adultes qui remplissaient un auto-questionnaire en ligne.  La fréquence de consommation de 16 catégories d’aliments bio était enregistrée. Le volume ingéré a été pris en compte. La cohorte comptait 78% de femmes entre 30 et 58 ans environ, avec un âge moyen de 44 ans.

Les déterminants socio-économiques (le budget alimentaire), l’état de santé initial, l’activité physique, le poids, l’exposition au soleil, le tabac, la pilule et le traitement substitutif hormonal de la ménopause, ainsi que les antécédents familiaux de cancers ont été pris en compte.

Les volontaires ont été répartis en 4 quartiles selon le taux d’aliments bio inclus dans l’alimentation quotidienne (jamais, occasionnellement, souvent, la plupart du temps)

Les cas de cancers signalés ont été vérifiés à 90% au moyen des dossiers médicaux des volontaires, complétés par la base SNIIRAM et CEPIDC. Tous les cancers apparus durant cette période ont été considérés comme de vrais cancers, seuls ont été exclus les carcinomes cutanés baso-cellulaires (la plupart du temps bénins).

Le temps de suivi moyen des participants était de 4 ans ½ et le taux d’abandon de 6%.

Dans cette cohorte sans cancers initiaux, 1340 cas de nouveaux cancers ont été enregistrés dont 459 cas de cancers du sein (34%), 180 de la prostate (13%), 135 cancers de la peau (10%), 99 cancers colorectaux (7%), 47 Lymphomes non Hodgkiniens (3.5%) et 1 autre lymphome (1%) [2].

La réduction de cas de cancers est significative entre le groupe ne consommant pas du tout d’aliments bio et celui en consommant le plus.

Les auteurs concluent à une diminution significative mais uniquement pour le risque de cancer du sein post ménopausique (PM) et de lymphome non hodgkinien (LNH) pour une haute consommation d’aliments bio. Selon ces auteurs , l’exposition aux produits chimiques oestrogeno-mimétiques pourraient être impliquée dans la cancerogénèse du sein.

Les auteurs notent cependant que ces résultats n’étaient pas significatifs pour :

- les jeunes adultes

- les hommes,

- les plus diplômés

- ceux n’ayant pas d’antécédents familiaux de cancers,

- chez les non fumeurs actuels ou passés

- chez les participants ayant une qualité nutritionnelle globalement bonne.

Par contre l’association entre aliments bio et diminution de cas de cancers a été la plus significative avec les personnes obèses .

 

COMMENTAIRES

 

Chiffres en relatif ou en absolu ?

 

A Cancer Rose, nous aimons exprimer les chiffres en valeurs absolues plutôt qu’en valeurs relatives nettement plus honnêtes et parlantes. Dans cette étude, on obtient bien grosso modo une réduction sur la tranche d’âge PM du 4e quartile mangeant le plus de bio, avec environ 1.5% de cancers du sein contre 2.1% dans la population générale de cette tranche d’âge.[3] Chez les femmes PM ne mangeant pas bio du tout (Q1),  il y a eu 2.4% de cancers du sein dans la tranche PM, ce qui est plus élevé que la moyenne nationale de 2.1% . Il y a donc eu une réduction relative de 60% de cancer du sein chez les femmes PM mangeant du bio par rapport au PM n’en mangeant pas du tout.

 

Cependant, la prise d’aliments bio est bien souvent corrélée avec une meilleure alimentation générale,

 

ayant un rôle préventif contre le développement de certains cancers (plus de fruits et légumes, noix, légumineuses, soja, consommation inférieure de viandes et produits laitiers, de nourriture industrielle fortement transformée, meilleure balance omega3/6 ….) .  Par exemple l’étude de Gray de 2017 dans la bibliographie des auteurs, signale l’effet protecteur des lignanes (polyphenols) et de l’acide α linolénique (omega3) avec un risque de cancers moindre, moins agressifs, plus apoptotiques (apoptose=autolyse cellulaire) et avec une expression plus faible de HER2 . Ce type de produit est susceptible d’être plus consommé par des clientes de magasins bio.

 

Cancers du sein et pesticides

 

Pour appuyer l’hypothèse du lien entre exposition aux pesticides et risque de cancer du sein et LNH, les auteurs se réfèrent notamment  à un article de synthèse récent, très complet au demeurant, examinant le lien entre exposition aux produits chimiques et cancer[4]. Or dans cet article, le lien possible entre cancer du sein et pesticides a été retrouvé dans des petites études rétrospectives cas-témoins, parfois anciennes, chez les femmes travaillant dans le domaine agricole. Les pesticides suivant sont incriminés :

- l’herbicide 2,4,5-trichlorophenoxypropionic acid (2,4,5-TP) - qui est connu pour être un perturbateur endocrinien et carcinogène probable - est interdit aux USA depuis 1985 et en France depuis longtemps.

- l’atrazine est interdite en Europe depuis 2003.

- le DDT/DDD est interdit depuis longtemps en Europe . Cependant, on sait que l’exposition précoce au DDT dans la période prénatale et la petite enfance est associée avec un sur-risque de cancer du sein à l’âge adulte, cela concerne donc aujourd’hui des femmes nées dans les années 50-60 en France.

- le malathion est interdit en France mais possiblement autorisé en outre-mer.

- le pesticide chlordane est interdit depuis 1992.

- Il n’y a pas eu d’association significative avec la Dieldrine (interdite en France).

Les  résidus de ces pesticides ne sont dus aujourd’hui qu’à leur forte persistance possible dans l’environnement, à un usage illicite en France, ou à leur présence dans des aliments extra européens.

Comme aucun dosage urinaire de résidus de pesticides n’a été réalisé , il est impossible de corréler l’absence de tel ou tel résidu de pesticides avec la réduction de cancer du sein chez les femmes ayant consommé beaucoup d’aliments bio.

Le type métier, le lieu de résidence des volontaires n’ayant pas été pris en compte (milieu rural, proximité de champs ou de vignobles subissant des épandages , milieu urbain, type d’habitat …) , il est impossible de savoir si les volontaires de la cohorte ont été ou non exposés à des pesticides ou des polluants environnementaux spécifiques.

D’un autre côté, d’autres facteurs de risques de cancer du sein n’ont pas été retenus dans cette étude  comme l’exposition aux métaux lourds (Cadmium…), les rayonnements ionisants et notamment des passés d’imagerie médicale thoracique , le travail à horaire décalé, les traitements hormonaux d’induction ovarienne avant 24 ans( FIV) , les contraceptifs pris avant l’âge de 20 ans chez les utilisatrices depuis plus de 5 ans ou dans les 5 années qui ont précédé un diagnostic de cancer du sein (inversement, si les auteurs on retenu la prise de pilule, nous savons que chez les femmes ayant cessé la prise de pilule depuis plus de 8 ans et plus, il n’y a aucune augmentation significative de cancer du sein). Dans l’étude, le délai depuis l’arrêt de la pilule n’est pas précisé et la prise avant 20 ans non précisée. Il ne s’agit pas d’en faire le reproche aux auteurs qui ont déjà tenu compte de nombreux biais, mais de démontrer ici que d’autres facteurs de confusion n’ont pas pu être retenus.

 

Les différents cancers du sein

 

De plus, lorsqu’on veut étudier l’incidence du cancer du sein , il est prioritaire de considérer non seulement l’âge et le statut ménopausique, mais le sous-type de cancer du sein (localisé/régional/métastatique), le grade histologique, le profil d’expression génétique. Si les auteurs ont bien tenu compte des antécédents familiaux (donc des gènes BRCA, etc.) , l’hypothèse d’une action des pesticides possiblement cancérogènes (par différents mécanismes directs ou indirects) ou perturbateurs endocriniens implique le rôle des récepteurs aux oestrogènes, à la progestérone, ou de l’oncogène HER2 bien connus. Il existe en outre un cas de cancer du sein très agressif, dit « triple négatif », sans lien avec les récepteurs aux oestrogènes.

Or ces sous-types ne sont pas distribués au hasard dans la population :

- Les femmes jeunes sont plus susceptibles de développer des triples négatifs plus agressifs

- la prise de contraceptif hormonal est liée à des cancers de type lobulaire, ER- et triple négatifs (ER-/PR-/Her-2-R-)

- La prise de contraceptif oraux plus de 10 ans est corrélée avec la forme la plus agressive des cancers canalaires in situ (CCIS).

Enfin, on sait que 20% des cancers du sein détectés par imagerie médicale sont des cancers canalaires in situ (CCIS, touchant les canaux galactophores sans dissémination) et que parmi ces lésions précancereuses majoritairement détectées de manière asymptomatique par dépistage, seulement 20% évoluent en cancers envahissants, les autres soit régresseront, soit se stabiliseront ou évolueront si lentement qu’ils n’impacteront pas la vie de la femme atteinte.

Il est regrettable que ce type d’information sur la nature des cancers diagnostiqués n’ait pas été communiqué et utilisé, d’autant que les auteurs ont eu accès aux dossiers médicaux des femmes.

 

Biais de dépistage

 

Enfin le suivi des femmes d’âge moyen 44 ans, ayant été fait sur 4.6 ans , il est probable qu’elles aient été fortement incitées à participer au dépistage organisé du cancer du sein, ou à un suivi mammographique dans le cadre de consultations individuelles de gynécologie.

Or nous savons désormais que le dépistage augmente le surdiagnostic de cancer du sein dans des proportions allant de 20 à 50%, notamment pour les formes les moins agressives, les CCIS souvent à  l’état de pré-cancers asymptomatiques. Or dans le cas de cette étude , nous ne savons pas combien de CCIS sont apparus, et c’est d’autant dommage que les cancers baso-cellulaires ont été retirés, eux. On ne sait pas non plus si les cancers du sein déclarés ont été découverts de manière symptomatique par les femmes ou détectés par dépistage et donc avec une marge de sur-diagnostic inévitable. La participation nationale étant de 50% environ, une stratification selon la participation au dépistage aurait permis de savoir si un groupe de femmes (bio ou non bio) avait un sur-risque de diagnostic de cancer du sein. Il est légitime de se demander si les femmes consommant plus d’aliments bio ne participeraient pas moins au dépistage (crainte des rayonnements ionisants, privilégiant la prévention au dépistage, ayant des valeurs et un mode de vie plus « hédoniste » et moins enclines à succomber aux messages de peur) ce qui pourrait expliquer une part de l’incidence de cancer du sein diminuée dans ce groupe.

 

Biais statistique 

 

Enfin, et pour finir, notre statisticien préféré à Cancer Rose, le Docteur Vincent Robert, s’est penché sur cette étude. Il considère « regrettable que les auteurs ne donnent aucun élément permettant de juger la validité et la performance de leur modèle. Le modèle de Cox, comme tous les modèles, n'est valide que si certaines conditions sont remplies (dans le cas du modèle de Cox : constance des rapports de risque et log-linéarité de la relation entre variable à expliquer et variables explicatives quantitatives). Si ces conditions ne sont pas, au moins approximativement, remplies, le modèle de Cox est inadapté et les risques relatifs ainsi que leurs intervalles de confiance et les p.values sont faux. Dans le cas présent, on est réduit à espérer que le modèle est valide mais les auteurs ne fournissent aucun élément permettant de conforter la confiance à accorder à leur modèle. »

 

CONCLUSION

 

Cette étude n’amène pas la preuve que la consommation d’aliments bio diminue le risque de cancer du sein.  Tout au mieux conforte –t-elle la certitude qu’à partir d’un certain âge, après avoir mangé de manière déséquilibrée, fumé, pris la pilule et du poids, il n’est jamais trop tard pour adopter une alimentation saine afin de réduire son risque de cancer du sein. Manger bio, oui mais d’abord pour protéger l’environnement, encourager des filières agricoles plus respectueuses des eaux, des sols et de leurs habitants, pour les oiseaux, les insectes et les petits mammifères dont le nombre ne cesse de diminuer dramatiquement.

Donc manger bio oui, mais pour de bonnes raisons. Et manger mieux déjà, sans succomber à – et instrumentaliser la peur du cancer dont les causes sont multifactorielles et pour qui la seule réponse du gouvernement et des opportunismes commerciaux est la surenchère de diagnostics de plus en plus précoces risquant de transformer la population entière en hordes de cancéreux.

 

Quelques pistes proposées par les experts Cancer Rose pour de futures études plus utilisables en santé publique :

 

- Choisir les volontaires dans la population générale de manière plus aléatoire que par internet

- Limite l’étude aux cancers avancés en excluant les CCIS et les tumeurs de petite taille.

