Le logiciel Mammorisk

Un logiciel dédié à MyPebs, appelé Mammorisk a été conçu spécialement pour l'étude MyPebs

 

document  MammoRisk_Briefpresentation_2018

 

Dans l'étude MyPEBS, pour "stratifier" le risque, celui-ci sera évalué selon un algorithme, défini par le comité directeur de l'étude (c'est à dire la coordinatrice de l'étude : Dr Suzette Delaloge, chef du comité de pathologie mammaire de Gustave Roussy ; et l'investigateur principal en France : Dr Corinne Balleyguier, chef du service d'imagerie diagnostique de Gustave Roussy ).

Page 12 du synopsis de l'étude MyPebs (MyPEBS SYNOPSIS . pdf ) :

 

 

Ce logiciel Mammorisk inclut donc comme facteurs de risque :

  • l'âge,
  • les antécédents familiaux,
  • les antécédents de biopsie bénigne antérieure,
  • la densité à la mammographie,
  • ainsi que les résultats génétiques.

 

Voici le schéma du logiciel :

 

1. Analyse des critères choisis

 

A- la densité mammaire

 

Plusieurs études sont disponibles, depuis l'étude de Wolfe[1] sur la relation entre densité mammaire et risque de cancer du sein. Cette étude ancienne a été fortement contestée à l'époque, même par les tenants du dépistage.

D'autres études ont vu le jour depuis, étudiant la pertinence de relier ce facteur de densité avec d'autres facteurs de risque, pour pouvoir élaborer des modèles de calculs du risque de contracter dans les 5 ans un cancer du sein.[2] [3] [4] [5] [6]

Aujourd’hui, aucun outil d’estimation du risque de cancer du sein utilisant la densité mammaire n’a, pour l’heure, fait la preuve de sa pertinence.

Une annonce sur le site de la société Predilife qui a conçu le logiciel attire notre attention [7]: "  MammoRisk mesure la densité mammaire qui est un facteur de risque important pour la femme de plus de 40 ans. "

Qu’en est-il d’une telle affirmation ?

La HAS, dans un travail sur l’identification des facteurs de risques, écrit :

 « La densité mammaire élevée avant la ménopause n’a pas été retenue comme un facteur de risque à l’issue des travaux du volet 1 ».

La société va donc clairement à l’encontre de l’HAS qui ne reconnaît pas la densité mammaire comme facteur de risque.

De plus, pour utiliser cet outil d’estimation du risque, il faut pratiquer une mammographie si aucune n’a été réalisée, et cela dès 40 ans.

Là aussi, cela va à l’encontre des recommandations de l’HAS qui ne reconnaît la mammographie comme utile qu’à partir de 50 ans. [8].

Enfin, la réalisation d’un examen radiologique irradiant, au seul prétexte de se conformer à un outil informatique, est-elle éthique ?

C’est une question que personne, ni parmi les investigateurs ni parmi les coordonnateurs de cette étude ne semble pas s’être posée, pas plus d’ailleurs que le autorités sanitaires qui ont autorisé cette étude.

 

B- l'âge

L'âge est reconnu depuis longtemps comme facteur de risque du cancer du sein avec un pic statistique entre 50 et 60 ans.

 

C- les antécédents

 

Les deux autres facteurs inclus dans le logiciel, antécédents de biopsie du sein même bénigne, et antécédents familiaux de cancer mammaire prêtent aussi à discussion.

Avec le surdiagnostic que les évaluations les plus récentes et fiables situent aux alentours de 40%,( jusqu'à même 50%), le dépistage a généré de la maladie, et a ainsi augmenté artificiellement le nombre des familles à risque.

Le nombre d'actes biopsiques chez des femmes jeunes pour des lésions bénignes telles que des fibro-adénomes, en vue d'une exérèse chirurgicale, a très nettement augmenté ces dernières années.

Il le sera d’autant plus, dans l’avenir, que la consultation systématique proposée aux femmes dès 25ans, vient d’être instaurée [9].

A 25 ans, les lésions cancéreuses sont rarissimes, mais les lésions bénignes (kystes, mastose, fibro-adénomes) sont fréquentes et facilement biopsiées sous échographie.

 

Tous ces éléments montrent une augmentation des examens des seins chez les femmes jeunes.

On peut donc sans risque s’inquiéter sur le fait que de très nombreuses femmes se verront attribuer un facteur de risque de cancer du sein au seul prétexte d’examens et de biopsies plus liés au « toujours plus médical » qu’à de réelles problématiques de santé.

 

2. La validation scientifique du logiciel Mammorisk

 

Sur le site de la société Predi-Life (ou Statlife) n'apparaît aucune source bibliographique.

En revanche à la page 13 du document de présentation du logiciel il y a sous le titre de "scientific papers" trois sources bibliographiques :

Seule la première référence a été publiée :

Laureen Dartois et al, A comparison between different prediction models for invasive breast cancer occurrence in the French E3N cohort, Breast Cancer Research and treatment, 2015. Les deux autres, pas encore.

A cette étude contribuent Mme Suzette Delaloge, coordonnatrice de l'étude MyPEBS ainsi que Mr Emilien Gauthier, qui  est le directeur de recherche et de développement pour Mammorisk de la société Predilife [10] .

La deuxième référence n’a pas été publiée dans une revue médicale. Le texte indique que l’étude est « in press » en 2017 dans le European Journal of Cancer. En réalité, comme le montre une recherche faite sur le site de ce journal au 16 avril 2019, aucune étude signée par Mr Ragusa n’a été publiée dans cette revue en 2017, ni 2018, ni 2019. Le plus probable est que la publication a été refusée à la suite de la revue par les pairs.

Son contenu correspond cependant à un poster présenté au Symposium de San Antonio de 2016, dont les auteurs principaux sont Mr Stéphane Ragusa, président et créateur de la société Predi-Life et Mr Emilien Gauthier, sus-cité.

Comme co-auteure nous retrouvons Mme Suzette Delaloge, oncologue de l’Institut Gustave Roussy et promoteure de l’étude MyPEBS. Il est important de noter que les communications dans les symposiums ne font pas l’objet d’une revue par les pairs et n’ont pas la même valeur qu’une publication dans une revue médicale.

(Sujet du poster

« Développement et validation d’un nouveau modèle non paramétrique d’évaluation des risques de cancer du sein sur les populations américaines et européennes de dépistage. »)

 

La troisième référence :  l'étude RIVIERA

« RIVIERA - Evaluation du niveau de risque de cancer du sein chez des femmes de la population générale par leur médecin de ville: faisabilité, ressenti, acceptabilité, satisfaction, adhésion aux programmes de suivi. »[11] [12] .

L'investigatrice principale est Mme Delaloge.

L'essai inclut 600 femmes et est effectuée en collaboration avec la société Statlife, et avec le partenariat de l'Institut Gustave Roussy.

Elle est censée analyser "l'acceptabilité et la faisabilité d'une consultation de prévention du cancer du sein par les médecins de "cabinets de ville" - radiologues, gynécologues, généralistes - en utilisant MammoRisk, une solution logicielle innovante de prédiction et de prévention du risque de cancer du sein".

Riviera est promue par l'IGR (Institut Gustave Roussy) comme cela est précisé dans le descriptif de l'étude (voir référence 11) et financée par l'ARC (Fondation pour la Recherche contre le Cancer).[13]

« Il s'agit d'une étude nommée de "soins courants", qui permettra, si l'étude est positive, de proposer une possible généralisation de ce logiciel chez les médecins de ville pour une "prévention personnalisée" du cancer du sein et une extension des ventes du logiciel ».

Mais en quoi l’acceptation par les femmes et la faisabilité d’une consultation de prévention qui utilise le Mammorisk donne des indications sur l’intérêt de ce logiciel ?

En d’autres terme, ce n’est pas parce que vous êtes d’accord avec quelque chose qui vous paraît "acceptable", que ce quelque chose est « valable » et valide son intérêt.

Au total il n’apparaît rien, sur les études scientifiques présentées par les promoteurs et concepteurs du Mammorisk, qui en valide l’intérêt.

Il n’y a de référence que celles des concepteurs de l’étude et quasiment aucune d’auteurs indépendants de ce Mammorisk.

Nouvelle étude publiée en 2022

Là aussi une étude de faisabilité.

Elle très peu de participantes (290), et qui consultent en raison d'un sur-risque supposé ce qui constitue déjà un biais.

Elle est réalisée par Saghatchian et 'coll'. Mme Saghatchian a reçu des honoraires de la société Predilife commercialisant Mammorisk. comme indiqué dans la déclaration d'intérêts.

Examinons quelques-uns des collaborateurs :
Mr Emilien Gauthier, co-auteur, n'est autre que le directeur de recherche et de développement pour Mammorisk de la société Predilife.
Une recherche nous apprend que Mme Valérie Hélin, également parmi les co-auteurs, est superviseur des affaires médicales et réglementaires chez Statlife, (marque semi-figurative de Predilife, Statlife est définie comme une société de medtech qui développe des logiciels médicaux de prédiction de risque).

Deux études de faisabilité donc, toutes les deux supportées par la société commercialisant le logiciel, pour "valider" Mammorisk....

