désescalade des soins : plus de décision partagée et pondération des recommandations

Identifier les recommandations pour arrêter ou réduire les soins primaires de routine inutiles

Résumé Dr C.Bour, 15 septembre 2020

September 14, 2020 "Identifying Recommendations for Stopping or Scaling Back Unnecessary Routine Services in Primary Care"

https://jamanetwork.com/journals/jamainternalmedicine/article-abstract/2770724

Un étude de Eve A. Kerr, MD, MPH ; Mandi L. Klamerus, MPH; Adam A. Markovitz, BS; et al

Eve A.Kerr est professeur de recherche en médecine interne à la faculté de médecine de l'Université du Michigan,

Elle est membre élue de l'American Society of Clinical Investigation et de l'Association of American Physicians, membre de l'American College of Physicians et membre et responsable de la mesure de Choosing Wisdom International. 

Le concept de médecine Less is More[1] [2]est apparu en Amérique du Nord en 2010. C'est une invitation à pratiquer la médecine en ayant conscience des dangers potentiels de la surmédicalisation, en contestant le principe selon lequel davantage de médecine serait gage de meilleurs soins.

En réponse, plusieurs sociétés médicales du monde entier ont lancé des campagnes axées sur le choix et la pertinence des soins(Choosing wisely, «Choisir judicieusement» [3]) et demandent à ce que soit discutée avec les patients l'utilité de tests, traitements et procédures médicaux.

Alors que le rythme des découvertes thérapeutiques ralentissait à la fin des années 80, l'orientation a été prise non pas vers la recherche d'autres innovations mais plutôt vers l'application plus raisonnable des connaissances existantes. La médecine factuelle (EBM ou evidence based medicine, médecine basée sur les preuves) a vu le jour et c'est le moteur actuel pour atteindre un meilleur niveau de pratiques générales.

L'EBM, qu'est-ce ?

L'EBM repose sur un trépied :

1) l'expérience externe, pour faire simple, les études scientifiques

2) L'expérience interne : ce que nous apprend notre exercice professionnel

3) les préférences et valeurs des patients.

Parmi ces critères les lignes directrices, ou recommandations, font office de standards ayant pour but de faciliter la pratique médicale.

Les lignes directrices sont des sortes de... voies élaborées pour aider les cliniciens et les patients à prendre ensemble de meilleures décisions, et dans un esprit de partage de points de vues, tout cela dans l'intérêt premier du patient. 

Mais...

Les lignes directrices, comme les auteurs de l'article que nous allons analyser le décrivent, agissent généralement dans le sens cumulatif du 'plus est le mieux' . La solution proposée par les auteurs est que les lignes directrices soient remodelées dans le sens d'une désescalade, pour arriver au 'le moins est le mieux '.

Le problème souvent pointé du doigt est que la ligne directrice est le fruit d'un consensus plus ou moins valable arraché parmi plusieurs experts. Les incertitudes sur les processus de santé qui sont analysés par les experts n'ont guère droit de cité et souvent remplacées par l'avis du ou des experts. L'indépendance des experts peut également être sujet de discussion...

Les recommandations qui dictent les décisions aux patients et aux cliniciens peuvent involontairement décourager le réel partage dans la prise de décisions, et inciter à se caler sur la directive, ou au contraire peut entraîner un rejet et une moindre adhésion, selon les valeurs du patient.

Une autre difficulté réside dans la nécessité de ré-évaluer la ligne directrice au fil des nouvelles connaissances sur la balance bénéfice-risques.

Par ailleurs nous assistons continuellement à une incitation à faire plutôt davantage de tests et de traitements, incitation à la fois sociétale, administrative et financière, par rémunération des médecins lors de l'inclusion de patients dans les procédures de dépistages.

Que dit l'étude de Kerr, et quel est son objectif ?

Le constat est qu'une grande partie des soins de santé impliquent l'utilisation convenue et routinière de processus médicaux dans le cadre des traitements de maladies chroniques ou dans le cadre de ce qui est qualifié de 'prévention'. C'est ce dernier volet qui nous intéresse.

Pour les auteurs il est essentiel d'arrêter ces processus et ces services de santé lorsque les preuves sur leur pertinence changent, ou si les bénéfices ne l'emportent plus de façon aussi évidente sur les risques, comme c'est le cas pour les dépistages. Pourtant, actuellement la plupart des directives se concentrent sur l'escalade de soins et de procédures, et fournissent peu de recommandations explicites pour réduire voire stopper des traitements et des tests de dépistages.

L'objectif du groupe Choose Wisely est de développer une approche systématique, transparente et reproductible pour identifier, spécifier et valider des recommandations de désintensification dans les soins routiniers de premier recours chez les adultes.[4]

Un examen ciblé des lignes directrices et des recommandations existantes a été effectué pour identifier et hiérarchiser les indications potentielles de désintensification. 

On étudie la validité de ces recommandations en fonction de plusieurs items : selon qu'il existe des preuves de haut niveau selon lesquelles la désintensification est susceptible d'améliorer les résultats pour les patients, selon qu'il existe des preuves que des tests et / ou des traitements intenses pourraient causer des dommages chez certains patients, selon au contraire qu'on ne trouve pas de preuve sur le bénéfice de la poursuite et de la répétition de traitements ou de dépistages, selon qu'il y a des preuves que la désintensification est bien  compatible avec des soins de haute qualité.

Au final, dans cette étude, un total de 178 possibilités de désintensifier les services de soins primaires ont été identifiées, et 37 d'entre elles ont été validées en tant que recommandations de désintensification hautement prioritaires. À ce jour, il s'agit de la première étude qui développe un modèle d'identification, de spécification et de validation des recommandations de désintensification pouvant être mises en œuvre et suivies dans la pratique clinique.

Concernant les dépistages, quelles sont ces recommandations de désintensification (désescalade ?)

Il n'y a pas de grande révolution dans ce domaine hormis le fait que dans les recommandation additionnelles données par Choosing Wisely, les cliniciens ne sont plus censés recommander de dépistage du cancer du sein, colorectal, de la prostate ou du poumon sans considérer l'espérance de vie (pas de dépistage si l'espérance de vie est inférieure à 10 ans) et sans considérer les risques du dépistage : surdiagnostic et surtraitement.

Ceci contraste avec les recommandations USPSTF et de American College of Physicians qui préconisent d'office et sans nuance le dépistage avec recommandation forte chez les femmes de 50 à 74 ans, et celles de l'American Cancer Society qui le préconisent dès 45 ans, toutes ces structures ne se préoccupant pas de l'information sur le surdiagnostic ou le surtraitement dans les tranches d'âge recommandées.

Pour le dépistage du cancer de la prostate, sa non-recommandation est rappelée par le groupe Choosing Wisely demandant au minimum une aide pour la décision partagée pour les hommes qui souhaiteraient ce dépistage.

Conclusion

Les lignes directrices axées sur la désintensification proposées par Choosing Wisely, même si timides sur les dépistages, peuvent amorcer ce changement nécessaire permettant aux professionnels de santé à inverser la tendance du 'toujours plus de soins'.

Mais l'évolution vers le partage de la décision médicale avec les patients ne peut s'opérer, à notre avis, sans une aide active par des outils d'aide à la décision, et sans une volonté de soutien des praticiens par les autorités sanitaires officielles.

Il faut aussi une éducation du public à la santé. Entre les incitations financières (ROSP) envers les médecins et les messages sociétaux de dépister toujours plus (émissions grand public comme "stars à nu"[5] et campagnes d'octobre rose), il n'y a pour l'instant qu'un très timide élan pour la réalisation de ce partage éclairé, trop peu de formations universitaires en ce sens (mais il y a des initiatives locales dans des facultés de médecine), et certainement trop peu de soutiens officiels et médiatiques pour faire comprendre qu'il est dans l'intérêt des patients de revoir nos pratiques vers une désescalade des soins routiniers.

Références


[1] https://www.revmed.ch/RMS/2013/RMS-381/Less-is-more

[2] https://cancer-rose.fr/2020/05/26/le-defi-de-la-mise-en-oeuvre-de-less-is-more-medicine-une-perspective-europeenne/#_edn1

[3] http://www.lessismoremedicine.com/blog/tag/choosing+wisely

[4] https://www.irdes.fr/documentation/syntheses/soins-de-sante-primaires.pdf Les soins de premier recours comprennent : - la prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement et le suivi des patients ; - la dispensation et l’administration des médicaments, produits et dispositifs médicaux, ainsi que le conseil pharmaceutique ; - l’orientation dans le système de soins et le secteur médico-social ; - l’éducation pour la santé.

[5] https://cancer-rose.fr/2020/02/06/ah-mais-quelle-aubaine-ce-cancer/

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Quelques liens instructifs et amusants

 

Vidéo de G.Welsch

L'enjeu n'est pas de trouver de plus en plus de cancers induisant des surtraitements inutiles, mais bien de détecter ces cancers qu'il importe de trouver, car constituant une menace pour la vie d'une patiente.

