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14 novembre 2017, synthèse C.Bour
La lecture de ce nouveau panorama 2019 nous fait retenir trois points principaux :
-L’étude de la survie à 5 ans
-Les proportions des cancers des différents stades
-Les actes chirurgicaux.
1° L'étude de la survie à 5 ans.
Encore une fois, nous le répétons ici, cette donnée n’est pas un bon indicateur d’efficacité des dépistages.
La survie à 5 ans n’est pas la même chose que l’espérance de vie ou durée de vie. Admettons une espérance de vie chez une femme de 73 ans ; si elle a un diagnostic de cancer à 67 ans elle rentrera dans les statistiques de survie à 5 ans, mais pas si ce diagnostic est fait plus tard, vers 70 ans par exemple, la femme ne sera pas incluse dans les statistiques de survie à 5 ans. La « survie » mesure plutôt la durée de vie du cancer. C’est une illusion d’optique : par l’anticipation de la date de survenue du cancer, on a l’impression d’un allongement de la vie alors que l’espérance n’a en rien changé.
L’allongement de la survie est le résultat de deux phénomènes : l’efficacité des traitements qui rallongent la durée de vie du patient avec son cancer, et le dépistage qui anticipe la date de naissance du cancer indépendamment de l’issue de la maladie.
La survie est majorée quand l’incidence est la plus forte et le surdiagnostic d’autant plus fort. En effet, par définition, tous les surdiagnostics guérissent. On a donc une illusion de succès. La survie est un marqueur de l’efficacité des traitements, mais pas de l’efficacité du dépistage.[1] [2]
Revenons au texte du panorama, en consultant la page 42 (numérotation du document), figure 2.2, on se rend compte que la plus haute survie parmi celles indiquées concerne les pays suivants : USA, Japon, Australie, Islande.
Le rapport avance comme raison, page 138 : Dans les pays où la proportion de femmes diagnostiquées à un stade précoce est élevée, comme aux États-Unis et au Japon, la proportion de femmes diagnostiquées à un stade avancé est également faible.
Depuis les années 1980, la plupart des pays de l’OCDE ont adopté des programmes de dépistage du cancer du sein comme moyen efficace de détecter la maladie tôt (OCDE, 2013). Cela a contribué à augmenter la proportion de femmes diagnostiquées à un stade précoce.
Dans la plupart des pays de l’OCDE, pour les femmes diagnostiquées à un stade précoce ou localisé, la probabilité cumulative de survivre à leur cancer pendant au moins cinq ans est de 90 % et la variation internationale est faible (figure 6.29)
Or les taux de participation au dépistage, très variables dans ces pays (55% Australie ; 71% pour USA, seulement 36.4% (en 2010 )pour le Japon , et de 60% pour Islande) contredisent cette affirmation.
Nous livrons ici l’analyse de Dr V.Robert, notre médecin statisticien :
La proportion de petits cancers est une explication possible de la survie à 5 ans (cf. graphique 1 ci-dessous qui montre une tendance significative à l’augmentation de la survie quand la proportion de petites tumeurs augmente ; coefficient de corrélation de Spearman = 0.55, p < 0.004) Graphique 1
Mais ce n’est pas la seule explication possible : cf. graphique 2 ci-dessous qui montre une tendance significative à l’augmentation de la survie quand les dépenses de santé augmentent ( coefficient de corrélation de Spearman = 0.57, p < 0.003).
Il y a une forte corrélation entre dépenses de santé et proportion de petites tumeurs (cf. graphique 3 ; coefficient de corrélation de Spearman = 0.78, p < 0.000001).
Le problème est que de fortes dépenses de santé sont probablement associées à davantage de dépistage donc plus de petites tumeurs (réelles ou surdiagnostiquées) mais aussi à une meilleure prise en charge thérapeutique. De ce fait, il est malaisé de savoir quelle est la part de l’amélioration de la survie qui est liée à la proportion de petites tumeurs.
2° Les proportions des cancers à différents stades
Il est dit, toujours page 140 (numérotation du document PDF) : Depuis les années 1980, la plupart des pays de l’OCDE ont adopté des programmes de dépistage du cancer du sein comme moyen efficace de détecter la maladie tôt (OCDE, 2013[1]). Cela a contribué à augmenter la proportion de femmes diagnostiquées à un stade précoce
Voir à ce propos le tableau 6.28 p.139 du document
Les auteurs ont calculé les pourcentages de tumeurs de stade peu avancé sur l’ensemble des tumeurs, y compris les « unknown » (les inconnus), donc en incluant la catégorie des tumeurs inconnues dont on ne sait ce qu’elle contient, et d’importance très variable selon les pays.
Les proportions eussent été différentes si on avait calculé les ratios entre les tumeurs de stade connu, entre celles de faible et celles de haut stade.