- Faire une recherche des résidus de pesticides sur les participant.es

- Tenir compte de la prise régulière d’aliments jouant un rôle connu dans la prévention du cancer du sein (polyphénols tels que les lignanes, acide α linolénique ω 3 …)

- Procéder à un recoupement des données avec la participation au dépistage organisé des volontaires femmes 50+ de l’étude

- Vérifier si le modèle de Cox est adapté (il existe des alternatives)

 

SOURCES

[1] Association of Frequency of Organic Food Consumption With Cancer Risk Findings From the NutriNet-Santé Prospective Cohort Study, JAMA Intern Med. October 22, 2018., Julia BAUDY et al. ,

[2] l’incidence du lymphome hodgkiniens(LNH) est de 2.2/100 000 . ils sont plus  fréquents avec  2.4 à 14 cas /100 000 surtout chez adulte jeune et chez les plus de 75 ans. L‘âge moyen chez la femme est de 66-70 ans (donc hors de la tranche d’âge considèrée dans cette cohorte). Avec un cumul sur 9 ans et une moyenne de suiv 4 ans 1/2, en imaginant le pire scenario, soit 14 cas / 100 000 hommes et femmes tous âges confondus, soit 140 cas sur 10 ans /100 000 par an, soit un taux de 0.14 % . Ce qui est 10X supérieur à la moyenne nationale de l’incidence pour ce cancer.

[3] Le risque de diagnostiquer un cancer du sein dans les dix années suivantes est de 1,9 % pour une femme de 40 ans, de 2,1 % pour une femme de 50 ans, de 3,2 % pour une femme de 60 ans. (C. HILL)

[4]                              State of the evidence 2017: an update on the connection between breast cancer and the environment Janet M. Gray1* , Sharima Rasanayagam2 , Connie Engel2 and Jeanne Rizzo, Gray et al. Environmental Health (2017) 16:94)

 

 

 

 

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« Aujourd’hui, un homme m’a touché les seins » : le Gérard de la com’ Octobre Rose ?

ANNETTE LEXA

11 Octobre 2018

Nous pensions naïvement que la cuvée Octobre Rose 2018 aurait fait preuve d’un peu moins de sexisme que les cuvées passées. Les #BalanceTonPorc , les dénonciations des violences gynécologiques faites aux femmes ayant envahi les espaces médiatiques cette année, nous pensions que l’idée aurait germé dans la tête des organisateurs de ces festivités qu’il était préférable d’éviter les couleurs roses genrées, les dégoulinades émotionnelles sexistes, les blagues vulgaires.
Nous n’avions pas été jusqu’à imaginer que lesdits organisateurs et autre opportunistes d'Octobre Rose seraient allés sur notre site pour se renseigner sur le bien fondé de cette pratique. Non, nous  connaissons le monde….

Aussi quand nous avons découvert cette affiche réalisée par le service de communication de la communauté de communes de Sanvignes-les-Mines, nous nous sommes dits que nous allions le sélectionner pour le Gérard de la Communication Octobre Rose 2018.

« Aujourd’hui, un homme m’a touché les seins »

Une jeune femme sans soutien gorge, lève le bout de tissu qui lui couvre sa poitrine aguichante et semble trouver satisfaction que deux mains de « docteur »  masculin donc - les lui palpe d’une manière fort peu orthodoxe, d’autant que « Ce n’était pas mon mec mais je me suis laissée faire ». 

Ses yeux globuleux pourraient  faire penser à un exophtalmie thyroïdienne et nous ne saurions trop lui conseiller d’aller se faire palper la thyroïde plutôt que les seins, priorité oblige.

Donc cette affiche est censée « sensibiliser » les femmes de 50 à 74 ans au dépistage organisé du cancer du sein. Pour celles qui, comme moi ont passé les 50 ans, qui sont dans le gros du troupeau – je ne parle même plus de la femme de 70ans – trouvez vous normal que nous renvoyons encore une telle image dégradante dans la société ? Une vieille courge qui trouve sympa et festif, voir carrément excitant (la coquine !.. sans en parler à son mec, dites donc..) d’aller se faire coincer les seins entre deux plaques glaciales par un.e assistant.e en radiologie.

Lui a t-on expliqué que sur 1000 femmes dépistées, 100 seront alarmées et biopsées pour rien et que 5 seront surtraitées (chirurgie – radiothérapie – chimiothérapie - hormonothérapie) alors que ce cancer n’aurait jamais mis sa vie en danger ? Et qu’une peut-être mourra des suites du traitement (atteinte de coronaires par irradiation, aplasie médullaire et autres joyeusetés). Non bien sûr.

https://cancer-rose.fr/wp-content/uploads/2019/07/affiche_depistage-mammographiqueA4-2.pdf

De la part du service de communication de Sanvignes-les-Mines, c’est totalement irresponsable, voire criminel de ne pas donner cette information. Encore plus que d’avoir choisi cette image sexiste.

Espérons qu’Octobre Rose 2019 sera moins rose, moins sexiste, moins vulgaire, moins ringard et que l’information donnée aux femmes sera plus équilibrée. Pour cela, nous avons besoin de vous tous. Relayez, diffusez largement sur les réseaux sociaux. Surtout si vous connaissez des responsables de la Mairie de Sanvignes-les-Mines et de Blanzy. Dites leur que Cancer Rose est sur le point de leur décerner le Gérard de la Com’ Octobre Rose 2018. En prime, ils pourront télécharger notre plaquette d’information directement sur notre site. Et ne pourront plus dire, en 2019, « on ne savait pas ». »

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A vot’ bon coeur messieurs dames !

L'Institut National du Cancer se targue d'avoir ajouté des références au bas du livret d'information sur le dépistage du cancer du sein.

Examinons.. livret d'information de l'INCa

Par Dr Bour Cécile, 12 avril 2018

 

 

A-EXAMEN DES REFERENCES CITEES (ENFIN) PAR L'INCA POUR SES SUPPORTS D'INFORMATION

 

Nous sommes contents, l'INCa a bien voulu, sous nos demandes insistantes, pallier au manque de références que nous lui reprochions dans notre critique de son livret d'information sur le dépistage du cancer du sein[1], et a rajouté, au bas du document, les fameuses sources quémandées.[2]

Nous avions aussi, dans notre analyse, soulevé bien d'autres points sur la qualité déficiente du contenu-même. Il n'y a pas eu encore de révision, mais patience, nul doute que cela viendra ultérieurement...

Les références donc...Nous en trouvons neuf.

 

1-La première est une étude parfaitement inconnue, sur le développement d'une prévision du risque de cancer,

outil pour utilisation dans le soin primaire britannique, ce qui ne nous concerne donc pas ici en France en tout premier plan..

 

2-La numéro deux provient du SEER.

Le SEER est une source autorisée pour les statistiques sur le cancer aux Etats Unis.

Le programme de surveillance, d'épidémiologie et des résultats finaux (SEER) fournit des informations sur les statistiques du cancer visant à réduire la charge du cancer sur la population américaine.

On commence à déchanter, cette source ne concerne toujours pas nos concitoyen-ne-s de très près.

Cela confirme ce que nous avons constaté et que les citoyennes lors de la concertation n'ont pas manqué de relever : obtenir des statistiques françaises est impossible, les données sont ou bien manquantes ou bien verrouillées.

 

3.   -La troisième source émane de l'International Agency forResearch on Cancer, autrement dit le CIRC, (Centre International de Recherche sur le Cancer, basé à Lyon).

Le document cité, le "Handbooks of Cancer Prevention", est présenté ici : https://www.youtube.com/watch?v=4ejAL_pzLGI

Cette vidéo est intéressante, car le CIRC lui-même, (dès 7:54 environ) opte pour un codage rouge, (ce qui veut dire'données manquantes ou lacunaires') concernant le surdiagnostic dans le cadre du dépistage du cancer du sein !

 

4-La quatrième source n'est pas une étude mais un rapport, préparé par le CIRC (même organisme que pour n°3). Il y est question d'indicateurs de performance, de taux de détections et de couverture du dépistage. Nulle part mention de taux de mortalités comparés des pays européens...

 

5-Enfin ! La cinquième source nous parle de la France, de chez nous quoi, mais las, là aussi c'est un rapport d'indicateurs de performance, de qualité du programme, de suivi des examens, bref, de données servant plus à mesurer la compliance de la population à suivre le programme que de données réellement utiles sur son efficacité à réduire la mortalité par cancer. En conséquence, il s'agit de données parfaitement inutiles pour le médecin en pratique courante et de renseignements inexploitables pour le quidam.

 

6-La sixième source, comme on n'est jamais mieux servi que par soi-même, c'est l'INCa himself. Nous ne commenterons pas.

 

7-Les références numéro 7...

8-et la référence 8 sont des textes législatifs, la septième est un renvoi à l'arrêté du 29septembre 2006, obsolète donc, et pas du tout réactualisé malgré ce qui apparaît sur le site, dont nous avons fait l'analyse critique ici .[3] [4]

 

9-La dernière référence citée est une étude sur la mortalité attribuable à l'alcool en France, et date de 2009, l'alcool étant un, parmi d'autres, facteurs de risque reliable au cancer du sein.. Donc là non plus, pas grand-chose d'immédiatement utile, ni pour le professionnel de santé, ni pour les patientes, la cancérogénèse de l'alcool est largement démontrée et connue déjà, et cette source n'apporte rien de neuf, notamment compte tenu du sa date de publication.

 

 

On ne peut illustrer de façon plus évidente l'esquive de l'institut à aborder les vrais questions qu'une femme se pose lorsqu'elle se demande si oui ou non elle va se soumettre au dépistage : est-ce que je peux éviter grâce au dépistage de mourir d'un cancer du sein, et est-ce que j'aurais une chance d'avoir une forme moins grave de cancer ?

 A tourner autour de ces questions essentielles sans y apporter d'éclaircissement, l’éternelle lutte de l’institution de l'INCa à défendre son image pour que tous les indicateurs restent conformes aux plans quinquennaux est plus que limpide, au mépris de l’intérêt des usagers médecins et des patients, les premiers souhaitant évaluer le programme pour leur pratique à l’aune des avancées de la science, les seconds pour pouvoir participer à la prise de décision.

 

 

B-URGENT : APPEL A LA POPULATION !

 

Alors messieurs-dames, comme il est inconcevable d'imaginer que l'indigence des sources produites dans le document d'information par l'institution numéro une pour la protection des populations contre le cancer proviendrait d'une quelconque mauvaise intention de nous berner, ou d'une incompétence chronique déjà dénoncée dans le rapport de concertation et perpétuée malgré icelle, nous ne pouvons qu'en déduire que l'INCa manque de moyens.

Noon ! Siii !! Eh oui ! La voilà la cruelle vérité !

l'institut fait face à de grandes difficultés financières inavouées, et ne pourra bientôt plus mener à bien ses objectifs humanistes !

Alors nous comptons sur vous, citoyens, pour un geste financier, même un petit don, car une participation, si minime soit-elle, permettrait de redonner espoir aux membres et dirigeants de l'institut, afin qu'il poursuivre son action philanthropique dans laquelle il a déjà tant oeuvré, et pour acheter de la lecture scientifique.

Une grande collecte sera donc organisée ce week-end à l'entrée de toutes les grandes surfaces de France, vous reconnaîtrez les collecteurs grâce à un T-shirt bleu avec des petits points colorés qui rappelle les couleurs du site internet de l'institut, et une petite calebasse fendue sur le haut dans la main.

Il est important de faire preuve de générosité, afin que l'INCa puisse s'abonner à des médias comme le Lancet, Prescrire, le BMJ ou le BMC, ou encore le JAMA, dont l'abonnement nécessite un investissement financier colossal, que seuls les généralistes pour l'instant peuvent se permettre.

Merci de votre générosité, il y aura aussi une tombola et vous pourrez gagner un joli porte-clé en forme de crabe avec le logo de l'INCa dessus !

