https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1903986
Synthèse Dr Bour 28 novembre 2019
Contexte
On estime qu’un tissu mammaire extrêmement dense est un facteur de risque de cancer du sein, ce facteur est surtout limitant pour la détection du cancer par mammographie.
On souhaite tester si l’utilisation de l’IRM permettrait de réduire pour ces femmes l’apparition de cancers d’intervalle, c’est à dire ces cancers apparaissant entre deux mammographies, la précédente mammographie ayant été jugée normale.
Méthode
Il s’agit d’un essai contrôlé randomisé (sujets de l’étude attribués au hasard dans l’un ou l’autre groupe) multicentrique (réalisé dans deux centres ou plus avec un même protocole et un coordinateur chargé du traitement de toutes les données et de l’analyse des résultats.)
Il est réalisé par van Gils et ses collègues du groupe de l’essai « DENSE ».
Les chercheurs ont réparti 40 373 femmes entre 50 et 75 ans, présentant un tissu mammaire extrêmement dense ainsi que des résultats négatifs lors de la mammographie de dépistage en deux groupes : soit le groupe « IRM supplémentaire » ou le groupe « dépistage par mammographie uniquement » ; plus exactement 8061 femmes dans le groupe « invitation à l’IRM » et 32 312 femmes dans le groupe » mammographie seule ».
Une mammographie de contrôle a été ensuite effectuée au bout de deux ans pour les deux groupes afin de comparer les résultats du nombre de cancers trouvés.
Le résultat principal était la différence entre les groupes dans l’incidence des cancers d’intervalle au cours d’une période de dépistage de deux ans.
Les chercheurs ont déclaré que « ces patientes pourraient bénéficier d’une stratégie de dépistage du cancer du sein sur mesure, complétée par des méthodes d’imagerie plus sensibles. Les avantages de l’imagerie supplémentaire font l’objet d’un débat mondial. Aux États-Unis, une loi fédérale régit la notification de la densité mammaire , mais le dépistage supplémentaire n’est pas recommandé dans les directives américaines. Bien que l’imagerie complémentaire augmente le taux de détection du cancer chez les femmes ayant des seins denses, la question reste de savoir si cela améliore les résultats pour la santé ». Lire à ce propos : https://cancer-rose.fr/2019/05/12/la-densite-mammaire-un-point-de-vue-dans-le-jama/
Conclusion de l’étude
Le dépistage par IRM supplémentaire apparait associé à moins de cancer d’ intervalles par rapport à la mammographie seule chez les femmes présentant un tissu mammaire extrêmement dense et des résultats normaux à la mammographie . Il semble que dans le cas de seins denses, le risque de cancers d’ intervalle soit réduit de moitié chez les femmes avec mammographie négative et un dépistage IRM.
Plus exactement les chercheurs ont constaté que le taux de cancer par intervalle était de 2,5 pour 1 000 dépistages chez 4 783 femmes du groupe d’invitation à l’IRM, comparativement à 5 pour 1 324 femmes dans le groupe mammographie seule.
Dans l’ensemble, 59% des femmes du groupe d’IRM ont vraiment suivi ce dépistage supplémentaire. Sur les 20 cancers d’intervalle diagnostiqués dans le groupe d’invitation à l’IRM, 4 ont été diagnostiqués chez les femmes qui avaient subi une IRM, et 16 ont été diagnostiqués chez celles qui n’avaient pas réalisé l’IRM.
Limites de l’étude
- Faux positifs : Les examens IRM complémentaires étaient associés à un taux de détection du cancer de 16,5 pour 1 000 dépistages et donnaient lieu à un taux de faux positifs de 8,0% (79,8 pour 1 000 dépistages). Parmi les femmes qui ont subi une biopsie du sein sur la base d’une indication IRM, 26,3% avaient un cancer du sein et 73,7% n’en avaient pas.
- Echantillon pas assez important. Pour examiner l’effet du dépistage par IRM sur la mortalité par cancer du sein ou sur la mortalité globale, il faudrait un échantillon plus vaste et un laps de temps d’observation plus long.
