Résumé par Dr C.Bour
9 avril 2019
La présente note d’orientation émane de l’American College of Physicians (L’ American College of Physicians ( ACP ) est une organisation américaine d’ internistes).
Elle a pour objet de conseiller les cliniciens sur le dépistage du cancer du sein chez les femmes présentant un risque moyen, et ceci sur la base d’un examen des directives déjà existantes dans plusieurs pays.
Cette déclaration d’orientation est dérivée d’une évaluation de lignes directrices sélectionnées dans le monde entier relatives au dépistage du cancer du sein, ainsi que des preuves incluses qui ont permis leur rédaction.
Population ciblée
L’âge est le facteur de risque le plus important du cancer du sein.
Les lignes directrices incluses définissent généralement les femmes à risque moyen comme celles qui n’ont pas d’antécédents personnels de cancer du sein ni de diagnostic antérieur de lésion du sein à risque élevé, ne sont pas exposées au risque de cancer du sein en raison de mutations génétiques connues pour augmenter ce risque ( tels que BRCA1 / 2 ou d’ un autre syndrome du cancer du sein familial), et qui n’ont pas été exposées à la radiothérapie thoracique dans l’enfance.
Méthode
L’évaluation a été effectuée par un panel du groupe des cliniciens et de membres du public.
La note d’orientation s’appuie sur les directives sélectionnées de plusieurs pays, (lesquelles varient sur les âges de début et le rythme de dépistage), ainsi que sur les rapports de preuves qui les accompagnent.
La qualité des différentes directives a été prise en compte.
Les directives de l’ACS[1], du CTFPHC[2], de l’USPSTF[3] et de l’OMS (World health organisation) sont celles qui décrivent au mieux les avantages, les inconvénients, et qui sont jugées de meilleure solidité du point de vue des données factuelles.
La principale différence entre les lignes directrices dans les notes attribuées par le ACP ( tableau 1 ) tient surtout à la qualité de la méthodologie de chacune. Les lignes directrices de l’ACS, du CTFPHC, de l’ USPSTF et de l’OMS ont obtenu les meilleurs résultats, alors que celles de l’American College of Obstetricians and Gynecologists, de l’American College of Radiology et du NCCN [4]ont obtenu le score le plus bas. Leurs directives, moins bien notées, décrivaient souvent de manière inadéquate la façon dont elles prenaient en compte les avantages et inconvénients lors de l’élaboration des recommandations, ou bien encore s’appuyaient sur des données de moindre qualité.
Toutes les directives selon les pays sont détaillées dans l’article.
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Les analyses
Analyse du procédé : la mammographie
L’ACP explique que les concepteurs de lignes directrices ont évalué le même ensemble d’essais cliniques, mais ont utilisé différentes méthodes pour calculer les réductions de mortalité absolues en fonction de l’âge, et sont ainsi parvenus à des résultats différents. Globalement :
- les analyses de preuves ont montré une réduction statistiquement significative du risque relatif de mortalité par cancer du sein chez les femmes âgées de 50 à 69 ans.
(Nous invitons nos lecteurs à lire l’article : https://www.cancer-rose.fr/ce-que-les-statistiques-du-depistage-du-cancer-nous-disent-vraiment/
(NDLR : par exemple La réduction du risque relatif attribuable au dépistage de décéder par cancer du sein est de 20% ; le risque de décéder d’un cancer du sein est environ de 5 % à l’âge de 50 ans; une diminution de 20 % fait donc passer ce risque à 4 %.)
- Les 4 analyses de données ont montré que les femmes âgées de 39 à 49 ans bénéficiaient d’un bénéfice absolu le plus faible en termes de nombre de décès évités.
- Les preuves issues des essais contrôlés randomisés (qualité moyenne) et des études observationnelles (qualité médiocre) n’ont pas montré de réduction de l’incidence de la maladie avancée grâce au dépistage chez les femmes âgées de 39 à 49 ans.
- Les essais utilisant un dépistage annuel ne présentaient aucun avantage clair dans les résultats par rapport à ceux utilisant des intervalles plus longs. On trouve davantage de résultats faussement positifs, de biopsies bénignes et de cas surdiagnostiqués avec une mammographie annuelle versus une biennale.
- Les résultats regroupés des méta-analyses d’essais contrôlés randomisés ont montré que la mammographie n’était pas associée à une réduction de la mortalité toutes causes confondues
Pour les effets adverses :
L’association entre le dépistage par mammographie et le surdiagnostic a été démontrée dans de nombreuses études. Cependant, les estimations de l’ampleur du surdiagnostic, (défini comme un cancer détecté mais qui n’aurait pas été diagnostiqué au cours de la vie de la femme), variaient considérablement en raison de méthodologies et de paramètres variés utilisés pour estimer le surdiagnostic. Les estimations du surdiagnostic étaient plus élevées chez les femmes âgées de 40 à 49 ans (extrêmes 22,7% à 41%) que chez celles âgées de 50 à 59 ans (extrêmes 16% à 25%).
- Après 25 ans de suivi, le taux de surdiagnostic estimé était de 22% pour tous les groupes d’âge
- Ce nombre augmente avec l’inclusion des carcinomes canalaires in situ et d’autres lésions in situ
- Le surtraitement en est le corollaire avec un taux estimé qui suit celui du surdiagnostic.
- Les faux positifs sont en prendre en compte ainsi que la détresse psychologique qui s’y associe.
- L’exposition aux rayonnements au cours de la vie augmente avec le nombre de mammographies, qui lui, est en relation avec l’âge du début et de la fin du dépistage et de sa fréquence. Les études citées dans ce rapport de l’ACP avancent un risque de cancer radio-induit au cours de la vie de 125 cas pour 100 000 femmes de 40 à 74 ans.