 

 

[1] https://www.cancer-rose.fr/analyse-critique-du-nouveau-livret-dinformation-de-linca/

[2] au bas de l'article : https://www.e-cancer.fr/Actualites-et-evenements/Actualites/Depistage-des-cancers-du-sein-une-information-claire-pour-permettre-aux-femmes-de-decider-de-leur-participation

[3] https://www.cancer-rose.fr/article-pour-labrogation-de-larrete-de-2006/

[4] https://www.cancer-rose.fr/bienvenue-en-absurdie/

 

 

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Bienvenue en Absurdie

Dernière version consolidée de l’arrêté 2006 relatif aux programmes de dépistage du cancer du sein:

Bienvenue en Absurdie

Dr Annette LEXA

Dr Cécile Bour

20 mars 2018

Il y a un an et demi, Dr Annette Lexa avait écrit un plaidoyer pour la refonte d'un arrêté ministériel, celui de du 29 septembre 2006 encadrant le dépistage du cancer du sein. En vertu du Principe de Connaissance, (un des neufs piliers régissant les politiques de santé publique[1]), les objectifs des programmes de santé publique sont définis et les actions choisies en tenant compte des meilleures connaissances disponibles ; réciproquement, la production de connaissances doit répondre aux besoins d’informations nécessaires pour éclairer les décisions des patients.

Or cet arrêté, comme notre toxicologue l'expliquait dans son article du 5 novembre 2016 [2] est actuellement obsolète, car délibérément incitatif au dépistage, éludant les dernières connaissances scientifiques sur ses effets adverses, et il est ainsi responsable de tous les excès de surdiagnostics et de surtraitements qui découlent de ce dépistage de masse, non accompagné de l'information neutre et loyale due aux femmes.

Désormais sur le site Legifrance, nous avons la version actualisée et  consolidée[3] .

Elle porte bien son nom avec cette mouture assumée dans un "je persiste et signe", et "j’enfonce le clou".

Cette version, malgré la demande de la concertation citoyenne[4], n'apporte aucune référence aux données de la science ou à une éventuelle évaluation du dispositif de dépistage, qui démontrerait aux femmes que ce dépistage permet de leur sauver la vie et leur épargne les souffrances des cancers les plus agressifs. Nous savons actuellement que les deux objectifs d'un dépistage, à savoir réduction significative de mortalité et diminution des formes graves des cancers du sein, ne sont pas atteints.

Cette omission était facile dans la version antérieure, puisque rien ne mentionnait l'obligation de se conformer au principe de connaissance, premier principe, rappelons-le, des politiques de santé publique.

Au prix (coûteux) d’une concertation citoyenne de façade, et d’une refonte du site internet de l’INCa, nous n'avons droit qu'à une retouche cosmétique de l’arrêté, dans lequel on peine à trouver les lambeaux de phrases modifiées.

Il est bien indiqué que  L'information fournie doit donc être précise et aisée d'accès pour tous ( z-et-tou.te.s ?), mais actualisée en fonction des données acquises de la science n’est pas au programme de cette version printanière de 2018. Ni l’écriture inclusive d’ailleurs .

Malgré la mention selon laquelle (l‘information) doit s'appuyer sur des données scientifiques, y compris celles relatives aux inconvénients potentiels des dépistages, on retrouve toujours cette phrase orwellienne : Ce document doit comporter une information sincère sur les avantages et les possibles inconvénients du dépistage, en cohérence avec les messages nationaux. Mais lesdits messages, même sur les derniers supports remasterisés des autorités sanitaires comme le livret ou le site de l'INCa, persistent encore et toujours à présenter le programme comme globalement bénéfique, sans se donner la peine de justifier cette affirmation. Alors comment et où les femmes disposent-elles d’une information précise, réclamée par les citoyennes, afin de pouvoir choisir de participer ou non au dépistage ?

Le site de l’INCa continue d’affirmer que par ailleurs, les cancers détectés à un stade précoce nécessitent, en général, des traitements moins lourds et moins agressifs avec moins de séquelles, alors que cette assertion ne repose sur aucune donnée sérieuse publiée, que de multiples études internationales [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] démontrent exactement l'inverse dans tous les pays où le dépistage est opérationnel, avec des augmentations nettes des mastectomies partielles et totales. Cette constatation est mise en exergue également dans notre propre étude conduite en France à partir de la base de données des actes hospitaliers[12].

L’objectif principal de cet arrêté 2006 (article 1) s’inscrit dans un programme ayant pour objectif de diminuer la mortalité par cancer de 20 % en 2007 en agissant sur l'ensemble des aspects de la lutte contre le cancer : prévention, dépistage, amélioration de la qualité des soins, accompagnement social des patients et de leur famille ; formation des professionnels, recherche, création de l'Institut national du cancer, chargé de coordonner l'ensemble des intervenants de la lutte contre le cancer et de mettre en œuvre l'ensemble des mesures du plan. Et sur le site de l'INCa nous constatons que c’est sur la base de la phrase lapidaire  "Les études internationales estiment que ces programmes permettent d’éviter entre 15 % et 21 % des décès par cancer du sein" [13] que repose la justification institutionnelle du dépistage.

Or ce chiffre de 15 à 21% doit être définitivement banni des documents d'information ; en effet les données formulées en pourcentage correspondent à des valeurs relatives (un groupe de femmes comparé à un autre groupe), elles ne reflètent pas la réalité des faits. Selon le référentiel international [14] [15] sur la qualité des supports officiels d'information médicale, les réductions du risque de mortalité doivent être exprimées en valeurs absolues. En effet, en valeurs absolues, 15 à 21% de réduction de mortalité, cela ne signifie en aucun cas que 20 femmes sur 100 femmes dépistées ne mourront pas de cancer du sein. Cela signifie qu'une seule femme, sur 2000 dépistées pendant 10 ans, peut voir sa vie rallongée grâce à un dépistage, ce qui n'est déjà plus la même chose.

L'utilisation de ces pourcentages est un manquement à la loyauté dans l'information d'autant plus grave que la demande d'une présentation en valeurs absolues avait été expressément exigée par les citoyennes dans le rapport de concertation (voir page 79 du rapport final de concertation).[16]

Se demander pourquoi le nombre de femmes décédant d’un cancer du sein ne baisse pas malgré le dépistage (toujours 11000 à 12000 cas /an, voir sur le site de l'INSEEà), cela est considéré comme tabou. En connaissant le degré endémique de sous-déclaration des registres de décès en France, il n’est pourtant pas illégitime de s’interroger sur le fait que ce chiffre est peut-être même en hausse légère. De plus, les décès consécutifs aux surtraitements lourds et aux cancers radio-induits par les mammographies répétées et les radiothérapies inutiles en cas de surdiagnostic pourraient bien contre-balancer le faible effet positif du dépistage.

La (vraie) prévention du cancer du sein est lettre morte, si ce n’est par des messages aussi vains que mangez et buvez moins, bougez plus. Nous vous renvoyons pour information aux deux articles sur le sujet de la prévention écrits par Annette Lexa, en suivant les références [17] [18]. Cette dernière référence fait état du travail de nuit, dont on connaît la relation avec le risque accru de cancer du sein. On ne retrouve aucune mention dans l'arrêté, alors que cette population particulière de travailleuses devrait être ciblée en matière de prévention.

Le dépistage continue d’être évalué sur le seul indicateur de participation. Or, comme le stipule l'OMS [19], l’objectif de l’information doit être de permettre aux femmes de prendre une décision personnelle éclairée, et non de remplir des quotas de participation:

« La recherche d’un fort taux de participation à un programme organisé de dépistage ne devrait jamais prendre le pas sur des décisions éclairées, fondées sur les données de la science et les valeurs et préférences de la personne »

L’"amélioration des soins" se traduit par toujours plus de mastectomies comme nous l’avons démontré (référence 12).

Des femmes meurent encore aujourd’hui du traitement de consolidation chimiothérapique à base de 5FU sans que l’on se donne la peine de les informer sur l’existence d'un test préalable, vital pour la personne ayant à subir la chimiothérapie. En effet ce test vérifie que l'équipement enzymatique de la personne à traiter soit capable de dégrader la molécule hautement toxique, et il permet aussi d'adapter la dose de chimiothérapie qui pourra être administrée.

Concernant les traitements par radiothérapie, aucune information au sujet de l’existence de tests de dépistage de radiosensibilité n'est prévue, alors que 25% de la population est particulièrement radiosensible [20].

Des femmes se voient toujours prescrire des traitements extrêmement lourds et non personnalisés sur la base de données statistiques anciennes et obsolètes, trompées sur un argument de "meilleure survie" au cancer grâce au dépistage, alors que cette donnée est un très mauvais indicateur d'efficacité du dépistage ; la survie mesure simplement la vie de la personne à partir du diagnostic, donc avec son cancer, diagnostic simplement devancé par le fait d'être dépisté, mais sans effet sur la longévité ou l'espérance de vie des femmes, en rien modifiées depuis l'avènement des grandes campagnes de dépistage.

Il n’existe aucune preuve que le douteux principe de précaution allonge la vie des femmes, ni de leur la vie en bonne santé. Surtout si, pour certaines, les traitements la leur abrégera...

La sensibilisation et l’information des professionnels est toujours inscrite dans l’arrêté avec l'objectif tout à fait affiché d'incitation des populations, là aussi absolument en contradiction avec les demandes des citoyennes, ce qu'on retrouve à plusieurs reprises tout au long du rapport de la concertation.

"Le médecin traitant est l'interlocuteur privilégié des personnes, tant pour l'incitation au dépistage que pour la remise des résultats et le suivi des personnes. Les campagnes ne peuvent se faire sans son adhésion." 

Bien entendu selon l'arrêté, seul l’INCa a le droit de délivrer cette information.

 "Des outils de formation (CD-Rom et brochures), approuvés par l'INCA, sont mis à la disposition des structures de gestion qui les utilisent prioritairement. "

On connaît la très contestable objectivité de ces supports... [21] [22]

Le contenu des paragraphes consacrées aux structures de gestion est toujours aussi lourdement concentré sur l’autojustification de la mission et de ces structures administratrices.

Bienvenue en Absurdie...

En matière de recherche aussi, on attend toujours que se concrétise l'idée d'une longue étude prospective (et rétrospective), initiée par le ministère de la santé ou bien pilotée par l'INCa, sur une vaste cohorte nationale de femmes participant ou non au dépistage, évaluant ainsi l'efficacité du dépistage, comme demandé d'ailleurs par les citoyennes dans les conclusions même du rapport de concertation.  Grâce à cette étude de grande ampleur on pourrait enfin confirmer les présomptions de plus en plus apparentes de l'échec du dépistage en matière de réduction de la mortalité par cancer du sein (mortalité dont les chiffres déclarés se révèlent désespérément stables malgré les investissements consentis), et en matière d'allègement des traitements si souvent invoqués mais non étayés dans les messages des autorités sanitaires et de leaders d'opinion en la matière. Sans doute rétorquera-t-on qu’il n’y a plus d’argent pour ces études.

En revanche on demande toujours aux radiologues des efforts financiers pour le renouvellement du parc d’imagerie médicale dédié, et on trouve toujours suffisamment de moyens pour les nouveau traitements chimiothérapiques.

Au fait, combien a coûté le nouveau site de l’INCa ? Allez on lance les paris : 50 000 € ?

Cette refonte du dépistage que les citoyennes françaises ont tant appelée de leurs voeux est indigente, indigne, et surtout contraire au premier grand principe qui régit les politiques de santé publique en France, à savoir le Principe de la Connaissance.