3.un schéma pour mieux comprendre les intrications

 

MMe Suzette Delaloge est présidente du groupe French Breast Cancer Intergroup - UNICANCER (UCBG)[14]  qui est partenaire de l'étude MyPEBS dont Mme Delaloge est la coordinatrice principale ; elle est oncologue, chef du comité de pathologie mammaire à l'IGR, investigatrice principale de l'étude RIVIERA, faite en partenariat avec la société Statlife qui commercialise le logiciel Mammorisk intégré dans l'étude MyPEBS pour laquelle MMe Delaloge est la coordinatrice principale.

La société Statlife (ou Predilife) et l'IGR sont partenaires de l'étude Riviera qui valide l'acceptabilité du Mammorisk produit par la société Statlife (ou Predilife), cette étude ainsi que le logiciel sont financés par l'association ARC.[15]

L'IGR est membre d'Unicancer.[16]

Nous voyons assez facilement grâce au schéma comment des coordonnateurs d'études et des institut peuvent promouvoir des études permettant l’intégration de dispositifs médicaux avec une validation scientifique a minima et auto-promue, émanant d'une start-up privée, afin d'intégrer leur produit dans une étude européenne à grande échelle financée par les deniers de l'Union Européenne.

Ci-dessous d'autres renseignements utiles sur « la success story à venir » de la société Predilife, ainsi qu'une capture d'écran trouvée dans la revue "Le Revenu".

 

https://www.zonebourse.com/actualite-bourse/PrediLife-lance-son-introduction-en-bourse-sur-le-marche-Euronext-Growth-Paris--27707459/

 

https://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/entreprise-du-jour-predilife-specialiste-de-la-prediction-des-risques-de-maladies-graves-lance-son-introduction-en-bourse-0512-1122977.html

 

https://www.tradingsat.com/actualites/informations-societes/predilife-lancement-de-l-introduction-en-bourse-838677.html

 

4. Position de la Haute Autorité de Santé

 

"Seuls les modèles intégrant les facteurs de risque individuels sont exploitables pour déterminer des populations à risque accru (ou diminué) de cancer du sein. La comparaison avec le risque en population générale permet de cibler des populations pouvant faire l’objet de recommandations spécifiques. Toutefois, la capacité des modèles à prédire la survenue de cancer du sein reste médiocre (indice de concordance autour de 0,65). Tous les facteurs de risque ne sont pas pris en compte, notamment les antécédents médicaux personnels, la contraception hormonale, la consommation d’alcool ne sont pas inclus dans les modèles. Enfin, les outils ne sont pas disponibles pour toutes les populations (femmes de moins de 35 ans, femmes américaines hispaniques, etc.). A notre connaissance, ces modèles n’ont pas fait l’objet de validation dans la population française, et l’article de de Pauw et al. (31) montre que, pour une même femme présentant trois antécédents familiaux de cancers du sein, les différents modèles estiment des risques de survenue de cancer du sein très différents, de 13 à 34 %. Ces modèles ne sont pas fournis avec des grilles de lecture et des algorithmes de décision pour le clinicien, permettant de choisir une stratégie de surveillance en fonction de l’estimation obtenue."

https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2014-05/depistage_du_cancer_du_sein_chez_les_femmes_a_haut_risque_volet_1_vf.pdf

Page 53

 

5.Conclusion

 

Dans toute cette analyse, une question essentielle se pose : où est l’intérêt des femmes, qui éblouies, sans doute, par les termes « innovation » « médecine personnalisée » etc ; « confieront» leurs seins à l’étude MyPeBS ?

Après avoir analysé en détail et critiqué le formulaire de consentement présenté aux femmes, le protocole de cette étude et la problématique de la non-infériorité, nous nous posons aujourd’hui la question du réel l’intérêt scientifique de l’étude MyPeBS par l’analyse du logiciel Mammorisk qui est la « pierre angulaire » de cette étude.

Cette étude n’a-t-elle pas un but marketing et de développement financier plutôt que scientifique comme présenté : « MyPeBS : mobilisation européenne pour proposer un dépistage personnalisé, plus efficace et plus sûr » [17] ?

 

 

BIBLIO

[1] Wolfe JN. Breast patterns as an index of risk for developing breast cancer. AJR 1976;126:1130-9.

 

[2] Annals of Internal Medicine Personalizing Mammography by Breast Density and Other Risk Factors

for Breast Cancer: Analysis of Health Benefits and Cost-Effectiveness

John T. Schousboe, MD, PhD; Karla Kerlikowske, MD, MS; Andrew Loh, BA; and Steven R. Cummings, MD

 

[3]                                                                                                                                            https://www.researchgate.net/publication/273154592_The_Contributions_of_Breast_Density_and_Common_Genetic_Variation_to_Breast_Cancer_Risk

The Contributions of Breast Density and Common Genetic Variation to Breast Cancer Risk

Article (PDF Available) in JNCI Journal of the National Cancer Institute 107(5) · May 2015 with 77 Reads

DOI: 10.1093/jnci/dju397 · Source: PubMed

Celine M Vachon

 

[4] McCormack VA, dos Santos Silva I. Breast density and parenchymal patterns as markers of breast cancer risk: a meta-analysis. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev. 2006;15(6):1159–1169

 

[5] KERlikowske K, Cook AJ, Buist DS, et al. Breast cancer risk by breast density, menopause, and postmenopausal hormone therapy use. J Clin Oncol. 2010;28(24):3830–3837.

 

[6]                                                                                                                                            https://link.springer.com/article/10.1007/s10549-011-1853-z

Breast Cancer Research and Treatment

May 2012, Volume 133, Issue 1, pp 1–10| Cite as

Risk prediction models of breast cancer: a systematic review of model performances Thunyarat Anothaisintawee, Yot Teerawattananon, Chollathip Wiratkapun

 

[7]                                                                                                                                               https://mammorisk.com/fr/documentation-mammorisk/#

[8] https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1741170/fr/depistage-du-cancer-du-sein-en-france-identification-des-femmes-a-haut-risque-et-modalites-de-depistage

La HAS rappelle qu’en l’absence des facteurs de risque pour lesquels un dépistage spécifique du cancer du sein est recommandé, il n’y a pas lieu de réaliser une mammographie ou une échogra- phie mammaire de dépistage en dehors de la tranche d’âge de participation au programme national de dépistage organisé, c’est-à-dire entre 50 et 74 ans.

[9] https://solidarites-sante.gouv.fr/archives/archives-presse/archives-communiques-de-presse/article/marisol-touraine-modernise-le-depistage-organise-du-cancer-du-sein-et-annonce

 

[10] https://mammorisk.com/fr/societe-predilife/#

 

[11] https://www.gustaveroussy.fr/fr/riviera-resultats-positifs-mammoriskr-depistage-cancer-sein            

 

[12] https://mammorisk.com/fr/etude-riviera-mammorisk/#

 

[13] https://www.fondation-arc.org/actualites/gustave-roussy-presente-resultats-positifs-etude-clinique-riviera-mammorisk

 

[14] http://www.unicancer.fr/la-recherche-unicancer/french-breast-cancer-intergroup-unicancer-ucbg

 

[15]   https://mammorisk.com/fr/societe-predilife/

 

[16]                                                                                                                                          https://www.gustaveroussy.fr/fr/gouvernance-generalites

 

[17]     http://www.unicancer.fr/sites/default/files/MyPeBS-DP.pdf

 

 

 

Du bio-creep

14 mars 2019

Dr C.Bour

Sur les essais de non-infériorité

 

Dans un article le Dr Hervé Maisonneuve, auteur du blog Rédaction Médicale, se penche sur la valeur de deux essais dits de" non-infériorité" dans le cas d'antibiothérapie par tétracyclines.

Dr Maisonneuve souligne la difficulté d'analyse de ces études, les publications dans une revue prestigieuse comme le NEJM font croire aux lecteurs à un bénéfice ajouté des traitements dont il est question.

Selon l'auteur "faire des essais de non-infériorité comparant des médicaments parfois déjà non-inférieurs fait courir le risque d'avoir des médicaments inefficaces. Le choix du comparateur (et de sa dose) sont difficiles."

La limite du seuil de la non-infériorité est souvent choisie arbitrairement.

Comme un commentateur l'explique en dessous de l'article (le Dr Alain Sary), en citant une étude dans le domaine de la cardiologie : un produit inutile pour réduire le risque cardio-vasculaire peut être recommandé car il ne semble pas augmenter le risque cardio-vasculaire !

Pour le dépistage individualisé, ce dispositif peut s'avérer inutile pour réduire réellement le risque de cancers graves, mais être recommandé car il ne semble pas favoriser un taux de cancers graves au-delà d'un seuil arbitraire de 25% de cancers graves tolérés en plus...

Dans le cas de MyPebs

 

Dans le cas de l'étude MyPEBS, nous assistons en quelque sorte au même phénomène, à la même imposture et à la même supercherie vendue aux femmes qui y sont enrôlées :

Le protocole de l’étude consiste à comparer un groupe de femmes soumises à un dépistage hiérarchisé sur leur risque personnel de cancer du sein et un groupe de femmes soumises au dépistage standard ; il prévoit que si on observe une augmentation du nombre de nouveaux cas de cancers du sein de stade 2 et plus dans le nouveau dépistage basé sur le risque individuel de cancer du sein, mais que cette augmentation est inférieure à 25%, alors cette nouvelle modalité de dépistage basé sur le risque individuel sera considérée comme « équivalente » au dépistage standard actuel, autrement dit : aussi efficace. Donc, même si l'augmentation des cancers graves est de 18% ou de 22% p.ex., ce nouveau dépistage sera décrété tout à fait satisfaisant.

