La mauvaise statistique du mois

https://www.hardingcenter.de/en/node/285

https://www.rwi-essen.de/unstatistik/120/

Traduction par Sophie, patiente référente à Cancer Rose

La mauvaise statistique du mois d’Octobre, le mois du cancer du sein – Des rubans roses à la place de l’information

Le psychologue berlinois Gerd Gigerenzer, l’économiste Thomas Bauer de Bochum et le statisticien Walter Krämer de Dortmund ont commencé à publier la « mauvaise statistique du mois » (« Unstatistik des Monats ») en 2012.
Katharina Schüller, directrice générale et fondatrice de STAT-UP, a rejoint l’équipe en août 2018.
Chaque mois, les auteurs remettent en question les statistiques récemment publiées et leurs interprétations. Leur objectif sous-jacent est d’aider le public à traiter les données et les faits de manière plus rationnelle, à interpréter correctement les représentations numériques de la réalité et à décrire de manière plus adéquate un monde de plus en plus complexe. De plus amples informations sur cette initiative sont disponibles sur le site www.unstatistik.de et sur le compte Twitter @unstatistik.

Octobre est le mois de la sensibilisation au cancer du sein. On pourrait penser que les femmes sont particulièrement bien informées pendant ce mois.
Nous avons tapé « Breast Cancer Month October 2021 » dans Google et avons regardé les liens de la première page. Tous encouragent le dépistage, mais aucun d’entre eux ne fait état des résultats des études scientifiques sur ses avantages et ses inconvénients. Avant d’examiner les pages web, il est bon de jeter un coup d’œil aux résultats des études scientifiques menées jusqu’à présent auprès de plus de 500 000 femmes.

Ces résultats montrent que lorsque 1 000 femmes âgées de 50 ans et plus se soumettent au dépistage, 4 d’entre elles meurent d’un cancer du sein dans les 11 ans environ, tandis que pour les femmes qui ne se soumettent pas au dépistage, ce chiffre est de 5. Donc une femme de moins meurt d’un cancer du sein pour chaque 1 000 femmes dépistées.

Cependant, le nombre total de femmes qui meurent d’un cancer quoi qu’il en soit (y compris le cancer du sein) ne change pas ; il y en a 22 dans chacun des deux groupes avec et sans dépistage. Autrement dit, une femme de moins meurt d’un cancer du sein dans le groupe de dépistage, mais une femme de plus meurt d’un autre cancer dans le groupe avec dépistage. Donc, dans l’ensemble, rien ne prouve que le dépistage sauve ou prolonge des vies.

Mais les femmes qui se soumettent au dépistage sont confrontées à des risques. Sur 1 000 femmes, une sur 100 subit une biopsie inutile en raison de fausses alertes, et 5 femmes subissent une ablation partielle ou totale de leur sein sans que cela soit nécessaire. Ces informations devraient être disponibles en octobre, mois de sensibilisation au cancer du sein, afin que les femmes puissent prendre une décision éclairée pour ou contre le dépistage précoce (voir également la « Fact Box on Early Breast Cancer Detection through Mammography Screening » „Faktenbox zur Brustkrebs-Früherkennung durch Mammographie-Screening“ du Harding Center for Risk Literacy, dirigé par le professeur Gerd Gigerenzer). https://www.hardingcenter.de/en/early-detection-of-cancer/early-detection-of-breast-cancer-by-mammography-screening


Les pages de recherche Google ne fournissent pratiquement aucune information sur les avantages et les inconvénients du dépistage

Que nous disent donc les résultats de la recherche Google ou les pages web ? Euronews.com  ne donne aucune information sur les avantages et les inconvénients du dépistage. Au lieu de cela, le site web fait la promotion de rubans roses et d’un défilé de canards roses. Le site womens.es , en revanche, donne un chiffre : Le dépistage « réduit la probabilité de décès de 25 % ». Cela signifie-t-il que sur 100 femmes, 25 de moins mourront du cancer du sein ? Non.
Ce chiffre est obtenu en rapportant la réduction de 5 à 4 sur 1 000 femmes comme « 20 % de moins » et en l’arrondissant à 25 %. Je soupçonne ici que les lecteurs ne sont pas avertis sur la différence entre un risque relatif (25 % de moins) et un risque absolu (1 sur 1 000). En effet, des études montrent que beaucoup de femmes (et d’hommes) ne comprennent pas cette subtilité.