Références :

[1] https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000787078

[2] https://www.cancer-rose.fr/article-pour-labrogation-de-larrete-de-2006/

[3] https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000460656

[4] https://www.cancer-rose.fr/nouvelles-du-front-premiere-manche/

[5] PC Gotzsche, KJ Jorgensen Dépistage du cancer du sein avec mammographie, Cochrane Database Syst Rev, 6 (2013), Article Cd001877

[6] Nederend, LE Duijm, MW Louwman, RM Roumen, FH Jansen, AC Voogd Tendances de la chirurgie pour les cancers du sein détectés par dépistage et par intervalle dans un programme national de dépistage Br J Surg, 101 (8) (2014), pp. 949-958

[7] Tataru, D. Robinson, H. Moller, E. Davies Tendances dans le traitement du cancer du sein dans le sud-est de l’Angleterre suite à l’introduction de directives nationales J Santé publique (Oxf), 28 (3) (2006), pp. 215-217

[8] AE Dragun, B. Huang, TC Tucker, WJ Spanos Augmentation des taux de mastectomie dans tous les groupes d’âge pour le cancer du sein au stade précoce: une étude de 10 ans sur le choix chirurgical Breast J, 18 (4) (2012), pp. 318-325

[9] Mahmood, AL Hanlon, M. Koshy, R. Buras, S. Chumsri, KH Tkaczuk, et al. Augmentation des taux nationaux de mastectomie pour le traitement du cancer du sein au stade précoce Ann Surg Oncol, 20 (5) (2013), pp. 1436-1443

[10] KL Kummerow, L. Du, DF Penson, Y. Shyr, MA Crochets Tendances à l’échelle nationale de la mastectomie pour le cancer du sein à un stade précoce JAMA Surg, 150 (1) (2015), pp. 9-16

[11] « Breast Cancer Screening, Incidencee, and Mortalily Acress US Countrie. »
Auteurs : Harding C, Pompei F., Burmistrov D., et al.
JAMA Intern Med. Published online July 06, 2015. doi:10.1001/jamainternmed.2015.3043

[12] Etude dans Médecine/oct 2017

[13] https://cancersdusein.e-cancer.fr/

[14] Slaytor EK, Ward JE . How risks of breast cancer and the benefits of screening are communicated to women: analysis of 58 pamphlets.http://www.bmj.com/content/bmj/317/7153/263.full.pdf

[15] Jørgensen KJ, Gøtzsche PC. Presentation on websites of possible benefits and harms from screening for breast cancer: cross sectional study. bmj.com 2004;328:148. Sur : http://www.bmj.com/content/328/7432/148.full.pdf+html

[16] https://cancer-rose.fr/wp-content/uploads/2019/07/depistage-cancer-sein-rapport-concertation-sept-2016.pdf

[17] https://www.cancer-rose.fr/la-vraie-prevention-parent-pauvre-du-plan-de-lutte-contre-le-cancer-du-sein/

[18] https://www.cancer-rose.fr/cancer-du-sein-travail-de-nuit-et-inegalites-professionnelles-de-genre/

[19] WHO position paper on mammography screening, 2014 http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/137339/1/9789241507936_eng.pdf

[20] https://www.cancer-rose.fr/test-predictif-des-reactions-a-la-radiotherapie-des-femmes-en-grand-danger/

[21] https://www.cancer-rose.fr/analyse-critique-du-nouveau-livret-dinformation-de-linca/

[22] https://www.cancer-rose.fr/2175-2/

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Coups de gueule…toujours d’actualité

23/02/2018

Dr C.Bour

C'est les vacances, on se détend et on classe.

Voici deux billets d'humeur d'il y a quelques années, redénichés après triage de vieux textes .

Finalement, ça n'a pas tellement vieilli...

Les Tés, les Teurs, et les Rbls

Un jour futur, que je ne veux pas connaître mais que les moins de vingt ans connaîtront, le monde se partagera entre les dépistés et les dépisteurs.

Tout homme sain est un malade qui s’ignore, on le sait bien. Du coup l’homme savant a inventé le dépistage qui transforme votre vie en enfer plus sûrement que la maladie. A coups de prises de sang, de supra-scanners et d’IRM, l’individu à peine né sera passé au Grand Tamis afin de débusquer la moindre cellule ayant une velléité de devenir, peut-être, plus tard, un cancer. Bien sûr on n’en sait rien, l’individu peut très bien tomber de sa chaise, se casser le coccyx, être immobilisé, faire une phlébite puis mourir d’embolie, mais on aura au moins traqué au préalable la cellule ennemie, au cas où il ne serait pas tombé de sa chaise.

Donc, il nous faudra des dépisteurs pour fouiller les futurs dépistés. Et des dépistés pour occuper les dépisteurs et faire tourner le Grand Tamis. Il y aura un troisième groupe, ceux qui résistent encore et toujours à l’envahisseur, les rebelles ! Pour aller plus vite et simplifier au fil du texte, on fera comme pour le couscous, on appellera les uns les Tés (les dépistés), les autres les Teurs (les dépisteurs), les troisièmes les Rbls (les rebelles).

Le couscous, ce que ça vient faire ? Eh ben dans le couscous il y a de la semoule, des légumes et de la viande, il y a un peu de tout alors on a appelé ça tout d’abord le couci-couça. Et avec l’érosion linguistique au fil du temps ça a donné le couskça, puis le k au milieu ça fatigue alors c’est devenu au bout d’un moment le couscous. ( Bon ok, c’est la vanne favorite de mon frangin quand ma sœur vient de Tunis et fait son couscous chez nous, et la cuisine aussi elle ressemble un peu à couci-couça ).

Reprenons, vous me faites perdre le fil avec votre couscous, et puis ça n’a rien à voir. 

Donc il y aura les Tés, les Teurs et les Rbls. Notez qu’un Teur peut très bien avoir été un Té au préalable ou même en devenir un ! Peut-être ce sera même la condition sine qua non pour devenir Teur dans la vie. Idem un Té, rattrapé par une vocation naissante, va faire une formation de Teur et réussir brillamment une carrière de futur fouilleur d’organe. Pour les Rbls c’est plus aléatoire. Soit il reste un Rbl et il est perdu à jamais, et il mourra un jour. Soit il craque et devient un Té, soit il prend le lâche chemin de la traîtrise et se laisse embarquer parmi les Teurs, et là c’est terrible, car d'une part les Rbs le rejetteront à jamais, d'autre part il ne sera jamais vraiment accepté par les Teurs qui le regarderont toujours avec méfiance. Parce qu’un Rbl devenu Teur, cela peut être une conversion opportuniste, ce n’est pas forcément un vrai Teur par conviction, enfin on ne peut jamais savoir, jamais vraiment faire confiance. Et si c’était juste un infiltré, un faux-Teur ? Eh ben tiens.

Dans certaines banlieues où l’érosion linguistique tient carrément de l’inversion, le schisme est le même mais les factions ne portent pas tout à fait les mêmes noms, ce sont les Reuts et les Ets, et puis les Lbrs, oui c’est plus dur à prononcer.

« Yo man, j’ai rencontré un Reut qui m' dit, t’as pas fait ton tagpistdé, c’est portnawoiq ! Du coup ziva, au Grand Mitas m'ont fait la zipr de sang et le nerscan, et là suis un vrai Et, wech. »

Quand j’aurai des petits-enfants, avec un œil au milieu du front et six doigts à chaque main, je leur dirai de bien choisir leur camp. Va pas être facile la vie si tu es Té et veux devenir Teur (un TéTeur), ou si tu es un ancien Té devenu Rbl (un Térbl) ou un Teur qui refuse le statut de Té (un TeurdéTété), ou un Teur qui se Té…

Dur.

La Prostatine !

La Prostatine !! 24ème édition

 

Le premier novembre ce sera la 24ème édition de « La Prostatine » ! Pour la lutte contre le cancer de la prostate, cette terrible maladie qui peut atteindre n’importe qui d’entre nous, nos pères, nos fils, nos grands-pères, nos oncles au deuxième degré par alliance à la tante de ma mère, ou nos petits-fils, venez tous pour disputer l’épreuve 100% masculine, avec nos partenaires :

——« Duracuire », le préservatif hypo-allergénique, modèle bleu, parfumé à la myrtille,

——-« Burnosec », le fabricant de lingerie masculine et

——-« Etom » spécialiste du pyjama.

 

L’inscription à la course contre cette terrible maladie qui peut nous atteindre tous est de 12 euros et comprend :

  • le dossard bleu ;
  • -la mini-cravate bleue en pins ou en broche à accrocher sur votre T-shirt, et distribuée par l’association « le cancer de la prostate baisons-le » ;
  • -le T-shirt « Ferraro-Prostatine » de notre sponsor automobile ;
  • -le magazine « La Prostatine-Attitude » ;
  • la médaille et
  • -le dvd souvenir. !!!!

 

Quatre épreuves pour courir contre cette terrible maladie qui peut nous atteindre tous!

  • La Prostatine classique, une boucle de 6 km pour les participants dès 14 ans
  • La Mini-Prostatine, 1 km pour les participants jusqu’à 15 ans inclus
  •  La Baby-Prostatine, 400 mètres jusqu’à 4 ans inclus
  • Une épreuve individuelle, en famille ou en équipe contre cette terrible maladie qui peut nous atteindre tous !

 

Trois défis collectifs sont proposés :

  • «  le trophée père-fils »,
  • le « challenge –potes » et enfin vous pouvez vous inscrire à
  • « la course –entreprise » avec votre PDG.
  • Enfin un Prix Spécial Grand Papa pour les plus de 70 ans, avec une prothèse de hanche (bleue) à gagner !

 

Deux trottinettes bleues ! !

Elles seront offertes par notre partenaire «Barbucon » le spécialiste de la mousse à raser, par tirage au sort d’un des dossards du challenge « Père-fils » !

 

Un échauffement collectif en musique !

Avant le départ un échauffement collectif en musique sera dirigé par « Testo’gym », pour faire monter…. l’ambiance, afin que tous ensemble nous provoquions une déferlante festive et testostéronée dans les rues de la ville…

 

 

Un espace santé pour dépister cette terrible maladie qui peut nous atteindre tous !

 

Un massage et un toucher rectal gratuits seront offerts par nos professionnels bénévoles présents sous la tente marquée de la cravate bleue.

 

 

Des animations !

 

Au  Village « La Prostatine », les coachs sportifs du collectif

« Les Burnés » vous proposent leur stand d’initiation au massage pelvien californien !

Il est basé sur différentes techniques à l’huile et considéré comme le massage sensoriel pour une relaxation absolue de tout le corps en visant une détente musculaire et psychique, afin de mieux lutter contre cette terrible maladie qui peut nous atteindre tous. !

Ne manquez pas non plus les stands « fashion & beauty au masculin » pour vous donner des trucs et astuces afin de rester beau et désirable même chauve ou velu, avec le soutien de : « le Boudoir des Cocos », « Armand de la Plumetière » et « Froufrou-Bob ».

Le jeu Blue-Wheels récompensera le guy qui saura changer le plus vite la roue de la voiture bleue mise à disposition par « Pollutotal», notre sponsor du groupe pétrolier Merdoil-Compagnie. Un cric bleu à gagner !

 

Pour vous délecter, faites un tour sur notre buvette Made in US :  le Bar à salades « Jeboufgras » et ses délicieux poulets fournis par le producteur local « HormoCotcot ».

 

L’atelier Freestyle animé par Loulou, associant des mouvements sur ballon bondissant pour tonifier la prostate et des rotations du bassin en musique pour améliorer la perception de son propre corps au niveau pelvien et pour reconstruire sa masculinité, atteinte par cette terrible maladie qui peut nous atteindre tous !

 

Et enfin un atelier créatif de slips, pour redonnner une deuxième vie à vos slips. Le slip est un symbole fort pour les programmes de prévention pour encourager les hommes à prendre leur prostate en main et à préserver leur masculinité qui passe par la santé de leur prostate ! Un grand lancer de vos slips relookés sera organisé sur l’Esplanade du Trocadéro. Rejoignez-nous avec vos slips en faveur de la prévention de cette terrible maladie qui peut nous atteindre tous !

 

 

Des récompenses !

Un concours de déguisement « lapin bleu » est également proposé, on peut dire que vous avez l’humour et la bonne humeur dans la peau les guys, contre cette terrible maladie qui peut nous atteindre tous ! Ouais !

Le trophée « déguisement » récompensera le mec le plus créatif ou l’équipe au déguisement le plus épatant !

Premier prix : une tondeuse à gazon bleue

Deuxième prix : un ballon de foot dédicacé par Zlatan

Troisième prix : un lot de petits camions de pompiers miniatures.

Et pour tous les participants : le bouquet de bleuets pour la participation, fourni par « Interflormec » !

 

Témoignage de Robert

 

C’était trop génial ! Un grand merci aux sponsors sans lesquels tout ça n’aurait pas été possible, à nos amis et nos familles. On s’est trop éclatés, depuis le temps que j’espérais une manifestation de ce genre pour le soutien contre cette terrible maladie qui peut nous atteindre tous ! Cette journée marque pour moi les 10 ans de mon cancer de la prostate que j’ai dignement fêté grâce à vous et que j’ai pu surmonter grâce aux dons à la recherche contre cette terrible maladie qui peut nous atteindre tous. Mon voisin dont le père et le demi-frère sont également atteints, a aussi participé et j’ai pu constater sur son visage la joie de vivre qui était partie depuis longtemps, retrouvée grâce à la Prostatine. Vivement l’année prochaine pour vivre encore ces moments privilégiés entre guys!

Alors oui, vive la vie, j’ai ré-appris à accepter mon pelvis et j’aime ma prostate !

 

Robert, chauffeur routier, 56 ans, père d’un adolescent de 15 ans.

 

________________________________________

Vous trouvez ce texte niais, idiot et infantilisant ? Vous avez raison, il l’est. Pourtant il est calqué exactement sur la prose lisible dans les brochures des courses et des associations  comme La Parisienne, La Messine, La Thionvilloise, Pink Bra Bazar, les Dames de Cœur etc…..