Même l’absence de tout dépistage n’entrainerait probablement pas une augmentation de plus de 25% des cancers de stade 2. Mais ça nous ne le vérifierons jamais puisque dans cet essai on évite soigneusement d'effectuer une comparaison entre les dépistées et un groupe "sans dépistage", ce n'est tout simplement pas prévu.

Faire "des essais de non-infériorité comparant des médicaments parfois déjà non-inférieurs fait courir le risque d'avoir des médicaments inefficaces" et correspond au phénomène du "bio-creep"(effet de glissade).

Explication du phénomène de bio-creep :

 

Après un essai clinique de non-infériorité, une nouvelle thérapie (ou une nouvelle procédure de santé) peut être acceptée comme efficace, même si son effet thérapeutique ou bénéfique est légèrement inférieur à la norme actuelle. Il est donc possible qu’après une série d’essais où la nouvelle thérapie (la nouvelle procédure) est légèrement plus mauvaise que les médicaments précédents (ou que le dispositif précédent), une thérapie (ou une procédure) inefficace ou nocive puisse être déclarée fallacieusement efficace; c’est ce qu’on appelle le « bio-creep ».

Conclusion

 

Le laxisme et l'arbitraire sur les seuils de non-infériorité dans ces essais reviennent à valoriser des médicaments ou des dispositifs (comme ici le dépistage hiérarchisé sur le risque) qui sont potentiellement moins efficaces que le traitement ou le dispositif de référence (le dépistage standard), ou qui sont peut-être même plus délétères, et les gens enrôlés dans ces essais n'en sont même pas conscients.

On peut suspecter, au-delà de la supercherie, qu'il y ait même une perte de chance substantielle pour les patients, ceux inclus dans les essais, et ceux qui en seront les futurs "bénéficiaires".

 

 

 

Le problème de l’irradiation des femmes à risques aux faibles doses

Depuis les travaux du radiobiologiste Nicolas Foray (voir références au bas de l'article), nous savons que des doses faibles d'irradiation, voire très faibles, peuvent conduire à des cancers radio-induits par défaut de réparation des cassures double brin de l’ADN , et que ceci conduit certains sujets prédisposés génétiquement à un risque de cancer 10 fois plus élevé que ceux dits radiorésistants.

Nous ne sommes pas égaux devant les radiations.

 

les notions de radiosensibilité et de radio-susceptibilité.

 

La radiosensiblité induit :

  • une toxicité et des réactions sur les tissus
  • la mort cellulaire
  • concerne les fortes doses

 

La radio-susceptibilité est liée à :

  • la carcinogénèse
  • aux mutations
  • aux transformations cellulaires
  • concerne les fortes et faibles doses

 

Les réparations des brins d'ADN :

  • Dans le cas de la radio-sensibilité, se fait par suture (les brins d'ADN sont "recollés")
  • Dans le cas de la radio-susceptibilité, elle se fait par recombinaison, le brin d'ADN brisé reçoit en quelque sorte un "patch" prélevé sur d'autres cellules ; l'organisme casse d'autres brins d'autres cellules pour fabriquer une "rustine" aux premiers brins cassés, la première cellule sera donc mal réparée, mais en plus, entre temps, les autres cellules lésées afin de réparer la première vont subir le même phénomène, qui s'amplifie ainsi à l'infini et produit une multitude de cellules lésées.

 

Chez les mammifères, en général le processus de réparation se fait par le mécanisme de "suture".

C'est chez les personnes prédisposées au cancer que l'on trouve des gènes qui prédisposent au mécanisme de réparation par recombinaison.

 

La protéine ATM

 

La protéine ATM une protéine de réparation, elle est présente dans le cytoplasme. Que se passe-t-il après irradiation ?

Cette protéine va passer du cytoplasme au noyau.

Comment ?

Cette protéine est un dimère, lors de l'altération par le rayonnement elle devient deux monomères, qui ont le pouvoir de passer, étant plus petits, dans le noyau, et là peuvent déclencher la réparation des brins.

Ces monomères vont activer la réparation par suture et inhiber le phénomène de recombinaison.

 

 

Les groupes de personnes selon la sensibilité aux rayons.

 

Le groupe I :

  • Il est dit radio-résistant
  • 75 à 85% de la population
  • à ATM rapide, effectuant vite la réparation, par "suture"
  • faible risque de cancer

 

Le groupe III :

  • aux alentours de 1% de la population
  • ATM mutée
  • il est à très haut risque de cancer

 

Entre les deux, le groupe II :

  • 5 à 20% de la population
  • ATM lent
  • ce sont des sujets radio-sensibles et/ou radio-susceptibles, chez lesquels se produit essentiellement le processus de recombinaison lors des réparations cellulaires.

 

Les sujets BCRA1 et BCRA2, gènes prédisposant à la survenue d'un cancer du sein  font partie du groupe de sujets II. Ces personnes radio-susceptibles font davantage d' hyper-recombinaisons. Chez elles, une seule cassure peut en entrainer une centaine.

 

 

Quelle est l'influence des faibles doses :

 

Leur influence dépend du tissu et du groupe de sujets.

Mais c'est important à savoir.

En effet, lorsqu'on effectue deux incidences mammographiques à la file sur un même sein, d'abord l'incidence de face, et ensuite l'incidence de profil, chaque incidence de mammographies délivre en théorie 2 mGray chacune, avec un espacement dans le temps de seulement 3 minutes (le temps de re-disposer la patiente après l'incidence de face, et tourner le tube pour réaliser l'incidence oblique p.ex.) .

Mais l'effet cellulaire n'équivaut pas à celui de 2mGy + 2mGy , dans ce laps de temps trop court, l'ADN ne sera pas réparé du tout.

Il n'y aura pas dans ce cas de sommation de doses qui pourrait entraîner une signal d'une importance suffisante pour alerter la protéine de réparation ; ici le signal de cassure est insuffisant et le laps de temps trop court pour stimuler la protéine ATM , donc il n'y aura aucune réparation, et cela pour tous les groupes de sujets, laissant ainsi des cellules lésées non réparées.

Le protocole 2mGy+3min+2mGy est d'autant plus dangereux pour les femmes de groupe 2 (avec ATM lent) ; le temps entre les 2 clichés devrait être de 1/2h...  .

Comme nous l'avons vu plus haut, ces personnes radio-susceptibles font davantage d' hyper-recombinaisons. Chez elles, une seule cassure peut en entrainer une centaine.

La mammographie utilise en outre des rayonnements à faible énergie, qui entraînent des cassures d'ADN moins nombreuses, mais plus importantes.

Le risque radique est donc majoré chez les femmes entre 18-35 ans , surtout si elles ne savent pas qu’elles sont d'un groupe comportant une importante radio-susceptibilité et sont soumises à de nombreux examens.

 

L'étude MyPEBS

 

Ce qui nous intéresse spécifiquement ici pour cette étude, c'est que des femmes jeunes, dès 40 ans vont être intégrées dans le groupe d'étude. Comme vous pouvez voir sur les deux tableaux issus du "synopsis de l'étude", dans les groupes à risque élevé, des mammographies annuelles vont être proposées aux femmes à risque élevé et très élevé dès 40 ans.

Nous émettons une grande inquiétude sur le fait que le protocole d'étude ne prend nullement en compte le problème des faibles doses inhérent à la mammographie, additionné au fait que la mammographie utilise du rayonnement dit de faible énergie, lequel induit certes moins de cassures ADN, mais plus importantes que le rayon à haute énergie.

Nous nous alarmons sur la responsabilité et sur l'éthique d’enrôler des femmes jeunes, de 40 ans, à risque élevé ou très élevé, sans s’être assuré qu’elle sont ou non d'un groupe à radio-sensibilité élevé, destinées à être exposées dans le bras "dépistage hiérarchisé sur le risque" à des mammographies annuelles.

 

 

Références :

 

  • Perez A.F. et col, Les faibles doses de radiations : vers une nouvelle lecture de l’évaluation de risque, Bull.Cancer, 2015 .
  • Nicolas Foray, Catherine Colin et Michel Bourguignon , Radiosensibilité : L’évidence d’un facteur individuel, Médecine/sciences 2013 ; 29 : 397-403.
  • Lire aussi :

https://www.cancer-rose.fr/mammographies-et-radiosensiblite/

https://www.cancer-rose.fr/test-predictif-des-reactions-a-la-radiotherapie-des-femmes-en-grand-danger/

 

 

Une revue systématique et une évaluation qualité des modèles individualisés de prédiction du risque de cancer du sein

British Journal of Cancer (2019) 121:76–85; https://doi.org/10.1038/s41416-019-0476-8

Javier Louro, Margarita Posso, Michele Hilton Boon, Marta Román, Laia Domingo, Xavier Castells  and María Sala

Synthèse Dr C.Bour, 27 août 2019

Les modèles individualisés de prédiction du risque au cancer du sein sont des éléments fondamentaux sur lesquels se basent les nouvelles approches de dépistage fondées sur le risque individuel de développer un cancer du sein, étant donné qu'ils sont conçus pour quantifier le risque individuel d'une femme à développer un cancer du sein au cours d’une période définie.

Deux de ces logiciels de prédiction du risque seront utilisés dans l'étude Mypebs, étude qui, rappelons-le, doit tester la pertinence d'un dépistage individualisé fondé sur le risque individuel de chaque femme de développer un cancer du sein. On va donc "classer" les femmes du groupe dépistage individuel en sous-groupes, des femmes à risque faible à celle à risque fort et très fort.

