Synthèse d’études : un excès de mortalité imputable aux traitements, l’emportant sur le bénéfice du dépistage

 

Plusieurs chercheurs internationaux déplorent qu'en procédant à des estimations de la mortalité spécifique par cancer du sein, on sous-estime largement les décès secondaires aux traitements lourds que les femmes subissent après détection d'un cancer. L'évaluation de la mortalité globale permettrait d'inclure aussi les décès dus aux traitements.

Dans une synthèse, Gotsche, ex-chercheur de la collaboration Cochrane, collectif indépendant de chercheurs nordiques, s'exprime :

Je pense que si le dépistage avait été un médicament, il aurait été retiré du marché il y a longtemps. De nombreux médicaments sont retirés alors qu'ils profitent à de nombreux patients, lorsque des dommages graves sont signalés chez un assez petit nombre de patients. La situation en ce qui concerne le dépistage par mammographie est l’inverse: très peu, le cas échéant, en bénéficieront, alors que beaucoup subiront un préjudice. Par conséquent, j'estime qu'il est approprié qu'un organe suisse nommé en Suisse ait maintenant recommandé de mettre fin au dépistage par mammographie, car il est nocif.

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4582264/

 

1°L'étude de Michael Baum :

 

https://www.bmj.com/content/346/bmj.f385

Les effets nocifs du dépistage du cancer du sein l'emportent sur les bénéfices si le décès causé par le traitement est inclus dans les taux de mortalité

Depuis une trentaine d'années, le pourcentage de patientes soumises à la chimiothérapie est passé de 20% à environ 80%. [1]. Il est évident que la chimiothérapie exposera la patiente à des effets sur sa survie, son confort de vie, l'exposera à d'autres effets morbides.[2] [3]

Les traitements anti-hormonaux (anti-aromatases ou tamoxifène) peuvent favoriser la complication thromboemboliquee et l’infarctus du myocarde. Un risque de cancer secondaire de l'endomètre avec le Tamixifène a été noté. [4] [5] Les femmes peuvent faire l'expérience de signes de ménopause plus précocément, d'arthralgies, de neuropathies et dysfonctionnements cognitifs, de prise de poids...

La radiothérapie peut être pourvoyeuse de complications cardiaques et pulmonaires. Le risque de coronarite radique s'accroît de 7,4% par gray reçu par le coeur et est à l'origine de problèmes cardiaques parfois majeurs et de mauvais pronostic. [6] [7]

Mais aussi de maladies plus graves comme des hémopathies [8] et des cancers pulmonaires ou oesophagiens radio-induits. [9]

Pour toutes ces raisons, Michael Baum, professeur émérite de chirurgie, oncologue britannique spécialisé dans le traitement du cancer du sein, conclut : "les effets néfastes du dépistage du cancer du sein l'emportent sur ses bénéfices si les décès dus au traitement sont pris en compte."

 

2° Une publication de 1989

https://www.bmj.com/content/298/6688/1611

CONCLUSIONS des auteurs - La radiothérapie adjuvante après une mastectomie simple pour un cancer du sein précoce entraîne un léger excès de mortalité tardive due à d'autres cancers et à une maladie cardiaque. Le risque doit être mis en balance avec le risque plus élevé de récidive locale en l'absence de radiothérapie postopératoire immédiate. L'équilibre doit être évalué pour chaque patiente ....

 

3° Une étude brésilienne troublante :

https://bmjopen.bmj.com/content/7/8/e01639

 

Nous avons analysé cette étude ici : https://cancer-rose.fr/2017/11/12/surmortalite-imputable-au-depistage-une-etude-bresilienne-troublante/

 

L'association directe entre la mortalité par cancer du sein plus élevée et la proportion de femmes qui utilisent le secteur privé de la santé (et recourent plus souvent au dépistage) concorde avec les études sur le sujet publiées au Brésil. Cette conclusion contre-intuitive d'un meilleur accès aux soins de santé entraînant une augmentation de la mortalité peut s'expliquer par un «surdiagnostic», mais les auteurs soulignent aussi le fait que les femmes les plus riches sont plus exposées aux carcinogènes potentiels.