Pour bien comprendre la différence entre risque relatif et absolu, lire ici : https://web.archive.org/web/20170623084247/http://hippocrate-et-pindare.fr/2017/01/01/resolution-2017-non-au-risque-relatif-oui-au-risque-absolu/

Sur le site web suivant, la Ligue contre le cancer de la Suisse orientale Krebsliga Ostschweiz encourage le dépistage par mammographie, en donnant de nombreux chiffres (comme le nombre de femmes et d’hommes souffrant d’un cancer du sein) mais aucun sur les avantages et les inconvénients. Sur son site  Webseite, le Ministère des Affaires Sociales, de la Santé, de l’Intégration et de la Protection des consommateurs du Brandebourg conseille à nouveau le dépistage, donne de nombreux chiffres, comme l’âge moyen auquel les femmes sont diagnostiquées, mais aucun qui permette de prendre une décision en connaissance de cause – à la différence d’une « fact box » ou « boîte de données ».

La compagnie d’assurance maladie HMR conseille notamment l’autopalpation du sein, sans mentionner des études qui montrent que cette autopalpation ne réduit pas davantage la mortalité par cancer du sein, mais peut provoquer de fausses alertes et des craintes inutiles. Le site web recommande également la mammographie, là encore sans information sur les avantages et les inconvénients.

Le dépistage est également qualifiée à tort comme « prévention  » – ce qui est très répandu et l’une des raisons pour lesquelles de nombreuses personnes pensent que la mammographie prévient le cancer. La vaccination est une prévention et empêche les maladies ; la détection précoce, en revanche, signifie qu’une maladie déjà existante est détectée.
Sur le reste des pages web, les choses se poursuivent ainsi : aucune information sur les avantages et les inconvénients, mais des célébrités, des rubans roses, des nounours en peluche et des flamants roses.

Étant donné que les utilisateurs obtiennent parfois des résultats différents sur la première page d’une recherche Google, chacun devrait essayer de son côté. Toutefois, la plupart des utilisateurs ne trouveront des informations fiables que sur les dernières pages.
Alors qu’environ 90 % de tous les clics conduisent sur la première page.

Le « mois de la sensibilisation au cancer du sein » 2021 fait encore l’impasse sur une information équilibrée.

En octobre 2014, nous avions déjà dénoncé le marketing du mois de la sensibilisation au cancer du sein, ainsi que les chiffres absents ou trompeurs sur les avantages et les inconvénients du dépistage.
En octobre 2021, la situation est la même.
Dans une société où l’on polémique au sujet des stéréotypes de genre, on tolère que les résultats scientifiques sur le dépistage soient dissimulés aux femmes. Les femmes et les organisations de femmes devraient être celles qui finalement déchirent les rubans roses et ne tolèrent pas cela. Chaque femme devrait pouvoir prendre ses propres décisions en connaissance de cause au lieu d’être contrôlée émotionnellement par des nounours en peluche et des intérêts commerciaux.

Contact:

Prof. Dr. Gerd Gigerenzer Tel.: (030) 805 88 519
Sabine Weiler (Communications RWI), Tel.: (0201) 8149-213, sabine.weiler@rwi-essen.de 
Katharina Schüller, auteur de Unstatistics, est également co-initiatrice de la « Charte de la compréhension des données », qui promeut une éducation complète à la compréhension des données. La charte est disponible à l’adresse www.data-literacy-charta.de.

RWI – Institut Leibniz pour la recherche économique https://en.rwi-essen.de/das-rwi/

Le RWI – Leibniz Institute for Economic Research (anciennement Rheinisch-Westfälisches Institut für Wirtschaftsforschung) est un centre leader de recherche économique et de conseil politique basé sur des preuves en Allemagne.

Centre Harding pour l’éducation au risque

https://hardingcenter.de/en/the-harding-center/about

Université de Potsdam-Faculté des sciences de la santé

« Notre objectif est d’étudier comment les gens se comportent dans des situations à risque. Nous pensons que notre travail peut contribuer à l’idéal d’une société qui sait calculer les risques et vivre avec. »

Gerd Gigerenzer, directeur


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