Traductions, restitution et synthèse par Cancer Rose, 4 mai 2023
Un diagnostic précoce accru du cancer : Révéler la biologie immunitaire du cancer pour expliquer le « surdiagnostic » clinique
Bruce A. Wauchope 1,2Brendon J. Coventry 2David M. Roder 3
1 Molechecks Australia, 1284 South Road, Clovelly Park 5042, Australia
2 Discipline of Surgery, Cancer Immunotherapy Laboratory, University of Adelaide, Royal Adelaide Hospital, Adelaide 5005, Australia
3 Cancer Epidemiology and Population Health, Allied Health and Human Performance, University of South Australia, Adelaide 5000, Australia
Cancers 2023, 15(4),1139; https://doi.org/10.3390/cancers15041139
La régulation immunitaire du cancer est prouvée et peut expliquer pourquoi certains cancers progressent alors que d’autres restent silencieux.
Les auteurs avancent « un modèle immunitaire fondé sur des preuves, qui mérite d’être approfondi et qui pourrait expliquer le « surdiagnostic » du cancer et la prédisposition à la récurrence, à la régression et à la létalité. » C’est à dire, qui pourrait expliquer pourquoi certains cancers tuent, d’autres non et d’autres encore régressent.
Ils considèrent surtout » que les outils immunitaires devraient être intégrés dans les recherches futures », afin d’arriver à affiner la distinction entre cancers mortels et non-mortels, et ce afin d’éviter les traitements inutiles découlant du surdiagnostic qu’apporte tout dépistage.
Résumé des auteurs
« Même si les cancers « précoces » cliniquement petits représentent biologiquement plusieurs millions de cellules, lorsqu’ils sont enlevés chirurgicalement, souvent ils ne récidivent pas ou ne se développent pas à nouveau, et ne réduisent pas la durée de vie de l’individu.
Toutefois, certains cancers précoces restent quiescents et indolents, tandis que d’autres se développent et forment des métastases, menaçant la vie de l’individu. La distinction entre ces différents comportements cliniques à l’aide de critères cliniques/pathologiques est actuellement problématique. On rapporte que de nombreuses lésions suspectes et des cancers précoces sont retirés chirurgicalement alors qu’ils ne menaceraient pas la vie du patient. Ce phénomène a été qualifié de « surdiagnostic », en particulier dans le domaine du dépistage du cancer.
Bien qu’il s’agisse d’un sujet controversé et émotionnel, il pose des problèmes cliniques et de politique de santé publique. La différenciation diagnostique entre les formes de tumeurs « non létales » et « létales » (= mortelles ou non mortelles, NDLR) est généralement impossible.
Une perspective qui s’appuie sur des preuves est qu’il existe un équilibre dynamique entre la réponse immunitaire et les processus malins qui déterminent la « létalité », où beaucoup plus de cancers sont produits sans qu’ils ne deviennent cliniquement significatifs parce que le système immunitaire empêche leur progression.
Les taux de « diagnostic » plus élevés du dépistage médical peuvent refléter des effets de temps d’avance au diagnostic (c’est à dire une détection du cancer avant qu’il ne s’exprime cliniquement, NDLR), avec plus de cancers « non progressifs » détectés lorsqu’une interaction immunitaire-cancer précoce se produit.
Nous présentons un modèle de cette interaction entre le système immunitaire et le cancer et examinons les affirmations d' »excès » ou de « surdiagnostic » qui accompagnent des technologies de diagnostic et de dépistage de plus en plus sensibles.
Nous estimons que les outils immunitaires devraient être intégrés dans les recherches futures, avec un potentiel de modulation du système immunitaire pour certains cancers précoces. »
Introduction, problématique des dépistages
« …Le manque de données probantes concernant certains cancers, pour lesquels un dépistage plus sensible et une détection précoce ne se traduisent pas nécessairement par une réduction de la morbidité et de la mortalité, constitue une énigme majeure.