De quoi s'agit-il exactement dans Mypebs ?

Il s’agit de vérifier si un dépistage individualisé fondé sur le risque individuel de développer un cancer ne serait pas moins bon que le dépistage standard actuel pour réduire le taux des cancers graves. En effet un dépistage efficace conduit à ce qu'il y ait moins de cancers de stade 2 et + dans la population dépistée. Or, la conception de l'étude stipule que le but est de vérifier si un nouveau dépistage individuel ne conduit pas à une augmentation de plus de 25% du taux de cancers graves, par comparaison avec le dépistage standard. Ce seuil de 25% semble fixé arbitrairement. Donc si après l'étude on trouve 23% ou 24% de cancers graves en plus, les concepteurs de l'étude s'accorderont le droit de dire que les deux modes de dépistage sont équivalents..

Concrètement :

Selon le synopsis de l’étude, dans le groupe standard, on attend la survenue de 480 tumeurs de stade 2 ou plus pour 100 000 femmes au cours des 4 ans de l’essai.

Le synopsis explique que le seuil de non infériorité choisi  « correspond à une augmentation jusqu’à 120/100 000 cancers de stade 2 du taux de risque cumulé sur 4 ans dans le groupe basé sur le risque individuel »

Autrement dit, s’il apparaît 600 cancers avancés / 100 000 femmes (au lieu de 480), soit +25% dans le groupe dépistage individuel, alors il sera considéré comme « non inférieur » ou « équivalent » au dépistage standard.

[1]

Les auteurs de l'article ici présenté évaluent ces outils prédictifs en analysant les études sélectionnées.

La méta-analyse, les logiciels examinés

 

Les études incluses dans la méta-analyse des auteurs peuvent être regroupées selon le modèle de risque qu’elles ont mentionné :

  • l’outil d’évaluation du risque de cancer du sein (Breast Cancer Risk Assessment Tool BCRAT),
  • le modèle du consortium de surveillance du cancer du sein (BCSC),
  • le modèle Rosner et Colditz,
  • l’International Breast Cancer Intervention Study (modèle de Tyrer-Cuzick, ou l' outil IBIS, utilisé pour calculer la probabilité qu'une personne soit porteuse des mutations BRCA1 ou BRCA2 )
  • Autres modèles originaux (4 études intégrées dans la méta-analyse utilisant d'autres modèles moins connus).

Les auteurs ont estimé la validité des modèles en évaluant deux scores, le pouvoir discriminant du modèle (femmes à risque ou non) et sa "précision de calibration" pour les femmes dans la population générale.

Explication de ces deux critères :

1) Discrimination, c'est le pouvoir de séparer les personnes, c'est une attribution dichotomique en malades/non malades, ou ici femmes à risque/non à risque.

2) Calibration adéquate (calibration accuracy)

La calibration fait référence à l’accord entre les résultats observés et les prévisions, ou dans quelle mesure le risque prédit est proche du risque réel.

Pour évaluer cette calibration, on compare le nombre d’événements prédits et le nombre d'évènements réellement observés.

 

Cette revue systématique se limite aux études publiées en anglais et ne comportait pas une recherche active de littérature "grise", c’est-à-dire non officiellement publiée dans des sources comme livres ou articles de revues. Par conséquent, certains modèles n’ont peut-être pas été identifiés.

Cependant les auteurs estiment avoir effectué une recherche documentaire exhaustive dans Medline, EMBASE et la Cochrane Library, et estiment que la perte d’information attribuable aux critères de sélection de l’étude est faible.

 

Les modèles pour Mypebs [2]

 

L'essai Mypebs allègue l'utilisation de deux modèles : Le modèle américain BCSC qui, selon les concepteurs de Mypebs, a été validé dans les populations françaises de dépistage général du cancer du sein (après ajustement sur l’incidence nationale). Le score du BCSC donnerait de bons résultats dans la cohorte PROCAS du Royaume-Uni, après ajustement sur l’incidence nationale, (mais ces données ne sont pas publiées).

Le modèle Tyrer-Cuzick ou outil IBIS a été largement décrit pour les femmes ayant des antécédents familiaux importants : sa précision est moyenne dans la population générale alors qu’elle serait très élevée dans les populations à risque familial. Ce modèle comprend des informations génétiques qui ajoutent les gènes BRCA et un gène hypothétique de susceptibilité au cancer.

Toutefois le papier original du modèle IBIS ne contient aucune mention de validation, il aurait été validé extérieurement (c'est à dire sur une autre échantillon de personnes que celui sur lequel il a été initialement conçu) avec une estimation de sa précision qui augmente un peu lors de l’ajout de la densité mammographique.[3]

 

Résultats généraux

 

Cette revue systématique comprenait 24 études visant à estimer le risque individuel de développer un cancer du sein chez les femmes de la population générale. Vingt études étaient fondées sur quatre modèles de risque spécifiques (le BCRAT, le BCSC, le modèle Rosner & Colditz et le modèle IBIS), tandis que quatre études utilisaient d’autres modèles originaux.

Le nombre de facteurs de risque inclus dans les modèles variait de 5 à 18. Autre que l’âge, qui était le seul facteur de risque présent dans tous les modèles, La densité mammaire, la maladie bénigne du sein et le score polygénétique étaient présents dans le modèle BCSC.

Bien qu’au cours de la dernière décennie, les modèles aient montré des améliorations dans leur exactitude discriminatoire, ils demeurent au mieux modérés. La précision de calibration était très hétérogène. De plus, la qualité des études n’était pas élevée en raison des limites de l’exactitude discriminante, du plan d’étude et des entrées des données.

Les auteurs ont identifié deux nouvelles tendances en ce qui concerne l’utilisation et le développement des modèles, à savoir l’utilisation accrue du modèle BCSC et l’inclusion de variations génétiques communes dans les modèles de prédiction. Le modèle BCSC a concentré l’attention de plusieurs auteurs au cours des cinq dernières années, bien que son exactitude discriminatoire n’ait pas exceptionnellement augmenté.

Les auteurs de l'article pensent que les modèles inclus dans les études examinées ont une précision discriminatoire et une précision d’étalonnage modérées lorsqu’ils sont appliqués aux femmes de la population générale.
Toutefois les modèles sont cliniquement utiles car ils  peuvent re-classifier des personnes à risques extrêmes. Ainsi le verdict sur les modèles de risque ne devrait pas être fondé uniquement sur ces deux estimateurs, mais les modèles doivent plutôt être évalués, selon les auteurs, prospectivement dans le cadre d’essais cliniques, dont Mypebs...

 

Conclusion

La conclusion est un peu mitigée.

Le développement de modèles individualisés de prédiction du risque de cancer du sein s’est accru au cours des trois dernières décennies, mais les améliorations à la fois de la puissance discriminatoire et de la précision de calibration sont encore limitées.

Actuellement, il est toujours difficile de recommander n’importe lequel des modèles comme norme pour prédire le risque individuel dans le contexte du dépistage.

Les études peuvent aider à comprendre le rendement d’un modèle dans un contexte particulier, mais certains modèles n’ont pas été validés suffisamment en externe (sur d'autres échantillons) ce qui accroît l’incertitude quant à son applicabilité.

En effet la validité externe témoigne de la reproductibilité et la transposabilité du score, et correspond en fait à la vérification de la discrimination et de la calibration sur d'autres populations que celle pour laquelle le modèle a été conçu.

Les modèles ont certes été remis à jour en ajoutant de nouvelles variables, telles que les variations génétiques communes ou les variables radiologiques, et auraient montré des améliorations dans leur qualité ainsi que dans leur précision discriminante.

Mais ces nouvelles variables doivent encore faire l’objet d’une évaluation plus approfondie afin de confirmer leur impact prometteur sur la capacité prédictive de proposer des stratégies personnalisées pour le dépistage du cancer du sein.

De fait, il existe actuellement deux très grands essais randomisés qui évaluent les stratégies de dépistage fondées sur le risque. Les deux utilisent des modèles individualisés, les modèles IBIS et BCSC qui sont testés dans l’essai européen Mypebs (My Personalised Breast Screening).

Le modèle BCSC est aussi mis à l’essai dans le cadre de l’essai US WISDOM (Women Informed to Screen Depending On Measures of risk)).

 

__________

 

Reste la question : l'essai est-il éthique et le résultat ensuite fiable lorsqu'il trie les femmes selon leur risque dans une étude visant à diminuer officiellement le nombre de cancers graves, avec des réajustements possibles du risque en cours d'étude comme le mentionne le protocole détaillé, sur la base de logiciels d'évaluation du risque incertains, aléatoires et encore à l'essai ?

 

 

Références

[1] https://cancer-rose.fr/my-pebs/2019/03/15/presentation-analyse-methodologique/

[2] 

https://cancer-rose.fr/my-pebs/wp-content/uploads/2019/08/MyPEBS-SYNOPSIS-.pdf

[3] Brentnall, A. R., Harkness, E. F., Astley, S. M., Donnelly, L. S., Stavrinos, P., Sampson, S. et al. Mammographic density adds accuracy to both the Tyrer-Cuzick and Gail breast cancer risk models in a prospective UK screening cohort. Breast Cancer Res. 17, 147 (2015).

 

Une brochure d’information conforme à la loi ?

La brochure d’information est-elle conforme à la loi ?

