Résumé Dr C.Bour, 15 novembre 2021
A propos d’un article publié le 15 octobre dans The New York Times par Holly Burns, écrivaine de la région de San Francisco, atteinte d’un cancer du sein il y a 4 ans.
Holly Burns nous livre son expérience, que d’autres « survivantes » de cancer vivent, et qui reste très peu exprimée lors des annuelles kermesses roses : « octobre est le mois national de la sensibilisation au cancer du sein et je suis une personne qui a eu un cancer du sein , ce qui signifie pour moi qu’octobre est essentiellement 31 jours d’un discret syndrome post-traumatique. »
Octobre rose comme déclencheur d’une « réaction anniversaire »
Kathleen Ashton, une psychologue au Cleveland Clinic Breast Center dans l’Ohio, témoigne également dans l’article : « Certains apprécient l’opportunité de sensibiliser, mais la majorité de mes patientes trouvent le mois pénible. »
Pour certaines malades et anciennes malades, le mois d’octobre rose agit comme un drapeau rouge qu’on agite et qui fait tout remonter à la surface, avec le cortège de traumatismes qui a souvent accompagné le parcours de la malade, depuis l’annonce jusqu’au traitement.
Deborah Serani, psychologue et professeure à l’Université Adelphi à New York, explique que l’anxiété à un moment particulier peut être déclenchée à cause d’un phénomène connu sous le nom d’ « effet anniversaire » ou de « réaction anniversaire », ensemble unique de pensées ou de sentiments qui surviennent autour de l’anniversaire d’une expérience significativement traumatisante.
Ainsi, explique la psychologue, tout ce qui rappelle l’évènement traumatique vécu peut provoquer cette « réaction anniversaire ».
Un écart entre marketing et vie réelle
Ce mois peut être particulièrement difficile pour celles dont le cancer est évolutif et a progressé. « On peut avoir l’impression que seules les histoires heureuses sont présentées », témoigne une femme de 40 ans, Emma Fisher, atteinte d’un cancer du sein métastatique de stade 4.
« Il est difficile de voir des campagnes où « tout le monde rit et sourit, organise des ventes de pâtisseries et fait des courses amusantes », déclare-t-elle. « Cela me fait me sentir invisible, c’est presque comme si les patientes métastatiques étaient ce sale petit secret dans le monde du cancer du sein, parce que personne ne veut dépeindre le cancer du sein comme un tueur. »
Dans le livre IM-PATIENTE, Maëlle, la jeune femme atteinte d’un cancer évolué et qui témoigne, tient un discours analogue : » l’hôpital se décore de rose pendant un mois, toutes les gentilles mamies tricotent leurs petits carrés roses, et on fait un joli ruban autour de l’hôpital, bon, d’accord. Certes. Mais pendant Octobre Rose, de quoi on parle ? On raconte toujours les mêmes histoires. On parle de ces warriors qui ont monté leur entreprise alors qu’elles étaient en chimio et qui ont trois enfants après leur opération. C’est toujours la même histoire. Est-ce qu’on a déjà entendu parlé de femmes qui ont un cancer métastatique pendant Octobre Rose ? Je ne crois pas. Parce que ce n’est pas joli, ce n’est pas glamour, on n’en parle pas. ça, c’est inadmissible. » (juin 2018)
Pour Bri Majsiak, co-fondatrice d’ une organisation à but non lucratif pour les personnes touchées par les cancers du sein et gynécologiques : « Le cancer du sein dure 365 jours par an, pas 31 ».
Comment traverser sereinement ce mois d’octobre pénible ?
La psychologue Dr Ashton (Cleveland Clinic Breast Center dans l’Ohio) conseille aux femmes concernées par le cancer du sein de limiter l’exposition aux choses qu’elles pourraient vivre comme dérangeantes, ce qui peut signifier faire une pause sur les réseaux sociaux, se désabonner d’autant d’e-mails marketing qu’on le peut, de n’avoir pas peur de fixer des limites aux proches qui ne comprennent pas pourquoi les ex-malades et malades peuvent trouver ce mois très pénible à vivre, ou encore échanger avec d’autres femmes qui peuvent avoir le même ressenti.
Alors que les amis et la famille peuvent supposer qu’il s’agit d’un mois de célébration pour les survivantes, ils « doivent comprendre qu’une maladie personnelle grave comme le cancer du sein est une expérience traumatisante », a déclaré le Dr Serani.
Une psychothérapeute de Charleston, Mme Ilderton, conseille aussi de ne pas faire de la survivante que vous connaissez une ‘étude de cas’, elle dont l’amie a envoyé un e-mail à un groupe en l’utilisant comme exemple pour expliquer pourquoi il fallait absolument passer une mammographie.
Bri Masiak conseille, pour ceux qui souhaitent soutenir Octobre Rose, de bien regarder où vont les bénéfices et de réfléchir si ce ne serait pas mieux de faire un don à une organisation locale plus ciblée, ou une organisation qui est utile aux femmes pendant leur traitement, par exemple.
En effet la destinée des fonds récoltés est souvent très opaque, le budget marketing peut constituer une part importante, et la part dévolue réellement « à la cause » n’est pas connue des donateurs. Le but invoqué de la collecte est fréquemment « la recherche ». Mais….quelle recherche ? Se demande-t-on quelles études ont réellement été financées, quelles en sont les retombées, quelles sont les avancées concrètes pour les femmes alors qu’on court depuis des décennies et que le cancer du sein tue pourtant toujours, et ce depuis les années 90, 11000 à 12000 femmes/an ? Cela nous laisse songeurs sur la réelle portée de ces coûteuses campagnes.
Conclusion
Lors de ce grand Barnum rose annuel, pas très utile et en réalité peu informatif pour les femmes, prenons au moins conscience qu’il peut être vecteur de détresse et de douloureux souvenirs pour certaines d’entre nous.
Nous appelons de nos voeux de futurs octobre moins roses, plus discrets et moins festifs, plus pédagogiques et plus interactifs avec toutes les femmes, les saines, les survivantes et les lourdement atteintes, pour une meilleure information sur les cancers du sein, de façon désangoissée, neutre et objective.
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