Notre explication de la vidéo ici : https://cancer-rose.fr/2020/06/25/regression-cancereuse/

Vidéo de Jill Wruble :

The Importance of Making Informed Cancer Treatment Choices 

Le film documentaire de Coline Tison "au nom de tous les seins", est ici :

https://vimeo.com/151632825

En hommage à Bernard Junod, épidémiologiste

Eminent épidémiologiste disparu il y a peu, ancien membre du Formindep, le premier en France à avoir alerté sur les problèmes du sur diagnostic, voici la vidéo de sa dernière présentation en 2014 :

https://www.youtube.com/watch?v=j9fywDzSViI

Une vidéo humoristique particulièrement réussie :

 Blog de Marina Gribouille

Voici un lien vers le blog de Marina Gribouille, pas si gribouille que ça ! Très joli coup de crayon de l'auteure, se lit avec plaisir, instructif, amusant et divertissant, malgré la gravité du sujet : https://marinagribouille.wordpress.com/2016/10/10/cancer-du-sein/

Une vidéo du média Patti Chiari :

Patti Chiari est revue hebdomadaire d'information sur les droits des citoyens et des consommateurs, de la télévision publique suisse italienne RSI , et elle a consacré son édition du 26 avril au dépistage du cancer du sein par mammographie.

video media Patti Chiari

Lire aussi notre article qui en résume le contenu : https://cancer-rose.fr/2019/04/29/emission-tele-sur-lenjeu-du-depistage-par-la-revue-dinformation-italophone-patti-chiari/

Cortecs

Et ci-dessous un article qui décortique les moyens marketing utilisés pour inciter à la participation des femmes lors des campagnes roses, et qui nous donne des outils intellectuels d'auto-défense :

https://cortecs.org/2016/05/

Deux concepts expliqués : l'avance au diagnostic et le surdiagnostic

Pour les anglophones, dès 4'50
https://www.youtube.com/watch?v=yNzQ_sLGIuA&feature=emb_logo

Un film : l'industrie du ruban rose

"L'industrie du ruban rose", film canadien sous-titré en italien. Il montre le business du rose et fait parler aussi les souffrantes de cancers avancés qui expriment leur écoeurement et disent pourquoi elles ne se sentent ni aidées ni concernées.
https://www.youtube.com/watch?v=OQqLMca2wlg&t=5656s

On peut louer ou télécharger ce film sur le site de l'Office National du film du Canada: https://canada.ca/fr/office-national-film.html… Option de location pour 48h ou téléchargement (créer compte puis payer avec CB). https://onf.ca/film/industrie_du_ruban_rose/… Le film peut alors être visionné sous-titré en français.

De tous les fonds récoltés, 15% seulement vont à la recherche- Où va le reste ?

Le manque de coordination des dépenses signifie chevauchement des études et énormes lacunes dans la recherche.


Pour comprendre le surdiagnostic :

https://cancer-rose.fr/2019/09/03/quest-ce-quun-surdiagnostic/

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Information objective et moindre soumission des femmes au dépistage

Dr M.Gourmelon, Dr C.Bour

8 septembre 2020

Une étude française de 2016 a prouvé que lorsqu’on donne aux femmes une information un peu plus objective sur le dépistage du cancer du sein par mammographie, elles s’y soumettent moins.

https://www.oncotarget.com/article/7332/text/

On peut traduire le titre de l’article ainsi :

"L'aide à la décision sur le dépistage du cancer du sein réduit le taux de fréquentation : résultats d'une étude contrôlée, randomisée et à grande échelle par le groupe DECIDEO."

Contexte et méthodes

Cette étude a été menée en 2016 par Aurélie BOURMAUD qui travaillait à l’époque pour L’Institut  de Cancérologie  de Loire Lucien Neuwirth 1408, Saint Priest en Jarez, France, très investi dans le dépistage comme en témoigne son soutien aux manifestations d’Octobre Rose.[1]

Elle est aujourd’hui professeure associée en santé publique et travaille actuellement à l'unité d'épidémiologie clinique de l'hôpital Robert Debré (Paris) et à l'université Paris Diderot. Ses thèmes de recherche sont la prévention, l'éducation des patients, l'intervention complexe et le parcours de soins des patients.

Le résumé de son étude indique les éléments suivants :

« L'objectif de cette étude était d'évaluer l'impact d'un dépliant d'aide à la décision sur la participation des femmes invitées à participer à un programme national de dépistage du cancer du sein. Cet essai randomisé, multicentrique et contrôlé. »

« 16 000 femmes ont été randomisées et 15 844 ont été incluses dans l'analyse modifiée de l'intention de traiter. »

« Cette étude à grande échelle démontre que l'aide à la décision a réduit le taux de participation. L'aide à la décision active le processus de décision des femmes vers la non-participation au dépistage. Ces résultats montrent l'importance de promouvoir des choix éclairés de la part des patients, surtout lorsque ces choix ne peuvent être anticipés. »

L’introduction explique :

« Les avantages en termes de réduction de la mortalité ne sont pas clairement documentés. Il a été suggéré que les campagnes de prévention devraient passer d'approches persuasives à des approches basées sur l'information et l'autonomisation des femmes en matière de prise de décision»

Pour la réalisation de cette étude un outil d'aide à la décision, DECIDEO, a donc été distribué aux participantes, (http://Outil DECIDEO, en deux langues dès page 7)

« Une aide à la décision, connue sous le nom de brochure DECIDEO, a été développée en suivant les directives internationales pour "l'information et la construction d'outils d'aide à la décision."»

L’hypothèse de cette étude était la suivante :

« Notre hypothèse était que cet outil d'aide à la décision augmenterait le choix éclairé dans le groupe d'intervention. Nous avons estimé l'effet de cette aide à la décision écrite sur le choix éclairé, en mesurant le taux de participation à un dépistage du cancer du sein dans la population. »

                         __________________________

Nous avons été amenés à nous pencher sur cette étude de 2016,  car elle est citée par les auteurs italiens qui ont démontré que manipuler le message adressé aux femmes susceptibles d’avoir recours à la mammographie de dépistage augmente la participation à ce dépistage. Nous avions fait l'analyse de cette étude récemment.(analyse étude italienne)

L' étude italienne montre qu'une information sur les risques du dépistage réduit la participation des femmes au dépistage mamographique, ce qui est pour les auteurs italiens un réel problème. Ils suggèrent en conséquence de manipuler l'information donnée aux femmes par le biais d'une présentation sélective des effets négatifs (selon eux) à ne pas se faire dépister.

Quels sont les résultats de l'étude de 2016 d'A.Bourmaud et col. ?

« Le taux de participation global à 12 mois (tableau 2), était significativement plus élevé dans le groupe de contrôle : 42,13 % contre 40,25 % dans le groupe d'aide à la décision (p = 0,02). »

Cela signifie clairement que les femmes du groupe d’aide à la décision se sont moins soumises au dépistage que le groupe contrôle.

En d’autres termes, lorsqu'une information est délivrée aux femmes sur le dépistage, elles y ont moins recours. Cette conclusion est capitale.

« Cette étude est la première à comparer une aide à la décision à la vie réelle : le groupe témoin était composé de femmes âgées de 50 à 74 ans, recevant les informations habituelles sur le dépistage. Nos résultats sont cependant conformes aux essais précédents dans ce domaine, qui suggèrent une diminution de la fréquentation suite à la mise en place d'une aide à la décision sur le dépistage du cancer.»

« Nos résultats montrent qu'une aide à la décision, conçue selon des lignes directrices spécifiques, envoyée avec une invitation formelle à participer à un dépistage du cancer du sein, a entraîné un taux de participation plus faible et une diminution du délai de participation pour les femmes qui y ont participé. »

Cela confirme ce que l' étude italienne récente démontrait : pour augmenter la participation au dépistage du cancer du sein par mammographie, il faut manipuler l’information dans le sens d'une moindre divulgation de la vraie balance bénéfice/risque du dépistage.

Discussion et analyse

A-Analyse de l'outil

De l'aveu même des auteurs, l'outil DECIDEO présente des lacunes, et pas des moindres :

 « Une autre limite (de l'étude, NDLR) est que les données récentes concernant le surdiagnostic et le surtraitement n'ont pas été mises en œuvre dans l'aide à la décision. »

Ces éléments à renseigner sont pourtant capitaux parmi les risques du dépistage.

Les données chiffrées de l'outil, (dès la page 8) ne sont référencées nulle part, et, comme dit dans l'introduction, encore une fois de l'aveu-même des auteurs : " Les bénéfices en termes de réduction de la mortalité ne sont pas clairement documentés".

Pourtant, ce que les femmes souhaitent savoir en premier lieu lorsqu'elles se soumettent à une procédure médicale, c'est si celle-ci peut leur garantir de moins décéder de la maladie et si la procédure ne comporte pas d'effets secondaires majeurs.

Surdiagnostic et surtraitement étant les deux effets adverses majeurs du dépistage, il y a de toute évidence une forme de manipulation par le fait de ne pas communiquer aux femmes ces deux données fondamentales et primordiales pour leur santé et leur bien -être.

Par ailleurs, il est notable que contrairement à ce que laissent entendre les références citées dans l'étude (référence 26 sur les critères IPDAS), cet outil distribué aux participantes de l'étude ne répond en rien aux critères IPDAS.

Les critères IPDAS sont des items bien spécifiques auxquels l'outil doit impérativement répondre pour garantir une information de qualité.[2] La mention du surdiagnostic et du surtraitement en est ainsi un impératif absolu.

Nous nous étions, à ce propos, déjà émus des manquements dans l'exhaustivité et la qualité de l'information de l'Institut National du Cancer lui-même dont c'est pourtant la mission.[3]

B-le problème éthique

Dans cette étude, comme dans celle italienne, les auteurs ont une interrogation qui ne manque pas de surprendre : « le dépliant DECIDEO décourageait les femmes âgées, ainsi que celles dont le revenu moyen du ménage est faible, de participer au programme national de dépistage du cancer du sein. »

« Les femmes ayant un niveau d'éducation plus faible auraient pu avoir des difficultés à comprendre l'aide à la décision. Ces deux phénomènes pourraient expliquer en partie l'effet du dépliant DECIDEO sur ces populations spécifiques, des études supplémentaires étant nécessaires pour confirmer cette hypothèse. »

Cette hypothèse avancée par les auteurs, semble tout droit sortie de leur manque de connaissance du milieu social des femmes modestes auquel s’ajoute, nous semble-t-il, des « croyances de classe ».

En effet, Il y a un aspect qui n'est pas du tout abordé ni seulement évoqué par les auteurs, mais que tout médecin de "terrain" comprend très vite pour peu qu'il offre une oreille attentive aux patients les plus socialement et économiquement démunis. Les femmes de faibles revenus, et même en général les populations de niveau socio-économique défavorisé, n'ont pas des problèmes de compréhension si rédhibitoires que les auteurs du groupe DECIDEO le sous-entendent, si tant est, évidemment, qu'on s'efforce de mettre l'information médicale à leur portée.