 

La brochure donnée aux femmes 

 

Personne ne peut être inclus dans un essai clinique sans avoir donné son consentement libre et éclairé (Article L1122-1-1 du Code de la santé publique) [1]

Ce consentement éclairé suppose qu'une information claire, impartiale et complète soit donnée aux personnes sollicitées pour participer à l'essai. Cette information est donnée sous forme écrite par une brochure d'information, si besoin complétée par des explications orales.

Dans le cas de l'étude MyPeBS, la brochure d'information est-elle claire, impartiale, et complète ?

A- La brochure d'information n'est pas complète.

1) Études non prises en compte

Dans la partie "Avantages et inconvénients du dépistage actuel du cancer du sein", la brochure mentionne "des études à grande échelle qui ont démontré que le dépistage réduisait les décès par cancer du sein d'environ 20%". Elle omet toutes les études récentes qui ne retrouvent pas de réduction significative de la mortalité par le dépistage. [2] [3] [4]

2) Bénéfice en pourcentage relatif et non absolu

Si cette étude répond à la volonté exprimée par les citoyennes lors de la concertation [5] d'un dépistage adapté au niveau de risque(p.126), les citoyennes n'en demandent pas moins une présentation des données de façon loyale et (page 79) en valeurs absolues :
Or
« Ces recommandations de dépistage s’appuient sur des études à grande échelle qui ont démontré que le dépistage réduisait les décès par cancer du sein d'environ 20% . » Dit le formulaire d'information.
Non seulement ce taux est obsolète car fortement controversé comme nous venons de le voir, mais de plus on ne devrait plus le rencontrer sous cette forme.
Il s'agit d'un chiffre en pourcentage relatif, ce qui ne reflète pas la réalité mais permet d’embellir les bénéfices de la mammographie de dépistage.
En valeur absolue il s'agit d'une femme "sauvée" sur 2000 femmes dépistées sur un laps de temps de 10 années. [6] [7] [8]
En pourcentage exprimé de façon absolue, cela fait un bénéfice de 0,05 %. Nous sommes très loin des 20 % exprimé (6)
C'est cette information-là que les femmes auraient dû lire dans ce document.

3) Fréquence des surdiagnostics

En ce qui concerne la fréquence des surdiagnostics, la brochure se contente de mentionner un taux de 10%, c'est le seuil inférieur d'une fourchette de 10 à 20%, que les autorités sanitaires officielles elles-mêmes avancent [9].
Ce formulaire d'information omet de préciser que la fréquence des surdiagnostics est mal connue, avec des chiffres qui peuvent aller jusqu'à 50% selon des études internationales et indépendantes publiées dans les meilleures revues internationales. [10] [11] [12]

Les incertitudes scientifiques actuelles rendent complexe la présentation des bénéfices et des risques du dépistage. Pour autant, on ne doit rien cacher et le souci de clarté n'autorise pas à ne retenir que les chiffres qui arrangent et à omettre les autres.

B- La brochure d'information n'est pas impartiale.

Les investigateurs de cette étude se positionnent dans le sens d'une promotion du dépistage du cancer du sein.
Dès le début du document ils écrivent :

« L'étude MyPeBS a été conçue pour évaluer, chez les femmes âgées de 40 à 70 ans, si le dépistage du cancer du sein personnalisé selon le risque individuel de développer un cancer du sein dans les 5 prochaines années est au moins aussi efficace que le dépistage standard actuel. »

Cette phrase affirme que le dépistage standard actuel est efficace, assertion vivement contestée ces dernières années et tout récemment par une étude norvégienne. [13]

La brochure est rédigée comme si le seul choix laissé aux femmes était de participer à l'étude ou de participer au programme de dépistage organisé ("Si vous ne souhaitez pas participer, vous pouvez poursuivre le programme standard de dépistage du cancer du sein enFrance."). Elle omet donc, de parti pris, une 3ème alternative : ne participer ni à l'étude, ni au programme de dépistage organisé.

Les promoteurs ont le droit d'être convaincus des bénéfices du dépistage mais la brochure d'information n'est pas destinée à convaincre mais à informer loyalement, pour permettre aux femmes de prendre leur décision en toute connaissance de cause.

C- La brochure d'information n'est pas claire.

La brochure évoque à plusieurs reprises le risque de surdiagnostics mais évite soigneusement de parler des sur-traitements qui vont avec.
Pourtant ce sont bien les sur-traitements, opérations chirurgicales et/ou radiothérapies et/ou chimiothérapies et/ou hormonothérapies, toutes inutiles, qui constituent le risque principal du dépistage et qui donnent un sens concret aux surdiagnostics.

Sans mention des sur-traitements, les surdiagnostics constituent une notion abstraite pour la plupart des femmes, qui vont avoir du mal à visualiser l'importance et la signification pour elles du risque de surdiagnostics.

Notons aussi cette formulation très ambiguë :

« Le dépistage du cancer du sein a pour but de détecter le plus tôt possible un éventuel cancer, car le traitement est en principe plus léger et les chances de guérison plus importantes que quand le cancer est diagnostiqué à un stade plus avancé. »
Il est très étonnant de voir formulé le bénéfice du traitement « en principe ».

La « légèreté » du traitement n'est donc pas chose certaine et cela malgré la précocité de celui-ci.

L’INCA est plus affirmatif en écrivant « Les cancers détectés à un stade précoce de leur développement permettent, en général, des traitements moins lourds et moins agressifs avec moins de séquelles (le sein peut être conservé plutôt que retiré, par exemple). » [14]
Mais nous savons quelle confiance apportée aux informations fournies par l’INCA sur le dépistage du cancer du sein. [15]

La notion de "légèreté" d'un traitement est aussi très relative, pour une patiente sur- diagnostiquée ayant bénéficiée d'une "radiothérapie légère", mais affectée 15 ans plus tard d'une coronarite radique.

L'enjeu n’est pas, en médecine, de proposer des traitements légers versus des traitements dits "lourds" , mais de ne pas exposer un patient à un diagnostic inutile et de ne proposer aucun traitement si le patient, sain, n'en a nul besoin.

D- La recherche oncogénétique et le stockage de l'ADN prélevé.

Dans la brochure nous pouvons lire ceci :

"Stockage de l'ADN résiduel : Si vous consentez à donner l'ADN qui restera après l'analyse de votre salive, celui-ci sera stocké dans une banque d'ADN de façon pseudo-anonymisée* entièrement sécurisée, spécialement ouverte pour l'étude MyPeBS pendant une durée pouvant aller jusqu’à 25 ans. Ce résidu pourra être utilisé à des fins de recherche future, par exemple pour rechercher d’autres gènes causant des maladies cancéreuses. Un traitement automatisé de vos données génétiques issues des échantillons biologiques sera mis en œuvre pour permettre d’analyser les résultats de ces recherches. Dans ce cas, ni vous ni votre médecin ne recevrez les résultats de cette recherche."

*La pseudonymisation permet toujours d'identifier un individu grâce à ses données personnelles, mais qui seront enregistrées séparément.

Dans le rationnel on peut lire, page 94, point 13.10

"Dans le cadre de cette étude, un échantillon de salive est prélevé uniquement pour les femmes randomisées dans le groupe de dépistage fondé sur le risque.
Cet échantillon biologique est nécessaire pour effectuer une analyse d’ADN (génotypage pour obtenir un score de risque de polymorphisme, qui est intégré aux données cliniques pour obtenir un score de risque par participant). La patiente sera informée par une fiche d’information et, en l’absence d’opposition de sa part, des échantillons biologiques pour la recherche seront préparés, stockés et utilisés à cette fin.
L’utilisation ultérieure des restes de ces échantillons biologiques (ADN) à des fins de recherche scientifique est assujettie au consentement écrit du patient. Ce consentement est révocable en tout temps pendant l’étude. De même, à tout moment au cours de la recherche, le patient a la possibilité de demander la destruction de ses échantillons.
En outre, il convient de noter que les résultats des études biologiques ne peuvent être publiés que si toutes les données relatives aux patients sont rendues anonymes."

Ce genre de recherche est loin d’être un acte médical neutre. Le résultat de la recherche oncogénétique sera connu par la patiente, soit directement soit indirectement selon le groupe de risque dans lequel elle sera classée. Si on lui réalise des examens mammographiques annuels ainsi que des IRM, elle saura ainsi très facilement qu'elle est "à sur-risque".
Le résultat équivaut soit à une condamnation soit à une libération. Il est important de savoir si on ne nuit pas avec le fait de réaliser cette recherche, et que les personnes qui ont eu un résultat ne regrettent pas de l’avoir faite.

Même si à chaque utilisation le consentement de la patiente est requis, il se pose  la question de ce consentement lorsque l’utilisation envisagée n’a pas été prévue au moment de l’obtention de l’échantillon, par exemple pour des recherches sur d'autres maladie que celles oncologiques ("L’utilisation ultérieure des restes de ces échantillons biologiques (ADN) à des fins de recherche scientifique"). Au niveau administratif, ces recherches sont généralement déclarées ou répertoriées avec plus ou moins de précision auprès de l’autorité administrative dont relève la structure (hôpital, organisme de recherche).
Il n’y a pas les mêmes conséquences à long terme entre l’utilisation ultérieure de l'ADN stocké pour l’oncogénétique seule et la "recherche scientifique" en général. Si ultérieurement on découvre nouvellement un gène délétère pour une participante, augmentant son risque pour une autre maladie, cela pose un questionnement éthique. Car la femme a initialement signé et donné son accord pour l’oncogénétique seulement et pas pour autre chose.
Est-elle consciente, au moment de la signature, que les implications pour la recherche oncogénétique seule ne sont pas les mêmes que pour la "recherche scientifique" en général ? Sera-t-elle informée en cas de découverte autre ("Dans ce cas, ni vous ni votre médecin ne recevrez les résultats de cette recherche." ) ?
Voudra-t-elle en être informée, le cas échéant ?
Beaucoup de ces questions restent là en suspens....

