Végétarisme et cancer

Que les habitudes alimentaires aient une influence sur le risque de développer un cancer, et que notamment chez les végétariens l’incidence des cancers soit plus faible que chez les personnes avec alimentation carnée, cela a déjà fait l’objet d’études scientifiques.[1]

Une publication plus récente [2]que celle sus-citée, analysant quatre-vingt-six études transversales et 10 études prospectives de cohorte rapporte un effet protecteur significatif d’un régime végétarien sur l’incidence et sur la mortalité par cardiopathie ischémique (-25%) , et sur l’incidence globale du cancer (-8%). Le régime végétalien permettrait une réduction significative du risque (-15%) global d’avoir un cancer.

Mais un billet du médecin essayiste et romancier, Dr Luc Perino, dont nous relayons souvent les articles [3] , témoigne d’un autre aspect du comportement des végétariens et végétaliens qui pourrait avoir un effet sur l’incidence réduite du cancer parmi ce groupe de personnes, et c’est la moindre participation aux dépistages.

Alimentation non-carnée et participation aux dépistages/billet de Luc Perino

Nous retranscrivons ici, avec l’aimable autorisation de Dr Perino, le billet que vous pouvez lire, parmi tant d’autres, sur le blog de l’auteur [4]:

Il n’est plus besoin de faire d’études pour prouver que la baisse de consommation de viande diminue l’incidence des maladies cardio-vasculaires. Le sujet ne fait plus débat depuis un demi-siècle. La diminution de consommation de viande et l’exercice physique ont contribué aux nouveaux gains d’espérance de vie constatés au cours des dernières décennies. 

Nous savons également que les régimes peu carnés diminuent le risque de cancer du côlon. Depuis quelques années, le nombre important de végétariens permet de faire des études de plus grande valeur statistique sur les effets de tels régimes sur la santé. La question des cancers a évidemment été abordée et il apparaît qu’outre le cancer du côlon, le régime végétarien diminue également des cancers aussi inattendus que celui du sein ou de la prostate. D’une manière générale, tous les risques de cancer sont abaissés de façon plus ou moins significative.

Les facteurs de confusion comme le tabac ont évidemment été pris en compte, et certaines études sont allées jusqu’à considérer d’autres facteurs de confusion tels que les traits de personnalité et d’autres éléments du mode de vie des végétariens raisonnables (hors véganes fanatiques). Par exemple, les femmes végétariennes prennent moins de traitements hormonaux de la ménopause et diminuent d’autant plus leur risque de cancer du sein.

Le plus amusant, si j’ose m’exprimer ainsi, est que les végétariens participent beaucoup moins aux programmes de dépistage organisé des cancers. Certains en concluront qu’ils sont alors porteurs de cancers méconnus qui se développeront tôt ou tard. Cette conclusion hâtive, quelque peu teinté d’idéologie pro-dépistage, est contredite par une mortalité globale par cancer plus faible chez les végétariens de tous âges suivis pendant longtemps.

Ce qui s’explique par le fait qu’une bonne part des cancers dépistés sont, soit de faux positifs, soit des cancers qui n’auraient jamais eu de manifestation clinique avant que la mort ne survienne par une autre cause.

Les végétariens ont donc moins de cancers cliniques, moins de cancers dépistés et moins de cancers virtuels ou infracliniques. Le bénéfice sanitaire de cette triple protection est encore plus grand que celui déjà constaté par la diminution de la mortalité. En effet, les angoisses liées à tous les dépistage et le couperet biographique que constitue une annonce de cancer aggravent la morbidité et la mortalité. On sait que tous les cancers, fussent-il cliniques, dépistés ou virtuels ont les mêmes répercussions psychologiques et biographiques.

Nous n’irons pas jusqu’à encourager les végétariens dans leur insouciance diagnostique, car cela pourrait choquer l’académie. Nous devons tout de même les féliciter pour leur perspicacité sanitaire et leur sérénité face au destin pathologique, sans oublier de louer leur altruisme climatique.

Etude sur la participation aux dépistages

Dans la bibliographie de ce billet, citée par l’auteur, nous trouvons en effet une étude publiée dans le BMJ en 2017 sur les comportements en santé, selon les groupes de population qui suivent des régimes alimentaires particuliers.[5]

31 260 participants ont été étudiés de quatre groupes de régimes (18 155 mangeurs de viande, 5012 mangeurs de poisson, 7 179 végétariens, 914 végétaliens), dans la cohorte britannique EPIC-Oxford[6]

Par rapport aux personnes à alimentation carnée, les femmes végétariennes et végétaliennes ont mentionné une participation plus faible au dépistage du cancer du sein, et les hommes végétariens étaient moins susceptibles de se soumettre au test PSA de dépistage du cancer de la prostate. 

Aucune différence n’a été observée chez les femmes pour le dépistage du cancer du col utérin. 

Pour les femmes et ce dans tous les groupes non consommateurs de viande il y avait aussi une moindre consommation de traitement hormonal substitutif de la ménopause par rapport aux mangeurs de viande. 

Une utilisation moindre a été observée pour toute médication en général chez les participants de tous les groupes non carnivores. 

Conclusion

Des différences de comportement, plutôt dans le sens d’une moindre utilisation du dépistage du cancer du sein, du dépistage du cancer prostatique, du traitement hormonal substitutif et globalement de médicaments ont été observées dans les groupes à régime non-carné. 

Apparemment ces groupes de la population sont ainsi moins exposés aux risques de développer des cancers, moins exposés aux cancers cliniques (révélés par symptômes), et aux cancers infra-cliniques (non symptomatiques), dont la sur-détection débridée par les dépistages massifs alimente les sur-diagnostics, et tout cela dans un contexte de moindre angoisse, moindre morbidité et moindre mortalité prématurée chez les végétariens, observée même à long terme, vraisemblablement en relation avec un comportement de vie général plus sain, et pas seulement due au végétarisme seul [7].

Références


[1] https://academic.oup.com/ajcn/article/89/5/1620S/4596951?searchresult=1

[2] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26853923/

[3] https://cancer-rose.fr/2017/07/04/les-billets-de-luc-perino/

[4]

https://lucperino.com/715/vegetariens-et-cancers.html

[5] https://bmjopen.bmj.com/content/7/12/e018245

[6] La composante Oxford de l’European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition ( EPIC ) est une cohorte prospective de 65 000 hommes et femmes vivant au Royaume-Uni, dont beaucoup sont végétariens.

(http://www.epic-oxford.org/home/)

[7] https://theconversation.com/les-vegetariens-vivent-ils-plus-longtemps-probablement-mais-pas-parce-quils-sont-vegetariens-72929


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