En revanche ces population redoutent bien plus que d'autres la maladie. En effet le fait de tomber malade les paupérise et les ostracise encore davantage ; les femmes qui ont des métiers peu rémunérateurs s'affolent de perdre cet emploi souvent ingrat, et d'être privées d'un revenu indispensable à la famille. Les emplois de ces femmes requièrent souvent un engagement physique (ménages, emplois à domicile, ouvrières) ; elles savent qu'elles n'auront plus les aptitudes professionnelles qu'on exige d'elles après certains traitements, et elles craignent d'être encore plus déconsidérées comme des "malades" à la charge de la société.  Des études complémentaires pourraient le démontrer, mais en interrogeant simplement ces personnes économiquement faibles, le diagnostic apparaît évident pour expliquer leur moindre compliance aux recommandations de dépistages, de toutes sortes d'ailleurs.

L'interrogation-même sur le fait de devoir délivrer une information honnête risquant de diminuer la participation nous paraît peu éthique, car l'obligation d'informer loyalement et complètement est inscrite dans la loi.[4]

"Dans ce grand essai clinique randomisé, nous avons observé que l'aide à la décision DECIDEO entraînait une diminution de la participation au dépistage du cancer du sein, bien qu'elle accélérait la décision d'y assister, pour les femmes qui y participaient. Ces résultats suggèrent que cette brochure a atteint son objectif principal qui était d'éclairer le processus décisionnel.

Nous croyons que nos résultats mettent en évidence le dilemme entre les objectifs des initiatives de santé de la population et les choix individuels." 

Conclusion

Cette étude est passée inaperçue.

Et pour cause, elle prouve que plus l’information délivrée aux femmes concernant le dépistage du cancer du sein par mammographie est exhaustive, moins ces dernières participent au programme de dépistage organisé mis en place et promu par les structures étatiques.

Et encore, nous sommes surpris que le formulaire DECIDEO, loin de répondre aux normes IPDAS d’information exhaustive sur le dépistage, obtienne de de tels résultats en terme de réduction au recours au dépistage.

Plus les femmes sont informées, moins les campagnes d’incitation comme celle d’Octobre Rose peuvent les toucher.

Le recours au dépistage n’a pas de preuves solides d’effet sur la réduction de la mortalité, comme énoncé d'emblée dans l'introduction :

« Les avantages en termes de réduction de la mortalité ne sont pas clairement documentés [10-13]. Il a été suggéré que les campagnes de prévention devraient passer d'approches persuasives à des approches basées sur l'information et l'autonomisation des femmes en matière de prise de décision. »

Il faut donc arrêter de vouloir persuader les femmes à tout prix de se faire dépister, arrêter de manipuler à ce point les outils de soi-disant d’aide à la décision ;   il faut au contraire les informer pour leur permettre de prendre une décision éclairée.

Ce n’est rien de moins que les conclusions de la concertation sur la mammographie de dépistage de 2015.[5]

Au final, une chose assez amusante à relever est que même avec un outil d'aide à la décision biaisé, comme l'est DECIDEO, les femmes sont bien difficiles à berner et à envoyer à un dépistage auquel, décidément, en dépit des tromperies et des incitations roses, elles n'adhèrent pas massivement...

                       ______________________________________

Il nous apparaît donc évident que, comme la concertation citoyenne de 2015 l’a demandé, et en accord avec les preuves scientifiques toujours plus nombreuses sur l'inefficacité du dépistage mammographique, ce dépistage organisé du cancer du sein par mammographie doit être arrêté en France.

Lire aussi notre précédent article sur la manipulation des femmes, véritable sujet scientifique.

Références


[1]                 https://www.icloire.fr/wordpress/icln-octobrerose2018/

[2]               https://cancer-rose.fr/2020/01/22/faisabilite-dun-outil-daide-a-la-decision-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein-a-la-francaise-selon-les-criteres-ipdas/

[3]               https://cancer-rose.fr/2020/01/02/david-contre-goliath-qui-informe-mieux-les-femmes-cancer-rose-ou-linca/

[4]               loi obligation d'information dans le code de la santé publique https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idSectionTA=LEGISCTA000006196409&cidTexte=LEGITEXT000006072665&dateTexte=20180522

[5]               https://cancer-rose.fr/concertation/ et https://cancer-rose.fr/2016/12/15/nouvelles-du-front-premiere-manche/

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Manipulation de l’information sur le dépistage du cancer du sein comme thématique scientifique.

Par Dr M.Gourmelon, Dr C.Bour

2 septembre 2020

La manipulation de l’information donnée aux femmes sur le dépistage du cancer du sein par mammographie est scientifique.

En ce début juillet 2020 est paru un article scientifique expliquant comment manipuler de façon efficace les femmes pour les faire participer toujours plus au dépistage organisé du cancer du sein par mammographie sous le titre :

« Une expérience de terrain sur le formatage des lettres d'invitation au dépistage du cancer du sein » [1]

Cet article d’auteurs italiens est publié dans une revue qui se définit ainsi :

« L'American Journal of Health Economics (AJHE) offre un forum pour l'analyse approfondie des marchés des soins de santé et des comportements individuels en matière de santé.

Les articles publiés dans l'AJHE sont rédigés par des universitaires, des organismes de recherche privés, le gouvernement et l'industrie. Les sujets d'intérêt comprennent la concurrence entre les assureurs privés, les hôpitaux et les médecins, l'impact des programmes d'assurance publics, l'innovation et la réglementation pharmaceutiques, l'approvisionnement en dispositifs médicaux, la hausse de l'obésité et ses conséquences, l'influence et la croissance des populations vieillissantes, et bien d'autres encore.

La revue est publiée pour l'American Society of Health Economists (ASHEcon), une organisation professionnelle à but non lucratif qui se consacre à la promotion de l'excellence dans la recherche en économie de la santé aux États-Unis. Tous les membres de l'ASHEcon reçoivent la revue dans le cadre de leur adhésion. »[2]

Il ne s'agit pas d'une analyse scientifique médicale de la pertinence du dépistage des femmes par mammographie, mais bien d'une étude sous l'angle de l'économie de la santé réalisée par des économistes. Le dépistage est partie intégrante du "marché de soins de santé" et le comportement des femmes y est analysé, selon la manipulation (sic) de l'information qui leur est donnée.

« Nous montrons que le fait de donner des informations renforcées sur les risques liés à l'absence de mammographie, augmente le taux de participation. Cette manipulation est plus efficace dans les sous-groupes où la prise en charge de base est plus faible, ce qui réduit les inégalités en matière de dépistage. »

OBJECTIF ET METHODES DE L'ETUDE

Il s'agit d'évaluer l'influence de l'interaction entre le "cadre" de la lettre d'invitation et le "niveau" des informations qui y sont divulguées, sur les taux de participation à un programme national de dépistage du cancer du sein.

Quatre "manipulations" sont testées, en fonction du cadre et du niveau de l'information. Le cadre de l'information désigne, dans ce cas ici, le fait de délivrer une information sous forme de « gains » à se faire dépister, ou bien plutôt selon une grille « de pertes » à ne pas se faire dépister.

Le niveau désigne quant à lui la qualité et l'exhaustivité de l'information.

  • On valorise le « gain » de la procédure de dépistage avec une information de qualité
  • On valorise le « gain » de la procédure de dépistage avec une information basique.
  • On met l'accent sur la « perte » de n'être pas dépistée avec une information de qualité
  • On met l'accent sur la « perte » de n'être pas dépistée avec une information basique.

"À notre connaissance, il s'agit de la première étude expérimentale évaluant l'influence de l'interaction entre le cadre de la lettre d'invitation et les informations qui y sont divulguées sur les taux de participation", expliquent les auteurs.

RESULTAT PRINCIPAL

"Les résultats montrent que le taux de participation dans le groupe qui a reçu la lettre combinant la grille de perte et une meilleure information sur les conséquences négatives en l'absence de mammographie est d'environ 2,5 points de pourcentage plus élevé que dans le groupe de base." Selon les auteurs "il s'agit d'un effet considérable".

Les rédacteurs de l'article se félicitent sur "cette manipulation (sic) (qui) contribue également à réduire les inégalités en matière de dépistage" puisqu'elle permet un effet manipulateur plus important pour les sujets qui, selon eux, sont à "faible niveau d'éducation moyen, sans expérience de dépistage récente, et pour lesquels les caractéristiques observables disponibles nous conduiraient à prédire une faible probabilité de dépistage en l'absence de toute manipulation."

LES PROBLEMES POSES

A-LE PROBLEME ETHIQUE

Il nous semble majeur.

Tout d'abord les intentions d'un accroissement de la participation des femmes, et cela coûte que coûte, est clairement affiché.

Ainsi ces chercheurs allèguent que des «  lettres envoyées aux femmes à leur domicile et l'invitation à une mammographie gratuite et pré-réservée augmentent le taux de participation au dépistage du cancer du sein ».
« À cet égard, la présente étude vise …..à fournir des indications sur la manière de concevoir des lettres d'invitation efficaces pour promouvoir les activités de dépistage du cancer. »

Les intentions sont clairement énoncées, les auteurs sont bien conscients qu’informer le plus complètement possible les femmes incitées à se faire dépister réduit la participation à ce dépistage :
« des études antérieures ont analysé l'impact de la fourniture d'une grande quantité d'informations médicales détaillées concernant la maladie (par exemple, comme dans Bourmaud et al. 2016 et Wardle et al. 2016, en incluant une brochure dans l'enveloppe de la lettre d'invitation) sur le taux de participation et ont généralement constaté un effet négatif ou nul. »

Ils formulent donc l’hypothèse que « ... les lettres d'invitation contenant un message encadré de perte (c’est à dire « perte » pour la femme, ou encore danger en cas de sa soustraction au dépistage, NDLR) avec une information renforcée sur les conséquences de la non-participation au programme sont plus efficaces pour augmenter le taux de participation que les lettres avec un contenu encadré de gain ou avec un contenu informationnel restreint... »

La manipulation est parfaitement revendiquée puisque le terme lui-même est bien répété dans le corps du texte, et que les auteurs justifient cette manipulation comme nécessaire pour qu'on «  limite la surcharge cognitive des femmes ».
La surcharge cognitive est définie ainsi :
« La surcharge cognitive correspond à un état mental où un individu est engagé dans la réalisation d’une tâche extrêmement exigeante pour lui : il ne dispose pas des ressources cognitives suffisantes à une mise en œuvre aisée de cette tâche. » [3]
Si l’on comprend bien, les femmes n’auraient pas un état mental susceptible de comprendre les informations exhaustives sur le dépistage du cancer du sein.