Selon les auteurs, le dépistage par mammographie n'a pas eu d'effet positif : il a plutôt été associé à une augmentation de la mortalité par cancer du sein.

Le traitement du cancer du sein a de nombreux effets indésirables dont peuvent résulter des complications chirurgicales, de la radiothérapie, de la chimiothérapie et des traitement anti-œstrogéniques.Les auteurs mentionnent que l'absence de réduction de la mortalité, toutes causes confondues, entre les populations dépistées et non dépistées, a été attribuée aux risques supplémentaires de traitements, plus fréquents chez les femmes dépistées. Les risques accrus de maladies cardiovasculaires dues à la toxicité cardiaque du traitement par l'anthracycline et le trastuzumab et à la radiothérapie sont bien documentés, et les auteurs citent aussi le cancer radio-induit imputable au rayonnement de la mammographie et à celui de la radiothérapie.

 

4° Etude danoise de Jorgensen

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20332505

https://www.bmj.com/content/340/bmj.c1241

Jorgensen k. J. Breast cancer mortality in organised mammography screening in Denmark: comparative study. BMJ. 2010;340:c1241.

L'étude de Karsten Jorgensen (du centre nordique Cochrane) a recensé au Danemark tous les cas de décès par cancer du sein de 1971 à 2006, répertoriés par année, par région et par tranches d'âge de cinq ans (données corrélées à la population féminine totale). Les cancers du sein survenus chez des femmes exclues du dépistage (les femmes de 35 à 54 ans et de 75 ans et plus) ont été pris en compte. La mortalité a été observée durant les dix ans où le dépistage a pu avoir un effet.

Le résultat est étonnant car la réduction de mortalité semble plus important dans les zones non dépistées.

La mortalité par cancer du sein des femmes de 55-74 ans a été réduite :

de 1 % dans les zones où le dépistage existait,

de 2 % dans les zones où il n'existait pas,

de 5 % chez les femmes de 35 à 54 ans là où le dépistage existait,

de 6 % chez ce même groupe d'âge dans les zones où il n'existait pas.

- Aucune modification de mortalité n'a été constatée chez les femmes de plus de 75 ans.

La réduction de mortalité enregistrée au Danemark n'est donc pas liée au dépistage, elle est même plus accentuée dans les zones où on ne dépiste pas.

(En effet, dans de nombreux pays où le dépistage a été instauré, on constate une certaine réduction de mortalité depuis les années 90, donc avant l'introduction des programmes de dépistages et des campagnes nationales. Les avancées thérapeutiques sont une explication de cet état de faits, peut-être aussi les vraies campagnes de prévention (bougez plus, mangez moins..), l'abandon des traitements hormonaux substitutifs).

 

5° Une méta-analyse : Effets favorables et défavorables sur la survie à long terme de la radiothérapie pour le cancer du sein au stade précoce : aperçu des essais randomisés

Publié le 20 mai 2000 DOI: https://doi.org/10.1016/S0140-6736(00)02263-7

(par le Early Breast Cancer Trialists Collaborative Group)

Contexte

Les effets à long terme de la radiothérapie sur la mortalité par cancer du sein et d'autres causes restent incertains.

Les méthodes

 

Il s'agit d'une méta-analyse réalisée sur les résultats à 10 et à 20 ans de 40 essais randomisés "non fondés" * de radiothérapie pour le cancer du sein au stade précoce. Il s'agit d'un revue des données des patients individuels sur la récidive et la mortalité spécifique chez 20 000 femmes, dont la moitié avec ganglions positifs. Les champs de radiothérapie comprenaient généralement non seulement la paroi thoracique mais également les ganglions axillaires, sus-claviculaires et mammaires internes.