CONCLUSION

La brochure d'information accompagnée du formulaire de consentement est incomplète, partiale, et peu claire.
Cette brochure prend la forme d’une promotion du dépistage du cancer du sein, en opposition complète aux demandes des citoyennes françaises lors de la concertation.

Pourtant « En France, l'étude a été autorisée par l'ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé) et approuvée par un comité de protection des personnes (CPP Sud Ouest et Outre Mer IV Limoges, date 30 Août 2018). » comme l’affirme la brochure.

Cette acceptation de l’étude et de sa brochure par les autorités sanitaires compétentes chargées de veiller à la protection des sujets inclus dans des études cliniques interpelle. En effet, ces autorités, que ce soit l’ ANSM, mais aussi le CPP Sud Ouest et Outre Mer IV Limoges ne pouvaient ignorer la réglementation sur les études cliniques [16] , ni les récentes études scientifiques sur le dépistages du cancer du sein, pas plus que le rapport final de la concertation citoyenne sur le sujet.

Pourquoi alors une telle étude a-t-elle été autorisée avec des manquements aussi graves?

Nous avons alerté la CNIL (à ce jour, 24 août 2019, pas de réponse), ainsi que le Conseil National de l'Ordre des Médecins.

BIBLIO

[1] https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=3930D09EE1D275059E733436A8A59A14.tpdila22v_1 ?idSectionTA=LEGISCTA000025457449&cidTexte=LEGITEXT000006072665&dateTexte=20170329

 

[2] Gøtzsche PC, Hartling OJ, Nielsen M, Brodersen J, Jørgensen KJ. Breast screening: the facts—or maybe not. BMJ. 2009 Jan 28;338:b86.

 

[3] Dépistage des cancers du sein par mammographie Première partie Essais randomisés : diminution de la mortalité par cancer du sein d’ampleur incertaine, au mieux modeste. Rev Prescrire. 2014 Nov;34(373):837–41.

 

[4] Gøtzsche PC. Prix Prescrire 2012 :’’Mammography screening . Truth, lies and controversy’’, 04 octobre 2012. Rev Prescrire. 2012 Sep;32(347):706.

 

[5] rapport concertation

 

[6] https://www.cancer-rose.fr/2175-2/

 

[7] http://hippocrate-et-pindare.fr/2017/01/01/resolution-2017-non-au-risque- relatif-oui-au-risque-absolu/

[8] https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMp1401875#t=article

[9] https://cancersdusein.e-cancer.fr/

 

[10] Harding C, Pompei F, Burmistrov D, Welch H, Abebe R, Wilson R. BReast cancer screening, incidence, and mortality across us counties. JAMA Intern Med [Internet]. 2015 juillet [cited 2015 Aug 3]; Available from: http://dx.doi.org/10.1001/jamainternmed.2015.3043

 

[11] Junod B, Zahl P-H, Kaplan RM, Olsen J, Greenland S. An investigation of the apparent breast cancer epidemic in France: screening and incidence trends in birth cohorts. BMC Cancer. 2011 Sep 21;11(1):401.

 

[12] Etude Pays Bas/P.Autier Etude Pays Bas

Analyse ici : https://cancer-rose.fr/2017/12/06/efficacite-et-surdiagnostic-du-depistage-mamographique-aux-pays-bas-etude-populationnelle/

[13] Etude norvégienne

 

[14] https://www.e-cancer.fr/Comprendre-prevenir-depister/Se-faire- depister/Depistage-du-cancer-du-sein/Avantages-et-inconvenients

 

[15] https://www.cancer-rose.fr/2175-2/

 

[16] https://www.ansm.sante.fr/Activites/Essais-cliniques/Reglementation/(offset)/5

 

 

L’étude dont on rêvait

L'étude dont on rêvait

Pourrait-on proposer une alternative à l'étude MyPeBS ?

Un essai randomisé, c'est à dire en attribuant par tirage au sort des femmes dans deux groupes, un "dépistage stratifié sur le risque" versus "pas de dépistage" est, d'un point de vue théorique, tout à fait possible.

On inclurait des femmes sans opinion catégorique sur le dépistage et bien informées sur le but de l'étude.

La moitié de la population concernée par le dépistage ne participe de toute façon pas au dépistage proposé, et les taux de participation en France sont même à la baisse ces dernières années.

La randomisation assurera la comparabilité des 2 groupes (groupe avec dépistage et groupe sans dépistage), les deux groupes avec des femmes correctement informées des tenants et aboutissants de l'étude..

Il y a bien sûr toujours un problème de la compliance, ou de "l'obéissance" dans le groupe "sans dépistage", c'est à dire qu'une femme de ce groupe peut échapper et quand-même avoir recours durant l'étude à un dépistage ; c'est le problème des violations de protocole, inhérent à toutes les essais.

Dans ce cas il y a une façon de gérer ce problème.

Toutes les femmes incluses dans l'essai seraient analysées, sans exception, comme si elles avaient respecté à la lettre le protocole.

On comparerait donc des femmes soumises à un dépistage organisé stratifié sur le risque à des femmes non soumises à un dépistage organisé, mais libres de passer des mammographies à titre individuel. Dans ce cas on ne répondrait donc pas à la question "le dépistage organisé stratifié fait-il mieux que pas de dépistage du tout ?" mais on répondrait à la question : "le dépistage organisé stratifié fait-il mieux que pas de dépistage organisé ?".

Idéalement, on ferait en parallèle une analyse en per protocole, c'est à dire en sélectionnant pour cette analyse spécifique uniquement les femmes qui ont réellement respecté rigoureusement le protocole.

Cette procédure que nous imaginons permettrait de répondre à la (vraie) question : le dépistage organisé stratifié sur le risque fait-il mieux que pas de dépistage organisé ?

Un moins mauvais choix aurait été :

 

Notre statisticien, Dr Robert, suggère :

"Ce qu'il aurait fallu faire :

- une étude randomisée comparant 3 bras ( femmes non dépistées, dépistées de manière standard et dépistées de manière individualisée ; davantage de sujets nécessaires NDLR)

- des résultats exprimés sous la forme d'intervalle de confiance à 95%* des différences de cancers stade 2 ou plus (3 intervalles de confiance : 1 pour la différence pas de dépistage / dépistage standard, 1 pour la différence pas de dépistage / dépistage individualisé et 1 pour la différence dépistage individualisé / dépistage standard).

Avec les intervalles de confiance, on n'impose pas de conclusion, basée sur des règles discutables. On laisse le public (décideurs, médecins, femmes) s'approprier les résultats et en tirer eux-mêmes les conclusions."

Soit la conclusion s'impose, soit les résultats sont interprétables.

Ce procédé est beaucoup plus honnête du point de vue scientifique même si moins séduisant.

*Il existe une certaine variabilité des essais cliniques. Cela signifie que si on recommence l'essai, exactement de la même façon mais avec un autre échantillon, on ne va pas retrouver exactement le même résultat que la 1ère fois. Et aucun des 2 résultats n'est, a priori, plus juste que l'autre. On ne peut donc pas affirmer que le résultat d'un essai clinique reflète exactement la vérité. En revanche , les statisticiens sont capables de calculer une plage, de part et d'autre du résultat, qui a 95 chances sur 100 de contenir la vérité (cette plage est désignée sous le nom d'intervalle de confiance à 95%).

Quel serait l'intérêt d'un groupe supplémentaire de comparaison "pas de dépistage du tout " ?

On pourrait avoir une idée concernant l'efficacité de chaque groupe sur la réduction des cancers graves, et savoir ce qu'il en est de ces "20% de réduction de mortalité" allégués constamment par les autorités et fortement mis en doute par les dernières publications récentes et indépendantes.

En revanche, pour ce qui est du surdiagnostic, l'étude peut ne pas apporter de conclusion probante.

Dans l'estimation des surdiagnostics, il faut :

- constater et estimer une différence d'incidence (de nouveaux cas) des cancers selon la stratégie de dépistage.

- mais aussi comprendre à quoi correspond cette différence (si elle existe), pour pouvoir isoler la partie "surdiagnostic".

La randomisation permet d'avoir une estimation plus fiable (sans facteurs de confusion) de la différence d'incidence dans chaque groupe, selon la stratégie de dépistage appliquée.

Mais il sera hasardeux de faire la différence entre ce qu'on appelle "avance au diagnostic" et surdiagnostic. Le fait de devancer la maladie (phénomène d'avance au diagnostic), c'est à dire de déceler des cancers avant qu'interviennent les signes cliniques, augmente automatiquement l'incidence des cancers en tout début du dépistage, mais ensuite ce taux se stabilise puisqu'on qu'on a trouvé d'un coup des cancers avant leur manifestation, avec un résultat qui tend à l'équilibre sur le long terme, c'est à dire au bout de plusieurs années.

Dans l'étude MyPEBS prévue, il y a un résultat attendu après une première période de suivi de 4 ans. Les participations au dépistage sur cette période devraient être stables. Ensuite un autre résultat est attendu après une période de 10 à 15 ans mais pendant laquelle les femmes seront libres de faire ce qu'elles veulent, participer à un dépistage ou pas.