B- VALORISATION DU DEPISTAGE ET NEGATION DE SES RISQUES

Dès l'introduction, le doute sur la pertinence du dépistage du cancer du sein par mammographie est balayé, en dépit du questionnement scientifique sur l'intérêt du dépistage, qui ne fait qu'enfler depuis les années 2000.

 « Les programmes de dépistage par mammographie au niveau de la population sont un élément clé de la lutte contre le cancer du sein dans de nombreux pays. La mise en œuvre continue de ces politiques au cours des dernières décennies reflète le consensus actuel sur l'efficacité du dépistage par mammographie. »

Les auteurs sont tout de même obligés de concéder qu’il y a bien une «  incertitude quant à l'ampleur des effets du dépistage sur la mortalité (voir par exemple Welch et al. 2016) et des preuves croissantes de surdiagnostic... » en citant une étude de 2015, et en s'empressant de minimiser l'ampleur du surdiagnostic qui en fait pourtant l'effet adverse majeur :
 « Toutefois, à notre connaissance, l'ampleur estimée du surdiagnostic en Italie est faible, puisqu'elle se situe entre 1 et 4,6 % (voir l'étude de Puliti et al. 2012). Ces données nous amènent à considérer le phénomène comme négligeable pour notre population d'intérêt. »

Les auteurs font délibérément fi des nombreuses et plus récentes études [4]  qui ne parviennent plus à démontrer une quelconque utilité du dépistage pour réduire la mortalité des femmes, pour réduire le taux des cancers les plus graves ou encore pour alléger les traitements qui leur sont infligés.

Surtout, parallèlement à l'absence de bénéfice, il ne faut pas oublier que de nombreux effets adverses du dépistage sont à déplorer, comme les fausses alertes entraînant une surmédicalisation des femmes à outrance et un surdiagnostic chiffré actuellement plutôt entre 30 et 50%, ce qui signifie qu'un cancer sur trois détectés, voire un cancer sur deux détectés est une détection inutile.[5] [6]

A ce propos, voici un lien vers une étude supplémentaire tout à fait actuelle dont nous avons parlé :

Cette étude, (une analyse d' études transversales) a montré que le dépistage mammographique n'a pas permis d'abaisser le stade des cancers, et n'a pas permis une rétrogradation des cancers des stades élevés vers les stades précoces. Les résultats suggèrent fortement que le traitement adjuvant et non le dépistage mammographique est associé à la baisse de mortalité spécifique par cancer du sein qu'on observe depuis l'introduction de ces thérapies (années 90).

C-CYNISME ET INFORMATION CONFISQUÉE

Il ne faut donc, en aucun cas, informer correctement les femmes ou évoquer les risques de participer au dépistage, telle est la démonstration de l'étude.
Le faire, c’est diminuer la participation à ce même dépistage, ces auteurs italiens l’ont bien compris et prennent appui sur une étude d'auteurs français :
« Bourmaud et ses collaborateurs (2016) [7] ont évalué l'effet de la fourniture d'une brochure d'information de 12 pages sur le taux de participation au dépistage du cancer du sein sur un échantillon de femmes françaises sélectionnées au hasard. Ils ont constaté un effet négatif significatif sur le taux de participation. »

Un peu plus loin dans le texte de la publication l'escamotage volontaire de l'information est avoué  : « Notre lettre d'invitation de base ne contient aucune information sur les conséquences du dépistage. »
« Nous montrons qu'un message encadré négativement, qui ajoute des informations "bon marché" sous la forme de déclarations brèves et générales sur les conséquences du dépistage à la lettre d'invitation initiale, est susceptible d'améliorer le taux de participation. »

Et enfin la conclusion :  « En outre, l'effet de la manipulation que nous proposons est plus fort pour les sujets identifiés par la littérature comme présentant un risque élevé de non-participation, tels que ceux qui vivent loin des sites de dépistage, les personnes peu instruites et celles qui n'ont pas d'expérience récente du dépistage. »

Donc, moins les femmes sont instruites, plus leur cacher des informations et les manipuler est efficace.

LE PARALLELE FRANçAIS

A-L'INTERESSEMENT DES MEDECINS

Le rôle potentiel d'influence du corps médical n'est pas oublié : « l'approbation du programme de dépistage par les médecins généralistes dans la lettre d'invitation augmentait le taux global de participation, tandis qu'une lettre de rappel était particulièrement efficace pour augmenter le taux de participation des sujets résidant dans des zones socio-économiquement défavorisées. »

Les promoteurs du dépistage en France le savent eux-aussi très bien, eux qui ont fait rentrer l’item « mammographie de dépistage » dans la rémunération à la performance des médecins généralistes [8]

B-LA CARENCE DE L'INFORMATION DELIVREE PAR LES ORGANISMES OFFICIELS

Les auteurs de cette étude italienne notent que des «  lettres envoyées aux femmes à leur domicile et l'invitation à une mammographie gratuite et pré-réservée augmentent le taux de participation au dépistage du cancer du sein ».

Il est à remarquer que c’est exactement ce qui est fait en France aussi avec le programme de dépistage organisé du cancer du sein.

La concertation citoyenne avait bien identifié les lacunes effarantes dans l'information donnée aux femmes, et en France nous ne sommes pas en reste pour ce qui est de considérer les patientes comme indignes à recevoir une information médicale de qualité qui leur est due.[9]

Nous avions d'ailleurs analysé l'indigence de cette information dans les supports délivrés par l'INCa. [10] [11]

EN CONCLUSION

  • Négation des risques de la mammographie de dépistage du cancer du sein.
  • Affirmation contre une grande majorité d’études scientifiques de l ‘efficacité du dépistage.
  • Manipulation de la lettre d’invitation au dépistage.
  • Sexiste et paternalisme.

Cette étude économique d'auteurs italiens, avec des références à d'autres études analogues y compris françaises, parue en ce mois de juillet 2020 laisse un goût amer tant sur l’éthique que sur la vision des femmes dans les milieux universitaires, ou sur le comportement des promoteurs du dépistage du cancer du sein par mammographie.

Il est à noter que la majorité des acteurs du dépistage justifient une manipulation assumée des femmes à la seule fin d'accroître leur participation à un dispositif de santé publique, lequel non seulement n'a pas fait preuve d'efficacité mais en plus comporte des effets délétères à la santé des femmes, avec une information insuffisante .

A lire, en lien avec cet article : https://cancer-rose.fr/2020/09/08/information-objective-et-moindre-soumission-des-femmes-au-depistage/


Références

[1]                              https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1086/708930

[2]                          https://www.journals.uchicago.edu/journals/ajhe/about

[3]                              https://www.universalis.fr/encyclopedie/surcharge-cognitive/

[4]                              https://cancer-rose.fr/category/etudes/

[5]                                 https://cancer-rose.fr/2019/09/06/le-depistage-mammographique-un-enjeu-majeur-en-medecine/

[6]                                 https://cancer-rose.fr/2020/01/28/30-000-cancers-surdiagnostiques-par-an-dans-une-etude-australienne-un-enjeu-de-sante-publique/

[7]                              https://www.oncotarget.com/article/7332/text/

[8]                               https://cancer-rose.fr/2020/04/20/la-nouvelle-rosp-quel-changement-pour-le-medecin-concernant-le-depistage-du-cancer-du-sein/

[9]                                 https://cancer-rose.fr/2016/12/15/nouvelles-du-front-premiere-manche/

[10]                               https://cancer-rose.fr/2017/09/17/analyse-critique-du-nouveau-livret-dinformation-de-linca/

[11]                               https://cancer-rose.fr/2018/02/11/2175-2/

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Absence de bénéfice des mammographies chez les femmes âgées de 40 à 50 ans, les résultats finaux de l’essai UK Age Trial confirment

16 août 2020

Collectif Cancer Rose

Les résultats finaux de l’essai de dépistage des cancers du sein dit "UK Age Trial" ont été publiés en août 2020[i].

Chez les femmes âgées de 40 à 49 ans

Cet essai britannique a inclus presque 161 000 femmes âgées de 39 à 41 ans entre 1990 et 1997. Les femmes ont été tirées au sort et on a proposé une mammographie annuelle jusqu’à l’âge de 48 ans à environ une sur trois d’entre elles (53883 femmes), tandis que les autres n’avaient aucun dépistage. Puis toutes les femmes sont entrées dans le programme normal de dépistage britannique qui comprend une mammographie tous les trois ans entre les âges de 50 et de 69 ans.

Le but principal de l’essai était de savoir si le dépistage permettait de diminuer la mortalité liée aux cancers du sein dépistés avant la première mammographie du programme de dépistage normal, commençant après l’âge de 50 ans.

Avant ces résultats, pas de preuve d'un bénéfice

Au bout de 10 ans, les résultats de l’essai UK Age Trial montraient une diminution du nombre de morts dues à un cancer du sein avant le dépistage habituel et cette diminution était statistiquement significative. 25 % en valeur relative annoncée par les auteurs mais cela ne correspond en réalité qu’à un bénéfice de 4 morts par cancer du sein pour 10 000 femmes dépistées et suivies pendant 10 ans.

Les résultats ne montraient en outre pas de diminution de la mortalité totale (ou mortalité toutes causes). *

Lorsqu’on prenait en compte les résultats de l’ensemble des neuf essais ayant inclus des femmes âgées de 40 à 49 ans (et pas seulement de l’essai UK Age Trial), on n’observait pas de diminution statistiquement significative du nombre de morts par cancer. [ii]

* Seule la mortalité globale intègre tous les éléments de la prise en charge, donc aussi les effets des traitements, du surdiagnostic et du surtraitement. Cette donnée a davantage de sens car tout cancer détecté sera traité, les traitements eux-mêmes sont parfois pourvoyeurs de décès, qui seront compris et englobés dans la 'mortalité toutes causes confondues', reflétant ainsi mieux la réalité du dépistage.