J’ai juste transposé ce baragouinage dans la sphère masculine, c’est tout, sans changer l’essentiel de la sémantique.

Pourquoi le trouvez-vous comique, outrancier et caricatural dans l’univers masculin ? Pourquoi ça ne fait pas rire quand il s’agit des femmes qu’on prend pour des gamines de 5 ans ?

Le cancer de la prostate chez l’homme a la même incidence que le cancer du sein chez la femme, pourtant à l’homme on n’inflige ni discours gna-gna, ni dépistage systématisé parce qu’on estime que la balance bénéfice/risque penche trop en faveur du risque. Donc, on ne prend pas le risque que trop d’hommes, par surdiagnostic,  se retrouvent incontinents et impuissants. On a bien essayé remarquez, mais les hommes ils se défendent dès qu’une aiguille les approche de trop près, et ils sont informés, eux.

Par contre pour les femmes on tolère très bien qu’elles se retrouvent avec un sein en moins, une ménopause précoce, des cheveux qui tombent par des traitements qu’elles n’auraient pas dû avoir, et tout ça en les prenant pour des andouilles et en les faisant courir.. Vers où ????

 

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Betty Boobs s’est fait dépister et elle n’a pas eu de chance.

 

 Par Annette LEXA, 25 janvier 2018

Nos héroïnes BD tombent le haut

 

Une certaine presse s’est emparée du sujet de la mastectomie sous l’angle de la dédramatisation, de l’humour, de la déconstruction des stéréotypes de l’esthétique symétrique et de la pression incitative sociétale et médicale à la reconstruction mammaire. Ce sujet  semble même avoir bien plus mobilisé les féministes que la recherche de preuves scientifiques de l’efficacité du système de dépistage organisé à réduire la mortalité par cancer du sein, de la réelle réduction de la lourdeur des traitements tant vantée comme une évidence *. Les féministes sont des femmes libres, rebelles, indépendantes et insoumises au système, nous savons cela.

Bien sûr, ce douloureux sujet peut toucher des femmes jeunes, en dehors du dépistage et il n’est pas question de minimiser le drame que cela représente.

Là, où cela devient plus dérangeant, c’est lorsque des artistes, des écrivain.es, des associations, s’emparent du sujet - dont ils ne maitrisent de toute évidence pas toutes les facettes - pour promouvoir une « dédramatisation » de cet acte médical. Il est vrai que le système est gourmand : avec un plan cancer cherchant à atteindre 80% de femmes au dépistage alors que les chiffres plafonnaient à 50%, il fallait bien mettre le paquet pour dédramatiser et  déconstruire les représentations stéréotypées  que la société porte sur nos Betty Boobs un peu nigaudes et trouillardes pour qu’elle aillent se faire dépister comme on va chez la manucure : La mastectomie ? même pas peur !

Nous avons eu droit en 2015 à un artiste improbable dont l’indécence n’a d’égal que l’ignorance, du nom de AleXsandro Palombo  - depuis retombé dans l’oubli heureusement -  qui créa un « projet artistique intitulé "Survivor", dans lequel il transforme les princesses Disney, mais aussi Wonder Woman, Marge Simpson ou encore Betty Boop en survivantes du cancer du sein. Qu'elles aient subi une mastectomie partielle ou totale, chacune de ces héroïnes emblématiques de la pop culture américaine exhibe fièrement ses cicatrices. Le but du projet artistique ? Sensibiliser les femmes à l'importance du dépistage (…) Vous devez être très forte et être capable de surmonter psychologiquement le choc pour accepter la nouvelle apparence de votre corps", explique Alexsandro Palombo au Huffington Post US. Ce projet est un message d'espoir et de courage. Je crois que nous devons également sensibiliser les jeunes par le biais d'enseignements sur la santé. (…) L'art est un puissant moyen de sensibilisation sur les questions sociales importantes »**

Nous avons aussi l’association « Les amazones s’exposent »***, activistes qui vous donneraient presque envie de vous faire couper un sein tant cela a l’air follement excitant de porter un monokini assymétrique pour briser des tabous.

En août 2017, Slate brisait les tabous lui aussi : oui, on peut être belle et bien dans sa peau à 53 ans avec un seul sein ****. Parmi les 52.500 femmes chez qui on diagnostique un cancer du sein chaque année, environ un tiers subit une mastectomie, d'après les chiffres du PMSI national 2011 –un dispositif qui, pour mesurer l’activité des établissements de santé et leur allouer un budget, fournit des informations quantifiées et standardisées sur les besoins des patients . Mais 78% des femmes n’ont pas recours à la reconstruction et subissent les injonctions de leurs médecins et de leurs proches.

Dernièrement la presse a salué le Prix de la BD Fnac 2018 , Merci Boobs , de Véro Cazot et Julie Rocheleau, aux éditions Casterman, narrant l’histoire d’« une femme qui surmonte son cancer du sein : Elle a perdu son sein gauche, son job et son mec. Elle ne le sait pas encore, mais c'est le meilleur jour de sa vie.»

Le seul petit souci, c’est que de notre côté à Cancer Rose, notre travail tout autant et peut -être presque plus " déconstructeur et briseur de tabous" , a permis de mettre en évidence un excès de plus de 10 000 mastectomies entre 2000 et 2012 imputables aux excès de dépistage, entraînant, par principe de précaution, facilité, dogmatisme, rentabilité, etc. , des surdiagnoctics et des surtraitements dont il est encore difficile d’avouer l’ampleur tant le chiffre fait frémir. Car outre cette non diminution des traitements, il apparaît que les programmes de dépistage de par le monde aient entraîné un surdiagnostic  de cancers allant jusqu’à 50% des cancers dépistés.  (voir les données de Junod 2011, étude Autier Pays Bas Etude Pays Bas)

De ceci, il apparaît que ni Annick Parent des 'Amazones s’exposent' ***, ni ces auteures de BD n’en soient conscientes, pas plus que la FNAC .

Que Betty Boop fasse partie de ces 10 000 femmes françaises surdiagnostiquées entre 2000 et 2012, se retrouvant du jour au lendemain avec un seul sein – l’autre ayant rejoint la poubelle à DASRI (déchets d'activité de soins à risques infectieux) de l’hôpital - et une longue balafre sur le torse par suite de surtraitement d’un cancer qui ne l’aurait pas tuée (ou qu’elle n’avait pas), et aurait pu être simplement surveillé, semble être un tabou social bien plus cruel à avouer que celui qui consiste à déconstruire le stéréoptype de l’asymétrie en France. Celui du chiffre qui pourrait atteindre 50% de surdiagnostiquées (étude Pays Bas) et donc surtraitées est encore plus difficile à avouer tant il véhicule une violence inouïe dont on mettra longtemps à briser le tabou, car la société doit reconnaitre qu’elle s’est trompée, qu’elle a été manipulée ou a manipulé, qu’elle a persisté dans l’erreur, qu’elle a failli à son devoir de prévention, de respect de la dignité et de l’intégrité des femmes, et ceci avec la complicité active puis passive de l’Etat. Dur à avouer à Betty Boop .

 

 

Références

 

* Le dépistage organisé permet-il réellement d’alléger le traitement chirurgical des cancers du sein ? Médecine, Volume 13, numéro 8, Octobre 2017Vincent Robert 1 *Jean Doubovetzky 2Annette Lexa 3Philippe Nicot 4Cécile Bour

Etude mastectomies en France

 

** Des héroïnes de dessins animés tombent le haut contre le cancer du sein

http://www.terrafemina.com/article/des-heroines-de-dessins-animes-tombent-le-haut-contre-le-cancer-du-sein_a273152/1

 

***Les amazones s’exposent,

http://lesamazones.fr/expo-virtuelle/annick-parent/

 

**** «Je me suis dit qu’on pouvait être belle avec un seul sein»

 http://www.slate.fr/story/150471/corps-amazones-seins-normalite

 

 

 

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Non mais allô! Quoi? T’es gynéco, tu comprends rien à l’épidémio ?

La trumpisation de l’information médicale en France

Dr ANNETTE LEXA

1er mai 2017

Sur le site de Allô Docteur- France 5, on peut actuellement voir une video (ici) sur le dépistage du cancer du sein, où le Docteur Cécile BOUR est interrogée.
Le reportage, se termine en affirmant que, pour les autorités et « la majorité des spécialistes », le dépistage doit continuer car il réduit le nombre de traitements lourds.
Nous assistons, ébahis, à la trumpisation de l’information médicale en France et c’est extrêmement grave. Le temps n’est plus très loin où ces « spécialistes » vont appeler « fake news » (faits alternatifs) les études internationales parues dans les plus grandes revues médicales et que nous relayons sur ce site. Ou vont les effacer… Le réel n’a pas eu lieu.

Cette vision du monde nous fait entrer tout droit dans le cauchemar de l’administration Trump, avec ses prises de positions négationnistes sur le réchauffement climatique.

Je propose d’ores et déjà quelques pistes complotistes aux surdiagnostico-sceptiques du Collège de Gynécologues :

« Les croyances dans le surdiagnostic et le surtraitement de cancers ont été inventées par des groupuscules alter-mondialistes afin de réduire la population mondiale. »

 

- « La peur des surdiagnostics est une ruse des Chinois/Américains/Russes (au choix) pour affaiblir l’industrie pharmaceutique. »

 

- « Derrière la polémique sur les surdiagnostics et les surtraitements de cancers, il y a la main invisible de Poutine. »

 

- « Les adeptes de la secte du surdiagnostic – alliés avec l’extrême-droite - veulent déclencher une pandémie de cancers dans le monde. »  

POURQUOI C’EST FAUX

Ce n’est pas le collectif qui a averti du risque de surdiagnostic de 10 ou20 %, c’est l’INCa lui-même (j’en parle ici).

Le Pr Carole MATHELIN du Collège de gynécologues et obstétriciens français appelle « polémique » les travaux scientifiques publiés depuis de nombreuses années dans les plus grandes revues biomédicales (Annals of Oncology, British Medical Journal, JAMA Intern.Med., New England Journal of Medicine), travaux dont nous nous faisons le relai ici à Cancer Rose (ici) .
Elle évoque des femmes arrivant avec de plus grosses tumeurs nécessitant des traitements plus lourds.

Le collège des gynécologues a-t-il un problème avec l’épidémiologie ?
Nous lui suggérons de lire attentivement l’étude de Harding et collaborateurs, parue en 2015, et portant sur 16 millions de femmes aux USA : cette étude n’a montré aucun bénéfice en terme de réduction de la mortalité, ni sur le nombre de cancers avancés ou le nombre d’ablations de seins. Une navrante « polémique » qui se répand sur les réseaux sociaux...

Le Collège des gynécologues peut aussi se pencher sur l'étude de Bernard Junod, publiée dans le BMJ en 2011 et portant sur trois cohortes de femmes en France, sur la méta-analyse Cochrane et sur celle de Prescrire qui montrent toutes que les mastectomies ont explosé. De malheureuses « fake news » venues d’on ne sait où...

Même la Caisse Nationale d’Assurance maladie, partant du principe qu’un dépistage précoce réduit les interventions lourdes, s’est étonnée que les ablations du sein ne baissent pas (ici) . Et que dire de l’avis de l’Académie de Médecine qui reconnaissait déjà en 2007 que le dépistage était à l’origine de surdiagnostics ? (nous en parlons ici). Un sombre « complot » organisé contre le Collège des Gynécologues.

Nous assistons à une trumpisation de l’information médicale « autorisée » en France.

- « Le surdiagnostic ? C'est quoi ? »

« Le réchauffement, quel réchauffement ? »

- « 10% de surdiagnostic : C’est le prix à payer pour sauver des vies, alors, on ne va pas en faire un drame. »

« C’est pas 3 ours polaires qui vont nous empêcher de continuer à brûler notre pétrole/charbon/gaz de schiste ! » 

- « Evaluer la réduction de mortalité due au dépistage ? Quelle drôle d’idée ! Les  gynécologues, les radiologues et surtout, les femmes sont satisfait(e)s du dispositif ! Alors pourquoi changer une équipe qui gagne et faire des statistiques qui embrouillent tout le monde? »

« Calculer les émissions de CO2, tout çà pour tenter de diminuer de 2 petits °C la température de la planète dans 50 ans quand on sera morts ? Quelle idée ! En plus, ça tue le commerce et l’emploi ! »

 - « Grâce au dépistage, les traitements sont moins lourds ! »

« De toute façon, le réchauffement climatique a commencé il y a 10 000 ans, alors vos mesures ne changeront rien ! et puis on va pouvoir aller extraire facilement le pétrole sous la calotte polaire ! »

- « A cause de gens comme vous, on va voir revenir des femmes avec des formes avancées de cancer du sein, vous êtes irresponsables ! »

« Les migrants climatiques ? Un drame ? Des opportunité de marché plutôt ! On va devoir reconstruire des villes, faire des grands travaux. Quand le bâtiment va, tout va ! »

Nous réfutons ces arguments irresponsables qui, sous couvert de l’argument d’autorité dont use et abuse le Collège des gynécologues français, sans la moindre preuve scientifique, entretient les femmes dans des peurs inutiles en manipulant les chiffres, et les désinforme sur les véritables enjeux que sont le surdiagnostic et le surtraitement de cancers.