Certains cancers précoces n’évoluent pas vers des métastases et la mort, et ne mettent donc pas le patient en danger durant sa vie, et ne nécessitent pas de traitement. Il peut exister des variantes biologiques non métastatiques et non mortelles. Il est fondamental de distinguer les cancers potentiellement « mortels » des cancers « non mortels » pour que le dépistage soit bénéfique de manière sélective, tout en évitant les traitements inutiles. »…
L’ampleur de la modulation par le système immunitaire du processus de malignité pourrait influencer de manière décisive les suites du cancer, y compris la létalité. »
On devrait s’attendre, rappellent les auteurs, à ce que le dépistage de lésions dites « précoces » entraîne, dans une population dépistée, une réduction des cancers graves. Or ce n’est pas ce que l’on observe, il y a toujours un excédant de diagnostics dans les groupes dépistés sans changement de la létalité (taux de décès par maladie dans un groupe de malades).
» Après un certain temps (de dépistage), le taux de diagnostic précoce devrait se traduire par une réduction du taux de mortalité. »
Si les taux d’incidence cumulés, c’est à dire les taux de diagnostics de cancers, ne sont pas similaires dans les groupes dépistés par rapport à une population non dépistée, avec une augmentation dans le groupe dépisté sans différence de mortalité, on peut s’interroger sur le risque de surdiagnostic de cancers « non mortels », ce qui peut soulever des questions d’éthique, de coût et d’autres questions professionnelles.
Les auteurs rappellent :
« Par comparaison, un dépistage efficace du cancer impliquerait la détection précoce des cancers à potentiel létal ou de leurs précurseurs, ce qui entraînerait une réduction de la morbidité et de la mortalité. Un dépistage efficace devrait se traduire par une réduction de la mortalité spécifique au cancer et de l’incidence des cancers avancés ajustée à l’âge.«
Cette inflation de cancers non mortels et de détection inutile est ce qu’on appelle le surdiagnostic,ce qui commence à poser un important problème de santé publique car on constate ce phénomène pour tous les dépistages, entraînant les personnes dans des « maladies » qu’elles n’auraient pas dû connaître.
« Des augmentations relativement plus importantes ont été constatées entre les différents types de lésions (par exemple, davantage pour les lésions in situ du sein féminin que pour les lésions invasives). Cela s’applique au carcinome canalaire in situ par rapport à la mammographie et à d’autres cancers in situ – cancer de la prostate, du côlon, des cellules squameuses du tractus gastro-intestinal, du tractus génital et de la peau, types de cancer basocellulaire et mélanomes cutanés »
L’exemple particulier du mélanome.
» Les sous-populations ayant fait l’objet d’un dépistage du mélanome ont présenté des taux de détection et des taux de passage d’in situ à invasif plus élevés que ceux attendus à partir des données des registres de population, sans que la mortalité liée au mélanome ne soit inférieure aux prévisions « , expliquent les auteurs.
« On s’interroge depuis longtemps sur l’augmentation de l’incidence du mélanome et sur le diagnostic des formes de mélanome non létales et « non métastasantes ».
Ainsi, un vocabulaire comprenant le surdiagnostic, les réservoirs asymptomatiques d’affections « indolentes », les formes « dormantes » et « non métastasantes » de mélanomes est apparu.
« … le surdiagnostic pourrait être la conséquence des tests de dépistage courants. Il est encore plus probable qu’il se produise et qu’il augmente dans les environnements de diagnostic avec l’avènement de technologies de diagnostic de plus en plus sensibles.