Après ces résultats, encore moins de preuve d’un bénéfice

Au bout de 23 ans, les résultats de l’essai UK Age Trial ne montrent plus une diminution significative du nombre de morts dues à un cancer du sein chez les femmes dépistées entre les âges de 40 et 49 ans. Les auteurs de l’essai écrivent : « Overall, there was no significant reduction in breast cancer mortality in the intervention group compared with the control group » ( p4 avant-dernier paragraphe (réf1)) . Soit : « Au total, il n'y a pas eu de réduction significative de la mortalité par cancer du sein dans le groupe d'intervention par rapport au groupe témoin ».

Avant ces résultats finaux, les analyses prenant en compte les résultats de tous les essais concluaient déjà à l’absence de bénéfice mesurable. Or l’essai UK Age Trial faisait alors partie de ceux qui pesaient en faveur du dépistage.
Avec ces résultats, on peut être encore plus affirmatif pour dire qu’il n’y a aucun bénéfice tangible à tenter de dépister les cancers du sein avant l’âge de 50 ans.

Quand peut-on s’attendre à une réévaluation de ces résultats ?

Un autre essai est en cours pour évaluer l’éventuel bénéfice qu’il y aurait à étendre le dépistage aux femmes avant l’âge de 50 ans et après l’âge de 69 ans : l’essai Age X Trial. Ses résultats ne sont pas attendus avant l’année 2026.

Polémique en Grande Bretagne

La publication de ces résultats a provoqué une vive polémique en Grande Bretagne. Non pas parce qu’ils auraient été disputés ou mis en cause, car l’essai est de bon niveau méthodologique. Mais parce que les auteurs[iii], sans doute déçus du résultat, ont tenté de camoufler leur caractère négatif en insistant sur les résultats obtenus au bout d’un suivi de 10 ans et non au bout du suivi de 23 ans. Certains journalistes grand public ont ainsi été conduits à écrire que les résultats étaient en faveur de l’efficacité du dépistage, d’où la polémique[iv].

Nous évoquons ici les réactions de scientifiques de haut niveau à cette publication.

NOTES ET REFERENCES


[i] Duffy SW et coll. "Effects of mammogrpahic screening from age 40 years on breast cancer mortality (UK Age trial) : final results of a randomised, controlled trial" The Lancet Oncology online. 12 août 2020. Site internet www.thelancet.com/oncology. Doi : 10.1016/S1470-2045(20)30398-3

Etude document PDF

Pour l'étude traduite en français : https://cancer-rose.fr/wp-content/uploads/2020/08/Duffy-Traduction-.pdf

[ii] Nelson HD et coll. "Screening for Breast Cancer: A Systematic Review to Update the 2009 U.S. Preventive Services Task Force" Recommendation. Evidence Synthesis No. 124. AHRQ Publication No. 14-05201-EF-1. Rockville, MD: Agency for Healthcare Research and Quality; 2016.

Voir en particulier le tableau 28 page 128.

[iii] Qui sont les auteurs de cette étude? (NDLR)

Il s'agit de l'équipe de Duffy et de ses collaborateurs, de l'Université Queen Mary de Londres.

Le Pr.Duffy est déjà bien connu dans le monde du dépistage, en effet il est un des plus anciens pionniers de la promotion du dépistage et a publié plusieurs études cherchant à chiffrer le surdiagnostic, le plus souvent à sa fourchette la plus basse, selon lui de 1 à 10 %. (Overdiagnosis in mammographic screening for breast cancer in Europe: a literature review. Puliti D, Duffy SW, Miccinesi G, de Koning H, Lynge E, Zappa M and the EUROSCREEN Working Group. J Med Screen 2012;19 Suppl1:42-56.)

Il s'agissait là d'une revue d'études, et ce travail avait été fortement controversée car source de multiples biais assez grossiers. Dans leur analyse les auteurs, Duffy et Puliti, avaient exclu délibérément de nombreuses études de références, celle de Zahl en 2008, et celle de Junod en 2011( Junod B, Zahl P-H, Kaplan Rm, Olsen J, Greenland S. An investigation of the apparent breast cancer epidemic in France: screening and incidence trends in birth cohorts. BmC Cancer. 2011 Sep 21;11(1):401. )

La Revue Prescrire en 2006, après une analyse minutieuse, ainsi que l'analyse exhaustive faite par le Pr Autier, et bien d'autres encore plus récentes, concluent actuellement que le surdiagnostic est compris entre 30 et 50%.

Revue Prescrire :

*Dépistage des cancers du sein par mammographie Deuxième partie Comparaisons non randomisées : résultats voisins de ceux des essais randomisés. Rev Prescrire. 2014 Nov;34(373):842–6.

*Dépistage des cancers du sein par mammographie Première partie Essais randomisés : diminution de la mortalité par cancer du sein d’ampleur incertaine, au mieux modeste. Rev Prescrire. 2014 Nov;34(373):837–41.

*Dépistage des cancers du sein par mammographies Troisième partie Diagnostics par excès : e et indésirable insidieux du dépistage. Rev Prescrire. 35(376):111–8.

[iv] Comment les promoteurs du dépistage essaient de justifier le succès allégué (NDLR) :

Dans le groupe dépistage, au bout de 10 ans, pour 10 000 femmes du groupe dépistage, il y a eu 14 décès par cancer du sein, tandis que pour 10 000 femmes du groupe contrôle, il y en a eu 20 morts. Ce bénéfice relativement faible (si on tient compte des effets indésirables du dépistage) était statistiquement significatif. C’est sur cette différence que les auteurs s’appuient pour soutenir qu’il pourrait y avoir un bénéfice, qu’ils proclament « de 25 % » (20-14 / 20 = 25 %).

Cependant à la fin du suivi, au bout de 23 ans, pour 10 000 femmes du groupe dépistage, il y a eu 39 mortes par cancer du sein, tandis que pour 10 000 femmes du groupe contrôle, il y en a eu 44. Cette fois la différence n’est pas statistiquement significative. Et en valeur relative elle est de 44 – 39 / 44 = 11 %.

Surtout, ce qu'il faut retenir : aucune différence significative dans la mortalité toutes causes confondues n’a été constatée entre les deux groupes, ni au bout de 10 ans, ni à la fin du suivi, au bout de 23 ans

À la fin de l’essai, il y a eu 650 mortes pour 10 000 femmes du groupe dépistage et 648 mortes pour 10 000 femmes du groupe contrôle.

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Du dépistage excessif chez la personne âgée

4 août 2020, résumé Dr C.Bour

Judith Garber, scientifique en sciences politiques au Lown Institute [1] avait déjà publié un article intéressant sur l'opportunité de la réduction des dépistages lors de la période Covid et du confinement.[2]

Cette fois elle synthétise dans une publication du Lown Institute le résultat d'une étude parue dans le Jama sur le dépistage excessif chez la personne âgée.

Contexte

En effet, à un âge très avancé, les personnes sont moins susceptibles de vivre suffisamment longtemps pour bénéficier des avantages du dépistage, en revanche elles sont bien davantage exposées aux risques des traitements qui suivront la découverte d'une lésion qui n'aurait pas eu le temps de mettre en danger leur vie, si elle n'avait pas été dépistée. Et c'est bien pour cela que les recommandations, fussent-elles américaines ou européennes, fixent des limites d'âge au-delà desquelles un dépistage sera non seulement inutile mais potentiellement délétère.

Judith Garber nous rappelle les chiffres de dépistages excessifs chez des personnes âgées dans une étude de 2014, conduite parmi les patients âgés à très haut risque de mortalité : 37,5% avaient été dépistés pour le cancer du sein, 30% ont été dépistés pour le cancer du col de l'utérus et 40% ont été dépistés pour le cancer colorectal.

L'étude publiée dans le JAMA des chercheurs du Penn State College of Medicine

Les chercheurs ont analysé l'ensemble des données de plus de 175000 participants, et ont mesuré la proportion d'adultes au-delà de l'âge recommandé qui ont déclaré avoir été dépistés, pour le dépistage colorectal (seuil d'âge fixé à 75 ans), pour celui du col de l'utérus (âge limite à 65ans ) et pour celui par mammographie du cancer du sein (âge seuil à 74ans ). 

Les résultats sont les suivants :

  • 45% des répondants à l'enquête ont déclaré avoir subi un dépistage du cancer colorectal ou du col de l'utérus ou du sein, alors même qu'ils avaient dépassé l'âge recommandé pour un dépistage fixé par l'USPSTF[3]
  • Le dépistage excessif était le plus souvent celui du cancer du sein, 74% des femmes de plus de 74 ans avaient subi une mammographie. 
  • Le cancer du col de l'utérus présentait le taux le plus bas de dépistage excessif, à raison de 45,8% des femmes de plus de 65 ans,
  • avec toutefois 32% de femmes surdépistées malgré un antécédent d'hystérectomie. 
  • Même les personnes avec un risque de mortalité élevé n'étaient pas moins dépistées que celles dont l'espérance de vie était estimée plus longue.

Pour le cancer du sein, on note des disparités : les femmes des régions urbaines disposant de soins de santé de bonne qualité et en bonne ou en excellente santé étaient plus fréquemment excessivement dépistées que les femmes des zones rurales, sans source de soins et dans un état de santé plus faible. ( NDLR : Notons qu'on retrouve exactement ce constat aussi dans une étude antérieure faite dans l'état de Sao Paulo au Brésil. [4] )

 Des niveaux d'éducation plus élevés étaient associés à des taux plus élevés de dépistages excessifs chez les femmes.

Quelles sont les raisons de l'excès des dépistages chez la personne âgée et en dehors des recommandations ?

Selon les auteurs de l'étude du Penn State College of Medicine le sur-dépistage pour les femmes pourrait être lié au fait de résider en milieu urbain, parce que l'accès pour les citadines aux installations de dépistage par rapport à celles des zones rurales est plus facile, et elles se voient proposer ce dépistage davantage, qu'il soit approprié ou pas.

Une autre hypothèse est que les cliniciens des zones rurales entretiennent des relations plus longues et plus confiantes avec les patients, de sorte qu'ils ont le temps d'expliquer aux patients les raisons pour lesquelles le dépistage n'est plus recommandé à leur grand âge. 

