Dr C.Bour, 4 juin 2019
Nous recevons sur notre formulaire contact du site de nombreux témoignages de femmes mais aussi des demandes de conseils, ainsi qu’une interrogation récurrente, « et si ma situation, c’était une lésion surdiagnostiquée ? »
Pourquoi on ne peut pas y répondre.
Le surdiagnostic n’est identifiable ni par le médecin, ni par l’anatomopathologiste, ni par la patiente. Pour eux, il n’y a qu’un « diagnostic ».
La recherche diagnostique à l’échelle individuelle ne permet pas de prendre conscience de la notion de cancers en « excès », c’est à dire ce qu’on appelle le surdiagnostic, car le surdiagnostic se voit dans un « réservoir » de cancers qui ne se manifesteraient pas.
Il faut pour cela examiner des cohortes, et c’est seulement à l’échelle populationnelle qu’on peut prendre conscience et mesurer les cancers en « trop ».
C’est donc uniquement l’épidémiologiste, examinant les populations dans leur globalité, « d’en haut », comme un entomologiste, qui peut être alerté par une différence de taux de cancers surprenante et inhabituelle sur des populations soumises à des intensités différentes de dépistage. La réalité du surdiagnostic est comptable ( c’est l’excès de cancers dépistés rapporté à ce qui était attendu dans la population en l’absence de dépistage), le surdiagnostic est étayé à la fois par des études de haut niveau de preuves ainsi que des études d’autopsie. [1] [2]
Le concept de surdiagnostic émerge directement de l’examen des populations, l’épidémiologiste est le seul capable de nous le montrer et de le quantifier. Sa perspective ( prise de recul, examen de foules) n’est pas du tout celui du clinicien (examen en colloque singulier d’une seule patiente, qui présente un diagnostic individuel de cancer ou pas).
Conséquences
Le surdiagnostic généré par un dépistage trompe l’opinion, les médecins et les femmes quant à l’efficacité du dépistage.
La mise en lumière de cancers du sein en excès, qui ne se seraient pas manifestés sans le dépistage et n’auraient jamais mis en danger la vie ou la santé de la femme permet aux autorités sanitaires de valoriser des résultats statistiques de survie avantageux mais fallacieux, car en détectant des lésions non tueuses, on donne l’illusion que davantage de femmes « guérissent », alors que ces femmes n’auraient jamais dû être impactées par le surtraitement qui s’ensuit automatiquement du surdiagnostic. C’est lui qui est l’expression concrète et tangible pour les femmes le problème du surdiagnostic.
En attendant les taux de cancers graves ne diminuent pas et la mortalité globale n’est en rien modifiée.
Pire encore, le dépistage, avec ce pseudo-succès s’auto-entretient exposant des femmes à des irradiations répétées dont l’effet sur l’ADN est cumulatif, dans l’immédiat par la répétition de clichés sur l’organe radio-sensible qu’est le sein, et dans le temps par la répétition de ces examens radiologiques.
Ce qu’il faut bien comprendre
L’information loyale et complète doit être délivrée à la patiente AVANT toute prise de décision, cette information doit se faire de façon claire et visuelle, par exemple par des images à points [3], lesquels symbolisent les surdiagnostics, les vies « sauvées », les fausses alertes etc..
Une fois la décision prise par une patiente de se faire dépister, elle ne peut plus faire marche arrière. Une image vue dans son sein par le radiologue fera l’objet obligatoirement d’une imagerie supplémentaire pour affirmer le diagnostic, le radiologue n’étant qu’un ‘imageur’, et d’une biopsie qui retirera un fragment inerte que l’anatomo-pathologiste examinera sous le microscope et pour lequel il donnera un verdict binaire : il y a ou il n’y a pas de cellule cancéreuse.
Mais une fois l’examen réalisé, il faut en tirer toutes les conséquences. Une fois le diagnostic posé, on ne peut faire marche arrière, et il faut appliquer la conduite à tenir préconisée, à savoir, traiter.
Donc oui, la décision de se faire dépister se prend avant, avec une information solide et circonstanciée.
Biblio
[1] On compare lors d’essais randomisés un groupe dépisté à un groupe non dépisté, et on constate que le groupe dépisté a plus de cancers détectés que le groupe témoin. H.G. Welch, C. Black « Overdiagnosis in cancer » J.Nat Cancer Inst 2010,102 : 605-613 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20413742
Ou alors on compare deux groupes de femmes en faisant varier l’intensité du dépistage, l’un des groupes aura des contrôles multipliés. Etude d’Oslo « The natural history of invasive breast cancers detected by screening mammography », Archives of Internal Medicine, 24/11/08 Per-Henrik Zahl, Jan Mæhlen, H. Gilbert Welch https://pss17.files.wordpress.com/2009/01/historianatural_invasivosmama.pdf
[2] Etudes d’autopsies https://www.cancer-rose.fr/frequence-des-cancers-latents-de-decouverte-fortuite/
[3] https://www.cancer-rose.fr/le-sur-diagnostic-un-graphique-pour-expliquer/
Lire aussi le DIU destiné aux étudiants, par Dr B.Duperray, avec l’aimable autorisation de l’auteur. (voir pièce attachée)
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