* "unconfounded randomised trials of radiotherapy " : Seuls des essais dans lesquels les comparaisons sont "non fondées" sont inclus. Par définition, dans les essais cliniques non confirmés, un groupe ne diffère des autres que par le traitement qui présente un intérêt.

Résultats

 

Une réduction d'environ deux tiers du taux de récidive locale a été observée dans tous les essais, largement indépendante du type de patient ou du type de radiothérapie. Par conséquent, pour évaluer les effets sur la mortalité par cancer du sein, les résultats de tous les essais ont été combinés.

La mortalité par cancer du sein était réduite mais la mortalité par d'autres causes, en particulier cardio-vasculaire, était accrue. Il y avait peu d'effet sur les décès précoces, mais les analyses des décès ultérieurs indiquent qu'en moyenne après la deuxième année, la radiothérapie a réduit les taux de mortalité annuels par cancer du sein de 13,2% mais a augmenté ceux par causes autres de 21,2%. L’état nodal, l’âge et la décennie de suivi ont fortement influé sur le rapport entre la mortalité par cancer du sein et les autres formes de mortalité.

Interprétation

 

Les procédures de radiothérapie capables de produire une réduction de deux tiers de la récidive locale constatée dans ces essais mais sans danger à long terme, sont susceptibles d'entraîner une augmentation absolue de la survie à 20 ans d'environ 2 à 4% (sauf pour des femmes à risque de récidive particulièrement faible).

Le risque moyen observé dans ces essais réduirait toutefois ce bénéfice de survie à 20 ans chez les jeunes femmes et inverserait celui des femmes plus âgées.

 

 

 

Bibliographie

[1] Spielman, Khalil, cinétique de prolifération tumorale et efficacité de la chimiothérapie adjuvante. Etude de l’activité mitotique. In : Cancer du sein. Compte-rendu du cours supérieur francophone de cancérologie. pp. 455-463.

http://eknygos.lsmuni.lt/springer/65/455-463.pdf

 

[2] Morgan g, WarD r, Barton m. The contribution of cytotoxic chemotherapy to 5-year survival in adult malignancies. Clinical Oncology. 2004 Dec;16(8):549- 60. Review.

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/15630849

[3]Cancer Drugs Approved on the Basis of a Surrogate End Point and Subsequent Overall SurvivalAn Analysis of 5 Years of US Food and Drug Administration Approvals

Chul Kim, MD, MPHVinay Prasad, MD, MPH JAMA Internal Medicine. 2015 Dec;175(12):1992-4.

 

[4] Matthews A  , Stanway S  Long term adjuvant endocrine therapy and risk of cardiovascular disease in female breast cancer survivors: systematic review. BMJ. 2018 Oct 8;363:k3845.

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/30297439

[5] Fleming CA  , Heneghan HM  et al. Meta-analysis of the cumulative risk of endometrial malignancy and systematic review of endometrial surveillance in extended tamoxifen therapy. British Journal of Surgery. 2018 Aug;105(9):1098-1106.

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29974455

 

[6] JunoD B. Effets indésirables mortels et cancers induits par radiothérapie des cancers du sein surdiagnostiqués en France. In Preventing Overdiagnosis Conferences. Oxford, 17 Septembre 2014. [en ligne]. http://formindep.fr/effets-indesirables-mortels-et-cancers-induits-par- radiotherapie-des-cancers-du-sein-surdiagnostiques-en-france/

 

[7]Sarah C. Darby, Ph.D., Marianne Ewertz et al. Risk of Ischemic Heart Disease in Women after Radiotherapy for Breast Cancer. The New England Journal of Medicine. 2013;368:987-998.

https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1209825

 

[8] Martin MG  , JS Welch et al. Therapy related acute myeloid leukemia in breast cancer survivors, a population-based study. Breast Cancer Research and Treatment. 2009 Dec;118(3):593-8.

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19322652

[9] Bois ME , Vogel V  et al. Second malignant neoplasms: assessment and strategies for risk reduction. Journal of Clinical Oncology. 2012 Oct 20;30(30):3734-45.

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23008293

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