Certains ont émis l’hypothèse d’un abaissement des seuils pour la réalisation des biopsies, les cliniciens et les pathologistes modifiant les seuils de diagnostic, l’ensemble conduisant à une augmentation des taux de détection des cas, ce qui donne une apparente impression de réussite. « Les pathologistes, lorsqu’on leur présente des lames datant d’il y a 20 ans, augmentent les taux de diagnostic des mélanomes : 14 % des lésions gravement dysplasiques sont converties en mélanomes . »
Les auteurs résument ainsi deux grandes causes de surdiagnostics : les capacités technologiques de détection de plus en plus affinées, détectant des lésions qu’on pouvait ignorer, et la tendance à sur-grader les lésions volontairement, de peur de laisser passer quelque chose, les anatomo-pathologistes préférant proposer une classification plus péjorative de ce qu’ils voient sous le microscope.
Il y a une troisième cause décrite par les rédacteurs de l’étude :
« Des incitations financières ont également été évoquées (qui rémunèrent les médecins lors de l’intégration de leurs patients dans certains dépistages, NDLR). Tous ces éléments peuvent favoriser une incitation au dépistage.
La pertinence clinique des cancers détectés lors du dépistage devient plus discutable s’il n’y a pas de réduction correspondante de la morbidité et de la mortalité. »
Les auteurs proposent un modèle pour le surdiagnostic et le système immunitaire à travers le mélanome.
« En intégrant ces idées, nous présentons ici un modèle composite basé sur l’exemple du dépistage du mélanome, qui examine l’interaction entre la formation précoce de la tumeur et la réponse immunitaire, » modèle que nous allons décrire un peu après.
Dynamique du cancer et taux de croissance
Le comportement biologique des cancers détectés lors d’un dépistage n’est pas constant. Les auteurs rappellent la figure que proposait le chercheur américain G.Welsch décrivant les différentes possibilités de croissance cancéreuses, que nous expliquons dans cette vidéo.
Certains cancers évoluent très vite, sont péjoratifs mais échappent au dépistage du fait de leur vélocité. D’autres évoluent lentement et n’auraient jamais nui à la personne, certains régressent, le surdiagnostic ou détection inutile se produit dans ces cas ; la personne sera traitée inutilement.
Le système immunitaire
Sur ce chapitre, beaucoup de questions sont posées, et restent en suspens, selon les auteurs : « Le cancer existe-t-il seul ou est-il en relation avec le reste de l’organisme et le système immunitaire ? Comment le système immunitaire est-il impliqué dans le microenvironnement du cancer et dans sa croissance ? Le système immunitaire peut-il influer sur la croissance des cancers ? En d’autres termes, le système immunitaire peut-il limiter la croissance du cancer, ou/et peut-il augmenter la croissance du cancer ? En outre, le système immunitaire est-il modulable ? En d’autres termes, dans quelle mesure peut-il modifier son profil, ou est-il fixe et statique ? Si le système immunitaire se modifie, peut-il affecter la croissance du cancer ? La modification du système immunitaire peut-elle entraîner un changement dans le comportement et l’issue du cancer ? »
« Il est bien établi que l’immunosuppression chez les personnes « saines » entraîne une augmentation d’au moins 3 fois du nombre de cancers » et on sait que « du côté des traitements, l’utilisation d’inhibiteurs de points de contrôle immunitaires a révolutionné la survie au cancer, mais seulement pour une partie des types de cancer (environ 1 à 50 %) ».
« En outre, de nombreux cliniciens connaissent des cas rares mais frappants de régression tumorale spontanée, un processus par lequel certains cancers disparaissent spontanément, potentiellement en raison de processus immunologiques. Bien que l’explication de ce phénomène reste une énigme, il pourrait être plus fréquent qu’on ne le pense, peut-être davantage dans le cas des cancers « précoces ». ..
En résumé, il est prouvé que le système immunitaire peut influer sur la formation, la progression et la mortalité du cancer. Il ne s’agit donc pas d’un simple taux de croissance des cellules cancéreuses, mais d’une interaction entre le cancer et le système immunitaire. »
» Cette évolution de la pensée se poursuit, avec la reconnaissance clinique croissante du fait que le système immunitaire, en plus de gérer les infections, est au cœur de la croissance, de la réparation et de la cicatrisation des tissus normaux. ..