Judith Garber évoque la théorie intéressante, que les auteurs n'ont pas soulevée, que la disponibilité plus grande des installations médicales dans les villes, le fait qu'il y ait davantage d'offre technologique et de cabinets concurrentiels en milieu urbain favorisent une sur-utilisation du système par les bénéficiaires d'assurances médicales, et de ce fait des dépistages inutiles, comme une étude de mars 2020 le suggère. 

Les chercheurs du Penn State College Institute demandent des mesures pour réduire cette tendance persistante.


Références

[1] Le Lown Institute (USA Massachussetts) est une organisation à but non lucratif, un "groupe de réflexion non partisan qui préconise des idées novatrices pour un système juste et bienveillant en santé".

[2] https://cancer-rose.fr/2020/05/12/reduction-du-nombre-des-depistages-des-cancers-lors-de-la-periode-covid-19-quelles-consequences-a-attendre/

[3] organisme étatsunien indépendant d'experts en soins primaires et en prévention qui examine systématiquement les preuves d'efficacité et élabore des recommandations 

[4] https://cancer-rose.fr/2017/11/12/surmortalite-imputable-au-depistage-une-etude-bresilienne-troublante/

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Etude australienne, un argument factuel de plus sur l’inutilité du dépistage mammographique

Évaluation des tendances de la mortalité par cancer du sein associées au dépistage mammographique et à la thérapie adjuvante de 1986 à 2013 dans l'État de Victoria, Australie

  Robert Burton, MD; Christopher Stevenson, PhD

https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2767514

Contexte

Le diagnostic du cancer du sein précoce chez les femmes dépistées et ayant eu une endocrinothérapie adjuvante et une chimiothérapie (appelée thérapies adjuvantes[1]) après chirurgie a commencé simultanément dans de nombreux pays dans les années 1990. Les déclins subséquents de la mortalité par cancer du sein ont été attribués soit au dépistage mammographique ou au traitement adjuvant de façon variable.

Est-ce le dépistage mammographique en population ou bien le traitement endocrinien et la chimiothérapie (thérapies adjuvantes) après la chirurgie curative pour un cancer du sein précoce qui est associé à la baisse de la mortalité par cancer du sein

Est-ce que le stade des cancers a pu être abaissé grâce au dépistage mammographique expliquant la réduction de la mortalité ?

Objectif de l'étude

L'étude ici présentée a été réalisée dans l'état de Victoria, en Australie.

On essaie de trouver le lien entre la réduction de mortalité relative ou bien avec la thérapie adjuvante ou bien avec le dépistage, et de déterminer lequel de ces deux évènements serait associé à cette baisse de mortalité constatée, cela chez des femmes atteintes de cancer du sein précoce et qui ont été exposées aux deux options (dépistage mammographique et traitement adjuvant après la chirurgie de leur cancer).

Méthodes

Il s'agit de l'analyse d'études transversales[2] sur la mortalité par cancer du sein, sur 76 630 femmes enregistrées avec cancer du sein invasif, ayant suivi le programme de dépistage et ayant eu un traitement adjuvant. La population était composée de participantes à des études de population antérieures sur le cancer du sein, de 1986 à 2013. Les données de 4 enquêtes de population sur le traitement du cancer du sein de 1986 à 1999 ont été utilisées.

Les comparaisons portaient sur les stades du cancer au moment du diagnostic et sur la prise d'un traitement adjuvant après l'intervention chirurgicale.

Résultats

L'incidence du cancer du sein avancé a doublé de 1986 à 2013, et la mortalité par cancer du sein brut a diminué de 30% après 1994 ; en 1999, la plupart des femmes recevaient un traitement adjuvant, ce qui pourrait être associé à ce déclin de la mortalité.

Conclusions

Cette analyse des études transversales a montré que le dépistage mammographique n'a pas permis d'abaisser le stade des cancers, et n'a pas permis une rétrogradation des cancers des stades élevés vers les stades précoces.

Les résultats montrent que le traitement adjuvant et non le dépistage mammographique est associé à la totalité des 30% de la baisse de la mortalité par cancer du sein observée dans l'état de Victoria, en Australie.

Les auteurs de l'étude soulèvent le fait que le programme australien de dépistage systématique du cancer du sein (BreastScreen Victoria) continue d'exposer les femmes à une morbidité et une mortalité inutiles. 

Le traitement adjuvant expliquant toute la baisse de mortalité observée (- 30%), les auteurs proposent que le programme BreastScreen soit cessé. 

La mesure continue des stades du cancer du sein au moment du diagnostic, les mesures de la mortalité toutes causes et mortalité spécifique par cancer du sein ainsi que l'évaluation du recours au traitement adjuvant devraient être obligatoires dans le suivi et l'évaluation des programmes de dépistage mammographique.

Références


[1]  Traitement qui complète un traitement principal afin de prévenir un risque de récidive locale ou de métastases. Une chimiothérapie, une radiothérapie, une hormonothérapie, une immunothérapie peuvent être des traitements adjuvants après la chirurgie du cancer du sein.

[2] Une étude transversale est une étude qui :
- concerne une population dans sa globalité (globalité, c'est à dire qui comprend toutes les composantes de la population, à ne pas confondre avec totalité ; c'est la plupart du temps simplement un échantillon qui est étudié, mais qui est représentatif de l'ensemble de la population)
- est menée à un instant précis (il n'y a pas de suivi de l'évolution de la population dans le temps, par opposition aux études longitudinales).

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La mammographie numérique pas plus efficace dans la réduction des cancers les plus graves, selon méta-analyse australienne

par Dr C.Bour, 28 juin 2020

https://academic.oup.com/jnci/article/doi/10.1093/jnci/djaa080/5859630

Il s'agit d'un travail de chercheurs australiens, à savoir une méta-analyse de 24 études portant sur plus de 16 millions de mammographies de dépistage (10 968 843 mammographies sur films et 5 614 900 numériques), qui a donné les résultats suivants :

Avec la mammographie numérique on assiste à :

  • Une augmentation statistiquement significative des rappels et des faux positifs ; en sachant que les faux positifs peuvent générer une anxiété considérable chez les femmes faussement identifiées comme ayant un cancer du sein, et que ce n'est donc pas sans conséquence. Après la transition vers la mammographie numérique, débutée vers l'an 2000, le taux de rappels a augmenté de 6,96 pour 1000 dépistages.
  • Aucun effet sur les taux des cancers d’intervalle, ces cancers non anticipés par le dépistage car souvent très véloces et évolutifs, qui apparaissent entre deux mammographies de dépistage, malgré une précédente mammographie négative. Il ne sont pas diminués par la technologie numérique.
  • Une augmentation modeste mais statistiquement significative du taux de détection du cancer, en revanche ce meilleur taux de détection porte en grande partie sur une plus grande détection des carcinomes in situ dont la grande majorité est de détection inutile, avec peu de différence dans la détection des cancers invasifs.

Précisions et quelques rappels

1°passage de l'analogique au numérique

Initialement la mammographie était de type analogique, c'est à dire utilisant des films que l’on devait développer. Le signal radiologique, pour faire simple, est alors transformé en 'visuel', cela comportant des aléas techniques pouvant altérer la qualité du film à interpréter (artéfacts de film, qualité et fragilité des films, problème des bains de développement etc..) . Avec le procédé numérique, utilisé dans le cadre du dépistage depuis 2008, des capteurs récupèrent l’image, la mettent en mémoire, il n'y a pas de transformation du signal et l'image est projetée en temps réel sur l'écran d'ordinateur (ou console). La diffusion du signal est limitée au maximum (technique de 'comptage des photons') pour ne garder que l'information utile. Cette technologie a été encensée pour son meilleur taux de détection par rapport au système analogique notamment en cas de seins denses, et par sa moindre irradiation.

Ce dernier aspect étant certes non négligeable, mais à relativiser, les radio-biologistes nous ayant fait comprendre les mécanismes de la radio-toxicité, bien moins dose-dépendante que sujet-dépendante. Voir : https://cancer-rose.fr/2019/07/18/radiotoxicite-et-depistage-de-cancer-du-sein-prudence-prudence-prudence/

2° L'impact du numérique en terme de bénéfices

Déjà en 2010 on s'interrogeait sur l'impact réel pour les femmes en terme de réduction de la mortalité, car l'intérêt du dépistage est de recruter les cancers qui mettent le plus en danger la vie des femmes, et ainsi de réduire la mortalité, ce que peine à prouver le dépistage du cancer du sein. (Réduction de mortalité par cancer du sein depuis les années 90, grâce aux avancées thérapeutiques, réduction bien antérieure à l'avènement des campagnes de dépistages).

Or une augmentation du taux de détection allant de 20 à 28 % avec le numérique (en fait d'après l'étude australienne, il s'agit de 25% de détection en plus pour les carcinomes in situ et de 4% de plus seulement pour les carcinomes invasifs), cela ne représente qu'un cancer de plus détecté grâce à cette nouvelle technique pour 1000 femmes, et cela ne veut pas dire qu'on sauve une vie de plus.

La performance du dépistage se mesure sur la mortalité et non pas par le taux de détection. Le problème est qu'on détecte ainsi préférentiellement un cancer qui sera peu ou pas mortel et qui de toute façon aurait été détecté par la mammographie analogique un an plus tard, ou même en l'absence de tout dépistage par l'apparition d'un symptôme clinique sans que cela change le résultat thérapeutique. Ou encore on détecte davantage de cancers qui ne se seraient jamais manifestés. On soulevait déjà le problème de surdétection par découverte préférentielle des cancers peu ou pas évolutifs , alimentant ainsi le surdiagnostic.

3°le problème de la surdétection des carcinomes in situ (CIS)

Ci-dessous un rappel de ce que nous expliquions sur les carcinomes in situ du sein : https://cancer-rose.fr/2020/06/10/un-blog-pour-les-femmes-avec-cis-carcinomes-in-situ/ 

Le carcinome in situ du sein est défini par la prolifération de cellules cancéreuses à l’intérieur d’un canal galactophore sans que les cellules ne dépassent la paroi du canal pour envahir le reste du sein.