Le plus faible taux de cancers d’intervalle observé chez les participantes ayant eu une IRM pourrait bien avoir un effet sur la mortalité, mais il serait aussi nécessaire de constater une réduction du nombre des cancers avancés pour démontrer un bénéfice sur la mortalité, pour l’instant jamais démontré dans le cas du dépistage mammographique seul.
Des réserves émises
Dans un éditorial d’accompagnement Dan L. Longo, rédacteur en chef adjoint du New England Journal of Medicine, et professeur. de médecine à la Harvard Medical School, (Boston), a loué des données de haute qualité provenant de cet essai randomisé sans précédent : » Il semble montrer que chez les femmes ayant des seins denses, le risque de cancers en intervalle est réduit de moitié chez les femmes avec mammographie négative et un dépistage IRM. »
Mais on revient toujours au problème du surdiagnostc et de l’utilité d’un dépistage supplémentaire chez des femmes asymptomatiques, chez lesquelles on détecte des lésions qui seront toutes traitées, et cela sans aucune donnée probante sur survie ou réduction de mortalité.
Dan Longo écrit :
« Une réduction des cancers de l’intervalle est-elle un substitut approprié pour améliorer la survie globale ? Il semble que la plupart des cancers détectés lors du dépistage supplémentaire par IRM aient été détectés à un stade précoce. Le carcinome canalaire in situ était 10 fois plus fréquent chez les patients subissant une IRM, et ces diagnostics sont susceptibles de conduire à des traitements. Reste à savoir si les tumeurs auraient pu ne jamais être détectées et si elles menaçaient la survie du patient. »
« Le test ultime de la valeur du dépistage par IRM chez les femmes ayant un tissu mammaire extrêmement dense consistera à déterminer si son utilisation améliore la survie — une réponse que nous n’aurons pas avant très longtemps. Entre-temps, nous avons maintenant un essai qui montre que le dépistage par IRM peut réduire le taux de cancers d’intervalle.
Le coût est que 74 % des biopsies qui seront effectuées par la suite ne donneront pas lieu à un diagnostic de cancer, et nous ne savons pas si les cancers qui ont été détectés devaient être trouvés et traités. »
« Le dilemme demeure donc. Les femmes ayant des seins denses et une mammographie négative qui subissent une IRM ont un très faible risque d’avoir un cancer du sein (16,5 pour 1000 examens de dépistage dans le cadre de cet essai) et un risque accru d’un faux examen positif. Les résultats de cet essai sont susceptibles de renforcer l’idée que le dépistage par IRM est important chez les femmes ayant un tissu mammaire dense. Mais allons-nous exposer ces femmes à un risque accru de procédures sans contribuer à leur survie éventuelle? »
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Par ailleurs, une autre étude :
La préoccupation concernant le dépistage par IRM supplémentaire est relayée dans une autre étude contrôlée sur l’IRM de dépistage pour le sein controlatéral des patientes atteintes du cancer du sein aux États-Unis.
(Wang SY, Long JB, Killelea BK, et al. Preoperative breast magnetic resonance imaging and contralateral breast cancer oc- currence among older women with breast cancer. J Clin Oncol 2016;34:321-8.)
Bien que l’incidence du cancer du sein invasif dans le sein controlatéral après la période de dépistage ait été plus faible avec le dépistage par IRM que sans dépistage, l’incidence globale du cancer du sein dans le groupe IRM était deux fois plus élevée que dans le groupe sans IRM, sans changement dans l’incidence du cancer au stade avancé pendant toute la période de suivi de cinq ans. Or c’est bien cette incidence qui rend compte de l’efficacité d’un dépistage ou pas.
Les chercheurs en ont conclu : «Une augmentation du taux de détection du cancer du sein controlatéral synchrone, attribuable à l’IRM, n’a pas été compensée par une diminution de la fréquence ultérieure du cancer du sein controlatéral chez les femmes âgées atteintes d’un cancer du sein à un stade précoce, ce qui suggère que l’IRM préopératoire chez les femmes atteintes d’un cancer du sein peut conduire à un surdiagnostic. »
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