C.Bour, 28 mai 2023
Conséquences psychosociales à long terme de la mammographie de dépistage faussement positive
John Brodersen et Volkert Dirk Siersma
Annals of Family Medicine Mars 2013, 11 (2) 106-115; DOI : https://doi.org/10.1370/afm.1466
https://www.annfammed.org/content/11/2/106.full
Dans le cas de la mammographie de dépistage, le préjudice le plus fréquent est un résultat faussement positif.
C’est une suspicion de cancer sur une image mammographique mais qui ne se confirmera pas, cela après bien des examens complémentaires, avec une attente pour la patiente dans un contexte de stress avant de pouvoir être rassurée que l’image vue à sa mammographie n’est pas un cancer. C’est une situation extrêmement stressante que certaines femmes vivent plusieurs fois dans leur parcours de dépistée.
On connait globalement les effets de stress à court terme, mais cette étude de cohorte de 2013 se promettait de faire une étude à plus long terme, sur trois années exactement, en examinant 454 femmes ayant présenté des résultats anormaux à la mammographie de dépistage. Elles ont été invitées à remplir un questionnaire validé englobant 12 résultats psychosociaux, avec des résultats colligés au départ, puis à 1, puis à 6, 18 et enfin à 36 mois.
Nous en reparlons ici en 2023 parce que les conséquences psychologiques et du surdiagnostic et de la fausse alerte sont souvent négligées et sous-évaluées, et comme les fausses alertes sont un évènement en recrudescence en raison de la double lecture et des progrès croissants de la détection précoce, il est important de bien connaître cet effet adverse.
Les femmes ne l’expérimentent pas moins souvent mais au contraire bien davantage, en raison des progrès technologiques détectant de plus en plus petites anomalies et les exposant à la découverte d’images diverses parmi les trois grands signes majeurs que le radiologue recherche : masse, distorsion architecturale, microcalcifications..
C’est une réalité comptable que mentionnent tous les outils d’aide à la décision, avec des résultats variables selon le groupe d’âge qui est étudié et la durée d’observation.
https://cancer-rose.fr/2021/06/27/outils-daide-a-la-decision-internationaux/
https://cancer-rose.fr/wp-content/uploads/2019/07/affiche_depistage-mammographiqueA4-2.pdf
https://drive.google.com/file/d/1jh53ZZkVRTCsoK0J1DynH-gR1ugEYz8p/view
Des études déjà existantes
Des études sur l’effet psychologique des faux positifs à court terme existaient déjà.[1]
La conclusion est que les faux positifs ont des conséquences psychosociales, pour celles qui les subissent, négatives à court terme, mais les conséquences psychosociales à long terme sont plus ambiguës. Certaines études montrent des conséquences psychosociales négatives importantes, même 35 mois après un faux positif.
Mais d’autres, disent les auteurs, semblent suggérer que l’impact psychosocial négatif, au contraire, disparaît avec le temps. Ces enquêtes, cependant, ajoutent-ils, ont été réalisées en utilisant des mesures inadéquates.
Cette enquête-là sur les conséquences psychosociales à long terme des faux positifs se fait par une mesure en 2 parties : une première partie évalue les conséquences psychosociales associées à une menace directe de cancer (l’annonce d’une image considérée comme suspecte); et une deuxième partie étudie les changements psychosociaux à long terme vécus après le résultat final du diagnostic.
Le questionnaire
Il y a 29 items dans la partie I et 13 items dans la partie II, mesurant les conséquences psychosociales d’une mammographie de dépistage anormale et faussement positive.
La partie I comprend 2 items uniques (« se sentir moins attirante » et « occupée à me changer les idées ») et 6 échelles mesurant l’anxiété (6 items), le sentiment d’abattement (6 items), l’impact négatif sur le comportement (7 items), le sommeil (4 items), la sexualité (2 items) et le degré d’auto-examen des seins (2 items).
On a 4 catégories de réponse : « pas du tout », « un peu », « assez » et « beaucoup ».
Plus le score est élevé, plus les conséquences psychosociales négatives subies par la personne sont importantes.
La partie II du formulaire comprend 4 échelles destinées à mesurer les changements perçus à la suite d’un dépistage mammographique :
-valeurs existentielles (6 items ; par exemple, « mes réflexions sur l’avenir sont plutôt pessimistes/optimistes » ; « mon sentiment de bien-être est moindre/mieux »);
-impact sur les relations au sein du réseau social (3 items ; par exemple, « ma relation avec mes amis/ ma famille est moins/plus proche » ; « ma relation avec les autres est moins bonne/meilleure ») ;
-se sentir moins ou plus détendu/calme (2 items) ;
-être moins ou plus anxieux face au cancer du sein/« croire que je n’ai pas de cancer du sein » (2 items).
A tous les éléments de ces échelles sont attribuées 5 catégories de réponse possible : « beaucoup moins », « moins », « comme avant », « plus » et « beaucoup plus ».
Résultats
Six mois après le diagnostic final, les femmes ayant des résultats faussement positifs ont signalé des changements dans les valeurs existentielles et le calme intérieur aussi importants que ceux rapportés par les femmes ayant reçu un diagnostic de cancer du sein.
Trois ans après avoir été déclarées exemptes de cancer, les femmes avec des résultats initialement faussement positifs lors d’une mammographie ont systématiquement signalé des conséquences psychosociales négatives plus importantes que les femmes qui avaient eu des résultats normaux, et ce dans tous les 12 résultats psychosociaux.
CONCLUSION
Les résultats faussement positifs à la mammographie de dépistage causent des dommages psychosociaux à long terme.
Dans une période de 3 ans après avoir été déclarées indemnes de suspicion de cancer, les femmes présentant des expériences de faux positifs ont systématiquement signalé des conséquences psychosociales négatives plus importantes que les femmes présentant des résultats normaux.
Le premier semestre après le diagnostic final, les femmes avec des faux positifs ont signalé des changements tout aussi importants dans leurs valeurs existentielles et leur ressenti de calme intérieur que les femmes atteintes d’un cancer du sein.
Trois ans après un résultat faussement positif, les femmes subissent des conséquences psychosociales qui varient entre celles subies par les femmes ayant une mammographie normale et celles ayant reçu un diagnostic de cancer du sein.
[1] Salz T , Méta-analyses de l’effet des mammographies faussement positives sur les résultats psychosociaux génériques et spécifiques . Psycho-oncologie . 2010 ; 19 (10) : 1026 – 1034
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