Il est essentiellement de découverte mammographique, en effet 90 % des femmes ayant un diagnostic de CCIS présentaient des microcalcifications à la mammographie. Dans leur grande majorité ces lésions ne mettent pas en danger la vie des femmes s'il ne sont pas détectés, leur pronostic est très bon, la survie à 10 ans, paramètre très utilisé par les autorités sanitaires, est supérieure à 95%. Il existe la forme canalaire et la forme lobulaire considérée plutôt comme un facteur de risque de cancer du sein.

Les CIS alimentent les surdiagnostics. Les essais et études montrent que la croissante détection des CIS n’a pas contribué à la réduction de la mortalité par cancer du sein. Avant l’ère des dépistages, le CIS représentait moins de 5% de tous les cancers du sein pour passer à 15 à 20% dans tous les pays où les campagnes de dépistage existent. Ils ne sont pas comptabilisés dans les chiffres d'incidence (taux des nouveaux cas) donnés par l'Institut National du Cancer, car considérés à part, et non en tant que cancers "vrais".

En plus on manque d’un réel consensus parmi les anatomo-pathologistes pour le classement de ces lésions lors de l'analyse des biopsies qu'ils reçoivent, avec une tendance à les surclasser dans des catégories de pronostic plus défavorables, de peur de sous-estimer une "maladie".

la plupart des CIS sont considérés comme des lésions- précurseurs non obligatoires du cancer invasif ; paradoxalement l’augmentation spectaculaire de leur détection suivie de leur ablation chirurgicale n’a pas été suivie de baisses proportionnelles de l’incidence des cancers invasifs.

Le problème majeur est que ces entités particulières des cancers du sein sont traitées avec la même lourdeur qu'un cancer du sein.

En novembre 2016, une étude de l'université de Toronto arrive aux résultats suivants :

  • Leur traitement ne fait pas de différence sur la survie des femmes.
  • Les femmes atteintes de CIS sont lourdement traitées (parfois par mastectomie bilatérale) et ont la même probabilité de décéder d’un cancer du sein par rapport aux femmes dans la population générale.
  • Traiter les CIS ne diminue pas leurs récidives.
  • La prévention des récidives par radiothérapie ou mastectomie ne réduirait pas non plus le risque de mortalité par cancer du sein.

De même, notre étude sur les mastectomies en France objectivait une augmentation régulière des actes chirurgicaux, notre hypothèse première étant le surtraitement de lésions qui ne sont pas des cancers invasifs, mais des lésions dites pré-cancéreuses et les CIS.[3] [4]

Les conséquences à long terme du surtraitement peuvent mettre la vie des femmes en danger. Par exemple, la radiothérapie faite sur ces lésions semble incapable de réduire le risque de décès par cancer du sein, mais elle est associée à une augmentation dose-dépendante (de 10 à 100% sur 20 ans) du taux d’événements coronariens majeurs. [5]

D'ailleurs dans plusieurs pays sont entrepris des essais cliniques visant à tester une simple surveillance active notamment pour le CIS de bas grade plutôt qu'un traitement agressif :

Pour Philippe Autier[6], de l'International Prevention Research Institute (IPRI) le problème est indubitablement inhérent à la mammographie routinière, en particulier la mammographie numérique qui est trop performante concernant la détection des petites calcifications ; celles-ci sont le signe radiologique le plus fréquent de ces formes, et la mammogaphie présente une excellente sensibilité pour la détection de ces microcalcifications.

Vous trouverez dans notre médiathèque plusieurs cas cliniques de carcinomes in situ, appelées abusivement carcinomes.

Conclusion des auteurs de la métaanalyse australienne :

L'augmentation de la détection des cancers après le passage à la mammographie numérique ne s'est pas traduite par une réduction du taux de cancer d' intervalles. Les taux de rappel ont été augmentés.

Ces résultats suggèrent que la transition de la mammographie sur film à la mammographie numérique, essentiellement motivée pour des raisons de meilleure performance technologique, n'a pas entraîné de bénéfices pour la santé des femmes dépistées.

Cette analyse renforce la nécessité d'évaluer soigneusement les effets des futurs changements technologiques, tels que la tomosynthèse[1] [2], pour s'assurer que les nouvelles technologies conduisent à de meilleurs résultats pour la santé, et cela au-delà des gains seulement sur le plan technique.

[1] Lire : https://cancer-rose.fr/2019/11/28/avis-de-la-haute-autorite-de-sante-sur-la-performance-de-la-mammographie-par-tomosynthese-dans-le-depistage-organise/

[2] Lire aussi : https://cancer-rose.fr/2019/03/09/association-de-la-tomosynthese-versus-mammographie-numerique-dans-la-detection-des-cancers/

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Régression cancéreuse

25 juin 2020, résumé Dr C.Bour

G Welsch, professeur au Center for Surgery and Public Health Brigham and Women's Hospital nous propose une analyse du dépistage du cancer du sein par IRM dans une vidéo pédagogique, à partir des données de l'essai "DENSE" (résultats parus en 2019), présenté sur notre site au moment de sa publication, avec les réserves (voir en fin d'article) qui ont été émises à l'issue de la parution des résultats dans le NEJM.

Quel est cet essai ?

C'est un essai randomisé, de bonne qualité

Explication de la méthode dans la vidéo à 1:12 ou ici.

Les chercheurs ont réparti 40 373 femmes entre 50 et 75 ans, présentant un tissu mammaire extrêmement dense ainsi que des résultats négatifs lors de la mammographie initiale de dépistage, en deux groupes :  dans le groupe "IRM supplémentaire" ou dans le groupe  "dépistage par mammographie uniquement" ;  plus exactement 8061 femmes dans le groupe "invitation à l'IRM" et 32 ​​312 femmes dans le groupe " mammographie seule".

Une mammographie de contrôle est ensuite effectuée au bout de deux ans pour les deux groupes afin de comparer les résultats du nombre de cancers trouvés.

Le résultat principal était la différence entre les groupes dans l'incidence des cancers d'intervalle au cours d'une période de dépistage de deux ans.

Le dépistage par IRM supplémentaire apparait associé à moins de cancer d' intervalles par rapport à la mammographie seule chez les femmes présentant un tissu mammaire extrêmement dense

Plus exactement les chercheurs ont constaté que le taux de cancer par intervalle était de 2,5 pour 1 000 dépistages chez 4 783 femmes du groupe d'invitation à l'IRM, comparativement à 5 pour 1 324 femmes dans le groupe mammographie seule.

Néanmoins dans l'analyse de ces résultats il manque un élément important selon G.Welsch : le décompte exhaustif de tous les cancers dans les deux groupes.

Le fait qu'il y ait davantage de cancers dans le groupe dépistage-IRM par rapport au groupe sans-IRM suggère bien qu'il y a davantage de détections avec l'IRM. Mais ce constat pourrait suggérer aussi autre chose, corroborant la théorie de la cinétique variable des cancers du sein, tous ne s'exprimant pas de même façon, certains pouvant régresser.

Regression des cancers ?

Rappelons qu'il s'agit d'un essai randomisé. Comme les femmes sont attribuées dans l'un ou dans l'autre groupe de façon aléatoire, il est attendu qu'au bout des deux ans nous devrions avoir le même taux global de cancers dans les deux groupes.Vidéo à 2:03

Les cancers non anticipés par le dépistage chez les femmes du groupe sans-IRM devraient forcément s'exprimer au bout des deux ans sur la mammographie réalisée pour les deux groupes à l'issue de l'étude.

Qu'observe-t-on en réalité ?

  • Pas de cancer trouvé à la mammo initiale dans aucun des deux groupes
  • Globalement plus de cancers trouvés dans le groupe IRM
  • Moins de cancers d'intervalle dans le groupe IRM
  • Au bout des deux ans à la mammographie de contrôle de fin de l'étude, davantage de cancers d'intervalle dans le groupe non IRM, puisque non anticipés par l'IRM
  • Moins de cancers mammographiques au bout des deux ans pour le groupe IRM puisque une partie anticipée à l'IRM.
===> Au total, nous obtenons un excédent de 5.4 cancers trouvés dans le groupe IRM (Vidéo 3:34)

G.Welsch explique : dans un essai randomisé avec deux groupes à distribution aléatoire, ce qui est attendu c'est qu'au bout de l'étude nous ayons un taux de 'total cancers' analogue, puisque les cancers non anticipés par l'IRM dans le groupe non-IRM se retrouvent détectés logiquement plus tard sur la mammo de contrôle faite au bout des deux ans.

Voici en image, à gauche le groupe de femmes dépistées avec IRM supplémentaire et à droite le groupe témoin sans IRM. Nous voyons dans la colonne rouge tous les cancers détectés par l'IRM entraînant un excédent de détection ; les carrés verts matérialisent les cancers d'intervalle davantage présents dans le groupe sans-IRM puisque non anticipés par cet examen ; les carrés jaunes symbolisent les cancers vus deux ans plus tard à la mammo de fin de l'essai qui sont plus nombreux chez les femmes sans l'IRM anticipatoire. Mais le comparatif du 'total-cancers' des deux groupes montre bien un excédent de cancers pour le groupe avec IRM additionnelle.

Alors, où sont passés ces 5.4 cancers excédentaires qu'on ne retrouve pas dans le groupe non-IRM, sont-ce des cancers qui apparaitront plus tard ? Ou alors ont-ils disparu ?

