3juin, synthèse Dr C.Bour
Vidéo et interview avec V.Prasad, hématologue-oncologue américain et chercheur en santé, professeur agrégé à l’Université de Californie à San Francisco
Un article vient de paraître dans le JAMA Network Open qui s’intitule « Inégalités socioéconomiques et raciales dans le dépistage du cancer du sein pendant la pandémie de COVID-19 dans l’État de Washington »
Les auteurs constatent la perturbation des soins dits préventifs, perturbation en Europe et Etats Unis mise en évidence par plusieurs études internationales, avec baisse du recours au dépistage mammographique.
Des inégalités
Mais, si toutes les personnes ont souffert du COVID-19 disent les auteurs, celui-ci a frappé plus durement à certains endroits et a perturbé différemment les soins de routine.
Les auteurs indiquent le nombre de femmes qui ont eu des mammographies en 2018, 2019 et 2020. Et il semble que pendant la pandémie COVID-19, il y ait eu moitié moins de mammographies que l’année précédente, à savoir une réduction de 49% , presque de la moitié donc.
Cette réduction était plus susceptible d’affecter les personnes en fonction de leur statut racial et socio-économique.
Plus précisément, chez les femmes hispaniques il y a eu une réduction plus importante du recours à la mammographie pendant la COVID-19. Ensuite, explique Vinay Prasad dans la vidéo, les Indiens Américains étaient concernés en premier chef, puis les Asiatiques, puis les populations noires, et à la fin les populations blanches. Ce sont ces dernières qui ont eu le plus minime changement dans leur recours au dépistage par rapport à 2019.
Les zones rurales ont connu également une plus forte baisse du dépistage mammographique.
Et enfin, les auteurs se sont penchés aussi sur le statut d’assuré. Les personnes contraintes à l’auto-financement des soins voyaient leur recours au dépistage davantage diminué, selon toute logique.
Comment interpréter ?
L’étude, selon V.Prasad, montre essentiellement et de façon intéressante que l‘utilisation d’un service de prévention du cancer a considérablement diminué pendant la pandémie, mais qu’elle n’a pas diminué de la même manière pour tous.
On est beaucoup plus susceptible de réduire sa consommation de soins dits de prévention lorsqu’on est hispanique, qu’on paye soi-même et qu’on vit en zone rurale, selon l’orateur.
Selon V.Prasad, il sera beaucoup plus difficile de faire la part de l’effet du dépistage mammographique et de l’effet de n’y avoir pas recours, par rapport à l’impact de toutes les autres variables socio-économiques qui existent et entrent en jeu ici.
En clair on aura bien du mal à percevoir un quelconque effet d’efficacité ou d’inefficacité du dépistage en raison des biais socio-économiques polluant l’analyse.
On constate que les soins de santé sont perturbés et cela davantage selon des profils socio-économiques et raciaux, mais, dit V.Prasad, une fois cet état de fait constaté cela ne fait pas dire que les femmes n’ayant pas obtenu leur mammographie souffriraient de manière disproportionnée, ou que cela leur serait préjudiciable !
Déjà en mai 2020, Gil. Welch et V.PRasad avaient rédigé un article (CNN opinion) intitulé « L’effet secondaire inattendu de COVID-19 », dont nous avons parlé sur Cancer Rose, et avaient prophétisé cette réduction spectaculaire des soins de routine qui permettrait d’examiner leur impact.
La diminution de ces soins routiniers permettrait notamment d’examiner l’effet sur le surdiagnostic et de poser courageusement la question : diminuer ces examens préventifs, serait-ce peut-être mieux ? Est-ce une mauvaise ou une bonne chose?
Conclusion
La pandémie Covid-19 fut rapide et effrayante, elle nous contraint à repenser ce qui est le plus important en santé publique, et nous oblige à examiner ce qui a de la valeur et ce qui n’en a pas.
Ne faut-il pas focaliser sur les problèmes de l’accès aux soins inégal justement, selon la zone géographique ou la catégorie socio-professionnelle, et remettre en perspective des problèmes de santé publique prioritaires ?
Il nous faut réfléchir tout simplement, non pas toujours aux ‘dommages’ en cas de non recours à des dépistages, mais plutôt au potentiel bonus de ‘non-dommages’ grâce précisément à l’éviction de nombreux tests dont l’efficacité et la pertinence ne sont pas toujours avérés.
Signalons dans ce contexte une étude qui est actuellement en cours pour évaluer le surdiagnostic à travers « l’expérience naturelle » que constitue la baisse des dépistage pendant la pandémie.
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