Revenons à la phrase page 138 du document :
« Dans les pays où la proportion de femmes diagnostiquées à un stade précoce est élevée, comme aux États-Unis et au Japon, la proportion de femmes diagnostiquées à un stade avancé est également faible », cette affirmation paraît là d’un truisme confondant, car il est évident que sur 100% de cancers si la proportion des cancers précoces augmente celle des cancers avancés ne peut que diminuer.
Bien évidemment il eut été bien plus pertinent de connaître le nombre absolu de tumeurs pour chaque stade, ou un taux donné pour 100 000 femmes par exemple, qui montrerait si le nombre absolu de cancers avancés pour une population donnée baisse ou pas. Ceci, avec la baisse de mortalité, sont les vrais critères d’efficacité d’un dépistage. Or nous savons que le taux des cancers avancés ne chute pas depuis l’instauration des dépistages.[3] [4]
3° Les actes chirurgicaux
Page 55 (numérotation du PDF), sont données les hospitalisations pour les différents gestes chirurgicaux de 2017, avec les taux d’incidence de 2012, ce qui correspond (nous le supposons) à l’année la plus proche des taux consolidés pour tous les pays.
Pour la France, nous examinons la colonne des mastectomies totales, et nous trouvons 60 procédures chirurgicales radicales (mastectomies) pour 100 000 femmes.
L’incidence correspondante pour la France est de 90 nouveaux cas pour 100 000 femmes.
Pour 10 nouveaux cas de cancers, il y a 6,7 mastectomies totales (60/9). Il est vrai que la lecture sur graphique est imprécise mais même en corrigeant le décalage entre 2012 et 2017 pour tenir compte de l’augmentation de l’incidence en 2017, nous retrouvons aux alentours de 6 mastectomies totales pour 10 cancers.
Notre étude réalisé en 2017 et présentée au congrès de Lille retrouvait 4 actes de mastectomies pour 10 nouveaux cas en 2012 exactement comme en 2000, avant la généralisation du dépistage organisé.[5] [6]
Nous en avions conclu que le dépistage organisé ne peut se prévaloir d’avoir allégé les traitements infligés aux femmes ; avec le panorama de 2019, et le résultat trouvé de 6 mastectomies totales pour 10 nouveaux cas de cancers, ceci est largement confirmé.
Pour les mastectomies partielles (BCT, breast conserving therapy), nous avons 200 actes pour 100 000 femmes, ce qui correspond à 22 mastectomies partielles pour 10 nouveaux cas, nous trouvions 15 mastectomies partielles pour 10 nouveaux cancers en 2012, et moins de 13 en l’an 2000. [7]
Conclusion :
Comme lors de l’analyse du panorama de l’OCDE de 2017 [8], et au regard du rapport récemment publié du CepiDC (page 7 du document joint), on ne peut prétendre que la mise en place des programmes de dépistages a fait baisser la mortalité par cancer du sein de façon significative…
La présentation des données dans le panorama de l’OCDE 2019 est faite de façon fallacieuse en omettant le surdiagnostic, lequel donne l’illusion d’ une meilleure survie par simple anticipation du diagnostic de petites tumeurs non mortelles, massivement surdétectées par le dépistage.
Les fortes dépenses de santé dans certains pays sont probablement associées à davantage de dépistage mais aussi à une meilleure prise en charge thérapeutique, ce qui explique largement l’augmentation de la survie, raison pour laquelle cette donnée est inadaptée pour l’évaluation de l’efficacité d’un programme de dépistage.
Ce panorama corrobore pour la France la non-diminution des actes chirurgicaux les plus lourds, comme nous l’avions mis en évidence lors de notre étude sur les mastectomies en France.
BIBLIO
[1] lire aussi : https://cancer-rose.fr/2018/07/30/ce-que-les-statistiques-du-depistage-du-cancer-nous-disent-vraiment/
[2] https://cancer-rose.fr/2019/09/12/quest-ce-quun-depistage-efficace/
[3] https://cancer-rose.fr/2019/09/06/le-depistage-mammographique-un-enjeu-majeur-en-medecine/#_ednref1
[4] https://cancer-rose.fr/2015/07/06/analyse-etude-jama/
[5] https://cancer-rose.fr/2017/09/06/etude-le-depistage-organise-permet-il-reellement-dalleger-le-traitement-chirurgical-des-cancers-du-sein/
[6] https://cancer-rose.fr/2019/08/09/explication-de-letude-sur-les-mastectomies-en-france/
[7] https://cancer-rose.fr/2019/08/09/explication-de-letude-sur-les-mastectomies-en-france/
[8] https://cancer-rose.fr/2017/12/04/analyse-du-nouveau-panorama-de-locde/
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