Les conduites à tenir proposées par l’ACP
Énoncé d’orientation 1:
Chez les femmes de 40 à 49 ans présentant un risque moyen, les cliniciens devraient discuter de ce dépistage du cancer du sein par mammographie avant l’âge de 50 ans. La discussion devrait inclure les avantages et les inconvénients potentiels et les préférences de la femme. Les inconvénients potentiels l’emportent sur les avantages chez la plupart des femmes âgées de 40 à 49 ans.
La réduction du risque absolu de mortalité par cancer du sein est plus faible chez les femmes âgées de 40 à 49 ans que chez les femmes plus âgées. Les taux de surdiagnostics varient selon les groupes d’âge mais sont plus élevés chez les femmes âgées de 39 à 49 ans.
Les taux cumulés de faux positifs et de biopsies après 10 ans sont plus élevés chez les femmes plus jeunes, en particulier chez celles présentant des seins hétérogènes ou extrêmement denses.
Les directives actuelles sont plus alignées que les versions précédentes et ont évolué vers un dépistage moins intensif.
Énoncé d’orientation 2:
Chez les femmes âgées de 50 à 74 ans présentant un risque moyen, les cliniciens devraient proposer le dépistage du cancer du sein par mammographie biennale.
Les preuves issues des essais contrôlés randomisés montraient que le dépistage réduit la mortalité par cancer du sein, mais pas la mortalité toutes causes confondues chez les femmes âgées de 50 à 69 ans
Les données sur la réduction de la mortalité par cancer du sein chez les femmes âgées de 70 à 74 ans étaient mitigées. Mais les directives s’accordent sur le dépistage des femmes à risque moyen à partir de 50 ans et jusqu’à 74 ans, plutôt de façon biennale.
Les résultats regroupés n’indiquaient pas une réduction de la mortalité toutes causes confondues dans ce groupe.
Énoncé d’orientation 3:
Chez les femmes âgées de 75 ans ou plus à risque moyen ou chez les femmes dont l’espérance de vie est de 10 ans ou moins, les cliniciens doivent cesser le dépistage du cancer du sein.
Le risque concurrent d’autres causes de décès, le long délai entre la mammographie et la réduction de la mortalité par cancer du sein, le compromis entre les avantages et les inconvénients, ainsi que les valeurs et les préférences de la patiente doivent être intégrés dans la discussion. Selon les conditions co-morbides, il est peu probable qu’une femme de ce groupe d’âge ait une espérance de vie suffisamment longue pour bénéficier réellement du dépistage.
Énoncé d’orientation 4:
Chez les femmes à risque moyen de tout âge, les cliniciens ne doivent pas recourir à l’examen clinique du sein pour dépister le cancer du sein.
Les discussions sur le moment où il faut arrêter le dépistage chez les femmes qui subissent un dépistage régulier par mammographie sont particulièrement importantes pour les personnes âgées et les femmes dont l’espérance de vie est limitée en raison d’affections concomitantes (par exemple maladie pulmonaire obstructive chronique, insuffisance cardiaque, maladie hépatique au stade terminal insuffisance rénale en phase ou démence).
La décision d’arrêter le dépistage intégrera le risque de décès par cancer, le risque concurrent d’autres causes de décès, le long délai entre la mammographie et la réduction de la mortalité par cancer du sein, le compromis entre les avantages et les inconvénients, ainsi que les valeurs et les préférences de la patiente
La plupart des recommandations suggèrent d’interrompre le dépistage lorsque, en raison de son âge avancé ou de conditions co-morbides, il est peu probable qu’une femme ait une espérance de vie suffisamment longue pour bénéficier du dépistage.
Autres évaluations
Les autres méthodes d’imagerie comme l’IRM ou l’échographie en première intention sont jugées insuffisantes pour le dépistage du cancer du sein.
De même pour l’examen clinique des seins, l’ACP recommande de ne pas pratiquer l’examen clinique en guise de dépistage chez les femmes à risque moyen de tout âge en raison de l’absence de bénéfice démontré et du risque de résultats faussement positifs. Les preuves sont insuffisantes pour évaluer les avantages et les inconvénients de la palpation clinique en plus du dépistage par mammographie.
Cette pratique peut entraîner des inconvénients, notamment un surdiagnostic et des résultats faussement positifs conduisant à un traitement excessif.
(NDLR : Mme Marisol Touraine avait rajouté dans son rapport à la suite de la concertation citoyenne une recommandation d’examen clinique chez toutes les femmes dès 25 ans, ce que la concertation n’avait pas demandé).
En conclusion :
Les données sur la réduction de la mortalité par cancer du sein chez les femmes âgées de 70 à 74 ans sont mitigées ; bien que les données des essais contrôlés randomisés soient limitées dans ce groupe d’âge, les directives s’accordent sur le dépistage des femmes à risque moyen à partir de 50 ans et jusqu’à 74 ans.
Il n’y a pas de réduction de mortalité toutes causes confondues chez les femmes âgées de 50 à 69 ans.
La plupart des lignes directrices recommandent la mammographie biennale en tant qu’option acceptable ou préférée pour les femmes qui subissent un dépistage.
Si on diminue l’intervalle on s’expose à un risque accru de surdiagnostic.
En-dessous et au-dessus de cette tranche d’âge, les inconvénients l’emportent sur le bénéfice attendu.
Il n’y a pas de preuve d’efficacité suffisante pour le dépistage par palpation clinique seule ou associée à la mammographie.
Références
[1] American Cancer Society
Canadian Task Force on Preventive Health Care
[3] U.S Preventive Services Task Force
[4] National Comprehensive Cancer Network
(Le National Comprehensive Cancer Network est une alliance de 28 centres de cancérologie aux États-Unis)
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