Dans le micro-environnement tumoral, le stroma, en particulier ses composants immunitaires, interagit avec la tumeur et affecte sa croissance et sa progression ».
Les données issues de grandes études cliniques, expliquent les auteurs, démontrent en effet qu’une forte infiltration des lésions néoplasiques par des populations de cellules immunitaires spécifiques constitue un indicateur pronostique indépendant dans plusieurs types de cancer ; la présence de certaines cellules (macrophages, lymphocytes) peuvent avoir un effet bénéfique sur le pronostic, d’autres au contraire signent une évolution plus sombre.
« Le contrôle du système immunitaire peut être considéré comme l’arbitre influent des métastases, de la progression de la maladie et de la survie. »
À la lumière des interactions immunitaires affectant la croissance dans le microenvironnement et les métastases, nous suggérons que l’interaction entre le système immunitaire et la tumeur affecte de manière critique les résultats de la croissance, les taux de croissance de la tumeur, sa capacité à être indolente ou pathogène et, dans certains cas, sa disparition et sa régression. »
Un modèle est proposé sur l’intrication de l’immunité et du surdiagnostic dans la progression cancéreuse.
Un modèle intégrant surdiagnostic et rôle de l’immunité
Trois résultats sont observés dans le cadre du dépistage :
1. Augmentation des taux de diagnostic
2. Augmentation des ratios in situ/invasifs
3. Augmentation des allégations de surdiagnostic
La proposition des auteurs est que ces trois résultats peuvent logiquement être des manifestations biologiques de la relation immunité-cancer dans les premiers stades (ou peut-être les plus précoces) du développement du cancer.
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Figure 2
Il est pris comme modèle le mélanome. Voici l’explication de la figure 2 :
» La tumorigénèse du mélanome implique la prolifération de mélanocytes aberrants dont l’inhibition de contact est réduite et qui sont de plus en plus décohésifs dans un organisme multicellulaire. La surveillance du système immunitaire détecte la tumeur à (A). Si le système immunitaire favorise la tumeur, la partie supérieure grise du diagramme (B) devient opérationnelle. La tumeur est alors facilitée dans sa croissance, comme cela se produit dans la cicatrisation proliférative. Dans le microenvironnement tumoral, les cellules immunitaires innées telles que les macrophages peuvent être associées à la progression de la tumeur. Sur le plan clinique, les mélanomes nodulaires à croissance rapide en sont un exemple. Ils pénètrent profondément et se propagent moins latéralement. Bien qu’ils ne représentent qu’un faible pourcentage de l’ensemble des mélanomes, ils sont à l’origine de 30 % des décès. »
Voilà décrite la situation dans le cas où le système immunitaire sera facilitateur pour le développement tumoral.
Que se passe-t il au contraire si le système immunitaire freine a progression tumorale ?
Dans ce profil immunitaire de « freination », on peut assister à trois modèles :
« Le mélanome entre dans une phase de régression, avec selon le diagramme (1) l’élimination, (2) l’équilibre, ou (3) la fuite, comme décrit :
(1) Élimination de la tumeur : La « régression » immunitaire associée aux lymphocytes peut éliminer toute trace histopathologique de mélanome. Sur le plan clinique, il s’agit d’une régression spontanée ou d’un mélanome primaire en régression.
(2)Équilibre : Le système immunitaire n’a pas éliminé la tumeur, mais l’a freinée. La tumeur et le système immunitaire peuvent atteindre un état d’équilibre. Sur le plan clinique, on retrouve ce phénomène dans les données post-mortem des personnes décédées avec un cancer, mais pas de cancer. C’est peut-être là que se trouve une grande partie du réservoir de surdiagnostic.