Dans cette deuxième période la stabilité de la participation n'est plus garantie du tout. On peut donc se demander si les 4 années de suivi des femmes incluses dans l'étude seront suffisantes pour arriver à cette phase d'équilibre du taux d'incidence (c'est à dire après l'augmentation initiale de l'incidence due au phénomène d'avance au diagnostic). Rappelons que l'étude d'Oslo de 2008 comparait deux cohortes, une de femmes dépistées tous les deux ans, et l'autre sans dépistage, avec un bilan de l'étude au bout de 6 années.

Et ensuite, en deuxième période les résultats seront de toute façon ininterprétables puisqu'une participation stable des femmes à leur groupe n'est pas garantie, rendant impossible la récolte de résultats fiables.

Ce qu'on pourrait en attendre

 

Autant une bonne étude randomisée avec un groupe de comparaison "sans dépistage" devrait permettre de faire le point sur l'efficacité des différentes stratégies de dépistage (taux des cancers graves, idée du gain éventuel sur la mortalité), autant pour les surdiagnostics, cette étude n'a pas ni la durée ni la rigueur suffisante.

Elle permettra au mieux de se faire une idée de la différence de surdiagnostic entre deux groupes, mais pour estimer correctement la valeur du surdiagnostic il faudrait imaginer une étude dédiée, suffisamment longue, avec une cohorte "pure" de femmes sans dépistage, c'est à dire sans contamination du groupe témoin ; en somme refaire l'étude d'Oslo de 2008.

Conclusion

 

Ethiquement et d’un point de vue scientifique la SEULE ETUDE PROPOSABLE était une étude avec 2 bras : un bras "pas de dépistage" et un bras "dépistage sélectif" qui pourrait être meilleur que "pas de dépistage", et qui mériterait alors d’être testé par rapport au standard scientifique qui existe aujourd’hui : pas de dépistage (le dépistage actuel ayant montré sa faillite en terme de réduction significative de mortalité, réduction des formes graves, allègements thérapeutiques).

La difficulté réside dans le fait que, même avec une bonne information des femmes, des messages médicaux, sociaux et médiatiques angoissants sont infligés aux femmes se soustrayant au dépistage.

Présentation : analyse de MyPEBS

Le 1er décembre 2018 débutera une étude appelée MyPeBS (Personalising Breast Screening) sur 80 000 femmes volontaires âgées de 40 à 70 ans (30 000 en Italie, 20 000 en France, 15 000 en Israël, 10 000 en Belgique et 10 000 au Royaume-Uni).

Documents publiés par les organisateurs de MyPebs

MyPEBS SYNOPSIS . pdf

MyPEBS Présentation investigateurs

Vers_un_depistage_personnalise_des_cancers_du_sein_mel_20180709

Les groupes à risques :

 

De quoi s'agit-il ?

"Etude internationale randomisée comparant, chez les femmes âgées de 40 à 70 ans, un dépistage personnalisé en fonction du risque individuel de développer un cancer du sein, au dépistage standard."

Il s'agit d'une étude dite de non-infériorité (nous reviendrons sur ce terme dans "objectif" , voir plus bas) comparant deux groupes de femmes attribuées de façon aléatoire à deux groupes (par randomisation : c'est à dire par tirage au sort). L'un des deux groupes sera composé de femmes suivant un dépistage habituel selon les recommandations officielles en vigueur, l'autre groupe comprendra des femmes qui suivront un dépistage individualisé, basé sur une évaluation de leur risque personnel de chacune d'avoir un cancer invasif durant son existence.

Pour chaque femme, cette évaluation tiendra compte de l'âge, de ses antécédents familiaux, de la densité de ses seins ainsi que d'un test salivaire, réalisé pour une étude de polymorphisme génétique autre que sur les gènes prédisposants BCRA1 et BCRA2 (ces derniers sont recherchés chez la personne ayant un parent touché, les femmes concernées resteront dans l'essai et se verront assignées à la catégorie 'risque élevé avec suivi adéquat').

(Spécifiquement en Israël, il a été prévu que les femmes ayant signé un consentement éclairé spécial (proposé à toutes les participantes à l'entrée dans l'étude) subiront une évaluation supplémentaire des polymorphismes et de leur score génétique, dans le but d'identifier la présence de ces mutations connues chez les Ashkénazes.)

Dans le groupe standard de My-PeBS (page 10 du Synopsis), les femmes suivront un dépistage du cancer du sein conformément aux directives et procédures nationales en vigueur (qui sont toutefois différentes selon les pays, voir tableau bas de page) : mammographie tous les 2 ou trois ans et/ou tomosynthèse (TS) à partir de l'âge de 50 ans pour la France, à laquelle s’ajoutera ou pas une échographie en fonction de la densité mammaire à la mammographie.

Les femmes randomisées dans le groupe basé sur le risque individuel, incluses dès l'âge de 40 ans) devront fournir un échantillon de salive pour l'analyse du risque génétique et leur densité mammaire sera évaluée. Une estimation de leur risque individuel sera effectuée en fonction de ces paramètres et leur programme de dépistage personnalisé, basé sur le risque individuel pour les 4 années à venir, leur sera communiqué.

Que fera-t-on des données recueillies ?

Dans le groupe basé sur le risque individuel, à partir des différents résultats obtenus et synthétisés, on classera les patientes en quatre niveaux de risque : bas, moyen, élevé et très élevé.

Pour un risque bas, on effectuera le contrôle mammographique tous les quatre ans
Pour les risques moyens, une mammographie tous les deux ans, si densité élevée il se rajoutera échographie et ou une tomosynthèse* tous les deux ans.
Pour les risques élevés il y aura un examen mammographique annuel, si densité élevée il se rajoutera échographie et ou 3D tous les deux ans. (rien n'est dit sur la double lecture)
Pour les risques très élevés les femmes se voient proposer une mammographie et une IRM chaque année jusqu'à 60 ans.
Nous ne trouvons aucune information sur le fait qu'un examen clinique sera réalisé ou pas avec la procédure mammographique.

Quel est l'objectif de l'étude MyPebs ?

L'objectif principal est de rechercher si la nouvelle stratégie de dépistage basée sur le risque n'est pas inférieure que la procédure standard sur le plan de la réduction du taux de cancers graves.
On mesure donc le taux des cancers stade 2 et plus de chaque groupe, on compare statistiquement ces deux groupes afin d'effectuer un calcul de non-infériorité du groupe basé sur le risque par rapport au groupe standard.

Mais d'autres éléments seront examinés également :

  • Le taux de faux positifs et de biopsies bénignes dans les deux groupes,
  • Le taux de faux négatifs et de cancers d'intervalle,
  • Les coûts et la rentabilité de chaque stratégie,
  • Comparer la mortalité due au cancer du sein dans les deux groupes, au bout de 10 ans et de 15 ans de suivi
  • Rechercher s'il existe véritablement une valeur ajoutée de l'adjonction d'une échographie ainsi que d'une tomosynthèse (TS) dans la détection des cancers du sein de stade 2 et plus ,
  • Estimer le surdiagnostic et le surtraitement dans chaque groupe,
  • Evaluer les taux de cancers du sein identifiés à la seconde lecture dans chaque groupe
  • Evaluer la satisfaction des participantes

(Nous ne trouvons pas l'objectif d'étude de la mortalité toutes causes confondues)

Il s’agit donc de savoir si le nombre de cancers de stade avancés (stade 2 ou plus) ne sera pas statistiquement plus élevé avec la nouvelle stratégie, par comparaison avec l’ancienne, en acceptant un écart choisi à 25% . Autrement dit, on cherche à savoir si la nouvelle stratégie n’est pas moins efficace que l’ancienne, en admettant que s’il y a par exemple 24% (moins de 25%) de cancers graves en plus, les résultats sont déclarés « non-inférieurs ». Les auteurs s’autoriseront à dire que les deux types de dépistage sont aussi efficaces l'un que l'autre, et l'étude sera déclarée un succès.

Concrètement  le synopsis explique que "l'incidence attendue des cancers du sein de stade 2 et plus pour 100 000 femmes suivies pendant 1 an dans le groupe standard de l'étude My-PeBS est donc : (140 x 0,75) + (0,25 x 0,5 x 140) = 105 + 17,5 = 122. Une estimation légèrement prudente est donc de 120." Donc, les promoteurs de l'étude s'attendent à une incidence cumulée sur 4 ans de 480 tumeurs stade 2 ou plus /100.000 femmes dans le groupe dépistage standard.

Ils disent aussi : "..... correspond à une augmentation jusqu'à 120/100 000 cancers de stade 2 du taux de risque cumulé sur 4 ans dans le groupe basé sur le risque individuel sous H0),....."  Ce qui veut dire que si on additionne les 480 plus les 120 cas de cancers stade 2 attendus en plus, on arrive à 600 cas de cancers graves dans le groupe stratifié.

Autrement dit les promoteurs considèrent donc que, si l'incidence cumulée sur 4 ans pour le groupe stratifié ne dépasse pas 480 x 1,25 = 600 /100.000, on peut considérer que les 2 groupes sont équivalents en terme de résultats.
Cette définition pour le moins laxiste de la non-infériorité est d'autant plus inacceptable qu'elle n'est pas expliquée ou justifiée où que ce soit..

 

Secondairement doit être effectué un calcul de supériorité.