En général l'explication mise en avant est la croissance hyper-lente de ces cancers- là, n'apparaissant ainsi pas lors de la mammo à 2 ans, stagnants ou très très lents. Cela voudrait donc dire que plus de la moitié des cancers trouvés par IRM sont des cancers à croissance hyper-lente de telle sorte qu'ils sont indétectables à la mammographie. Rappel à 3/30 de la vidéo :  on trouve dans l'essai 9,8 cancers dans le groupe IRM , 5.4 d'excédent cancers /9.8 total cancers du groupe IRM = 0,5

L'explication alternative existe , et c'est la régression cancéreuse, à savoir la disparition de ces cancers non trouvés sur le contrôle mammo au bout des deux ans. ils disparaissent simplement. (NDLR, cette hypothèse ressort également de l'étude d'Oslo de 2008, ou le groupe de femmes dépistées tous les deux ans présente un excédent de 22% de cancers détectés en plus par rapport au groupe de femmes non dépistées, les deux groupes étant comparés au bout de 6 ans avec une mammographie effectuée pour chaque groupe. Or si tous les cancers évoluaient inexorablement et avaient pour vocation de s'exprimer tous, on devrait trouver autant de cancers au bout des 6 années d'observation chez les femmes dépistées régulièrement et chez les non-dépistées, chez lesquelles les cancers non détectés par les dépistages antérieurs devraient alors se voir sur la mammographie à la fin de l'étude, au bout des 6 ans. Si tel n'est pas le cas et qu'il y a un excédent de cancers dans le groupe dépisté, c'est que certains cancers, ne s'étant pas manifestés chez les femmes non dépistées ont vraisemblablement disparu entre temps ).

La régression cancéreuse est observée pour d'autres formes de cancers : le cancer du rein (1/4 des lésions cancéreuses régressent) de la thyroïde (1/3 des lésions cancéreuses régressent). Alors pourquoi pas pour le sein ???

La balance bénéfice/risques

Alors faisons la balance bénéfice/risques d'une surveillance accrue par IRM :

vidéo : 6/08.

Au total, la balance penche en faveur des risques liés à la surveillance accrue des seins denses par IRM par rapport à ses bénéfices.

Bonnes et mauvaises nouvelles

Il y a une bonne nouvelle en matière de cancer du sein. Depuis les années 90 la mortalité par cancer du sein a chuté de 40% (donc déjà avant l'arrivée des campagnes nationales de dépistages, NDLR).

C'est une réduction importante, selon G.Welsch qui rappelle que cette chute de mortalité est attribuable aux avancées thérapeutiques, et non pas au dépistage

Vidéo : 6:20

La mauvaise nouvelle selon lui est que le dépistage est la cible d'une course à l'armement technologique, depuis la première mammographie analogique, puis la mammographie, l'arrivée de la 3D (tomosynthèse) et à présent l'avènement de l'IRM, toutes visant à trouver davantage de cancers. Pour quel bénéfice ??

Conclusion de l'auteur

L'enjeu n'est pas de trouver de plus en plus de cancers induisant des surtraitements inutiles, mais bien de détecter ces cancers qu'il importe de trouver, car constituant une menace pour la vie d'une patiente.

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Le surdiagnostic du cancer de la thyroïde, une préoccupation féminine aussi

5 juin 2020

Résumé Dr C.Bour

https://www.lequotidiendumedecin.fr/specialites/cancerologie/le-circ-sinquiete-du-surdiagnostic-du-cancer-de-la-thyroide

Le CIRC s’inquiète du surdiagnostic du cancer de la thyroïde

 

Le surdiagnostic est un réel problème dans nos sociétés modernes surmédicalisées. Il devient un vaste enjeu de santé publique, car il entraîne des populations entières dans les affres de la maladie que ces populations n'auraient pas connue sans les surdétections inutiles par des dépistages en tous genres, dont la médecine dite "préventive" est si friande.

Le médecin et méthodologiste D.Sackett est très critique sur la médecine préventive qu'il qualifie :

  • D'affirmative sur des individus sains sans aucun symptôme, leur disant quoi faire pour rester en bonne santé ;
  • De présomptueuse, prétendant que ses interventions vont généralement faire mieux plutôt que pire à ceux qui y souscrivent ;
  • De tyrannique, faisant tout pour exercer son autorité par des campagnes médiatiques basées sur les peurs du public, et en attaquant ses contestataires.

Concernant le dépistage du cancer de la thyroïde dont nous allons parler ci-dessous, la population féminine fait une fois de plus les frais, comme pour le cancer du sein, d'une surmédicalisation débridée.

Le surdiagnostic des cancers

Le surdiagnostic est l'invité surprise et indésirable des dépistages massifs des populations. Pour le dépistage du cancer du sein, le Dr B.Duperray a énormément contribué à sa meilleure connaissance.

Le dépistage du cancer de la prostate, encore toujours prescrit, n'est plus recommandé par les autorités sanitaires en raison de dommages graves sur la santé des hommes, nous traitions en 2017 de son surdiagnostic.

Les choses semblent plus nuancées pour le dépistage du cancer du colon, avec un dépistage dont la logique de promotion se déplace d'un dépistage pour tous à une proposition plutôt aux patients les plus à risque (avec risque de cancer colorectal à 15 ans ≥3%), cela avec une information loyale du patient et une décision partagée.

Le surdiagnostic du cancer de la thyroïde

Le surdiagnostic du cancer de la thyroïde est un phénomène bien connu, déjà évoqué dès 2016 [1] déjà par le CIRC [2] lui-même[3].

Dans une étude du NEJM de 2016  on estimait à plus d’un demi-million le nombre de patients surdiagnostiqués entre 1988 et 2007 dans 12 pays à revenu élevé, avec une dominante dans la population féminine. A l'époque le CIRC dénonçait déjà la très forte hausse du nombre de petits cancers papillaires de la thyroïde (forme la plus fréquente et la moins dangereuse) , et ce depuis les années 80-90 .

Selon des chercheurs cette augmentation affolante du nombre de petits cancers papillaires, constatée en France et dans plusieurs pays développés (Etats-Unis, Corée du Sud, Italie, Japon), est avant tout la conséquence de l’utilisation croissante de moyens d’imagerie de plus en plus précis, en particulier l’échographie cervicale, et non la conséquence d’autres facteurs invoqués parfois comme l’impact des accidents nucléaires.

Toujours selon les chercheurs, jusqu’à 90 % des cancers de la thyroïde diagnostiqués ces dernières décennies, chez les femmes majoritairement (84 % en France), sont le plus souvent des surdiagnostics.

Nouvelle alerte du CIRC

 « Le surdiagnostic du cancer de la thyroïde augmente rapidement dans le monde et est devenu un grand défi de santé publique », alertent à nouveau les chercheurs du Centre international de recherche sur le cancer.

En collaboration avec l'Institut national du cancer Aviano en Italie, les registres de cancer de 26 pays sur quatre continents ont été étudiés. Publiée récemment dans « The Lancet Diabetes & Endocrinology », l' étude constate une augmentation très importante de l’incidence (taux des nouveaux cas) du cancer de la thyroïde entre les périodes de 1998 à 2002 et de 2008 à 2012, et ceci dans tous les pays analysés.

Ce surdiagnostic du cancer de la thyroïde est plus marqué chez les femmes d'âge moyen (entre 35 et 64 ans). La proportion du surdiagnsotic de 2008-2012 variait autour de 40 % en Thaïlande et à plus de 90 % en Corée du Sud.

En France

En France, le taux de surdiagnostic chez les femmes est évalué par les auteurs à 83 %, ce qui correspond en chiffres bruts à 25 000 patientes entre 2008 et 2012.

Dans l'ensemble des pays

Plus de 830 000 femmes et  plus de 220 000 hommes pourraient avoir été surdiagnostiqués entre 2008 et 2012.

L'origine du problème

Elle est à chercher dans la médecine elle-même, les auteurs invoquent la surveillance accrue de la glande thyroïde notamment par l'échographie cervicale conduisant à une sur détection de nombreuses tumeurs inoffensives, mais qui seront toutes traitées une fois découvertes.

En Corée du Sud où le phénomène a été bien suivi, le surdiagnostic était la conséquence de l'examen de la thyroïde pratiqué systématiquement dans les programmes de dépistage.

Recommandation du CIRC

Les chercheurs du CIRC invitent les États à la vigilance et à revoir les recommandations du dépistage chez les patients asymptomatiques.

Le surdiagnostic engendre des dommages à vie, les lésions surdiagnostiquées sont toutes traitées avec une ablation radicale de la thyroïde et des traitements de sustitution pour tout le reste de l'existence du patient. Les conséquences psychologiques de l'annonce d'un cancer sont souvent dramatiques et il ne faut pas les sous-estimer.

Une considération financière n'est pas négligeable : les coûts générés par le surdiagnostic détournent les ressources des pays pour d'autres pôles de soins plus appropriés à la santé des populations.

EN PRATIQUE-A RETENIR

  • Les micronodules sont extrêmement fréquents : dans les séries autopsiques on trouve 60% de micronodules et 35% de microcarcinomes.
  • 10% à 15% de ces nodules seulement vont grossir
  • NE PAS BIOPSIER si le nodule est < 1 cm
  • OPTER POUR UNE SURVEILLANCE ACTIVE (même en cas de microcarcinome papillaire avéré) si le nodule est inférieur à 1cm, et situé loin de la capsule de la thyroïde (au moins à 2mm). P.ex. :
  • La surveillance active des microcarcinomes thyroïdiens : annuelle les 5 premières années, espacée ensuite si stabilité à raison d'une fois à 7 ans, puis ensuite à 10 ans.
  • Pas de surveillance active si un microcarcinome papillaire augmente en taille.
  • La localisation isthmique n'est pas une condition idéale pour une surveillance active.
  • La présence de microcalcifications est un facteur péjoratif (augmentent la probabilité de métastases ganglionnaires).
  • La surveillance active est possible chez un patient consentant et bien informé, à partir de l'âge de 40 ans, sans adénopathie, avec un nodule qui reste stable et qui est éloigné de la capsule thyroïdienne.
  • Dans les cas idéaux on réfléchit à une extension de la surveillance active aux nodules < 15 mm.

NDLR

Ce problème est très bien évoqué par l'article de John Horgan , journaliste scientifique sur ce qu'il nomme l'industrie du cancer, dont nous nous sommes fait le relai.

Références

[1] https://www.revmed.ch/RMS/2016/RMS-N-528/Surdiagnostic-de-cancer-de-la-thyroide-560-000-cas-en-vingt-ans

[2] Centre international de recherche sur le cancer de l'OMS, basé à Lyon

[3] https://www.vidal.fr/actualites/19934/cancer_de_la_thyroide_face_au_surdiagnostic_massif_et_ses_consequences_le_circ_appelle_a_la_prudence/

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