(3)Échappée immunitaire : Le cancer peut d’abord être freiné par le système immunitaire, puis le vaincre. Si le système immunitaire élimine la tumeur primaire après la libération des métastases, des métastases secondaires sans primitif connu apparaissent. Cliniquement, on parle de « mélanome occulte » ou de « mélanome d’origine primaire inconnue », qui survient dans environ 3 %. »
Que fait le dépistage dans ce modèle, comment intervient-il ? Il faut examiner à présent le champ D, correspondant à l’intervention d’un dépistage minutieux par dermatoscopie.
» Le dépistage à (D) permet d’obtenir
1. Un taux de détection des mélanomes plus élevé et une augmentation encore plus importante du taux de détection des mélanomes in situ par rapport à ce que l’on trouverait dans un registre du cancer basé sur la population. Cela donne,
2. Une augmentation du ratio mélanome in situ/Invasif. L’augmentation du taux de détection des mélanomes et des mélanomes in situ, malgré l’absence de réduction de la mortalité, donne :
3. Un surdiagnostic relatif. »
On comprend ainsi que la détection précoce intervient alors que le système immunitaire ne s’est encore pas exprimé, ne laissant pas de ‘chance’ aux cancers qui ne se développeront pas de rester non découverts.
Ceci est d’un impact important lorsqu’on sait que le dépistage du mélanome n’a pas eu pour effet de diminuer la mortalité par ce cancer. Lire une réflexion du Lown institute : https://lowninstitute.org/balancing-prevention-and-overdiagnosis-in-skin-cancer-screening/
Conclusion des auteurs
« Si le système immunitaire contrôle le cancer dans tous les cas ou dans la plupart des cas, le surdiagnostic peut en fait être le reflet de l’étendue du contrôle immunitaire sur la capacité des cellules cancéreuses à se comporter de manière non métastatique (ou pas).
1. Le surdiagnostic du cancer par le dépistage peut également avoir une base immunitaire, ce qui est confirmé par des preuves de plus en plus nombreuses.
2. Le profilage cellulaire/immunitaire fait actuellement défaut pour identifier les lésions qui seront contenues par la défense immunologique, ou qui seront éliminées, ou qui évolueront vers des métastases.
3. Il n’existe actuellement aucun moyen clinique ou pathologique de quantifier l’interaction entre le système immunitaire et la tumeur pour décider de la nécessité d’un traitement.
4. L’interaction entre le système immunitaire et la tumeur devrait faire l’objet d’une recherche accrue afin de mieux comprendre et d’améliorer la lutte contre le cancer. La peau, en tant qu’organe externe, est idéalement accessible pour cette recherche. »
« On considère que nous risquons de devenir de plus en plus performants dans la détection des cancers précoces qui ne menacent pas le patient au cours de sa vie – avec l’indécision clinique actuelle quant aux cancers qui deviendront invasifs ou métastatiques, et ceux qui ne le deviendront pas. L’arbitre pourrait en effet ne pas être uniquement les cellules cancéreuses elles-mêmes, qui ont fait l’objet de tant d’attention jusqu’à présent, mais plutôt le comportement dynamique et la force de la réponse du système immunitaire de l’hôte. »
» Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour définir la distinction entre les cancers qui peuvent évoluer vers la fatalité et ceux qui ne le peuvent pas ou ne le font pas. De cette manière, un diagnostic plus précis pourrait bien être obtenu afin de réduire tout excès de diagnostic de cancer qui n’est pas associé à une signification clinique, y compris la mortalité. »
Commentaires Cancer Rose
Tout d’abord il est salutaire qu’enfin une publication considère le problème du cancer non pas par le mauvais bout de la lorgnette, à savoir sa détection en aval, mais se préoccupe plutôt de la nécessité de revenir à la recherche fondamentale, en amont, et de poser la question de ce qui va faire d’un cancer une lésion mortelle ou pas.
Il nous faut, pour solutionner cette question, revenir absolument aux recherches fondamentales et approfondir les connaissances sur ce qu’on appelle ‘histoire naturelle du cancer’.