Si le premier calcul montre que la nouvelle stratégie n’est « pas statistiquement inférieure » à l’ancienne, un second calcul cherchera à savoir s’il y a statistiquement moins de cancers graves (de stade 2 ou plus) dans le groupe « nouvelle stratégie », par comparaison avec l’ancienne.

Autrement dit, si la nouvelle stratégie est jugée « non inférieure » en nombre de cancers graves, on cherchera à savoir si elle peut être jugée « supérieure ».

Combien de temps ?

L'inclusion se déroule sur 2 ans, avec un premier résultat attendu dans 6 ans incluant une période de suivi des groupes sur 4 ans. Une deuxième évaluation se fera ensuite après un suivi de 10 à 15 ans.

Que peut-on en attendre ?

Que peut-on attendre de cette étude ? Ses résultats pourront-ils nous donner des informations utiles ?

Page 25 du protocole il est dit : "After analyses of all components, the final objective of MyPeBS is to deliver the best recommendations for the best future breast cancer screening strategy in Europe."

"Après analyse de toutes les composantes, l’objectif final de Mypebs est de fournir les meilleures recommandations pour la meilleure stratégie de dépistage du cancer du sein en Europe. "

Or avec une étude de non -infériorité, cela n'est pas possible. Si l' objectif principal est atteint et qu'une " non-infériorité" est démontrée, les recommandations pourront n'être que de l'ordre de : " dépistage standard ou dépistage personnalisé c'est idem, ou du moins ce n'est pas moins bon en tolérant qu'il puisse y avoir jusqu'à 25% de perte de performance."

Sur notre site https://cancer-rose.fr/my-pebs/ nous examinerons en plusieurs rubriques les problèmes et défauts de MyPebs, du point de vue de la méthodologie, l’analyse statistique prévue et le formulaire de consentement distribué aux femmes.

Nous pourrons ainsi faire un bilan de ses qualités et de ses inconvénients.

* La tomosynthèse est une mammographie en trois dimensions. Elle permet, grâce à des coupes rapprochées, d’éliminer le problème de la superposition de structures du tissu mammaire pouvant simuler une lésion inquiétante.

Analyse critique, lire : https://cancer-rose.fr/my-pebs/2019/02/09/argumentaire/

Présentation simplifiée du problème que pose la méthodologie de Mypebs

Une grande difficulté réside pour tout un chacun dans la compréhension de la méthode choisie.

Nous essayons ici de simplifier.

Nous avons eu beaucoup de mal à croire que le fait de trouver, dans l'étude, un nombre de cancers de stade avancé statistiquement supérieur, mais de moins de 25% par rapport au dépistage standard, ferait conclure aux concepteurs de Mypebs que le dépistage individualisé est « non inférieur » au dépistage habituel, mais c’est bien ce qui est prévu dans le protocole

Etude MyPebs, Que veut-on faire ?

 

On veut comparer deux types du dépistage du cancer du sein, le dépistage standard (DS) et le dépistage individualisé (DI) qui, lui, est basé sur le risque individuel de chaque femme de contracter un cancer du sein.

 

Pourquoi l'étude ?

 

Le dépistage vise à détecter des cancers de faible stade afin de faire diminuer le nombre des cancers graves (de stade 2 ou plus). C'est l'objectif théorique de tout dépistage. Le dépistage standard est remis en cause, en particulier en raison de ses effets indésirables (surdiagnostic). On teste un autre mode de dépistage.

 

Le procédé

 

L'étude MyPebs ne cherche pas à vérifier si le DI réduira plus efficacement le taux de cancers graves que le DS. Non.

Elle se contente de voir si le dépistage individualisé ne laisse pas passer trop de cancers graves, par comparaison avec le dépistage standard.

C’est ce qu’on appelle un « essai de non infériorité ». Si le dépistage individualisé laisse passer moins de 25% de cancers graves de plus que le dépistage standard, on considérera qu’il est « non inférieur », et que les deux techniques, somme toute, se valent.

 

Car statistiquement parlant, et c'est là toute la subtilité, DI "non-inférieur" à DS ne signifie pas que DI est équivalent à DS, non ; DI "non-inférieur" cela signifie que DI peut très bien, mais oui, être inférieur à DS, mais sans dépasser un certain seuil préalablement déterminé.

 Concrètement :

Selon les promoteurs de l’étude, chez les femmes soumises au dépistage standard, on attend 480 tumeurs graves (de stade 2 ou plus) pour 100 000 femmes au cours des 4 ans de l’essai.

Ils expliquent qu’ils ont choisi un seuil de non infériorité de 25% qui « correspond à une augmentation tolérable, dans le groupe DI, jusqu’à 120/100 000 cancers de stade 2 (risque cumulé sur les 4 ans). Que signifie ce jargon ?

Il signifie que si, dans le groupe dépistage individualisé, il apparait plus de cancers graves que dans le groupe dépistage standard, mais que ce dépassement n’atteint pas 25%, on considérera que le dépistage individualisé est « non inférieur » au dépistage standard. En réalité, on les considérera comme équivalents.

Pour les promoteurs de MyPEBs, on peut tolérer un supplément de cancers graves de

480 x 25 % = 120. Et on peut donc accepter qu’il apparaisse 480 + 120 = 600 cancers graves pour 100 000 femmes dans ce groupe.

Donc si, dans le groupe dépistage individuel, on observe 600 cancers graves au lieu de 480 dans le groupe dépistage standard (+ 25%), on dira quand même que les deux techniques sont équivalentes.

Il pourra donc y avoir 480 X 1,25 cancers graves (= 600) dans le groupe DI, pour 100 000 femmes, sur 4 ans.
Ce 1,25 correspond à un rapport, un ratio.

Il s'agit du ratio "cancers graves DI" / "cancers graves DS".

600                /           480                          = 1,25

 

Tant que le ratio (nombre de cancers avancés DI / nombre de cancers avancés DS) ne dépasse pas 1.25, alors le dépistage individualisé ne sera pas significativement inférieur au dépistage standard, et donc tout à fait acceptable.

 

Les résultats qu'on peut attendre

 

 

Toutefois on ne se contente pas d'un seul résultat, d'un seul ratio lorsqu'on effectue une étude.

Car on considère que les résultats d'un essai pourraient être variables si on le renouvelait plusieurs fois avec d'autres échantillons.

Afin d'intégrer cette variabilité, les statisticiens calculent ce qu'on appelle un "intervalle de confiance", généralement de 95%, ce qui correspond non pas à un résultat ponctuel mais à une zone de résultats de part et d'autre du résultat médian. Cette zone c'est l'intervalle dans lequel la vérité à 95 chances sur 100 de se situer.

 

Voyons à présent ce qui pourrait se présenter comme situations lors de l'essai MyPebs.

Les flèches rouges représentent les intervalles de confiance.

Le chiffre rouge représente le ratio trouvé pour chaque situation,

1,25 est la limite de ratio à ne pas dépasser.

cliquez sur l'image

 

Situation n°1

 

groupe dépistage standard : 135 cancers avancés ; groupe dépistage individualisé : 163 cancers avancés
ratio observé = 163 / 135 = 1.21
intervalle de confiance à 95% du ratio = 0.96 à 1.53
borne supérieure de l'intervalle > 1.25   ->   perdu !

On ne peut pas conclure que le DI soit non-inférieur au DS, il l'est probablement.

 

Situation n°2

 

groupe dépistage standard : 149 cancers avancés ; groupe dépistage individualisé : 149 cancers avancés
ratio observé = 149 / 149 =
intervalle de confiance à 95% du ratio = 0.79 à 1.263
borne supérieure de l'intervalle > 1.25   ->   perdu !

On ne peut une fois encore pas conclure que le DI serait non-inférieur au DS

 

Situation n°3

 

groupe dépistage standard : 150 cancers avancés ; groupe dépistage individualisé : 148 cancers avancés
ratio observé = 148 / 150 = 0.99
intervalle de confiance à 95% du ratio = 0.78 à 1.247
borne supérieure < 1.25   ->   gagné !

On pourrait conclure à la non infériorité du DI par rapport au DS.

Toutefois, nous pensons que dans cette situation, une différence statistiquement significative aussi minime ne devrait pas être interprétée au final comme une non-infériorité. En général, dans des situations analogues pour des essais de non-infériorité sur des médicaments, c'est ce qui est observé, ces situations limites ne sont pas jugées probantes. 

Malgré le fait que nous ne disposons pas du protocole complet de l'étude gardé secret aux non-investigateurs, cette éventualité, si elle se présente, ne serait logiquement pas retenue, car manquant de puissance pour convaincre d'une véritable non-infériorité.

 

Situation n°4

 

groupe dépistage standard : 163 cancers avancés ; groupe dépistage individualisé : 135 cancers avancés
ratio observé = 135 / 163 = 0.83
intervalle de confiance à 95% du ratio = 0.65 à 1.05
borne supérieure < 1.25   ->   gagné !

On peut conclure à la non-infériorité du DI par rapport au DS

 

Conclusion

 

Voilà comment s'effectuera en pratique l'analyse dont on tirera la conclusion de MyPebs, on voit très bien à quel point des résultats quasiment identiques, très proches en tous cas,  pourraient théoriquement donner lieu à des conclusions diamétralement opposées.

Mais de toute façon, avec ce seuil arbitraire choisi, très avantageux de 25%, le dépistage individualisé aura toutes les chances d'être déclaré « non inférieur » au dépistage standard, quelle que soit son efficacité, ou son inefficacité.