Parions que d’ici Octobre Rose 2017, le point Godwin* sera atteint. Mais le terrain sera glissant et je préfère l’annoncer d’emblée : Klara Hitler, la mère d’Adolf, suivie par le médecin juif Edouard Bloch, est morte d’un cancer du sein en 1907. Ce tragique évènement contribua selon certains historiens** à sa terreur du cancer et déclencha son antisémitisme. La lutte contre le cancer et l’antisémitisme devinrent des priorités pour Hitler et des médecins nazis.

*La loi Godwin énonce que plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d'y trouver une comparaison avec les nazis ou avec Hitler s'approche de 1 .

**The Nazi War on Cancer, Robert Proctor, Princeton University Press (November 15, 2000) ; http://www.nytimes.com/books/first/p/proctor-cancer.html

Allez, pour se détendre, je vous propose mon….

QUIZZ EPIDEMIO POUR LES NULS GYNECOLOGUES  

1/ Pour connaître l’efficacité du dépistage du cancer du sein

a/ Je me fie à ce que je vois à mon cabinet, comme les femmes qui ne se font pas dépister et qui arrivent avec des tumeurs plus grosses.

b/ Je me fie aux données de la science et particulièrement aux méta-analyses publiées dans des revues à comité de lecture et fort facteur d’impact.

c/ Je me fie à ce que j’entends tous les ans dans les colloques organisés par le collège de gynécologues financés par Roche/par la société française de radiologie/ financés par General Electrics.

c/ Je me fie au nombre de femmes qui courent tous les ans contre le cancer et ça réchauffe le cœur : yes, we can !

2/ Que signifie « Meta-analyses yielded lung cancer incidence ≥ 10 years after radiotherapy RR of 2.10 (95% CI, 1.48 to 2.98; P , .001) « 

a/ Je ne sais pas, je ne comprends pas l’anglais

b/ Le risque relatif d’apparition de cancer du poumon chez des patients, 10 ans après avoir été traités par radiothérapie, est de 2.10, avec un intervalle de confiance à 95% situé entre la fourchette de 1.48 à 2.98, avec une très forte présomption de rejet de l’hypothèse nulle. On rejette donc l’hypothèse nulle selon laquelle la radiothérapie n’a pas d’impact sur le risque de développer un cancer du poumon 10 ans après une radiothérapie

c/ Je ne sais pas, je ne comprends pas l’épidémiologie.

3/ Que signifie « le dépistage permet de réduire de 20% la mortalité par cancer du sein »

a/ 20 femmes sur 100 éviteront la mort pas cancer du sein grâce au dépistage.

b/ Dans le groupe non dépisté, 5 femmes mourront, dans le groupe dépisté, 4 femmes mourront (5-4/5=0,2).

 (Pour pouvoir donner une bonne réponse lire ici : https://web.archive.org/web/20170623084247/http://hippocrate-et-pindare.fr/2017/01/01/resolution-2017-non-au-risque-relatif-oui-au-risque-absolu/)

4/ Qu’est ce qu’une cohorte prospective

a/ Des personnes défilant pour manifester contre un projet de loi .

b/ Un ensemble de sujets partageant un certain nombre de caractéristiques communes, suivis dans le temps à l’échelle individuelle afin d’identifier la survenue d’évènements de santé d’intérêt.

c/ Un groupe de légionnaires romains qui recherchent des Gaulois cachés dans la forêt.

5/ Qu’est ce qu’un biais ?

a/ Le biais est une bande de tissu coupée à 45 degrés par rapport au droit-fil.

b/ Un biais est une erreur dans la méthode, le non-respect des règles de protocole, qui engendre des résultats erronés.

c/ Une étude présente un biais quand on a cherché à interpréter les résultats d’une certaine manière, en répondant à nos attentes implicites.

6/ Qu’est ce qu’une étude cas/témoin

a/ Une étude où on suit des personnes au départ non malades mais diversement exposées à un facteur de risque.

b/ Une étude où l’on détermine le degré d’association entre une exposition à un agent potentiellement nocif et la prévalence d’une maladie, dans 2 groupes, un groupe atteint de la maladie et un groupe non atteint ; on détermine dans chacun des groupes le nombre de personnes ayant été exposées par le passé à un agent potentiellement nocif.

c/ Une étude sur la population totale qui examine des personnes qui ne présentent pas de maladie mais présentent un certain risque de développer cette maladie.

7/ L’étude comprenait 1 000 hommes qui ont pris le nouveau médicament durant 5 ans, et 1 000 ont reçu le traitement standard. À la fin de l’essai, 6 % des hommes du groupe ayant suivi le traitement standard avaient eu un AVC, comparativement à seulement 2 % dans le groupe ayant pris le nouveau médicament.

Quelle est selon vous la meilleure façon de présenter l’efficacité d’un nouveau  traitement pour comprendre son efficacité :

a/ Par la réduction du risque relatif :  On obtient une réduction du risque de deux tiers avec ce traitement.

b/ Par le nombre de patients à traiter pendant une période donnée pour éviter l'apparition d'un évènement défavorable : 25 hommes ont dû recevoir le nouveau traitement durant cinq ans pour qu’un homme en bénéficie, pour qu’il y ait un AVC de moins.

c/ par la réduction du risque absolu : 4% des hommes bénéficieront du traitement.

8/ Qu’est ce qu’un biais de temps de devancement (lead time bias)

a/ Le biais qui consiste à détecter préférentiellement des cancers qui évoluent lentement et sont moins agressifs.

b/ ce biais, conditionné par l’utilisation du taux de survie à 5 ans comme critère d’efficacité, implique que les personnes diagnostiquées précocement ne vivront pas forcément plus longtemps que celles diagnostiquées tardivement.

c/  ce biais consiste à avoir inclus dans la cohorte des femmes dépistées, des femmes qui sont entrées trop tard dans le dépistage avec des cancers avancés : cela  fausse les bons résultats du dépistage et c’est pour cela qu’il faut commencer le dépistage à 50ans.

9/ Qu’est ce que le biais de surdiagnostic

a/ c’est le biais qui consiste à ne pas faire la différence entre les cas de cancers asymptomatiques et les cas de cancers symptomatiques.

b/ les individus surdiagnostiqués (à qui on a détecté un lésion infra-clinique, dormante et non évolutive) ont un pronostic vital nécessairement favorable.

c/ C’est le fait de prédire l’évolution de la maladie à partir du dépistage.

10/ Que signifie la phrase "une femme sur huit fera un cancer du sein" ?

a/ Que , autour de moi, une femme sur 8 a ou aura un cancer : c’est une maladie terrible qui peut atteindre tout le monde. D’ailleurs, c’est écrit partout dans les medias, donc c’est vrai et c’est ce qui fait courir les femmes !

b/ Le risque dont on parle est un risque cumulatif vie entière qui ne discrimine pas les femmes à haut risque. Il n’a de signification que pour des épidémiologistes chevronnés. Pour le grand public, il est plus honnête de parler d’incidence par décennie de vie et de s’exprimer en %

Age 30 . . . . . . 0.44 % (1/227)

Age 40 . . . . . . 1.47 % (1/ 68)

Age 50 . . . . . . 2.38 % (1/ 42)

Age 60 . . . . . . 3.56 % (1/ 28)

Age 70 . . . . . . 3.82 % (1/ 26)

c/Que toute femme a une chance sur 8 de faire un cancer du sein.

Réponses :

Vous avez un maximum de réponses a/ ou c/ ?  

Allez faire un tour sur le site de Cancer Rose ou retournez sur les bancs de la fac en cours d’épidémiologie. Et par pitié, ne vous exprimez pas dans les medias !

Vous avez un maximum de b/ ?

Vous pouvez parlez dans les medias, vous êtes un(e) médecin-expert éduqué(e) et vous ne risquez pas de raconter n’importe quoi !

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EN CAS D’ANOMALIE, DES SOINS VOUS SERONT PROPOSES !

Dr ANNETTE LEXA
25 avril 2017

Identifiée dans les fichiers nationaux du service local chargé d’appliquer le « programme national de dépistage du cancer du sein », j’ai reçu hier une lettre de relance.

La lettre est rose. Cela me permet de la distinguer, sur la pile des lettres en souffrance (impôts, assurance, gaz, électricité…) de la lettre de relance de ENGIE qui est bleuee.
Car pour le reste, c’est un peu les mêmes.

La lette bleue commence par « A ce jour, le règlement de votre dernière facture ENGIE ne nous est toujours pas parvenue, alors que la date limite de paiement est dépassée. Je vous invite à en effectuer le paiement, dans les meilleurs délais... En suivant les instructions  indiquées au verso.. »

La lettre rose commence par “Suite à un premier courrier envoyé en octobre 2016 et resté sans réponse à ce jour, nous vous rappelons que vous êtes invitée à réaliser une mammographie dans le cadre du DOCS. Prenez RV avec l’un des radiologues de votre choix figurant sur la liste au dos.”

S’en suit une longue diatribe que m’épargne ENGIE pour le coup : “Une femme sur 8 sera confrontée à ce cancer qui met en général plusieurs années à se développer. Il est donc ESSENTIEL dès 50 ans de participer REGULIEREMENT au Dépistage Organisé afin de pouvoir traiter au plus vite d’éventuelles anomalies. »

 Cette lettre, signée de 2 médecins, un homme et une femme – la parité est sauve en matière de dépistage - m’a immédiatement fait penser à l’une de ces relances insistantes restée longtemps sur mon bureau et qui a fini à la poubelle, de recyclage bien sûr. Une société d’assurance qui dans sa grande sagesse, m’avertissait du risque lié à d’éventuelles fuites de canalisations d’eau qui pourraient se passer sur ma propriété parce que les travaux ne seront alors pas pris en compte par mon fournisseur d’eau. Mon compteur est à l’intérieur de ma maison, mais passons.

Ah ! Principe de précaution, quand tu nous tiens ! Ma fille, comment continues-tu encore à vivre, à 50 ans passés, sans ces bouées de sauvetage qu’on te lance en permanence en préventif alors que tu n’aimes pas te baigner, que quand tu te baignes, tu sais nager et que d’ailleurs tu ne feras pas de procès si le maître nageur ne t’as pas sauvée de la noyade ni s’il t’a noyée en voulant te sauver, alors que tu n’étais pas en train de te noyer ?

Mais, chouette, il y a une nouveauté par rapport à la relance précédente ! On me propose de me rechercher des anomalies et non plus des cancers. 

C’est quoi une anomalie, me direz vous ?  Désolée, je n’en saurai pas plus, même en ayant lu le dépliant rose de l’INCa qui accompagnait la lettre et qui me promet de « TOUT COMPRENDRE EN 1 MIN ».  Pour info, min = minute : c’est bien connu, les femmes ne veulent pas perdre trop de temps pour se décider si oui ou non elles doivent faire une mammo, elles ont mieux à faire. C’est vrai d’un certain côté, personnellement,  je passe bien 1 ou 2 heures à comparer et essayer avant d’opter pour ma nouvelle paire de baskets.

Car j’ai lu le dépliant rose. Cela m’a pris plus d’une minute parce que je suis atteinte d’un sérieux biais cognitif : je cherche toujours à comprendre et je doute en permanence. De la déformation professionnelle. Je doute mais je sais choisir quand j’ai cessé de douter, comme pour mes baskets.

Le dépliant m’apprend que « 49 000 femmes sont touchées par le cancer du sein , c’est le cancer le plus fréquent, 11900 femmes en meurent chaque année »
- Ce nombre diminue-t-il avec le dépistage ? L’INCa ne me le dit pas. Je suis frustrée.