Cependant, tout le raisonnement de l’étude tient sur une hypothèse, laquelle est toujours profondément ancrée dans nos esprits, à savoir la « précocité » de la détection. Or cette précocité est une notion arbitraire. La précocité suppose une croissance linéaire et continue du cancer. Or ce modèle de croissance tumorale est faux ; la question est : à partir de quand est-on malade ? Où commence la maladie ? Et la réponse n’est pas dans la taille tumorale. Certains cancers du sein peuvent être volumineux, de très bon pronostic et, non découverts, sans plainte du patient, et inversement.
D’autre part, s’il est certain que le système immunitaire a un rôle important dans le développement cancéreux, il n’est pas le seul acteur.
Le cancer est aussi le marqueur d’une souffrance cellulaire dont l’origine peut être métabolique et en lien avec le milieu extérieur ce qui ne doit pas être occulté.
Un gène d’expression d’un cancer peut grandement favoriser l’apparition d’un cancer, mais pas obligatoirement si l’environnement rencontré n’est pas suffisamment délétère pour déclencher ce cancer. Par exemple, toutes les femmes porteuse du gène muté BCRA ne développeront pas un cancer du sein, car malgré l’augmentation importante du risque de développer un cancer, il reste tout de même 30 à 60% de femmes portant le gène muté BCRA1 , et 50 à 60% des femmes porteuses du gène muté BCRA2 qui ne mourront pas de ce cancer et vivront jusqu’à un âge avancé pour décéder de tout à fait autre chose.
Pour finir, on ne connait pas précisément encore quel est le rôle réciproque des cellules spécifiques épithéliales d’un organe et de son tissu de soutien dans l’émergence de la malignité.
Nous citons l’ouvrage de Bernard Duperray, « dépistage du cancer du sein, la grande illusion, aux éditions Souccar :
« Des expériences sur l’animal suggèrent que la recombinaison de cellules mammaires altérées par des mutations avec un stroma normal aboutit rarement au développement d’une tumeur, alors que la recombinaison de cellules spécifiques du sein normales avec un stroma altéré entraîne la formation de tumeurs.
Les travaux de l’équipe de Maricel Maffini (faculté de médecine de l’université Tufts, Boston, États-Unis) montrent en effet le rôle crucial du stroma de la glande mammaire dans le processus de cancérisation. Les chercheurs ont greffé des cellules cancéreuses mammaires à des rates. Le stroma a empêché le développement de ces cellules cancéreuses et encouragé leur croissance normale. Cette capacité des cellules normales du stroma à reprogrammer des cellules épithéliales cancéreuses est dépendante de l’âge et de la parité (antécédents ou non de mise bas). »
Réf : maffini mv, calaBro Jm et al. Stromal regulation of neoplastic development: age-dependent normalization of neoplastic mammary cells by mammary stroma. The American Journal of Pathology. 2005 Nov;167(5):1405-10.
Cette étude de Maffini suggère qu’une interaction fondamentale a lieu entre deux milieux cellulaires, le cancer a donc une histoire extrêmement complexe que nous ne connaissons pas en totalité, elle est dépendante de la nature biologique intrinsèque même du cancer, mais certainement aussi de l’immunité comme le suggère l’étude que nous venons de synthétiser, mais aussi de l’environnement dans une grande mesure certainement, et pour finir de l’interaction de la cellule avec le milieu dans lequel elle baigne.
Rien n’est simple, et prétendre venir à bout du cancer par une détection précoce avec des dépistages intempestifs et inopérants, comme nous le voyons quotidiennement, est un non-sens arrogant.
De plus il n’est pas éthique de dissimuler cette complexité au public et de lui faire miroiter, dans un charlatanisme médical éhonté, de pourvoir à son bien alors que nous fabriquons du surdiagnostic en pagaille dans la très grande majorité des dépistages, et que nous continuons ces dispositifs médicaux à grand renfort de publicités, incitant les populations démunies en information lors de grands barnums médiatiques dont octobre rose est un désespérant avatar.
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