Les patients souffrent de trop de médecine

Août 2017

résumé Dr Cécile Bour

article the gardian

 

L’Autorité indépendante australienne du cancer, le Cancer Council, a  approuvé l’appel de la part de médecins et de chercheurs, à un plan visant à protéger les patients du surdiagnostic et du surtraitement des maladies.

 

Les médecins et les chercheurs australiens avancent l’accumulation des preuves concernant le problème de la surmédicalisation, même dans le domaine du cancer, et demandent un plan national pour le résoudre.

«L’expansion des définitions des maladies et l’abaissement des seuils de diagnostic (par les avancées techniques de détection et par les dépistages, NDLR) sont reconnus comme facteurs du problème, et les processus de changement de définitions nécessitent une réforme significative», déclare le communiqué, appuyé également par le Consumer Health Forum, le Royal Australasian College of Physicians, le Royal Australian College of General Practitioners, le Royal Australian et New Zealand College of Radiologists, et enfin par la commission australienne sur la sécurité et la qualité des soins de santé.

Notez la présence des radiologues parmi les professionnels australiens préoccupés par la question …

Le Dr Ray Moynihan, chercheur senior de la faculté des sciences de la santé et de la médecine de l’Université Bond, qui a élaboré la déclaration en commun avec des experts de santé et les organismes de santé, souligne :

« Traditionnellement il était admis que le dépistage des cancers n’avait pas d’inconvénient ».

« Mais les preuves suggèrent que le dépistage de personnes en bonne santé peut avoir des inconvénients incluant surdiagnostic et surtraitement. En raison de l’amélioration des tests médicaux et par notre désir, dans les meilleures intentions, de découvrir les premiers signes de la maladie, il semble que nous allons trop loin. Nous diagnostiquons des anomalies parfaitement bénignes dans de nombreuses spécialités, mais nous devons veiller à ne pas transformer en maladies des anomalies banales qui ne deviendraient pas nocives. »

 

La surmédicalisation est donc bien réelle

 

L’approbation donnée à ce plan par le Cancer Council signifie manifestement que les preuves de la surmédicalisation sont maintenant si puissantes que les mêmes organisations qui mettaient en avant les bénéfices du dépistage s’inquiètent à présent de ses risques.

L’exemple le plus évident est celui du cancer de la prostate dont le dépistage est le dosage du PSA. Les études les plus fiables ont apporté la preuve que le dosage était plus délétère que bénéfique ; certains hommes ont été diagnostiqués porteurs d’un cancer qui ne risquait pas de menacer leur vie, mais le diagnostic entraînait dans certains cas un traitement inutile ou coûteux, causant des dommages physiques et une grande anxiété. cf article Dr P.Nicot

Le surdiagnostic fut évalué dans une étude de 2012 à environ 50%… Dans certains pays on s’oriente à présent vers une simple surveillance active pour les cancers dits « à faible risque ». article Nejm

Concernant la thyroïde les faits, au bout de 30 longues années d’abus et d’excès, montrent que de nombreuses personnes ont été diagnostiquées et traitées inutilement pour des tumeurs très petites, et qui étaient en fait bénignes. Pour ce dépistage réalisé au moyen de l’échographie, on a complètement fait machine arrière.

Pour la Collaboration Cochrane, dans la remise à jour de sa revue, le surdiagnostic du cancer du sein imputable au dépistage est évalué à 30%

«Sur 2 000 femmes invitées à se faire dépister durant 10 ans, une seule verra sa vie prolongée. Dix femmes en bonne santé, qui n’auraient pas été diagnostiquées si elles n’avaient pas été dépistées, seront diagnostiquées atteintes de cancer du sein et traitées inutilement. » Cochrane

Le taux de la mortalité par cancer du sein est immobile depuis des décennies, il apparaît donc évident que le fait de trouver des lésions de plus en plus petites diminue d’autant la probabilité que la lésion découverte chez une personne donnée soit mortelle. Autrement dit, plus la lésion détectée est de très petite taille, et plus il est vraisemblable qu’on a faire à un surdiagnostic.

Rappelons que d’après les études d’autopsie de Nielsen, 39% des femmes entre 40 et 49 ans et 37% des femmes entre 40 et 54 ans étaient porteuses de micro-foyers cancéreux, la majorité étant des cancers in situ. (2% d’invasifs)

Nielsen M, Jensen J, Andersen J. Precancerous and Cancerous Breast Lesions During Lifetime and at Autopsy. A Study of 83 Women. Cancer 1984 ; 54 : 612-615.

Nielsen M, Thomsen JL, Primdahls et al. Breast cancer and atypia among young and middle-aged women : a study of 110 medicolegal autopsies. Br J Cancer 1987 ; 56 : 814-819.

 

Réagir !

 

C’est pour cela qu’il convient de délivrer aux patients, et pour le cancer du sein particulièrement aux femmes, une pleine information sur toutes les risques et avantages (balance bénéfice/risques) associés au dépistage du cancer du sein.

Pour éviter ces dérives de médicalisation abusive nos instituts de santé, ici en France, doivent aussi prendre la mesure du coût que cela représente pour la société, en terme pécuniaire, mais aussi en terme de souffrance physique et morale pour les personnes concernées.

Les chercheurs doivent également s’atteler à un vrai défi : celui de la re-définition du cancer. Qu’est-ce qu’un cancer ? La cellule malade ? La lésion infra-clinique vue au microscope ? La maladie métastasée ? A partir de quand traite-t-on ?

 

A partir de quand est-on malade ?

 

A partir de quand est-on malade ? Pour résoudre cette énigme, il faut s’employer à mieux connaître l’histoire naturelle de la maladie, condition élémentaire émise par l’OMS avant tout déclenchement de campagne de dépistage. Les campagnes de dépistage du cancer du sein ont été lancées sur la base d’études nulles, truquées, remplies de biais et de conflits d’intérêts en tout genre, sans jamais se préoccuper de la question pourtant essentielle de l’étude de l’histoire naturelle du cancer.

Quand on aura solutionné cette inconnue, on aura fait un grand pas vers la maîtrise des excès thérapeutiques et on appréhendera la problématique de façon raisonnée, indépendamment de débats émotionnels qui n’apportent pas d’avancée pour les femmes.

 

 

 

 


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