L’INCa ensuite me rassure « Dans la majorité des cas, aucune anomalie n’est détectée » et « si une anomalie est détectée, dans la plupart des cas, elle est bénigne.  « Sur 1000 femmes diagnostiquées, 7 cancers seront diagnostiqués ».
            - 7 femmes ou 7 cancers ? La différence compte parce que si on a diagnostiqué 2 mini-cancers sur 3 femmes – les femmes ayant 2 seins en moyenne, cela double les chances de détecter plusieurs mini-cancers de part et d’autre - ça ne fait plus que 4 femmes sur 1000. Oui, je sais, je chipote. Mais imaginez quand on passera à la détection de nano-cancers...
-  On détecte des méchants cancers ou des cancers in situ ? parce que, in fine, sur ces 7 cancers, il n’y en a peut-être qu’un qui sera très méchant, le genre qui vous laisse peu de chance de survie. Les autres n’évolueront pas, peu ou si lentement qu’une simple surveillance vous épargnerait bien des déboires. 

« Il est important de faire une mammographie tous les 2 ans. Dans l’intervalle, n' hésitez pas à consulter votre médecin si vous remarquez des changements inhabituels au niveau de vos seins. » 

- Des changements inhabituels ? Lesquels ? Voilà une information sanitaire qu’il serait salutaire de donner aux femmes : peut être que préciser ce qu’est un changement anormal permettrait, pour le coup, de vraiment sauver des vies ! Mais ce n’est pas l’objectif de l’AMODEMACES ni de l’INCa, qui est prioritairement de déployer le dépistage organisé par tous les moyens.

- L’INCa n’ose pas appeler un chat un chat. Il évoque ici les sinistres « cancers de l’intervalle », le genre de cancer qui se développe insidieusement entre 2 mammographies et qui a toutes les chances d’être méchant parce que, justement, il se développe très vite. Le dépistage organisé ne peut rien pour vous mais l’INCa ne vous le dit pas. D’ailleurs, y-a-t-il des statistiques qui comptabilisent les cancers de l’intervalle dans le dépistage organisé ? Si oui, ces cancers sont-ils comptabilisés dans les cancers dépistés par dépistage organisé ou en dehors ? Quelle est la mortalité associée à ces cancers ? L’INCa ne me répond pas. Je suis frustrée.

L’Inca m’apprend aussi que, malgré la haute technicité de l’appareillage et la haute compétence des radiologues, « certains petits cancers peuvent ne pas être détectés, d’où l’intérêt de répéter l’examen tous les 2 ans »  (c’est écrit en gras).

            - Bon sang, mais c’est bien sûr ! Pour arriver à ce chiffre de 7 cancers sur 1000 femmes, il est essentiel de ramener le cheptel (heu, pardon, le fichier…) de femmes qui ont 2 seins tous les 2 ans à l’examen. Pas étonnant que nombre d’associations environnementales crient « Il y a de plus en plus de cancers ! On nous empoisonne tous ! ». Les hommes ont une chance folle : il n’ont qu’une seule prostate et ils ne reçoivent pas, 2 fois par an, de dépliant à lire en 1 min.
           
Je retourne le dépliant au verso et je m’attache à lire consciencieusement  le (dernier) chapitre “Quels sont les inconvénients?” 

J’y apprends que “Comme tout acte médical, le dépistage présente des inconvénients. Ainsi, dans l’état actuel des connaissances scientifiques, il n’est pas possible de distinguer les cancers qui vont évoluer, qui sont les plus fréquents, de ceux qui n’évolueront pas ou peu (de 10 à 20% des cancers détectés). C’est ce qu’on appelle le surdiagnostic. Par précaution, il est proposé de traiter l’ensemble des cancers diagnostiqués. ”

C’est un peu gênant tout çà. Je reconnais la franchise de l’INCa. Pas celle de l’AMODEMACES  qui laisse l’Inca dire que … tout n’est pas tout rose, sans jeu de mot :  côté recto du dépliant, j’avais pu lire qu’en cas d’anomalie, je me verrai proposer rapidement des soins pour augmenter mes chances de guérison. 

Si c’est une anomalie, pourquoi se presser?

C’est quoi des soins ? Un massage ayurvédique au beurre de cacao? Un masque à l’argile? Car qui ne s’est pas vu proposer « un soin » au bac chez le coiffeur ?

Mes activités professionnelles m’amènent actuellement à œuvrer, entre autres, dans le domaine des cosmétiques. Les allégations cosmétiques sont encadrées par un règlement (655/2013), même si elles ne sont pas expressément définies. Ainsi le terme de “soin" est autorisé sur les étiquettes de produits, parce qu’il n’y a pas de connotation strictement médicale : soin de beauté, soin apaisant aux plantes, masque soin qui nettoie votre peau en profondeur… Cependant, la réglementation est stricte, le cosmétique doit prouver son innocuité.

Et dites-moi, c’est comme au bac chez le coiffeur, lorsqu’on me trouve une anomalie » et qu’on me « propose un soin », je peux dire « non, merci, pas cette fois ci » ou « oui, c’est vrai, ils sont secs en ce moment » ?

Alors, Docteur INCa , dites-moi, une petite ablation mammaire, des examens au technetium-99 , un soin au radium - bio bien évidemment car extrait de nos réserves naturelles protégées, un cure de Tamoxifen et de Trastuzumab, c’est un « soin » d’après vous ? Vous n’avez pas mieux à me proposer pour mes petits cancers qui n’évolueront pas ?

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Dépistage du cancer du sein, influences et manipulations de masse

 Par Dr ANNETTE LEXA

21 avril 2017

Là où nous en sommes

De nombreux travaux, études, analyses convergent à peu près toutes pour démontrer que le dépistage de masse, que ce soit pour le cancer du sein, de la prostate, du colon ou de la thyroïde, chez des personnes en bonne santé, est un échec. Le dépistage n’a non seulement pas fourni la preuve de son efficacité mais il a généré de nombreux dégâts que l’on a longtemps sous-estimés, les considérant comme le prix à payer pour « combattre le cancer », socialement parlant.

Pourtant, en ce qui concerne le sujet qui nous préoccupe sur ce site, le cancer du sein, aucune étude de grande ampleur n’a jamais été entreprise en France afin de vérifier l’efficacité de ce programme de dépistage pour réduire la mortalité ou la lourdeur des traitements.  Cela peut sembler proprement ahurissant, mais c’est ainsi.

Cela n’a pas empêché journalistes, « leaders d’opinion »,  acteurs et personnalités des médias de baisser leur pantalon pour promouvoir le dépistage du cancer de la prostate. Cela n’empêche pas des entreprises de luxe ou des organisations, dans le but avoué de promouvoir le dépistage, de financer des expositions photographiques « sublimant  la beauté » de femmes (chauves ou non) à la poitrine balafrée par une ablation mammaire et « respirant la vie et le bonheur ».
Cela n’empêche pas des centaines de milliers de femmes de continuer à courir enthousiastes « contre le cancer » tous les ans à l’automne, habillées de rose, en criant « on se sent toutes concernées, c’est important de se faire dépister, cela sauve des vies »... Cela n’empêche pas des lobbys de continuer à réclamer encore plus de dépistage, mieux organisé et de vendre des appareils plus « performants ».
Face à ces terribles constats et face à l’inertie des pouvoirs publics qui pourtant savent mais se taisent, notre collectif Cancer Rose  - constitué de scientifiques indépendant (es), chevronnés(es) - s’est donné comme mission de vulgariser une lecture critique des études épidémiologiques existantes, misant - naïvement peut être - sur le 'cerveau gauche' des femmes. Ce collectif s’inscrit dans le paradigme rationnel dominant de la médecine actuelle, à savoir la médecine basée sur le niveau de preuve - Evidence based medicine en anglais -  ce qui ne fait pas de nous, loin s‘en faut, un sombre groupuscule obscurantiste. Nous ne sommes pas un collectif « militant », tout au plus un groupe de  citoyens convaincus qu’une meilleure éducation au risque permettrait aux femmes de prendre de meilleures décisions pour elles-mêmes, sans céder à l’opinion, si tant est qu’elles puissent disposer d’une information récente, transparente et non biaisée.

L’Etat, pris entre la volonté de contrôler (le paternalisme médical) et la volonté de faire moderne (le périlleux exercice de démocratie participative), a bien senti qu’il fallait faire quelque chose devant les preuves qui s’accumulaient et qu’il ne serait bientôt plus possible de continuer à mettre la poussière sous le tapis. Continuez ou ne pas continuer ? That is the question ! Organisons une concertation de femmes et de professionnels,  ils décideront.  Ce problème est que, stupeur et tremblements, la créature a échappé à son Maître : la concertation a mis à jour un réel besoin d’information de la part des femmes, et a proposé 2 scénario : l’arrêt du dépistage ou son profond remaniement.

Cela ne fut pas du goût de tous. Cela déplût à certains.

Nous assistons, ébahis, au « bal des faux culs », se traduisant par un pas en avant  (on fait un bel exercice de communication) et trois pas en arrière (on maintient le dépistage en l’état en lui offrant un lifting cosmétique). En lieu et place d’études, on réalise fébrilement des enquêtes de satisfaction des usagères du dépistage (les preuves de baisse de la mortalité ne servent à rien, les femmes ne sont pas en demande, elles sont satisfaites du dépistage-qui-sauve-des-vies). Tout en espérant bien que le développement-de-la-médecine-génomique- personnalisée permettra de réduire ces foutus surdiagnostics (et les dégâts des traitements et surtraitements en passant..) de ces maudits cancers. Ouf ! l’honneur est sauf. Business as usual.

Voilà où nous en sommes à ce jour.

Mais comment en est-on arrivés là ?

Arguments rationnels épuisés, appel à la psychologie sociale

Nous avons épuisé les arguments rationnels, ils pèsent bien peu dans la balance bénéfice/risque que nous nous évertuons à expliquer et qui pourtant est désormais  devenu l’alpha et l’oméga de toute évaluation de risque. C’est là que la psychologie sociale peut nous aider à comprendre autrement les dynamiques à l ‘œuvre dans ce vaste et mortifère jeu social .

Je vous propose dans cette première partie de nous appuyer sur les travaux du célèbre  psychologue américain Robert Cialdini qui a longuement travaillé sur les techniques de persuasion. Que nous apprend Robet Cialdini *? Il nous apprend les techniques  de persuasion et comment se prémunir de ces comportements manipulateurs. Mais alors quoi ? Le dépistage organisé du cancer du sein fonctionnerait-il donc comme une vaste entreprise de manipulation sociale ?

Voyons cela de plus près, car c’est bien possible…

Il y a d’abord l’engagement : la technique du pied dans la porte : « A 40ans, on reçoit de la part de son gynécologue une petite ordonnance pour aller passer une mammographie avec un  « allez y, c’est important » dit sur un ton grave et paternaliste.  Et nous voilà parties pour des années d’examens, de relances, de pressions, de fausses alertes,  de peurs, d’angoisse.... Et nous ne savons plus comment dire « non, ça suffit, je ne veux plus y aller ».

Il y a aussi la preuve sociale . Difficile de dire « non » au dépistage quand tant de bonnes copines, tant de femmes autour de nous s’y soumettent. Si tant de femmes y vont, si tant de professionnels de la santé me disent que c’est important, ce doit être vrai. Je ne peux pas rester seule à douter, à dire non. Le problème est que cette étape peut conduire à tous les excès car il s’agit de continuer à « croire » à tout prix et de préserver la croyance. On n’a jamais vu autant de courses roses se déployer dans toutes les villes, mêmes les plus petites, depuis que les preuves de l’absence de l’efficacité du dépistage ne cessent de s’accumuler.

L’argument commercial de la rareté  se traduit dans ce cas par « la perte de chance ». Vous ne pouvez pas laisser passer cette chance que nous vous offrons gratuitement, à vous, femmes de 50 ans, de pouvoir être sauvées d’une mort certaine au moyen d’un petit examen. Pris à temps, un cancer se guérit !

Le levier de la réciprocité - ou de la règle du donnant-donnant - est sans doute le plus puissant. Comment refuser les relances par courrier, par sms, une fois qu’on a commencé sa première mammographie ? Nous avons votre dossier, nous vous suivons,  comment dire non encore une fois ? Vous en êtes à votre troisième mammographie, vous avez eu votre méchante alerte, votre première biopsie qui s’est avérée négative, mais la demande est insistante, vous devez revenir : après tout, vous n’avez rien , alors ne faites pas votre ingrate, ne doutez pas, nous sommes là pour vous, cela vaut bien un nouveau petit tour de manège, non ? D’ailleurs il y a de nouveaux appareils qui écrasent moins les seins. Vous faites la moue ? vous trainez des pieds pour y aller ? « Si vous ne faites plus vos mammographies, ne comptez plus sur moi pour vous suivre » répond le/la gynécologue furieux(se).

La persuasion marche formidablement bien sur les masses en utilisant le levier de la sympathie. Cet argument est très exploité par les courses roses. Comment résister à la proposition de courir toutes ensemble pour une si noble cause ? Après tous, ne sommes- nous pas toutes sœurs, filles, mères, grand-mères ? Nous devons nous épauler, nous soutenir pour combattre ce fléau du cancer ! En plus, les filles, le sport, çà fait du bien !  Au final, on a passé un moment tellement sympa ! Rendez vous l’année prochaine avec nos T-shirt !

Enfin, la classique soumission à l’autorité, encore abondamment utilisée dans le cadre du dépistage du cancer du sein, même si elle a du plomb dans l’aile : la docilité, devrais-je dire, des femmes est du pain béni pour le système médical. Cette soumission au dépistage sera renforcée par la complicité des organisations qui prennent l’apparence de l’autorité dans leur communication pour se donner un air persuasif. Combien de femmes se sont-elles aperçues que les publicités, dépliants et courses diverses étaient en fait organisés par des associations et non pas par des instances officielles ? Et n’oublions pas le recours à des figures médiatiques de médecins et autres experts en tout genre, qui ne portent plus la blouse blanche car c’est passé de mode, mais usent et abusent du prestige de la « parole d’expert » pour inciter les femmes à ne pas sortir de la route bien balisée du dépistage-qui-sauve-des-vies.

Tout ceci marche très bien parce que, in fine, un individu, qu’il soit homme ou femme est limité dans sa capacité à prendre une décision seul(e) : « Dois je me faire dépister ou non ? »  Nous sommes limités parce que nous ne disposons pas de l’information suffisante, parce que nous n’avons pas le temps, ou pas de temps à consacrer à ce choix, parce que nous sommes intellectuellement limités(es) pour comprendre la complexité des données médicales, parce que nous sommes influençables, parce que c’est rassurant de se sentir appartenir à un groupe qui pense pareil. Prendre une décision individuelle qui va à l’encontre du groupe est mentalement chose très coûteuse en énergie. Il est plus simple de suivre l’avis dominant que de se singulariser. Mais, prenez quelques personnes, deux ou trois, pas plus, et alors, vous constaterez qu’il est plus aisé de leur expliquer la balance bénéfice/risque du dépistage qu’à un groupe marqué par l’inertie et la dilution de la responsabilité.

Mais la psychologie sociale nous enseigne bien d’autres mécanismes qui sont à l’œuvre dans le cadre du dépistage de masse du cancer du sein et que nous allons aborder  prochainement … et il se peut que notre pire ennemi soit ... nous-même !

* Cialdini, Robert - Influence & manipulation , ici en format pdf

https://www.fichier-pdf.fr/2015/06/30/cialdini-robert-influence-manipulation/

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AMELI, ma Bonne Mère….

Par Dr Annette Lexa, 18 janvier 2017

AMELI s’est donné pour mission de veiller sur ma santé.

AMELI est une bonne mère pour moi. Au-dessus d’AMELI , il y a le Père, l’Etat paternaliste et bienveillant qui a donné mission à ses bergers de veiller sur ses brebis, particulièrement sur les brebis égarées qu’il s’agit de faire rentrer dans le troupeau. Et AMELI s’y emploie, avec des communicants que rien n‘arrête.
Etre une femme est un rude parcours, à chaque âge de la vie. J’ai connu les humiliations paternalistes dans mes jeunes années, mais je ne pensais pas qu’à 50 ans passés, je ferais l’objet d’une telle attention infantilisante et manipulatrice. A moins que ce ne soient les impératifs d’une politique de relance keynesienne[1] du marché et donc de la croissance obligée des dépenses de santé auxquelles je suis sommée de participer en donnant de mon corps ? C’eut été moins immoral en ce cas, juste « amoral ».

Parce que, jusqu’à l’âge de 49 ans et 364 jours, je vivais plutôt bien, je me savais mortelle et, midlife crisis passée, j’entrais dans une sorte d’apogée existentielle. Mais, patatra ! Depuis mes 50 ans et un jour, voilà que la bonne mère AMELI, aidée de ses fonctionnaires statisticiens, a décidé de changer mon statut. J’ai donc rejoint le troupeau des 10 683 633 [2] femmes de 50 à 74 ans à risque de développer un cancer du sein.

Ma fille, finies les plaisanteries .

« Tu te crois en bonne santé ? » me demande AMELI en rentrant subrepticement dans ma vie par ma boite mail. Rien n’est moins sûr... Avant oui, désormais non.

« Tu penses que la prévention ne te concerne pas ? » Alors là, bonne mère AMELI, si je puis me permettre, tu brouilles les pistes. J’ai toujours pensé que la prévention[3] m’éviterait bien des tracas, bien des examens et bien des prises de médicaments peu recommandables. J’ai une vie ascétique, je ne fume pas, bois peu, je mange des graines et pratique l’art de la ballerine plusieurs fois par semaine. J’ai toujours veillé à éviter les viandes grillées, le nitrate de potassium dans les charcuteries, la pilule, le stress, le teflon, le bisphénol dans les conserves, les cosmétiques de l’Oréal, le Roundup, les champignons sauvages depuis Tchernobyl, le radon sous ma maison, etc., et en toxicologue avertie, j’ai toujours évité d’habiter près d’un incinérateur.

Si tu m’avais demandé : « Tu penses que la prévention secondaire ne te concerne pas ? », je t’aurais répondu que la première prévention qui compte est la prévention primaire dont tu ne dis pas un mot.

Ensuite, si tu m’avais expliqué que la prévention secondaire est l’ensemble des mesures destinées à diminuer la prévalence[4] d’une maladie dans une population – par le dépistage par exemple, on aurait pu discuter entre gens responsables. Bonne mère, tu es en train de me dire que tu cherches à faire diminuer le % de cancers dans ma tranche d’âge ? L’objectif est louable. Mais l’histoire de l’évolution d’un cancer est mal connue, multifactorielle, l’épigénétique joue un rôle essentiel dans le développement d’une tumeur et les génomes des femmes sont variés et variables dans le temps : mettre 10 683 633 femmes dans le même panier et espérer que les soumettre toutes à la mammographie tous les 2 ans réduira tes chiffres de prévalence relève de l’argument d’autorité et de la patascience. Le dépistage peut être une solution de prévention secondaire mais la mammographie que tu proposes est plus un outil de diagnostic de cancer utile en cas de symptôme inquiétant qu’un outil de « prévention » pour m’aider à augmenter mon espérance de vie en bonne santé et ma qualité de vie.

Rien ne t’arrête donc, ni les nombreuses études robustes qui paraissent dans la littérature scientifique, ni les conclusions de la concertation citoyenne récente, ni l’avis de l’Académie de Médecine qui affirmait déjà pourtant en 2007 que la médecine était une des principales causes de l’augmentation du nombre de cancers, du fait de la détection précoce[5].

Tu es malhonnête

Tu es malhonnête parce que tu sais très bien tout ceci, tu le sais et pourtant tu continues à me  mentir et à me manipuler comme les 10 683 632 femmes de ma classes d’âge. Tu évites de nous parler chiffres, preuves, raison, bénéfice/risque, alors tu nous parles comme à des enfants.

Tu me demandes, comme à une gamine à qui on va injecter un vaccin, si j’appréhende d’effectuer une mammographie de dépistage. « Voyons, ma grande, ça ne fait pas mal ! »

Avec ta photo d’illustration, tu me renvoies à l’image d’une femme aux cheveux blancs emmitouflée dans une laine polaire avec un type qui lui montre du doigt un truc qui la fait rire. La pleine vie quoi. « En couple », emmitouflée sur une plage, parce qu’elle doit prendre le soleil (à moins qu’elle ne prenne des antidépresseurs), pour éviter l’ostéoporose (à moins qu’elle ne soit sous traitement substitutif hormonal), emmitouflée parce qu’elle ne doit pas attraper froid (à moins qu’elle ne soit vaccinée contre la grippe). Le truc que je vais regretter quand je mourrai d’un cancer parce que je ne t’ai pas écoutée. Le summum de l’extase qu’une femme mûre peut espérer et qui va me passer sous le nez si je n‘écoutes pas AMELI.

Le hic, vilaine mère, est que tu sais que tu ne disposes d’aucune preuve que le dépistage fait reculer la mortalité par cancer du sein. Nous avons rassemblé sur notre site Cancer Rose les plus solides et récente études* qui disent exactement le contraire et que tu fais semblant d’ignorer. Pire, le dépistage n’évite pas la réduction du nombre d’ablations de seins - c’est toi même qui t’en étonnes pourtant[6] - ni le nombre de chimiothérapies qui explose puisque tu contribues au surdiagnostic de cancer chez des femmes que tu traites préventivement pour de petites tumeurs dont personne ne sait si elles vont évoluer vers la mort ou non. Tu ne parles pas des dégâts du surdiagnostic et du surtraitement qui peut faire basculer la vie d’une femme qui n’avait rien demandé, tu évites que je me prenne la tête avec la balance bénéfice/risque, tu refuses de faire des études épidémiologiques de grande ampleur sur ma classe d’âge pour valider ta croyance - le dépistage sauve des vies, pris à temps, on s’en sort - parce que tu crains par dessus tout le résultat d’une telle étude qui discréditerait ton autorité et l’écosystème économique qui s’est créé autour.

Tu me donnes l’impression que je vis under the dome, un peu comme en Corée du Nord, là où les dernières publications scientifiques ne pénètrent pas. A l’époque où nous n’avons jamais eu aussi facilement accès à la connaissance, tu pratiques une désinformation ahurissante.

Tu tiens cependant à me rassurer : je n’aurai rien à payer, puisque ton Père et ta bonne Mère AMELI s’occupent de tout (avec les impôts, taxes et charges qu’ils te prélèvent). Mais tu ne dis pas un mot de ce que je devrai payer en cas de biopsie ou en cas d’éventuel traitement.

Tu me donnes des ordres en utilisant des verbes à l’impératif, dans cette phrase mal construite : « Cet examen est pris en charge à 100% par l’assurance maladie, munissez-vous de votre courrier d’invitation et prenez RV ».

Et si j’hésite encore, tu m’ordonnes (recours à l’impératif une fois de plus), d’en parler avec mon médecin. Là, je te trouve imprudente car si le médecin n’est pas payé à la rémunération sur objectif (ROSP), s’il lit Prescrire, adhère à FORMINDEP, lit Cancer Rose, Grange, Dupagne, Jaddo, Winkler, etc., bref s’il est un dissident, il n’est pas certain qu’il m’y encourage.

Et, comme rien ne t’arrête, mauvaise marâtre, tu demandes aux femmes atteintes de cancer du sein (celles qui se croient sauvées par la mammo , j’imagine ? Pas celles qui ont déclaré un cancer de l’intervalle…) d’en parler autour d’elles. Là, on se croirait dans une secte avec des méthodes dignes de la scientologie (l’exercice de dissémination)[7].

Mais, je garde le meilleur pour la fin, tu me convies à un moment précieux pour ma santé, comme dans une pub pour un spa avec massage aux huiles. Bientôt tu m’offriras un after : avec mon rendez-vous mammo, tu m’offriras un massage bien-être des seins aux huiles essentielles.

Elle est pas belle la vie avec AMELI ?

*https://www.cancer-rose.fr/liste-etudes-de-references/

[1] Théorie de la relance économique par le gouvernement

[2] INED https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/france/structure-population/population-ages/

[3] Selon la Haute Autorité de Santé, la prévention consiste à éviter l'apparition, le développement ou l'aggravation de maladies ou d'incapacités; Sont classiquement distinguées la prévention primaire qui agit en amont de la maladie (ex : vaccination et action sur les facteurs de risque), la prévention secondaire qui agit à un stade précoce de son évolution (dépistages), et la prévention tertiaire qui agit sur les complications et les risques de récidive.

[4] La prévalence est une mesure de l'état de santé d'une population à un instant donné. (Somme des cas de maladie présents plus les nouveaux cas)

[5] Rapport sur les causes du cancer, Dominique Dupagne http://www.atoute.org/n/article60.html

[6] Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses, Propositions de l’Assurance Maladie pour 2015

[7] Les techniques de l'Eglise de Scientologie, http://www.prevensectes.com/techniqu.htm#test

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